Tribune | Directives anticipées : vivre l’alliance thérapeutique

L’article L. 1111-11 du code de la santé publique, issu de la loi Claeys-Leonetti, prévoit que les directives anticipées rédigées par les patients s’imposent aux médecins, sauf « lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ». Cet article est conforme à la Constitution. Voilà tout ce qu’a jugé le Conseil Constitutionnel ce 10 novembre et pourtant, alors même qu’elle n’introduit aucune nouveauté, cette décision sème la confusion dans les esprits.

La presse titre sur ces médecins qui pourront « aller à l’encontre de la volonté des patients ». L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité dénonce le « paternalisme des médecins » : « Voilà que maintenant, des médecins, contre l’avis du patient, décident de le faire mourir » (Libération et Slate, 10 novembre 2022). La volonté du patient doit-elle prévaloir en toutes situations ? Cette décision n’est-elle pas plutôt l’illustration de l’extrême sensibilité de la fin de vie, autant que de l’équilibre de la loi de 2016, le législateur ayant su se retirer prudemment devant l’irréductible singularité de chaque histoire humaine ?

Il y a du populisme à brandir le paternalisme, à dénoncer un pouvoir médical s’exerçant sur les patients. Etonnamment, des militants de l’euthanasie s’émeuvent que des médecins, sans faire mourir le patient, le laissent seulement mourir. Ce n’est pas se soumettre à une prétendue élite médicale que de reconnaître que le patient n’a pas toujours raison. C’est du pragmatisme. Le patient ne peut pas, et parfois ne veut pas, tout anticiper. Qui d’entre nous autres valides peut dire avec pertinence à quel stade il entend refuser le secours de la médecine ? A la première réanimation ? Quand vient la ventilation ? La gastrostomie ?

Marianne a publié cette tribune de ma part, vous pouvez lire la suite du texte sur son site.

Un commentaire

  • Merci pour cette tribune argumentée et très juste. La restauration de la place du patient dans son accompagnement médical depuis le début des années 2000 ne doit pas conduire à le considérer artificiellement comme un être totalement autonome, surpuissant et infaillible. Il doit bien sûr être respecté dans son autonomie (avec l’accompagnement de ceux qui ont la connaissance médicale, dans le cadre de la co-décision prévue par la loi) mais il doit aussi être protégé dans sa vulnérabilité. Une véritable alliance thérapeutique doit permettre cela. Nos réflexions de biens portants nous conduisent plutôt à nous concevoir de manière totalement autonomes jusqu’au bout alors que nous serons probablement tous un jour l’autre un être vulnérable du fait du vieillissement ou d’un accident de la vie, un être dont la volonté sera parfois fluctuante aussi en fonction des souffrances, des épreuves ou des joies. Et il est difficile d’anticiper ce qui sera alors possible et acceptable pour nous, ce qui rendra notre vie supportable ou non. C’est toute la limite des directives anticipées. Un bel outil d’autonomie à manier sans éclipser que les soignants doivent aussi au patient la bienfaisance et le respect de sa dignité qui ne passe pas uniquement par le respect aveugle de ses demandes plus ou moins fondées. L’accompagnement des patients dans la rédaction des directives par les médecins traitants devrait être davantage promu pour limiter justement ces situations de directives manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale… mais cela implique du temps et de la formation médicale !

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