Du Fromantin dans un monde global

Mondialisation : dans mon barème à moi, je garde un point bonus pour ceux qui évoquent les atouts et avantages de la France. La complainte éternelle lasse. Oui, les doutes, les craintes, et les délocalisations… On sait ! Mais on n’avance pas en soulignant les risques et les peurs. Risque et peur de l’immigration d’un côté de l’échiquier, risque et peur du chômage de l’autre, voire de l’immigration et du chômage de part et d’autre. Nul doute qu’électoralement, on recommande aux politiques de faire ainsi la preuve de leur proximité avec les Français. Double ration de pommade dans le dos : mais oui mais bien sûr, nous comprenons vos peurs, nous sommes avec vous et tenez, on les accompagne. Mais nos réserves, nos indignations et les fantasmes protectionnistes n’y feront pourtant rien : la mondialisation est là. C’est à nous de lui donner une autre couleur, à nous d’en faire non un mécanisme implacable et déshumanisant, mais une opportunité et d’y insuffler de la saveur, à nous d’en faire non une globalisation stérilisante, mais le cocktail de nos atouts.

L’enjeu est très actuel. On lit d’ailleurs que la présidentielle pourrait se jouer sur la mondialisation. Pourtant, comme l’écrit Jean-Louis Bourlange, juste après avoir précisément souligné qu' »un spectre hante l’élection présidentielle : la mondialisation » :

« C’est l’incapacité de notre société politique à assumer un discours cohérent sur cet inquiétant défi qui plonge l’opinion dans le désarroi, transforme les candidats potentiels en pantins désarticulés, fait monter dans un ciel livide le soleil noir de la haine et du refus. »

Jean-Christophe Fromantin (ci-après « JCF », hein) propose à cet égard un projet cohérent, international et national. Un gage de cohérence : son projet semble s’inspirer directement de ce qu’il est, un maire de Neuilly qui a aussi beaucoup vécu dans diverses villes de nos régions – Nevers, Chateauroux, Chartres, Dunkerque, Saintes, Strasbourg… – qui a passé plusieurs vacances à sillonner la France à vélo et un chef d’entreprise aux avant-postes de la mondialisation. Pendant des années, son activité a consisté à accompagner les PME dans leurs projets de développement international. Il a vu leurs faiblesses, et leurs atouts. Que l’on adhère ou non à son projet, que l’on trouve ses solutions suffisantes ou à construire, JCF a au moins cet « avantage différenciateur »-ci : son projet, c’est un peu lui-même. Pas un projet de circonstance, mais une vision incarnée.

Précisément, il insiste sur les « avantages différenciateurs » de la France. Inutile de vouloir jouer sur tous les tableaux : passons en revue nos atouts, ceux du territoire, ceux des hommes. Non seulement cela assoit la crédibilité de nos solutions, de nos projets, mais c’est également un facteur d’adhésion des Français. Il y a là une forme de transposition nationale d’un « connais-toi toi-même ».

« Pour atteindre son objectif de « requalification », la France doit repartir de ce qu’elle a à offrir, c’est-à-dire de tout ce qui compose son patrimoine. Bien sûr, quand j’évoque le patrimoine, je l’entends au sens large, comme l’ensemble de ce que nous avons développé et qui est profondément lié à la fois à notre culture, à nos valeurs, à nos savoirs et à nos territoires. (…) Serions-nous les leaders mondiaux de l’agoralimentaire si nous n’avions pas une tradition gastronomique et un savoir-faire agricole ? Aurions-nous d’importantes filières médicales, biomédicales et pharmaceutiques si nous n’avions pas été imprégnés de valeurs humanistes ? (…) Au coeur de ces enjeux, il y a nos territoires et tout ce qu’ils peuvent produire comme richesses. Si nous détruisons ce lien profond entre notre patrimoine et notre économie, nous risquons de perdre ce qui relie l’homme à son territoire. »

Un mot, donc, résonne dans l’ouvrage : le territoire, les territoires et évidemment, en premier lieu, les territoires français qui bénéficient d’une singulière diversité (comme il le rappelait d’ailleurs sur France Info). Et JCF ne voit que des avantages à la mise en place d’une « stratégie de reterritorialisation » – à distinguer de la décentralisation, qui laisse toujours entendre que la capitale dispense, magnanime, ses bienfaits – dont trois en particulier :

« Le premier avantage à mener une politique de reterritorialisation est de renforcer le sentiment d’appartenance [et donc, l’implication, NdM] »

« Le deuxième avantage de la politique de reterritorialisation est la valorisation des atouts d’un territoire , ou plutôt l’exploration en profondeur de ses atouts. Dans un numéro du Figaro Magazine de juillet 2010, un journaliste demandait à plusieurs personnalités étrangères pourquoi elles avaient choisi de s’installer en France. J’ai été surpris du regard qu’elles posaient sur notre pays, presque à l’opposé du nôtre (…) en quelques lignes était clairement résumé ce que les autres perçoivent et que nous ne percevons peut-être plus : la créativité, la qualité de vie, l’échelle humaine, l’équilibre… »

« Le troisième avantage de cette réhabilitation, c’est son caractère durable. (…) En partant du patrimoine, on mobilise la valeur de tout ce que la nature, l’histoire et la culture nous ont donné. On ne fait pas table rase de ce que nous avons; au contraire, on construit l’avenir en valorisant ce qui nous entoure. »

JCF envisage également le rôle du numérique, des nouvelles technologies, dans ce processus. Celui-ci permet à des PME, et notamment les plus petites parmi elles, de devenir exportatrice, là où une taille critique apparaissait nécessaire. Les différents outils (paypal, twitter, CMS divers) désormais disponibles à tous peuvent permettre de mettre en avant des productions bel et bien en lien avec leur territoire. Des infrastructures numériques, JCF passe aux infrastructures de transport et aux échelons de décisions territoriaux.

