La CEDH n’est pas la « Conscience de l’Europe »

cedh

Il faut remettre la Cour Européenne des Droits de l’Homme à sa place, et cette place n’est pas celle que l’opinion publique lui attribue inconsciemment ni celle qu’elle a eu elle-même l’inconscience de se reconnaître.

L’analyse de la décision rendue dans l’affaire Vincent Lambert est difficile. S’entremêlent en effet des considérations humaines lourdes et des considérations juridiques qui relèvent elles-mêmes de trois types d’enjeux : un enjeu institutionnel, relatif au rôle de la CEDH, un enjeu processuel et, bien évidemment l’enjeu de fond.

On ne peut toutefois se laisser aller à disserter sur cette affaire sans se souvenir d’abord du drame humain multiple qu’elle constitue. C’est le drame de Vincent Lambert, drame physique évidemment de cet homme enfermé dans son corps, incapable de se mouvoir et de communiquer. Drame moral aussi : qui peut seulement prétendre savoir ce qui se passe dans sa tête ? Est-il conscient, totalement ou partiellement, de ce qui se produit ? Est-il effrayé, paniqué par la perspective de mourir ? Perçoit-il cet enjeu ? Hurle-t-il en silence contre les soins que l’on pratique sur lui, ou ceux que l’on veut arrêter ? C’est le drame aussi des parents, auxquels on refuse le droit de s’occuper de leur fils, parents qui doivent supporter en outre le discrédit constamment porté contre eux, jusque dans le moindre article de presse, en raison de leurs convictions religieuses que l’on dit proche des Lefebvristes – quand bon nombre de catholiques éloignés de cette tendance les partagent. Drame du docteur Kariger, aux convictions catholiques, insulté, sali et menacé, et qui en est venu à se mettre en disponibilité du CHU de Reims. Le poids de cette affaire est lourd, incroyablement lourd. Au regard de cet enjeu, la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme paraît irréelle. Mais peut-être faut-il seulement réajuster la considération qu’on lui porte.

*

En effet :

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1. La décision de la CEDH n'a pas la portée générale qu'on lui prête et se consacre largement à des considérations accessoires.

Que ce soit pour s’en réjouir ou pour s’en lamenter, nombreux sont ceux qui accordent à cette décision une portée qui la dépasse. Or, la Cour détaille longuement les éléments factuels de cette décision, que ce soit le processus décisionnel particulièrement poussé et dont elle relève qu’il a souvent même dépassé les exigences de la loi, ou encore la situation personnelle de Vincent Lambert et, en particulier, le fait qu’il n’a jamais rédigé de directives anticipées ni désigné de personne de confiance, quand bien même il se serait ouvert à plusieurs reprises auprès de ses proches ou d’amis pour refuser par avance d’être maintenu dans un état tel que son état présent.

Il s’agit ainsi du cas très particulier d’une personne qui n’est pas en fin de vie, qui a exprimé par le passé ses convictions, mais n’est plus en mesure de le faire.

La Cour accorde en outre une attention toute particulière au processus décisionnel, qui occupe une large part de ses développements. Elle vérifie ainsi si le processus a offert des garanties suffisantes. Les requérants eux-mêmes, c’est-à-dire les parents de Vincent Lambert, ont été bien obligés de se placer eux-mêmes en grande partie sur ce terrain. C’est certes un enjeu, dans la mesure où il ne s’agirait pas de valider un processus dans lequel la vie d’un homme serait soumise à l’arbitraire d’un médecin ou même d’un proche, mais ce n’est évidemment pas la question centrale. On devine bien ce que ce terrain a d’artificiel pour les parents de Vincent Lambert dont je me permets de présumer qu’à juste titre, aucun processus décisionnel ne changerait leur perception de la décision finale. La décision de la Cour est donc largement consacrée à une question terriblement accessoire : l’existence de garanties procédurales suffisantes pour décider de l’arrêt d’un traitement.

2. La CEDH promeut dans cette affaire une conception ratatinée des Droits de l'Homme

A rebours de la perception spontanée des Droits de l’Homme, que l’on pourrait imaginer quasi immanents, transcendants, la Cour adopte une perception qui en relativise grandement la portée. Elle affirme ainsi que la Convention doit être lue comme un tout :

dans une affaire telle que celle de l’espèce il faut se référer, dans le cadre de l’examen d’une éventuelle violation de l’article 2, à l’article 8 de la Convention, et au droit au respect de la vie privée ainsi qu’à la notion d’autonomie personnelle qu’il inclut.

Ainsi la Cour soutient-elle que le droit à la vie proclamé à l’article 2 de la Convention doit être apprécié au regard de la conception individuelle que chacun peut s’en faire. Cela peut s’avérer légitime mais cela relativise la portée de ces droits de l’Homme, qui sont donc tout à fait subjectifs.

3. La CEDH n'intervient que de façon résiduelle, dans l'hypothèse d'un consensus entre les pays membres.

A de très nombreuses reprises, la Cour fait état de la nécessité d’un consensus entre les Etats membres du Conseil de l’Europe qui, seul, pourrait lui permettre de se prononcer sur le fond de l’affaire (points 144, 145, 147, 168). En l’absence d’un tel consensus, la Cour renvoie à la « marge d’appréciation » des Etats. Cette démarche, que l’on imagine (à défaut d’être spécialiste) institutionnalisée, donne une idée du caractère relatif du positionnement de la Cour. La Cour ne se prononcerait sur le fond d’une affaire que dans l’hypothèse où existerait un consensus sur les droits de l’Homme concernés entre l’ensemble des 47 pays membres, en ce compris la Russie, la Turquie, l’Albanie ou l’Azerbaïdjan. Ceci devrait limiter drastiquement les occasions dans lesquelles elle pourrait se prononcer véritablement.

Il me paraît toutefois douteux que, lorsque la CEDH se prononce, souvent justement d’ailleurs, en matière de procédure pénale, ce soit en vertu d’une conception consensuelle des droits de l’Homme parmi les pays membres. Il reste donc un doute sur le fait que la Cour ait joué de cette exigence de consensus pour se défausser dans cette affaire, plutôt que s’affronter aux questions essentielles.

Accessoirement, ceci suscite deux autres observations de ma part : (i) cela pourrait apaiser les craintes de ceux qui considèrent que la CEDH est un organe supranational créateur de droit dépourvu de légitimité démocratique (ii) il ne serait pas pour me déplaire, compte tenu de ses positions répétées sur les questions éthiques, qu’elle ne se prononce que dans l’hypothèse où un consensus unanime existe – c’est-à-dire pratiquement jamais.

En tout état de cause, si mon analyse est correcte la CEDH ne dit pas formellement que la décision d’arrêter l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert serait conforme à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales mais seulement qu’en l’absence de consensus entre les pays membres, la législation française reste dans le cadre de la « marge d’appréciation » qu’elle reconnaît à chacun d’entre eux. Ainsi ne se prononce-t-elle pas, notamment, sur la qualification de l’alimentation et de l’hydratation dites artificielles, en l’absence de consensus entre les pays membres sur la question.

