Aux agneaux immolés

agneau

Telle est peut-être la seule vision que nous devons avoir, constamment devant les yeux, dans ces affaires. Ce qui doit guider nos réactions et éliminer toutes considérations parasites pour ne plus voir qu’une seule chose : ces enfants abusés sont l’agneau immolé. Ils sont au-delà de l’innocence : ils sont le Christ. Si ce n’est clair d’emblée, n’oublions pas ceci : « ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites ». Je ne pense pas utile de choquer en détaillant ce qui a été fait aux plus petits d’entre les siens, ce qui donc Lui a été fait. Mais allons au-delà : tout ce que nous faisons aujourd’hui, ou ce que nous nous abstenons de faire, c’est à Lui que nous le faisons ou à Lui que nous le refusons. Nos déclarations malvenues sont une blessure pour eux et, s’il nous faut cela pour réaliser, elles sont donc une blessure infligée à Lui aussi. Ils ont été immolés une première fois – et j’assume le parallèle avec le « sacrifice » que célèbre le prêtre à chaque messe. Ils le sont encore quand nous ne les entendons pas, quand nous minimisons leur souffrance. Et c’est alors, avec eux, la Vérité qui est immolée. Pouvons-nous le supporter ?

Nous devons écarter de notre horizon ces considérations parasites, quand bien même elles ne seraient pas totalement fausses. Oui, il y a chez certains une forme de harcèlement et chez d’autres des comptes à régler avec l’Eglise. Non, le traitement n’est pas toujours juste, et nous n’en sommes pas dupes. Mais ainsi va le monde. Et ces dernières semaines nous ont donné trop d’illustrations d’inconséquences au sein de l’Église pour ne pas en être bousculés. Nous devons avancer comme munis d’œillères, pour ignorer entre autres les positions absurdes de ceux qui devraient savoir « garder le silence »[1], pour ne garder comme seul horizon les victimes, enfants ou aujourd’hui adultes. Pour que « nos pensées vont d’abord aux victimes » ne sonne pas comme une formule creuse au détour d’un communiqué.

Pourquoi ce billet, à l’heure où il serait plus positif peut-être de parler des mesures mises en place par le diocèse de Lyon, et de la reconnaissance, par le cardinal Barbarin d’erreurs commises dans la nomination et la gestion des prêtres ?

Parce que la journée d’hier à Lyon a aussi été marquée par deux déclarations de prêtres qui m’ont laissé à la fois profondément abattu et en colère. La tentation est là de faire le dos rond, d’espérer que ces déclarations passent inaperçues, qu’elles soient isolées. Je n’ai pas passé une très bonne nuit mais, pensant cela, j’ai pensé aux victimes qui ont pu en prendre connaissance : elles n’ont certainement pas non plus passé une très bonne nuit, et ne passent pas une bonne journée aujourd’hui. En ce qui les concerne, il est évident que ces propos ne leur sont pas passés inaperçus. Lisant et entendant ces déclarations, je ne leur en voudrais pas de vouloir quitter l’Église ou de haïr les prêtres – quand bien même je continue d’aimer à la fois l’Église et les prêtres. Mettre en cause les victimes dépasse l’entendement. Blaguer sur le viol d’enfant, de surcroît dans ces circonstances, laisse totalement interdit. Venant de la part de prêtres, c’est une vraie douleur. Je ne peux que penser à toutes les victimes de pédophilie, victimes de prêtres ou non, qui reçoivent ces mots comme un autre coup de poignard, venant agiter le fer dans une plaie à vif, et raviver les questions qui précisément les tourmentent. Manquer à ce point de la plus petite compréhension et du sens le plus élémentaire de l’empathie est effarant. Ces deux prêtres gagneraient à lire ces articles que La Croix fait paraître, sur la mémoire du corps, sur l’écoute, ainsi que ce témoignage utile d’une victime.

Ces affaires ne peuvent qu’interroger aussi sur la figure du prêtre. Les actes pédophiles, d’abord. Leur gestion, ensuite. Ces déclarations, enfin. Sans vouloir résumer la personne et la vie de ces deux prêtres à deux propos d’une bêtise abyssale, cela interpelle tout de même sur la figure d’un prêtre pasteur et soutien dans le discernement. Puis-je attendre ce soutien d’un prêtre qui se montre capable de tels propos par ailleurs ?

Je veux dire aussi que, manifestant hier sur mon profil Facebook personnel, ma colère et ma tristesse devant ces nouvelles déclarations, une dizaine de prêtres a immédiatement réagi – sur la page ou par messages privés – pour dire leur propre indignation, colère, tristesse, honte et même humiliation à la lecture de telles déclarations. « J’en pleure » m’a écrit l’un d’eux. Parmi tous ceux qui ont réagi de manière adéquate, je note, dans le même article, celle du Père Franck Gacogne, l’intervention de l’abbé Grosjean, ou encore la dénonciation d’une « culture du silence » par le Frère Hervé Ponsot dès le mois de janvier dernier. Je n’oublie pas non plus ces quelques éléments statistiques un peu dérisoires mais pas inutiles pour autant[2]. Je ne fais aucun amalgame, si tant est qu’il soit besoin de le préciser.

Mais je ne peux m’empêcher de penser que certains décisions aberrantes d’affectation ou de maintien en poste, pourtant prises par des personnes sensées et bienveillantes par ailleurs, trouvent une part d’explication dans une vision mal ajustée du prêtre, tendant à voir en lui une personne sainte par avance, dont la conduite diffèrerait par nature de celle d’un autre homme. Je note d’ailleurs que l’École française de spiritualité a spécialement développé une conception forte du sacerdoce, insistant sur le prêtre « alter Christus ». Mon ignorance en la matière m’interdit de m’aventurer plus loin dans un sujet dont je constate qu’il a déjà, de longue date, donné lieu à de profonds débats et études. Mais pour autant, intuitivement, on imagine assez que la vision d’un prêtre « autre Christ » est profondément mise à mal par les actes commis, comme par les déclarations de nos deux prêtres. Et l’on peut imaginer en revanche que cela a maille à partir avec le silence gardé par les témoins, par les familles des victimes et les victimes elles-mêmes.

