En avant, calme et droit

« Trump nous montre ce que nous devons redevenir : des loups. » Il en est ainsi du vagabondage sur internet : on y croise des idées insolites. A l’évocation desdits loups, moi, je songe à mon père, dans sa salle de bains, clamant d’une voix de stentor : « cessez de rire, charmante Elvire, les loups ont envahi Paris », de cette mélopée glaçante de Serge Reggiani, qui se termine sur ces mots répétés par huit fois, comme venus d’une mémoire traumatique : « les loups ». « Et si c’était une nuit comme on n’en connut pas depuis cent mille nuits. Une nuit de fer, une nuit de sang ». Nous avons un héritage que les Etats-Unis n’ont pas, une épreuve sur notre sol qu’ils n’ont pas connue, ces nuits qu’ils n’ont pas vécues. Nous avons une histoire. Une culture. Nous ne sommes ni des trappeurs ni des cow-boys, pas plus que des pétroliers texans. Dans dix ans ou cinquante, les Etats-Unis eux-mêmes auront peut-être honte du spectacle qu’ils inaugurent. Honte de la vulgarité d’un homme que toute sa fibre américaine conduit à penser qu’il peut troquer la souveraineté d’un territoire – le Groënland, un jour, le Canada le lendemain – contre des droits de douane. Nous sommes et pouvons revendiquer d’être la « Vieille Europe », comme Donald Rumsfeld croyait devoir nous appeler pour nous dénigrer.

Le ré-avènement de Trump nous tend certes un miroir. Mais c’est pour ajuster notre vrai visage, pas pour y chercher son reflet. Nous sommes l’Europe. Nous ne devons pas être de ceux qui méprisent ouvertement toute idée de vérité. Qui, à l’image de Trump ou de Musk, partagent sans scrupules des images mensongères, « ia-generated », parce que telles seraient les nouvelles règles du monde. Si tels sont les Modernes, autant rester Anciens. Nous sommes l’Europe. Nous ne pouvons pas être de ceux qui croient que la dignité d’un pays et de son peuple sont solubles dans une hausse des droits de douane. Nous sommes l’Europe et notre sol est parsemé de monuments aux morts, de cimetières civils et militaires, stigmates de politiques d’annexion. Alors oui, nous avons une histoire, une sagesse, des siècles de philosophie que nous ne pouvons brader dans la panique des errements américains.

Mais nous devons pleinement être l’Europe : tous nos efforts doivent être tendus d’une part vers l’incarnation de notre culture et, surtout, vers l’affirmation d’une souveraineté européenne, outre nos souverainetés nationales. Cela suppose la quête d’une souveraineté technologique comme l’acceptation du rapport de forces. Christine Lagarde, présidente de la Banque Centrale Européenne,  enjoint l’Europe à acheter du matériel militaire américain ; Ursula Von Der Leyen propose d’acquérir du GNL américain. Le Danemark négocie en sous-main avec l’équipe de Trump. Non seulement ils humilient les peuples qu’ils représentent, mais ils oublient qu’avec un caïd, on ne gagne rien à aligner les concessions spontanées.


Photo de charlesdeluvio sur Unsplash


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14 commentaires

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  • Merci M. Le Morhedec/Koz.
    Si seulement ce texte que je viens de lire arrivait sous les yeux de beaucoup d’entre nous qui ne lisent que le journal local ou, au mieux, les quotidiens nationaux ! On ne vous entend pas assez. Et quand on vous entend, j’ai des proches qui vous taxe facilement de réac ou, pire, affilié à la droite nationaliste. Pourtant, moi qui vous lis et vous entends (de temps à autre, et plutôt à RCF !), je suis convaincue de votre ouverture d’esprit et de coeur pour tous et, en même temps, de votre lucidité.
    Courage, continuez.

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    • Merci beaucoup pour votre message. Pour le reste, que voulez-vous, j’ai aussi des amis ou connaissances qui me considèrent trop progressistes. Il faut apprendre à tracer sa route, même s’il est malheureux que certains se contentent de leurs étiquettes.

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  • Bonjour,
    je suis surpris : « nous sommes l’Europe » répété comme un mantra nous positionnant au dessus moralement du fonctionnement de Trump. Une posture que l’on retrouve souvent chez les gardiens du « camp du bien », les gardiens d’une certaine morale. Au delà de la formule, je ne comprends pas à quoi cela renvoi. L’Europe ? ce truc administratif hors sol, cet hydre administrative qui ne sait qu’accélérer sa fuite en avant dans toujours plus de normes mortifères ?
    Non, je ne suis pas Européen dans ce cas. Et pourtant, mon histoire, celle de mon pays m’obligent. Mais non pas à regarder de haut cette facette de l’Amérique conquérante, pas à avoir des relations de basses compromissions avec elle, mais à relever les défis, à me frotter aux combats à venir. Sans faiblir, en étant de conscient de ce que je suis, ni plus et ni moins. Et sans compromission.