Le standard requis n’est donc pas bien élevé. Il suffit en somme que la législation française ne soit pas manifestement déconnante.

 

La CEDH, qui élude les questions essentielles, ne peut pas être appelée la Conscience de l’Europe. Qui donc pourrait avoir l’idée de l’appeler ainsi ? Outre l’opinion publique instinctive, la CEDH elle-même. Elle a eu cette imprudence et même cette présomption, comme en témoigne ce documentaire de présentation de la Cour. C’est ce que révèlent avec gravité les juges rédacteurs de l’opinion divergente, qui se conclut ainsi :

En 2010, pour célébrer son cinquantième anniversaire, la Cour a accepté le titre de Conscience de l’Europe en publiant un ouvrage ainsi intitulé (…) il est de l’essence même d’une conscience, fondée sur la recta ratio, de permettre que les questions éthiques façonnent et guident le raisonnement juridique jusqu’à la conclusion finale. C’est précisément cela, avoir une conscience. Nous regrettons que la Cour, avec cet arrêt, ait perdu le droit de porter le titre ci-dessus.

Ces juges à l’opinion divergente sont-ils des idéologues et des jusqu’au-boutistes ? Aucunement : ils précisent eux-mêmes que, si Vincent Lambert, tout en n’étant pas en fin de vie ni soumis à une souffrance physique, avait pu exprimer lui-même la volonté de ne pas être gardé en vie, ils n’auraient eu aucune objection à l’arrêt du traitement / des soins (point 3 de l’opinion divergente).

Leurs observations n’en ont que plus de poids et, de fait, ils posent des questions essentielles :

Vincent Lambert est vivant et l’on s’occupe de lui. Il est également nourri – et l’eau et la nourriture représentent deux éléments basiques essentiels au maintien de la vie et intimement liés à la dignité humaine. Ce lien intime a été affirmé à maintes reprises dans de nombreux documents internationaux. Nous posons donc la question : qu’est-ce qui peut justifier qu’un État autorise un médecin (…), en l’occurrence non pas à « débrancher » Vincent Lambert (celui-ci n’est pas branché à une machine qui le maintiendrait artificiellement en vie) mais plutôt à cesser ou à s’abstenir de le nourrir et de l’hydrater, de manière à, en fait, l’affamer jusqu’à la mort ? Quelle est la raison impérieuse, dans les circonstances de l’espèce, qui empêche l’État d’intervenir pour protéger la vie ? Des considérations financières ? Aucune n’a été avancée en l’espèce. La douleur ressentie par Vincent Lambert ? Rien ne prouve qu’il souffre. Ou est-ce parce qu’il n’a plus d’utilité ou d’importance pour la société, et qu’en réalité il n’est plus une personne mais seulement une « vie biologique » ?

La Cour précise clairement dans sa décision que l’article 2 de la Convention sur le droit à la vie comporte d’une part des obligations négatives de ne pas provoquer la mort et d’autre part des obligations positives, obligations positives de protéger la vie. Peut-on réellement affirmer aujourd’hui que l’Etat français respecte ses obligations positives de protéger la vie ? Peut-on conclure que l’Etat français a respecté son obligation positive de protéger la vie simplement parce que médecins et juridictions ont convenablement respecter le processus décisionnel qui conduit… à l’ôter ?

Peut-on se contenter de la situation présente, à savoir le cas d’une personne inconsciente et n’ayant pas rédigé de directives anticipées, dans laquelle la volonté du patient ne fait que compléter l’appréciation du médecin, mais n’est pas déterminante ? Plus encore, comme je le rappelais ici, une étude européenne fondée sur l’expérience de nombreux services spécialisés soulignait que « la vie peut valoir la peine d’être vécue avec un locked-in syndrom » : ainsi des patients paralysés, incapables de s’exprimer autrement que par des codes de communication appropriés, jugent-ils qu’ils jouissent encore d’une certaine qualité de vie. Mais quelle personne bien-portante imaginerait seulement que cela soit possible ? Certainement pas moi. Comment peut-on alors accorder un tel poids à la volonté de Vincent Lambert rapportée de façon indirecte et exprimée hors de contexte ?

L’Etat français et la Cour se sont largement appuyés sur une formule selon laquelle le fait d’arrêter l’alimentation et l’hydratation dites artificielles ne relèverait pas de l’intention de donner la mort mais de « restituer à la mort son caractère naturel et de soulager« . Dans une matière aussi sensible et fine que celle-ci, certaines distinctions sont indispensables, d’autres sont fumeuses. Je peux ainsi accepter l’idée que la sédation en phase terminale a pour but premier de soulager la souffrance, mais je ne vois pas en quoi l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation soulagerait une quelconque souffrance – qu’au demeurant personne n’allègue dans le cas de Vincent Lambert. Et ce n’est évidemment pas la mort elle-même que l’on pourrait présenter comme un « soulagement » : l’idée de soulagement suppose une meilleure situation postérieure. Se porte-t-on mieux mort ?

L’idée de « restituer à la mort son caractère naturel » est en outre aussi absconse qu’artificielle. Elle laisse deviner une légitimation oiseuse, apte à satisfaire les esprits disposés à se satisfaire de la première apparence de justification métaphysique. Aurait-on retiré à la mort quelque chose que l’on aurait le devoir de lui restituer ? Et que serait donc une mort « artificielle » ? Certes, les progrès de la médecine ont conduit à placer des personnes dans des situations qu’elles n’auraient pas subies auparavant mais en quoi le fait de poser l’acte d’arrêter alimentation et hydratation équivaudrait à une mort naturelle ?

Vincent Lambert est vivant. Il cligne des yeux, il suit du regard. Alors que l’on a cessé de l’alimenter (entre le 10 avril et le 11 mai 2013) il a survécu durant trente jours. Ses parents sont disposés à s’occuper de lui. D’autres personnes dans la même situation vivent dans des établissements spécialisés et rejoignent leur famille pour les week-ends ou pour des vacances. Personne ne connaît la volonté actuelle de Vincent Lambert. Personne ne peut dire qu’il ne dispose plus de sa conscience, même dégradée.

Dans ces conditions, aussi effarés soyons-nous devant l’éventualité de vivre la même situation, il nous faut revenir à cette question posée dans l’opinion divergente : quelle raison impérieuse empêche l’Etat d’intervenir pour protéger la vie ? Et quelle raison impérieuse commande de mettre un terme à la vie de Vincent Lambert ?

Contrairement à ce qu’a jugé la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la décision de mettre un terme à la vie de Vincent Lambert n’est ni fondée juridiquement, ni juste moralement. Elle est même, à bien y penser, proprement effrayante.

31 commentaires

  • Koz a écrit :

    l’idée de soulagement suppose une meilleure situation postérieure. Se porte-t-on mieux mort ?

    Dans certains cas bien sûr, et c’est justement tout l’objectif de l’euthanasie de s’occuper de ces cas (et de ceux-là seulement).

    Il ne fait pas de doute que Vincent ira au Paradis, comment donc pouvez-vous dire qu’il n’y sera pas mieux que dans sa situation actuelle ?

