Libérer, ou abandonner ?

Noa Pothoven était une adolescente néerlandaise de 17 ans. Plusieurs fois violée, à quelques années d’écart, souffrant de troubles psychiques consécutifs, elle est décédée le 2 juin 2019. Si son décès a été très médiatisé, c’est qu’il a été affirmé qu’elle avait été euthanasiée à sa demande. Tel n’était pas le cas, et la polémique s’en est trouvée apaisée. Pourtant, la réalité de sa mort n’est pas moins bouleversante. Noa Pothoven a baissé les bras après avoir longuement combattu pour alerter son pays sur la mauvaise prise en charge des troubles mentaux des mineurs. À bout de forces et ne voyant pas d’autre issue, elle a décidé de se laisser mourir, cessant de manger et de boire, refusant qu’on l’alimente ou qu’on l’hydrate artificiellement. Et on l’a laissée s’éteindre.

Le projet de loi bio-éthique, qui sera discuté à l’Assemblée nationale à l’automne prochain, comportera notamment l’élargissement de l’autoconservation des ovocytes aux cas non pathologiques. L’ancienne ministre Michèle Delaunay y a vu « la victoire la plus radicale du féminisme en fragilisant la supériorité masculine ». Quoique dépourvu d’utérus, je m’autorise une opinion : celle d’y voir une autre défaite pour les femmes. Car il faut être de cette drôle de gauche qui a bradé le social pour le sociétal pour ne pas saisir que demain des femmes devront se justifier professionnellement de vouloir simplement vivre, comme aujourd’hui, une maternité ordinaire au rythme naturel de leur corps. Déjà, aux États-Unis, des entreprises comme Apple et Facebook financent cette démarche. Lorsque les femmes qui y recourront se heurteront aux limites de cette technique aléatoire, que penseront-elles de la liberté qu’on leur aura vantée, et de l’impasse dans laquelle on les aura laissées ?

Dans l’un et l’autre cas, les législateurs et la société célèbrent des libertés. Mais ce ne sont que « libertés qui oppriment », selon le mot de Lacordaire : liberté de mourir, liberté de se sacrifier à sa carrière et aux intérêts de l’entreprise. Il a été plus facile à la société et aux soignants néerlandais d’abandonner Noa Pothoven à la mort que de prendre en charge sa souffrance. Il est plus facile d’autoriser l’autoconservation des ovocytes que de garantir véritablement aux femmes de vivre carrière et maternité à leurs rythmes propres. Illusoires promesses, garanties d’abandon.

Chronique du 2 juillet 2019
unsplash-logoPeter Hershey

1 commentaires

  • Ces libertés célébrées par les législateurs sont bien des « libertés » qui oppriment : licence donnée à chacun d’être indifférent aux souffrances d’autrui dans un cas, licence donnée à un employeur de subordonner la vie intime d’une salariée aux « priorités » de l’entreprise. Bien entendu, ceux qui célèbrent ces licences les présenteront toujours comme des libertés accordées aux personnes qu’elles oppriment en fait. On y verrait, pour un peu, un trait diabolique.

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