De l'enfant né sans vie

La Première chambre civile de la Cour de cassation vient de rendre, avec force, trois arrêts remarquables qui, selon ses propres termes, viennent « préciser le statut des enfants nés sans vie ». Elle l’a fait avec force, puisqu’elle a rendu ces trois arrêts le même jour, ce qui a toujours été le signe de l’importance qu’elle entend donner à une solution. Elle les a de surcroît accompagné d’un communiqué de presse, ce qui est le signe plus récent de cette importance.

Nous avons tous connaissance de cas dans lesquels un enfant a pu naître sans vie, que ce soit prématurément ou non. Lorsqu’il s’agit d’un enfant né prématurément, le traitement que l’on réservait à de tels cas dans de très nombreux hôpitaux était à proprement parler odieux, ne faisant qu’ajouter à la douleur des parents.

Ces trois arrêts mettront fin à une telle situation.

La Cour de cassation a en effet cassé trois arrêts de cours d’appel qui avaient, quant à eux, confirmé les décisions rendues par des tribunaux de grande instance déboutant (rejetant) la demande des parents qui sollicitaient, sur la base de l’article 79-1 alinéa 2 du Code civil, que soit dressé par l’officier d’état-civil un « acte d’enfant sans vie« .

Quelle est la conséquence d’un tel acte ?

On se reportera à ce sujet au communiqué de presse de la Cour de cassation :

« Cet acte, qui est inscrit à sa date sur les registres de décès, permet notamment d’attribuer des prénoms à l’enfant, de désigner ses parents, de l’inscrire sur le livret de famille à titre de simple mention administrative, d’avoir accès à certains droits sociaux et autorise les parents à réclamer le corps de l’enfant afin d’organiser des obsèques. »

Comme le signale la Cour de cassation, « à défaut de précision de la loi, une difficulté est apparue pour déterminer le moment à partir duquel un foetus pouvait être considéré comme “un enfant sans vie”« . On notera deux points : le premier, c’est que la Cour de cassation emploie le terme d' »enfant » et le second, c’est qu’en l’absence de précision et face à la douleur des parents, face à leur demande légitime, la Cour d’appel de Nîmes – dont émanent les trois arrêts cassés – a préféré la solution la moins humaine, en ajoutant des conditions non prévues (comme le relève la Cour de cassation).

Et c’est à cette question précise que la Cour de cassation vient apporter une solution. Je citerai à cet égard l’un des arrêts, en soulignant, pour ceux qui n’ont pas l’habitude de leur lecture, que le premier paragraphe rapporte les faits et la procédure, le deuxième la décision de la Cour d’appel, et le troisième celle de la Cour de cassation.

« Attendu que le 12 octobre 2001, Mme Y, épouse X est accouchée d’un foetus sans vie de sexe féminin, pesant 155 grammes, après dix-huit semaines d’aménorrhée ; que n’ayant pu effectuer aucune déclaration à l’état civil, les époux X ont, par requête du 3 avril 2003, saisi le tribunal de grande instance aux fins qu’il soit ordonné à l’officier d’état civil d’établir un acte d’enfant sans vie conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 79-1 du code civil, en précisant que l’enfant se prénommait Z et se nommait X ; que par jugement du 9 décembre 2003, les époux X ont été déboutés de leur demande ;

Attendu que pour confirmer cette décision, l’arrêt attaqué énonce qu’il s’évince de l’article 79-1 du code civil que pour qu’un acte d’enfant sans vie puisse être dressé, il faut reconnaître à l’être dont on doit ainsi déplorer la perte, un stade de développement suffisant pour pouvoir être reconnu comme un enfant, ce qui ne peut se décréter mais doit se constater à l’aune de l’espoir raisonnable de vie autonome présenté par le foetus avant son extinction, qu’en l’état actuel des données de la science, il y a lieu de retenir, comme l’a fait l’officier d’état civil, le seuil de viabilité défini par l’Organisation mondiale de la santé qui est de vingt-deux semaines d’aménorrhée ou d’un poids du foetus de 500 grammes et qu’en l’espèce ces seuils n’étaient pas atteints ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’article 79-1, alinéa 2, du code civil ne subordonne l’établissement d’un acte d’enfant sans vie ni au poids du foetus, ni à la durée de la grossesse, la cour d’appel, qui a ajouté au texte des conditions qu’il ne prévoit pas, l’a violé ; »

La Cour de cassation se conforme strictement au texte, ce que la Cour d’appel de Nîmes avait manifestement du mal à faire, peut-être égarée par une difficulté quelconque à voir appliqués par l’article 79-1 al. 2 les terme d' »enfant », de « naissance », et d' »accouchement » pour un enfant de 155 grammes après dix-huit semaines d’aménorrhée (soit un peu moins de 4 mois de grossesse).

Mais on soulignera que, si l’alinéa 1er suppose, pour l’établissement d’un acte de naissance que l’enfant soit « né vivant et viable », une telle condition n’existe pas en ce qui concerne l’alinéa 2, qui ouvre la voie à l’établissement d’un acte d’enfant sans vie.

Il n’est donc, contrairement à la pratique odieuse de certains hôpitaux, pas nécessaire que l’enfant ait vécu pour appliquer cet article, avec les conséquences rappelées par la Cour de cassation.

Je sais que l’esprit affuté de mes aimables commentateurs les amènera à envisager d’autres développements à ces trois décisions. Mais il s’agit en soi d’une situation humaine précise, importante, lourde humainement, qui mérite qu’on lui prête une attention spécifique.

Et je tiens à me réjouir d’une telle bonne nouvelle, et à en rester au plaisir de constater qu’il devra être mis fin à une pratique qui ne faisait qu’ajouter l’inhumanité à la douleur des parents, dans un moment des plus tragiques.

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68 commentaires

  • donc en français ça veut dire quoi ? 🙂
    que pour n’importe quelle fausse couche, si les parents le désirent, ils pourront réclamer le corps et inscrire leur enfant à l’état civil etc. ? Et quand on parle des droits sociaux attachés à cet enregistrement il s’agit de quoi ?
    Excuse ces questions de béotienne mais avant de me réjouir je préfère bien comprendre les tenants et les aboutissants

  • Pour les droits sociaux, je ne sais pas desquels il s’agit. Pour le reste, oui, tu as raison. La Cour de cassation relève qu’aucune condition de délai ni de viabilité n’est posée par le texte. C’est vrai qu’à l’extrème, cela pourrait concerner une grossesse d’une semaine et, sans vouloir ignorer que cela peut aussi constituer une douleur, on peut trouver excessif d’accorder des droits sociaux, tout comme organiser des obsèques à ce stade.

    Mais cela remédie surtout à des situations bien différentes, telle que celle qui est rappelé dans cette décision, et dans lesquelles les parents ne pouvaient souvent pas réclamer le corps pour organiser des obsèques, ni « offrir » une reconnaissance autre qu’intime et personnelle à leur enfant.

    Majortom : pleine de bon sens, et conforme au texte.

  • Thaïs,
    D’après ce que je comprends, c’est exactement ça.
    Les droits sociaux dont on parle sont, toujours si je comprends bien, un congé d’obsèques. En effet, avant cet arrêté, la mère qui perdait son enfant était censée se rendre à son travail le lendemain comme si de rien n’était.
    Le père pareil. Mais dans notre société, on s’en fout un peu.

  • Tu connais mon strict neutralisme.

    Mais la conséquence de cet arrêt est évidente.

    La femme qui pratique une IVG peut réclamer le bénéfice de l’article 79-1. Car l’IVG consiste en un accouchement provoqué.

    Je te sais trop juriste pour ne pas admettre cette solution, mais j’avais cru comprendre que tu ne goûtais guère la pratique.

  • Certes, mais je te poserais une autre question : est-ce que, parce qu’une femme qui fait pratiquer un avortement peut, par application de cet article, solliciter des droits sociaux, il te semblerait souhaitable d’interdire aux parents d’un enfant de 18 semaines de demander le corps de leur enfant pour organiser des obsèques ?

    Pense-tu que, parce que je ne « goûte guère la pratique », je puisse avoir ce raisonnement ?

    Je ne sais pas de quels droits sociaux il s’agit mais, vois-tu, j’aurais plutôt tendance à préférer que l’enfant qui n’a pas vécu du fait d’un avortement soit reconnu par la société, ne serait-ce que par un acte d’enfant sans vie, et qu’il bénéficie d’obsèques, ne serait-ce que parce que, précisément, sa dignité ne peut être niée par quiconque, pas même par la mère.