Pour être pleinement convaincu, je demande à voir davantage encore d’illustrations concrètes de l’efficacité spécifique du lien entre l’entreprise et le territoire, quoique l’idée me semble s’imposer comme une évidence. Mais le projet développé par Jean-Christophe Fromantin est intéressant par l’angle choisi, celui du territoire comme point de départ de la réflexion, par l’ambition, celle de combiner l’efficacité économique et l’efficacité politique, où l’efficacité économique n’est pas obtenue en niant les hommes, mais en recherchant leur implication et la reconnaissance du rôle de chacun, et par son optimisme lucide.

J’ignore si son chapitre final sera de nature à convaincre ces « indignés » qui siègent, ou tentent de siéger, à Bastille. Leurs visées politiques semblent plus proches d’une demande d’Etat-providence que d’un retroussage de manche. Néanmoins, aussi floues soient-elles encore, leurs revendications traduisent peut-être les sentiments latents de la jeunesse. Probable que celle-ci ait besoin d’un cap, dans la « tempête » de la mondialisation. Possible qu’elle trouve quelque écho à son exigence de « démocratie réelle » dans le parcours de Jean-Christophe Fromantin et son refus de voir scinder le « monde politique » de la « société civile ».


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35 commentaires

  • Puisse l’ex-maire de Neuilly s’inspirer du nouveau, puisque celui-ci tente effectivement de développer un projet « positif » pour la France, s’appuyant sur ses valeurs (les vraies, pas celles du FN), son patrimoine (au sens large), ses atouts (et oui, il y en a !) et prenant en compte les données de la mondialisation. Cela hissera le niveau du débat. Je ne sais pas si je serais d’accord avec le détail de toutes les propositions concrètes de Fromentin, mais j’approuve en tout cas sa démarche à 100%.

  • Une simple question, Colbert avec l’appui de Louis XIV a bien commencé l’industrialisation de la France , Napoléon III avec l’aide des Pereire et de Rotschild, a bien transfiguré la France ? Le début de la cinquième République a lancé le nucléaire, l’aéronautique et le spatial ?
    Tout ce ci découlait du ou des territoires ?

    Maintenant on parle de territoire, comme si les entreprises et les industries devaient être proches pour s’entendre. Vous dites que JFC parle du numérique, très bien… je ne vois pas justement à l’époque d’outils relativement simples en ligne comme Skype, Google docs, etc. pourquoi nous serions forcés d’habiter côte à côte pour travailler ensemble ? Un des privilèges du réseau est aussi de transcender les territoires pour atteindre les affinités et les compétences. Exemple, dans un département, vous êtes le meilleur joueur d’Echecs, et vous ne trouverez pas beaucoup mieux que ce dont vous avez à disposition comme meilleur joueur dans un club de la grande ville du coin. Sur l’Internet vous pouvez progresser et déployer votre talent

    Deuxième question, les politiques locaux, sont-ils prêts à reconnaître la compétence extérieure, obtenue par le réseau, qui vient s’incarner dans les jeunes locaux et qui ne font pas partie des familles d’édiles ? noooon ?

    Continuons à parler de l’information, en effet, j’aimerais savoir de quel oeil, maintenant qu’il est possible de diffuser des textes et des vidéos pour n’importe qui, les maires vont voir le développement de l’information locale ? Vont-ils devenir transparents, répondre à des questions politiques sur leur gestion locale et ouvrir leurs données ? qu’on puisse, par exemple, connaître sur quels critères telle ou telle entreprise ou association locale est aidée et en discuter sur un simple forum en ligne sans modération du pouvoir local ? avec en prime une toute petite reconnaissance ?

    Vous parlez de « retroussage de manche » peu probable pour les indignés, je veux bien, mais qu’offre-t-on à ces indignés, rien sinon « retroussez-vous les manches », avec des infrastructures bancaires qui ne prêtent qu’à hauteur du capital, un système de charges d’entreprises qui intègre le non-déclaré car il estime être toujours détourné ou volé. Nous parlons aussi d’un système français, qui a eu son heure de gloire, où la distinction entre grandes écoles et le reste avait une signification (maintenant l’information et les compétences sont dispos en ligne pour qui veut faire l’effort et cela ne va pas régresser), où la concentration du pouvoir politique, culturel, industriel et financier étaient entre les mêmes mains pour des raisons de rareté de la main d’oeuvre intellectuelle.

    Aujourd’hui, étant donné les changements de donne dans les autres pays, ils ne font pas la fine bouche, certes, et leurs espérances sont à la mesure de nos indignations , ce qui veut dire en fait que les indignations sont à la mesure du conservatisme.

    Cette reterritorialisation est attachante, en effet, faisons de la France une gigantesque Venise, qui montrera avec nostalgie les plus beaux éléments de sa gloire passée. Qui continuera à bien faire tout ce qu’elle a toujours bien fait.

    Ne réimaginons pas même une place dans le monde au moins équivalente, ne serais-ce qu’en optant pour une gestion plus libre etefficace du quotidien et la prise de risque associée que d’autres gouvernants en d’autres époques ont accepté.

  • Je n’imaginais pas que ce billet puisse susciter une réplique d’une telle virulence, d’autant que je ne vois pas très bien à quoi vous répondez. A ce que je retranscris de ce qu’écrit Jean-Claude Fromantin, ou à ce que vous n’avez pas envie de lire… mais n’est pas dans son livre ?

    La reterritorialisation, à ce que j’en comprends, ne signifie aucunement qu’il faille se trouver côte à côte pour travailler. Jean-Claude Fromantin a justement tout un passage dans son livre pour souligner que le web permet au contraire d’adopter une grande souplesse de travail au besoin même internationale, chacun pouvant aller chercher un talent à l’autre bout du monde, et associer ainsi divers talents dans un projet. Mais il souligne aussi que les talents seront d’autant mieux valorisés internationalement qu’ils prendront appui sur des atouts locaux identifiés.

    Faire de la France une gigantesque Venise ? Pourquoi ? Parce que la notion de patrimoine vous paraît nécessairement rétrograde ? Il y a des manières très modernes de valoriser un patrimoine historique, des valeurs anciennes, une culture intégrée.

    Je n’ai pas bien saisi le rapport, sinon, entre le propos de Jean-Christophe Fromantin et les problèmes de gestion municipale que vous évoquez.

