Clodogame a pourri Martine

Les animateurs de Clodogame ont nécessairement affûté leur discours. Parmi les meilleurs arguments de ce genre d’initiatives commerciales, il y a le fameux : « vous ne pouvez pas critiquer sans avoir joué ». Il se décline, pour un livre, en « vous ne pouvez pas critiquer sans l’avoir lu », pour un film, en « vous ne pouvez pas critiquer sans l’avoir vu ». L’argument a beau être rebattu, il est d’une habileté jouissive : (i) il cloue le bec de ceux auxquels leur répugnance ou leur désapprobation interdit de lire, voir, ou participer et (ii) il a cette vertu incroyable d’inciter vos détracteurs à accroître votre chiffre d’affaires.

C’est donc sans surprise que Jean-Baptiste Bertrand, rédacteur (un titre qui laisse songeur) chez FlarbFlut, société éditrice du jeu, utilise d’emblée cet argument, de façon un peu appuyée, parce que la cible du jeu ne se fait probablement pas remarquer par sa finesse intellectuelle : « C’est sur, on ne va pas mentir, ça fait de la com’. Mais la plupart des gens critiquent sans avoir joué. Je me suis même fait insulter! On entend tout et n’importe quoi… Le plus simple c’est d’aller sur le site et essayer »[1]. Vous aurez noté que le pauvre JB « s’est même fait insulter ». C’est vraiment pas cool, alors que le mec propose une initiative innocente. Bande de salauds intolérants. On attend déjà les Défenseurs Volontaires de la Liberté d’Expression : le type est manifestement brimé et en danger.

Pour vous épargner la peine de tomber dans le piège du « t’as pas joué alors camembert », je me suis inscrit.

Et ça commence assez fort. Pour ceux que l’utilisation du terme « clodo » (non, pas même le désormais inusité « clochard », hein : clodo) n’aurait pas suffisamment renseigné, vous avez droit à un charmant mail d’accueil en gris clair sur fond blanc, sauf la partie sur l’avertissement légal, qui est en blanc sur fond blanc, parce que c’est certainement plus marrant. A peu près aussi marrant que le message d’accueil intégralement en allemand. Après révélation[2], le texte est un peu moins lénifiant encore que la page d’accueil. Le programme est le suivant :

Salut, koz!
T’as bien fait de te pointer ici.
Tu vas faire tes premiers pas dans la dure réalité de la jungle des rues parisiennes.

Tu es un clochard sans talent à la Gare Montparnasse. Depuis ton arrivée sur le trottoir, des années se sont écoulées et tu as oublié la personne que tu étais autrefois. Mais tu as un objectif : devenir enfin riche.

Réapprends à écrire des textes inspirés afin de pouvoir attirer l’attention ! Apprends à jouer de la guitare pour impressionner les passants, achète-toi des animaux de compagnie pour apitoyer les gens. Procure-toi un sac à dos pour accumuler tes trouvailles, deviens un pick pocket hors pair et chaparde montres, portefeuilles et bijoux.

Deviens le clochard le plus talentueux de Paris et installe-toi à Versailles !

Pour le moment, j’ai cliqué sur une case qui me dit que j’ai un lieu de manche dans le 8ème. J’ai acheté un poisson rouge pour apitoyer les passants. Je ne peux pas encore attaquer les autres clodos, parce que je n’ai pas assez de points. Mais dès que j’aurai des points, comme je suis un clodo, je leur éclaterai la gueule pour leur piquer leur blé.

coinsLe site est bien buggé. J’ai déjà évoqué le message d’accueil en allemand et le mail en blanc sur fond blanc. Pour ce qui est de trouver un lieu pour mendier, vous accédez à la carte ci-contre. Là, j’ai cliqué sur les arrondissements de choix (8ème, 7ème, 16ème) qui, par bonheur, semblaient à vendre pour 0 €. J’ai mis un peu de temps pour comprendre qu’il y avait un filtre, pour afficher les « domiciles » et les « coins pour mendier », ensemble ou séparément. Il faut dire aussi que, sur ma carte, il n’y avait rien. Ce n’est qu’en cliquant frénétiquement comme un névrotique sur l’intitulé des filtres que j’ai entr’aperçu des images qui devaient probablement être des monuments.

J’ai ensuite voulu faire des « entraînements », qu’on ne me dise pas que je n’ai pas vraiment essayé d’incarner un « clodo ». J’ai cliqué sur « se perfectionner » à l' »attaque », parce que c’est le premier choix. Pour apprendre à faire de la musique, c’est tout en bas de page. Pareil pour apprendre à parler (les rubriques sont divinement intitulées) : c’est plus bas, aussi.

attaqueMais toutes fonctionnent sur le même mode. Donc, j’ai cliqué. Là (cf. copie d’écran, cliquable), s’ouvre une fenêtre qui ressemble à un gros capthca ou au résultat d’une observation de gamètes mâles au microscope et qui me dit « bitte klicke auf die Zahl ». C’est pas que je comprenne l’allemand, mais comme il n’y a rien d’autre à faire, j’ai cliqué sur les gamètes. C’est un jeu où on clique beaucoup. Pour ceux qui ne savent pas cliquer, ça doit être assez marrant. Après avoir cliqué aouf dizalle la première fois, une barre de progression s’est affichée. Rien d’autre. Juste une barre de progression. Et j’ai gagné un point. Un point seulement parce que, comme j’ai pas toute l’après-midi et que ça commençait à me gonfler sévère, j’ai essayé de voir si je pouvais pas m’entraîner aussi à la défense, mais non apparemment.

attaque2Après, quand j’ai voulu apprendre à faire de la musique, les gamètes sont revenues. J’ai cliqué aouf dizalle et là, y’avait quelque chose de changé sur l’écran. Une barre rouge, avec marqué dessus : « cliques (sic, mais on va pas commencer à chipoter sur l’orthographe) sur le cercle ouvert ». Sauf qu’il n’y a pas de « cercle ouvert ». Pas plus que de cercle fermé, d’ailleurs.

On est d’accord : il faut vraiment être des billes pour lancer un site commercial polémique aussi mauvais et pas fini (pourtant le site a déjà un mois). Mais attention, il ne faudrait pas y attacher trop d’importance. Les CGU, non actualisées depuis que le site est public[3], nous préviennent, en mauvais français :

« Il est important de noter que cette version n’est pas seulement là pour le plaisir, mais pour des tests stricts et réparation des erreurs de programmation, inexactitudes, et. [sic, mais on va pas chipoter pour une lettre qui manque] »

C’est donc très certainement le seul intérêt du site : trouver des erreurs de programmation et des inexactitudes. Parce que « pour le plaisir », c’est pas ça. Remarquez, pendant qu’on s’emm… à regarder défiler la barre verte, on peut toujours se faire une pute pub (cf. copie d’écran).

