Gap ou pas Gap ?

Alors, Gap, ou pas Gap ?

Alors, Gap, ou pas Gap ? (photo : Taslima Akhter)

C’est le dernier jeu de mes enfants. « Cap ou pas Cap ? ». Sachant que le défi est choisi en fonction de ta réponse. « Cap » ? Ils poursuivent sur : « de rester dans une maison en feu parce qu’il y a un volcan qui crache de la lave dessus ». « Pas cap » ? Ils enchaînent sur : « de manger une banane ». Et ça les fait bien rigoler.

Bon alors, Gap ou pas Gap de porter des fringues confectionnées au péril de leurs vies par des ouvriers au Bangladesh ? Gap d’enfiler de nouveau un jean trop bien coupé ou un top tendance, en totale bonne conscience, tout en sachant que la marque dont on se prévaut est celle d’une boîte qui refuse de s’engager pour les droits des ouvriers, un droit tout simple, pas les RTT ou une retraite à un âge moins avancé, mais simplement la sécurité, le droit de ne pas mourir pour fabriquer un t-shirt ?

Et on dit Gap mais, aux dernières nouvelles, c’était aussi une société française, Auchan.

Nous ne pouvons pas nous réfugier derrière le contre-argument que l’on emploie habituellement sur le travail des enfants dans les pays pauvres, pour coudre des ballons de football ou autres objets essentiels. Ici, le risque est immédiat. Risque de mort.

Le sujet a été évoqué, me direz-vous. Oui, un peu. Mais l’évoque-t-on assez quand on réalise que, pour nous fringuer, ce sont plus de 1.100 personnes qui ont perdu la vie, plus de 2.500 personnes blessées, ce qui doit signifier pour beaucoup une vie foutue ? L’évoque-t-on assez quand on apprend que ce drame n’est pas le premier mais qu’un précédent bilan de 300 morts n’a pas dépassé les frontières, géographiques ou médiatiques, pas effleuré notre cortex cérébral ? Un autre drame en avait causé 112. Si je compte bien, ce sont plus de 2.500 ouvriers qui sont morts au Bangladesh dans le textile depuis 2005.

De fait, l’actualité a très rapidement rélégué cette horreur à l’arrière-plan, et Laurent Guimier peut dire que « Tout le monde se fout du Bangladesh !« , en particulier nos plus hauts responsables politiques (à tout le moins au plan des réactions officielles, puisque des actions semblent tout de même en cours).

Nous ne pouvons pas nous réfugier derrière l’idée que l’action ne conduirait qu’à faire perdre leurs emplois à ces ouvriers. Comme le souligne Dorothée Kellou dans La Vie, « un teeshirt qui est vendu 15 € chez Zara était payé jusqu’à présent au Bangladesh 30 centimes ! ». On sait aussi, au rang des 10 excuses pour ne rien à faire, que le coût de la main d’oeuvre ne représente qu’entre 1 et 3 % du prix de vent d’un vêtement. Avant d’être contraint de cesser de fabriquer que Bangladesh, il y a… de la marge.

Nous ne pouvons aps non plus prétendre que nous serions dans une malheureuse situation de contrainte. Si Gap a rompu les négociations, on peut encore aller – sans trop d’illusions toutefois – chez son concurrent, Tommy Hilfilger : elle est pas belle, la vie ? L’entreprise américaine Philips Van Heusen (qui détient les marques Tommy Hilfiger et Calvin Klein) a en effet signé un accord de sécurité et de prévention des incendies avec des syndicats et ONG bangladais et internationaux en mars, soit avant la tragédie de Dacca.

Nous ne pouvons pas nous réfugier derrière l’idée un peu coupable que la pauvreté existera toujours. Il n’y a pas de fatalité à ce que des sorties de secours soient obstruées, à ce que des vigiles empêchent des ouvriers de sortir d’un immeuble en feu par crainte qu’ils n’emportent de la marchandise. Et c’est à même notre peau que nous portons le fruit de ce « travail d’esclave« , comme l’a qualifié le pape, car mourir pour 38 € est bien un travail d’esclave. Nous glissons nos cuisses dans ce système. Nous portons une marque, bien souvent pour son image : quelle est l’image que nous enfilons lorsque nous portons ces vêtements ?!

Il ne s’agit pas de jouer de la culpabilisation. Nous ne sommes pas coupables ni responsables des morts de Dacca. Acheter un jean chez Gap, ce n’est pas tuer un Bangladais. Mais nous sommes responsables de notre réaction, dès lors que nous savons. Et si l’on mondialise la production, la consommation, nous devons aussi contribuer à mondialiser les droits.

Que pouvons nous faire alors ?

  • S’informer, sur le site du Collectif Ethique sur l’étiquette, quel que soit le vertige que cela peut procurer;
  • Prendre connaissance des 10 excuses les plus utilisées par les marques avant de me le servir en commentaire. Parce que j’ai beau être un tendre, ça va m’agacer;
  • Signer la pétition en ligne, parce que la marque est le seul capital de ces sociétés. A nous de le mettre en jeu, en faisant progresser la conscience;
  • Les ONG n’appellent pas au boycott, nous dit-on. Très bien. Et il serait assez illusoire d’imaginer que, parce qu’elles ont signé un accord, les entreprises sont quittes avec l’éthique, comme le souligne le cas H&M. Pas plus que nous ne le sommes nous-mêmes, les entreprises ne le seront jamais. Mais, personnellement, informé de ce cas-là, informé du refus de ces entreprises de signer un accord engageant, je ne suis pas cap aujourd’hui d’entrer chez Auchan ou chez Gap pour acheter leurs vêtements.
Bref, c’est l’anniversaire de ma tendre et belle épouse le 12 juin (n’oubliez pas, merci), et elle a bien envie que je prenne soin de sa garde-robe. Je n’avais certes pas prévu d’aller chez Auchan, mais ce ne sera pas chez Gap. Puissent-ils l’apprendre…

Mise à jour : Auchan serait en voie de signer l’accord.

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123 commentaires

  • Merci, merci Koz de ne pas oublier que pour les cathos, le combat pour la vie prend de multiples formes dont celle que vous évoquez.

    Concernant Auchan, Gérard Mulliez se revendique pourtant comme un dirigeant catholique. Comment le lui rappeler avec fermeté et charité? c’est vraiment un cas d’école de « correction fraternelle », « geste d’amour pour son frère » comme le disait si bien Benoit XVI. Même s’il a laissé les rênes à son neveu Vianney, il fait toujours partie, à ma connaissance, du comité stratégique….

  • Merci et bravo pour ce bel article.

    Acheter un produit peut aussi être un acte citoyen et nous avons vraiment besoin de sensibiliser les consciences sur ce grave problème que tu dénonces.

    J’en profite pour donner une info : une nouvelle société française vient de lancer la fabrication de jeans et de baskets 100% made in France et à prix abordable (même niveau que Levi’s). Elle s’appelle 1083, voici leur site :

    http://www.1083.fr/

  • Exilé a écrit ::

    Concernant Auchan, Gérard Mulliez se revendique pourtant comme un dirigeant catholique. Comment le lui rappeler avec fermeté et charité? c’est vraiment un cas d’école de « correction fraternelle », « geste d’amour pour son frère » comme le disait si bien Benoit XVI. Même s’il a laissé les rênes à son neveu Vianney, il fait toujours partie, à ma connaissance, du comité stratégique….

    C’est vrai. Et j’espère que cela leur parviendra d’autant plus vite aux oreilles. Je note toutefois, en faisant une vérification, qu’Auchan serait en voie de signer l’accord, comme ils l’ont communiqué. Ils annoncent toutefois vouloir avoir voix au chapitre sur les modalités. Il faut espérer que ce ne soit pas dilatoire.

