1905, le syndrôme

Le film était au programme de nos soirées depuis quelque temps déjà. La Séparation, docu-fiction de France3, dont la diffusion est soutenue dans les établissements scolaires, s’ouvre sur le rappel du soutien de l’Eglise aux régimes monarchiques du XIXème, sur le scandale des fiches également (l’armée ayant fiché les officiers catholiques). Des outrances de Maurice Allard à celle du Comte Baudry d’Asson, on suit la genèse de cette loi de 1905.

Depuis, notre République s’est en grande partie constituée autour d’une laïcité d’autant plus volontiers érigée en dogme qu’elle est dépourvue de signification propre.

Ainsi François Bayrou a tort, lorsqu’il introduit de la sorte son entretien donné au Figaro au sujet de la « laïcité positive » prônée par Nicolas Sarkozy : « quand on a besoin d’un adjectif, c’est qu’on veut changer le sens du mot ».

Car je suis attaché à la laïcité, l’Eglise est attachée à la laïcité, les socialistes sont attachés à la laïcité, les franc-maçons sont attachés à la laïcité… Mais soumettez à chacun quelques cas pratiques et vous constaterez aisément que tous n’ont pas la même conception de la laïcité.

Il y a bien des conceptions de la laïcité, depuis la « laïcité négation » jusqu’à, peut-être, cette « laïcité positive », en passant par une « laïcité neutralité », qui vire parfois à une étrange indifférence. Nicolas Sarkozy a prononcé, à Saint-Jean de Latran, un discours qui constitue, à tout le moins dans le propos, une inflexion nette dans le regard porté par la République sur la religion en général, et l’Eglise en particulier.

*

Faut-il considérer avec François Bayrou que Nicolas Sarkozy « remet en cause la laïcité républicaine » ? Cela ne manquerait pas de surprendre, de la part de quelqu’un qui ne passe pas spécialement pour un bigot. Mais certaines formules surprennent aussi. Ainsi d’une telle conclusion :

« Partout où vous agirez, dans les banlieues, dans les institutions, auprès des jeunes, dans le dialogue inter-religieux, dans les universités, je vous soutiendrai. La France a besoin de votre générosité, de votre courage, de votre espérance. »

Enfer et damnation républicains ! La France aurait besoin de religieux ? Auprès des jeunes ? Dans les universités ? Rhâ. Spasme et grincements de dents. Pire encore, cette déclaration, que fustige François Bayrou :

« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. »

J’aurais, personnellement, davantage évoqué le « don de sa vie » que le sacrifice mais, passons, là n’est pas le sujet. « L’instituteur ne pourra jamais remplacer (…) le curé« … Ca, c’est du lourd. Et l’absence d’immolations dans les loges ne peut plus s’expliquer que par la trêve de Noël, et la douleur que le supplice provoque.

On pourrait pourtant se demander si Nicolas Sarkozy ne va pas plus loin même que l’Eglise ne le demanderait.

Plus encore, on note dans les références de Nicolas Sarkozy et François Bayrou les termes d’un débat très 19ème.

Le premier, par la formule sus-évoquée, convoque le hussard noir de la République et le curé. Pourquoi cette opposition ? Pourquoi ce clivage ressuscité ? Où donc est passé le hussard noir ? Attend aujourd’hui de « l’instituteur » qu’il transmette les valeurs, qu’il intervienne dans l’apprentissage de la différence du bien et du mal ? Cette figure d’autorité, cette figure républicaine, s’est aujourd’hui effondrée. Quant au terme de « curé », dans ce débat, il évoque davantage pour moi la bedonnante autorité en soutane que le prêtre actuel.

Le second, avant de citer Jules Ferry comme modèle, voit dans la position de Nicolas Sarkozy un retour à « l’opium du peuple »… La réalité que voulait décrire cette expression est elle-même datée. « La République n’a pas à sous-traiter l’espérance aux religions », nous dit-il. Mais, le voudrait-elle que les religions n’accepteraient probablement pas de servir de supplétifs à l’Etat. Celle que je connais le mieux ne souhaite aucunement prêter son concours à un ordre établi. Elle n’a au contraire de cesse de souligner le caractère contestataire de son message, comme le fera peut-être (probablement) la prochaine encyclique, sociale, de Benoît XVI.

Bref, l’un et l’autre paraissent, à certains égards, engoncés dans les termes dépassés d’un débat figé depuis 1905. Un débat congelé par que les tensions qu’il génère.

*

A Nicolas Sarkozy toutefois le privilège de la rénovation. La laïcité qu’il appelle de ses voeux, avec quelque emballement peut-être[1], me paraît être, plus encore qu’une simple laïcité positive, une laïcité sereine, une laïcité débarassée de ses névroses, une laïcité confiante.

Je fais crédit à François Bayrou de la nécessité, pour l’Eglise, de rester vigilante quant au risque de récupération, d’assujettissement à un quelconque pouvoir, quand elle a bien plus à dire. En revanche, son propos ne me convainc pas et j’aurais tendance à le concevoir comme le fruit d’une recherche de positionnement tactique, davantage que d’une vraie cohérence.

L’un de ses paragraphes les plus prisés par les agences de presse porte une contradiction flagrante :

« La République n’a pas à sous-traiter l’espérance aux religions. La République est en charge de réaliser un monde meilleur, et pas d’inviter à l’attendre. (…) Au demeurant, la foi, ce n’est pas seulement l’espérance, ce n’est pas seulement pour l’avenir. C’est pour le présent, c’est voir le monde et voir l’autre dans une certaine lumière qui les révèle et les grandit. C’est en cela qu’il existe un humanisme chrétien. »

Ainsi, sous-traiter l’espérance aux religions reviendrait à inviter à attendre un monde meilleur, plus qu’à agir mais la foi ne serait pas que pour l’avenir, elle serait pour le présent, aussi… Lorsque Nicolas Sarkozy évoque « l’intérêt » qu’aurait la République à ce qu’il y ait beaucoup « d’hommes et de femmes qui espèrent », je n’y vois pas un intérêt matériel, ni un intérêt tactique dans un quelconque musellement des citoyens, occupés à autre chose. Au contraire, j’y lis l’espoir que les français privilégient l’espérance, l’audace, à la résignation. On construit davantage lorsque l’on est animé d’une espérance. C’est précisément ce que dit Nicolas Sarkozy ici :

« La France a besoin de croire à nouveau qu’elle n’a pas à subir l’avenir, parce qu’elle a à le construire. C’est pourquoi elle a besoin du témoignage de ceux qui, portés par une espérance qui les dépasse, se remettent en route chaque matin pour construire un monde plus juste et plus généreux. « 