Parce que c’est bien là l’intérêt du truc : gagner de l’argent grâce à la pub, avec un concept un plus évolué mais à peine plus excitant que le domain parking.

Pour le reste, maintenant vous savez : vous pouvez critiquer le principe même, parce que moi, j’ai « joué ». D’ailleurs, sur le concept, Jean-Baptiste Bertrand nous dit que c’est un « jeu de gestion ». Ou comment faire passer ce jeu pour un truc intellectuel. En fait, c’est un « jeu de gestion » comme le Tamagotchi est un jeu de gestion sauf que là, le tamagotchi c’est un « clodo ».

Un autre argument de notre « rédacteur » – mais il rédige quoi, au fait, si le site n’est même pas traduit en français ? – est qu’il ne faudrait pas prendre tout ça au 1er degré : « Eh puis le jeu est un peu déjanté, le SDF peut partir sur la Lune… ». Ah, ah, on est bidonnés, là. Super concept ! Il peut aussi posséder une girafe, ou un hippopotame. Ouh mais dîtes-moi, Jean-Baptiste, vous ne seriez pas un petit coquin « un peu déjanté ». Hein ? Gröss rigolad, c’est ça ?

*

Donc voilà, maintenant, on peut le dire : le principe est répugnant et le jeu est nul. Son but est de maintenir des visiteurs captifs pendant les minutes nécessaires à ce qu’ils cliquent sur les publicités. L’utilisation du « ‘clodo » n’est destiné qu’à générer le buzz nécessaire[4] pour susciter des inscriptions.

Certains de ses partisans[5], bisounours sans le savoir, y vont du couplet : « le vrai problème, c’est pas le jeu, le vrai problème, c’est qu’il y ait des sdf dans la rue ». C’est que, quand les concepteurs du jeu les prennent pour des cons, ceux-là se prennent pour des philosophes. Eh ben, non, dugenou, c’est pas « main droite ou main gauche », devine quoi : il y a deux problèmes. Eh si.

Benoît Apparu, secrétaire d’Etat au logement, a réagi. Christine Boutin aussi. C’est toujours difficile de savoir comment réagir et si on doit le faire. Parce qu’on finirait par croire à un jeu involontaire : les concepteurs lancent le jeu en comptant sur les réactions outragées, et les outragés s’outragent et profitent ainsi de l’occasion de montrer qu’ils sont outragés. Faut-il alors vraiment s’indigner ? Probablement pas. Et j’espère que vous ne vous serez pas mépris sur mon sentiment : c’est du mépris, non de l’indignation. Clodogame, c’est un jeu pourri, sur une motivation minable.

Pour la bonne bouche, l’article du Post, singulièrement peu accrocheur, termine sur un burlesque : « en fait, vous êtes du côté des sans-logis ? ». On en hoquète de rire. Parce qu’en plus, ils nous la jouent philantropes.

Voilà. Ce billet devait être un paragraphe d’introduction sur la tribune de Martine Aubry et sa « civilisation de la dignité ». Ce sera pour plus tard.

Sale temps pour la dignité.

également publié sur rue89_logo

  1. La question était « Depuis vendredi, votre jeu est beaucoup décrié. C’est un problème ou ça joue contre vous ? ». On présumera que l’auteur de cet article voulait écrire « pour vous » et puis on passera []
  2. par surlignage []
  3. j’en déduis donc que, puisque je n’utilise pas la version bêta, mais la version publique, je n’ai souscrit à aucune CGU et ça tombe bien []
  4. et ne me dîtes pas que j’y contribue, comme s’il valait mieux que je la ferme, les gros medias sont déjà passés par là []
  5. on aimerait vérifier leurs IP, ceux-là, pour être sûr qu’ils existent vraiment []

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43 commentaires

  • La question « en fait, vous êtes du côté des sans-logis ? » est incroyable. Peut-être l’intention était-elle ironique ? Mais la réponse vaut aussi son pesant de cacahuètes:
    « Au début, une partie des bénéfices avait été reversée à des associations d’aide aux sans-logis. […] Pour l’instant c’est réservé à l’Allemagne, mais si le jeu marche bien en France, ça arrivera en France en toute logique. »

    Ce « en toute logique » implique que rien n’est en place pour ça et que le monsieur qui parle n’est probablement pas décisionnaire sur le sujet… bref, leur communication est aussi improvisée que leur traduction depuis l’allemand. Du boulot d’amateurs. Ce n’est pas une excuse, bien sûr.

    Et au passage, le nouveau secrétaire d’État se met au diapason de la com gouvernementale habituelle: indignation, condamnation, menace de poursuites, qui ne sera bien entendu jamais suivie d’effet.

    On peut ne pas aimer Martine Aubry. Mais elle ne méritait pas ça…

  • C’est vrai ça ! Pour affirmer que les amanites phalloïdes sont mortelles, il faut sans doute en avoir bouffé avant ? Mais en général, ceux qui l’ont fait ne sont plus là pour en parler… C’est peut-être le même principe avec les films, les bouquins et les jeux ? Heureusement que tu as survécu, finalement 😉

  • Koz a écrit:

    Sale temps pour la dignité.

    Et il n’y a pas que pour eux, quand tu vois les jeunes de la JOC (soi-disant catholiques), c’est du même ordre:

    Chaque joueur entre dans la peau d’un bourreau pendant la révolution française avec pour objectif de décapiter un maximum de nobles et satisfaire le peuple. Un jeu drôle et rapide qui mêle chance et stratégie.

    Vu ici, avant dernière page à droite.

    Le jeu s’appelle Guillotine.

    Tout un programme.

  • Prochain jeu pourri: « Clodogame-game »:

    « Salut, JB! T’as bien fait de te pointer ici. Tu vas faire tes premiers pas dans la dure réalité de la jungle des sociétés éditrices de jeux franco-allemandes . Tu es un rédacteur sans talent chez FlarbFlut. Depuis ton arrivée, des années se sont écoulées et tu as oublié de devenir une personne. Mais tu as un objectif : devenir enfin riche. Réapprends à faire de la com’ afin de pouvoir attirer l’attention! Apprends à dessiner une barre verte qui défile pour gagner de l’argent en maintenant des visiteurs captifs incités à cliquer sur les publicités. Achète-toi une image philanthrope pour apitoyer les médias. Procure-toi des partisans bisounours pour approuver tes trouvailles, deviens un concepteur outrageant, et profite de l’occasion de générer le buzz nécessaire pour susciter des inscriptions ! Et à la fin, installe toi …dans la rue, comme SDF ? »

  • Mort de rire.