    Charles Vaugirard a écrit ::

    J’en profite pour donner une info : une nouvelle société française vient de lancer la fabrication de jeans et de baskets 100% made in France et à prix abordable (même niveau que Levi’s). Elle s’appelle 1083, voici leur site :

    http://www.1083.fr/

    C’est noté.

  • Merci pour ce billet qui m’a ouvert les yeux sur un drame dont je n’avais pas perçu la gravité.
    J’ai une question qui est peut-être à ranger dans la catégorie « excuses pour ne rien faire »: quel est le surcoût pour le consommateur s’il va acheter son t-shirt chez un fabricant responsable (Tommy Hillfiger ?) ou chez un exploiteur?

  • Je suis allé regarder les étiquettes des vêtements tant prisés des adolescents de la maison pour voir où les habits étaient fabriqués. Beaucoup en Turquie, Chine, Italie, mais aussi au Cambodge. Pas de vêtements fabriqués au Bangladesh. J’ai l’impression que les fringues des ados ont toujours une étiquette indiquant le pays de fabrication, par contre ce n’est pas toujours le cas pour les adultes. Dans mon armoire quelques pulls fabriqués en Chine mais seulement deux vestes mentionnaient où elles étaient fabriquées (Portugal et Autriche). Sur les sites internet des marques, je n’ai pas trouvé où étaient fabriqués les produits qu’ils vendaient. Certaines marques vous disent que les salaires, la protection de la santé des employés et de l’environnement sont de haut niveau, pas seulement pour leurs propres employés, mais aussi pour leurs sous-traitants. Certaines mentionnent qu’elles sont membres du Ethical Trading Initiative, mais cela ne garanti rien du tout (Gap Inc. en est membre).

    C’est difficile de comprendre comment ces marques tellement prestigieuses avec des magasins dans les plus beaux immeubles des plus belles avenues des grandes capitales européennes peuvent fabriquer leurs produits dans des bâtiments illégalement dangereux où les employés n’ont pas d’organisations qui défendent leurs droits les plus basiques et où ils sont exploités dans des conditions inhumaines.

    Comme je n’aime pas écouter les altermondialistes qui me cassent les oreilles avec leur discours anti capitaliste et anti impérialiste, du Nord qui exploite le Sud, j’ai tendance à être très étonné quand un scandale comme celui de Dacca fait la une des journaux. La situation au Bangladesh, qui perdure malgré ce drame, est totalement inacceptable et les quelques gestes et promesses de quelques marques me laissent très sceptiques. Je pense que je n’achèterai plus de produits fabriqués dans des pays comme le Bangladesh où c’est un fait que les conditions sont loin d’être convenables pour les travailleurs et que les autorités de ces pays s’en fichent complètement. Bien sûr que cela ne va rien changer, mais au moins j’ai un argument de plus contre ces vêtements que je ne trouve pas toujours à mon goût. Je pense que si l’on veut acheter des produits en provenance des pays les plus pauvres, il faut prendre le temps de vérifier dans quelles conditions ils ont été fabriqués. Je crois qu’en ce qui concerne les produits en provenance de l’Union Européenne ou des économies moyennes, il y a de fortes chances que les conditions sociales et environnementales en amont soient largement acceptables.

  • Oui, il faut faire pression, parce que la mort de ces employés est injustifiable, comme l’était celle des ouvriers qui travaillaient sur nos chantiers il n’y a pas si longtemps.

    Et d’autant plus que seule cette pression enlèvera « l’excuse » trop facile : mes concurrents le font, je n’ai pas le choix.

    Mais avant de sombrer dans la culpabilité, se dire que c’est bien parce que nous achetons ces vêtements que nous pouvons mettre la pression.

    Alors les deux : achetons, en discernant.

  • Merci pour cet article, et surtout pour les liens qui l’accompagnent.

    On ne dira jamais assez qu’il faut être attentif à ce qu’on achète, et pas seulement pour la nourriture. Mais savoir où s’informer n’est jamais évident. Vous participez à cela, et je vous en suis reconnaissant.

  • Merci. Très juste.

    De la même façon j’ai été choqué que tout le merchandising LMPT soit fabriqué quelque part là-bas. Vouloir défendre les enfants d’avoir un père et une mère ne devrait pas être antinomique avec ceux de ces pays de fabrication. L’écologie doit être humaine et mondiale.

  • @ Samuel Duval:
    c’est demandé gentiment, alors je vais répondre gentiment 😉

    L’objection, s’il s’agit d’une objection, est en effet traitée dans le document : augmenter de 24 centimes d’euros le prix de’un t-shirt (vendu dans les 40 €) permet de doubler le salaire d’un ouvrier au Bangladesh. On doit pouvoir gérer.

    @ adrien : vous savez ce qui me frappe, dans cet article ? Que l’auteur, que je connais, ait consacré tant de lignes uniquement à contester une stratégie qui n’est pas mise en oeuvre, en expliquant que tout ce qu’il écrit ne signifie pas qu’il ne faille pas faire quelque chose, sans pour autant donner le début d’une piste. Toute cette connaissance et cette énergie utilisée pour quoi, en fin de compte ? J’aurais préféré qu’il en profite pour nous éclairer sur une proposition quelconque.

    C’est au final toujours la même chose sur ce type de sujets : il y a toujours quelqu’un, puortant bien attentionné, pour vous expliquer qu’en fin de compte, il n’y a rien à faire. Le pire étant qu’il explique que toutes les réactions ont au bout du compte pour objectif de « se donner bonne conscience ». Mais qu’a-t-il fait d’autre que se donner bonne conscience de ne rien faire ?

    Vous noterez aussi que nombre de ses objections sont traitées dans les 10 excuses les plus utilisées par les marques, document constitué par le collectif Etique sur l’étiquette. Et notamment l’idée que tout ceci a contribué à l’élévaiton de leur niveau de vie. C’est vrai : ils étaient dans la merde, ils y sont un peu moins. Mais depuis quand le fait qu’une population soit miséreuse est une bonne justification pour l’exploiter ?

    En ce qui concerne le boycott, si vous lisez attentivement mon billet, vous constaterez que je précise justement que les ONG n’appellent pas au boycott, précisément pour ne pas nuire au Bangladesh. Je dis seulement qu’à titre personnel, non, je ne mettrai pas demain les pieds chez Gap (ni chez Auchan tant qu’ils n’auront pas signé, mais c’estd éjà moins probable). Que je sache, et comme je l’ai écrit, cela nous laisse encore la possibilité de faire bosser l’undistrie textile au Bangladesh, sans en passez par ceux qui s’accomodent trop de la situation.

    @ Pepito : je ne pense pas que l’on puisse faire du « tout ou rien », et ne plus rien acheter au Bangladesh. C’est là, pour le coup, que l’on nuit à ceux que l’on voudrait aider. A mon sens, il faut accepter l’imperfection. Accepter que les sociétés amélioreront certains points et resteront discrètes sur d’autres, jusqu’à ce que cela soit découvert et que l’on fasse pression sur cet autre point. Ne pas être dupe non plus d’un ethic-washing, comme dans le cas H&M, qui fait la pub sur une « Conscious Collection », de façon semble-t-il assez cynique.

    Mais il est évident que ces pays ne peuvent pas faire immédiatement le bond qui les conduirait à notre niveau de sécurité et de protection. Ca ne signifie pas qu’il ne faille pas accepter une amélioration progressive.Aristote a écrit ::

    Et d’autant plus que seule cette pression enlèvera « l’excuse » trop facile : mes concurrents le font, je n’ai pas le choix.

    Mais avant de sombrer dans la culpabilité, se dire que c’est bien parce que nous achetons ces vêtements que nous pouvons mettre la pression.

    Oui, sur les deux plans. Mais en l’occurrence, j’aurais même tendance à profiuter d’un double effet kiss-cool : non seulement vous n’avez plus l’excuse du concurrent qui ne le fait pas, mais en plus c’est chez votre concurrent que je vais acheter.