Il y a peut-être ici une nécessité de porter un autre regard sur les prêtres. A titre personnel, je ne pense d’ailleurs pas que celui-ci déprécierait le prêtre. Dans sa vie quotidienne, faut-il penser que le prêtre est meilleur que les autres… ou plus exigeant que les autres, envers lui-même ? Faudrait-il croire que ses engagements ne relèveraient pour lui d’aucun sacrifice, parce qu’il serait différent par nature ? Je n’ai pas moins d’affection ni d’admiration pour celui qui, potentiellement affligé des mêmes tares que la moyenne des hommes, offre sa vie pour les autres et même pour les emmerdeurs, dans la rigueur du quotidien, ou pour ces prêtres qui ici ou ailleurs côtoient la mort, la maladie, la drogue, la misère, la guerre par amour pour leur prochain et pour le Christ. Peut-être même ce regard nous inviterait-il davantage à suivre le prêtre comme un pasteur sur le chemin de la sainteté, plutôt qu’en le plaçant à part des autres hommes ?

Ce n’est qu’une interrogation personnelle. Mais peut-être ce changement de regard nous préserverait-il du risque d’oublier que, dans l’affaire, le seul alter Christus, c’est l’enfant immolé ?

  1. en voilà un qui, pour le coup, gagnerait à développer une « culture du silence » []
  2. vous les trouverez au milieu de ce vieux billet : plus de 98% des cas de pédophilie sont commis dans le cercle familial et les prêtres sont près de quatre fois moins concernés par la pédophilie que la moyenne des hommes et, dans une acception large de la notion d’abus comme de la notion de mineurs, la part d’abuseurs varierait de 2% des prêtres à 8% des hommes []

30 commentaires

  • Remarquable billet, remarquablement construit. Le seul Alter Christus, c’est l’enfant immolé.

    Et surtout, personne n’est a priori saint, personne n’est a priori bienveillant. Seuls comptent les actes.

    Peut-être que les préjugés positifs sont finalement aussi nocifs à la société que les préjugés négatifs.

    A réfléchir.

  • Magnifique. Certaines déclarations très récentes m’avaient assommée, ça va m’aider à reprendre pied.

  • Chapeau pour ce billet qui remet les choses dans l’ordre correct de priorité.

    Déception grave à l’égard de ces prêtres qui, maladresse ou inconscience, ne montrent pas l’exemple, c’est le moins qu’on puisse dire. Il y en a qui, vraiment, devraient apprendre à fermer leur foutue grande gueule.

    L’article du Progrès est éclairant lorsqu’il explique qu’il y a « d’un côté les «négationnistes» et de l’autre les «Savonarole» ». Le réflexe de négation ou de minimisation est celui, classique, de toute organisation placée sur la défensive. En cela, l’Église est bien une organisation humaine, constituée d’hommes appelés à la sainteté, et non pas saints par défaut.

  • « Mettre en cause les victimes dépasse l’entendement. »: je crois que ce prêtre ne met pas en cause les victimes, mais les témoignages qu’il entend. il se demande si c’est vrai ou inventé. il pose la question de la cohérence du témoignage non pour enfoncer des victimes mais pour vérifier si c’est des victimes ou pas. c’est pourquoi, à mon avis, cette phrase suit la phrase qui parle du harcèlement et du procès qui est fait avant la justice. moi non plus je ne mettrai pas en cause des victimes avérées, et certaines le sont car ce prêtre a je crois avoué, mais je peux comprendre qu’une personne mette en question la véracité de certains propos quand on voit l’instrumentalisation qui en est faite. moi même, le compte twitter de la parole libérée m’a un jour répondu en disant que j’avais tweeté une chose alors que j’avais écrit exactement le contraire. depuis ce jour, je suis convaincue qu’il y a du mensonge dans cette affaire, qu’il soit pathologique ou volontaire. c’est trop facile d’accuser quelqu’un de n’importe quoi comme Mgr Barbarin 25 ans après des faits auxquels il ne pouvait rien changer, on a besoin de certitudes avant d’accepter de pourrir la vie de quelqu’un de plus. le seul véritable combat qui me semblerait sincère serait celui contre la justice pour supprimer la prescription. mais elle est déjà de 20 ans + 18 ans, comment retrouver des preuves? ensuite, il reste aujourd’hui 200 viols par jour (de femmes, ça semble moins émouvoir certaines personnes, désolée de le souligner, et les blagues sur le sujet sont légion : http://www.europe1.fr/societe/une-fresque-murale-dans-une-salle-de-garde-fait-polemique-2347705 ! ) avec 98% de non lieu car on ne peut pas prouver le non consentement (bien sûr, les adolescentes adorent avoir des relations sexuelles à 20h dans un parking en sous sol avec un parfait inconnu brutal ! ) et il n’y a aucune indignation collective ni aucun combat pour que « ça ne se reproduise plus jamais ». alors moi , là, je trouve un peu étonnant que les propos de tel prêtre, certes sans doute pas hyper recherchés, mais les journalistes savent aussi en provoquer, soient un sujet d’indignation au milieu de tout ça. un flic chargé de recueillir la plainte, ok, c’est plus grave, mais un type complètement en marge de tout, il a bien le droit de douter. à mon avis il en a même le devoir. si effectivement ces enfants ont eu cette attitude, ça pose question, on est en droit de se demander si c’est classique en psychiatrie ou si c’est une invention. moi j’ai une amie dont le frère a été au coeur d’une affaire de ce type dans un internat, mais lui n’a jamais été ennuyé car les surveillants avaient compris qu’il parlerait: donc oui, ces pédophiles là choisissaient leurs victimes parmi un public déjà vulnérable. c’est des vraies questions. qu’on devrait jamais poser devant un journaliste, ça c’est certain, comme beaucoup d’autres propos, mais c’est des questions très ordinaires. surtout si le prêtre est un peu vieux et qu’il n’a pas grandi avec ces sujets. alors non, pour moi l’indignation c’est pour le viol, les violeurs, les sociétés qui les fabriquent, les politiques qui les soutiennent, parfois la justice qui les libère on ne sait pas pourquoi alors qu’ils sont encore dangereux, mais là je comprends un peu qu’on ne peut pas savoir, mais mon indignation sera sûrement pas pour un type qui dit une connerie entre la poire et le fromage parce qu’il ne se rend pas compte ou même peut-être parce qu’il a peur qu’on vienne un jour l’accuser d’un truc faux qu’il ne pourra pas démentir.

  • Le parallèle sur l’alter christus est faux mais l’idée est bonne. Le prêtre est alter christus dans l’action eucharistique et non pas dans la vie de tous les jours. Cela n’a donc rien à voir théologiquement avec son comportement.

    Il reste qu’il est scandaleux et ignoble que celui qui est l’alter christus dans l’action eucharistique attaque sexuellement un de ces petits. Il attaque effectivement le Christ en faisant ça, et là je rejoins votre propos.