  • Pingback: Mouvement MV2 » « Du Fromantin dans un monde global » sur Koztoujours

  • Ce n’est pas un discours rétrograde mais un discours conservateur. Ce n’est pas une position de bâtisseur pour soi et son propre pays. Si vous voulez vous positionnez pour la prospérité future, il y a tout à remettre sur la table, non pas de manière consciencieuse et appliquée mais être prêt à accepter que n’importe quelle aventure puisse remettre en question la vison de n’importe quel domaine acquis.

    Comme les êtres humains ne sont pas profondément bêtes. et qu’ils ont intérêts uniquement à une rénovation mesurée. Je crois que ce n’est pas par hasard qu’on se retrouve empêtré dans une problématique de leadership national, pendant un an, ni un hasard que les jeunes indignés ont l’air plus perdus que sûrs de ce qu’ils ont à proposer.

    Simplement, si vous croyez qu’on peut revitaliser une France qui perd pied, au travers d’une recanalisation de l’énergie d’une jeunesse dans des projets patrimoniaux, je pense qu’on fait fausse route.

    Tout comme au Moyen-âge ce monde est à bâtir, le seul ennui c’est que la forêt à défricher pour construire ce sont nos institutions, nos pesanteurs sociales, donc en grande partie notre histoire proche et lointaine. Si on doit pratiquer un réalignement du décorum social et statutaire avec le patrimoine historique,sans ouvrir les yeux sur ce que sont les enjeux du futur ; c’est sûr, c’est notre place qu’on cherche dans la mondialisation, bien au chaud, tel un musée ouvert au tourisme.

    C’est une plus une question d’attitude, de positionnement, que de solutions à appliquer, maintenant, on peut toujours continuer à faire des réformes et des plans quinquennaux. Demander aux provinces et aux jeunes de se bouger au milieu de projets déjà paramétrés et encadrés par un exécutif et un parlement de Paris. Ne soyez pas surpris que la plupart ne survivront pas à ce traitement d’obéissance.

  • Les désordres mondiaux actuels me font penser à la période prés-révolutionnaire en France. Le Tiers Etat prenait conscience des privilèges des deux autres classes minoritaires et commençait à bouger. Aujourd’hui, c’est tout une partie du monde qui réalise l’écart de richesse qu’elle connait vis-à-vis de l’occident, qui ne l’accepte plus et se révolte au travers de l’immigration ou de la guerre commerciale et monétaire. Alors la reterritorialisation dans l’hexagone pourquoi pas mais je crains que ce ne soit pas vraiment à la hauteur du problème.

  • Bonsoir,

    je suis toujours un peu sceptique par rapport aux decentralisations. Les politiques locales ne sont pas toujours de bonne qualite. Et il y a a mon avis un certains nombre de territoires en France metropolitaine qui ne sont pas viables, et que je trouve dommage de maintenir sous perfusion, d’autant que laisser certains territoires vierges d’occupation humaine a aussi des avantages ecologiques.

    Par contre, il y a un vrai probleme en France, l’absence de metropoles moyennes de 2 a 5 millions d’habitants. Pour moi, la « reterritorialisation », ce serait avoir une dizaine de ces villes en France ou l’on pourrait demenager sans s’inquieter de savoir si son conjoint trouvera un travail convenable. Aujourd’hui, meme a Lyon, Toulouse ou Marseille, c’est loin d’etre toujours le cas.

    Enfin, je suis bien d’accord que la France a de nombreux atouts, malheureusement pas toujours exploites: la France a ainsi des ports naturels exceptionnels, tres mal exploites. On pourrait aussi citer les opportunites enormes de transit de marchandise entre pays europeens si notre fret ferroviaire etait bien organise. Mais surtout, les Francais, quand ils arrivent a travailler ensemble, sont d’excellents ouvriers, ingenieurs, techniciens et meme vendeurs (il faut bien que notre talent de charmeur serve). Si l’on essaye vraiment (par exemple en arretant d’envoyer les plus brillants de chaque tranche d’age dans le service public), je suis sur que nous pouvons reussir.

    Le mal le plus profond est peut-etre par contre pour moi l’absence frequente de la notion de « fair-play » dans le travail en equipe et une meconnaissance crasse de l’economie.

  • @ Thierry Lhôte : malheureusement, il s’agit là d’un dialogue de sourds, Thierry. Sauf erreur de ma part et ambiguïté toujours possible, vous ne répondez pas à ce qui est écrit dans mon billet, et encore moins à ce qu’écrit JCF, qui est à des années-lumières de ce que vous reprochez.

    Hevé a écrit : :

    Alors la reterritorialisation dans l’hexagone pourquoi pas mais je crains que ce ne soit pas vraiment à la hauteur du problème.

    Il n’y a pas de raison de le limiter à l’hexagone. Maintenant si une révolution éclate vraiment, je crois que ce ne sera pas le seul « modèle » économique qui s’en trouvera bouleversé.

    Comme je pensais le laisser sous-entendre à la fin de mon billet, il y a d’autres dimensions, dans le livre de JCF, qui sont susceptibles de s’accorder davantage avec ces potentiels mouvements.

  • Ok Koz , no problemo, je n’ai pas compris, je m’en remettrais. 😉

    Je note une chose, le livre de JCF est à 18 euros sur Amazon, celui d’Arnaud de Montebourg (autre truc original mais à gauche) se situe à 2 euros.

    Rien qu’au niveau du positionnement du prix,on devine globalement à qui on s’adresse.
    Si on attend vraiment , aujourd’hui que les gens réagissent et s’informent, on ne met pas un travail politique à ce prix, ou alors au pire, on met une version en pdf avec des publicités insérées, disponibles sur son site.
    On ne peut pas discuter sans contenu ouvert.