  • D@ Koz:
    Désolé Koz (ben oui j’essaie de rester toujours gentil!), mais je pense que vous n’avez vraiment répondu à ma question qui n’était sûrement pas assez claire (!).
    J’ai bien compris que pour la grande marque, il suffisait de peu pour améliorer grandement le salaire d’un ouvrier.
    Mais, aujourd’hui, est-ce que les marques non-esclavagistes ne font pas payer outre mesure leur supposé manque à gagner, par les consommateurs? Je vous avoue que j’ai toujours des doutes sur les grands sentiments affichés par les firmes multinationales…

  • Je n’ai pas eu le sentiment que Tommy Hilfilger qui, au demeurant, n’a signé l’accord qu’un peu in extremis communique sur ses engagements éthiques. Mais je ne suis pas non plus dupe des grands discours (voir une fois encore le cas H&M). Néanmoins, on ne peut pas écarter d’un revers de la main un engagement, même insatisfaisant. C’est très probablement perfectible, mais toujours mieux que de refuser l’engagement.

  • Exilé a écrit ::

    Merci, merci Koz de ne pas oublier que pour les cathos, le combat pour la vie prend de multiples formes dont celle que vous évoquez.

    Je m’associe aux remerciement d’Exilé.

    Et tant qu’à faire ce peut, dans la limite exercée par le pouvoir d’achat, je garde à l’esprit ce soucis d’achat éthique (au sens large, incluant l’ensemble du périmètre du développement durable, de l’écologie humaine et de l’écologie tout court).

  • Gap.

    L’article d’Alexandre Delaigue cité par adrien dit l’essentiel.

    L’industrie textile a amélioré drastiquement la situation de ce pays. Le revenu moyen a doublé, la mortalité infantile a été divisée par 4 même si elle demeure 10 fois supérieure à la France.

    Il y a 30 ans, 500 000 enfants de moins de 5 ans mouraient chaque année. Il n’y en a plus que 125 000 par an aujourd’hui, ce qui est encore trop. Cette amélioration spectaculaire de la situation est le fruit de la mondialisation et, notamment au Bangladesh, de l’essor de l’industrie textile. On retrouve, magnifié, le même phénomène en Chine dont les salaires ont été quintuplés en 15 ans.

    A contrario, aucune usine Gap ne s’est effondrée au Niger ou au Mali, pour la simple raison qu’il n’y en a pas. Ces deux pays (parmi d’autres) ont été préservés de la mondialisation et ont à peu près les mêmes statistiques démographiques (fécondité, mortalité…) que le Bangladesh il y a 25 ans. Vaut-il mieux naître au Mali ou au Bangladesh?

    Quand nous achetons un produit Gap, nous donnons 38€ par mois à un ouvrier bangladais pour qu’il nous fabrique un pantalon. C’était vrai il y a 6 mois, ce sera vrai dans 6 mois quand tout le monde aura oublié Rana Plaza (et 60 000 enfants bangladais de plus seront morts sans que personne ne s’en émeuve). S’il accepte ce « travail d’esclave » c’est que ses alternatives sont pires. Avec ce salaire « d’esclave », il peut nourrir et soigner sa famille mieux qu’en grattant son lopin de terre. Si nous n’achetons plus de produits Gap, nous condamnons ce Bangladais à des jobs plus risqués et/ou moins rémunérés et le renvoyons métaphoriquement au Niger avec sa famille.

    J’ai lu attentivement les 4 propositions que tu fais dans la conclusion de ton billet. Je n’ai rien vu qui permette d’améliorer le sort de notre Bangladais plus que de lui acheter un pantalon. Et non, faire pression sur des inconnus pour qu’il soient sympas à notre place ne compte pas.

    Je continuerai donc à acheter des pantalons chez Gap (malheureusement pour les Bangladais, je n’en achète pas beaucoup) et Gap continuera d’augmenter les salaires à mesure que le niveau de vie du Bangladesh continuera à s’améliorer ainsi que tous les autres indicateurs de développement humain (mortalité, hygiène, alphabétisation…)

    Et je prie pour qu’un jour on reproche aux industriels occidentaux d’exploiter les maliens. Ca voudra dire que le Mali a rejoint la mondialisation pour le plus grand bienfait de sa population.

  • oui, n’oublions jamais que notre plus efficace pouvoir
    n’est pas la démocratie, liée à nos pauvres voix lors de votes truqués,
    mais la consommation, liée chaque jour à nos euros.
    du moins le peu qu’on nous laisse encore utiliser librement.

  • @ Lib

    Pour une fois pas d’accord. car la proposition n’est pas de ne plus acheter de pantalons au Bangladesh.

    Elle affirme simplement qu’il est possible de produire de façon compétitive au Bangladesh, et dans les autres pays à bas coût de main-d’oeuvre, sans mettre en danger de façon inconsidérée la vie des travailleurs. Un accident, cela peut arriver. La répétition du même, il y a un problème qu’on ne peut ignorer.

    Entre exiger les 35 h et la retraite à 60 ans pour les travailleurs du Bangladesh et fermer les yeux sur le cynisme meurtrier de certains opérateurs, il y a une place pour un minimum d’exigence de justice.

  • Je ne suis pas totalement surpris que tu ne sois pas d’accord (pour des raisons plus psychologiques que logiques) mais je pense que c’est une drôle d’erreur. Et l’article d’Alexandre Delaigue ne dit rien d’essentiel, d’autant, une fois encore, qu’il rejette par avance une modalité d’action – le boycott – que personne n’a retenue. Au rayon homme de paille, cette objection se porte bien.

    L’alternative n’est pas, comme le souligne Aristote, d’acheter des pantalons fabriqués au Bangladesh ou de ne pas en acheter, mais d’acheter des pantalons fabriqués au Bangladesh dans des conditions convenables (juste convenables) ou non.

    Et ces conditions convenables, des concurrents de Gap se sont engagés à y veiller, ce qui suffit à démontrer que cela est possible et reste rentable pour les entreprises. Cela ne renchérit pas excessivement le prix des produits, et permet au Bangladesh de conserver un avantage compétitif suffisant pour ne pas inciter les entreprises à cesser de faire fabriquer au Bangladesh.

    Je ne comprends pas non plus la comparaison avec le Mali et le Niger. Oui, il peut encore y avoir pire que le Bangladesh. Ca n’est aps facile, mais ça peut arriver. La question est-elle vraiment de se féliciter que le Bangladesh ne soit pas le pire pays ?

    Je t’invite vraiment à prendre connaissance – outre l’interview donnée à La Vie – du document sur les dix arguments. De fait, les objections que tu évoques (mais pourquoi ?) y sont mentionnées. Sur la seule question des alternatives, voilà ce que répond le collectif, synthétiquement :

    Il est vrai que pour de nombreux ouvrier(e)s, trouver du travail dans une usine de confection ou de vêtements de sport est mieux que les autres alternatives à leur portée, c’est pourquoi autant en dépendent. Mais le fait que des personnes soient dans le besoin n’est pas une excuse pour les exploiter. Les ouvrier(e)s ne touchent pas une rétribution juste au regard des bénéfices qu’ils contribuent à générer pour les grandes entreprises. Nous nous réjouissons du fait que des millions de personnes gagnent un salaire. Cependant, cet élément ne peut à lui seul suffire à les extraire de la pauvreté si les patrons peuvent embaucher et licencier à volonté, priver les travailleur(euse)s de leurs droits syndicaux et leur verser des salaires de misère qui les contraignent à travailler un nombre d’heures inhumain pour survivre, éviter de payer les congés maladie ou maternité. Pour de nombreux(ses) ouvrier(e)s, ces emplois ont un impact caché dévastateur : ils perdent la santé, s’épuisent, et les familles s’étiolent. Tout ceci est inacceptable et évitable. Chacun veut et a droit à un emploi de qualité, « à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine » (Déclaration universelle des droits de l’Homme, article 23.(3)).