    Tu vois, il y a une certaine cohérence à ne jamais oublier que, dans cette affaire, il y a trois personnes : le père, la mère, et l’enfant.

  • Cher Koz,
    Un très grand merci d’avoir fait état des trois arrêts que vient de rendre la Chambre de Cassation et qui sont effectivement d’une importance considérable pour les parents qui ont perdu un enfant en cours de grossesse .
    Premièrement elle fait preuve de beaucoup d’humanité en permettant -sans considération de poids ni de terme- l’inscription à l’état civil et l ‘inhumation d’enfants nés sans vie, les seules procédures à mon sens qui permettent de faire le deuil de l’enfant qu’on n’aura pas.
    Deuxièmement, elle inscrit l’enfant né sans vie dans une lignée ce qui permet d’annoncer aux frères et soeurs -existants ou à venir- qu’ils ont eu un frère ou une soeur avant ou après eux.
    Troisièmement, elle peut contribuer à ce que cesse l’attitude culturelle de déni exprimé par l’entourage de parents d’enfants nés sans vie : sans inscription à l’état civil, un enfant né sans vie n’a pas de statut sinon celui de fausse couche, ce qui n’a rien à voir ! On est parent que si l’enfant est officiellement dans le livret de famille. S’il n’y est pas, il s’agissait alors d’une fausse couche, accident regrettable certes, mais dont on est sensé se remettre plus facilement si l’on est une personne raisonnable.
    Quatrièmement, elle va mettre fin à des pratiques que vous qualifiez d’odieuses à juste titre : j’ai accouché en 1992 d’une fille sans vie à 26 semaines de grossesse puis d’un garçon sans vie lui non plus en 1993 à 22 semaines de grossesse. A l’époque, l’enfant sans vie -pas plus que sa mère d’ailleurs-ne bénéficiait d’aucun statut et l’inscription à l’état civil se faisait à la demande des parents uniquement- pas même sur proposition de l’hopital- Et Dieu sait ce qu’il advenait des corps ! J’ai dû affronter l’incompréhension de ma famille, de mon mari et de mes amis face à ce que tout le monde avait appelé « fausses couches » et dont on ne comprenait pas que je m’en remette si mal. J’ai mis effectivement beaucoup de temps à « m’en remettre » et il fallu pour cela que je fasse appel à un avocat pour saisir le Tribunal de Grande Instance et demander l’inscription à l’état civil des deux enfants que j’ai obtenue …en 2005 !

    Pour tous les parents qui traversent cette épreuve, ces décisions marquent un immense progrès.

  • @ Koz ou Thais

    Est ce que dans la pratique chrétienne traditionnelle, il est de tradition ou de pratique de procéder à des obsèques religieuses pour un enfant mort non né (je ne sais pas trop comment formuler, mais je pense que vous voyez ce que je veux dire – suite à une fausse couche, etc.) Egalement, qu’en est-il du baptême ? Est-ce que vous savez ce qu’en disent les textes catholiques en droit canon sur ces deux points ?

  • La fiction juridique en question consiste à reconnaître de l’enfant né viable lorsque le fait générateur des droits patrimoniaux (en français : le fait qui lui donne droit à des brouzoufs) s’est produit pendant la grossesse. C’est un raisonnement différent et, à première vue, parallèle. Donc ni contredit ni confirmé.

    Je ne trouve toutefois pas dépourvu de portée que l’on reconnaisse une dignité à l’embryon, comme au foetus, ce que l’on fait rarement aux « amas de cellules », selon l’expression chérie de certains.

    Cela étant, comme je l’ai dit en fin de billet, je n’ai pas très envie de déborder du sujet précis de ces arrêts vers la question de l’avortement, notamment parce qu’il serait regrettable que les parents qui se trouvent dans la situation qui nous intéresse pâtissent d’une hostilité liée non pas à leur situation mais aux conséquences que certains craindraient de voir tirées.

    Le commentaire de Laurence illustre très précisément les situations auxquelles je fais allusion. Laurence, merci de votre commentaire. Je partage parfaitement ce que vous dîtes en début de commentaire également.

    Eponymus : je dois l’avouer, je l’ignore. Une messe peut être célébrée. J’imagine que des funérailles religieuses peuvent également être organisées. Encore faut-il pour cela que les parents aient eu la possibilité de récupérer le corps.

  • Eponymus, vous me rappelez un curieux objet que m’avait montré un ami propriétaire d’un hallucinant « cabinet de curiosités ». Il s’agissait d’une espèce de clystère datant du 18ème, que l’on chargeait d’eau bénite afin de pouvoir baptiser l’enfant in-utero quand l’accouchement se passait mal et qu’on craignait pour sa vie.

    L’Église a récemment modifié son discours sur les enfants morts sans baptême. Ils ne vont plus dans les « limbes » en attente du jugement dernier mais sont supposés être accueillis dans la miséricorde. (ouf !)

    Je ne sais quelle sera la réaction des prêtres quand on leur demandera de célébrer des funérailles pour un embryon de 3 ou 4 semaines.
    Après tout ça vaudra toujours mieux que d’envoyer le corps à l’incinérateur comme un quelconque déchet organique.

    Dans la tradition africaine, il y a même un rite pour enterrer le placenta.

  • Ah, mais, l’article 79-1 ne limite pas la déclaration à la mère ou au père.

    Si l’on s’en réfère aux principes en la matière, on devrait peut-être même considérer que toute personne doit déclarer (il s’agit d’en acte comparable à l’acte de décès).

    Ce qui peut contredire les dispositions protectrices en matière de secret de l’IVG (je n’ai pas le courage de rechercher et référencer).

    Un joli conflit en perspective.

    Bon, de toutes les façons, ton billet m’en a inspiré un.

  • @ Pablo

    Et vous ne savez pas ce qu’en disent les textes ? Je suis juste curieux de savoir ce qui se fait au sein de l’Eglise dans la pratique ou même dans les textes.

  • Bonjour,

    Soit, vous nous expliquez que la Cour de Cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de Nimes au motif que le code civil, dans l’alinéa 2 de son article 79-1, ne précise pas ce qu’est un « enfant », sachant que cette cour d’appel avait cru bon de se référer à une norme internationale (22 semaines sans règles, poids de 500g). Et vous approuvez.

    A priori, je n’en ai cure. Et puis, à y réfléchir, je me dis que ne pas fixer de limite ouvre la porte au grand n’importe quoi, et plus grave, ouvre la porte à l’interprétation que le foetus non viable dont la mère choisira de se séparer est un « enfant » est que par conséquent l’avortement est un « homicide ».

    Et là ça m’inquiète. Bien plus que le chagrin individuel de ceux et celles qui n’ont pu faire inscrire le foetus mort non viable sur leur livret de famille.

    Bien cordialement

  • Je comprends, Koz, que tu te félicites de ces décisions qui répondent effectivement à une détresse humaine importante. Mêmesi on a du mal à se l’imaginer si on ne l’a pas vécue.
    Maisje me demande tout de même si ce faisant, en prenant une décision a contrario (la cour d’appel a eu tort, c’est ainsi qu’il faut interpréter le texte), sans explication supplémentaire et limitation dans le temps, on ne risque pas de voir des femmes avorter pour toucher des sous. Tu sais, il y a des gens qui font n’importe quoi! La responsabilité me paraît grande…

  • Jules, je crains que tu ne cherches assez étonnament des obstacles imprévus. Par ailleurs, je trouverais bien regrettable de régler la vie de la société sur la question de l’avortement. On continuerait donc à pratiquer ces traitements odieux par volonté de respecter le secret de l’IVG ? Quelle serait donc cette étrange contamination juridique ? Il ne me semble pas que l’IVG doive servir de pivot à notre conception de l’enfantement.

    François, je regrette que nous n’en ayez cure. Il faut savoir se soucier des autres. J’ai bien noté que pour vous, il est préférable de ne pas « ouvrir la porte » à une « interprétation » qui vous déplaît plutôt que de prendre en compte la demande de parents qui veulent seulement pouvoir traiter dignement leur enfant, et qui se foutent peut-être bien des débats sur l’avortement. Ce n’est pas mon approche. Je vous proposerais bien de relire le commentaire de Laurence. Et je vous inviterais volontiers à vous prononcer de nouveau lorsque vous serez vous-mêmes parent (oui, je sais, je ne vous connais, mais j’ai du mal à imaginer qu’un père puisse manquer d’empathie à ce point).