    Si je peux résumé, c’est un peu comme labrute.fr, mais de mauvais goût, mal traduit, avec de la pub et buggé… eh bien je dois dire que ton billet nous épargne quelques précieuses minutes d’essayage inutile.

    merci !

  • @ do:

    Mes compliments pour cette parodie qui tape en plein dans le mille ! J’adore « tu as oublié de devenir une personne » ou encore « apprends à dessiner une barre verte qui défile… » 😉

  • @ Laurent de Boissieu: merci Laurent, j’adore quand les commentaires commencent comme ça.

    @ Polydamas: effectivement, ce jeu-là aussi est critiquable, effectivement c’est spécialement malvenu dans une revue catholique. Mais qui a dit qu’il n’y avait qu’eux ? Mais il y a eux, aussi.

    Le Antoine a écrit:

    Heureusement que tu as survécu, finalement

    Je ne suis pas resté longtemps « dans la rue », en même temps.

    @ do: on pourrait lancer le jeu, à finalité pédagogique. Un truc à l’attention des pseudos créateurs, de tous types de jeu, y compris à l’attention d’Endemol.

  • mise à jour : j’ai gagné 12€ en faisant la manche mais je reste invariablement « de mauvaise humeur et agressif ». Aucune action ne fonctionne, y compris le choix de « commettre un délit » (voler la dame pipi, braquer la sandwicherie). En revanche, la pub est bien présente, y compris sous des messages en allemand clignotants dans une police et une couleur identique au reste du jeu.

    On peut donc pleinement, et en connaissance de cause, considérer que c’est une démarche répugnante dont le seul but est d’accumuler du pognon grâce à la pub, en se fondant sur la polémique et en exploitant les pires clichés sur les SDF.

  • Koz a écrit:

    On peut donc pleinement, et en connaissance de cause, considérer que c’est une démarche répugnante dont le seul but est d’accumuler du pognon grâce à la pub, en se fondant sur la polémique et en exploitant les pires clichés sur les SDF.

    ce résumé semble parfait!

  • Je me méfie d’un jeu avec des messages en allemand clignotants. Combien de temps avant qu’ils sortent un jeu encore plus répugnant où, au lieu de guillotiner des Nobles, on …

  • @ Polydamas:

    Ah non, rien à voir. Guillotine est un jeu de cartes. Il n’y a pas de pub, pas de buzz sur Internet, pas de polémique calculée, pas de mise en situation de personnes réelles. Le jeu fait usage du thème révolutionnaire sur le mode de la satire, et la caricature y est plutôt gentillette. Le résumé que vous avez trouvé est un peu trompeur: il n’est pas sérieusement question de se mettre dans la peau d’un bourreau, et le jeu ne comporte pas d’éléments concrets en ce sens – les dessins, par exemple, sont tout sauf réalistes.

    Évidemment, vous pouvez vous offusquer de ce qu’on puisse trouver à rire en moquant la période de la Terreur. Tout dépend de la façon de faire, et de l’esprit dans lequel c’est fait. Dans le cas de Guillotine, il n’y a pas de quoi fouetter un chat.

  • @ Gwinfrid:

    C’est de l’humour ? Etant donné que je n’en ai pas l’impression, j’attends de voir ce que vous direz si fais un jeu de cartes sur les morts soviétiques ou de la shoah…

    Il y a un moment où il faut arrêter de tout justifier.

    En outre, si encore, je trouve choquant qu’il soit vendu, je suis encore plus choqué par le fait qu’il soit proposé par une officine officiellement catholique.

  • Bonsoir Koz,

    le jeu que tu as testé me semble mauvais, et je suis d’accord qu’il ne s’agit sans doute que d’un coup de pub pour faire de l’argent.

    Je me permets tout de même d’étendre le débat.

    Il entre toutefois dans une catégorie plus large de jeux violents et immoraux dont certains sont très bien réalisés: je pense en particulier à la série « Grand Theft Auto », où l’on est dans la peau d’un malfrat dans l’univers des gangs de Los Angeles. Si je me souviens bien, il est conseillé d’écraser les poussettes sur les trottoirs, cela rapporte quelques points. Dans une certaine mesure, les jeux de guerre (et il y en a un paquet) sont aussi violents et amoraux. Les

    J’ai l’impression que, pour des raisons irrationnelles, on tolère les jeux (et les films et les livres) qui « glorifient » le banditisme, ou d’ailleurs la guerre, alors que d’autres sujets sont « tabous ». Pourtant, le banditisme ou la guerre font de vrais morts et de vrais blessés, avec de vraies familles.

    Bref, je ne suis pas convaincu qu’un jeu bien fait sur le « monde de la rue » serait plus immoral que d’autres jeux (ou films ou livres) déjà existants et que tout le monde tolère. J’imagine d’ailleurs que cela pourrait être plutôt intéressant (et violent).

    Je ne sais pas trop où placer la limite ceci dit, et s’il faudrait interdire un éventuel « SimGoulag », ou « SuperPédophile 2 », voir « Inquisition Simulator ». D’un côté, j’aime bien me défouler sur des jeux plus « adultes » que SuperMario, d’un autre, je trouve les trois idées citées juste avant franchement abjecte.

    J’ai l’impression que tout cela est assez subjectif.

  • Polydamas a écrit:

    j’attends de voir ce que vous direz si fais un jeu de cartes sur les morts soviétiques ou de la shoah…

    Voilà précisément l’argument que j’attendais de votre part. Et ma réponse ne sera pas moins prévisible: désolé, mais ce n’est pas la même chose. Malheureusement pour les idées que vous défendez, peu de gens accepteront l’équivalence que vous cherchez à établir.

    Polydamas a écrit:

    Il y a un moment où il faut arrêter de tout justifier.

    Il y a un moment où il faut arrêter de tout condamner, et, en particulier, arrêter de mettre tous les crimes commis au cours de l’histoire dans le même sac que les grands génocides du XXe siècle. Faute de quoi on finira par ne même plus pouvoir jouer aux échecs – vous savez, ce jeu où s’entretuent rois et reines, et où l’on sacrifie des évêques (en version anglaise) ou des paysans (en version allemande).

    Polydamas a écrit:

    En outre, si encore, je trouve choquant qu’il soit vendu, je suis encore plus choqué par le fait qu’il soit proposé par une officine officiellement catholique.

    Pas de quoi fouetter un chat, là non plus. Tout au plus est-ce un problème de tact: il est un peu léger, si on a envie de faire la promo d’un truc, de se contenter de deux phrases lapidaires qui peuvent facilement être prises au premier degré.

    uchimizu a écrit:

    Bref, je ne suis pas convaincu qu’un jeu bien fait sur le « monde de la rue » serait plus immoral que d’autres jeux (ou films ou livres) déjà existants et que tout le monde tolère.