    Il n’empêche que je trouve humiliant d’avoir à lire une critique sur un livre, et de m’y plier, tout en n’ayant aucun moyen de l’acheter. Et de passer pour pour quelqu’un n’y a rien compris tant que je ne l’ai pas lu. Mais manifestement, je ne peux que ravaler mon dépit qui d’ailleurs n’a pas de lieu d’être, puisque je sens que je suis dans l’impossibilité de faire partie du débat.

    je commence à comprendre, car ce n’est pas le premier signe, que le débat à l’UMP n’est pas au niveau des outils, que celui du PS globalement est déjà bordé et triste. Qu’on continue de se diriger dans des projets qui ne mettent en branle qu’une partie de la population qui crève de trouille d’être déclassée. Le reste, ils ont déjà compris qu’il fallait qu’ils baissent la tête ou qu’ils se replient sur une position avec un mutisme raisonnable et raisonnée.

    Autrement dit, tout va bien, croisons les doigts, prions par inspiration à la méthode Coué. Les 31% de 2007 au premier tour sont en vue.

  • Ok pour la reterritorialisation, c’est frappé de bon sens. Une remarque sur les « indignés », en conclusion de votre billet. Ok, dans chaque ensemble il y a des gens qui attendent que d’autres fassent pour eux. Mais dans l’ensemble, (et je fais le lien ici avec le contenu de votre billet), la notion du « remontez vous les manches » a un impact et une porté bien différents selon d’où on part, et c’est ce qui ressort des mouvements un peu romantiques de ces derniers temps.
    Parce que si la reterritorialisation est intéressante, encore faut-il pouvoir la faire. Parce qu’elle intéresse en premier lieu ceux qui sont en bas de la hierarchie laborieuse, pas les dirigeants d’entreprises pour lesquelles l’État fait beaucoup sous prétexte de « fleurons » alors qu’elles ne sont que symboliques au milieu d’un paysage économique autrement diversifié et proportionné.
    Bref, concept intéressant, proche des notions « équitables », mais impossible à mettre en œuvre tant que la politique de nos gouvernement reste orienté vers quelques bénéficiaires qui ont plutôt intérêt au contraire.

  • Je connaissais vaguement JCF, mais c’est vraiment par le biais de ce blog que j’ai appris le plus sur lui. J’apprécie donc qu’un nouveau billet lui soit consacré au sujet de son livre.

    Ce n’est pas pour rien que ses électeurs et ses administrés lui font confiance. Il ne sort pas du moule habituel (par ex. ENA) et il a un certain instinct qui lui fait réussir. Ce livre regarde les problèmes de la mondialisation sous un angle un peu différent, ce qui est assez rafraîchissant par rapport aux discours politiques actuels. Surtout ceux du parti socialiste.

    Un des aspects que j’admire le plus dans un politicien c’est qu’il connaisse bien son pays. Mais aussi qu’il connaisse le monde. On ne peut pas connaître tous les recoins de la France et encore moins ceux en dehors, mais une connaissance plus au moins correcte c’est un atout. Pour ces raisons, je lirai avec intérêt son bouquin et je donnerai suffisamment de crédibilité à ses propos. Je n’ai pas encore lu, mais est-ce qu’il sort vraiment des sentiers battus ?

  • C’est peut être développé plus avant dans le livre de Jean-Christophe Fromantin, mais il manque une notion d’échelle à cette idée de « reterritorialisation » pour en faire une stratégie claire. C’est quoi, un « territoire »? La région, le département, le pole urbain? Une notion multi-échelle du village à la planète entière?

    Sinon, cela consiste juste à dire que la géographie n’est pas une science morte à l’heure de la mondialisation, et qu’elle est évidemment aussi une science humaine. Rappel pertinent avec la perte de repères due à la mondialisation, mais pas non plus révolutionnaire. Et à tout prendre, du point de vue sémantique, je préfère les termes de « région », « pays » ou « terroir ». Je comprends que JCF a souhaité échapper aux connotations attachés à d’autres termes, mais « territoire » ça fait un peu défensif et fermé, justement. Du moins c’est comme ça que mon chien entend la notion.

  • J’ai du taf devant moi, je reviendrai donc sur vos commentaires un peu plus tard. Juste un point, Thierry : au vu du positionnement prix des livres de Martine Aubry, François Hollande, Olivier Besancenot, Benoît Hamon et même Arnaud Montebourg, je ne pense pas que celui de JCF soit spécialement anti-social. Je comprends la frustration qu’il y a à ne pas pouvoir lire le livre pour le commenter mais moi, ce qui m’étonne, c’est que tu partes de façon assez véhémente dans une critique de ce qui n’y figure pourtant pas.

  • @ Thierry Lhôte: Je ne sais pas où vous résidez, mais il doit se trouver en bibliothèque. S’il n’est pas dans la bibliothèque de votre domicile, vous devez pouvoir vous le faire envoyer par le prêt interbibliothèque. Je ne blague pas. Ça fait un peu années 50 d’écrire ça, je sais, et guère web 2.0, mais on a un réseau de bibliothèques municipales, en France, dont on devrait plus se servir. Les outils modernes ne sont pas forcément incompatibles avec les anciennes méthodes.

  • Neuilly est une des communes d’Ile de France qui offre en pourcentage le moins de logements sociaux et qui n’est visiblement pas perturbée par un afflux d’immigrés clandestins. Elle voit de la mondialisation son meilleur profil, celui qui permet aux entreprises du CAC 40 d’engranger des bénéfices en dehors du territoire national pour distribuer ensuite de copieux dividendes à leurs actionnaires.

    Par ailleurs cette commune, « la plus riche de France », sollicite l’aide des contribuables régionaux et nationaux pour améliorer encore plus la qualité de vie de ses heureux habitants. Je veux parler du projet pharaonique de couverture de l’avenue de Charles de Gaulle.

    Que son maire défende son territoire et les intérêts de ses électeurs est parfaitement légitime, mais de sa mairie si privilégiée et malgré ses voyages n’a-t-il pas du monde une vision un peu particulière ?

    (C’était juste une question impertinente pour faire réagir car je n’ai pas lu le livre).

