S’il reste une espérance

En quelques jours seulement, il a fallu apprendre qu’un cardinal français ayant abusé d’une fille de quatorze ans était sanctionné d’une interdiction de célébrer la messe en public et de délivrer les sacrements, mais pas dans son diocèse de résidence, et seulement pour cinq ans. Il a fallu lire qu’aujourd’hui encore un prêtre condamné a pu être maintenu en paroisse et entendre l’un de nos évêques ergoter pour ne pas reconnaître qu’agresser sexuellement un garçon de treize ans relève de la pédophilie. Quelle brebis a besoin d’un berger qui ne sait pas reconnaître un loup ? Prend-elle plus de risques à aller seule ? D’ailleurs, face à cette déroute, un fidèle peut-il seulement se reconnaître aujourd’hui comme une « brebis » ? C’est peu de dire que l’autorité du clergé est atteinte. Prêchant la retraite précédant le synode, le frère Timothy Radcliffe l’a reconnu abruptement devant les évêques et les laïcs réunis : « la crise des abus sexuels nous a discrédités.» La colère serait encore bon signe mais c’est bien souvent l’indifférence qui se répand.

Et pourtant nous sommes encore là. Car, dans cette Eglise, nous avons aussi espéré que le corps et le temps qui enclosent notre vie terrestre ne soient pas la mesure de toute chose. Que l’existence ne soit pas qu’un hasard le disputant à l’absurde. Nous y avons un jour entrevu la beauté, qui « ouvre notre imagination à la transcendance, à la patrie à laquelle nous aspirons » (T. Radcliffe). Nous avons parfois cru voir la lumière de la vérité et distinguer le chemin. Nous y avons élevé l’espérance. Et tenez, ces jours-ci, chantant le Sicut cervus de Palestrina, j’ai entendu la voix de nos pères : « comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu ».

Cette expérience – cette espérance – ne vaut-elle pas que nous renoncions à l’indifférence ? Ne surpasse-t-elle pas nos désunions ? Certains abordent le synode avec des évidences. Il faut ordonner des hommes mariés, savent les uns. Les autres savent, eux, qu’il suffirait de prêcher les fins dernières. S’il existe des désaccords difficilement réductibles, si le sentiment de l’urgence nous raidit, reconnaissons que nous partageons dans notre humanité une même aspiration. Cela devrait être la première des évidences. L’esprit de parti, lui, trouvera naturellement sa place. Le Fr. Radcliffe soulignait que, déjà, la mère de Jacques et Jean espérait que ses fils trônent à la droite et à la gauche de Jésus et supplantent ainsi Pierre. Alors, sans naïveté, nous devons prendre au sérieux l’élan du synode ainsi restitué par Timothy Radcliffe : « si le Synode procède de la dynamique de la prière plutôt que de celle d’un parlement, il nous demandera à tous de lâcher prise, et même de mourir. Laisser Dieu être Dieu », et nous laisser guider par l’Esprit.


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3 commentaires

  • Difficile d’être joyeux comme nous le devrions!
    Merci pour ces mots au fond réconfortants.
    Bien amicalement,
    Jean-Francois Perrouty

  • Je vous suis depuis longtemps sans jamais commenter (Koz toujours, c’est son vrai nom ? Lourdes). L’homme est faillible, même si l’ordination aurait dû l’aider, ou le préserver, de tentations, Il y a des pratiques, des chantages, ou des « dominations spirituelles » qui me révulsent.
    J’ai travaillé en RH 35 ans. On peut vérifier certaines « tendances » au recrutement. Mes fils étaient à Stan. L’Eglise a pardonné et redonné une nouvelle chance à X. Et je l’admets.
    Mais au risque de manquer de charité, au fin fond d’une Trappe, jusqu’à la fin de sa vie, une fois purgée la peine de prison, me semble un minimum.

    • En ce qui me concerne, je ne l’admets pas. Ce n’est pas à l’Eglise de pardonner mais, si elles le souhaitent, aux victimes. Malheureusement, si l’Eglise ne s’était pas montré trop complaisante, laxiste sur ces questions, on pourrait mieux accepter une forme de « pardon ». Mais elle a été trop négligente pour être crédible. Je peux comprendre le raisonnement consistant à se dire que renvoyer un prêtre de l’état clérical est une façon de se laver les mains, puisque l’Eglise ne sera plus chargée du suivi ensuite. Mais je comprends aussi qu’il soit odieux de voir le prêtre célébrer, consacrer l’hostie (malgré toutes les notions que l’on a mises en place pour bien spécifier que ce n’est pas tel prêtre individuellement qui consacre). Surtout quand on voit les conditions posées en revanche pour en approcher concernant les simples fidèles.

      Bref, si l’Eglise veut être crédible, encore faudrait-il aussi qu’elle démontre que les sanctions qu’elle prend (quand elle en prend) sont suivies d’effet.

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