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    • Le mépris assumé de la vérité, la corruption, la tentative de sédition, la vulgarité revendiquée à l’égard des femmes, le recours à des prostituées, le mépris de la souveraineté des autres pays, la soumission brutale de tout rapport au pouvoir de l’argent, la bêtise crasse qui conduit à imaginer que l’on puisse traiter le Covid à l’eau de javel etc… Je ne cherche pas à me placer moralement au-dessus du fonctionnement de Trump. Ce fonctionnement est méprisable pour ceux qui sont ordinairement constitués.

      Pour le reste, je pense que vous devez pouvoir faire la différence entre l’Europe et l’Union Européenne. En faisant cette distinction, vous devriez mieux comprendre à quoi cela renvoie. Et je considère pour ma part qu’il y a de quoi être fier de notre histoire et de notre culture européennes.

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  • Beau texte, qui donne une marche à suivre souhaitable, mais pas forcément réalisable.
    Pour ce que je connais un peu, La Défense européenne est celle du continent et ne peut se passer du Royaume Uni. La Défense est d’abord la capacité de coopérer entre nations, et cela est déjà réalisé, grâce à l’OTAN et à ses procédures régulièrement mises à jour’ inutile de réinventer le fil à couper le beurre.
    Le matériel est une autre affaire, et il est illusoire de se passer complètement des équipements et techniques américains, constamment améliorés depuis la seconde guerre mondiale avec des moyens très supérieurs à ceux des européens. Il serait bon de nous perfectionner dans les domaines où nous sommes déjà bons ( lutte contre les sous-marins, défense aérienne, blindés…) sans renoncer, pour des raisons financières, á se procurer et à utiliser des matériels américains, en particulier pour les aéronefs.

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    • J’ai bien conscience que c’est difficile à réaliser et qu’il sera plus naturel à nombre de dirigeants d’aller montrer patte blanche à Washington. Mais c’est le choix de la servilité.

      Quant au Royaume-Uni, s’i ne fait pas partie de l’Union Européenne, il reste un pays européen, qui est un peu revenu de ses coups de menton brexitiens. Nous verrons s’il reste dans sa tradition atlantiste.

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      • Bien d’accord, á condition d’être réaliste, et aussi de savoir qu’il arrive aux États Unis de reconnaître les savoir-faire européens, quoique avec réticence ; on peut se souvenir de l’achat des bombes anti-pistes de Thomson, il y a longtemps, et de la construction en cours de frégates du type FREMM, dans leur version Fincantieri; ces quelques exceptions sont précieuses.

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  • Bien d’accord, mais la vieille Europe doit se reprendre en mains. Je pense que pour le Royaume Uni, c’est trop tard. Nous devons sortir de cette vassalisation américaine et que nous reprenions notre indépendance.
    Ce qui signifie : sortir de l’Otan pour commencer.
    Sortir des réseaux sociaux clivants et destructeurs car conçu et construits dans une culture qui n’est pas la nôtre, que les autorités de régulation fassent vraiment leur travail (pour la France on aurait de quoi à coup d’amendes de 10% et de 4% du CA Mondial) de redresser en partie nos finances, récupérer la TVA dans les opérations de trocs avec nos données personnelles et nos vies privées, que le RGPD devienne un vrai outil de protectionnisme et que nos industries numériques fassent et proposent des produits et services éthiques, que la CJUE fasse vraiment son travail et que le « Data Privacy Framework » saute exactement comme précédemment les Safe Harbour puis le Privacy Shield !
    Alors oui cela secouera la barque, nos usages et nos petites habitudes. Pour ma part je suis prêt, même mon smartphone n’est ni sous Android ni sous iOS.
    Si nous voulons être pleinement l’Europe, va falloir se retrousser les manches, à commencer par nos industriels et que notre Président ne soit plus un administratif de la Commission Européenne technocratique vassalisée. Et faire revenir « nos cerveaux » en France et en Europe.