Au demeurant, François Bayrou me semble avoir mal lu son encyclique. L’espérance n’est pas un anesthésiant mais un vivifiant. François Bayrou s’efforce, d’ailleurs, de ne pas comprendre le discours de Nicolas Sarkozy pour mieux s’y opposer. A l’exception de la phrase un peu ambigüe sur le rôle de l’instituteur et celui du curé, Nicolas Sarkozy demande-t-il « aux religions, toujours dans «l’intérêt» de la République, de fonder la morale du pays » ? Suggère-t-il « que la morale républicaine doit se fonder dans les religions » ? C’est ne pas vouloir lire d’autres passages du même discours. Comme les passages suivants :

« S’il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. »

(…)

« Dans la République laïque, l’homme politique que je suis n’a pas à décider en fonction de considérations religieuses. Mais il importe que sa réflexion et sa conscience soient éclairées notamment par des avis qui font référence à des normes et à des convictions libres des contingences immédiates. Toutes les intelligences, toutes les spiritualités qui existent dans notre pays doivent y prendre part. Nous serons plus sages si nous conjuguons la richesse de nos différentes traditions. »

Nulle exclusive de la part de Nicolas Sarkozy. Les religions ne sont pas appelées à fonder la morale du pays, elles sont appelées à lui apporter leur contribution, dans un esprit de dialogue serein qui paraît être le minimum que la République puisse offrir aux religions, sauf à douter de sa force. La République renoncerait-elle donc à, selon cette expression tellement chérie dans d’autres débats, « s’enrichir de la diversité » ?

Tiens, au sujet de la diversité, j’emprunterai sa conclusion à Jean-Pierre Raffarin, ça me reposera.

« La morale collective puise ses sources dans de nombreux puits, tarir les puits ne fait qu’assécher les sources. La laïcité nous protège des ambitions politiques des religions, elle permet le pluralisme des sources spirituelles, c’est au total une éthique de la diversité. »

  1. voir plus haut, donc []

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40 commentaires

  • « il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie » : si ça ce n’est pas de l’éloge des commandos suicide …

  • Vous avez tort de dire que François Bayrou a tort. Vous avez tort parce que vous n’avez pas relevé l’allusion à Pascal qu’a faite François Bayrou.
    J’en ai fait pour ma part une analyse sur Démocratie et hérésie économique, que j’espère éclairante :
    http://heresie.hautetfort.com/archive/2007/12/26/francois-bayrou-et-les-trois-ordres-de-pascal.html

    Pour en synthétiser l’essence, Pascal, en cherchant à prouver la suprématie du christianisme s’est trouvé confronté à un problème de taille, a fortiori en pleine Ancien Régime : comment faire valoir la qualité particulière de Jésus de Nazareth alors que ce dernier est d’une extraction sociale basse (fils d’un charpentier) ? Autre chose que le culte de l’argent, n’est-ce pas ?

    Or, Pascal, fort intelligemment, distingue trois ordres : l’un de l’esprit (les scientifiques en somme), l’autre de la charité (celui des saints et de JC) et la troisième charnel (c’est à dire temporel, politique et social en traduction moderne).

    Or, que fait Nicolas Sarkozy ? Il assigne au religieux, donc l’ordre de la charité, un rôle temporel en souhaitant voir les églises et plus généralement les religions jouer un rôle de pacificateur, notamment dans les cités.

    C’est ce qui a choqué François Bayrou, et comme homme politique (abandon d’une des prérogatives mais aussi d’une des missions de la République) et aussi comme chrétien (extension de la foi de la sphère privée à la sphère publique).

    Seulement, par les temps qui courent, il ne reste plus beaucoup d’hommes politiques cultivés, et François Bayrou est l’un des derniers de cette espèce. Alors évidemment, on est facilement porté à voir de la démagogie, là où l’homme de culture et le lettré identifie l’indignation véritable.

    Ce qui m’a d’ailleurs étonné, c’est l’absence totale de réactions de la gauche. Il faut dire qu’elle a tellement bradé le concept de laïcité par le passé que je préfère encore la voir se taire que de l’entendre. Bayrou, lui, a au moins le mérite d’être crédible.

  • « l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance »

    Bel exemple de mépris pour les fonctionnaires. Les profs ne sont pas portés par une espérance, ils n’ont pas de charisme, l’acceptation d’un salaire assez bas, le temps passé à préparer ses cours, corriger des copies, les situatios difficiles auxquelles ils peuvent être confrontés etc… ne relèent pas d’un sacrifice, qu’on appellera ailleurs « vocation ». Terme religieux s’i len est.

  • @Pilou: mouais… L’illusion kantienne habituelle. Exprimée par des gens qui sont des produits de la civilisation chrétienne, mais ne le comprennent plus. Qui croient qu’on peut être européen et parler de christianisme comme de quelque chose d’extérieur, comme d’un facteur exogène parmi d’autres.

    On n’est pas obligé d’inviter ses parents à son mariage. Mais si on ne le fait pas, on a assurément un problème avec ses parents.

    La référence chrétienne est implicite dans toutes les institutions de l’Union et de ses composantes. Qu’elle paraisse en toutes lettres ou pas n’a aucune importance. En revanche, qu’on songe à en faire un débat révèle une pathologie profonde. Enracinée dans l’ignorance.

  • Curieux commentaire L’Hérétique.

    Devant l’échec manifeste du politique face aux problèmes sociaux, Sarkozy envisage d’appeler à la rescousse les autres « ordres ». Mais vous et Bayrou ne l’entendez pas de cette oreille. Les choses sont rangées dans des cases une fois pour toutes et il ‘agit de préserver ces frontières étanches. En invoquant au besoin l’esprit des Anciens pour défendre des positions tranchées.

    Tout ceci me fait fortement penser à cette période de l’Histoire au début des Temps Modernes où les scientifiques et les philosophes étaient contraints par la chappe de plomb de la sagesse des Anciens. La médecine et l’astronomie des Grecs avaient traversé les siècles pour devenir le socle incontournable du savoir humain. Les érudits contemporains pouvaient recopier, transmettre, au mieux clarifier ce savoir. Mais il aurait été terriblement inconvenant de vouloir améliorer les théories des Anciens. Et contredire une théorie des Anciens était tout bonnement inconcevable. Galilée a sans doute plus souffert d’Aristote que du Pape.

    « Le cercle de la croix » de Iain Pears, non content d’être un excellent roman, traduit remarquablement cet état d’esprit. A Oxford à l’époque de Pascal, un jeune médecin italien se trouve interdit de réaliser des expériences car elles viendraient valider une théorie non adoubée par les anciens. C’est le signe d’une société qui ne croit pas en elle, qui manque d’imagination et qui cache son conformisme derrière le respect des Anciens.