  • Merci pour ce post.
    Oui il y a des prêtres fautifs et ils doivent être condamnés par la justice civile mais aussi vaticane. En aucun cas ils ne doivent rester en paroisse et les échanges de « brebis galeuses » entre diocèses ne devrait pas exister. Je souhaite même qu’ils ne soient plus prêtres, ils peuvent rester frères dans un monastère.
    Oui le traumatisme des victimes ne pourra jamais être effacé. Ils et elles auront perdu à jamais la confiance spontanée que l’on serait en droit d’attendre d’un pasteur.
    Les deux prêtres qui ont fait des commentaires plus que déplacés, doivent être aussi sanctionnés et pas seulement en leur demandant des excuses.
    Je garde ma confiance en l’Église, qui n’est pas représentée par ces tristes individus.

  • Merci Koz pour ce billet, bienvenu pour ne pas verser dans un écœurement et une révolte profonde.

    Comme le pointe Gwynfrid, l’Église est une organisation humaine, mais cette tentation persistante d’en protéger la réputation, parfois en osant tout, me laisse pantois.

    Quant à votre réaction, Do, je ne la comprends pas. L’attitude de ces deux prêtres est fondamentalement problématique. Et la relativiser tel que vous le faites dans le début de votre message me paraît hors de propos. Ce qui ne retire rien au drame du viol, en aucune manière.

  • Cette affaire aura retourné le couteau dans la plaie dans tous les sens (malheureusement pour les victimes aussi). Je pense qu’il faut s’en réjouir pour l’Eglise (pas pour les victimes). C’est le grand retour de la notion de responsabilité de notre péché dont les conséquences ne peuvent s’effacer avec la seule absolution mais qui demandent un engagement et une conversion sincère pour réparer le mal commis. Acceptons l’humiliation avec persévérance et du bien viendra de tout ce mal.
    J’attends plusieurs fruits de cette malheureuse histoire. La connaissance que des pulsions sexuelles non chastes peuvent détruire des vies. Le besoin d’accueil total des victimes et pas seulement par l’écoute. Une meilleure reconnaissance pour nos prêtres des difficultés de leur ministère et le besoin intrinsèque pour l’homme de vivre en communauté pour l’aider à surmonter d’éventuelles faiblesses. Le besoin de prendre le taureau par les cornes le plus vite possible (dès la tentation dans l’idéal) pour éviter les effets désastreux du péché.
    Demandons à nos prêtres de nous parler du péché et comment le combattre efficacement.
    Oui nous avons payé nos erreurs, nos renoncements, nos aveuglements et la cabale médiatique n’est rien en comparaison de ce qui nous attend si nous n’avons pas une conversion sincère et une haine absolue du péché.
    Je crois que c’est le seul moyen d’apaiser la douleur extrême des victimes. Qu’ils puissent voir une Eglise déterminée à protéger les faibles et qui retrouve la saine recherche de la haine du péché.
    Combien de confesseurs demandent de réparer les péchés commis ?
    Voilà ce que nous devons faire. Réparer et payer. Attaquer les causes du péché sans sourciller est la seule méthode efficace pour détruire les structures de péché qui continuent de pourrir l’Eglise du Christ et la cité.
    Nous sommes en bonne voie pour la pédophilie. Il faut continuer les efforts et les étendre à d’autres structures de péché.
    Imaginez ce que va se prendre l’Eglise quand les médias vont découvrir les horreurs de la pornographie, des infanticides néonataux et bien d’autres domaines atroces et que nous n’avons rien fait ou presque contre ?
    Le péché est mortel lorsqu’il n’est pas combattu.

  • Deux remarques:

    1°) Chaque science a une pertinence limitée.

    • La psychologie a pour objet l’étude du psychisme humain et permet la psychothérapie qui a pour but de soulager les souffrances psychiques des hommes. Je crois juste le discours des psychothérapeutes que vous citez. Oui les victimes des pédophiles sont en souffrance psychique aigüe et ont droit, dans le cabinet de leur psychothérapeute, à être écoutées de manière empathique, ce qui s’apprend professionnellement et ne s’improvise pas. Les soignants n’ont pas compétence pour donner raison ou tort à leurs patients. Leur bienveillance doit être inconditionnelle.

    • Le droit a pour but de régler les conflits entre les citoyens. Les procès, et les enquêtes et instructions qui les précèdent, sont des débats contradictoires. Un plaignant ne peut donc pas demander à être inattaquable pour la seule raison qu’il souffre beaucoup. Sauf à vouloir transformer les prétoires en chambre d’enregistrement des prescriptions psychothérapeutiques. C’est pourquoi ce n’est pas toujours un bon conseil à donner à des personnes en phase de souffrance aigüe que de porter plainte en justice: les enquêteurs ne pourront pas avoir l’empathie neutre et bienveillante des psychothérapeutes. S’ils doivent être le plus adroits et le plus délicats possible, cela reste dans le but de faire la vérité sur les faits pour maintenir l’ordre public.

    • Les citoyens, et ceux qui les informent, sont inéluctablement plus ou moins sensibles à tel ou tel aspect du drame de la pédophilie. Il est normal, mais pas sans danger, que l’émotion sociale, publique, soit intense. Le danger est qu’elle entraine des généralisations abusives, jetant le soupçon injustifié sur des innocents. L’émotion relève de la sympathie et non pas de l’empathie thérapeutique. Il ne faut pas confondre la sympathie avec la fraternité civique ou avec la charité chrétienne. La sympathie et l’émotion qui en découlent ne sont pas en soi apaisantes pour les souffrants. Fusionnelles, elles peuvent attiser leur souffrance. On ne peut pas condamner moralement les citoyens qui souhaitent que l’émotion publique inéluctable soit tempérée et ne fasse pas obstruction à l’appréciation objective des faits et à la sérénité de la justice. On ne peut pas soupçonner d’être sans coeur ceux qui ont quelque recul par rapport à l’émotion publique.

    2) Les prêtres portent « un trésor dans des vases d’argile » (2 Co 4 7). Comme tous les chrétiens, ils sont des pécheurs pardonnés. Il y a donc double risque : qu’on adule leur personne, leur vase d’argile, sous prétexte de la beauté du trésor qu’ils portent; qu’on méprise le trésor qu’ils portent sous prétexte de la médiocrité du vase d’argile qu’ils sont. Une preuve classique de la présence de l’Esprit Saint dans l’Église, c’est que l’Église perdure depuis 2000 ans malgré la grande médiocrité de beaucoup de ses ministres.