    Quant aux propositions que je fais (outre celle de lire le pdf, que je suis contraint de réitérer), elles sont assurément moins élaborées que celles qui sont formulées par le collectif mais oui, elles sont de nature à faire réaliser aux entreprises qu’il pourrait être plus rentable d’assurer le minimum aux Bangladais plutôt que de braquer leurs clients.

    Quant à « faire pression sur des inconnuus pour qu’ils soient sympas à notre place« , je ne vois pas le lien, ni la nécessité de présenter les choses de façon ridicule. On ne demande pas à l’industrie textile d’être sympa mais d’être reponsable, et de correctement évaluer son intérêt.

    Veiller à ce que des normes de sécurité soient respectées, que des sorties de secours ne soient pas encombrées pour que des ouvriers ne meurent pas calcinés dans une usine, ce n’est aps être « sympa », cela relève d’un niveau de conscience éthique minimal.

    Et si la pression contribue à faire entrer l’éthique comme un élément impactant le profit, et donc la seule préoccupation recevable des entreprises, je m’en réjouirai. Quitte à ce que certains ne voient dans l’éthique qu’une variable d’ajustement du sacro-saint marché.

  • Merci, Koz, de redonner un peu de place à ces pauvres gens, bien vite oubliés. Il arrive que le public parvienne à obtenir quelques avancées et quelques engagements de la part des grandes entreprises, bien que la durée des améliorations soit souvent limitée face à l’importance de la logique de concurrence mondiale. Même avec un label « vêtement équitable », on a de la triche et des abus.

    Faire venir des ouvriers pas chers était la technique des industriels du XIXe siècle, déplacer les usines sur des lieux où vivent les pauvres est celle des industriels du XXIe. S’il arrive que les ouvriers se révoltent (on l’a vu en Chine et les Bangladais sont plutôt mécontents de la situation), il est nécessaire que les clients se mobilisent car ce sont eux qui ont le plus de pouvoir sur les entreprises. La plupart d’entre elles redoutent la perte d’image qui accompagne la diffusion d’images choquantes sur leur façon de faire travailler les gens : nous pouvons donc lutter, à notre petit échelle, en nuisant à l’image de ces groupes, sans forcément les boycotter. Comme vous le dites, Koz, si l’entreprise génère plus de profit en traitant mieux ses ouvriers, elle améliorera le sort des travailleurs. Par ailleurs, développer les pays pauvres de sorte que l’écart des niveaux de vie se réduise est la seule solution à long terme pour lutter contre le chômage chez nous (si les coûts de production sont équivalents, on produira plus près des clients finaux) et certains problèmes liés à l’immigration (le fait que pleins de types valables quittent leur pays, privant ainsi celui-ci de compétences précieuses, et qu’ils ne trouvent pas toujours à s’intégrer au mieux dans leur pays d’accueil, sans compter tous ceux qui meurent en route après avoir enrichi des passeurs sans scrupules).

  • Lib a écrit ::

    Gap.

    Pas Gap, pas Gap.

    Bangladesh oui, mais pas Gap. Aristote et Koz l’ont dit avant moi, et la distinction est importante.

    Donc d’accord avec Alexandre Delaigue lorsqu’il s’oppose au boycott du pays, et pas d’accord avec les commentateurs un peu rapides, ci-dessus, qui sont prêts à jeter le pays entier à la rivière. Mais pas d’accord avec toi lorsque tu dis:

    Lib a écrit ::

    Et non, faire pression sur des inconnus pour qu’il soient sympas à notre place ne compte pas.

    Il ne s’agit pas pour Gap ou pour les autres d’être sympas, mais de répondre à la demande des clients : de même que les clients veulent des vêtements beaux, pas chers et confortables, ils veulent des produits fabriqués dans des conditions de travail décentes. Les « pressions » dont tu parles ne sont rien qu’un mécanisme de marché, impeccablement libéral. Certaines entreprises savent très bien en jouer pour se différencier – le seul problème est que le consommateur a toujours du mal à s’assurer de leur sincérité, mais cela n’est pas très différent, par rapport à d’autres annonces relatives à la qualité du produit vendu.

    Sur le plan politique, une autre action possible est de soutenir la liberté syndicale dans les pays émergents (une idée également mise en avant par Alexandre Delaigue). Il semblerait que la catastrophe ait déjà un début de conséquence en la matière.

  • N’oublions pas non plus la notion de « juste salaire » prônée par l’encyclique Rerum Novarum.

    Un « juste » salaire correspond à une rémunération versée par un employeur suffisant à assurer à un travailleur un soutien pour lui et sa famille.(ressources nécessaires à une vie digne sur les plans matériel, social, culturel et spirituel. )

    C’est très différent du « salaire minimum » qui correspond au salaire horaire établi par un gouvernement comme étant le montant le moins cher qu’on peut verser à un travailleur à plein temps.

    Un juste salaire ce n’est pas un chiffre ou une rémunération fixes, c’est un engagement de la part d’un employeur à rémunérer ses employés selon les normes justes déterminées pour un marché particulier et ce, en tenant compte, d’une part, de la contribution du travailleur à l’entreprise de l’employeur et, d’autre part, des besoins qu’ont les travailleurs et leurs familles de vivre dans la dignité .

    Un petit résumé :

    1. Le travail doit être subordonné aux besoins de l’être humain, non l’être humain aux besoins du travail;

    2. les travailleurs doivent être respectés dans leur dignité humaine et être payés un salaire qui leur permette de subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles, conformément à cette dignité;

    3. les travailleurs sont en droit de former des associations et des syndicats en vue de négocier de meilleures conditions de travail;

    4. Même si toute personne a un droit à jouir de la Création, l’Église affirme le droit à la propriété privée comme moyen de protéger les ouvriers et la famille, lesquels forment le groupe social de base devançant la formation de tout état.

    Comme le travail est le moyen ordinaire par lequel un individu accède aux biens de la terre, que le salaire que chacun gagne en échange de son travail détermine pour une bonne part la quantité de biens à laquelle lui et sa famille peuvent accéder. nier au travailleur un juste salaire est une offense grave. Priver le travailleur de son salaire se classe au nombre des péchés qui « crient vers le ciel ».

  • Koz tu dis faut pas boycotter et d’ailleurs ce n’est pas à cela qu’on appelle, blablabla.
    Dans la formule Gap ou pas Gap, tu réponds pas Gap, et tu indiques que tu n’achèteras pas à ton épouse des fringues de cette marque. C’est pas du boycott? Zut, j’ai pas compris, je dois être idiot.

  • Idiot, non, faut pas vous faire du mal comme ça. Pas nuancé, oui, c’est certain. Je parle de ce qui constitue la campagne en cours, et les ONG n’appellent pas au boycott. Et je parle de mon ressenti personnel. Et mon ressenti personnel, c’est que je ne peux pas, aujourd’hui, aller acheter chez Gap.

    Gwynfrid a écrit ::

    Les « pressions » dont tu parles ne sont rien qu’un mécanisme de marché, impeccablement libéral.

    Même si je me fous pas mal de savoir si un acte est libéral ou ne l’est pas pour en apprécier le bien-fondé, j’abonde dans ton sens. Le fait que les consommateurs prennent également en compte des facteurs éthiques dans leur décision (et encore, que les entreprises se rassurent : je ne pense pas que les magasins Gap aient été vidés de leurs clients) est un phénomène plutôt logique. Et ce phénomène est non-étatique donc bien (oui, je boute).

  • Moui…Je salue ce billet mais il va encore me rendre malade en faisant mes courses.

