Requiem pour des fous

Ainsi la Convention citoyenne sur la fin de vie a rendu son rapport. Après avoir donné les gages nécessaires d’attention aux soins palliatifs, le Président de la République a annoncé un projet de loi à la fin de l’été. Faisons le triste pari que ce projet consacrera alors la piste suggérée par le Comité Consultatif National d’Ethique un an auparavant d’un suicide assisté avec option d’euthanasie – une option dont les élargissements successifs sont déjà pensés par certains, et interviendront irrémédiablement. Le Président est allé jusqu’à reprendre dans son propos la proposition insensée d’un « consentement indirect » permettant à un tiers, la personne de confiance, de décider de l’euthanasie d’une personne inconsciente ou incapable de s’exprimer. Une déraison, que l’on espère voir écartée mais qui n’aurait jamais dû être esquissée si les appels à prendre en compte les risques graves d’une telle législation avaient touché ces esprits inconséquents.

Telle sera la société française demain. C’est son inclination, plus que sa volonté. La volonté suppose un peu de force d’âme. L’euthanasie n’est que l’ultime voie par laquelle notre société s’écoule, et coule. Car ce n’est pas d’hier que « l’homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible » (Bernanos). Il se sera laissé conduire par sa peur et son individualisme, forcené. Aveuglé par l’épreuve qu’il appréhende pour lui à la fin de sa vie, il sera resté insensible aux tourments à venir des autres, ceux qui mettront un peu trop de temps à mourir, ceux qui finiront par se convaincre de la dignité supérieure qu’il y aurait à décider de sa mort, les âgés, les isolés, les déprimés, les précaires, tous ceux qui ne veulent pas peser, qui ne voient plus leur place ici et sur lesquels on portera un regard compatissant certes, mais approbateur.

La légalisation de l’euthanasie sera le sacre ultime de l’individualisme de notre société, porté jusqu’à la mort. L’individu créateur de lui-même, disposant de lui-même, et puis soucieux de lui-même, oublieux du commun. Inoculé et consacré, il achèvera son œuvre de fragmentation de notre société. Qui sait s’il nous faut y vivre encore, autrement que comme des étrangers domiciliés, silencieux à ses marges pour prendre soin de ses blessés ? Un Houellebecq forcément crépusculaire écrivait qu’ « une civilisation qui légalise l’euthanasie perd tout droit au respect ». C’était bien une outrance, n’est-ce pas ?

Chronique de… la semaine dernière.

Photo de Aysegul Yahsi sur Unsplash

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