  • Vous mettez en mots ce qu’ instinctivement on ressent. Merci pour ce billet. La raison vient appuyer et éclairer ce contre quoi tout l’être se révolte : quel est cet acharnement suspect à vouloir mettre à mort une pauvre vie dont nous ne savons rien ?….
    Dans cette affaire je suis du côté de la mère de ce malheureux : aucune mère digne de ce nom ne voudrait mettre volontairement un terme à la vie de son fils d’une manière aussi barbare (ou d’une autre soit dit en passant…).
    Nous sommes là, tous bien portants, réduits à imaginer ce que signifie « vivre » dans l’état de Vincent Lambert. « Dans ce cas il faudrait me piquer » entend-on ! Mais que savons-nous de ce que nous voudrions VRAIMENT ? Ne chercherions-nous pas à nous raccrocher au moindre petit lambeau de vie ??? Comme vous le rappelez si justement, Vincent Lambert a tenu UN mois, un long mois, sans nourriture. N’est-ce pas là une preuve bien tangible que ce jeune homme LUTTE pour se maintenir en vie ????

  • @ Élisabeth Le Lann : alors juste je vous en prie.

    Numéro N a écrit :

    Dans certains cas bien sûr, et c’est justement tout l’objectif de l’euthanasie de s’occuper de ces cas (et de ceux-là seulement).

    Dans certains cas, on se porte mieux mort que vivant ? Ah. Qui vous l’a dit ?

    Numéro N a écrit :

    Il ne fait pas de doute que Vincent ira au Paradis, comment donc pouvez-vous dire qu’il n’y sera pas mieux que dans sa situation actuelle ?

    En ce qui concerne le paradis, contrairement à vous, je n’ai pas de ligne directe avec le Ciel pour affirmer qu’il n’y a aucun doute à cet égard. Plus sérieusement (quoique), je n’ai pas ouïe dire que le Coneil d’Etat ou la CEDH fondent leurs raisonnements sur les promesses de la vie éternelle. Ni d’ailleurs que l’Eglise serait en faveur de l’arrêt des traitements et de l’euthanasie parce que ce serait mieux après. Il me semble pourtant qu’elle y croit.

    Bref, restons sérieux.

    @ Emm : le retournement opéré par les juges rédacteurs de l’opinion divergente est particulièrement pertinent. La question posée par les uns, et souvent présentée ainsi : pourquoi le maintenir en vie ? Pourquoi ne pas le « laisser partir » ? Or la vraie question est bien, sur un sujet aussi grave : quelle raison impérieuse justifie que l’on mette fin à sa vie ?

    L’essentiel repose, quel que soit le processus décisionnel, sur la volonté qu’aurait exprimée Vincent Lambert lorsqu’il était bien-portant. Mais on ne peut pas affirmer avec certitude que cela coïnciderait avec sa volonté actuelle. L’arrêt de la Cour évoque à certains moments la « volonté présumée » de Vincent Lambert ? Je ne vois pas comment sur une question de mort, on peut se satisfaire d’une présomption.

  • Koz,
    Vous soulignez exactement ce qui me fait frémir. Au nom de quoi déciderions-nous de tuer (car il s’agit bien de cela, et non de « laisser partir »….) ce garçon au seul prétexte que, du haut de notre validité, son invalidité (et encore faudrait-il manipuler ces mots avec la plus extrême prudence…) nous parait insupportable ? Nous ne savons rien, absolument rien, de ce serait son souhait aujourd’hui.
    En outre, on commence à entendre des propos plus que révoltants (de la part sans doute de ceux qui seraient les premiers à réclamer pour eux-mêmes des dépenses qu’ils ne jugeraient plus exorbitantes dès lors qu’ils en seraient les bénéficiaires) : une femme sur RTL (l’émission « café du commerce » de la mi-journée) a eu la cruauté de dire en réaction aux propos de Viviane Lambert interviewée ce matin-là par Yves Calvi : d’abord que les propos de cette femme l’avaient scandalisée (????? En quoi ? Comment la défense par une mère de la vie de son fils peut-elle être « choquante » ?????) puis elle a achevé son propos par cette phrase mémorable : « j’aimerais bien savoir combien cela coûte à la SS de [le] maintenir en vie »….
    Voilà : tout est dit. Jetons les invalides, les incapables, les obscurs, les sans grade tous ceux qui « coûtent » à la société ! Il va y avoir du monde.
    Nous vivons dans un monde barbare que nous nommons civilisé. Nihil novi sub sole…. Au XXIÈME siècle on ne peut que le regretter.

  • Mon premier message était un peu lapidaire et je vous prie de m’en excuser. Pour préciser quelque peu :

    Koz a écrit :

    Dans certains cas, on se porte mieux mort que vivant ? Ah. Qui vous l’a dit ?

    Pour les athées, la mort est la « non-existence », ce même état où nous étions avant notre conception, et dans lequel il n’y a pas de souffrance ni rien. On ne s’y « porte » pas, donc on s’y porte mieux que dans une vie souffrante.

    Pour les croyants, la mort est la réunion et la connaissance du Créateur, moment d’ineffable félicité pour qui s’est efforcé de vivre bien, sinon je ne comprends plus le sens du message chrétien. Ce sera bien à Vincent de décider s’il accepte l’amour de son Créateur, et si nous n’avons en effet nulle certitude en la matière ce sera son libre choix.

    Koz a écrit :

    Mais on ne peut pas affirmer avec certitude que cela coïnciderait avec sa volonté actuelle.

    Il me semble donc que vous récusez le principe même des directives anticipées, ce qui me paraît une position assez radicale.

    Je vous remercie en tous cas de l’attention que vous portez à mes interrogations, même si elles sont parfois maladroitement exprimées.

  • Merci pour cette analyse approfondie. En particulier, cette notion de « conscience de l’Europe » est très malsaine, quoiqu’on en pense. La conscience n’est pas une notion juridique, elle s’y oppose même souvent. Du reste cette institution n’est guère démocratique, autant dire que la liberté de « conscience » du peuple européen est réduite.

    Ce jugement me pose question moi aussi, mais votre texte élude deux aspects : certes on nie à des parents la possibilité de s’occuper de leur enfant. Cependant vous n’avez pas un mot pour l’épouse de cet homme, qu’il a choisie, dont il a partagé la vie et qui a aussi me semble-t-il le droit de s’assurer que la volonté de cet homme de mourir, qu’il a exprimée clairement, soit respectée.

    Je m’excuse mais avec tout l’amour que j’ai pour mes parents et ceux de cet homme, un être humain majeur n’est plus sous leur autorité, et s’il a choisi un conjoint à qui il a confié librement sa vie, ce conjoint a voix au chapitre au moins à égalité avec eux, et en ce qui me concerne, de manière prioritaire. Vous n’évoquez même pas cette femme, c’est assez irrespectueux.

    Accessoirement, cette notion de « mourir dans la dignité » a été scandaleusement préemptée par les pro-euthanasie, comme si choisir de vivre jusqu’à une mort naturelle même dans un état très diminué, et dans la souffrance était indigne. C’est lamentable.