    Reste à savoir en effet ce qu’il faut acheter; si je suis à peu près sûr (je parie qu’on peut trouver des contre-exemples!) d’être un esclavagiste quand j’achète pas cher du tout, il s’en faut que je sois en mesure de repérer vraiment les entreprises respectant un minimum la doctrine sociale de l’Eglise. Et encore, j’ai la chance de ne pas rechercher des marques parce que mon ego est exclusif au point de ne pas vouloir arborer d’autre étiquette que mon nom. Et s’il n’y avait que des vêtements! que j’aimerais avoir toutes les infos pour être sûr que quand j’achète je fais au mieux socialement (enfin là où je suis en mesure de faire l’effort).

    Par ailleurs, OK, Lib confond pays et entreprise. Mais comme je ne suis pas du tout libéral , je suis d’autant plus agacé quand je lis son argumentaire dont il faut bien dire qu’il est d’une cohérence forte. On ne lui a guère répondu sur les pays dont l’économie ne décolle pas, en partie parce qu’ils n’ont pas d’ignobles capitalistes capables d’y installer des lieux de production…ou parce qu’il y a des ignobles corrompus politiques ou militaires qui sont bien plus aptes à esclavagiser leur population (la RDC -l’ex-Zaïre- par exemple, dont je rappelle que le sigle est une anti-phrase) que n’importe quel patron voyou bengali.

    Pour le consommateur que je suis, il s’agit, une fois lu ce bulletin, de ne pas se faire avoir par une course à l’éthique sur l’étiquette. Pour que cet étiquetage soit conforme à ce que signent les uns et les autres, il faut des contrôles, pour cela des dépenses publiques pas du tout quelconques, et en ce cas, comment l’entreprise éthique garde-t-elle son avantage comparatif sur celle qui ne l’est pas? Parce que je veux bien entendre (et après tout ça ne peut que me rassurer) de savoir que le surcoût différenciant l’esclave du salarié est faible, mais dans une économie libérale où c’est la marge qui compte, même 15 centimes de moins par chemise, c’est une victoire potentielle sur le concurrent voyou local (pas sur le concurrent européen évidemment, mais chez nous aussi les visites d’inspection du travail sont parfois aussi rares que les éclipses totales de soleil). Inversement, il arrive que soit parfaitement sociale une entreprise n’ayant jamais rien signé d’éthique…parce que ceux qui font le bien ont souvent pour caractéristique de ne pas savoir le dire et le faire dire.

    Dans des grosses dépenses d’équipement domestique, j’ai parfois, en boy-scout, privilégié un devis un peu plus cher au motif que je croyais qu’à qualité technique me semblant égale, ça voulait dire que j’avais une chance de choisir l’artisan payant le mieux ses fournisseurs ou ses salariés. Je navigue toujours, des années après, entre rentrer dans l’église avec une auréole symbolique et la sensation d’être le bon calife Haroun El Poussah qui n’a pas vu l’ignoble grand vizir Iznogoud. Je ne suis toujours pas capable de distinguer entre deux boites de sardine ou entre deux paires de chaussettes (à qualité égale en apparence ce qui relève parfois d’une bonne compétence!) laquelle est ou non éthique sans consacrer à l’achat l’essentiel de mon temps hors-travail. Il manque une solution lisible ET non chronophage pour le consommateur aisé qui se voudrait éthique.

    Je vais sortir faire quelques courses, et comme d’habitude, il va me falloir trouver des produits bio et/ou éthiques pour ne pas passer à confesse derrière la caisse. Dans les deux cas, je lis partout que les contrôles sont souvent peu efficaces, alors je continue mais avec la vague impression de voir quelque communicant habile planqué dans le rayon se marrer d’avoir réussi à me refiler sa camelote comme plus biosympa ou éthiquo-sympa…Et pourtant je vais continuer, car peut-être que c’est aussi ça l’éthique: accepter de faire confiance à ce qui est visible même si on ne sait pas la taille de l’iceberg.

    Ah j’oubliais, en plus acheter c’est mal. (Pénurie, pollution, Gaïa outragée, tout ça…), et hop encore un moyen d’être de mauvais poil dans un magasin…

  • Excellent. Je t’attendais sur ce coup-là, avec une certaine impatience.

    Lire enfin, tout le monde, La grande transformation, de Karl Polanyi, pour comprendre comment ces mécanismes ont été mis en place dès le début du règne du «marché» – sauf qu’à l’époque ce sont les paysans anglais qui furent sacrifiés, au nom de la même logique impitoyable: «ils travailleront pour ne pas mourir de faim, et toute intervention extérieure pour réguler le marché produira des effets pires que son extension indéfinie; il faut être prêt à sacrifier une ou deux générations pour assurer le bonheur matériel des générations qui viendront après.»

    Cela fonctionna durant environ un siècle, explique Polanyi, jusqu’à ce que la crise de 29 et ses conséquences n’amènent les États occidentaux à prendre des mesures fortes pour ré-incorporer l’économie dans la société: simplement au nom de l’idée qu’il n’y a aucune raison pour une société, pour un État, d’accepter la violence que lui impose le marché.

    Et c’est lorsque les sociétés occidentales réussirent à s’auto-protéger efficacement que l’on commença à chercher la main d’œuvre dans le tiers monde — loin de toute protection. On peut certes apaiser sa mauvaise conscience en ressortant les mêmes arguments que les industriels européens du XIXe siècle — «grâce à nous ces gens [que nous faisons crever] auront des petits-enfants qui vivront mieux qu’eux». Sauf que, pour commencer, la misère du Bangladesh, dans une large mesure, ce sont les occidentaux qui l’ont fabriquée. Exactement comme la misère du prolétariat anglais décrite par Dickens ou Engels (cité par Benoît XVI dans Caritas in veritate: je suis couvert…

  • Aristote a écrit ::

    Oui, il faut faire pression, parce que la mort de ces employés est injustifiable, comme l’était celle des ouvriers qui travaillaient sur nos chantiers il n’y a pas si longtemps.

    Vous parlez des morts dans les colonies françaises pour construire les infrastructures africaines? Je relisais Gide à ce sujet, Voyage au Congo, et sa prise de conscience sur le terrain de ce que les théories proprettes de la colonisation vue de Paris donnait dans la réalité abrupte.

    Ce n’est pas vraiment une digression, en ce sens que la mondialisation est souvent présentée comme un néo-colonialisme. Après tout, ce n’est pas très différent, à ceci prêt que l’assujetissement est volontaire, rendant encore plus scandaleux ce mode économique. Il y a en effet quelque chose de l’ordre de l’esclavage la dedans, dans une forme moderne qui interroge la conscience de chacun.

    Cette interrogation n’est hélas pas simple, comme les commentaires le montrent, ainsi que l’analyse de notre hôte. Car en effet, il est des gens pour rappeler que la mondialisation peut être présentée de manière positive, en ce sens qu’elle permet le développement des pays les plus faibles économiquements(et des plus peuplés, ce qui n’est pas sans rapport). On serait, si on suit cette ligne, rendu à déplorer ses excès et ses dommages collatéraux, aussi bien chez nous (les sociétés occidentales) que chez eux (les sociétés qui veulent devenir occidentales pour ainsi dire).

    Je ne crois pas à cette fable. J’y vois une justification un peu hypocrite d’un mécanisme qui arrange bien les affaires d’une certaine caste, et qui se dit que c’est un joli bonus de faire passer ça pour de l’humanisme. Vous voyez, ils se développent aussi, bientôt ils seront heureux comme nous (sic) au prix d’une petite phase transitoire un peu douloureuse…

    C’est oublié un peu vite, et particulièrement la-bas, que certains avaient prédit ce présent, et avaient averti leurs peuples. Qu’on me pardonne d’avoir utilisé le mot certain pour parler de Gandhi, mais bon passons, ses louanges ont bien été assez récitées pour qu’il se passe de ma reconnaissance. Toujours est-il qu’il détestait le modèle industriel occidental, et que son mysticisme le conduisait (et sans doute l’espérait-il) lui et son peuple sur une autre voie.