    C’est donc à tout cela que je songeais en lisant votre commentaire et le billet sur votre blog. Ce respect de la lettre des pensées de Pascal insulte son esprit. Pascal était un scientifique qui a lui-même fait voler en éclat nombre de théories de ses prédecesseurs. Il serait sans doute effondré qu’on tienne ses dires pour paroles d’Evangiles.

    D’ailleurs, qui pourrait affirmer que Pascal, qui était lui-même un grand croyant, ne serait pas consterné par la faiblesse du sentiment religieux chez nos contemporains? Peut on exclure que Pascal verrait dans nos troubles sociaux une conséquence de ce déficit religieux?

    Enfin, puisque vous semblez avoir un problème avec l’argent, laissez moi conclure sur une pensée de Pascal. La vraie morale se moque de la morale

  • Bonjour Libéral,

    Rassurez-vous, je n’ai pas de problème avec l’argent. Je m’inscris d’ailleurs dans la tradition libérale, tout comme vous.

    Le problème, c’est que Nicolas Sarkozy joue avec le feu en faisant sortir la religion de la sphère privée et en lui assignant un rôle politique.

    Ne me dites pas SVP, que le mélange du religieux et du politique est une idée nouvelle, car c’est que sous-tend votre comparaison. Or, il n’en est rien, et l’histoire, y compris récente nous enseigne quelle sorte de danger recèle une telle confusion.

    La dénonciation de ce choix n’a donc rien à voir avec les convenances.

    La vraie morale se moque de la morale : certes, c’est à dire de la bigoterie, de la morale moralisante de surface. Ce à quoi s’en prend Bayrou, c’est un choix de fond. Et c’est pour cela que sa critique est fondée. Quant à ce qu’aurait fait Pascal, nul ne le sait, et de toutes façons, cette interrogation est un anachronisme.

  • « La vraie morale se moque de la morale »

    Très, très forte, celle-là….

    Bayrou n’est rien de plus qu’une petite crapule opportuniste qui a suffisamment montré qu’il ne méritait pas qu’on le traite différemment de Golias et consorts. Au moins, Sarko a-t-il l’honnêteté de se déclarer de « culture catholique » à la différence de Bayrou qui estime être pratiquant.

  • Non, le mélange du politique et du religieux n’est pas une idée nouvelle. Mais entre confusion des deux et isolation étanche, il y a la place pour déplacer un curseur.

    Enfin, les récentes théories sur les réseaux sociaux et économiques indiquent que les communautés sont d’autant plus solides et performantes que les individus sont hétérogènes, complémentaires et échangent beaucoup entre eux. Peut être que l’idée neuve est que le fonctionnaire et le curé (ou le rabbin, ou l’imam, ou…) peuvent travailler ensemble pour le bien commun.

  • @ Libéral

    Ce que vous dites est juste, mais ce n’est pas tout à fait ainsi que j’ai perçu la sortie de Nicolas Sarkozy sur le sujet.

    L’association entre le politique et le religieux pour contribuer au bien commun n’est justement pas la confusion des genres. Or, c’est bien ce point qui me fait tiquer dans le discours de Nicolas Sarkozy.

    Le politique n’a pas à se décharger de ses responsabilités sur le religieux, mais, bien sûr, il peut travailler en harmonie avec.

  • john.reed à écrit
    « Bel exemple de mépris pour les fonctionnaires. Les profs ne sont pas portés par une espérance, ils n’ont pas de charisme, l’acceptation d’un salaire assez bas, le temps passé à préparer ses cours, corriger des copies, les situations difficiles auxquelles ils peuvent être confrontés etc… ne relèvent pas d’un sacrifice, qu’on appellera ailleurs “vocation”. Terme religieux s’il en est. »

    Vous allez me faire pleurer sur mon sort, john… Ainsi donc j’ai délibérément sacrifié ma jeunesse et ma vie tout entière pour le plus grand bien des étudiants qui me sont confiés. Renonçant pour cela à un plus grand salaire… Mais aussi à ne devoir prendre que 5 semaines de vacances contre… heu, je sais plus, j’ai perdu le compte… Et la liberté de faire et dire ce que je veux…

    Sinon, le salaire est loin d’être si catastrophique pour les premiers et second degré… OK à la fac on est mal payés par rapport à nos études/diplômes et surtout à ce qu’on gagnerait dans le privé (mais quelle liberté)… Mais un licencié ou maîtrisard en socio ou en histoire ou en lettres ou… ne pourra jamais gagner autant dans le privé que ce qu’il gagne à enseigner au lycée.

  • Et pour connaître quelques prêtres, leurs « horaires de travail » n’ont rien à voir même avec ceux du plus dévoué des enseignants… On parle de 15h par jour, 7 jours sur 7 (surtout le dimanche) pour une rémunération inférieure au SMIC… une ou deux semaines de vacances par an, mais pendant lesquelles on continue d’être prêtre d’abord et donc pas spécialement en vacance puisqu’au service de ses prochains…

    Mais si cela vous paraît si comparable, pourquoi ne pas vous inscrire au séminaire… on recrute, m’a-t-on dit 😉

  • J’ai, majoritairement, eu des résultats médiocres en philosophie, durant toute ma terminale. A l’exception d’une dissert’ sur la mort pour laquelle j’ai peut-être obtenu une note que je crois davantage due à la crainte que mon professeur a pu nourrir quant au risque que je ne commette une bêtise qu’à la qualité du propos.

    L’une de mes erreurs tenait à croire que, en terminale, on attendait de moi que je pense par moi-même. En réalité, il me semble, aujourd’hui, que l’on attendait surtout de moi que j’agence le plus judicieusement possible les thèses évoquées durant l’année.

    Il me semble, en revanche, que l’étude de la philosophie doit nécessairement amener, un jour, effectivemment, à penser par soi-même, et non à aligner des références. La philosophie ne doit pas être un retranchement, ni un alibi…

    Ceci étant posé, à toutes fins utiles évidemment, permettez-moi, « L’Hérétique » de relever au demeurant que François Bayrou ne fait pas « allusion » à Pascal. Il le cite clairement. Et si je ne l’ai pas relevé, c’est que la pertinence de la référence ne m’a pas spécialement frappé. Je comprends qu’elle puisse impressionner un érudit mais, au-delà…

    Puisque vous parlez d’anachronisme, est-il possible – tout en gardant une parfaite déférence pour Blaise Pascal – de considérer que son appréciation, portée au début du règne d’un monarque absolu de droit divin, est certes susceptible d’être éclairante, mais pas décisive dans le cadre d’une République laïque qui s’efforce de son mieux d’ignorer le « fait religieux », et de traiter sinon par le mépris, du moins par l’indifférence, des intelligences auxquelles elle refuse le droit de cité sous prétexte qu’elles sont religieuses ?