    Ce serait peut-être possible – pas évident, quand même. En tout cas, il y faudrait beaucoup de finesse. D’après le rapport que nous en a fait Koz, on en est loin. On retombe sur la discussion sur la liberté d’expression: on a le droit de dire n’importe quoi, mais on n’est pas obligé, non plus, de défendre le n’importe quoi comme si c’était la fine pointe de la liberté en marche.

  • uchimizu a écrit:

     Inquisition Simulator 

    Si c’est un jeu où l’on peut sauver Michel Servet du bûcher et envoyer Jean Calvin à sa place, je dois dire que cela pourrait m’intéresser.

  • @Polydamas,
    Juste en dessous de la pub pour « Guillotine », il y en a une pour le dernier album d’Orelsan… Apparemment JOC a un rapport au bon goût assez particulier.

    @Uchimizu,
    Il y a tout de même une énorme différence, c’est que GTA est un excellent jeu. Un jeu qui donne une liberté énorme au joueur d’évoluer comme il le souhaite dans un monde gigantesque et cohérent. Peut être un des 10 jeux qui ont marqué l’histoire du jeu video. Aussi, à ma connaissance, il n’y a aucune incitation à écraser les poussettes. Je suppose qu’on peut le faire (on peut presque tout faire, c’est un jeu réaliste) mais ça n’apporte rien d’autre que d’être pourchassé par les flics (un peu comme dans la vraie vie).

    Plus généralement, on a toujours simulé la violence dans les jeux. Les enfants dans une cour de récré jouent à la guerre ou aux gendarmes et aux voleurs. Ca n’a rien de choquant, c’est même plutôt sain. Rien d’équivalent avec Clodogame qui repose sur le mépris.

    @Gwynfrid,
    J’adhère globalement à votre réponse à Polydamas, mais je reste gêné par un traitement trop différencié entre la haine de race et la haine de classe. Pour sortir de l’ornière Godwin dans laquelle Polydamas nous a enlisé, imaginons un jeu « St Barthélémy » où le joueur incarnerait un catholique pendant les guerres de religion avec pour objectif d’égorger un maximum de protestants. Réagiriez vous de la même façon que face à « Guillotine »?

  • Ce débat me rappelle un jour où j’emmenais mon fils de 7-8 ans en voiture avec un copain, et où j’ai entendu mon propre fils, l’air de rien, parlant d’un jeu très connu par les enfants à l’époque -mais dont j’ai oublié le nom, ce n’est pas chez moi qu’il y jouait- qui disait à son ami, textuellement :
    « …ah oui, et puis il faut tuer les prêtres, aussi, parce que sinon ils nous convertissent!… »

    Je ne sais pas quel étrange « catéchisme » aura reçu cette génération, mais j’ai comme l’impression que ça ne produit pas tout à fait la même société que celle dans laquelle j’ai grandi, sans être par ailleurs attachée au passé.

    Pour moi, le problème, c’est que si on trouve qu’il faut (et je le crois) protéger la liberté d’expression, il faut absolument que ça s’applique à TOUT LE MONDE, et pas seulement à ceux à qui on ne l’aurait pas autorisé spontanément: si les chrétiens avaient le droit de dire, même dans un lieu public, même dans une école, le danger que représente l’occultisme, ce ne serait pas gênant qu’on propose des livres de sorcières, si les juifs avaient le droit de rappeler le génocide et d’exprimer leurs craintes au sujet d’une dérive sans se faire discréditer d’emblée par des points de Godwin, un jeu pourri sur la Shoah aurait peut-être moins de chances de marcher; si on permettait à tous d’entendre toutes les opinions, ça aiderait au discernement, et ces débats seraient positifs.

    Mais en France, aujourd’hui, il y a un « politiquement correct » qu’il serait malhonnête de nier, et des opinions ordinaires -pourtant longtemps majoritaires- conduisent au mépris voire au cynisme. D’où un glissement inévitable vers le pire… qui, lui, est protégé au nom de la liberté!

    La liberté d’expression, soit c’est pour tous, soit, si c’est juste pour un courant d’opinion, qu’il soit traditionnel ou contestataire, c’est pareil, c’est un leurre.

  • On a constaté dernièrement que les films avaient un impact important sur la vision de l’Histoire par les élèves, que dans une proportion non négligeable, ils ont tendance à croire de préférence le film plutôt que leur manuel d’Histoire. On voudrait nous expliquer que les jeux n’ont aucune incidence. A voir…

    Et quand bien même il n’y aurait pas d’incidence – parce que l’on me ramène à cette question ici comme chez Rue89, alors qu’elle ne figure pas dans mon billet – l’initiative qui consiste à se faire du blé en proposant d’incarner la misère reste méprisable.

  • Je comprends l’argument « la démarche est méprisable car elle compte sur le potentiel polémique autour d’un sujet social pour se faire du buzz et donc des brouzoufs ». En effet, l’éditeur du jeu exploite ici le sentiment de compassion ou d’empathie chez autrui pour faire du buzz en les choquant.

    En revanche, je ne vois pas en vertu de quel principe le fait même de « se faire du blé en proposant d’incarner la misère » est méprisable. D’autant que ce que vous appelez « incarner la misère » dans ce cas ne l’est pas vraiment (on n’incarne pas effectivement la misère en jouant dans son appart chauffé derrière son écran plat avec ses restes de Pizza Hut sur le coin de la table). Les ressorts du gameplay se fondent sur une situation « idéalisée » du clodo et ce fait ne constitue pas en soi une quelconque atteinte à la dignité (la dignité de qui d’ailleurs ?). Je conçois tout au plus qu’un tel gameplay puisse fausser la perception de la vraie misère chez les très jeunes, auquel cas le problème relève de l’interdiction ou pas de laisser jouer les plus jeunes à un tel jeu mais certainement pas d’une quelconque atteinte à la Dignité (‘D’ majuscule car je ne vois toujours pas qui a vu sa dignité bafouée dans cette histoire).

    Bref, le gameplay de principe ne pose à mon sens aucun problème, même si, eu égard à la qualité du produit, la discussion reste finalement académique puisque le « jeu » va très rapidement tomber dans l’oubli.

    Sinon, je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il n’est pas besoin de pratiquer une pratique pour être justifié à la critiquer sur des questions de principe.

    PS: Puisque vous êtes sensible à l’orthographe, je pense qu’on écrit « vous dites » et non « vous dîtes ».

  • Bon. Imaginons qu’il vous appartienne d’incarner un enfant africain en période de famine, qui doit trouver à bouffer. Ca ne vous chatouille même pas un peu, comme concept ?

    Jean-Jacques a écrit:

    PS: Puisque vous êtes sensible à l’orthographe, je pense qu’on écrit « vous dites » et non « vous dîtes ».