    Le débat en fait porte surtout sur l’idée de choisir sa mort. Si je ne supporte pas l’argument de la « mort dans la dignité », d’autres me posent plus question : nombreux sont ceux qui considèrent comme digne toute vie, même en « locked in syndrom », mais qui pour eux-mêmes souhaitent décider de la qualité de vie minimale au-delà de laquelle ils estiment que leur vie mérite d’être vécue, en-deça de laquelle ils souhaitent mourir, sans porter de jugement sur le choix des autres. Cette attitude me semble mériter réflexion, car si pour ma part j’accepte que cela appartienne à Dieu, pour ceux qui n’y croient pas, je n’ai guère d’argument à leur opposer.

  • Je me souviens d’un témoignage poignant entendu à la radio, celui de Philippe Pozzo Di Borgo, l’homme dont est inspiré le film « intouchables « . Il expliquait qu’avant son accident, son opinion était qu’une vie handicapée ne méritait pas d’être vécue pour lui. Et visiblement son opinion, après des années de tétraplégique avait sensiblement évolué, même cloué dans un lit d’hôpital avec pour seul horizon un plafond blanc, il avait encore trouvé de l’intérêt à la vie.
    Certes, ce n’est qu’un témoignage d’un homme, mais une preuve concrète que les volontés peuvent évoluer. Le cas de Vincent Lambert est différent en ce qu’il ne peut pas communiquer, mais seulement en cela.

    Je crois profondément que cesser d’alimenter quelqu’un ne relève pas de la même démarche que de « débrancher » une personne qui ne vit plus que par des machines.

  • Numéro N a écrit :

    Pour les athées, la mort est la « non-existence », ce même état où nous étions avant notre conception, et dans lequel il n’y a pas de souffrance ni rien. On ne s’y « porte » pas, donc on s’y porte mieux que dans une vie souffrante.

    Dans le cas où la souffrance existe, je peux admettre cet argument. Dans le cas de Vincent Lambert, il est bien difficile de parler de souffrance. Les motivations de l’euthanasie (c’est bien ici une euthanasie qui va avoir lieu, malgré les circonlocutions d’usage) sont donc peu claires.

    Mais, plus profondément, ce qui me gêne dans votre commentaire, c’est l’intrusion de la religion. Je ne vois absolument pas ce qui justifie de faire appel aux croyances des uns et des autres pour appuyer tel ou tel raisonnement; et le vôtre consiste à attribuer a priori des intentions et des intérêts à autrui, ce qui me paraît présomptueux.

    Numéro N a écrit :

    Il me semble donc que vous récusez le principe même des directives anticipées, ce qui me paraît une position assez radicale.

    Minoritaire, oui. Radicale, non. Ce qui est radical, de la part de celui qui laisse de telles directives, c’est de demander à un médecin de le tuer; et, de la part de la société, de s’appuyer sur lesdites directives pour évacuer commodément la dimension éthique de la question.

    Les juges opposés à la décision ont écrit:

    En 2010, pour célébrer son cinquantième anniversaire, la Cour a accepté le titre de Conscience de l’Europe en publiant un ouvrage ainsi intitulé (…) il est de l’essence même d’une conscience, fondée sur la recta ratio, de permettre que les questions éthiques façonnent et guident le raisonnement juridique jusqu’à la conclusion finale. C’est précisément cela, avoir une conscience. Nous regrettons que la Cour, avec cet arrêt, ait perdu le droit de porter le titre ci-dessus.

    Je me permets de respectueusement exprimer mon désaccord complet. La Cour a eu le plus grand tort de prétendre accepter un tel titre, et c’est de sa part la marque d’une dérive. Si des juges, si éminents soient-ils, devenaient notre conscience collective d’Européens, cela signifierait que nous aurions renoncé à en avoir une par nous-mêmes, en tant que peuple. Cela signifierait aussi que ces juges auraient abandonné leur rôle, qui est de dire le droit, pour essayer de devenir je ne sais quelle autorité morale, ce que personne ne leur demande.

    Par conséquent, il n’y a pas à regretter que la Cour perde un pseudo-titre; j’espère qu’elle va, avec lui, perdre la prétention qui va avec.

  • Quand j’avais 18 ans, une amie slovaque m’a emmenée, avec d’autres amies communes, à la découverte de son pays. Je ne peux m’empêcher de penser en ce moment à son oncle prêtre que nous sommes allées visiter. Cela fait trente ans au moins qu’il est cloué sur un lit suite à un accident. Il a les yeux ouverts et regarde droit devant lui en permanence. Il ne s’alimente pas de lui même mais respire tout seul. Des religieuses s’occupent de lui depuis tout ce temps. Le seul signe qu’il donne encore est un large sourire quand quelqu’un vient prier le chapelet à voix haute à ses côtés. Depuis trente ans. Voilà à qui je pense quand je vois le nom de « Vincent Lambert » s’afficher. Or j’apprends que lui, il suit du regard. C’est bien beau de trouver un tout petit moyen de communiquer, si personne n’est capable d’y prêter attention…

  • Koz, il serait intéressant de nous partager les conditions des lois bioéthiques et Leonetti sur ce sujet. Il me semble que telle décision de « débranchement » ne se prend pas par un médecin mais est longuement réfléchi par une équipe… Je ne juge pas mais essaie de comprendre en l’espèce la situation de Vincent Lambert…je n’ai pas lu aussi clairement que vous qu’il communiquait clairement avec ses yeux…et je vous ai partagé l’article de la Croix sur votre profil FB qui me conforte dans ma conviction : je me suis marié avec mon épouse et ensemble nous avons souhaité donné et accompagné la vie de nos enfants (par la volonté de celui qui nous rassemble certes, mais nous sommes acteurs dans le sacrement du mariage dont nous sommes les ministres-même que dans la volonté de concevoir). S’il n’est pas question de remettre en cause l’amour que nous avons envers nos parents… la réalité est que nous n’avons pas choisi notre famille). Pour être un peu brut d’analyse : j’ai choisi de faire ma vie avec mon épouse ! Elle sait plus que tout autre ce que je suis, mes volontés, mes désirs… bien plus que ma propre mère. Cette position ne juge pas celle – aimante – des parents de Vincent Lambert évidemment.
    Je suis intéressé par votre point de vue de juriste sur ce qu’il faut faire comme démarches pour dire à nos proches ce que l’on souhaite dans un cas similaire. Quel écrit, conservé par qui ?
    Je ne souhaite pas dans un tel cas que mes proches se déchirent. Si un écrit préalable le permet, je souhaite l’écrire. Merci de vos apports réguliers à ma réflexion.

  • Numéro N a écrit :

    Pour les athées, la mort est la « non-existence », ce même état où nous étions avant notre conception, et dans lequel il n’y a pas de souffrance ni rien. On ne s’y « porte » pas, donc on s’y porte mieux que dans une vie souffrante.