    Il est vrai que l’École Française de spiritualité a pu prêter le flanc à une adulation abusive des prêtres. L’écoute de l’Appel Universel à la Sainteté enseignée par Vatican II devrait contrecarrer cette tendance regrettable.

  • Pvece a écrit :

    Comme le pointe Gwynfrid, l’Église est une organisation humaine, mais cette tentation persistante d’en protéger la réputation, parfois en osant tout, me laisse pantois.

    Elle est pour certains ce qu’ils ont de plus cher. Leur espérance et leur raison de vivre. Et ils la voient attaquée par des personnes qui n’ont guère de leçons à donner. Alors ils veulent défendre. Je suis sûr que vous le comprenez. Ce n’est pas si facile d’accepter de ne pas se laisser distraire par les instrumentalisations, les harcèlements, la mauvaise foi, la haine que l’on peut croiser et qui se déversent sur ce sujet (notamment sur les réseaux). Et je le dis parce que ça ne m’est pas facile. Il faut essayer de se souvenir que les victimes ne sont pour rien là-dedans et que tout cela devrait se passer entre elles et nous, sans regarder ce qui tourne autour. Mais c’est une attitude difficile.

    Pour moi, ce qui m’a aidé, c’est à la fois un article de La Vie sur la Parole Libérée – écrit par une journaliste que je connais et en laquelle j’ai confiance et qui faisait bien la part des choses – et le témoignage que j’ai reçu après l’avoir partagé sur Facebook. Il s’agissait d’un prêtre que je connais, qui a lui-même été abusé par un prêtre quand il était enfant. Cela a achevé de me convaincre qu’il ne s’agissait pas de « faire du mal à l’Eglise ». Et le fait qu’il me le dise seulement après que j’ai partagé cet article m’a aussi permis de prendre davantage conscience du fait qu’il y a autour de nous des personnes touchées mais qui ne peuvent pas parler de crainte d’être mises à l’écart, d’être mal comprises, de passer pour hostiles à l’Eglise. Il suffit d’un signe que l’on est susceptible de comprendre pour qu’elles se décident à nous parler. Et, même si c’est bien involontaire de notre part, il serait coupable de ne pas leur donner et de laisser ainsi s’accroître leur souffrance.

    Gwynfrid a écrit :

    Déception grave à l’égard de ces prêtres qui, maladresse ou inconscience, ne montrent pas l’exemple, c’est le moins qu’on puisse dire. Il y en a qui, vraiment, devraient apprendre à fermer leur foutue grande gueule.

    C’est à vrai dire ce qui me marque aussi. J’attends d’un prêtre qu’il soit un pasteur, un accompagnateur spirituel. Quand un prêtre dit de telles énormités, comment puis-je aller lui parler, lui confier mes propres difficultés ? Alors je me dis qu’un prêtre n’a pas tous les charismes, que ceux-là ont peut-être d’autres qualités. Que l’on peut avoir concrètement le coeur sur la main mais bien du mal à exprimer une pensée pondérée et juste.

    Nicolet a écrit :

    Les deux prêtres qui ont fait des commentaires plus que déplacés, doivent être aussi sanctionnés et pas seulement en leur demandant des excuses. Je garde ma confiance en l’Église, qui n’est pas représentée par ces tristes individus.

    Nous sommes d’accord. Pour moi, leur cas est très proche de celui du prêtre qui avait fait scandale pour son écrit après les attentats de novembre. De la même manière, celui-ci ajoute du sel sur une plaie nationale, de la même manière, il met en cause les victimes elles-mêmes. La seule différence que je vois est qu’il ne s’agit pas d’un texte – que l’on peut relire, méditer et corriger – mais d’une déclaration.

    Et, comme vous, je garde ma confiance dans l’Eglise. Sans naïveté, sans imaginer que tous les prêtres sont dotés d’un discernement fabuleux, mais parce que l’Eglise, c’est bien au-delà des prêtres et du temps présent.

    Lib a écrit :

    Peut-être que les préjugés positifs sont finalement aussi nocifs à la société que les préjugés négatifs.

    A réfléchir.

    Parfois peut-être mais il ne faudrait pas l’envisager de façon trop générale, je pense. Je crois que nous avons tout de même collectivement et individuellement besoin de préjugés positifs, que ce soit la confiance ou la bienveillance, pour avancer.

    @ do : votre commentaire n’est guère cohérent. Vous ne pouvez pas, d’un côté, vous montrer si choquée par une blague malvenue de carabin dans un espace semi-privé et, de l’autre, minimiser les déclarations publiques de deux prêtres. Soit vous êtes choquée par les deux, soit les deux vous touchent aussi peu. Et je me permets de penser que la Parole Libérée a pu tout aussi bien réagir à un tweet ambigu de votre part, de la même manière que j’ai eu quelque peine à comprendre votre propos d’hier soir.

    Au passage, ce ne sont pas « deux gars » qui se sont exprimés. On aurait fait un micro-trottoir et deux anonymes auraient dit ce qu’ils ont dit, et cela ne soulèverait guère plus qu’un sourcil désabusé de ma part. Ces « gars »-là sont prêtres et c’est toute la différence.

    Leurs propos ne sont pas simplement « pas hyper recherchés ». Quand l’un d’entre eux en vient à mettre en cause les victimes, de surcroît pas même dans leur comportement actuel, mais dans leur comportement à l’époque, et qu’il s’interroge publiquement sur leur « normalité », c’est tout bonnement odieux et insupportable, et nous devons penser aux victimes qui entendent ce genre de choses. C’est d’autant plus insupportable que c’est précisément ce que peuvent endurer les victimes durant des années : ne pas comprendre comment elles ont pu en arriver là, pourquoi ce sont elles qui ont été « choisies », pourquoi elles n’ont pas réagi davantage, si elles ont encouragé… Toutes ces questions sans fondement mais qui leur pourrissent la vie. Et un prêtre vient le leur renvoyer à la figure ?!

    Ce prêtre ne s’est pas interrogé sur la raison qui fait que tel ou tel enfant serait davantage susceptible d’être victime, ce qui serait bienvenu et probablement utile pour que les adultes soient plus vigilants, il s’est demandé comment ces enfants pouvaient « être fiers de se faire tripoter » et s’ils « étaient bien normaux ». C’est tout bonnement abject. Je crois qu’il faut se réveiller, là, Do.