    Je rejoins Liberal sur ce point : à supposer que Pascal ait entendu dire ce que François Bayrou et vous voulez lui faire dire, un jour ou l’autre, il faudra imaginer que l’on puisse émettre à raison une opinion différente.

    Alors, je vous accorderai volontiers que François Bayrou a cette élégance d’être encore un homme pétri de culture classique. Là où le bât blesse, c’est que malheureusement, il pontifie. Et il mystifie certains, par ce type de références. Ainsi, il a cité Marx, Ferry et Pascal… Grande nouvelle. Mais maintenant que l’on a fait référence à l’Histoire – que j’affectionne aussi – parlons du présent, et de l’avenir.

    Nicolas Sarkozy est probablement moins « honnête homme » (je m’empresse de mettre une référence avant que certains ne m’accusent de le diffamer) que François Bayrou. Mais il construira peut-être davantage l’avenir que ce dernier.

    Jean-Pierre Raffarin a accordé aujourd’hui un entretien au Figaro.fr, avec lequel je suis de nouveau d’accord, notamment lorsqu’il dit (et peut-être vous sentirez vous directement concerné – ce serait à raison) :

    « Avec Nicolas Sarkozy, nous avons eu d’utiles débats aussi bien sur la question du voile que sur celle de l’organisation du culte musulman en France?; cela a été le début d’une vraie proximité en contribuant à notre réflexion sur la nécessité de sortir la laïcité du carcan historique dans lequel elle était enfermée. Je partage tout à fait sa conception d’une laïcité «positive» représentant la diversité des religions en France. »

    Par ailleurs, vous vous trompez – et versez dans les mêmes travers que François Bayrou – en affirmant que Nicolas Sarkozy « assigne au religieux un rôle politique ». Figurez-vous que l’Eglise revendique un rôle « politique ». Bien sûr j’imagine que je n’ai pas à préciser ce point pour vous mais, pour les autres : j’entends par là que la foi catholique ne correspond pas à une attente passive d’un monde meilleur (ce que même un lecteur de Pascal ne semble pas avoir compris) mais exige que l’on s’investisse dans le monde présent et, donc, dans les affaires de la Cité et la politique, au sens le plus noble.

  • Bayrou n’a pas convaincu Koz, en voilà une qu’elle est nouvelle, dites donc 😉

    Quand même, quand je lis que « dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé », ça veut bien dire que c’est à ces derniers que l’on demande de fournir les fondements de la morale.

    Ceci dit, c’est vrai que Bayrou, dans cette interview un peu confuse, semble réagir au discours de Sarkoy par réflexe, en s’en tenant à un thème simplet: la remise en cause de la laïcité. Pas facile, le métier d’opposant… Il faut dire que le discours est habilement écrit, mêlant de nombreuses affirmations incontestables avec d’autres plus provocantes. Par exemple, quand Sarkozy s’offre un parallèle entre la vocation religieuse et sa vocation personnelle, autrement dit son ambition politique, il pousse vraiment grand-mère dans les orties.

    Moi, j’attends de voir. Ce discours restera peut-être comme la première étape d’une grande conciliation qui mettra un terme aux guérillas sempiternelles autour de la place de la religion dans la vie publique. Ou bien c’est juste un truc pour faire plaisir aux cathos et être une fois de plus le sujet principal des éditos (positifs ou négatifs, aucune importance) avant de passer à autre chose. A suivre…

  • @Koz

    Je crois que l’intervention de François Bayrou va bien au delà du sempiternel débat laïcité-religion en France, et je vous concède d’ailleurs très volontiers que ce débat-là est aussi étriqué que dépassé. Ce n’est d’ailleurs pas cette vieille querelle qui m’intéresse.

    Observez le monde tel qu’il est autour de vous, Koz, et constatez l’impact désastreux de la concomittence entre le champ du religieux et la sphère du politique.

    Les aventures guerrières de l’Amérique bushiste doivent largement à l’influence des ultra du protestantisme. Le Pakistan est au bord du gouffre parce qu’aucun politique n’a eu le courage de mettre fin définitivement à l’ingérence du religieux dans le politique, et d’ailleurs, Benazir Buttho qui n’ a pas eu ce courage-là non plus en son temps en est morte aujourd’hui même.

    Du discours de Nicolas Sarkozy, je comprends qu’il serait par exemple tout prêt à livrer les cités aux imams pour les pacifier et pouvoir y exercer un contrôle : mais quel contrôle ? Les Américains ont fait un calcul similaire dans les années 60 et 70 pour contrer l’influence du socialisme soviétique dans les pays arabes, et qu’en a-t-il résulté ?

    Je ne crois pas que l’on ait grand chose à craindre de l’église en France, car elle a plus que largement intégré les normes démocratiques, encore que certaines franges me paraissent parfois plus que douteuses et d’ailleurs, vous en avez certains exemplaires qui hantent de temps à autre votre blog.

    Ce n’est pas le moment de jouer à l’apprenti-sorcier, et Nicolas Sarkozy devrait faire preuve de responsabilité.

    Quand Bayrou cite Marx, il ne se fait nullement marxiste : son intention n’est pas de dire que la religion est un opium, mais qu’il ne faut pas faire de la religion un opium. Je crois que vous saisirez très aisément cette nuance, car je vous sais habitué à beaucoup de finesse dans vos billets.

    Quand j’entends Nicolas Sarkozy dire ceci :

    « Je pense que cette situation est dommageable pour notre pays. Bien sûr, ceux qui ne croient pas doivent être protégés de toute forme d’intolérance et de prosélytisme. Mais un homme qui croit, c’est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent. La désaffection progressive des paroisses rurales, le désert spirituel des banlieues, la disparition des patronages, la pénurie de prêtres, n’ont pas rendu les Français plus heureux. C’est une évidence. Et puis je veux dire également que, s’il existe incontestablement une
    morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini.
    Ensuite et surtout parce qu’une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité.»

    Eh bien je bondis. Et je bondis en particulier quand je vois écris que le fondement de la morale devrait être nécessairement transcendant pour être supérieure. D’une part, ce point peut être contestable, et d’autre part, je n’estime pas fondée la comparaison entre une morale fondée sur la foi et une morale fondée sur la raison. Je note, d’ailleurs, puisque nous avons parlé de Pascal, que ce dernier n’est pas tombé dans le panneau, dans ses Pensées, puisqu’il a eu l’audace que Nicolas Sarkozy est bien incapable d’avoir en imaginant la chose suivante : qu’il se pouvait qu’on fût un bon chrétien sans avoir la foi. Il avait même suppposé que l’on pouvait se contenter d’un pari, sans avoir la foi ancrée au fond de l’âme, pour bien se conduire.

    Voyez que Pascal demeure, en dépit de son âge vénérable, plus moderne que Nicolas Sarkozy.