    Ce même état « où nous étions avant notre conception » ? Non-sens, le non-être n’est pas un état de l’être ! Avant notre conception, il n’y a pas plus pour un chrétien que pour un athée de substance à laquelle un prédicat de « qui se porte bien ou pas » pourrait s’attacher ! (Pour un adepte de la métempsychose, peut-être…)

    Je précise cela non pour le plaisir de critiquer un point annexe de l’argumentation de quelqu’un avec qui je suis en désaccord, mais bien parce que la différence soulevée est, me semble-t-il, fondamentale. En effet, parler d’un même non-être pour « avant la conception » et « après la mort » c’est faire l’impasse, précisément, sur la vie, et toute considération sur la valeur ou la dignité de celle-ci me semble alors totalement oiseuse. Comme le rappelle l’exergue de notre hôte, « avoir été là »… est « ineffaçable ».

    Dire que le fait que l’on ne se « porte » pas revient à « mieux se porter » me semble également une absurdité complète. Être ou n’être pas, ce ne sont pas juste deux modalités de l’être à mesurer entre elles ! Soit on attribue une valeur spécifique à l’être, soit non. Dans le deuxième cas j’ai du mal à concevoir que quoi que ce soit ait la moindre importance – je dois manquer d’imagination ?!
    (Je ne suis pas sûr d’être assez clair, n’hésitez pas à me le dire dans le cas contraire).

  • l’idée de soulagement suppose une meilleure situation postérieure. Se porte-t-on mieux mort ?

    et la réponse de Koz:

    Je n’ai pas ouïe dire que le Coneil d’Etat ou la CEDH fondent leurs raisonnements sur les promesses de la vie éternelle.

    Non en effet. Pas explicitement.
    Je trouve cependant intéressant… et quelque part, pas sans espoir (pour un Chrétien), le fait que l’opinion publique (du moins, une partie) et la justice jusqu’à la justice européenne estiment, implicitement, que la mort « soulage les souffrances » ce qui suppose donc que l’on se « porte mieux » mort que vivant dans la souffrance (qu’elle soit physique ou psychologique).
    Cela suppose en effet l’existence d’une « vie éternelle » – seul moyen il me semble qui puisse permettre de se « porter mieux » mort que vivant –
    Implicitement donc, la justice et une partie de l’opinion envisagent sans le dire (ni sans doute sans s’en rendre compte) l’existence d’une vie après la mort…
    Ce n’est pas inintéressant…

  • « Elle est même, à bien y penser, proprement effrayante. »
    D’autant plus quand on pense à toutes les obstructions qui ont été faites à ce qu’il puisse suivre des soins !
    Dans un tout autre registre et beaucoup moins dramatique, celà fait penser à cette stratégie qui consiste à ne pas entretenir des monuments (le plus souvent des églises !) pour ensuite les raser.
    Certains témoignages (véridiques ?) font froid dans le dos tels la chambre fermée, arrêt des soins, de la kiné etc…
    Ce qui est certain c’est qu’un être humain dans son état qui survit à 1 mois sans alimentation a encore une étincelle de vie qui ne veut pas s’éteindre.
    Notons que ce sont souvent les mêmes qui réclament le droit à la vie technique (GPA, PMA….) et le droit à la mort, et dans ce cas, décidée par d’autres.
    D’après mon moteur de recherche, le plus long coma avec réveil est de 19 ans !
    Cette malheureuse histoire n’est pas effayante, elle est terrifiante !

  • Gwynfrid a écrit :

    Si des juges, si éminents soient-ils, devenaient notre conscience collective d’Européens, cela signifierait que nous aurions renoncé à en avoir une par nous-mêmes, en tant que peuple.

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    « Liberty lies in the hearts of men and women. When it dies there, no constitution, no law, no court can save it. » – Justice Learned Hand

  • @Numéro N

    Je pense, comme le maître de céans que les directives anticipées sont un non sens. Parce que l’on change souvent d’avis. Si nous prenons un(e) ado suicidaire et 5 ans après, le(la) même, amoureux(se) de son voisin (sa voisine) peut-on dire qu’il(elle) aurait la même volonté devant les même choses ? Peut-on penser qu’à un moment T on puisse prendre des décisions pour des situations tellement compliquées à gérer que personne n’a d’avis vraiment tranché ?

    Ne peut-on penser, en fait, que nous évoluons tout le temps, que nos pensées évoluent et que notre volonté fait de même. Ainsi à 20 ans nous abhorrons la vie de famille bien installé, à 30 nous détestons la vie de retraité, à 40 nous n’envisageons pas de ne plus pouvoir faire toutes les choses, à 50 nous n’envisageons pas d’être dépendant pour certaines choses, à 60 nous n’envisageons pas de…

    Je pense que vous avez compris. Ainsi comment peut-on à un moment donné prendre une décision qui va impacter notre futur tout en étant dans un état (physique et d’esprit) différent de celui dont nous devons juger la situation. C’est proprement impossible. La différence avec le cours « normal » de la vie c’est que nous sautons directement à une situation sans avoir naturellement maturé vers celle ci. Je prendrais un raccourci pour illustrer, c’est comme être enfant face à une situation, nous avons besoin de grandir dans cette situation pour vraiment savoir. Et je crois que juridiquement les enfants sont protégés, justement parce qu’ils ne peuvent pas vraiment prendre de décisions importantes à cause de ce défaut de maturation.

    Ne peut-on penser que, pour au moins certains cas, la personne doit être protégée d’elle même, à cause de son manque de maturation ? Ne peut-on penser un seul instant que le fait d’être présent pour sa mère et lui apporter sa présence puisse être pour vincent lambert une raison suffisante (en plus de l’avoir à ses cotés) pour vouloir vivre ? Lorsque vous êtes jeunes et amoureux, rester assis à coté de votre aimé(e) est suffisant pour vous apporter du bonheur. Pourquoi cela ne serait pas possible pour vincent ? Ne peut-on penser qu’il est heureux avec ses parents ? et qu’il veut continuer à vivre ce moment, même si il a clairement dit à un moment tout autre qu’il ne supporterait pas de rester comme cela, de la même manière qu’il n’aimait pas les épinards lorsqu’il avait 5 ans ?

  • Il est bon que les juges aient une conscience, mais la leur, pas celle des autres ! Qu’ils accomplissent avec conscience leur tâche, qui n’est pas d’être une conscience.

  • @ Aristote : il n’y a pas de volonté de ma part, pas plus que de celle des rédacteurs de l’opinion divergente, d’envisager qu’une Cour puisse être une conscience. Juste une réponse à la prétention qu’elle a eu de pouvoir l’incarner.

    GUIMARD Martin a écrit :

    je n’ai pas lu aussi clairement que vous qu’il communiquait clairement avec ses yeux…

    Je ne dis pas qu’il communique avec les yeux. J’ai même plutôt tendance à retenir clairement le fait qu’aucun code de communication n’a pu être établi. Je me suis contenté d’écrire qu’il bouge les yeux et qu’il cligne. Pour beaucoup, il n’a plus aucun mouvement, même des yeux. Au demeurant, je viens de voir une vidéo dont l’ensemble ne me paraît pas convaincant, et qui n’a peut-être pas grand sens médicalement mais dans laquelle il semble tout de même rester assez attentif à son frère, qu’il semble regarder. Je reste prudent mais ce que je voulais surtout dire, c’est qu’il n’était pas dans l’état dans lequel on peut l’imaginer.