  • Vous pouvez, vous pouvez, d’autant que JCF est plutôt méga préparé sur cette objection qu’on lui ressert naturellement à toutes occasions. Pour ce qui est de la couverture de l’avenue Charles de Gaulle, c’est vrai que les Neuilléens en seront les premiers bénéficiaires. Mais si l’on peut rétablir un axe entre les Tuileries et La Défense, plutôt que d’avoir une saignée à partir de la Porte Maillot, il me semble que cela dépasse l’intérêt des Neuilléens.

    Sinon, je crois JCF – pour l’avoir rencontré – authentiquement soucieux de l’avenir du pays et non de Neuilly, et capable de s’extraire d’une vision « neuilléenne » de la mondialisation. Au demeurant, ce n’est pas nécessairement dans les villes comme Neuilly-sur-Seine ou autres villes ne subissant qu’une immigration qualifiée, voire pas d’immigration, que l’on trouve le moins de « flippés » à cet égard. Je pourrais vous en présenter certains, qui vivent dans des quartiers hyper préservés, mais se montrent néanmoins très virulents sur cette question.

    Et puis, au bout du compte, à supposer que cela lui permette d’avoir une vision moins angoissée et plus volontaire, bon, ben, ok.

    fanette a écrit : :

    je le trouve délicieusement désuet. Et têtu.

    Il pourrait faire péter la cravate plus souvent, ok. Mais quand on voit ce qu’une droite prétendument moderne (mais lui vous dirait mieux que moi, et à raison, ce qu’elle recèle de vieille politique) nous propose, le désuet me plait pas mal aussi. D’ailleurs, moi-même…

    @ Vivien : il y a effectivement un développement relatif aux échelons de décision / gestion / politique nécessaires.

    @ Shimegi : je ne suis pas certain d’avoir bien saisi votre point. Ce que je reproche à ce que j’ai perçu pour le moment de ce mouvement (et je ne le rejette pas, j’observe : pour le moment, c’est un peu flou), c’est qu’il y a un petit côté réactivation de l’Etat-providence (retraites, protection sociale etc.) que je peux comprendre mais qui, dans son esprit, n’est pas extrêmement constructif. Cela donne un peu le sentiment qu’ils cherchent la protection plutôt que l’action.

    Pepito a écrit : :

    Je n’ai pas encore lu, mais est-ce qu’il sort vraiment des sentiers battus ?

    Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est la révolution mais c’est une approche différente, qui propose une certaine cohérence interne, impactant plusieurs dimensions. Sa conception du territoire n’est pas défensive, et il n’a aucun mal à se projet dans les échanges économiques mondiaux sur un mode assez ouvert, et ce projet doit aussi permettre, si je saisis bien, de recréer de l’implication chez les citoyens et de les remettre en « capacité politique » (ie capacité de s’exprimer et d’agir). Il me semble que l’on souffre beaucoup de ce sentiment d’impuissance politique.

    C’eût été moi (ben ouais, hein, je pourrais), j’aurais peut-être davantage développé cette question de la capacité politique (même s’il l’évoque dans les premières pages), et les ravages de l’impuissance politique des simples citoyens (ou du sentiment d’impuissance) pour souligner l’enjeu de son projet.

  • Koz a écrit : :

    Mais si l’on peut rétablir un axe entre les Tuileries et La Défense, plutôt que d’avoir une saignée à partir de la Porte Maillot, il me semble que cela dépasse l’intérêt des Neuilléens.

    C’est vrai qu’englober le seizieme arrondissement et le huitieme arrondissement de Paris au projet lui donne tout de suite une dimension sociale evidente.

    Cette anecdote mise a part, je ne comprend toujours pas tres bien ou M Fromentin veut en venir. Une entreprise est deja, dans la realite, integree dans le territoire ou elle possede ses activites, jusqu’a parfois des dimensions extremes: Montbeliard, c’est Peugeot, Clermont-Ferrand, c’est Michelin, Toulouse, c’est Airbus.

    Et pour l’instant, cette dimension locale n’est pas remise en cause: Meme les moyens modernes sont loin de remplacer le contact physique dans beaucoup de cas, en particulier quand il s’agit de sujets a composantes « humaines »: gestion, negociations commerciales… Je crois aussi que les entreprises perdent beaucoup en cas de demenagement significatif, une partie importante des employes ne demenageant pas avec l’entreprise (parceque la maison, l’ecole des enfants, le travail du conjoint).

    Bref, veut-on donner plus de pouvoir aux territoires, en particulier pour « negocier » avec les entreprises, a l’image des Etats-Unis, ou des etats peuvent decider par exemple de rogner sur l’education et la securite sociale pour offrir des conditions plus avantageuses ? Veut-on impliquer plus les entreprises dans la vie locale, par exemple en donnant un droit de vote a la chambre du commerce et de l’industrie sur certains sujets? Veut-on dire qu’il faut essayer de concilier intelligemment le respect des conditions de vie locales et le developpement economique, ce qui est deja souvent le cas ?

    J’avoue que je ne comprend pas tres bien, si ce n’est que M Fromentin, qui se bat contre un parti national, a interet a valoriser l’action locale, et qu’il cherche, comme toute la droite francaise, a faire une synthese entre conservatisme (respect du patrimoine…) et dynamisme economique. Sur les quelques lignes evoquees ici, je ne suis pas tres convaincu.

  • Joyeux acier a écrit : :

    C’est vrai qu’englober le seizieme arrondissement et le huitieme arrondissement de Paris au projet lui donne tout de suite une dimension sociale evidente.

    Si l’on se met à avoir des analyses marxistes de l’urbanisme… Il s’agit aussi d’un des axes les plus prestigieux et les plus fréquentés de France.

    Joyeux acier a écrit : :

    Cette anecdote mise a part, je ne comprend toujours pas tres bien ou M Fromentin veut en venir. Une entreprise est deja, dans la realite, integree dans le territoire ou elle possede ses activites, jusqu’a parfois des dimensions extremes: Montbeliard, c’est Peugeot, Clermont-Ferrand, c’est Michelin, Toulouse, c’est Airbus.