    Le chafouin : nous verrons. Mais je te répondrai comme à Jules : d’une part, je pense que le risque peut être pris. D’autre part, je ne pense pas que des femmes puissent aller jusqu’à, précisément, concevoir un enfant dans l’idée de se faire avorter pour toucher des allocs derrière. Ce n’est pas impossible, mais tout de même. Ensuite, les dépêches AFP font état de ce que la Cour de cassation souhaiterait en réalité que le législateur harmonise les choses. Nous verrons ce qu’il ens era. Mais je serais attéré que l’on pénalise ceux qui ont conception aigüe de la dignité de l’enfant, ceux qui très tôt aiment l’enfant dans le ventre de sa mère, du fait de cas frauduleux. Pour ce qui est de l’IVG normale, et même si, pour moi, ce n’est pas cohérent, il ne me semble pas impensable que, dans certains circonstances, des mères qui avortent souhaitent néanmoins reconnaître une certain existence à l’enfant. J’en doute, puisqu’il me semble qu’une mère qui décidera d’un avortement ara quelque difficulté à vouloir, dans le même temps, traiter l’enfant (ou l’embryon ou le foetus) pleinement comme un être humain.

    Par ailleurs, il faudrait savoir quels sont les droits sociaux concernés : s’il s’agit d’un congé d’obsèques comme l’évoque Liberal, ou du congé maternité comme l’évoque gwen ci-dessous (eh oui, j’édite mon commentaire), je doute que cela motive des avortements. Je ne connais pas beaucoup de mères d’un enfant qui avorterait du deuxième pour pouvoir bénéficier d’un congé mat plus long pour le suivant, comme si elle en avait trois alors qu’elle n’en aurait que deux.

    Au demeurant, les parents concernés par la situation évoquée par la Cour, je te mets ma main à couper que, eux, le pognon, ils n’en ont rien à foutre.

    Eponymus, en faisant une recherche, je suis tombé sur cet article, qui ne répond pas strictement à ta question, mais évoque un « rite d’adieu ». Je n’ai pas trop le temps de chercher davantage…

  • L’une des conséquences de la reconnaissance à l’état-civil est que l’enfant est inscrit dans la lignée. Du coup, lorsque l’enfant né sans vie est le 2e, l’enfant suivant sera considéré comme le 3e, ce qui ouvre droit à un congé de maternité plus long, etc.
    Egalement, le congé de maternité se déroule de façon normale et la mère a droit aux indemnités de congé maternité.
    Et bien sûr, le droit de pouvoir enterrer son enfant et de lui donner un prénom, sans doute le plus important pour la famille. Beaucoup de familles cependant ne le font pas, craignant de souffrir davantage alors que cela au contraire apporte sinon du soulagement, du moins un peu de sérénité. Pour les corps non réclamés, ils sont incinérés sans cérémonie et il n’est pas possible de récupérer les cendres.

    C’est une décision très humaine que vient de rendre la cour, car à quelques jours près, on pouvait se voir refuser le corps de son enfant, bien qu’on ait accouché parfois normalement et qu’on ait vu son enfant.

  • Pour ce qui est de toucher des sous : je ne vois pas à quel moment on touche de l’argent dans cette affaire… Au contraire ! Un enterrement coûte de l’argent, même s’il y a des possibilités de prise en charge par l’assurance.

    Le baptême quant à lui est réservé aux vivants : donc, on ne baptise pas un mort, même s’il s’agit d’un bébé qui vient de naître.

    Pour ce qui est de l’enterrement, je ne sais si cela est prévu expréssement par le droit canon, mais je sais que le prêtre à qui nous avions demandé d’enterrer notre bébé n’a fait aucune difficulté, au contraire. Comme je le disais plus haut, peu de familles font cette démarche, cela reste donc assez marginal.

  • J’ ai lu le commentaire suivant :

    « Il ne devrait pas y avoir d’ impact sur le volet pénal, la Cour de Cassation ayant déjà écarté dans d’ autres arrêts l’ incrimination d’ homicide dans le cas de décés in utero du fait d’ un accident de la circulation ou d’ un accident médical. »

    Si cette interprétation se voit un jour confirmée, il me semble qu’ il y aura là une anomalie de fait même si on peut justifier cette contradiction d’ un point de vue strictement juridique.

  • On peut être heureux que des parents ayant perdu un « enfant à naître » voient reconnaître qu’ils ont attendus cet enfant, sans que leur soit opposé son stade de développement.

    Car cet argument de stade de développement est fallacieux au regard de la loi, ce que dit avec raison la cour de cass.

    Reste à connaître les droits attachés à cette reconnaissance.

    Mais cette décision ne permet aucunement d’envisager que le statut juridique de l’ « enfant à naître » est remis en cause.

    PS : pour savoir de quoi on parle :

    Article 79-1
    Créé par Loi n°93-22 du 8 janvier 1993 – art. 6 ()

    Lorsqu’un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l’état civil, l’officier de l’état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d’un certificat médical indiquant que l’enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès.

    A défaut du certificat médical prévu à l’alinéa précédent, l’officier de l’état civil établit un acte d’enfant sans vie. Cet acte est inscrit à sa date sur les registres de décès et il énonce les jour, heure et lieu de l’accouchement, les prénoms et noms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du déclarant. L’acte dressé ne préjuge pas de savoir si l’enfant a vécu ou non ; tout intéressé pourra saisir le tribunal de grande instance à l’effet de statuer sur la question.

  • Merci Koz, intéressant l’article d’ailleurs sur la réalité que peut vivre un couple dans ce cas et que la loi vient en quelques sortes reconnaître. Et finalement traite exactement du sujet qui me préoccupait dans le fond vis à vis de ce point. i.e. le deuil et comment le rite peut aider ceux qui souffrent d’une telle perte à faire ce deuil vs un autre point de vue qui consisterait , au contraire, à sacraliser la vie aboutie pour éviter aux parents de « trop » sacraliser ce qui est, malgré tout, très, très différent de la perte d’un enfant.

    J’ai moi même essayé de chercher et sans résultat clair. Mais il y a surement des spécialistes érudits comme Pablo ou d’autres qui le feront.

  • Bonjour,
    Il y à longtemps que je n’étais pas intervenu mais cela ne m’empêche pas de suivre régulièrement le blog

    Concernant les droits sociaux, il y à la prime de naissance, 3 mois d’allocation, mais cela peut varier d’un département à l’autre. Et avec une mutuelle il peut y avoir aussi un capital obsèques….Il y à aussi le congé de paternité voir le congé pour décès d’un enfant.
    Et puis cela peut permettre aussi de souscrire une assurance vie à son enfant dés la conception. Certe cela est tordu mais il y à du monde pour profiter du système.

    Je comprends que l’on puisse se réjouir de la décision de la cour de cassation mais ne doutons pas que le législateur ne laissera pas cela en état.

    Excellent article aujourd’hui sur ce sujet dans Le Monde (je ne suis pas doué pour les liens)

  • Je lis que notre bon Médiateur s’empresse de souhaiter que le législateur fixe un seuil de viabilité. J’ignorais que cela relève des attributions du Médiateur. En faisant cela, il intervient dans l’intérêt de qui ?

    Qui donc cela lèse-t-il que les parents d’un enfant de 18 semaines puissent voir leur deuil reconnu, qu’ils puissent organiser des obsèques etc ?

    D’où me vient le sentiment que l’on sacrifierait ces demandes légitimes à la trouille que, oh non non tout mais pas ça, des personnes opposées à l’avortement en tirent argument ? Mais en tirent argument pour quoi ?

    Bref, comme je le disais à Jules, on règlerait donc tout cela en fonction de l’avortement ? Quelle étonnante focalisation.

  • @ Koz

    Votre réponse est intéressante et je vous en remercie, et je vais tenter de préciser ma pensée.

    Je n’en ai cure, certes, c’est à dire que c’est une affaire que je regarde en tant qu’observateur et que son denouement, en l’occurence la décision de la Cour de Cassation, n’influe en rien ma vie d’aujourd’hui ni de demain, étant déjà, et depuis fort longtemps déjà, père de deux fils, et n’envisageant plus de paternité d’aucune sorte.