    GUIMARD Martin a écrit :

    Quel écrit, conservé par qui ? Je ne souhaite pas dans un tel cas que mes proches se déchirent. Si un écrit préalable le permet, je souhaite l’écrire.

    Il y a les directives anticipées. De mémoire, il y a un site qui donne toutes les infos là-dessus.

    Numéro N a écrit :

    Il me semble donc que vous récusez le principe même des directives anticipées, ce qui me paraît une position assez radicale.

    Je pense que ces directives n’ont pas de fiabilité. Tout au plus peut-il s’agir de ce que Martin mentionne juste au-dessus, que je comprends mais que je trouve un effet regrettable : à supposer que Martin se trouve dans cette situation et que, confronté à celle-ci, il ne souhaite plus que l’on mette fin à sa vie, peut-on être satisfait qu’il ait prévu ces directives pour éviter que sa famille se déchire ? Mourir pour que sa famille ne se déchire pas ?

    Sans entrer dans ce cas de figure, il est tellement de situations dans lesquelles on nous dit (souvent à tort) qu’on ne pourrait en parler sérieusement tant qu’on ne les a pas expérimentée, et dans la situation d’être face à une mort immédiate, on imaginerait que l’on puisse s’engager par avance ? Je ne sais pas ce que je souhaiterai dans un tel cas. Peut-être souhaiterai-je que l’on m’euthanasie. Ca n’est pas impossible. Peut-être souhaiterai-je vivre encore. Et je ne suis pas convaincu par l’idée que l’on puisse anticiper ces situations.

    Dès lors, j’y vois un document rédigé par un bien-portant pour soulager des bien-portants, que ce soit la famille ou les médecins. Ca ne me convainc pas.

  • Sur radio fidélité à Nantes j ai entendu hier le témoignage de Cyrille Jeanteur
    http://radiofidelite.fr/fr/
    Il est en état paucirelationnel comme Vincent Lambert
    Il a mis 10 ans à pouvoir communiquer avec sa femme via le pouce et le regard.

    Il voyage, il est entouré, il donne de l amour.et il en reçoit

    Ce que je trouve effrayant, c est la possibilité de mettre à mort quelqu un qui ne peut s exprimer.qui ne fait l objet d aucun acharnement therapeutique.

    Je pense à tous ces parents qui en prennent plein la figure parce qu ils s’occupent d handicapés de malades, …qui aux yeux de beaucoup n ont pas une vie qui vaut la peine d être vécue, qu on doit donc avorter, euthanasier et qui entendent des auditrices sur les ondes leur reprocher que leurs choix coûtent chers à la société .

  • Vincent Lambert est devenu un objet de scandale au sens de l’Évangile si bien analysé par René Girard. Comme tel, il provoque de très vives réactions de toute personne qui n’est pas absolument indifférente à la situation, famille mais aussi médecins, amis, avocats, juges (la déclaration des 5 juges hostiles à l’arrêt est du jamais vu) et tous ces innombrables partisans qui s’affrontent dans un camp ou dans l’autre. Vincent Lambert suscite énormément de violence, tant dans les actes que dans les mots. Il est cause de haine à l’image de celle qui existe entre son épouse et sa mère. Toutes les émotions sont exacerbées, pitié, compassion, répulsion, désir de mort, désir de le garder en vie. Malheur par qui le scandale arrive, malheur à Vincent Lambert.

    A la lecture de René Girard, je me suis demandé si les miracles du Christ n’avaient pas d’abord pour objet de soustraire le paralysé, le boiteux, l’aveugle, le fou à la vindicte populaire quand, profondément troublée, profondément divisée, la foule, la société, refait son unité en massacrant celui qui n’est pas tout à fait comme les autres. Le Christ propose une conversion intérieure ; que lui fait qu’un homme soit aveugle ou paralysé ou dans le coma ? Il ne l’en aime pas moins. En guérissant physiquement, ne rend-t-il pas « l’anormal » semblable à tous ? L’objet de scandale disparaît, se fond dans le troupeau et s’il existe encore une marque sur lui, sa guérison miraculeuse, elle est devenue protection : qui oserait toucher un homme guéri au nom de Dieu ?

    Il faudrait effacer les marques du scandale sur Vincent Lambert. Cela semble impossible car même caché, surtout caché, il provoque par le seul fait d’être vivant. Que l’épouse et la mère se réconcilient. Cela semble impossible car il y a trop de gens qui poussent à la haine autour d’elles. Un miracle alors ? Il ne sera sans doute pas Vincent Lambert repoussant sa couverture et se levant de son lit. Bien plus difficile, bien plus grand miracle serait que l’amour remplace l’effrayante violence dans le cœur de ceux qui touchent au plus près à cet homme.

    Je ne sais pas vous mais pour moi, à chaque décision de justice sur lui, mon cœur s’emballe et la colère me saisit. Prier, le remettre lui et sa famille à Dieu, apaise. Pour un temps car cela fait beaucoup de décisions iniques validées par cette Cour des droits de l’homme (sic), entre GPA et euthanasie et après décision des plus hautes autorités judiciaires françaises.

    En essayant de comprendre notre société, pourquoi une impérieuse nécessité la conduit à préférer la mort à la vie, je pense à « Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » de La Fontaine. Michael Schumacher est dans le même état que Vincent Lambert, un coma végétatif que la famille préfère cacher car elle garde espoir et que Schumi est adulé par des millions de fans qui veulent y croire. Sa fortune est évaluée à plus de 700 millions de dollars. Si sa famille se déchirait sur son sort, jamais une cour suisse et encore moins la CEDH ne déciderait de le priver d’eau ou de nourriture pour mettre un terme à sa vie. Riche, puissant, célèbre, soigné dans une clinique privée qui lui donne tous les soins nécessaires, Schumi n’est pas un objet de scandale et s’il symbolise lui aussi la société d’aujourd’hui, c’est sa face lumineuse, celle que tout le monde admire, la gloire, l’exploit hors du commun, la foi mise dans la médecine, l’unité et le consensus.

  • http://www.famillechretienne.fr/politique-societe/bioethique/vincent-lambert-n-est-pas-en-fin-de-vie-170084
    Que dire….je ne sais pas comme si c’est très médical… mais qui avait-il dans le dossier de la CDEH ? j’avoue que c’est impressionnant… pour autant, ma réflexion sur une telle situation continue…accepterai-je une telle situation pour mes proches autant d’années ?…
    Aucune certitude, que des doutes… en tout cas, je vais me replonger dans certains ouvrages (nouveau caté de l’église catho, ….) et approfondir le sujet.
    merci de nous aider dans notre réflexion.
    (et je prie pour notre frère tourangeau, Frédéric, époux de Marie-Gaëlle et Père de leurs 4 enfants qui a fait un infarctus il y a deux jours (40 ans environ), et qui après 8 chocs a été maintenu avant un réveil… plein d’espoir)

  • Anne-Laure.T a écrit :

    Je crois profondément que cesser d’alimenter quelqu’un ne relève pas de la même démarche que de « débrancher » une personne qui ne vit plus que par des machines.