    Ah, le blasphème. Une autre voie de vie. Certes un discours que les sociétés occidentales, si pleines d’elles-même, ne sont plus capables d’entendre, elles qui prétendent à l’universalité de leurs valeurs.

    Bref, je ne me lancerai pas dans le développement des thèses du Père de la nation indienne, toujours est-il que la situation présente est clairement la résultante d’un choix.

    Et on est responsable de ses choix. La répartition des richesses actuelles est une spoliation. Car il ne faut pas oublier que si le système actuel consent à donner une part infime du prix de vente à ses producteurs qui sont tout contents de l’avoir plutôt que rien, ce n’est que pour protéger ses marges toujours plus considérables.

    Comme je disais chez Autheuil, le prix de revient ne veut plus rien dire. Ni au sens linguistique, ni au sens économique, et plus grave…

    Ni au sens humain.

  • @ Philarête

    Je suis dubitatif. Et surtout loin d’être convaincu que la violence imposée par le marché est par nature pire que la violence imposée par le seigneur sur ses serfs dans les temps d’avant le marché ! La misère en France au XXIème ou même au XIXème siècle pire que sous Louis XIII (voyez Vincent de Paul) ou pendant bien des années du règne de Louis XIV ? La misère au Bangladesh la faute aux Occidentaux ? Au minimum discutable.

    Il me semble que la discussion doit se situer à deux niveaux. Un, toutes choses égales par ailleurs, et en tenant compte du fait que les puissants sont rarement des non-violents quel que soit le système, quel est le type de société qui a le plus de chance de mitiger la violence inhérente aux relations humaines d’après la chute. Deux, parce que même dans le type de société le moins pire, il y aura toujours des puissants tentés par la violence, quels garde-fous poser en se gardant de l’illusion de l’auto-régulation miraculeuse de tout et son contraire.

    Mais diaboliser le marché me paraît un cul de sac aussi bien moral qu’intellectuel.

  • Aristote a écrit ::

    La misère au Bangladesh la faute aux Occidentaux ? Au minimum discutable.

    Ah bon? A quoi d’autre alors? Notre célébrissime et international Sieur Guaino aurait commis un autre texte aussi superbe que son « Homme Africain »?

    Blague à part, si vous vous lancez dans la contestation de ce paradigme pourtant fort répandu, je ne saurais trop vous inviter à la plus grande prudence ; à ma connaissance, tous les autres chemins sont très fangeux.

    L’exercice intellectuel qui consiste à faire coincider une carte des anciennes colonies et une carte des pays en voie de développement est quand même assez parlant, ne trouvez-vous pas?

    Après, lire Las Casas au sujet du Nouveau Monde, et les affres auxquels il a dû faire face pour tenter de limiter la voracité des Conquistadors, en tâchant de rencontrer l’oreille de l’Empereur (j’ai un doute, c’était encore CharlesQuint ? peu importe, disons le pouvoir temporel quoi), suffit à constater que ces problèmes moraux ne datent pas d’hier.

    Il est indiscutablement dérangeant de tenter de regarder avec lucidité d’où vient notre prospérité. Raison de plus pour le faire avec une exigence toute particulière, non à des fins culpabilisantes qui sont stériles, mais bien pour penser la société de demain. On ne construit rien par le déni ou l’angélisme. Enfin si, des châteaux de sable.

  • @ Aristote

    Il y a une grosse différence entre les périodes de famine, de disette, etc. sous l’Ancien Régime, et ce qui s’est passé lors de la révolution industrielle: c’est que lors de cette dernière, on a délibérément créé la misère pour permettre la formation du marché. C’est la première fois que l’économie a reconfiguré la société dans la perspective d’un plus grand bonheur futur. La misère a été envisagée comme une étape indispensable, non comme un malheur subi en raison des aléas du climat ou des guerres.

    Après, je ne prétends pas non plus diaboliser le marché: mais le réintégrer davantage dans la société, cesser de croire à l’illusion d’une sphère d’activité humaine autonome, dotée de ses propres lois qu’il serait sacrilège d’entraver, ça oui. Parce que ça ne marche pas, que ça n’existe pas, et que ça crée du malheur. Après, je ne suis pas très porté sur les utopies, donc je ne sais pas comment tout ça peut évoluer: mais sans doute viendra un moment où il paraîtra insupportable à beaucoup de gens que les occidentaux achètent leur niveau de vie et de consommation sur le dos des pauvres du reste du monde. Parce que c’est tout de même ce qui se passe, non?

  • Ben si, coupables de tuer des Bangladais. Bien sûr, il faut culpabiliser. Il ne faut pas acheter chez Gap. Ni chez Auchan. Ni d’iPhone 5 fabriqués par des étudiants forcés de quitter la fac à coups de crosse gouvernementaux. Et on le sait depuis très longtemps si on est un minimum sensible à la misère d’autrui. Oui, il faut culpabiliser, oui acheter chez Gap c’est être un esclavagiste. Je sais que c’est difficile, acheter des jeans fabriqués, textile et main-d’oeuvre, en France, c’est cher quand on est comme moi un célibataire dont le salaire excède à peine la moyenne nationale. Peut-être est-ce impossible pour une famille de trois gamins qui a du mal à boucler les fins de mois. Mais beaucoup de révolutions individuelles sont possibles, en changeant ses modes de vie, de consommation. On n’a pas besoin d’un smartphone. On peut acheter une montre montée par un artisan avec des stocks de pièces des années 50. On peut aussi se passer de montre : j’ai testé pour vous. On peut se passer de beaucoup de bricoles qu’on croyait indispensables, quitte à passer pour… peu importe, d’ailleurs, rapidement on apprend à s’en foutre. On peut retaper des machins anciens qui ne demandent que ça, même quand on a deux mains gauches comme moi. On peut se tenir au courant de toutes sortes d’initiatives locales, en alimentation comme en habillement ou en échanges de services (je te rédige ta lettre à l’administration, tu me retapes ma cafetière). Je tiens à dire que je viens d’une famille de droite athée libérale anti-écologiste. Je ne suis pas venu à ces sentiments parce que je suis sensibilisé à la décroissance ou à l’écologie radicale. Mais je me suis converti au catholicisme. Et il faut être délibérément sourd et aveugle pour ne pas savoir depuis longtemps que si, bien sûr, acheter Gap c’est tuer un Bangladais. Que si, bien sûr, il est impossible de communier le dimanche à la Messe et d’acheter lundi un iPhone. C’est un très long processus de transformation individuelle que de tuer en soi le lavage de cerveau consumériste et de changer ses habitudes de consommation, non parce qu’on prend les Verts au sérieux, mais parce qu’on prend l’Eglise au sérieux. Cela demande de lourds sacrifices (d’ailleurs pleins de joies inattendues, mais c’est un autre débat). Je suis très loin d’avoir terminé ce chemin et à ce titre je me vois mal donner des leçons de morale : après tout, j’écris depuis mon clavier d’ordinateur fabriqué en Chine par… je ne sais pas. Mais ça n’est pas en déculpabilisant ou en signant des pétitions qu’on changera quoi que ce soit. C’est reprisant ses chaussettes au lieu d’en acheter de nouvelles. Mais si c’est pas classe dans les cours de récré.

  • @ Philarête

    L’homme est bon par nature, la société le corrompt. Variante moderne : l’homme s’insérait dans des relations humaines riches et vivait pour autre chose que la gain mercantile, mais le marché l’a corrompu.

    Je ne crois pas à cette fable. Grâce à vous j’ai lu le livre passionnant de Bazin, « Des clous dans la Joconde ». Le moins qu’on puisse dire, c’est que sa description de l’État guerrier de Segu ne rend pas nostalgique des sociétés « traditionnelles ».

    Les puissants d’avant n’envisageaient pas la misère comme une étape indispensable dans la perspective d’un bonheur futur. Ils pensaient tout bonnement que la misère du peuple était une condition naturelle, destinée à perdurer et que la position privilégiée des élites était tout aussi naturelle. Moralement préférable ?