    Quant à mon absence d’empathie, elle est patente au travers de mon commentaire et je la revendique ; non pas que le sort de ceux qui ont eu à subir pareil traumatisme m’indiffère, non.
    Je la mets de côté, je n’y fait pas appel, parce que l’emphatie, comme la haine, sont bien mauvaises conseillères lorsqu’il est question de droit et de justice ; d’ailleurs les juges ne font pas autrement, et nulle part dans leur décision on ne peut lire ou même sous-entendre : « Nous, les juges de la Cour de Cassation, pleins d’emphatie pour les demandeurs, considérons qu’il est nécessaire, pour leur apaisement personnel, que l’enfant mort-né soit inscrit sur le livret de famille » Les juges ont refuté l’interprétation de la Cour d’Appel, vous vous en réjouissez, pas moi.

    Je devrais n’en avoir pas cure, également, me direz-vous ? Eh bien non, car ce genre d’interprétation, ou plutôt de non-interprétation, ouvre la boîte de pandore du début de la vie et donc de la légalité de l’avortement.

    Et ça, en tant que citoyen, ça me fait drôlement peur.

    Cordialement.

    François.

  • Qu’une société qui accompagne et soutient une femme qui désire avorter, permette à celle qui fait une fausse-couche de reconnaître l’embryon ou le foetus comme son enfant, et de lui faire des obsèques, me paraît la moindre des choses.

    Fallait-il pour cela des arrêts de la Cour de Cassation, je me sens incompétente et perplexe.

  • François, nous sommes d’accord que l’empathie, ce n’est pas la sympathie, mais la capacité à se mettre à la place des autres (pour faire bref) ? Pour le reste, vous semblez confirmer : vous sacrifiez une demande légitime au risque que peut-être cette question puisse déboucher sur une interprétation défavorable sur un autre sujet.

    Carredas, quitte à faire un lien, celui que tu fais me paraît assez pertinent.

  • Bonjour,

    Oui, je trouve bien qu’une fin de grossesse non désirée puisse s’accompagner d’une reconnaissance de l’enfant mort-né (ou mort avant né) de la part de la société.

    Juste un petit ajout de détail : je n’ai pas écrit fausse couche mais fin de grossesse non désirée. Je connais une personne ayant dû faire un avortement thérapeutique, la vie de la mère et du fœtus étant gravement en danger durant la grossesse.

    Je pense que ces personnes aussi seraient heureuses de pouvoir donner identité (et donc vie en quelque sorte) à leur enfant.

    Quand aux avortements hors raisons médicales, là aussi, la question peut certainement se poser dans certains cas.

    Je ne souscris donc pas à l’opposition fausse couche contre avortement que j’ai cru distinguer parfois dans les propos ci dessus.

    Luc

  • Cette décision de justice semble effectivement sage et sensée et appellera probablement un texte de loi encadrant les droits concernés.

    Cela me parait nécessaire afin d’éviter les dérives possibles, même si je pense que les craintes du Chafouin ne reposent sur rien de sérieux. Il suffit d’écouter les femmes qui se présentent pour un avortement pour bien comprendre qu’elles ne sont ni les écervelées, ni les insensibles qu’on veut souvent nous présenter.

    Les craintes de François me paraissent plus justifiées, mais insuffisantes pour remettre en cause la sagesse de la décision de la Cour d’appel. Le calvaire de parents comme Laurence est indigne d’un pays qui se dit civilisé.

    @Laurence > Bravo pour votre combat. Toutes ces années ont dû être bien difficiles, mais vous n’avez pas lâché prise, bravo vraiment !

  • Pour avoir vu de près le degré d’inhumanité que les milieux hospitaliers peuvent parfois atteindre au nom de la pure technique et du sang-froid dans le soin, pour avoir eu dans mon entourage des parents ayant vécu ce drame, je peux comprendre cette décision.

    Sur ses aspects juridiques et religieux, je ne me prononcerai pas faute d’éléments pour le faire. Je me bornerai à un interrogation : va-t-elle aider les parents à faire leur deuil ? Question posée en lui souhaitant une réponse positive. Cela parce que je crois que notre époque a une approche biaisée, floue, de la mort.

    Autrefois, notamment parce que les conditions de vie étaient moins faciles, et parce que la religion était plus présente, la mort était mieux acceptée, plus visible (mais je ne dirai pas qu’on en souffrait moins).

    Aujourd’hui, avec les progrès de tous ordres, avec l’idéologie du bonheur à tout prix, la mort est devenue obscène, anormale.

    Ce contraste normal/obscène, je l’ai vécu avec la mort de nos parents. Notre père est mort « à la maison » : huit jours d’un agonie paisible où nous avons tous pu prendre congé de lui, le voir entrer dans la mort lividité comprise. Notre mère, deux ans après, est morte à l’hôpital anonyme. Juste après sa mort, les embaumeurs du lieu l’ont maquillée : quand j’ai vu revenir cette fausse-vivante, cette caricature de notre mère, je me suis fait une sacrée colère.

    Obscène, anormale, donc on la cache, on la nie, on fait comme si le mort vivait toujours : on s’adresse à lui, et au présent, on l’associe aux rites des vivants, on publie des avis d’anniversaires parlant de « douleur intacte » de « présence permanente ». Or le deuil est fait pour que le vivant devienne, en un laps de temps raisonnable (et certes, variable, mais avec une limite) un vrai mort, à sa place de mort, pas un fantôme qui revient hanter les vivants et les empêcher de vivre.

    « J’ai peur de l’oublier » m’avait dit un jour un adolescent au retour de l’enterrement d’un camarade de classe. Autre cause de ces deuils impossibles. L’indispensable, la vitale mise à distance ne signifie pas oubli. Je l’avais rassuré avec cette métaphore : ton camarade sera comme ces habits d’enfance que tu ne peux plus porter mais auxquels tu tiens : rangé dans un tiroir fermé à clé. Tiroir fermé, mais tu pourras te servir de la clé quand tu voudras.

    Nos parents sont dans un colombarium moche comme pas permis où nous n’allons presque jamais, et pas en cérémonie. Mais nous pensons à eux, nous parlons d’eux pour un oui pour un non, surtout pour un oui.

    Un enfant mort doit donc avoir une place, et c’est bien si cette place est fixée par la loi. Mais qu’il n’empêche personne de vivre heureux. Au contraire. Je passe régulièrement dans un village où, à l’entrée, s’élève comme un autel à la mémoire d’un enfant mort d’accident à cet endroit. Je n’ose imaginer la vie de ses parents passant sans arrêt devant. Sans arrêt. Une douleur inapaisée, minérale, pire que le granit d’une tombe…

    Des amis avaient perdu un fille, la seule sur huit enfants. La photo trônait au milieu du salon. Quand on demandait aux enfants combien ils étaient, ils répondaient « nous sommes huit ». Je vous ferai grâce de ce qu’est devenue cette famille, qui n’a jamais pu s’éloigner de l’ombre du malheur.

  • @ PMB
    Les arrêts qu’a rendu la Cour de Cassation concernent les enfants morts in utero avant terme, ce qui est très différent d’enfants nés à terme et décédés juste après la naissance.
    Ils vont peut être permettre une meilleure prise en charge psychologique et un accompagnement des parents par la prise en compte de cette différence, le tout encadré par des textes de loi.
    Le contexte tout d’abord est différent : souvent dans l’urgence voire la panique, « accoucher » d’un enfant mort est un traumatisme dont le dénouement est le plus souvent l’anesthesie générale .
    La « naissance » ensuite se déroule dans le service de gynécologie et non pas d’ostétrique- pour plein de raisons la plupart culturelles.
    Le statut de l' »enfant » quant à lui est variable: si les parents sont au courant de l’existence de l’acte d' »enfant sans vie », ce dernier est inscrit à leur demande dans le livret de famille. Avant 1993, ce statut n’existait pas : il fallait naitre, vivre puis mourir pour figurer dans le livret de famille. Depuis 1993, le fait que ces enfants ont existé – ne serait-ce que dans le ventre de leur mère-est reconnu,

    Grace à l’article 79-1 du Code Civil et grâce à ces deux arrêts, on peut enfin parler d »accouchement » et de « naissance » là où avant il n’y avait que fausse couche, on peut parler d' »enfant », de « fils » ou de « fille » là il n’y avait que foetus, on peut leur donner un prénom, on peut dire qu’on a eu X enfants même s’il n’ont pas tous survécu.
    Pour avoir connu l’époque d’avant 1993, je pense que nous assistons à véritable évolution de notre société face au statut des enfants morts nés avant terme.
    @ Chafoin
    Le premier reflexe n’es pas de toucher des sous ni de réclamer sa carte famille nombreuse et je doute que quiconque ayant vécu ce calvaire y ait même songé
    @Delphine
    Merci de votre sollicitude

  • Merci aux juristes pour les commentaires, je m’instruis. Laurence, je me rends compte que paradoxalement c’était en pensant à un drame comme le votre que j’étais de si bonne humeur ce matin après les infos.
    Merci à PMB aussi, on sent le vécu et ça me rappelle des choses. Mais reconnaître le deuil c’est déjà se donner les moyens de le vivre jusqu’à la guérison, même si ça n’empêche pas la névrose.

