Que sont nos consciences devenues ?

En prenant congé de Robert Badinter, nous dirons adieu à une conscience claire. Cela explique certainement l’unanimité de l’hommage qui lui est rendu. Outre ses qualités éminentes de juriste, discernant le chemin droit dans les situations complexes, son éloquence, la colère qui pouvait l’animer dans la défense du droit et du juste, parfois jusqu’à rudoyer les siens, c’est la constance de sa lutte que l’on salue. En 2008, à l’Assemblée Nationale, il déclarait : « Nul ne peut retirer la vie à autrui dans une démocratie. » C’était devant la mission d’évaluation de la loi Leonetti de 2005 sur la fin de vie, il y parlait d’euthanasie mais ce principe puisait autant à son histoire familiale de la déportation et de l’extermination qu’à son combat pour l’abolition de la peine de mort. Un principe juste, inébranlable, qui fend les années, une conscience droite, ajustée qui l’a aussi autorisé à gouverner contre les sondages, selon ses convictions intimes. Dire au revoir à Robert Badinter, c’est aussi saluer l’une de nos dernières figures forgées à l’épreuve de l’Histoire. Certaines pourraient se révéler, bien sûr. Il faut du temps pour révéler une grande conscience. Mais nous ne pourrons lui faire nos adieux sans crainte pour les années à venir.

Emmanuel Macron présidera un hommage national devant le ministère de cette Justice qu’il a servie toute sa vie. Soit. Mais il est difficile de réprimer une interrogation : quel est le fil directeur du macronisme ?  Quel est son cœur, sa ligne ? Avec quelles convictions intimes traverse-t-il ses quinquennats ? Il est loin d’être le premier de nos présidents dont on peine à distinguer la vision, les fondamentaux, qui les animent. Mais il a peut-être érigé l’agilité en principe. L’« en même temps » fondateur est devenu le prétexte à toutes les ambiguïtés. S’il est de coutume de dire, qu’en politique, « l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens », s’y maintenir prend tous les atours de l’indécision et de la contradiction. Ministre de François Hollande, Emmanuel Macron préside aujourd’hui avec la droite. Son Premier Ministre, lui-même issu du parti socialiste, tient désormais un discours droitier qui laisse Éric Ciotti aphone. Le désastre du remaniement à l’Education Nationale en est une regrettable illustration. Quelle ligne a pu guider les nominations successives de personnalités aux positionnements aussi contradictoires que Jean-Michel Blanquer, Pap Ndiaye, Gabriel Attal, Amélie Oudéa-Castéra et maintenant Nicole Belloubet ?

La semaine passée a aussi été marquée par un événement politique : Marine Le Pen s’installe en tête des intentions de vote, apte à l’emporter au second tour de la présidentielle. A tort sur de nombreux sujets, ses électeurs lui font précisément crédit de ne jamais avoir varié sur le cœur de son message politique. Rien ne nous force à goûter toutes les ironies de l’Histoire.


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