    Le niveau de vie des occidentaux n’est pas d’abord la contrepartie de l’exploitation du tiers monde C’est d’abord le résultat de siècles d’investissement dans l’éducation, les infrastructures, la recherche, etc. Cela n’empêche pas que puisse exister telle ou telle situation d’échange inégal entre les pays développés et les autres, mais non, le niveau de vie des occidentaux était déjà bien plus élévé que celui des habitants du Bangladesh, avant que ceux-ci ne se mettent à fabriquer des tee-shirts et les Chinois à assembler des téléphones portables.

    Une meilleure question me semble être la suivante : en quoi le fait d’être héritier de ces siècles d’investissements, parce que né en France, justifie-t-il d’avoir un meilleur niveau de vie que ceux qui n’en bénéficient pas ? Ne pas répondre trop vite.

    Le marché n’est pas un Dieu et il n’est certainement pas sacrilège de lui refuser de tout réguler. Mais les « régulateurs » ne sont pas non plus tous des enfants de choeur soucieux du bien commun. 🙂

  • Aristote a écrit ::

    Et surtout loin d’être convaincu que la violence imposée par le marché est par nature pire que la violence imposée par le seigneur sur ses serfs dans les temps d’avant le marché

    Le raisonnement du pire n’est jamais un bon raisonnement à mon avis. En tous cas personne ne peut s’en contenter. Si le marché impose une violence, c’est qu’il y a qqch de pourri dans ce royaume.

    diaboliser le marché me paraît un cul de sac aussi bien moral qu’intellectuel.

    En réalité on ne le diabolisera jamais assez. Et même, si on part du principe qu’une expérience répétées n fois et donnant n fois un résultat identique suffit à fonder une loi scientifique, alors , au-delà de la diabolisation, on peut affirmer que le marché, tout comme le communisme, a donné la preuve scientifique, expérimentale, de sa très grande nuisance. Ce qui est immoral, c’est d’affirmer qu’il n’y a pas d’autres alternatives au libéralisme – et que sacrifier à ses Moloch est donc un mal inévitable, qu’il faut faire avec.

  • @ Courtlaius:

    L’hérésie, c’est de penser que la source de la violence est dans le marché alors qu’elle est dans le coeur de l’homme. Quel que soit le système, vous y trouverez des salauds et des saints, aucun système ne vous évitera d’avoir à affronter un mal concret. Vous n’aimez pas les traders de Wall Street ? Vous aurez les apparatchiks corrompus d’un pouvoir « régulateur ».

    Il y a un jugement pratique à porter sur le type d’organisation qui ici et maintenant, pas partout et toujours, est somme toute préférable. Non parce qu’il n’exerce aucune violence, mais parce qu’il exerce moins de violence et laisse à ceux qui le veulent, mais encore faut-il le vouloir et en assumer les conséquences, la possibilité de vivre en « hommes saints et religieux ».

    Des personnes de bonne foi peuvent différer dans ce jugement. Je tiens qu’une économie de marché, je n’ai pas dit une société gouvernée par le marché, est préférable.

    Le libéralisme a bon dos. Le problème est que ce terme, comme ceux de « socialisme » ou de « religion », est loin d’être univoque. Philarête m’avait presque promis un billet sur ce thème. 🙂

    Si vous voulez en retenir une définition qui le rend damnable, libre à vous, cela ne fait pas avancer le schlimblick.

  • YESSSS! Cette info me réjouit le cœur.

    Merci à Christian aussi, de son post extrêmement rafraichissant 🙂

  • @ Christian:

    Vos choix vous honorent et libres à ceux qui le souhaitent de les suivre.

    Faut-il les imposer ?

    Est-il si évident que cela qu’imposer ces choix améliorerait la situation des ouvriers du Bangladesh ? À quelles conditions ?

  • Sulimo a écrit ::

    L’exercice intellectuel qui consiste à faire coincider une carte des anciennes colonies et une carte des pays en voie de développement est quand même assez parlant, ne trouvez-vous pas?

    Non, cela ne marche pas très bien. Par exemple, expliquer la décadence de l’empire arabo-musulman puis turco-musulman par la colonisation est peu plausible. La colonisation dans ces régions est la conséquence et non la cause de leur stagnation. Idem pour la Chine soumise aux traités inégaux. Le Japon fournit le contre-exemple. Et cela fait du monde !

    Il est extrêmement difficile de s’imaginer ce qu’auraient pu devenir et les pays occidentaux et les pays colonisés si la colonisation n’avait pas eu lieu. Mais celle-ci n’a pas les épaules assez larges pour être l’explication ultime et du développement occidental et des problèmes du tiers-monde.

  • Jene partage pas, Christian, votre façon de présenter les choses. Elle me fait le même effet, alors que le lien est bien moins direct, que ceux qui accusent les mères qui avortent de commettre un meurtre. Non, l’intentionnalité n’y est pas. Il ne sert à rien de présenter les choses de façon si excessive. Par ailleurs, comme Aristote, je doute vraiment que le fait de ne pas acheter de jeans fabriqués au Bangladesh améliore la situation des ouvriers locaux. Même si, par ailleurs, je comprends et partage votre sentiment sur la dépendance aux objets de marque, et de consommation.

  • Cela fait maintenant un sacré bon bout de temps que je ne suis plus venu commenter par ici… et ce que je lis là me consterne (sans remettre en cause la pertinence globale de votre blog, cher Koz, sur d’autres sujets !)

    Christian, un immense merci pour votre commentaire. +100 !!
    Je retrouve mes camarades Courtlaïus et Philarête avec joie !

    Je me demande quel genre de métiers vous faites pour avoir autant besoin de fringues… J’ignorais que le métier d’avocat (désolé, je m’attaque bassement à l’hôte de ces lieux, ne sachant rien des nobles gagne-pain des autres commentateurs) usait tant les fonds de culotte.
    Je détruis consciencieusement, « en grattant misérablement la terre » (merci Lib pour votre dégoût même pas voilé pour ce noble métier) 3 ou 4 pantalons par an, un peu moins de « hauts » et presque autant de chaussures, sans jamais mettre les pieds chez l’une ou l’autre des marques citées (ou non) ici.
    Récupération, réparation, achat neuf en conscience quand c’est vraiment nécessaire, oui, ça demande un peu de temps, un peu de débrouille, mais c’est possible, sans se ruiner -au contraire : je vis avec l’équivalent d’un petit RSA. Alors avec un salaire décent…
    Quand ouvrirez-vous enfin les yeux sur la nature de cette mondialisation, de notre système économique, etc ?
    Aucun progrès, aucune remise en question sur ces sujets depuis 5 ou 6 ans que je lis ce blog…
    Marre de cette bonne conscience labellisée et pétitionnée, de cette adoration de la compétitivité, du rejet de notre responsabilité quotidienne vers les ONG, etc.

    Désolé, ce commentaire n’est pas très instructif. Jute un rapide coup de gueule. Il est tard…
    Je reviendrai peut-être, si le coeur m’en dit et si j’en ai le courage.

  • Bonjour,

    Je suis en ce moment en voyage au Japon, un pays qui a connu, il y a seulement 70 ans, tous les affres du modèle de développement asiatique basé sur les exportations. C’est maintenant un pays riche,sûr, et même démocratique. Le jeu en valait donc certainement la chandelle.

    Ce modèle de développement n’est peut-être pas idéal, mais au moins fonctionne-t-il. Il serait intéressant de regarder la situation réelle d’autres pays qui font, théoriquement, plus de place aux droits sociaux, comme le Brésil, au droit du travail le plus compliqué du monde. Le résultat n’est pas idéal avec un chômage et un sous-emploi massif.

    Par contre, la question de la répartition des profits sur la chaîne de valeurs est intéressante. Globalement, les produits « mondialisés » sont soumis à une pression sur les prix que les services et produits locaux ne connaissent pas.