    Précisément, il me semble que ce sont des illustrations de son propos davantage que des contre-arguments. Le point sur lequel j’aurais en revanche besoin d’explication, comme je l’ai indiqué, c’est sur la nature du lien spécifique. En quoi, par exemple, le pneu est lié à l’Auvergne, l’aéronautique, à Toulouse ? Je ne suis pas sûr d’avoir bien saisi de quelle nature devait être le lien avec le territoire.

    Joyeux acier a écrit : :

    J’avoue que je ne comprend pas tres bien, si ce n’est que M Fromentin, qui se bat contre un parti national, a interet a valoriser l’action locale, et qu’il cherche, comme toute la droite francaise, a faire une synthese entre conservatisme (respect du patrimoine…) et dynamisme economique.

    Possible. M’est avis aussi que c’est conforme à sa nature et à ses convictions profondes. Je ne suis pas loin de penser également que, de la sorte, on peut obtenir un bon compromis entre efficacité économique, politique et sociale. Il me semble qu’il y a, en France et ailleurs, un sentiment fort de déclassement accompagné d’un tout aussi fort sentiment d’impuissance politique, face à des décisions qui paraissent prises par des organismes mal identifiés, non élus, siégeant dans d’autres pays. On peut en contester le bien-fondé, mais il me semble que la nécessité d’implication personnelle est dans la nature de l’homme, qu’elle est également une question de « bonne santé » d’une société.

    Il ne faut pas oublier que si une certaine partie de la population, aisée, de classe supérieure, se sent assez à l’aise dans la mondialisation, toute une autre partie n’en perçoit que des inconvénients, et n’est pas à l’aise du tout dans cette dimension internationale. On peut dire que c’est pas bien mais le fait est que c’est.

  • « En quoi, par exemple, le pneu est lié à l’Auvergne, l’aéronautique, à Toulouse ? Je ne suis pas sûr d’avoir bien saisi de quelle nature devait être le lien avec le territoire. »

    Pour ce qui est du pneu en Auvergne je ne sais pas. Pour ce qui est de Toulouse et l’aéronautique je pense que les raisons sont historiques. Relire les récits de Mermoz, Saint Ex, Latécoère etc… etc… quand l’aéropostale se met en place en directions de l’empire colonial africain et de l’Amérique du Sud. Si j’ai écrit une énormité je compte sur les lectrices et lecteurs de ce blog pour me corriger.

    Je peux affirmer par contre qu’en Lot-et-Garonne il y a des industries qui sont venues s’installer à cause des deux guerres mondiales. (Entreprises fuyant les lieux de combats)

    Une dernière anecdote il y a eu pendant longtemps à Casteljaloux, Lot-et-Garonne, des fonderies parce que le minerai de fer du Lot descendait le Lot par bateau, remontait un bout de Garonne puis l’Avance jusqu’à Casteljaloux où il y avait le bois et le charbon de bois pour alimenter les fours. Il y a eu aussi des fonderies parce qu’il y avait des fabricants locaux de machines à bois ( Ets Gillet) qui ont vendu à la France entière leurs machines à bois et à une partie de l’Afrique francophone et qui avaient besoin de fondre sur place les pièces de leurs machines.

  • @ Koz:

    « Il ne faut pas oublier que si une certaine partie de la population, aisée, de classe supérieure, se sent assez à l’aise dans la mondialisation, toute une autre partie n’en perçoit que des inconvénients, et n’est pas à l’aise du tout dans cette dimension internationale. On peut dire que c’est pas bien mais le fait est que c’est. »

    Je partage ce constat et y trouve une explication simple. La mondialisation, c’est l’ouverture à la concurrence mondiale des marchés des biens et services et la circulation sans barrières des hommes et des flux financiers.

    C’est une nouvelle donne qui fait naitre de nouvelles opportunités mais aussi de nouveaux risques. Certains (les forts) retirent de ces changements plus d’avantages et d’autres (les faibles) plus d’inconvénients. Un seul exemple, la valorisation du patrimoine foncier. Quand un Katari achète un immeuble à Paris tous les habitants du XVième voient leur capital se gonfler alors qu’à Sarcelles…

    Ceci dit, j’apprécie cette sympathique tentative pour redonner espoir à une France dépressive mais je n’ai pas compris non plus en quoi la reterritorialisation rendrait le « made in France » plus compétitif à l’exportation.

  • En fait j’ai compris, il regarde les territoires comme source d’un avantage compétitif pour la France.

    Il s’agit donc, tout au plus, dans ce cadre, de profiter d’un des aspects de l’Internet, c’est à dire le plus grand réducteur de coût de médiation commerciale depuis l’invention de la monnaie. Et de le joindre au business classique [important, ce n’est même pas sûr que cela soit son souhait, car pour l’instant les institutions françaises a travers des politiques montrent par lobbying une jalousie de leurs territoires acquis] .

    JCF est donc dans la réflexion d’un modèle néo-classique provenant de la période pré-2000.

    Cela me paraît bien maigre comme vision et tout juste suffisante. il s’agit d’un ajustement local à l’économie numérique. Il n’y a pas encore de prise de conscience de l’avènement du basculement de la sphère sociale dans l’économie.

    C’est ce que nous voyons en ce moment, la crise de l’éthique en matière d’affaire et de politique est si visible, qu’elle en devient insupportable aux populations. C’est à dire qu’on va voir de moins en moins la différence d’un ou d’une pitre en matière de comportement, avec une personne incompétente.]

    Que les opinionss réagissent comme elles le peuvent et en désordre pour l’instant : Tea Party, indignés, mouvement démocratiques en Afrique du Nord et Proche Orient ; le tragi-comique de l’histoire sera que les institutions (entreprises, gouvernements et ONG confondus) qui refuseront de reconnaître cette transformation finiront par s’écrouler ne serait-ce que part « irrelevance ».

    Ou alors, pour les pays en déshérence et repli touristique sur soi, elles se maintiendront avec la violence discrète du « soft power » inventé par Ben Ali. Mais jusqu’à quand et avec quel retard technologique à payer sur les autres.

    Les gagnants de demain et de manière durable seront les sociétés qui auront mis entre les mains du plus grand nombre la connaissance et le pouvoir, pour inciter le plus grand nombre de constructeurs de la richesse collective.