  • Laurence, dire qu’on a eu X enfants est juste, dire comme les enfants de mes amis qu’on est ce X enfants est mortifère. Que l’enfant mort (et vous voyez que je reprends ce nom, pas « fœtus » ni « fausse-couche ») ait sa place dans l’histoire de la famille est sain. Mais pas plus, pas une place qui fasse obstacle à la vie. Laurence, sur cette place, vous pouvez lire ce que dit Serge Heifetz sur libe.fr.

    Sur cette place, je vais même aller plus loin, et sur une corde raide.

    Je ne vais pas dire comme certains croyants (attention : certains !) que ce malheur est une chance, un « don » terrible de quelque dieu (pas de majuscule !) pour nous conduire à la perfection.

    Mais imaginer qu’on peut se venger du malheur en en faisant un bonheur.

    Comment ? Ah… j’avoue que je n’en suis qu’à l’intuition, aidez-moi les uns et les autres à l’affiner. Allez, j’essaie. Croire que ce qui fut une vie fragile porte à jamais témoignage de la fragilité de toute vie, et donc de son prix, et qu’on ne doit pas perdre la nôtre et celle des nôtres dans le futile, le mesquin. Dans mon entourage, je pense à un couple, marqué par les épreuves de la vie. Lui prêtre exclu du ministère, elle cardiaque multi-opérée. Sa vie ne tient qu’à un fil (de chirurgien 😉 ) depuis vingt ans. Quand on les voit, quand on vit avec eux, on est frappé par leurs prévenances mutuelles, leur art de vivre chaque instant dans sa plénitude.

    Laurence, on est en droit de penser que vous avez maintenant plus de force et plus de douceur que nous…

  • On noetra la réaction du Planning Familial, qui montre bien vers quel aveuglement le mène son militantisme :

    La secrétaire générale du Mouvement français pour le planning familial, Maïté Albagly, s’est déclarée « scandalisée » par la décision de la Cour de cassation, jugeant qu’il s’agit d’une « usine à gaz ».

    Interrogée par l’AFP, Maïté Albagly dit être « scandalisée ». « On respecte les familles, mais là (avec cette décision, ndlr), on ouvre une brèche », dit-elle, « on va finir par déclarer un embryon dès la conception, on monte quelque chose qui à la longue peut mettre en cause l’avortement ».

    « On dérape dans une folie », dit-elle. Cet arrêt donnant des droits sociaux comme le congé de maternité, elle interroge : « Pourquoi pas le congé aux pères, et pourquoi une femme qui avorte n’aurait-elle pas droit au congé maternité? », qui est « tout-de-même créé à l’origine pour s’occuper d’un enfant », rappelle-t-elle.

    « Tout cela est lié à des forces qui luttent pour revenir en arrière dans l’acquis des droits des femmes », conclut-elle.

    Nous n’avons, c’est clair, pas la même conception des droits des femmes.

    Aucune prise en compte du drame vécu par la mère, la seule obsession : surtout ne pas risquer que, de loin en loin, cela puisse nuire à l’avortement. C’est tellement chouette pour les femmes. Et puis, pourquoi un congé, puisque le planning nous a expliqué qu’après tout c’est « un droit, mon choix, notre liberté », sur fond de sourires radieux ? On avait cru comprendre qu’il y avait juste une grande fête à faire !

    Et, au demeurant, comme je l’ai dit plus haut, la solution donnée par la Cour n’exclue pas l’hypothèse d’un congé pour les femmes qui avortent. Malgré tout.

    Je n’aurais pourtant pas imaginé que le fait de pouvoir accorder un congé à la femme qui vient de traverser un tel calvaire puisse être l’oeuvre de « forces [du Mal ?] qui luttent pour revenir en arrière dans l’acquis des droits des femmes ». Mais elle préfère mépriser la douleur de ces parents que d’imaginer qu’il puisse y avoir l’ombre du commencement d’un début de questionnement sur le sacro-saint IVG.

    On sera d’accord sur un point : « on dérape dans la folie ». Mais c’est plus à son égard que je m’inquiète.

    Minable.

    Surtout, être économe de son mépris… (pour ceux qui cherchent la suite, voir Google)

  • koz, il y a une différence entre accorder un congé à une femme qui perd un enfant et accorder un congé à une femme qui s’occupe d’un enfant.

    Faire semblant de seulement penser qu’il puisse s’agir de la même chose, donc du même droit, au même congé, est faire le lit de ceux qui veulent tout mélanger.

    Le planning familial a raison sur un point : il est très délicat de donner une reconnaissance juridique à un foetus de 18 semaines, car cela donne un argument aux anti-IVG. Cela est un fait. Que le planning familial se doit de dénoncer, au vu de sa position sur la question

    En l’état des choses, il n’est pas question me semble t’il de donner un congé de maternité à une femme ayant perdu son enfant à naître. Ne parlons pas du congé de paternité. Aller dans ce sens serait effectivement comparable à une forme de folie, puisqu’on donnerait un droit associé à un enfant vivant à des parents ayant à survivre à une grossesse inaboutie. Ce qui n’empêche pas de demander d’instituer un congé pathologique pour les parents ayant subi un tel choc.

    On peut d’ailleurs penser que ce congé ne serait accordé que pour des grossesses involontairement interrompues.

  • Si l’acte d’enfant sans vie existe, et s’il est déjà possible de l’inscrire dans le livret de famille, je ne comprends pas ce qu’il est nécessaire de changer, sinon l’humanité dans les hôpitaux…

    Si des parents ont besoin de ces formalités, s’ils veulent le foetus ou le petit corps pour faire le deuil de l’enfant qu’ils n’auront pas, ils doivent pouvoir le faire, et à tout « âge » du foetus même s’il n’était pas viable, c’est indiscutable.

    Il ne faut pas, par contre, qu’une future maman qui fait une fausse-couche dans les 12 premières semaines, soit culpabilisée de ne pas procéder à des obsèques ou à une demande de reconnaissance de statut de son ex futur enfant.

    Possibilité n’est pas obligation… on est bien d’accord (?)

    Quant aux égarements administratifs que cela peut induire, même si cela ne fait pas partie des premiers réflexes, il ne faut pas faire l’autruche, il y en aura. C’est indéniablement à considérer.

    Cette reconnaissance doit se limiter à l’humanité accompagnatrice de cette épreuve, ainsi qu’ au livret de famille et aux obsèques uniquement pour ceux qui en éprouvent le besoin.

    nota bene : Koz… est-il confortable de faire cohabiter mépris et charité ?

  • C’est un peu ridicule, ces petites tentatives de me placer face à une prétendue contradiction.

    Quant à savoir ce qu’il était nécessaire de changer… Eh bien, la position des tribunaux, et de la cour d’appel de Nîmes.

  • @ la cruche
    Si j’ai bien compris le sens des arrêtés de la Cour de Cassation, c’est bien de cela qu’il s’agit : permettre aux parents qui le souhaitent – et seulement à ceux là- et qui se situent en deça de la limite des 22 SA ou dont l’enfant mort né pese moins de 500 grammes de demander l’inscription à l’Etat Civil qui seule permet l’inhumation et l’attribution d’un prénom.
    Le Professeur Nisand interrogé sur France 2 ce soir ajoutait même que les seuils importent peu si cela doit permettre aux parents de faire leur deuil.
    Je ne pense pas cependant que cela entraine tant d’abus : la perte d’un enfant, même au stade de foetus reste un tabou

  • Merci Laurence, pour vos éclaircissements. Et je suis d’accord sur le fait que les seuils ne doivent pas importer.

    Seule compte la sensibilité du parent face à ce problème (Vous avez mes tendres pensées pour votre expérience).

    Pour les abus, par contre… il faudra être vigilant et cadrer en amont.