    Je pense que Bayrou n’est pas sur un combat d’arrière-garde de type laïcard gauchiste, mais bien sur un débat de fond, et j’aimerais que cela lui soit reconnu. Et pour ceux qui le lui reconnaissent, croyez-bien que cela va au-delà qu’un goût immodéré pour l’érudition ou les statues poussiéreuses.

    S’investir, quand on la foi, dans la sphère politique n’est bien sûr nullement contradictoire avec le discours de Pascal. Pascal n’invite pas les chrétiens à la passivité, il les invite juste à ne pas mélanger les genres.

    P.S m’autoriseriez-vous à publier, dans un billet, sur mon blog, votre réaction (et bien sûr ma réponse) ? Il y a là un débat de fond qui mérite d’être porté sur la place publique. En règle générale, je suis davantage porté sur les choses économiques, mais en la circonstance, le sujet vaut que je déroge à la règle.

  • Dommage pour vous, Koz.
    J’ai personnellement eu un professeur de philosophie qui, contrairement à l’esprit académique, ne donnait une note supérieure à 5 que lorsqu’on osait sortir des sentiers battus en matière de réflexion. La réflexion personnelle était prédominante, et seulement ensuite venaient se greffer des références « historiques » pour mieux les déconstruire selon sa sensibilité propre.

    Et pour ajouter une modeste pierre à l’édifice de réflexion qui se construit dans ces commentaires, j’ai le souvenir que d’illustres religieux (monothéistes) vivaient la religion sans nécessairement avoir la foi.
    En effet, nul besoin de croire en un être supérieur pour aimer son prochain, et contribuer à la pacification d’un monde par des actes personnels pour le bien de tous.

    Avoir la foi signifie pour moi surtout avoir l’espoir que quelqu’un d’extérieur à nous (sous-entendu les êtres humains) puisse influer sur le cours des choses pour nous éviter de trop grosses bourdes, ou pour nous dédouaner de celles que nous aurions déjà commises.
    La théorie de la foi est élégante, et permet une meilleure élasticité entre les actes les plus radicaux, des meilleurs aux pires. Plus la foi personnelle est grande lorsque le personnage occupe des fonctions importantes dans la société des hommes, plus les actes ont une propension à l’extrémisme, bon ou mauvais.
    Je rejoins donc l’Hérétique dans l’idée que le mélange des genres est , malgré la facade vertueuse qu’il confère à l’Homme, d’une odeur plus que nauséabonde.

  • Je crains, L’Hérétique, que vous n’ayez une vision un peu réductrice du pari de Pascal. Je m’avoue également sceptique sur la possibilité d’être bon chrétien, sans avoir la foi, ou sans être croyant. Que l’on soit une personne éminement estimable, éminement respectable, soit, mais être chrétien suppose un minimum d’adhésion… au christianisme.

    Pour en revenir à la question présente, vous avez raison de restreindre votre propos à la France, et à la France actuelle. Inutile de comparer la France à l' »amérique bushiste » (ou l’Amérique selon Georges Bush), ou au Pakistan. Prenons des exemples comparables.

    En l’occurrence, il est exact que l’on n’a guère à craindre des chrétiens. Et qu’il commence à me peser de voir que l’on s’astreint systématiquement à traiter de la même manière une religion dont les éventuels débordements sont « gentillets » et une autre qui connaît encore des débordements sanglants et sauvages. Que l’on traite de la même manière une religion dans laquelle Nicolas Sarkozy a raison de dire que nous trouvons nos racines et que ce pays trouve ses racines, et une autre qui a mon respect certes, mais qui n’a pas véritablement contribué à fonder notre culture.

    En ce qui concerne le fait que Nicolas Sarkozy soit prêt à « livrer les cités aux imams », puisque c’est la deuxième fois que vous le dîtes, après le grand Bayrou, laissez-moi espérer que vous nous gratifierez d’une référence à un propos de Nicolas Sarkozy qui l’accrédite.

    Au demeurant, j’imagine bien que c’est à votre corps défendant mais prenez garde, Bayrou avait déjà piqué à Le Pen quelques ressorts du populisme, si Bayrou en vient, parce qu’il est dans l’opposition, à recourir à des ficelles aussi grosses que : « Nicolas Sarkozy veut livrer les cités aux imams » (et poruquoi pas, tant que nous y sommes, « nos vierges aux arabes » ?), ce n’est plus seulement le poujadisme qu’il empruntera à Le Pen.

    *

    Vince, comprenez bien qu’à aucun moment je ne me permettrais de remettre en question la véracité de votre propos mais j’espère que vous saurez apaiser ma perplexité devant votre référence à « d’illustres religieux (monothéistes) qui vivaient la religion sans avoir la foi ». Si vous avez des noms à nous donner, en particulier, on sera preneur.

    La religion est constitué de rites. Consacrer sa vie aux rites sans jamais croire à l’existence de Celui auquel ils sont adressés me paraît spécialement vain. Je serais vraiment curieux de connaître ces « illustres religieux ».

    Quant à votre conception de la foi, je crains que l’on ne parte vraiment pas sur les mêmes bases. Non, avoir la foi ne signifie pas, pour moi (et je ne crois pas être le seul) croire que quelqu’un d’extérieur m’évitera de faire de grosses bourdes.

    « Plus la foi personnelle est grande lorsque le personnage occupe des fonctions importantes dans la société des hommes, plus les actes ont une propension à l’extrémisme, bon ou mauvais. »

    Si cela a vocation à devenir une loi, il faudrait déjà savoir en quoi ou en qui la personne en question a foi. S’il s’agit d’avoir une grande foi personnelle en l’amour du prochain, je pense qu’on peut rester zen, si je puis dire.

    En outre, il me semble qu’une telle « loi » souffrirait des exemples pour être validée.

    A l’inverse les exemples ne me paraissent pas manquer de responsables (dirigeants d’entreprises ou politiques) croyants, dont le comportement est resté particulièrement modéré. A l’instant, je pense à Jean-Pierre Raffarin, dont l’action ne m’a pas semblé spécialement extrémiste. Et l’on pourrait trouver une ribambelle d’autres politiques non croyants au comportement largement moins modéré que le sien.

  • Vous avez raison Koz de souligner que l’intensité de la foi d’un homme politique n’a guère de lien avec son « extrémisme ». Cependant, Jean-Pierre Raffarin me semble un mauvais exemple puisqu’il fait preuve en presque toutes circonstances d’une « extrême » modération…

    On pourrait penser aussi à Michel Camdessus… parmi un nombre immense de grands chrétiens (grands croyants) à l’action tout sauf extrémiste… Et on pourrait penser à Iosif Vissarionovich Dzhugashvili « Staline » comme homme sans foi mais porté à une légère mesure d’extrémisme dans ses actions 😉 Encore que pour être honnête et fidèle à ma conception des choses, Staline avait une très grande foi religieuse, en « Non-Dieu » au lieu de Dieu, mais c’était une foi, comme tout athéisme.