    JCF et la classe politique, sont ils prêts à se transformer demain dans les animateurs ou les facilitateurs de la prospérité tout en ayant sur le dos des commissions d’éthiques quotidiennes, c’est à dire que pas un seul des deniers du bien public ne soit investi dans le copinage familial, tout en perdant en plus leur droit de regard stratégique dans les sommes investies ?

    Chiche ? lol…

  • @ Hervé : je ne comprends pas que vous ne compreniez pas en quoi la requalification de la France dans la mondialisation, dans l’économie mondiale, au travers de ses atouts spécifiques, ce que JCF appelle les « avantages différenciateurs » puisse être de nature à rendre la France plus compétitive. Et je crois percevoir dans votre propos le fait que la compétitivité de la France, ça ne profiterait qu’aux riches. Je dois me tromper.

  • Koz a écrit : :

    Précisément, il me semble que ce sont des illustrations de son propos davantage que des contre-arguments. Le point sur lequel j’aurais en revanche besoin d’explication, comme je l’ai indiqué, c’est sur la nature du lien spécifique. En quoi, par exemple, le pneu est lié à l’Auvergne, l’aéronautique, à Toulouse ? Je ne suis pas sûr d’avoir bien saisi de quelle nature devait être le lien avec le territoire.

    Bonsoir,

    il y a pour moi différentes raisons à l’implantation locale d’une entreprise:

    • Il y a les ressources naturelles et la géographie: l’aluminium dans le sud de la France (le mot « Bauxite » vient des Baux de Provence) peut expliquer en partie le développement de l’aéronautique dans cette région. Il y a probablement aussi la volonté d’installer cette industrie stratégique loin de nos belliqueuses frontières du nord-est.

    • il y a aussi des savoir-faire dont l’histoire peut s’étaler sur des siècles: les japonais produisent le meilleur acier du monde depuis des siècles (leurs épées étaient les plus solides), et c’est toujours a peu près le cas maintenant. Ces savoir-faire ne doivent pas devenir des lauriers sur lesquels on s’endort: il faut sans cesse se moderniser: je crois ainsi qu’il reste peu de textile à Lyon, une ville qui a pourtant plusieurs siècles de traditions de tissage. Les mouvements sociaux, non maitrisés, peuvent complètement tuer des siècles de tradition.

    • il y a aussi probablement le caractère local, même si on en fait sans doute trop à ce sujet. Ce n’est cependant pas forcément une surprise si les italiens et les japonais, qui ont une longue histoire d’artisanat exceptionnel, sont encore aujourd’hui de très grands industriels.

    • il y a surtout la chance: il y a toutes les quelques années un entrepreneur hors pair qui a une nouvelle idée, et qui s’installera dans un endroit un peu par chance: Bill Gates à Seattle par exemple.

    • et puis le succès appelle le succès: si l’on est dans une ville qui comporte déjà des dizaines d’entreprises d’un secteur, il est plus facile d’en créer une nouvelle. La Silicon Valley est un bon exemple, mais il y a en Italie par exemple des dizaines de « clusters » qui se spécialisent dans un domaine.

    • Enfin, il y a une notion de ‘rapport qualité prix’: de nouvelles activités se sont ainsi installées dans le sud des Etats-Unis car ces états proposaient un des meilleurs « prix de revient » des pays développés.

    Mais une fois que l’on a dit tout cela, on n’en a pas fait une politique.

  • @ Koz:

    Ce qu’expose JCF c’est une déclinaison de la théorie de l’avantage comparatif décrite au XIXème par David Ricardo et reprise ensuite par tous les théoriciens du libre échange : « Dans un contexte de libre-échange, chaque pays, s’il se spécialise dans la production pour laquelle il dispose de la productivité la plus forte ou la moins faible, comparativement à ses partenaires, accroîtra sa richesse nationale ».

    Cette théorie décrit parfaitement la réalité. Appliquée à la France dans le monde aujourd’hui cette théorie met aussi en évidence des inconvénients pour les catégories sociales défavorisées. En effet, ce n’est pas dans les secteurs de l’industrie de main d’œuvre que la France détient son avantage comparatif, ce sont dans toutes les activités intellectuelles (scientifiques ou artistiques) apanage des catégories sociales aisées.

    Alors il ne faut pas s’étonner de voir le « tout » libre-échange de plus en plus contesté.
    Le Front National, adepte du protectionnisme, recrute de plus en plus chez les ouvriers, à gauche l’idée d’un protectionnisme au niveau de l’Europe progresse également.

  • JC Fromentin fait partie des rares hommes de droite (et de gauche, tiens donc) pour qui j’ai du respect.

    Son idée de reterritorialisation me renvoie à la conclusion du livre de mon ami Eric Dupin (Voyages en France) qui conclut sur cette observation reprise d’un précédent livre sur le même sujet, écrit par Simon et Jean Lacouture :

    « Nous n’avons découvert de gens heureux que dans ce qu’on appelle aujourd’hui le module modeste (communautés campagnardes, artisanats, coopératives horlogères, groupements agricoles) »

    (J’ajoute pour ma part qu’on doit pouvoir trouver/créer des modules comparables dans les villes, de faire que les mégapoles ne soient pas trop vues comme des mégapoles. Ça, c’est le travail des aménageurs…)

    Joyeux Acier parle de territoires de France métropolitaine qui ne sont pas viables, les imaginant avec intérêt se vider de présence humaine. J’espère qu’il ne pense pas à des endroits comme celui où sont partis vivre mes enfants : climat rude, désindustrialisation, casse accentuée du service public alors que les gens qui y vivent débordent d’énergie, d’initiatives et de solidarité. Il n’est pas près d’en avoir les clés 🙂

  • PMB a écrit : :

    Joyeux Acier parle de territoires de France métropolitaine qui ne sont pas viables, les imaginant avec intérêt se vider de présence humaine. J’espère qu’il ne pense pas à des endroits comme celui où sont partis vivre mes enfants : climat rude, désindustrialisation, casse accentuée du service public alors que les gens qui y vivent débordent d’énergie, d’initiatives et de solidarité. Il n’est pas près d’en avoir les clés 🙂

    Bonjour PMB,

    Je comprend parfaitement l’attrait que l’on peut avoir pour les régions rudes: j’étais en particulier tombé sous le charme des steppes d’Asie centrale dans ma jeunesse pour leur beauté et l’hospitalité des habitants. Se battre contre la nature « forme » effectivement le caractère. Par contre, la réalité est souvent différente de l’image romantique, et ceux qui fuient ces régions rudes pour s’installer en ville ne sont pas tous des imbéciles.