  • Nous sommes d’accord, YR, sur la nature du congé. Ma femme me faisait d’ailleurs remarquer qu’il serait probablement plutôt douloureux pour la femme de se dire en « congé maternité » alors que précisément, elle n’a pas son enfant.

    Mais mon petit doigt me dit que ce n’est pas vraiment ce qui gêne la dame. Je ne crois aps qu’elle aurait eu une position différente s’il s’était agi d’un congé pathologique. On aurait simplement pu retirer un paragraphe de sa réaction.

    Non, ce qu’il inquiète, ce sont les conséquences sur son pré-carré, l’avortement. Et, ça, ça l’omnubile suffisamment pour qu’elle en oublie qu’avant de se préoccuper d’éventuelles conséquences, il faut se soucier de la situation de ces couples, de ces femmes, pour lesquels le débat sur l’avortement est véritablement hors sujet.

  • @ PMB:

    Je ne pense pas que ce soit mortifère de penser à un membre de la famille disparu. Tout dépend des circonstances du drame et de la culpabilité que chacun ressent. Ce sont des événements face auxquels il n’y a pas de bonne ou mauvaise réaction.

    Si il s’agit d’une fausse couche, c’est différent, en effet, ma mère en a vécu une, jamais nous n’avons dit que nous étions 7 enfants, i.e 6 enfants + un décédé.

    « Je ne vais pas dire comme certains croyants (attention : certains !) que ce malheur est une chance, un « don » terrible de quelque dieu (pas de majuscule !) pour nous conduire à la perfection. »

    Vous en connaissez vraiment, des croyants, qui osent dire des trucs pareils ?

    Quant à Heifetz, qui en gros, se satisfait de la situation antérieure dans laquelle les parents ne pouvaient pas enterrer leurs enfants, il ne me parait pas pertinent.

  • @ PMB
    Je suis désolée de vous répondre avec retard : je n’avais pas vu votre commentaire hier soir.
    Pour faire court et sans vouloir faire de mon cas une généralité, je dirais que se voir refuser l’inscription à l’état civil de son enfant mort né ajoute de la peine à ce qui est déjà un grand chagrin. C’est un refus que l’on vit comme une injustice et qui cristallise la souffrance sur une formalité qui devrait au contraire permettre de passer à autre chose : il n’y a rien de morbide dans tout cela, juste l’envie de faire une place . Depuis que mes enfants morts ont leur place dans le livret de famille, j’ai pu en fairemon deuil et enfin parler de ce traumatisme.
    Car si la perte est un choc terrible , les circonstances qui l’entourent sont encore pires. Quant aux conséquences…
    Je pourrais -maintenant- en parler pendant des heures mais ca serait unpeu hors sujet.
    J’ai eu, avec beaucoup de difficultés ,un autre enfant-le 4ème- en 1995. Lui et son grand frère savent qu’entre eux deux il y en a eu deux autres. Mais c’est tout, nous n’en parlons jamais. Cela n’est pas tabou mais il n’y a rien à dire de plus.
    Pour terminer, ce que les textes de vraient encadrer – et je n’ai rien lu ni entendu dans ce sens de puis hier- c’est l’accueil et l’accompagnement des parents qui perdent en enfant mort né. Je crois savoir qu’on accompagne aujourd’hui assez bien les familles dont les enfants décèdent après la naisssance -nés vivants et viables- mais quid des autres ?
    Quant à être plus forte, cela n’a pas été mon cas : il faut croire que chaque histoire est différente…

  • //Vous en connaissez vraiment, des croyants, qui osent dire des trucs pareils ?//
    Oui, il y en a. Je confirme.
    Mais c’est une épreuve, un don de Dieu, pour nous amener à résister à la tentation de leur claquer la g…
    Je plaisante. (Quoique)

    @Eponymus,
    J’ai fouillé de ci de là et je n’ai pas trouvé si l’Église prévoit un rite spécifique pour les restes d’une fausse-couche. Pour l’enfant mort-né, évidemment, on procède à des funérailles.

    De toutes façons ça renvoie au débat récurrent de savoir à partir de quel moment l’embryon obtient un statut de personne. Or l’Église refuse ce débat.

    Pour mémoire, il existe en revanche un curieux hadith musulman qui, lui, donne une date précise (4 semaines, environ, si mes souvenirs sont bons) à laquelle deux anges descendent du ciel pour mettre une âme dans le foetus (c’est formulé à peu près comme ça).

  • Merci Libéral et Koz pour vos éclaicissements.

    epo je suis très mal placée pour te renseigner mais après avoir un peu cherchée j’ai trouvé ce document.
    http://eschatologie.ifrance.com/
    Dans le document de la Congrégation de la Doctrine de la foi signé du cardinal ratzinger en 1992, le chapître « limbe des enfants » fait état de funérailles pour eux ainsi que d’un baptême.J’imagine que c’est fait en pratique au même moment. Je vais essayer de trouver quelque chose sur la pratique quand j’aurais un moment.
    Dans un autre document, (mais je ne souhaite pas le mettre en ligne car le sujet ne risque de dévier que sur le problème de l’avortement), on parle de 3 baptêmes :
    – celui de l’eau, le plus commun
    – celui du sang
    – celui d’intention ou de désir destiné à l’enfant né sans vie dont on parle dans le document (en cliquant sur « limbe des enfants)

    Je ne sais pas si cela répond vraiment à ton attente mais en tous cas j’ai appris plein de choses.

    @La cruche et mon chafouin : je ne suis pas sûre qu’il puisse vraiment y avoir des abus car le rapport intérêt/risque me semble infime.

    @Laurence : bravo pour votre combat. Et vos petits bouts sont vraiment dans mes pensées;

    Je ne sais pas vraiment (en fait pas du tout) le rôle du Médiateur (je n’ai certainement pas bien tout lu chez Eolas) mais quelque chose me dit que c’est une bonne conscience civile mais quid de la pertinence et de la suite de son intervention ?

    Enfin de tout cela, j’en retire que c’est un pas non négligeable dans la prise en compte de la détresse humaine.
    Finalement cet arrêt est un grand pas !

  • @Koz

    Au sujet du planning familial, cette dame est parano mais elle n’a pas tort de dire qu’un congé maternité est fait pour s’occuper d’un bébé. Si tu le perds involontairement, que tu le subis, je comprends qu’on t’en accorde un. Ce serait une forme de congé décès.
    Mais quelqu’un qui avorte, pourquoi un tel congé?

  • Polydamas écrit @PMB : « Je ne pense pas que ce soit mortifère de penser à un membre de la famille disparu. Tout dépend des circonstances du drame et de la culpabilité que chacun ressent. Ce sont des événements face auxquels il n’y a pas de bonne ou mauvaise réaction. »

    Si vous relisez mon post, notamment le passage où je parle de nos parents, vous voyez bien que je ne pose pas un automatisme « souvenir du disparu = pensée mortifère ». Par ma fenêtre, je vois les cyclamens plantés par mon père il y a quinze ans, qui prolifèrent comme pas permis. La vie est plus forte que la mort.

    Quant à la réaction face à de tels évènements, je maintiens qu’il y en a une bonne, qui permet de continuer à vivre-avec, et une mauvaise, qui fige, qui tue, qui transforme en mort-vivant. En précisant bien que ce n’est pas à nous (ici, moi) d’imposer cette réaction à un endeuillé. Un de mes frères a perdu une fille de 18 ans il y a quinze ans. Alors que sa femme n’a jamais lâché prise, il est passé au bord du gouffre à plusieurs reprises, et nous ne pouvons si proche soyons-nous, rigoureusement tien pour lui.

    (Il y a des croyants, pas une majorité certes, qui disent « Dieu me l’a donné, Dieu me l’a repris ». Et ce n’est pas moi qui ai inventé le dolorisme*.)

    Laurence ;-), après ce que je viens de répondre à Polydamas (« ce n’est pas à nous (ici, moi) d’imposer cette réaction à un endeuillé »), vous pensez bien que je ne vais pas critiquer votre démarche.

    L’accompagnement des endeuillés doit-il passer par des textes, et donc par des administrations** avec tout ce que cela suppose de rigidité et de déresponsabilisation, ou par des associations bénévoles « au ras du sol » capables d’empathie, d’une aide souple et concrète ? Je pense notamment à ce qu’on appelle de groupes de parole. Sachant que ce n’est pas de pitié qu’ils ont (que vous aviez) besoin, mais de respect.