  • —>“S’il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses.
    D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini.
    Ensuite et surtout parce qu’une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité.» N Sarkosy

    —>“La morale collective puise ses sources dans de nombreux puits, tarir les puits ne fait qu’assécher les sources. La laïcité nous protège des ambitions politiques des religions, elle permet le pluralisme des sources spirituelles, c’est au total une éthique de la diversité.” Raffarin

    —>« Les religions ne sont pas appelées à fonder la morale du pays, elles sont appelées à lui apporter leur contribution, dans un esprit de dialogue serein » Koz

    A la lecture de ce superbe billet ( comme toujours ), j’ai beaucoup réfléchi à ce que cela représentait pour moi.
    Même si on ne peut pas assimiler morale et éthique aujourd’hui, passionnée par l’éthique – qui est au cœur de mon métier -, je crois qu’on peut élargir le débat sur ce point.

    Dans « Le capitalisme est-il moral ? » (Albin Michel), le philosophe André Comte-Sponville distingue l’ordre moral de l’ordre éthique. Pour lui, la morale est ce que l’on fait par devoir (en mettant en oeuvre la volonté) et l’éthique est tout ce que l’on fait par amour (en mettant en oeuvre les sentiments).
    Et wiki ajoute : « L’éthique est ainsi une réflexion critique sur la moralité des actions. On parle par exemple de « comité d’éthique » au sein d’institutions scientifiques ou d’hôpitaux. L’éthique aurait donc ses fondements non dans les traditions d’un pays ou les codes d’une idéologie mais dans une décision rationnelle prise à partir d’un libre dialogue entre des consciences. »

    En éthique, nous faisons beaucoup référence à Lévinas , qui est un tout petit peu plus moderne que Pascal, même si Pascal est certes une référence historique ;-).
    Que dit Lévinas ?
    « L’expérience fondamentale que l’expérience objective elle-même suppose – est l’expérience d’Autrui. Expérience par excellence. Comme l’idée de l’Infini déborde la pensée cartésienne, Autrui est hors proportion avec le pouvoir et la liberté du Moi. La disproportion entre Autrui et le Moi est précisément la conscience morale »
    Nicolas Sarkosy le rejoint lorsqu’il parle de lien important ( mais n’entrant pas dans le domaine de la facilité ) entre la morale et la transcendance :
    « Ramener le sens de toute expérience à la relation éthique entre les hommes – faire appel à la responsabilité personnelle de l’homme, dans laquelle il se sent élu et irremplaçable, pour réaliser une société humaine où les hommes se traitent en hommes. Cette réalisation de la société juste est ipso facto élévation de l’homme à la société avec Dieu. » « L’éthique est une optique du divin. » L’ordre éthique n’est pas une préparation, mais l’accession même à la Divinité. Tout le reste est chimère. »
    Lévinas http://judaisme.sdv.fr/perso/goetsch/levinas.htm

    Je laisse à votre réflexion ce beau texte de Bruno Cazin,
    ( à lire en entier sur http://www.smslgv.be/tijdschrift/jaargangen/2000/nr3/morale_chretienne_et_ethique_humaniste.html ) :
    « Il est difficile d’opposer morale chrétienne et éthique humaniste en raison de la nature même de la foi chrétienne et du mystère de l’incarnation. En régime chrétien, il est inconcevable de penser la vie spirituelle en faisant l’impasse de l’humanité de l’homme que le Fils de Dieu lui-même a assumée jusqu’au bout. De ce fait, la morale chrétienne est intrinsèquement humaniste; elle est au service de la dignité de l’homme, fils de Dieu….
    La morale ne peut prétendre au qualificatif de chrétienne que si elle se ressource dans une vie spirituelle authentique. Elle ne défend pas d’abord des valeurs qu’on pourrait séparer de la personne du Christ, elle repose sur une foi vive .
    Elle n’est ni répétition de principes intangibles, ni simple adaptation politique aux nécessités du moment, mais réflexion sur l’action aujourd’hui, en fonction des données de la raison et de la Révélation, dans la visée du Royaume de Dieu qui vient. »

  • Bonjour Koz,

    Pour votre première objection, qui est finalement d’ordre théologique, je vous répondrai que vous connaissez mal Pascal, dans ces conditions : avoir la foi n’est pas une donnée, une contingence pour être chrétien, c’est une grâce. Il faut donc distinguer la foi de la croyance, quand bien même cette dernière se dirigerait vers Jésus Christ et vers Dieu.
    Pour illustrer mon propos, je vous citerai quelques chrétiens que je pense portés en permanence par leur foi :
    En premier, je citerai Soeur Emmanuelle, parce qu’elle l’emporte sur tous par la puissance et la profondeur de sa foi, en second Mère Thérésa qui a accompli des miracles par la force de sa ferveur, en 3ème, c’est toute une communauté qui s’emploie à propager la paix, que je citerai : la communauté San Edigio. A moindre mesure, mais vraiment moindre, j’inclus l’Abbé Pierre dans les hommes portés par la foi, ou, tout du moins, pour qui elle a longtemps été un vecteur. Cela ne signifie pas que le simple croyant n’est pas un bon chrétien, mais être porté par la foi, c’est une dimension supérieure. Dans la liste que je cite ci-dessus, j’aurais bien envie de citer ma grande-tante, qui était un individu admirable, mais je pense que cette liste comporte nombre d’illustres inconnus.

    En ce qui concerne le christianisme, il est peut-être pacifique actuellement, mais cela n’a pas toujours été le cas, alors qu’il fut un temps où l’Islam était synonyme d’ouverture : à ce sujet, quand on qualifie l’islam des talibans de moyen-âgeux, c’est totalement faux : ils ont en réalité inventé une forme monstrueuse de l’Islam qui n’a jamais existé dans l’histoire de l’Islam. La réalité, c’est que l’Islam des temps passés était infiniment plus souple que l’Islam d’aujourd’hui, et pour s’en convaincre, il suffit de lire les contes et légendes des pays arabes du temps passé, ou les écrits des grands écrivains. On peut comprendre alors ce qu’était autrefois l’Islam.

    L’Islam qui a pignon sur rue, c’est l’Islam wahabite chez les Sunnites, qui trouve sa source dans les pratiques d’une petite tribu du désert d’Arabie du Nord. Sans eux, l’Islam sunnite offrirait un tout autre visage. Et pour l’Islam chiite, confiance : il est en crise, mais il en sort petit à petit, et je suis sûr qu’il nous réserve de bonnes surprises, en dépit des apparences.