    @ Yves : comme je vous l’ai dit sur Facebook où vous avez partagé sensiblement la même chose, il serait bon que vous perdiez l’habitude d’être ainsi cassant et péremptoire. Ici, vous expliquez que le parallèle « est faux », là-bas, vous ajoutez qu’il est « inutile et dévoyé ». L’idée que votre interlocuteur n’est peut-être pas forcément stupide et que la notion dont il est question est peut-être un peu plus compliquée que vous ne semblez le penser ne vous effleure-t-elle pas ? Plutôt que de vous sentir, une fois encore, fondé à bâcher un propos de manière aussi catégorique, ne voudriez-vous pas vous donner la peine de le comprendre ?

    Il ne s’agit pas ici de se poser la question de la nature profonde du sacerdoce, de mener une étude ecclésiologique. Il s’agit de s’interroger sur la perception du prêtre par les fidèles – qui sont bien éloignés de ces nuances. Or cette notion d' »alter Christus » est une notion qui fait son chemin dans la perception générale, y compris d’une façon excessive et malvenue, pour voir dans le prêtre un « autre Christ » y compris quand il va chercher sa baguette de pain. Et c’est bien là que je pense qu’il y a un regard à ajuster, même quand cela n’est pas formalisé au point de voir véritablement dans le prêtre un « autre Christ ».

    Au passage, je donnais deux liens sur le sujet. Je ne trouverais pas inutile que vous vous aventuriez à les lire avant de répondre. Vous pouvez en particulier lire la longue étude du Père Gilles de Raucourt qui suffit à souligner que le débat sur la nature profonde du sacerdoce, sur la sainteté du prêtre, sur la nature exacte de la notion d' »alter Christus » est loin d’être aussi simple qu’une distinction entre le rôle sacramentel du prêtre et son action quotidienne.

    Vous y liriez par exemple ceci :

    Ainsi donc tout ce qui, dans l’Église, est instrument du Christ n’est-il pleinement efficace qu’à la mesure de son union intime au Christ. Le prêtre n’est pas seulement moyen au service d’une fin, car il participe déjà de cette fin par son ordination. La configuration sacramentelle des ministres de l’Église au Christ prêtre les associe à sa réalité médiatrice, et donc à sa sainteté. Ce que Maritain ne semble pas avoir vu, c’est qu’il s’agit d’une « antériorité » dans l’ordre de l’être et non dans celui de l’avoir : le prêtre n’a pas plus de sainteté que le laïc, mais il est attaché directement à la source de la sainteté qui est le Christ pour la faire passer dans tous ses membres. Pour reprendre le langage de saint Maxime le Confesseur, le théandrisme n’est pas un mixte entre Dieu et l’homme, il s’agit d’un nouveau « mode d’être » conféré à certains, une manière particulière d’être configuré au Christ, non un trait qui ajouterait quoi que ce soit à la nature. Et, très profondément, ce mode d’être est une capacité à s’effacer, à faire de la place, c’est une capacité kénotique, qui permet au prêtre de reproduire à son niveau l’unique médiation du Christ, c’est un « dénuement de subsistance » pour reprendre une catégorie chère à Bérulle.

    … ce qui pourrait vous laisser penser que s’il y a un débat entre une vision portée par Jacques Maritain, la vision de Bérulle, les développements du Père de Raucourt, il n’y a pas forcément lieu d’être aussi affirmatif dans votre appréciation.

  • Christophe Courage a écrit :

    Comme disait, je crois, Benoît XVI : « les loups sont dans l’Eglise ».

    Oui. Alors qu’il a été le plus attaqué en la matière, il y aurait de quoi trouver sainte sa détermination sans faille à lutter contre la pédophilie.

    spertal a écrit :

    Les citoyens, et ceux qui les informent, sont inéluctablement plus ou moins sensibles à tel ou tel aspect du drame de la pédophilie. Il est normal, mais pas sans danger, que l’émotion sociale, publique, soit intense. Le danger est qu’elle entraine des généralisations abusives, jetant le soupçon injustifié sur des innocents. L’émotion relève de la sympathie et non pas de l’empathie thérapeutique. Il ne faut pas confondre la sympathie avec la fraternité civique ou avec la charité chrétienne. La sympathie et l’émotion qui en découlent ne sont pas en soi apaisantes pour les souffrants. Fusionnelles, elles peuvent attiser leur souffrance. On ne peut pas condamner moralement les citoyens qui souhaitent que l’émotion publique inéluctable soit tempérée et ne fasse pas obstruction à l’appréciation objective des faits et à la sérénité de la justice. On ne peut pas soupçonner d’être sans cœur ceux qui ont quelque recul par rapport à l’émotion publique.

    On ne le peut pas… dans un monde parfait. Il me semble qu’il est effectivement très difficile de trouver la juste attitude (pardonnez l’évidence) : garder le recul tout en exprimant la solidarité, la compassion, véritables que nous ressentons. Je pense que nous prenons insuffisamment conscience que notre volonté de garder du recul s’accompagne d’un silence sur notre fraternité qui, au final, nous trahit en donnant de nous une image fausse. Et je pense aussi que les victimes ont un besoin très fort de se sentir autorisées à parler, d’autant plus quand elles sont restées dans l’Eglise. Avoir subi cela et se trouver comme interdit par le groupe d’en parler est une souffrance supplémentaire.

    Il me semble que l’on doit pouvoir trouver la voie étroite qui permet de ne pas céder à l’hystérie sur le sujet tout en apportant le soutien nécessaire aux victimes.

    D’une certaine manière, j’aurais tendance à penser à ce que disait le pape à d’autres égards : « panser les blessures ». Nous devons d’abord penser à panser les blessures. Ensuite nous pouvons demander à ce que l’on prenne la juste mesure des choses.

    Condamner ceux qui « souhaitent que l’émotion publique inéluctable soit tempérée et ne fasse pas obstruction à l’appréciation objective des faits et à la sérénité de la justice », ce serait me condamner moi-même. Je suis donc d’accord avec vous sur la nécessité de garder aussi la tête froide. Mais ce n’est pas ce qui est en cause ici : ni ces deux prêtres, ni l’avocat du cardinal, ne se sont contentés de cela.

    spertal a écrit :

    2) Les prêtres portent « un trésor dans des vases d’argile » (2 Co 4 7). Comme tous les chrétiens, ils sont des pécheurs pardonnés. Il y a donc double risque : qu’on adule leur personne, leur vase d’argile, sous prétexte de la beauté du trésor qu’ils portent; qu’on méprise le trésor qu’ils portent sous prétexte de la médiocrité du vase d’argile qu’ils sont. Une preuve classique de la présence de l’Esprit Saint dans l’Église, c’est que l’Église perdure depuis 2000 ans malgré la grande médiocrité de beaucoup de ses ministres.

