« Des députés élus par le peuple, oui ». Subitement, la présidente du groupe La France Insoumise, Mathilde Panot, ne trouve pas d’autres qualificatifs pour désigner les députés du Rassemblement National. C’était sur LCI, le 5 décembre, en réponse à une journaliste soulignant qu’une « majorité de projet » sur l’abrogation des retraites ne pourrait être trouvée qu’avec le Rassemblement National. LFI est donc prête à trouver une majorité avec sur le RN pour faire passer son programme. Que sont devenus exactement les griefs infamants faits à Michel Barnier d’avoir cherché une majorité avec une formation « d’extrême-droite » ? De s’être soumis à Marine Le Pen ? Il ne suffisait donc pas que la motion de censure ne soit adoptée que grâce aux voix du Rassemblement National alors que depuis 40 ans, à chaque élection d’un exécutif régional, la classe politique entière clamait qu’il fallait déduire les voix du Front National ? Qu’en politique, la cohérence cède devant l’opportunité n’a rien d’inédit, mais cela ne fait que brouiller les lignes et discréditer plus encore les rares principes encore avancés.
Personne ne sera dupe non plus de la cohérence du Rassemblement National, dont chacun comprend que l’inflexibilité tenait davantage d’une volonté d’accélérer le calendrier électoral que d’une opposition si irréductible au budget qu’elle impose une censure. Et l’on perçoit surtout le lent poison diffusé dans la démocratie française par les velléités de recomposition macroniste. Un risque était connu : que, privé de l’alternance droite-gauche, le citoyen en colère n’ait plus d’autre choix pour exprimer son désaveu que de voter aux extrêmes. Un autre s’ajoute : marqués par la nouvelle violence des rapports politiques, nourris de rancœur à l’égard de ses auteurs mais aussi à l’égard du président qui les a dissous, les députés du pôle centriste goûteraient eux-mêmes au refus du compromis.
Seul fait notable de cette séquence : le Parti Socialiste semble s’émanciper de la tutelle de la France Insoumise. On voudrait y voir la timide esquisse d’un mouvement de raison, le seul que cette période troublée ait offert. Il se fait impératif, même si la compétition électorale en vue de 2027 y est peu propice. Parce que cette montée aux extrêmes est une impasse évidente pour notre pays – l’actualité le démontre. Parce que nombre de Français n’attendent qu’une chose : que les politiques dépassent leurs dogmatismes pour travailler concrètement au bien commun. Enfin, parce que l’instabilité va inévitablement de pair avec un affaiblissement de la France. Cet affaiblissement n’est pas envisageable, notamment face à la multiplication des opérations de déstabilisation voire de sabotage russes. Nous avons goûté, avec la réouverture de Notre Dame, à la grandeur de la communion des forces pour l’intérêt général. C’est un vœu pieu, certes, mais c’est ce que nous attendons de vivre au quotidien.
Photo de Vincent van Zalinge sur Unsplash
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L’affaiblissement de la France est loin d’être du uniquement qu’aux opérations de « sabotages » russes.
Notre affaiblissement remonte à Valery Giscard d’Estaing.
A partir de ce moment là, la politique de la France s’est construite sur deux objectifs: le loisir (tourisme) et le service. Et bazarder tout le reste.
Au stade où nous en sommes, je me demande pourquoi nos dirigeants ne demande pas de demander notre annexion directe aux USA en devenant un état fédéral (le 51ème).
L’hypothèse ne serait pas si farfelue que cela, Donald Trump ayant proposé récemment aux canadiens de devenir aussi un état fédéral pour échapper aux droits de douanes.
Alors après avoir tout bazardé, y compris une vraie politique familaie, nous ne pouvons que continuer de plonger. Et beaucoup trop de nos « cerveaux » sont désormais de l’autre côté de l’Atlantique.
D’où aussi la réforme constitutionnelle de 2007 ! Ce qui permet aux présidents successifs d’oublier le bien commun en n’ayant plus une épée de Damoclès au dessus de lui.
Votre commentaire est un peu curieux.
Vous posez le constat que « que, privé de l’alternance droite-gauche, le citoyen en colère n’ait plus d’autre choix pour exprimer son désaveu que de voter aux extrêmes. »
Puis vous vous réjouissez que les PS rejoigne le « camp des raisonnables ».
Pensez-vous donc que les mêmes causes vont produire des effets différents ?
En réalité, il me semble que vous vous fourvoyez en pensant que « nombre de Français n’attendent qu’une chose : que les politiques dépassent leurs dogmatismes pour travailler concrètement au bien commun. »
Ne serai-ce que parce que, depuis plus de vingt ans, le « bien commun » est toujours le bien des mêmes. Et que « nombre de français » sont fatigués d’attendre que les « gens raisonnables », de Wauquiez à Hollande, daignent enfin cesser de se focaliser sur ceux qui leurs ressemblent pour, enfin, commencer à élaborer une politique qui les soutiendrai.
La politique est nécessairement affrontement. Si je donne à Pierre, je ne donne pas à Jacques. Si je promeut la liberté, je permets au fort d’opprimer le faible. Si je promeut l’égalité, j’entrave les libertés élémentaires.
En niant cet état de fait, en présentant la politique qui avantageait leur pair comme « la seule possible », « la plus rationnelle », voire en mentant effrontément et en affirmant qu’au fond elle « bénéficiait à tous », les « gens raisonnables » n’ont fait qu’entretenir la rancoeur et la haine de ceux qui sentent confusément que cette pseudo harmonie est un mensonge braqué sur eux.
Il est temps de sortir de ce mensonge. D’avoir enfin des alternatives qui s’affrontent. Ce sera peut-être moins beau à voir, mais ce sera plus sain. Et au finale, la France est toujours ressortie plus forte quand les choses étaient posées avec franchise.
Un début de réponse par Gaël Giraud ? Ici : https://shs.cairn.info/revue-projet-2013-4-page-82?lang=fr
Merci de ce signalement.