    « Toutes choses égales par ailleurs », je ne vois pas bien la différence entre la machine qui nourrit ou la machine qui fait respirer, ou la machine qui fait circuler le sang.

    Gwynfrid a écrit :

    ce qui me gêne dans votre commentaire, c’est l’intrusion de la religion. Je ne vois absolument pas ce qui justifie de faire appel aux croyances des uns et des autres pour appuyer tel ou tel raisonnement

    Dès lors que l’on se demande si on se « porte mieux » mort ou vivant, il me semble que l’idée que l’on se fait de la mort joue un certain rôle. Et cette idée ne découle-t-elle pas de nos croyances religieuses ?

    Ce qui est radical, de la part de celui qui laisse de telles directives, c’est de demander à un médecin de le tuer; et, de la part de la société, de s’appuyer sur lesdites directives pour évacuer commodément la dimension éthique de la question.

    La question peut aussi être formulée sous forme de savoir s’il existe un « droit au suicide » ultime, si ce droit est imprescriptible ou pas, et quelles en sont les conditions de validité et les modalités d’application.

    Et ce droit pour soi-même peut-il être demandé par les uns et renié par les autres ? Ou bien doit-il s’imposer à tous ou être refusé à tous ?

  • Humpty-Dumpty a écrit :

    parler d’un même non-être pour « avant la conception » et « après la mort » c’est faire l’impasse, précisément, sur la vie, et toute considération sur la valeur ou la dignité de celle-ci me semble alors totalement oiseuse. Comme le rappelle l’exergue de notre hôte, « avoir été là »… est « ineffaçable ».

    Dans une perspective athée, l’impact que ma vie aura laissé sur le monde aura une influence sur les vivants, mais plus sur moi qui serai retourné au « non-être ». « Avoir été là » est ineffaçable pour ceux qui sont encore là. Vu de celui qui n’a plus d’existence, tout est évidemment effacé.

    Loulou a écrit :

    ce qui suppose donc que l’on se « porte mieux » mort que vivant dans la souffrance (qu’elle soit physique ou psychologique). Cela suppose en effet l’existence d’une « vie éternelle » – seul moyen il me semble qui puisse permettre de se « porter mieux » mort que vivant

    Dans une perspective athée, la fin de l’être entraîne la fin de la souffrance sans qu’il y ait de vie éternelle.

    Koz a écrit :

    Mourir pour que sa famille ne se déchire pas ?

    Et pourquoi pas ? Il me semble que l’on a vu pire comme motivation. Ne pas se déchirer, et permettre à chacun de poursuivre sa vie et de tourner la page. Ma page.

    L’état d’esprit le plus clair et le plus « mûr » sur le sujet, que demande à juste titre herve_02, est-ce maintenant que je l’ai ou bien quand je serai assommé de morphine ? Les conséquences de mon état sur mon entourage, les mesuré-je mieux maintenant ou quand je serai vidé de tout ou partie de ma conscience ?

    C’est ainsi que je vois les choses aujourd’hui, dans ma perspective de valide en effet, vis à vis de ma famille et de mes enfants. Et quoiqu’on fasse, notre temps à tous passera, n’est-ce pas ?

  • Je voulais ajouter : merci pour l’article (comme toujours, certes) !
    Et en particulier pour le titre que j’approuve entièrement.

    Le sentiment que j’ai, c’est que les douze majoritaires se sont prononcés sur le seul aspect juridique et procédural, respecté ou non – c’est-à-dire en définitive, pour moi, comme des adeptes du positivisme juridique. Or prétendre être « conscience de l’Europe » (ou de quoi que ce soit) sans se référer à un droit naturel (celui-là même que la convention serait censée synthétiser pour prétendre vraiment garantir des « droits de l’homme » à ce qu’il me semble), du moins dans leur pratique (je ne sonde pas leur for intérieur), me semble contradictoire. On ne peut pas à la fois parler de conscience et examiner une décision sous le seul angle « juridiste ».

    L’opinion dissidente, sans pourtant que ses cinq auteurs prétendent se faire « consciences », semble bien à l’inverse fondée sur une notion jusnaturaliste – faisant dire à la convention plus que ce que le seul respect procédural de formes juridiques implique.

  • @ Yann : je suis assez d’accord avec votre commentaire. C’est aussi le malheur de ces affaires, dont les protagonistes deviennent les otages de conceptions opposées de la vie et de la mort, et dont l’humanité finit par être oubliée dans le fracas du combat. De part et d’autre, on peut trouver des jusqu’aux-boutistes et il est bien difficile de savoir précisément quoi penser et, surtout, de se forger une certitude totale. Quel est l’état exact de Vincent ? Les images que l’on voit de lui sont-elles suffisamment explicites ? Ma perception de l’affaire a grandement évolué en constatant qu’il n’était pas totalement amorphe sans la moindre réaction (réaction ne signifiant pas communication ou réaction maîtrisée), même si cela ne devrait pas être totalement déterminant. La dernière vidéo, que pointe @ GUIMARD Martin, est également troublante : la fixité de son regard est-elle la preuve d’une attention consciente, ou un hasard ? Autant je ne trouve pas très concluante la séquence de conversation avec sa mère, autant il m’est difficile de penser que la séquence avec son frère ne démontre aucune attention. Comment ne pas être troublé ?

    Malheureusement, une telle affaire, d’une telle sensibilité, devient l’enjeu d’un combat politique. Il faut effectivement prier pour lui et pour toute sa famille.

  • Koz a écrit :

    @ Yann : je suis assez d’accord avec votre commentaire. C’est aussi le malheur de ces affaires, dont les protagonistes deviennent les otages de conceptions opposées de la vie et de la mort, et dont l’humanité finit par être oubliée dans le fracas du combat.

    +1. Ce qui s’exprime dans les commentaires un peu partout, et même dans la décision des juges, ce sont les craintes, les idéaux, et les modes de raisonnement des bien portants, avec ce que cela comporte de biais émotionnels et idéologiques. Il faut beaucoup d’humilité pour approcher le sujet correctement, et cela interdit les conclusions trop définitives.

    Koz a écrit :

    De part et d’autre, on peut trouver des jusqu’aux-boutistes et il est bien difficile de savoir précisément quoi penser et, surtout, de se forger une certitude totale. Quel est l’état exact de Vincent ? Les images que l’on voit de lui sont-elles suffisamment explicites ? Ma perception de l’affaire a grandement évolué en constatant qu’il n’était pas totalement amorphe sans la moindre réaction (réaction ne signifiant pas communication ou réaction maîtrisée), même si cela ne devrait pas être totalement déterminant. La dernière vidéo, que pointe @ GUIMARD Martin, est également troublante : la fixité de son regard est-elle la preuve d’une attention consciente, ou un hasard ? Autant je ne trouve pas très concluante la séquence de conversation avec sa mère, autant il m’est difficile de penser que la séquence avec son frère ne démontre aucune attention. Comment ne pas être troublé ?

    Je suis très dubitatif face à un jugement sur la base d’une vidéo. Le titre de Famille Chrétienne est abusif, car prétendre faire un diagnostic médical de cette manière n’est pas sérieux. Ensuite, la vidéo émane d’un des camps en présence. L’image n’est jamais neutre, et à plus forte raison lorsque, comme ici, son origine ne l’est pas.