    ………………

    * Le point de vue officiel de l’Eglise a changé en principe à partir de Pie XII (1957, (in Problèmes religieux et moraux de l’analgésie, Documentation catholique. Cité par Patrick Verspieren dans Face à celui qui meurt, Ed. Desclée de Brouwer, 1984 ). Mais quand même :

    « Le moment de la douleur est vraiment l’heure où Dieu nous visite » (D.V. Fumet, Notre sœur la douleur, Seuil,1937).
    « En souffrant pour donner la vie, les femmes sont châtiées par là où elles ont péché. (in Le sens chrétien de la souffrance humaine, Jean-Paul II, Ed. du Cerf, 1985). Donc, document postérieur à celui de Pie XII.

    ** Mais s’il s’agit de contraindre l’administration hospitalière à ne pas traiter les gens avec la seule magie de la technique, de faire qu’on ne tombe pas, au hasard de services, sur des équipes surdouées du cœur ou des ramassis d’infirmes de la compassion, oui, dix fois oui. J’ai des exemples vécus des deux.

  • J’ajoute que cette conception doloriste n’est pas l’apanage de telle ou telle religion. A la naissance de mon fils, qui se passait plus que mal (72 heures de contractions, etc), l’infirmière de service avait débité à sa mère sur un ton comme de routine : « Allez-y Madame, plus vous souffrirez plus vous l’aimerez ». Qand je vois les relations entre mon fils et sa mère, que je qualifierai sobrement d’exécrables, j’aimerais bien retrouver cette fonctionnaire de la douleur et, bien que je sois doux comme un mouton, lui défoncer la vitrine.

  • Ca m’étonne beaucoup de Jean-Paul II, ce que vous citez, PMB et cadre mal avec ce que j’ai lu de lui. Pourriez-vous nous retrouver la page ?

    [edit : j’en vois une mention sur un autre site. Mais ça me surprend, tout de même. Il a tout de même, très précisément, une vision de la sexualité méconnue mais considérée comme particulièrement épanouissante et non culpabilisante. Je suis vraiment surpris de voir qu’il ait pu écrire cela dans le même temps. J’aimerais avoir le contexte de cette citation.]

    L’autre citation me gêne moins. Pour le coup, le contexte est véritablement indispensable pour la comprendre.

  • @PMB

    « Mais s’il s’agit de contraindre l’administration hospitalière à ne pas traiter les gens avec la seule magie de la technique, de faire qu’on ne tombe pas, au hasard de services, sur des équipes surdouées du cœur ou des ramassis d’infirmes de la compassion, oui, dix fois oui. J’ai des exemples vécus des deux. »

    Concrètement – et si vous relisez un de mes précédents commentaires- il s’agit d’encadrer autrement que par des bonnes paroles , l’accueil de la femme en train d’accoucher de son enfant mort ou en voie de l’être, par un dispositif qui serait le même pour toutes et obligatoire dans ce cas de figure. Cela consisterait à une priseen charge par un personnel spécialement formé dès l’arrivée à l’Hopital, à informer les parents de l’existence de l’acte d’enfant sans vie avant l’accuchement,de leur demander s’ils souhaitent une anésthésie générale, s’ils veulent voir le bébé ou non, etc…
    On met en place des cellules de soutien psychologique pour un oui pour un non alors que ce que vivent les parents d’enfant morts à l’hopital s’apparente à de la véritable maltraitance. Le recours à des associations vient après, pour le deuil. Mais croyez moi, le traumatisme tient au moins autant à la perte de l’enfant qu’à l’environnement parfois trouble de celle-ci.

  • @ PMB:

    Attendez dire « Dieu me l’a donné, Dieu me l’a repris », n’est pas tout à fait similaire à « ce malheur est un don » comme vous l’avez dit plus haut. Cela n’a rien à voir.

    Dans un cas, on accepte la douleur, et on l’offre, dans l’autre, on considère qu’elle est une bonne chose, ce n’est pas du tout pareil. Vous avez l’air de tout mettre dans le même panier. Quant au dolorisme, je n’en ai jamais entendu parler. Vous avez récupéré ça où ? Sur cite-sciences ?

  • Polydamas me reproche de tout « mettre dans le même panier ». Je ne suis pas venu ici pour polémiquer avec tel ou tel. J’ai dit ce que j’avais à dire, et que je crois. Donc, rien d’autre à dire sur ce point.

    Laurence, tout à fait d’accord avec vous sur la nécessité d’une formation à l’accueil. Mes enfants ont eu leur aîné (30 mois) hospitalisé 15 jours. Avec certaines personnes du service, qui entendaient bien soigner L… en se passant de ses parents, ce fut sportif.

    Par ailleurs, j’approuve votre idée de « passer à autre chose ». Elle est saine, même si elle va à l’encontre de la mode actuelle de la « victime perpétuelle », mode associée à celle du refus du pardon comme on peut le voir chez les partisans de la peine de mort aux Etats-Unis.

  • Koz et Polydamas, je vous donne le lien. A vous de voir si c’est un genre d’hoax, à vous de voir si on fait dire à Jean-Paul II ce qu’il n’aurait pas dit.

    http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/evenemen/bioethiq/douleur/telechargement/reflechir.rtf

    Et je viens de trouver un autre lien :

    http://www.alain-scohy.com/dolorisme.htm.

    Pour ma part, je m’en tiens à ma conviction (certains croyants, je n’associe pas l’Eglise en tant que telle à ce qu’on peut considérer comme une dénaturation du message évangélique), et je n’interviendrai plus sur ce thème du dolorisme.

  • @ PMB:

    Pourquoi le prendre comme une attaque ? Il n’y a aucune agressivité dans mes propos, juste l’idée qu’on ne peut pas assimiler quelqu’un qui décide d’accepter la douleur, et de la remettre à Dieu, aussi immense soit-elle, et ceux qui sont qui sont suffisamment masochiste pour souhaiter la douleur à tout prix, sous prétexte que ça leur permettrait de devenir des saints.

    Et c’est vrai que j’ai un doute sur la citation de JP II, je vais faire des recherches là-dessus.

  • On a parfois aujourd’hui tendance à psychologiser tout drame personnel, à quasi imposer un passage en cellule psychologique, sans bien vraiment laisser aux gens la possibilité de manger à leur rythme leur sale tartine, et de demander eux-même de l’aide au moment venu (je me souviens ainsi d’un enfant agressé sexuellement, qui refusait de voir son psy : j’avais conseillé aux parents de ne pas insister tout en restant vigilant ; la suite me donna raison).

    Pour autant, le mutisme qui était quasi de règle autrefois n’était pas une bonne chose, comme va le rappeler cette histoire vraie :

    …Pour le paysan, avoir un fils – un vrai – c’était bénédiction, surtout en premier. L’assurance que la ferme continuerait, qu’il y aurait bientôt deux bras de plus. Si l’héritier voulait accompagner papa partout, rien ne l’empêchait même pas maman inquiète. Le petit maraudeur allait boire le lait frais trait à l’étable, arroser de grain les poules en dévote couronne ou caresser d’une main ravie la peluche des craintives mères-lapines aux pieds frappeurs.

    Un voisin, tard marié, emmenait ainsi sur ses bottes son Jeannot encore bouclé long le poursuivant de questions. Ce jour-là il manœuvre sa charrette dans la cour, l’œil à un cheval bien nerveux. Est-ce le bruit sec et fort des jantes cerclées d’acier sur les pierres, les soupirs essoufflés de la bête, ou la question du valet ? Il n’entend pas la terreur du bambin, il ne le voit pas tomber à la renverse, il ne sait pas que l’étroit bandage le coupe en deux, il ne comprend pas pourquoi sa femme lui griffe le visage, pourquoi le petit reste à terre, pourquoi sous les cheveux blonds collés aux tempes les yeux vitreux le fixent avec un air d’ailleurs. On emporte le corps gémissant, le médecin arrive, en vain. Jusqu’au matin, jusqu’à la mort, au-delà des cris et des larmes, il veille sans un mot sans un geste l’enfant, son enfant, son Jean, son premier, son unique tout haché de noir au ventre, qui le regarde, qui dort, qui le regarde, qui peut parfois ouvrir la bouche et lui murmurer qu’il l’a tué.