    Pour revenir à la France, je n’ai pas de problème avec le fait que les gens choisissent différentes vies suivant leur aspiration et leur caractère. Cela ne me dérange pas non plus que l’état aide en cas de coup dur ou d’accident.

    Par contre, il me semble profondément injuste que l’état « sponsorise » systématiquement des régions, souvent sous le prétexte de l’aménagement du territoire. Pour être concret, certains départements, en particulier du massif central, sont sous « perfusion » de l’état: dans certaines préfectures, 70 à 80% de l’emploi est constitué de fonctionnaires. On peut parler aussi des infrastructures, comme l’A75, seule autoroute gratuite de France (hors Bretagne), vide la plupart du temps. Je passe aussi sur la profusion de petits hôpitaux qui coûtent une fortune, et n’offrent d’ailleurs pas toujours un bon service. Nous nous préparons à un autre gaspillage massif avec les lignes TGV: seule la ligne Calais-Paris-Lyon-Marseille est rentable, pour Paris Strasbourg, on ne sais pas encore, et le TGV Atlantique est un gouffre financier.

    Tout cela serait seulement amusant si nous pouvions nous le payer, mais le pays souffre d’un chômage de masse directement lié à nos dépenses publiques trop importantes, et, de plus, plusieurs millions de nos concitoyens vivent dans des banlieues sous-équippées où l’état n’assure même plus correctement la sécurité. Alors peut-être que la mère de famille célibataire qui fait deux heures de bus pour aller à son travail de femme de ménage à la Défense est moins romantique que le producteur de fromage de chèvre du Larzac, mais pour moi, elle mérite autant d’être aidée, d’autant que dans son cas, la géographie n’est pas un obstacle insurmontable.

  • @Joyeux Acier,
    Le problème, et je pense pouvoir l’affirmer pour l’avoir vécu, c’est que la fermeture des petits hôpitaux, des petites écoles, des petits bureaux de poste, des petites perceptions, des petits bureaux EDF-GDF, des petites structures de la DDE, les suppressions de postes de fonctionnaires ne se traduisent pas par un mieux pour les grands hôpitaux, les grandes écoles, les grands bureaux de poste, les grandes perceptions, les grandes structures EDF-GDF, les grands centres DDE etc…etc… Pour ce qui est de la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse je suis d’accord avec ce que vous écrivez. Tout comme je suis d’accord bien sûr avec vous pour l’on facilite la vie de la mère de famille célibataire femme de ménage à la Défense. Mais par expérience je vous affirme que déshabiller Paul dans notre pays ne veut pas dire habiller Pierre.

  • Cher « Voix de gauche »,

    je serais assez d’accord avec vous sur le diagnostic: il est très difficile d’avoir en France une discussion rationnelle sur l’emploi de l’argent public, et les nécessaires priorités. Du coup, on se retrouve avec des gouvernements qui, suivant le moment, coupent sauvagement ou dépensent aveuglément. Là où nous divergerons sans doute, c’est sur les raisons de cet état de fait.

    Je suis personnellement convaincu que la réthorique des « acquis sociaux » de la gauche et des syndicats, qui fait croire que l’on ne peut jamais remettre en cause un existant, est la première responsable de cet état de fait.

  • @Joyeux Acier,

    Je suis d’accord avec la première partie de la réponse que vous me faites. Je ne suis pas d’accord avec la deuxième partie parce que la réthorique des acquis sociaux de la gauche et des syndicats n’a pas empêché leur remise en cause. Bon bien sûr vous me direz que cette remise en cause a pu se faire parce que la gauche et les syndicats n’ont pas été à la hauteur pour l’empêcher. Je me reproche personnellement effectivement de ne pas avoir toujours su mener les actions qu’il aurait fallu mener pour empêcher la casse à laquelle j’ai assisté dans mon métier d’instit de campagne au contact de paysans et d’ouvriers en voie de disparition. J’espère que les jeunes feront mieux que nous. La gauche et les syndicats sont à ré-inventer. Et je crois que c’est en train de se faire un peu partout dans le Monde.

  • @ jfsadys:

    Le terme « acquis social » me semble impropre et par la même un peu dangereux.
    Lorsque vous faites l’acquisition d’un bien immobilier et que vous avez fini de le payer, il est à vous tant que vous souhaitez le conserver, personne ne peut remettre ce droit en question.

    Un « acquis social » en va autrement.
    Une loi l’institue mais il n’a d’existence que dans la mesure où il demeure financé, ce qui n’est pas toujours possible dans la durée car nous sommes malheureusement sortis des Trente Glorieuses.

    Exemple la retraite à 60 ans.

  • @ Hervé:
    Si j’en crois ce que j’ai pu lire ici et là sur les blogs de La Croix par exemple une TVA sociale à un taux minime financerait les retraites, la sécu, le chomâge. Une toute petite taxe sur tous les produits qui viennent hors Europe cela doit être possible non?

  • @ jfsadys/voix de gauche:

    Je suis moi même partisan d’une TVA sociale mais restons réalistes, ce n’est malheureusement pas un jackpot :

    La TVA rapporte 130 Md€.
    Admettons qu’on augmente son rapport de 20% ( le19,6% passerait à 24% ) on gagnerait 26 Md€.

    C’est beaucoup mais comparé au 650 Md€ de l’ensemble des dépenses de sécu (maladie, viellesse, AT..), c’est peu.
    Comparés également aux 100 Md€ de déficit des finances publiques c’est peu également, sans parler du coût du chômage.

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