    Malheureusement, l’Histoire n’en prend pas le chemin !
    Mais je reste optimiste quand même 🙂

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    • Saine ambition, assez peu réaliste. Il faudra éviter les ratages du type “plan calcul” qui, en dépit de ses ambitions, a conduit à une vassalisation presque totale de la France en matière de systèmes de traitement de l’information.
      Pour ce qui est de l’OTAN , ce serait une très mauvaise idée de quitter l’alliance qui nous permet de coopérer efficacement entre nous, en présence ou non de l’allié américain. Il ne faut pas confondre industrie d’armement et conduite des opérations: pour les équipements il faut effectivement essayer d’être plus indépendants, sans trop se faire d’illusions, en particulier pour ce qui est de la détection lointaine; un bon axe d’effort serait de disposer de capacités indépendantes de chiffrement de l’information, ce qui est loin d’être évident mais indispensable.

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  • « Pour ce qui est de l’OTAN , ce serait une très mauvaise idée de quitter l’alliance qui nous permet de coopérer efficacement entre nous, en présence ou non de l’allié américain »
    @Jean François Perrouty:

    ce n’est pas compliqué, mais mon constat est implacable. depuis que la France a intégré le commandement intégré de l’OTAN, la France n’est tout simplement plus entendue. Par personne. Par aucun pays.

    Commençons déjà par cette première étape pour une parole crédible !

    Pour le reste, saviez vous qu’à la tête de la division IA chez Meta c’était un français ? Alors arrêtons de nous prendre pour des mauvais dans le numérique (et en IA par la même occasion).
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Yann_Le_Cun
    Commençons par le faire revenir. Alors je préviens, cela va couter très cher. Mais nous n’aurons rien sans rien !

    Et pour le chiffrement solide de l’information, avez vous une clef GPG ? (d’ailleurs au passage je vous invite à trouver et lire le témoignage de l’un des avocats qui a défendu le développeur de PGP, Philip Zimmermann. C’est très enrichissant, permet de comprendre en profondeur les enjeux actuels, même si je ne partage en aucune manière les idées politiques de cet avocat. Son nom : Eben Moglen).

    Tout avocat devrait posséder une clef GPG 😉 Même si les clients n’en n’ont pas. Mais au moins ce serait une bonne chose au moins de proposer GPG pour assurer la confidentialité des échanges.

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    • Pas d’accord du tout pour la réintégration du commandement militaire intégré au sein duquel nous occupons des fonctions parfois importantes et exerçons des commandements tactiques de bon niveau, tout en apprenant à connaître nos alliés. Les décisions politiques et les magouilles bruxelloises sont autre chose.
      Pour avoir exercé des fonctions de liaison au sein d’un commandement OTAN avant la réintégration, je me souviens qu’il était pénible de se faire regarder de haut par un grec ou un turc, ce qui d’ailleurs était beaucoup moins le cas pour les relations officieuses avec les représentants américains ou britanniques d’assez haut niveau , disons O6 et au dessus, selon la nomenclature OTAN.
      Pour ce qui est du chiffre j’ai bien entendu utilisé des systèmes OTAN, parfois avec clef nationale, et aussi des chiffrements ou surchiffrements nationaux. À titre personnel j’ai utilisé une clef PGP dont je ne me sers plus depuis quelque temps.

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      • Pour le commandement intégré de l’OTAN : faut choisir. Pour ma part je maintiens ma vision des choses: depuis que nous avons intégré sous Sarkozy le commandement intégré de l’OTAN, nous avons désintégré une grande partie de notre diplomatie. Moralité la France est devenue inaudible parce que nous avons perdu à ce moment là un nouveau pan entier de notre souveraineté. Pire : nous nous faisons éjecter !
        Ensuite je ne confonds pas avec les « magouilles bruxelloises » même si comme le dit notre Pape François : « tout est lié » 😉

        Pour PGP, je pense qu’il faut oublier. Désormais c’est GPG 😉 J’en conviens: son installation et son paramétrage n’est pas des plus simples avec la problématique des clefs privées et publiques. Cela étant Thunderbird a fait pas mal de progrès sur le sujet mais oui… ce n’est pas encore cela. Bien entendu, on évitera le chiffrement offert dans la suite Office qui n’est pas en logiciel libre (du moins à ma connaissance) et qui fatalement n’est pas « auditable ».

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        • Bien entendu, je reste sur mes positions et considère que des forces armées prêtes à opérer ensemble sont plus importantes que des actions diplomatiques incertaines.

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  • « des forces armées prêtes à opérer ensemble  »
    En effet, je comprends mieux pourquoi l’armée française a fait le choix de Microsoft pour son informatique, ce qui au passage coute fort cher au pays et doit permettre très certainement d’assurer notre souveraineté.
    Il n’est pas possible de balayer la diplomatie au motif que son action serait incertaine.
    Je vais donc moi aussi camper sur ma position 🙂

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