    Il est vrai que l’École Française de spiritualité a pu prêter le flanc à une adulation abusive des prêtres. L’écoute de l’Appel Universel à la Sainteté enseignée par Vatican II devrait contrecarrer cette tendance regrettable.

    Et merci pour ceci. C’est très juste en effet.

  • merci koztoujours de ce billet… pas besoin d’être formé pour avoir en cette triste affaire un avis! oui, depuis trop longtemps le peuple de dieu a bâti une spiritualité du prêtre qui le fait ressembler plus à un statue sur poédestal qu’au serviteur de la communauté dont parle le concile vatican II. plus haut est le piédestal, plus dure est la chute! que ce temps soit notre grâce pour vivre un renouveau de l’image (à travers la purification de nos idéologies trop humaines!). saint augustin évoqua en un commentaire très profond qu’avec les croyants, il vivait de son baptême, et que pour eux, il était évêque.;. et que c’était en étant plus AVEC eux baptisé qu’il serait pour eux serviteur. il y a donc un lien de cause à effet entre le baptême, socle, et le ministère-déploiement… dans un tel ordre et une telle logique, nous nous renouvellerons…

  • Après trois mois de pilonnage intensif, pas étonnant que certains perdent leur sang froid. La consigne était de la boucler. Il y en a deux qui n’ont pas résisté aux micros tendus et ont dit de grosses bêtises totalement répréhensibles mais qui traduisent la souffrance de prêtres qui vivent difficilement le « tous pédophiles, z’ont qu’à se marier etc » Ces prêtres sont à la retraite et ne passent pas pour finauds de le lanterneau mais ce sont de braves hommes. Moi, je n’ai violé personne c’est le cri de qqn qui s’en prend plein la gueule depuis 3 mois.
    La parole libėrée, dans une tentative pitoyable de division, a sommé tous les prêtres de se désolidariser de leur évêque. Mais de quel droit ? Parmi les fidèles comme parmi les prêtres, il n’y a pas d’un côté les savonroles et de l’autre côté des négationnistes. Il y a une majorité de gens qui aimeraient qu’on laisse faire la justice, que tous les procureurs au petit pied se taisent, qu’on ait des réponses ã la seule question qui vaille. Comment a t on pu arriver là ? Il faut tout un village pour abuser d’un enfant, il a fallu toute une communauté pour abuser de ces enfants pendant VINGT ans dans un milieu de gens éduqués car Saint Luc c’est là qu’il fallait mettre ses enfants même si on habitait loin. Il y avait un snobisme sur Saint Luc et les prêtres qui ont succédé au curé et à Preynat ont trouvé une communauté dans le déni le plus total. Ils en ont bavé des ronds de chapeau et n’ont pas tenu trois ans.
    Les victimes se sont transformées en procureurs et crèent d’autres blessures. Il se dit que le cardinal reçoit des familles, sans doute celles qu’on ne voit pas sur les plateaux télé. Il y en avait une présente à la réunion des prêtres et qui témoigne dans La Croix d’un esprit beaucoup plus constructif. Une lueur d’espérance

  • Koz a écrit :

    je pense. Je crois que nous avons tout de même collectivement et individuellement besoin de préjugés positifs, que ce soit la confiance ou la bienveillance, pour avancer.

    Je me suis mal exprimé.

    Je pense comme toi qu’un a priori positif général est indispensable dans nos interactions avec les gens. Le préjugé positif dont je m’inquiète, c’est un a priori positif réservé à notre religion/parti/pays/institution/groupe au sens large. Très difficile voire impossible de s’en libérer totalement, tout comme le préjugé négatif. Mais il peut tout aussi nuire à la société en nous rendant aveugle voire plus ou moins complice du mal, s’il émane de notre groupe.

    Mais comme je disais, c’est « à réfléchir ».

  • Le Cardinal Barbarin a demandé aux deux prêtres en question de s’en excuser décision que j’approuve bien évidemment

  • Je ne vais pas être très original, car cela a déjà été formulé, mais un grand merci pour votre analyse, Erwan, très bien construite, et qui m’aide comme souvent avec vos billets, à avancer dans mes réflexions. En tant qu’ex catéchumène très récemment baptisé, ce sujet m’interpelle bien évidemment, me révolte parfois dans son traitement médiatique, tout en étant aussi trop souvent dépité par l’amateurisme des prises de parole de ceux qui devraient quand même avoir plus de recul et de discernement…

  • @ do:
    « je crois que ce prêtre ne met pas en cause les victimes, mais les témoignages qu’il entend. »

    Jean Lacombe, prêtre à Villeurbanne (…) : «Je ne comprends pas pourquoi ils ont attendu si longtemps. A l’époque, ils disaient être les chouchous du père Preynat (mis en examen en janvier pour des agressions sexuelles sur des scouts il y a plus de 25 ans, ndlr), ils en étaient fiers. Alors est-ce que ces gamins étaient très normaux? Être fier quand on se fait peloter, ça me paraît curieux». Selon lui, «les parents auraient dû porter plainte».

    Ah bon, il ne met pas en cause les victimes ?

    Bien sûr que les parents auraient dû porter plainte, mais leurs enfants avaient-ils parlé ? Et puis, il faut savoir que bien des fidèles, en toute bonne foi, sont incapables de douter d’une personne consacrée…

    Je sais pas vous mais moi, je comprends la colère et l’abattement de Koz…

  • Il me semble bien que la place du prêtre n’est pas ajusté dans nos pratiques d’Eglise et si ça n’est pas un sujet facile (cf. Maritain vs. Bérulle) pour lequel je ne saurais faire une analyse, je me demande jusqu’où cela influe dans ce type de drame actuel. Le prêtre est mis sur un piédestal et la pression est donc d’autant plus forte sur eux dans ces situations dramatiques. Le Pape a mis le doigt sur ce sujet du cléricalisme plusieurs fois (cf. article de La Croix cette semaine sur la dénonciation du cléricalisme par François comme mal prioritaire de l’Eglise en Amérique latine ou je pense aux  » journées des vocations » qu’on assimile souvent uniquement à la vocation sacerdotale alors que tous les chrétiens ont une vocation …). Bref tout repose sur le prêtre et si il a une vocation particulière, il n’a pas une vocation supérieure et encore moins le devoir d’être plus Saint que les autres Chrétiens. Ne devrait on pas rééquilibrer un peu les rôles et responsabilités dans l’Eglise?