    C’est une intéressante remarque. Permettez que je la mette de côté pour la fois où j’écrirai « vous dîtes » ou « vous dites » dans un billet. Là, malgré mes efforts, je ne l’ai pas retrouvé.

  • Vous écrivez « dîtes » dans la note n° 4 de votre billet (OK c’est à l’impératif mais pour la 2e personne du pluriel, l’orthographe est normalement identique) ainsi que dans la phrase « Ouh mais dîtes-moi, Jean-Baptiste […] » du billet (idem, c’est à l’impératif).

    Sinon, « incarner un enfant africain en période de famine, qui doit trouver à bouffer » est un concept qui me chatouille en effet, et de manière tout à fait analogue aux cas « clodo ». Pourquoi ? Une auto-analyse rapide (et donc nécessairement sommaire; idéalement il faudrait une psychanalyse) me donne la raison suivante : en m’imaginant jouer à un tel jeu, pourvu qu’il soit bien réalisé, je me vois dans une situation où je prends un plaisir ludique en m’impliquant dans des mécanismes fondés sur une abstraction d’une situation de misère ; en même temps, n’étant pas indifférent face à la misère réelle, je ne parviens pas à m’abstraire effectivement de l’évocation de cette misère tout en prenant mon pied ; un tel hiatus ne manque pas de créer en moi un malaise d’ordre moral : comment puis-je prendre mon pied tout en me rappelant la « réalité réelle » de la misère en question ? Conclusion : je ne jouerai pas à un tel jeu, ne serait-ce que parce que mon plaisir y serait gâché. En fait seuls ceux qui seront relativement indifférents à la misère en question (quelle qu’en soit la raison) pourront y jouer en jouissant pleinement du gameplay.

    Mais je ne vois toujours pas le rapport entre ce « chatouillis » que vous évoquez et que je tente d’analyser avec la question de la « dignité ». Peut-être n’entendons-nous pas la même chose par ce mot ?

  • « Aussi, à ma connaissance, il n’y a aucune incitation à écraser les poussettes. Je suppose qu’on peut le faire (on peut presque tout faire, c’est un jeu réaliste) mais ça n’apporte rien d’autre que d’être pourchassé par les flics »

    Je n’ai vu que deux fois des gens jouer à ce jeu, mais apparemment, être poursuivi les « flics » et leur échapper, ou les dégommer avec des armes de plus en plus puissantes, constitue l’enjeu essentiel. A part çà, vous pouvez aussi tourner en rond dans les quartiers. Ca va 5 minutes…

    « …ah oui, et puis il faut tuer les prêtres, aussi, parce que sinon ils nous convertissent!… »

    Dans l’univers de l' »heroic-fantasy », « prêtre » désigne toute sorte de sorciers, magiciens, etc. Il y a des prêtres du bien et des prêtres du mal. Il n’y a pas vraiment de lien avec les prêtres de l’église catholique. Ou du moins, je n’avais jamais fait le lien dans mon esprit d’enfant. Tuer le prêtre d’une sombre secte avant qu’il ne vous convertisse (et que vous vous mettiez à clignoter orange), c’est un peu comme tuer un loup-garou ou un vampire…

    « si les juifs avaient le droit de rappeler le génocide et d’exprimer leurs craintes au sujet d’une dérive sans se faire discréditer d’emblée par des points de Godwin, un jeu pourri sur la Shoah aurait peut-être moins de chances de marcher »

    Il me semble que la parole des survivants est très respectée… et qu’il n’y a aucun jeu pourri sur la Shoah. N’inventons pas des problèmes qui n’existent pas!

    « Bon. Imaginons qu’il vous appartienne d’incarner un enfant africain en période de famine, qui doit trouver à bouffer. Ca ne vous chatouille même pas un peu, comme concept ? »

    Bof, non. Serait-ce plus malsain que d’incarner un chef d’armée, un bandit, un schtroumpf? « Incarner » n’est pas « mépriser ».

    Incarner un bourreau nazi dans un camp de concentration, ça oui, je serait d’accord pour dire que c’est malsain.

  • Liberal a écrit:

    imaginons un jeu « St Barthélémy » où le joueur incarnerait un catholique pendant les guerres de religion avec pour objectif d’égorger un maximum de protestants. Réagiriez vous de la même façon que face à « Guillotine »?

    Même genre de réponse qu’à Uchimizu: Je ne sais pas, ça dépend du résultat. A priori, ça me paraît impossible d’imaginer un jeu que j’aurais envie d’essayer sur un thème pareil (idem pour les thèmes suggérés par Uchimizu et Koz).

    Cela dit, vous avez cité GTA. Et il y a des tas de jeux basés sur des situations assez glauques dans le monde réel, et qui sont hilarants tout de même – voici un exemple.

    On peut faire le parallèle avec le cinéma: à première vue, il est inconcevable de faire rire avec un film sur Hitler. Mais Chaplin l’a fait. Encore plus inimaginable, faire rire avec un film qui parle de la Shoah. Et pourtant…

    do a écrit:

    Ce débat me rappelle un jour où j’emmenais mon fils de 7-8 ans en voiture avec un copain…

    Rassurez-moi, votre fils et ses amis ne sont pas pour autant tombés dans la délinquance ?

    do a écrit:

    Je ne sais pas quel étrange « catéchisme » aura reçu cette génération, mais j’ai comme l’impression que ça ne produit pas tout à fait la même société que celle dans laquelle j’ai grandi, sans être par ailleurs attachée au passé.

    À la génération précédente, les parents s’inquiétaient de l’influence néfaste du rock n’roll sur la santé mentale de leur progéniture. Pour protéger les jeunes esprits malléables, l’Église du Québec a exigé et obtenu dans les années 20 une loi qui a totalement interdit le cinéma aux moins de 16 ans. Attention aux chemins pavés de bonnes intentions…

    (Je dis ça, mais je ne prétends pas non plus que les parents devraient se laver les mains de ce que font, écoutent ou regardent leurs enfants, hein).

    do a écrit:

    si on permettait à tous d’entendre toutes les opinions, ça aiderait au discernement, et ces débats seraient positifs.

    Il me semble que nous avons ici une conversation positive, ou, à tout le moins, sereine. En ayant exprimé un désaccord avec Polydamas, je ne crois pas avoir en quoi que ce soit restreint sa liberté d’expression. Non ?

  • A la lecture des réactions, ici comme sur Rue89, j’ai quelques observations.

    Tout d’abord, je trouve qu’il y a des réactions préfabriquées. Je parle de ce jeu et l’on me répond qu’il n’est pas prouvé que les jeux aient une influence etc etc. Mais était-ce le sujet ? Ne peut-on pas tout simplement considérer que jouer avec la misère des gens, que cela ait une influence ou non, c’est déplacé ?

