Un air de 36

Le Directeur Général de la Sécurité Extérieure, le Chef d’Etat-Major aux Armées (CEMA), le Président de la République, chef des armées. En cinq jours, tous les trois se sont exprimés solennellement, et de façon particulièrement remarquable pour les deux premiers, nécessaires disciples d’une grande sobriété de la parole. Tous ont évoqué le contexte international renouvelé. Le Général Thierry Burkharhd a souligné l’existence d’un « effet cliquet » : non, il ne sert à rien d’espérer que le monde redevienne comme avant. C’est un monde dans lequel le recours à la force pour régler ses différends est devenu légitime, évident, voire premier. Un monde dans lequel Benjamin Netanyahou offre à Donald Trump une mezouza, bénédiction divine, en forme de B-52 miniature, forgée dans un débris de missile iranien et ornée d’une plaque puérile et flagorneuse le remerciant pour ses « big and beautiful bombs ». Un monde dans lequel la Russie cible la France par des stratégies d’attaque hybrides, joignant la guerre informationnelle aux actions indirectes de déstabilisation.

Sans évoquer un conflit armé sur notre sol, le CEMA a souligné le réarmement constant de la Russie et insisté : « Ce qui est le plus dangereux est aussi ce qui devient le plus probable ». En conclusion, il a encore dénoncé ceci : « il y a une forme d’accoutumance à la violence, et ce n’est pas normal ». Nous nous habituons à ce que des pays lancent sur d’autres des salves de missiles pour atteindre leurs objectifs, « et ce n’est pas normal ». Quelles que soient nos positions et oppositions à Emmanuel Macron, dans ces circonstances, il faut encore entendre ce qui émane du chef de l’Etat, chef des armées : « Pour être libres dans ce monde, il faut être craints. Pour être craints, il faut être puissants. La Nation, pour cela, doit être plus forte. »

La Nation. Faut-il parler de ceux que leur crédulité satisfaite conduit à relayer la propagande russe, se gargarisant d’aller chercher sur Internet des « analyses alternatives », directement biberonnées au Kremlin ? Il y a malheureusement plus grave. Combien de débats, combien de conversations, combien d’articles ont été consacrés à la nouvelle Revue Nationale Stratégique et combien à la suppression du 8 mai férié ? Tragique habitus : pour un Français, la vraie menace reste celle qui pèse sur ses congés – payés hier, fériés aujourd’hui. Cette polémique est aussi la marque d’une France confite en commémorations mais incapable de faire face lucidement à la menace présente. C’est le sens même des commémorations qui est en cause : à quoi sert de commémorer une victoire passée, si l’on ne s’applique pas à éviter les défaites futures ? A quoi sert une Histoire dont on ne tire pas de leçons ? Au parfum de 36 qu’exhale ce débat sur nos congés s’ajoute aujourd’hui, comme une autre menace, la paralysie institutionnelle. Il est urgent que la France se ressaisisse, et devienne stratège.


Chronique du 23 juillet (oui, je faisais autre chose)


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