  • Ce qui rend plus douloureux la survenue et l’occultation de ces affaires, c’est le culte de la soumission qui a trop longtemps été imposé dans l’Église catholique (notion qu’on retrouve dans l’origine du mot « islam »). Soumission des victimes, trop petites et trop éduquées à obéir*. Soumission de leurs parents, éduqués eux aussi au « per inde ac cadaver » à la manière jésuite, ouailles incapables de ne pas douter de leurs bergers. Soumission symbolisée par l’emploi constant du mot « Père » donné comme titre aux membres du clergé. Si au départ ce mot est beau, porteur d’une charge nourricière, protectrice, il induit également un rapport hiérarchique qui, de la position de service (le lavement des pieds) peut passer à celle d’abuseur, aussi bien physique que moral, voir les dérives chez les Petits Gris :

    http://www.avref.fr/cte-st-jean.html

    Dans mon souvenir, le Christ ne s’est jamais dit père de ses apôtres.

    • * Pour autant, je ne me ferai pas apologue de la désobéissance, si j’ai bien dit « trop » je n’ai rien contre « assez » ! Ce « trop », on l’avait aussi sous les régimes totalitaires et ça marche encore en Corée du Nord.

    Bon courage, je serais catholique j’irais mal…

  • Bonsoir,

    Les paroles de ces « prêtres » m’ont révulsée mais pas étonnée. Par contre la réaction des autorités me semble bienveillante voire indulgente pour ne pas dire inappropriée.
    D’autre part , je vous cite  » plus de 98% des cas de pédophilie sont commis dans le cercle familial  » , certains évêques qui ont défilé pour dire tous les mérites de la famille papa + maman + les deux enfants l’un en pantalon et l’autre en robe …. ont ils, un seul instant, pensé à tous ces enfants meurtris à jamais qui devenus adultes taisent cette blessure que leur Mère Eglise ne peut pas entendre puisque cette blessure-là est en dehors de leur champ d’entendement.
    Les prêtres sont ils aujourd’hui formés pour apprendre à reconnaitre la souffrance d’un enfant et dans ces conditions là, que font-ils ?

  • @ Camille-madeleine:
    Les prêtres, mais les laïcs aussi, savent bien que le péché peut toucher tout individu et toute sorte de famille.

    Mais se pencher la tête froide sur les statistiques , ou discuter avec les magistrats nous indique surtout que la fragilisation des structure familiales engendre objectivement des situations de violence (y compris sexuelles) possibles.

    Quelques chiffres disponibles dans les publications de l’INSEE

    En 2011 sept enfants sur dix vivent dans une famille « traditionnelle » avec leurs deux parents. Les autres vivent dans une famille monoparentale (18 %), avec un seul parent donc, ou dans une famille recomposée (11 %).
    http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1470
    http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1195

    Par ailleurs, la même année, une personne sur dix vivant dans une famille monoparentale déclare avoir été victime de violences physiques au cours des deux années précédant l’enquête .
    http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1473

    Et les associations entre déclarations de violences et caractéristiques individuelles et familiales chez les adolescents corroborent le constat
    Vivre hors du foyer parental et avoir des parents séparés sont également d’importants facteurs
    qui semblent favoriser la violence chez les adolescents, la mésentente familiale est aussi un facteur des violences subies.
    http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES448H.pdf

    Toute la société est concernée, pas seulement les prêtres. On a beau clamer que chacun vit comme il l’entend, nos choix ont des conséquences qui pèsent sur la vie en société.

    Rappeler l’importance structurante du cadre familial pour l’enfant ,à l’heure des débats que nous connaissons n’est pas antinomique avec la reconnaissance des violences subies dans un cadre familial. Cela fait partie du même corpus .

  • @ exilé:
    Bonjour,
    A titre professionnel je crois connaitre assez bien les statistiques sur les maltraitances intra- familiales, j’ai aussi l’expérience du biais induit par la connaissance de la structure familiale sur le regard porté sur l’enfant, cela serait le sujet d’un autre débat que je ne pense pas être autorisée à engager dans un espace qui n’est pas le mien. A ce titre je peux cependant recommander le livre Mars de Fritz Zorn (paru en 1977)

    Par ailleurs, vous écrivez : » Rappeler l’importance structurante du cadre familial pour l’enfant ,à l’heure des débats que nous connaissons n’est pas antinomique avec la reconnaissance des violences subies dans un cadre familial. Cela fait partie du même corpus  »
    Mes oreilles et mes yeux ont dû être bien sourdes et aveugles pour n’avoir pas entendu-vu la seconde partie du corpus dans les discours de certains membres éminents de la hiérarchie ecclésiale de France. A la blessure familiale, s’est ajoutée la blessure d’Eglise. Je remercierai, fraternellement et de tout coeur, celui ou celle qui me proposera des références qui me donneront tort.

  • Je ne voudrais pas être maladroite avec vous, ou vous blesser Camille-madeleine.
    Chaque cadre professionnel a ses propres biais , j’en conviens. Je côtoie plus les enfants des cités que la bourgeoisie zurichoise
    (Vous m’excuserez de ne pas vous suivre sur le terrain de Zorn. Mars est l’autobiographie d’un névrosé qui écrit à la fin de sa vie, c’est peut être intéressants du point de vue médical, mais cela me parait loin du sujet.)

    Vous parlez des « discours de certains membres éminents de la hiérarchie ecclésiale de France. », « blessure familiale », « blessure d’Eglise » .

    Mais sur le terrain, ils sont nombreux les clercs et les laïcs qui œuvrent auprès des enfants malmenés. Plus « faiseux » que « diseux, » peut être?

    Pour nous consoler de la trahison des clercs, mais aussi de nos propre trahisons, on peut se redire souvent les paroles de l’Evangéliste Matthieu
    « Et qui recevra un seul petit enfant comme celui-ci en mon nom, me reçoit »
    « Mais quiconque scandalise un de ces petits qui croient en moi, il lui vaudrait mieux qu’on lui pendît une meule d’âne au cou, et qu’on le jetât au fond de la mer. »

    Terrible justice évoquée dans cette dernière phrase. Merveilleuse miséricorde que la suite donnée par l’Evangéliste sur la brebis perdue, mais surtout sur les œuvres de miséricorde
    « ce que tu fais au plus petit d’entre les miens, c’est à Moi que tu le fais »

  • @ exilé:
    nous ne sommes pas d’accord sur le livre et la personnalité de l’auteur … selon mon appréciation la névrose de l’auteur est largement due aux dysfonctionnements de sa famille et de son éducation. Les enfants des cités n’ont pas l’exclusivité des souffrances.
    Par ailleurs je vous rejoins totalement sur l’action des clercs et des laïcs (chrétiens ou non) sur le terrain. L’Église est multiple mais il faut aller chercher dans certaines revues de moindre diffusion pour échapper au discours monolithique auquel je me référais. D’autre part je vous remercie pour avoir remis notre échange dans la perspective de l’Évangile.