    C’est d’autant moins le sujet que si la question peut se poser de savoir si l’exposition à la violence peut inciter à la violence, il est « douteux » que l’exposition à la misère incite à devenir miséreux. Qu’en revanche, un jeu comme celui-ci soit marqué par l’absence de considération pour les sdf est une évidence et que le fait que l’on ait des jeux de ce genre relativise le caractère déplacé de la moquerie vis-à-vis des sdf me semble assez probable.

    Autre point : pourquoi citer GTA et les autres jeux du genre ? D’où peut venir l’idée que, parce qu’il y aurait déjà des jeux au bon goût très discutable, il n’y aurait plus rien à dire sur les autres ? Ne trouvez-vous pas très relativiste de considérer que l’on ne va pas se formaliser pour celui-là, juste parce qu’il en existe d’autres ? Et faut-il alors se montrer totalement intransigeants avec la première initiative pour que l’on ne vous oppose pas ensuite une tolérance ?

    Au passage, lorsque vous incarnez un délinquant, vous incarnez une personne qui fait un choix. A moins d’être de ceux qui considèrent qu’un sdf a choisi de le devenir, il me semble qu’il y a là une nuance qui n’est pas anodine.

    Et pour en revenir à la question ou non de son influence, ne peut-on donc plus se fier à une simple bienséance ou « décence ordinaire » – as U like – pour considérer que, non, on ne joue pas à la misère ? Notamment parce que l’on devrait la respecter et que ce qui est pris comme un jeu est une tragédie humaine pour ceux qui le vivent ? Est-ce par pur pinaillage, par esprit débatteur, qu’on en vient à devoir justifier l’idée que jouer au sdf, c’est indécent ?

  • Bonnes questions.

    Pour moi, les réactions sur Rue89 (et une ou deux ici aussi, peut-être) ont ceci de prébabriqué qu’elles soupçonnent automatiquement le critique de vouloir la censure du jeu. Ce qui n’était, sauf erreur, pas l’intention du billet.

    La question de l’influence du jeu sur le comportement des joueurs n’est pas le sujet, mais quand on parle de jeu vidéo, on finit toujours plus ou moins par mettre cette question sur le tapis, non ?

    Koz a écrit:

    Ne trouvez-vous pas très relativiste de considérer que l’on ne va pas se formaliser pour celui-là, juste parce qu’il en existe d’autres ?

    Relativiste, je ne sais pas (n’abuse-t-on pas un peu de ce mot ces temps-ci?), mais c’est mal raisonné. On doit juger la chose sur ses mérites propres. La comparaison avec d’autres jeux peut servir d’explication, mais pas d’exonération.

    À propos d’incarner un délinquant: depuis les gendarmes et voleurs de ma cour de récré, et sans doute depuis bien plus longtemps encore, beaucoup de jeux consistent à se mettre dans la peau, soit du criminel, soit du justicier (ce qui ne signifie pas que tous les jeux qui fonctionnent sur ce mécanisme sont automatiquement acceptables). Le problème avec Clodogame, c’est qu’il s’agit de se mettre dans la peau d’une victime. Pas très amusant. Alors la victime se change en criminel. C’est cet amalgame qui est choquant.

    Koz a écrit:

    e peut-on donc plus se fier à une simple bienséance ou « décence ordinaire » – as U like – pour considérer que, non, on ne joue pas à la misère ? Notamment parce que l’on devrait la respecter et que ce qui est pris comme un jeu est une tragédie humaine pour ceux qui le vivent ?

    Ce jeu-là ne respecte pas la misère – il la stigmatise en transformant le miséreux en délinquant – et il est donc indécent. Je ne crois pas nécessaire de généraliser a priori cette condamnation à tout jeu hypothétique qui parlerait de la misère. Pas nécessaire non plus de chercher absolument une idée de jeu sur ce thème rien que pour voir si c’est possible d’en faire un qui soit décent: ce ne sont pas les bons jeux qui manquent.

  • Gwynfrid,

    Vous avez raison. Ce qui choque, ce n’est pas le sujet, c’est la façon de le traiter. Choisir un sujet délicat impose d’user de délicatesse. Ce genre de subtilité a manifestement complètement échappé aux auteurs. Tortilla Flat est un excellent roman qui met en scène des clochards. Mais il y a du talent et pas de mépris. Tout le contraire de clodogame.

    (au fait, merci de m’avoir remémoré quelques parties épiques de « Junta »)

    Koz,

    Tu as raison de ramener le débat à la décence ordinaire. D’aussi longtemps que je me souvienne, mes parents m’ont appris qu’il ne fallait pas se moquer des infirmes, des malades, des pauvres des faibles… Si quelqu’un ne comprend pas ça spontanément, on ne peux pas le lui expliquer.

  • Certes, mais il ne faut pas avoir une vue angélique non plus du monde de la rue. Sans vouloir en aucun cas condamner des gens qui sont dans une situation difficile, ce n’est pas un secret qu’il y a beaucoup de violence entre sdfs: je crois que les vols y sont monnaie courante, et il y a aussi des histoires plus graves.

    Pour revenir à « Clodogame », je pense que s’offusquer sur ce genre de jeux qui mérite surtout un mépris silencieux, c’est aussi une façon de prendre une posture vertueuse qui ne coûte pas grand chose, et oublier dans le même temps de résoudre les vrais problèmes.

    Derrière les sans-abris français, et la crise du logement qui y en partie liée(principalement en Ile de France), il y a surtout une incroyable inefficacité de la planification urbaine: règles d’urbanisme trop restrictives (parce que les bons propriétaires, parfois chrétiens, ne veulent pas d’immeuble à côté de leur maison des Yvelines), transports en commun honteux (où les syndicats de la SNCF ont une certaine part de responsabité), et peut-être aussi le refus de construire des solutions de logement bon marchés mais salubres comme les habitations en préfabriqué (type baraque de chantier) qui ne coûtent pas grand-chose (j’y ai vécu quelques mois, c’est francement supportable). C’est de la bêtise pure que dans une agglomération comme Paris (qui a des champs de maïs à moins de 20km du centre ville), on manque de logement.

    Gwynfrid a écrit:

    Le problème avec Clodogame, c’est qu’il s’agit de se mettre dans la peau d’une victime. Pas très amusant. Alors la victime se change en criminel. C’est cet amalgame qui est choquant.