  • @ Gwynfrid:
    Je suis d’accord avec vous sur l’absence de neutralité de l’image. Mais il faut tout de même se rappeler que l’ADMD ou ceux qui défendent l’euthanasie sans faire partie de l’association faisait de même avec les différentes affaires précédentes. Vincent Lambert n’est pas un cas exceptionnel. Simplement, chaque camp légitime ou délégitime l’utilisation d’image en fonction de sa conception de la dignité et de la fin de vie.

  • Antoine a écrit :

    @ Gwynfrid: Je suis d’accord avec vous sur l’absence de neutralité de l’image. Mais il faut tout de même se rappeler que l’ADMD ou ceux qui défendent l’euthanasie sans faire partie de l’association faisait de même avec les différentes affaires précédentes. Vincent Lambert n’est pas un cas exceptionnel. Simplement, chaque camp légitime ou délégitime l’utilisation d’image en fonction de sa conception de la dignité et de la fin de vie.

    … Et c’est là une mauvaise excuse, pour ceux qui avalent les messages de l’un ou l’autre camp sans esprit critique (ou uniquement à l’aune de leurs propres convictions), comme pour ceux qui abuseraient ainsi de la force de l’image.

    Notez, cependant, que je n’accuse personne de se livrer à une manipulation. Je n’en sais rien. Mais, même au cas où les auteurs de la vidéo seraient irréprochables, il n’en reste pas moins que … ce n’est qu’une vidéo. Si on souhaite savoir la vérité sur l’état de santé de Vincent Lambert, la seule référence crédible est le corps médical.

  • Corps médical qui est partagé, car ce n’est pas une science exacte…
    Certains médecins sont prêts à accueillir Vincent dans l’unité spécialisée qui correspond à son état.

    Je crois surtout que ce que l’auteur de la video veut montrer, c’est que Vincent ne subit pas d’acharnement thérapeutique, qu’il n’est pas branché de partout comme beaucoup de gens l’imaginent.

    Je reprend le cas de Cyrille Jeanteur. Quand vous le voyez, comme ici, https://www.youtube.com/watch?v=gTn0ba_92s0, qui peut dire vraiment qu’il communique? Il faut plus que l’image….

    Ne nous y trompons pas : l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation aboutissant à des agonies douloureuses , on justifiera alors la sédation profonde ( proposée par la Loi Claeys-Leonetti ) et toutes les dérives associées.
    Les nazis, dans le bunker de la soif où mourut Maximilien Kolbe, ont fini par lui faire une piqure létale. pour hâter sa fin douloureuse…

    Pour finir, un petit rappel de ce qu’écrivait St Jean Paul 2 en 2004

    « …En particulier, pour indiquer la condition de ceux dont « l’état végétatif » se prolonge pendant plus d’un an, le terme d’état végétatif permanent a été créé. En réalité, cette définition ne correspond pas à un diagnostic différent, mais simplement à un jugement conventionnel de prévision, relatif au fait que la reprise du patient est, statistiquement parlant, toujours plus difficile au fur et à mesure que la condition d’état végétatif se prolonge dans le temps.

    Toutefois, il ne faut pas oublier ou sous-estimer que des cas de récupération, du moins partiels, même après de nombreuses années, ont été recensés, au point que l’on a affirmé que la science médicale, jusqu’à aujourd’hui, n’est pas encore en mesure de prévoir avec certitude qui, parmi les patients dans cet état, pourra se remettre ou ne le pourra pas.

    Face à un patient dans un tel état clinique, certaines personnes en arrivent à mettre en doute la subsistance même de sa « qualité humaine », presque comme si l’adjectif « végétatif » (dont l’utilisation est désormais consolidée), qui décrit de façon symbolique un état clinique, pouvait ou devait se référer au contraire au malade en tant que tel, dégradant de fait sa valeur et sa dignité personnelle. A cet égard, il faut souligner que ce terme, même limité au domaine clinique, n’est certainement pas des plus heureux lorsqu’il se réfère à des sujets humains.

    En opposition à ces courants de pensée, je ressens le devoir de réaffirmer avec vigueur que la valeur intrinsèque et la dignité personnelle de tout être humain ne changent pas, quelles que soient les conditions concrètes de sa vie. Un homme, même s’il est gravement malade, ou empêché dans l’exercice de ses fonctions les plus hautes, est et sera toujours un homme, et ne deviendra jamais un « végétal » ou un « animal ».

    Nos frères et soeurs qui se trouvent dans l’état clinique d' »état végétatif » conservent eux aussi intacte leur dignité humaine. Le regard bienveillant de Dieu le Père continue de se poser sur eux, les reconnaissant comme ses fils ayant particulièrement besoin d’assistance.

    Les médecins et les agents de la santé, la société et l’Eglise ont envers ces personnes des devoirs moraux auxquels ils ne peuvent se soustraire sans manquer aux exigences tant de la déontologie professionnelle que de la solidarité humaine et chrétienne.

    Le malade dans un état végétatif, dans l’attente d’un rétablissement ou de sa fin naturelle, a donc droit à une assistance médicale de base (alimentation, hydratation, hygiène, réchauffement, etc.) et à la prévention des complications liées à l’alitement. Il a également le droit à une intervention réhabilitative précise et au contrôle des signes cliniques d’une éventuelle reprise.

    En particulier, je voudrais souligner que l’administration d’eau et de nourriture, même à travers des voies artificielles, représente toujours un moyen naturel de maintien de la vie, et non pas un acte médical. Son utilisation devra donc être considérée, en règle générale, comme ordinaire et proportionnée, et, en tant que telle, moralement obligatoire, dans la mesure où elle atteint sa finalité propre, et jusqu’à ce qu’elle le démontre, ce qui, en l’espèce, consiste à procurer une nourriture au patient et à alléger ses souffrances.

    L’obligation de ne pas faire manquer « les soins normaux dus au malade dans des cas semblables » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Iura et bona, p. IV) comprend en effet également le recours à l’alimentation et à l’hydratation (cf. Conseil pontifical « Cor Unum », Dans le cadre, 2.4.; Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, Charte des Agents de la Santé n. 120). L’évaluation des probabilités, fondée sur les maigres espérances de reprise lorsque l’état végétatif se prolonge au-delà d’un an, ne peut justifier éthiquement l’abandon ou l’interruption des soins de base au patient, y compris l’alimentation et l’hydratation. La mort due à la faim ou à la soif est, en effet, l’unique résultat possible à la suite de leur suspension. Dans ce sens, elle finit par prendre la forme, si elle est effectuée de façon consciente et délibérée, d’une véritable euthanasie par omission.

    A ce propos, je rappelle ce que j’ai écrit dans l’Encyclique Evangelium vitae, en expliquant que « par euthanasie au sens strict, on doit entendre une action ou une omission qui, de soi et dans l’intention, donne la mort afin de supprimer ainsi toute douleur »; une telle action représente toujours « une grave violation de la Loi de Dieu, en tant que meurtre délibéré moralement inacceptable d’une personne humaine »

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