  • J’aime et j’affectionne les prêtres que j’ai connu, tous, au long de mes 50 années, et je suis d’avis que les laïcs en ces jours sombres s’abstiennent bien lâchement de démontrer leur soutien et leur affection envers leurs prêtres, qui souffrent qu’on les traînent tous dans la boue, oui tous, à cause de ces quelques monstres et d’une logique médiatique décervelée. Ces laïcs pleureront eux aussi un jour, ça leur retombera dessus inévitablement.

  • Je réagis bien tardivement.

    Ce qui me trouble, c’est le refus de considérer la complexité du réel. Oui, il y a parmi les prêtres des pédophiles multirécidivistes. Il y en a aussi qui ne sont nullement des pédophiles, mais des hommes ayant des tendances homosexuelles et qui dans une brève période de leur vie n’ont pas su résister à leurs pulsions en présence d’adolescents. La presse titrera pour les uns comme les autres : « pédophiles ! ».

    Il y a plus qu’une nuance entre un viol et de brefs attouchements.

    Il arrive aussi que l’un ou l’autre prêtre hétérosexuel succombe aux charmes d’une paroissienne.

    Je comprends bien que la question du pardon est différente de celle de la responsabilité de remettre un prêtre en situation à risque. Mais même là, un jeune prêtre tout juste sorti du séminaire est-il moins « à risque » qu’un prêtre qui a failli une fois, a été condamné en justice et a depuis entrepris un vrai chemin de repentance et de conversion ?

    L’Église a certainement été plus qu’imprudente dans le passé. Je trouve très bien que ce type de dossier ne soit plus traité par l’évêque de première ligne, mal placé pour avoir le recul nécessaire, mais par une instance nationale.

    Mais le monde dans sa complexité, s’il est loin d’être tout blanc, n’en est pas pour autant tout noir…

  • En l’occurrence, pour le moment, ce que la presse a pu, c’est vrai, amalgamer, ce sont des atteintes sexuelles sur des enfants et sur des adolescents / jeunes hommes. Mais dans chacun des cas, cela relevait du viol ou de l’agression sexuelle – pas de simples attouchements furtifs, isolés, jamais répétés. Je ne crois pas nécessaire d’imaginer le cas limite dans lequel, si l’on y réfléchit bien, on pourrait penser que…

    Depuis que ces affaires sont sorties – et encore les toutes récentes – j’ai reçu trop de témoignages de défaillances dans la gestion de ces cas. Ces témoignages émanaient de personnes de confiance, dont des prêtres, et dont un prêtre ayant lui-même été abusé lorsqu’il était enfant. On ne peut pas soupçonner ces personnes de dire cela pour faire du mal à l’Eglise. Et sincèrement, même si ces cas sont heureusement extrêmement minoritaires, il y a en revanche un vrai problème à affronter dans l’Eglise.

    Jusqu’à ce jour, on ne peut pas dire que la responsabilité de l’Eglise ait été d’avoir été trop dure, trop sévère, loin de là. Et c’est violent de l’apprendre. Oui, certainement, il faut en toutes choses viser la justice, et ne pas être excessivement sévère face à un acte qui serait isolé et pas trop grave. Et je ne le souhaite aucunement. Mais dans le cas d’un trop grand laxisme, on multiplie les victimes, et les victimes innocentes.

    @ Thierry : je l’ai dit, l’ai écrit, ai pétitionné en ce sens. Je suis fatigué de devoir montrer patte blanche : un jour, montrer patte blanche pour dire que je n’oublie pas les victimes, un autre jour, montrer patte blanche pour dire que je n’oublie pas les prêtres.

    Oui, bien sûr, il faut soutenir nos prêtres. Mais quand on apprend que l’abuseur du prêtre dont je viens de parler est toujours en poste, quand on apprend qu’un prêtre retrouvé dans le lit d’un ado a été nommé aumônier de lycée, quand on apprend qu’un prêtre viré manu militari d’une école catho pour qu’il ne soit plus en contact avec des enfants se retrouve peu après en paroisse, quand on apprend que tel prêtre bien connu, médiatique, commet des abus sexuels depuis des années, que plusieurs témoignages sont transmis, y compris par des prêtres, sans recevoir le traitement qui s’impose, alors il faut commencer à s’interroger sérieusement ! Comment cela est-il possible quand les personnes qui prennent ces décisions sont normalement des personnes sensées, croyantes, et bienveillantes ?! Qu’est-ce qui est faussé pour en arriver là ?

    Et tant pis si l’on n’y met pas toutes les précautions liminaires oratoires ou littéraires nécessaires. Les prêtres savent que je les soutiens. Mais ces scandales de pédophilie ne se développent pas en raison d’un manque d’esprit de corps, ça, je peux vous l’assurer.

  • @ Koz:

    A la lecture de votre avant dernier paragraphe, je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec l’omerta qui règne dans le monde politique et le monde artistique sur des sujets similaires (harcèlement sexuel, promo canapé) . Tout le monde « sait », parfois des témoignages sont aussi transmis, puis rien.

    Constater que l’Eglise n’échappe pas à cela me consterne aussi.

    Encore merci Koz, pour ces paroles justes.

  • Koz a écrit :

    quand on apprend que tel prêtre bien connu, médiatique, commet des abus sexuels depuis des années, que plusieurs témoignages sont transmis, y compris par des prêtres, sans recevoir le traitement qui s’impose, alors il faut commencer à s’interroger sérieusement ! Comment cela est-il possible quand les personnes qui prennent ces décisions sont normalement des personnes sensées, croyantes, et bienveillantes ?! Qu’est-ce qui est faussé pour en arriver là ?

    De ce que j’ai compris, peut-être suis-je mal renseigné, les témoignages étaient anonymes. TF 1 serait allé jusqu’à mettre en scène des délations « anonymes  » publiques !

    Il est tout à fait possible que les faits allégués soient vrais. Mais peut-on accepter des mises en cause anonymes ? Les corbeaux médiatiques ? Je peux comprendre que dans des circonstances exceptionnelles quelqu’un ne puisse assumer publiquement une accusation. Mais si personne n’est prêt à porter publiquement plainte, la décence la plus élémentaire demande de suspendre son jugement.

    Je ne prétends pas tout savoir, j’ai peut-être raté quelque chose. Mais j’essaie de raison garder.

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