    Le problème de l’Islam d’aujourd’hui, ce n’est pas d’avancer, mais plutôt de ne pas reculer.

    En ce qui concerne Bayrou, vous vous doutez bien qu’il n’a rien de populiste ni de poujadiste. Vous lui faites bien évidemment dire ce qu’il n’a jamais voulu dire. Citez-moi un seul de ses propos accréditant vos dires…

    A propos de Nicolas Sarkozy, évidemment, il n’a pas dit les choses ainsi, et ne les pense d’ailleurs sans doute pas ainsi. Encore que…

    Le vrai problème, c’est l’état des cités. la religion peut bien sûr jouer un rôle au sein de ces dernières, et adopter une attitude très responsable envers la République, mais il n’est pas question que la République s’appuie sur un quelconque pouvoir religieux pour s’établir clairement là-bas. En ce sens, je maintiens ma critique d’origine et juge que le discours de Nicolas Sarkozy est tout sauf clair.

  • Hummm l’Hérétique, j’aimerais vraiment avoir votre optimisme sur l’Islam « éclairé » mais il se trouve que j’ai pas mal lu/vu de choses sur « Al Andalus » et le bel Islam ouvert de l’époque… Qui en remontrait sur beaucoup de points, en matière d’obscurantisme, de brutalité et de sauvagerie, à Al Quaida… Le mythe à escamoté les coté négatifs pour ne retenir que le pas trop mal et l’embellir encore. Mais je doute que chrétiens ou juifs d’aujourd’hui (voir nombre de musulmans « modernes ») accepteraient de vivre sous cet Islam « tolérant et ouvert » 😉

  • Bonjour Franz

    Il faut évidemment ramener cet Islam a la réalité de son temps, mais cet islam-là a tout de même produit Averroès, Omar Khayyam ou encore Nomhäs d’Avicenne pour citer les plus fameux. Mais on peut également compter parmi ceux-là Ibn Arabi, et bien d’autres encore.

    Je pense que nombre de chrétiens, de juifs ou de musulmans modérés, préféreraient largement vivre au sein de l’Ilam andalou plutôt que de subir l’islam afghan des Talibans, ne vous en déplaise, abstraction faite du progrès technique.

  • @ l’hérétique.

    J’aimerai connaître votre point de vue sur la réflexion morale et éthique dans les pays du moyen orient et votre point de vue sur l’ouverture de « toutes les intelligences et toutes les spiritualités qui existent dans ces pays ».
    J’aimerai aussi savoir ce que vous pensez de la situation des juifs à l’époque de Mohamed ( bataille des fossés ). Je ne suis pas certaine que « nombre de juifs préféreraient largement vivre au sein de cet islam » là, même « si on ramène cet Islam à la réalité de son temps », « abstraction faite des progrès techniques »

    Et si vous parlez d’Avéroes, n’oubliez pas que condamné en son temps par la religion musulmane qui lui reproche de déformer les préceptes de la foi, Averroès doit fuir, se cacher, vivre dans la clandestinité et la pauvreté, jusqu’à ce qu’il soit rappelé à Marrakech, où il meurt, réhabilité, en 1198.

    N’oubliez pas non plus que , au XII siècle, nous avons vu dans notre profond moyen âge, surgir : Abélard, Saint Bernard,J de salisbury, que dès le XII siecle, le, le droit, l’art, la théologie et la médecine sont enseignés à Paris à des jeunes venus d’angleterre, de france, de picardie et de normandie en ayant, dès l’origine un « prestige international (source : « histoire de la Sorbonne », née, elle, au XIII siècle ).
    C’est , à mon sens, hors sujet, mais c’était simplement pour montrer que les pays chrétiens avaient aussi , au XII siècle, leurs savants, leurs saints ( foi ou croyance ? )…

    C’est hors sujet, parce que nous sommes au XXI siècle, que la morale et l’éthique n’ont plus tout à fait la même définition, ce qui explique pourquoi, Nicolas Sarkosy peut dire que « Nous serons plus sages si nous conjuguons la richesse de nos différentes traditions.”… »dans un dialogue serein »
    Et c’est au XXI siècle -siècle où nous vivons, dois je vous le préciser- que nous voyons des chrétiens plutôt pacifistes face à d’autres, qui le sont beaucoup moins.

  • l’entretien de Bayrou a eu le mérite de mettre les pendules à l’heure, y compris en ce qui concerne ce qu’est la religion.Croire ce n’est pas qu’être parmis ceux qui esperent (mais d’ailleurs il n’y a pas que ceux qui croient qui esperent) mias aussi parmis ceux qui font, qui construisent.

  • j’oubliais:le premier chanoine de latran fut Henri IV, pour le remercier d’être devenu catholique (il l’était devenu pour devenir roi de france avec cette fameuse expression « paris vaut bien une messe)

    ce titre de chanoine d’honneur est donc un legs et pas de n’importe quel passé. Le passé où il fallait être ou devenir catholique pour pouvoir diriger la France. Le passé où la France était un royaume catholique ; où le catholicisme était une religion nationale. Ok, cela fait partie de l’histoire de France. Est-ce pour autant ce passé là qui doit servir de référence pour aujourd’hui, qui doit être mis en avant ?

  • @ Tara

    Je ne suis pas un expert de cette période, même si je la connais un peu. Mais je voudrais tout de même relever ce que vous dites : la bataille des fossés, c’est en plein 7ème siècle, c’est à dire dans l’épopée de Mahomet. Donc, pas du tout la période à laquelle je fais allusion. L’Islam n’existe pas encore pleinement, en ce temps-là. Quant à l’alliance d’une tribu juive avec des polythéistes, je n’ai pas d’avis dessus, et je ne vois pas trop ce que vous voulez que je vous dise sur le sujet. Je vous invite d’ailleurs à vous méfier de ce qui n’est pas établi clairement par l’Histoire. Parce que l’épisode que vous citez, même s’il a certainement un fondement historique, relève encore largement de la légende, comme d’ailleurs tous les faits qui entourent la vie du Prophète.

    C’est un chef politique qui a chargé au départ, Averroès de réaliser un immense commentaire sur Aristote : l’avez-vous oublié ? Il y a eu effectivement un fanatique qui a pris le pouvoir pendant deux ans, et l’a fait bannir. Après, il est vrai qu’il s’était fait des ennemis parmi les religieux. Il faut dire aussi que c’est à partir du 13ème siècle que l’Islam bascule : son âge d’or est alors finissant.

    Et c’est à cette même période que les idées frémissent en Occident, avec l’émergence de grands penseurs au sein de la chrétienté, ceux que vous avez cité : j’apprécie tout particulièrement Abélard, et son idée de pré-concept pour expliquer la formation des idées dans l’esprit. Je le trouve d’ailleurs une alternative séduisante au nominalisme et à Guillaume d’Ockam, même si je sais qu’on le classe souvent parmi les néo-aristotéliciens. En effet, cette génération prépare la Renaissance.