    La vie passa. Personne – surtout pas la mère, captive de sa propre douleur – ne vit l’homme cassé tendre sans repos l’oreille aux grincements de la charrette, aux cris de l’enfant, à son silence. Personne ne sentit l’incessant ressac d’un remords avivé, comme les maux que ramène le temps humide, par des giboulées de souvenirs : un coup les vaches, un coup les champs, et puis, soudain, l’enfant. Personne ne sut le temps qu’il fallut pour apaiser cette infinie morsure, pour recevoir le pardon du petit fantôme en chemise blanche. Ni même s’il advint.
    – Tous les matins quand je me lève, je l’appelle. Mais il ne me répond pas…

    La paix de la mort le toucha enfin à l’hospice, où la sénilité l’avait enfermé – depuis des années sa femme, consumée d’avoir tant parcouru cette maison sans lumière, avait rejoint l’enfant. Son Jeannot, il lui parlait toujours, tout haut, partout. Quelquefois, il s’en allait. On le retrouvait au bout d’une route ou au creux d’un fossé, tremblant, le regard jeté dans le vide, les os trempés ou le visage gris de poussière. C’était pour le gamin. Ce p’tit fi d’puton a encore disparu, mais cherchez donc !

  • Ce que je trouve un peu regrettable dans un tel débat, dans son principe, c’est que l’on interroge une militante de l’avortement festif sur un sujet qui ne concerne en fin de compte l’avortement que par ricochet (au moins Tugdual Derville a-t-il un centre d’intérêt plus large, et le Pr Legros un centre d’intérêt particulièrement adapté). Il y a des associations regroupant des mères d’enfants nés sans vie et ce sont bien les premières concernées. Maîté Albagly se trouve des obstacles qui n’en sont pas (c’est un problème le « congé maternité », appelons-le autrement ? C’est pas juste qu’une femme qui avorte ne puisse l’obtenir ? Eh bien, dans IVG, il y a « volontaire », ce qui modifie un peu la donne mais surtout, il n’y a précisément pas d’obstacles à ce qu’elle en bénéficie et, pour certaines, je m’en réjouis) parce que son unique horizon, c’est l’avortement.

    Oubliées, les femmes comme Laurence ou Gwen. Pas légitimes. Pas intéressant. Désolé pour vous, désolé pour votre douleur, fallait pas empiéter sur les plate-bandes de l’avortement.

  • Merci Libéral et Koz pour vos éclaicissements;

    epo : quelques éléments de réponses.
    Sur le site joint tu verras le texte de la Congrégation pour la doctrine de la foi signé Ratzinger en 1992 paragraphe : « limbe des enfants ». http://eschatologie.free.fr/
    J’ai consulté plusieurs sites.
    Il existe le baptême par l’eau (classique pour les enfants nés vivants ou les adultes) et il existe aussi le baptême de désir ou d’intention pour les enfants nés sans vie.(mais n’est pas considéré comme un sacrement) Et des funérailles peuvent être célébrés en même temps que le baptême.
    Certains témoignages sur des forums font état de cette démarche mais ne rentre pas dans les détails. Il est surtout question de considérer cet enfant comme un autre et faisant partie intégrante d’une famille.

    Certains sites spécialisés dans l’accompagnement de familles endeuillées parlent de différentes façons de la « récupération des corps » en fonction de l’hopital et du service de cytologie concerné.

    Et évidemment vu comme cela, il n’est pas question de seuil de viabilité etc.

    je ne sais pas si j’ai répondu à tes questions, je suis assez mal placée pour en parler, mais moi ça m’a interessée !

    @chafouin : je pense que le risque intérêt/risque est trop infime pour quelqu’un puisse vouloir en profiter.

    @Laurence : j’admire votre combat et pense bien à vos petits.

    je ne sais pas le rôle du Médiateur (je ne dois pas lire assez eolas) mais j’ai l’impression que c’est la bonne conscience collective qui se réveille.

    En tous cas je trouve que cet Arrêt est un grand Pas pour la reconnaissance de la détresse humaine et de l’inhumanité que constitue cet effet de seuil.

  • @ PMB
    Je suis d’accord avec vous :
    « à quasi imposer un passage en cellule psychologique, sans bien vraiment laisser aux gens la possibilité de manger à leur rythme leur sale tartine, et de demander eux-même de l’aide au moment venu »
    on les empêche de pouvoir gérer et digérer le drame à leur manière à eux. Il y a 1000 façons de se remettre et aucune règle en la matière.
    Cela dit, jusqu’en 1993, l’absence de statut des enfants morts-nés était le strict reflet de la façon dont la société les considère: un déchet humain. Autrefois,les enfants nés suite à des fausses couches dites « tardives » et ceux morts à la naissance bénéficiaient d’une reconnaissance par l’Eglise et d’une sépulture officielle. La religion ayant déserté la plupart des actes heureux ou malheureux de notre vie, on se retrouve alors bien seul.
    Franchement qui s’intéresse aux enfants nés sans vie sinon leurs parents ?

    Oui, Koz,

  • …suite
    vous avez raison, interrompre INVOLONTAIREMENT une grossesse ne peut faire l’objet d’aucun combat,ne peut être revendiqué par quiconque et n’est à ce titre pas interessant pour les féministes…
    Où est l’humanité dans tout ça ? On en est bien loin..
    Je regrette moi aussi que le débat ait été orienté dans les médias et sur les forums vers la défense de l’avortement.
    Je suis prête à parier que sous la pression des pro IVG le legislateur va préciser le texte de 1993 en ajoutant un terme…
    Tout cela est bien trise…

  • J’espère juste que les conséquences de cet arrêt ne seront pas d’obliger les parents à déclarer à l’état civil toute fausse couche.

    Chacun ne vivant pas le deuil de la même façon, certains ont besoin de déclarer leur enfant même à 12 semaines, d’autres vivent comme une difficulté supplémentaire le fait de déclarer un enfant mort né à terme.

    Je me réjouis qu’on écoute enfin les premier, mais j’espère qu’on ne forcera pas les derniers à le déclarer dès 3 semaines…

  • @Polydamas
    Merci pour la vidéo.
    Je remarque d’ailleurs que Maïté Albagly parle plus d’IMG que d’IVG, concernant l’ouverture de droits, ce qui est différent de ce que j’ai compris des commentaires ci-dessus.

    Mon opinion est que:

    1) Sur la forme cette femme fais de la récupération médiatique, ce qui m’irrite.

    2) Sur le fond les commentaires ci-dessus s’insurgeant qu’elle demande un congés post-IVG sont un peu idiots, d’abord parce qu’elle parle d’IMG et ensuite parce que j’ai lu ici récemment les mêmes commentateurs parler de la souffrance psychologique d’une femme qui passe par une IVG, ce qui en cohérence devrait plutôt plaider pour quelques jours d’arrêt maladie que pour un punitif retour au travail dès le lendemain…

    3) Sur le fond toujours, quand Maïté Albagly demande pourquoi on n’accorderait pas un congé maternité à une femme qui vient de subir une IMG, je la trouve elle aussi un peu idiote, les médecins ne rechignant pas dans de tels cas sur les arrêts maladies (motivés diversement, par exemple psychologiquement). Soit elle est ignorante des pratiques liée à l’avortement (ce qui serait un comble) soit elle est de mauvaise foi, voire mon 1).

  • Sur ce sujet, je vous suggère le billet d’Eolas et notamment un point qu’il soulève, pour rassurer ceux qui craignent que certaines ne tentent de profiter de cette jurisprudence pour une fausse couche à un semaine de grossesse : l’article 79-1 alinéa 2 suppose une « naissance », ce qui n’est guère compatible avec une fausse couche. Surtout, cet article évoque directement un « accouchement », raison de plus pour exclure notamment la fausse couche « précoce ».

  • Bonjour,
    J’ai découvert ce blog par hasard au cours d’une de mes recherches. Nous avons eu le 2/8/2006 un bébé né à terme, mais sans vie. J’ai pu le faire inscrire sur le livret de famille, mais simplement avec la mention né sans vie. J’avoue qu’à ce moment, un peu choqué, je n’ai pas pensé à demander s’i était possible d’indiquer le prénom, car nous lui en avions choisi un bien évidemment. De plus, l’employé d’état civil que j’avais en face de moi ne maîtrisait pas du tout la procédure et a dû demander de l’aide à une de ses collègues. Pouvons-nous aujourd’hui faire rectifier le livret de famille et y faire porter le prénom de notre enfant?
    Merci par avance pour votre réponse, sur ce forum ou à mon adresse mel.

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