  • Gwynfrid a écrit:

    Il me semble que nous avons ici une conversation positive,

    Oui, bien sûr, je ne parlais pas d’ici, mais le débat, par exemple dans les écoles, est tronqué pour des raisons de neutralité et de laïcité, qui font qu’on n’a pas le droit de dire certaines opinions dès lors qu’elles « appartiennent » à une famille politique ou religieuse. Par exemple, le débat pour ou contre l’avortement est impossible, car connoté catholique, et des équipes de chrétiens qui interviennent non confessionnellement pour des informations sur la diététique (Pr Joyeux, cancérologue) sont interdites par des syndicats à cause de leur position dans d’autres lieux sur la contraception (notamment en ceci qu’elle est cancérigène); on fait dessiner des diables à des enfants, ou des sorcières, en les forçant s’ils ne veulent pas (j’ai vu plusieurs cas, en particulier d’enfants d’origine africaine, que ça faisait pleurer), mais on n’a pas le droit de dire que la sorcellerie pose des problèmes, car ce serait prendre position, etc ..et beaucoup d’autres choses.

    Ce qui me gêne, c’est surtout ce qui est contrôlé pour les jeunes ou pour les médias de masse. Après, dès qu’on ne dépasse pas un certain nombre de personnes, on peut dire ce qu’on veut. Mais des grosses quantités de gens sont piégés dans du prêt à penser. Ces gens là n’ont pas forcément les moyens de s’informer ailleurs (enfants, personnes âgées, personnes aux revenus modestes…). Mais c’est l’éternel débat sur la liberté: suffit-il qu’une poignée de personnes fasse quelque chose pour affirmer que tout le monde soit libre de le faire? si oui, les chrétiens d’Egypte sont libres d’exercer leur religion: il en faut une poignée pour le tourisme et pour pouvoir dire que le christianisme est respecté, le gouvernement tolère cette poignée… mais pas un de plus: les étudiants qui vont à la messe se font poignarder! (source: une amie rwandaise qui a fait ses études en Egypte)

    Gatien a écrit:

    Il me semble que la parole des survivants est très respectée…

    oui …tant qu’ils ne parlent que du passé.

    Gwynfrid a écrit:

    Rassurez-moi, votre fils et ses amis ne sont pas pour autant tombés dans la délinquance ?

    eux non, mais les violences contre les personnes sont en hausse de 4,3 % sur un an.

  • @ do:

    Je comprends plus ou moins votre propos, mais il s’éloigne trop rapidement du sujet, et dans trop de directions différentes à la fois, pour que j’essaie de vous suivre. Soit dit sans vouloir vous vexer.

  • @ gwynfrid

    non, non, je ne suis pas vexée.
    merci de la remarque, elle est constructive, je crois que vous avez raison, j’y veillerai. (les exemples concrets, c’est pour ne pas « asséner », mais un exemple ne démontre pas tout, et l’exposer peut être long. je tâcherai de réfléchir plus longtemps ou de commenter moins souvent).
    j’aime beaucoup vos interventions.

  • @ do:

    Merci du compliment, c’est réciproque. D’autant plus que vous faites preuve d’une humilité rafraîchissante, tant cette qualité est rare chez le commentateur de blog moyen. 🙂

  • Pingback: Revue de liens « Pensées d’outre-politique

  • Pas terrible comme critique, en connaissant le jeu on peux voir que tu est passé completement à coté.

    Que ça ne te plaise pas, certe, mais ne déclare pas que « c’est nul » uniquement parce que tu a cru qu’il fallait passer l’aprem à regarder la barre verte..

    En réalité il s’agit effectivement d’un jeu de gestion, et communautaire, pas mal concu et trés sympa.

    Quand au trés mauvais gout (assumé et 2nd dégrés) de la chose, j’ai envie de dire oui, et alors ??!

    Si au lieu de s’offusquer sur un ton superieur et suffisant, on demandait leur avis aux principaux interessés ?

    eh bien voila ce qu’ils en dise :
    http://fr.novopress.info/30021/clodogame-sarko-hors-jeu-communique-de-sdf/

    « Merci toutefois aux concepteurs du CLODOGAME : grâce à eux on reparle des SDF si souvent oubliés par notre gouvernement Rolex. »

  • Excellent commentaire, à la chute éclairante. Ceux qui s’expriment sur le lient que vous indiquez ne sont même pas des sdf mais les membres de l’association Solidarité des Français, l’organisatrice bien connue des « soupes au lard » destinées à écarter les musulmans de l’aide. Permettez-moi de ne pas être plus ému que ça de leurs éventuelles leçons de morale, mais plutôt amusé de voir où vous allez chercher les aficionados du jeu.

    L’idée que, de cette façon, on reparle des sdf est d’une hypocrisie qui ne mérite pas de réponse, pas plus que le fait d’assumer un « très mauvais goût » enlève à cette histoire son… très mauvais goût.

    Quant à la jouabilité du truc, si mes lecteurs se donnent la peine de s’inscrire, ils verront que mon compte-rendu est exact.

  • ah je ne connaissait pas cette histoire de « soupe au lard », effectivement ça la fout un peu mal..

    Pour le mauvais gout, je voulais juste faire remarquer que de l’humour noir ou des blagues grasses et de de mauvais on en trouve partout ! je sait pas, au hasard Groland à la TV ou les sales blagues de Vuillemin en BD..

    Sauf qu’en plus, là on est sur internet…le LULZ, 4chan, encyclopedia dramatica.. ça vous dit quelque chose ?
    Pas facile à expliquer, en gros il s’agit d’humour bien trash, une vraie religion pour certains « geeks », là vous en aurez des blagues de TRES mauvais gout qui parlent de shoa, nazi, pedophiles etc..

    Donc faire un procès à Clodogame parce que le jeu fait un peu de bruit dans les medias pourquoi pas, mais bon ça fait quand même sourire..

    Quand au jeu en lui même, effectivement vous décrivez le fonctionnement de base, mais comme dit plus haut c’est un jeu de gestion, et il y a de nombreux paramètres a prendre en compte pour faire évoluer son personnage, se battre, gagner de l’argent, acheter et gerer de nouveaux animaux de compagnie, « vivre en bande » et prendre des decisions ensemble sur le forum de la bande concernant les choix d’évolution pour le groupe, résister aux assauts des autres bandes… etc

    ces fameuses « petite barres vertes » doivent être lancée de manières réfléchies, la façon de gérer son temps ou son argent aussi, et bien sur il y a plusieurs manières d’arriver à ses fins, on peux choisir de devenir un bon collecteur d’argent ou un bon bagarreur par exemple, si la bande décide de fonctionner de cette manière..

    Enfin bref c’est un jeu d’une certaine profondeur, plutot interessant, quand à l’humour et l’ambiance, je vous accorde que c’est gras, bête et un peu mechant, et franchement j’aime bien !

  • Aprés avoir lu un peu les réaction j’aimerais ajouter quelque chose, on dirait que pour vous jeu video = pour les enfants, donc il ne faut pas faire de jeux video qui pourrait s’avérer malsain pour nos cheres têtes blondes.