    Mais passé cet intéressant chapitre historique, je ne vois pas ce que cela change à ce que j’ai écrit.

  • Je rappelle, à toutes fins utiles, qu’il est précisé dans le guide (cf barre de navigation) qu’il est largement préféré que chacun s’en tienne à un seul pseudo. « lyonnitude(s) », c’est votre troisième…

    Quant au fond de votre commentaire, précisément, comme vous avez dû le lire plus haut, Nicolas Sarkozy n’a pas adopté une position considérant que les croyants se contenteraient d’espérer. Je connaissais la figure consistant à faire dire à quelqu’un ce qu’il n’a pas dit pour mieux le contrer. Je découvre celle qui consiste à faire croire que la personne en question n’a pas dit ce qu’elle dit pour pouvoir dire à son tour la même chose…

    Quant au titre de chanoine de Latran, purement honorifique, avant Sarkozy, il y eut Chirac, Mitterrand, VGE, Pompidou, de Gaulle, etc. Entretenir une polémique quelconque là-dessus n’a pas de sens.

  • A lire sur le sujet, le billet de malakine. Vous identifierez sans nul doute les points sur lesquels je peux tiquer mais, avec une approche totalement différente, on se rejoint assez sur les dangers réels des religions. Voiresur les vraies menaces sur notre société.

  • Je viens de le lire. Intéressant. Le mot de trop pour Bayrou, c’est l’opium du peuple et Marx. Très maladroit de sa part. Il aurait du en rester à Pascal. Mais bon…que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre…

  • Je viens de lire cet article dans la rubrique débats du Figaro :
    http://www.lefigaro.fr/debats/2007/12/27/01005-20071227ARTFIG00431-laicite-les-cinq-fautes-du-president-de-la-republique.php

    Cet article m’indispose à un point incommensurable.
    Et pourtant, je serais bien incapable d’argumenter.
    Je ne sais pas ce qui me gêne dans cette argumentation : je ne suis pas de l’avis de l’auteur, certes, mais ce n’est pas cela qui me « perturbe ».
    La façon de conduire l’argumentation, sans doute ?

    Quelqu’un peu t il me dire ce qu’il en pense?
    Merci

  • Sans adhérer à tout ce que dit l’auteur, comment voulez-vous que l’on admette de telles affirmations du Président :
    «Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur.»

    Je suis d’ailleurs doublement opposé à cette affirmation : d’une part, parce que je ne vois pas en quoi l’instituteur devrait figurer derrière le curé et le pasteur, et d’autre part parce que je me défie au moins autant de la morale d’état, (la fameuse éducation civique me porte sur le système, par exemple, surtout quand elle se mue en apologie de la bonne conscience dégoûlinante). De manière générale, je me défie de toute organisation, politique ou non, qui aspire à définir à ma place ce qu’est le bien et le mal. Ceci n’est pas pour autant contradictoire avec l’idée que le bien et le mal ne sont pas nécessairement relatifs et qu’il existe des valeurs communes. C’est, je crois, l’effort de nombreux philosophes que de tenter de l’établir. La lecture de ces philosophes peut certainement être une bonne source d’inspiration pour nous aider à nous forger nous-mêmes une ligne directrice en la matière.

  • cette semaine dans FC article interessant (pas en ligne) de P. Oswald sur « la dégénerescence de la laïcité en laicisme », idée chère à Benoit XVI :
    – » il existe une saine laicité dont l’inspiration au demeurant est chrétienne : elle découle du « rendez à césar ce qui est à cesar et à Dieu ce qui à Dieu ». Elle ne se contente pas d’obliger à payer l »impot et à obéir à toute prescription légitime des autorités civiles, mais souligne l’autonomie des sphères, récusant l’ingérence ecclésiastique en matière de choix prudentiel. Par ex il n’appartient pas à l’autorité religieuse de décréter pour qui voter ou de définir une stratégie politique. Mais cela ne saurait interdire à l’église d’éclairer les consciences, y compris hors du confessionnal, en intervenant publiquement sur des questions de fond, du respect de la vie, à l’immigration, de la liberté religieuse à la justice sociale.

    – le laicisme voudrait conférer l’Eglise dans la sphère privée, exclure la religion de la vie sociale en lui refusant le droit de se prononcer sur tout sujet moral ou politique…

    @tara en lisant l’article du figaro j’ai pensé à cet article de Fc. De plus l’auteur ne prend que des bouts de phrases pour en faire une argumentation critique alors que si on la resitue dans le texte initial celle-ci s’effondre. C’est flagrant avec le 1er argument !
    je ne sais si je suis claire mais je dois partir…

  • ok je reviens à romain blachier etr ne vais plus me nommer lyonnitude(s) sur votre blog

    par contre sarkozy parle bien de ceux qui espérent pour pour évoquer les croyants ce qui pose en creux la question de l’exclusivité religieuse de l’espoir.

    ps:Vous etes trop braqué à priori lorsque quelqu’un de gauche parle de M.Sarkozy.C’est un simple déssacord de fond avec lui sur le sujet. l’évocation de la religiosité en soi m’intéresse et ne me choque pas.

  • Pingback: » Libertà !

  • Juste for fun, c’est inutile mais ça détend, je vais faire les objections d’un laïcard …

    Heureusement que l’instit a remplacé le curé …
    sans quoi nous aurions toujours une Terre plate, nous serions en l’an 6 000 de l’existence du monde, nous n’aurions pas de vaccins, le SIDA serait une punition divine, le divorce serait interdit, l’homosexualité aussi, les voleurs auraient les mains coupée etc etc …

    Bien sur, je me caricature. tout le monde ne prends pas les livres prétenduement saints (je n’y crois pas, je ne vais donc pas les placer sur un piedestal) au pied de la lettre. Mais saluer le rôle des religions sans évoquer les progrès liés à la séparation du politique et du religieux me pose problème …

    La libre pensée, la franc maçonnerie aussi ont apporté. Le bilan n’est pas si mauvais non plus. bien sur, le droit à l’exercice religieux doit être dfendu, et par la même, l’équipement pose parfois problème. mais la tendance actuelle me semble dangereuse …

    Je n’ai pas eu d’éducation religieuse, considérez vous que je suis incapable de différencier le bien du mal ? Que je suis incapable de respecter les loi du fait de l’impuissance de la punition divine à m’impressionner ? Vision pessimiste, non ?

  • @Simon: vous postez des commentaires sur le blog d’un défenseur du grand Satan Sarkozy, et vous prétendez faire la différence entre le Bien et le Mal?????

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