    Et je suis entierement d’accord qu’un GTA c’est pas genial pour un enfant de 12ans.
    Sauf que vous oubliez un détail important, sur la boite il est écrit « interdit aux moins de 18 ans »

    Donc c’est aux magasins de ne pas vendre n’importe quoi à n’importe qui, ET SURTOUT AUX PARENTS de faire attention à quoi jouent leurs enfants, de la même manière qu’ils ne les laissent pas regarder n’importe quel film.

    Aprés au niveau de la difference fondamentale entre un jeu ou un film, je ne crois vraiment pas « qu’incarner » soit plus dangeureux que « s’identifier ».

    Le probleme est simplement là, aprés passer 2h à faire des course-poursuite dans GTA, n’est pas plus idiot que de passer 2h à regarder Bruce Willis sauver le monde..

  • joueur et chef de bande de clodogame depuis debut sept (presque 2 mois de jeu donc), je me permet d’apporter un morceau d’avis.
    la trentaine personnellement, ça n’est pas un jeu joué par les enfants… la majorité a de 18 à 35 ans !

    j’entends parler de jeu de gestion à propos de Clodogame mais ça va bien plus loin que ça….
    c’est un jeu de guerre avant tout (comparable dans l’ambiance à un Ogame…)!! avec des techniques bien particulières, de la diplomatie, de l’espionnage, de la gestion de pack de guerriers, de la communication et gestion en temps réel pendant la guerre, des informations/données circulant etc…

    un coté tres subtil, les points generaux gagnés ne refletent pas la réelle puissance de combat, donc les biens placés au classement peuvent etre accessibles s’ils n’ont pas monter correctement leurs Stats!

    clodogame un jeu ou les soi-disants plus forts sont no 1 ? non ! un jeu ou l’intelligence et tactique prend le pas.
    un jeu ou on est libre de parler comme bon nous semble grossierement par ex, car personnage roleplay totalement décomplexé !! oui !
    c’est tres bon et ça fait du bien !

    le coté clodo n’est plus qu’un support et bcp moins utilisé en RolePlay qu’au début (pour bcp debut sept)
    Mais il faut bien dire que ça fait du bien de bugler comme un gros alcoolique guerrier en tout liberté (et oui c’est un éxutoire), ce qui ne peut pas etre du gout de chacun et tant mieux après tout.
    chacun son chemin, nous on n’est pas sur « barbie et ken land » =))

    Le respect envers les clodos réels n’a rien à voir la dedans (virtuel/réalité). de simples rappels à l’ordre se font en cas de débordement et tout se passe bien.

    ET cela peut déboucher sur des actions réelles… car d’un groupe humain formé dans une communauté peut découler des motivatons personnelles ou groupées
    [un ex: en proposant une irl, des joueurs ont eut l’idée de récolter des tickets de metro (action du jeu) en reél et de les donner à des assoc aidant les sdf.]

    jamais je ne jouerai à un jeu de nazis par ex… mais un jeu me faisant penser (avec bon sens et humanité) à la misère présente au bout de ma rue, oui sans soucis .

  • Je ne peux évidemment pas discuter de l’évolution du jeu. Comme le dit ma chère Martine, une certaine « ordinary decency » me tient à l’écart de ça. En revanche, je trouve particulièrement éclairant le portrait que vous dressez : « un gros alcoolique beuglant« , certes « comme un guerrier en toute liberté« . Je crois que c’est assez précisément l’image que des associations se tuent à défaire. Et c’est bien l’image que véhicule ce jeu.

  • bien évidemment la perche tendue fut prise à ce que je vois =))
    donc n’oublions pas: « un jeu ou on est libre de parler comme bon nous semble car personnage roleplay totalement décomplexé !! » c’est bien ça le plus important à retenir et à comprendre !
    chacun le fait comme bon lui semble, chacun a son style particulier…
    Oubliez vos comparatifs à la vie réelle, c’est un jeu virtuel. Les associations pour la défense des sdf sont totalement hors sujet. Chacun son rayon. l’un le jeu, l’autre l’action directe sur le terrain. l’image d’un sujet est a mettre dans son contexte non ?

    Mon avis sur les clodos réels n’a rien à voir avec mon avis sur un simple jeu. il est pourtant simple de faire la différence. les extremes font partie intégrante des jeux videos, pc, internet etc depuis bien longtemps !
    Qui s’est offusqué de la sortie des FPS « wolfenstein » (jeu ou l’on voit et peut jouer des nazis..)? pas grand monde apparemment…
    Qui s’est offusqué de la sortie d’un jeu de voiture « burn out » (jeu ou l’on doit crasher volontairement son vehicule afin de faire des carambolages)? pas grand monde non plus …
    etc bien entendu la liste peut etre longue.

    ps: je defend mon plaisir.. 😉

  • Bon faudrait arrêter de se prendre au sérieux sur un jeu qui n’a aucun impact néfaste sur la perception que l’on a des clodos, ni sur la perception qu’ils peuvent avoir d’eux même.

    C’est par contre hypocrite de penser que notre société cherche à éradiquer le concept de clodo.
    La seule chose qui peut se passer ici c’est que les gens pensent un peu plus aux clodos, et à leur condition, et au fait que c’est un problème que personne ne souhaite résoudre au nom de la liberté de mouvement de tout un chacun.

    Autrement dit on ne forcera jamais un clodo à dormir dans un centre fait pour l’héberger en France, et ca arrange bien tout le monde de les laisser dans leur condition.

    Perso je joue a clodogame pour défoncer des clodo et gagner des images en gros, mais c’est pas pire que de passer son temps à jouer au démineur, qui soit dit en passant ne fait réagir personne alors que l’Europe ne se gène pas pour déverser des armes dans les pays pauvres.
    Jouer à Caesar, joueur à Total War, jouer à Fallout, joueur à Duke Nukem, joueur à Myth, à warcraft en ligne, je ne vois pas la différence de jugement que l’on est en mesure de porter sur des jeux qui pourraient tous être sujet de polémique débile et inconsistante.
    Ce sont d’ailleurs ceux qui refusent la réalité telle qu’elle est qui sont les premiers à venir faire le buzz de leurs démons…(à méditer pour toute la merde déversée à la télévision)
    Le seul sujet de polémique ici c’est le fait qu’on puisse à un moment donné choquer les âmes dites sensibles auxquelles ont rappelle que le clodo est un être social bien vivant au même titre que le pilote de F117 qui va dégommer des irakiens, mais on aime être le pilote car c’est biieen d’être un pilote, et que c’est juste cool de se voir dans la peau d’un héros tel que ceux qui ont le pouvoir veulent le faire voir…

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