    L’analyse du prix que tu fais est un peu injuste, car le transport est un poste de coût légitime (un T-Shirt à Paris n’est pas le même produit qu’un T-shirt à Dakka). Il faut également probablement beaucoup d’énergie à GAP pour naviguer dans la bureaucratie bengladi, et cela a aussi un coût.

    Toutefois, il est vrai que quand on pense à baisser les coûts, le système fait que c’est le fournisseur qui sera d’abord sous pression, et pas forcément le distributeur local, encore moins le conservateur de musée, le prof ou le médecin français, dont les conditions de vie ‘protégées’ entrent aussi dans le prix. Dans ton T-Shirt, il y a probablement quelques euros de tout cela. A mon avis, un monde plus juste passe aussi par la réduction de ces protections, pour lesquelles, à la fin, quelqu’un trinque toujours.

  • PMalo a écrit ::

    Désolé, ce commentaire n’est pas très instructif. Jute un rapide coup de gueule. Il est tard… Je reviendrai peut-être, si le coeur m’en dit et si j’en ai le courage.

    Ne vous forcez pas, non plus, si c’est pour écrire ceci. Je n’utilise pas davantage de pantalons que vous (marrant, le genre de trucs dont il faugt se justifier sur un blog) et en achète peut-être même moins que vous, apparemment. Mais, mise à part votre mise en cause assez déplacée en effet, je ne vois véritablement pas en quoi le fait de ne pas acheter mon pantalon annuel en provenance du Bangladesh améliorera le sort de l’ouvrier Bangladais. Apparemment, vous n’avez pas souhaité répondre à cette question-là. J’imagine, puisque nous parlons de bonne conscience, que l’indignation vertueuse que vous nous avez servie a dû vous sembler suffisante.

    Uchimizu a écrit ::

    L’analyse du prix que tu fais est un peu injuste, car le transport est un poste de coût légitime (un T-Shirt à Paris n’est pas le même produit qu’un T-shirt à Dakka). Il faut également probablement beaucoup d’énergie à GAP pour naviguer dans la bureaucratie bengladi, et cela a aussi un coût.

    Je n’ai pas fait d’analyse du prix. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour considérer qu’il doit y avoir des coûts spécifiques – parmi lesquels les bakchichs figurent probablement – mais j’ai néanmoins dans l’idée que lorsqu’un produit acheté 30 centimes est vendu 15 €, il reste une marge confortable.

  • @ PMalo:

    Encore une fois on peut avoir, et j’ai, beaucoup d’admiration pour ceux qui font le choix de la pauvreté évangélique, comme j’en ai pour ceux qui se font eunuques pour le royaume.

    Mais :
    – tous ne sont pas appelés à faire ces choix,
    – un système qui obligerait tout le monde à les faire ne serait pas moral, il serait juste totalitaire.

    Cela n’exonère pas les autres de leur responsabilité morale, y compris en exerçant un minimum de discernement quand ils achètent leurs pantalons. Ils le font dans le monde tel qu’il est, dont aucun des acteurs, entreprise, ONG, consommateur, salarié, fonctionnaire, curé,…, n’est parfait.

  • Merci Koz pour cet appel à agir en consommateurs éclairé et conscient des implications humaine de nos choix.

    Face à votre billet, je remarque avec un peu d’agacement que la discussion tourne à l’aigre, en particulier entre ceux qui se disent chrétiens. Je crois qu’il y a là une incompréhension mutuelle qui mérite d’être dissipée.
    C’est que face à l’horreur évoquée dans votre billet, il est possible d’avoir plusieurs réactions. Une réaction civique, une réaction politique, une réaction prophétique.

    L’attitude civique consiste, face à l’exploitation de la main d’oeuvre par des groupes industriels multinationaux, à vouloir faire pression sur les fabricants en usant des moyens propres aux associations de consommateurs, mais en visant ici des impératifs éthiques et non seulement consumériste. C’est la vôtre et elle est particulièrement judicieuse de la part d’un avocat-blogueur.

    L’attitude prophétique consiste à prendre ses distances avec le monde pour vivre l’Evangile de la manière la plus radicale. C’est une attitude très exigeante, un peu effrayante pour ceux qui ne se sentent pas la force de suivre le même chemin, mais dont un chrétien ne peut pas douter qu’elle est d’une grande fécondité spirituelle non seulement pour ceux qui l’adoptent mais pour le monde entier. Le Christ n’a-t-il pas dit que ceux qui quitteraient tout pour le suivre trouveraient leur récompense au centuple ? PMalo et Christian se sont lancés avec ardeur sur ce chemin; nous pouvons trouver leur témoignage un peu rude mais ils nous font entendre une parole assurément évangélique.

    Quant à l’attitude politique, elle consiste à chercher les causes profondes de la situation, causes en rapport avec l’organisation économique de la société. C’est sur ce point que Philarête et Aristote sont en désaccord : le premier incrimine la mondialisation néolibérale qui serait un retour du capitalisme sauvage du XIX°siècle; l’autre conteste cette analyse en voyant dans la misères des pays en voie de développement la perpétuation d’une situation ancienne de sous-développement dont précisément le capitalisme moderne devrait les sortir.

    Je crois qu’il ne faut pas perdre de vue que ces trois attitudes sont normales et complémentaires, sous peine de s’étriper sans fin. Reconnaissons que chacun incline à adopter une attitude plutôt qu’une autre en fonction de la condition qui lui est propre : l’avocat s’efforce de faire progresser la justice dans l’ordre des relation privées, le prophète s’efforce de changer le monde en témoignant face à Dieu et au monde de la radicalité de l’évangile… et les philosophes (j’en sais quelque chose) disputent et se disputent pour éclairer nos choix politiques…

    Quant au débat sur les bienfaits et les méfaits de l’économie de marché, de la mondialisation etc, c’est un vaste débat qui, espérons-le, ne prendra pas fin ici !!!

  • Koz, je m’excuse pour le ton et la forme de mon coup de gueule de cette nuit, et pour son absence de fond. Mais mon indignation (mot à la mode, je sais), reste et demeure !
    Merci Physdémon pour votre éclairage. Il faut jouer sur ces trois tableaux, simultanément, qui se complètent !

    « Je reviendrai peut-être, si le coeur m’en dit et si j’en ai le courage. » (bis !)

  • @ Physdémon

    Tout à fait d’accord.

    Mon désaccord avec Philarête n’enlève au grand intérêt que je porte à ses interventions ! Et justement, comme je le disais plus haut, il a lui-même un jour mentionné sur son blog l’idée de commettre un billet sur le libéralisme. 🙂

  • Aristote a écrit ::

    L’hérésie, c’est de penser que la source de la violence est dans le marché alors qu’elle est dans le coeur de l’homme.

    Le marché n’a ni âme ni conscience, contrairement à l’homme. La logique du marché est pur calcul à court terme (cf le trading haute fréquence, qui représente actuellement plus de 80% des transactions de bourse), où l’homme quand il entre dans l’équation n’est qu’une variable de moyen.

    Le libéralisme s’est fondé sur une anthropologie tronquée et des présupposés qui relèvent de la superstition pure et simple. Il s’est ensuite développé pour crééer, selon l’expression de Weber, une « stahlhartes Gehäuse », traduisons une cage d’acier, c-à-d un système fermé étant sa propre fin et qui contraint tout le monde. L’Eglise quant à elle parlerait volontier de structure de péché. Et ce qui est ironique, c’est que le libéralisme n’aurait jamais prospéré sans l’Etat et sa bureaucratie, rendue nécessaire par la dissolution des communautés locales. Plus le libéralisme détruit le lien social (ce qui est dans sa logique), plus l’Etat doit intervenir pour rustiner de toute part – et plus l’Etat emprunte sur les marchés pour se faire. Bref, on pleure sur les conséquences dont on chéri les causes, selon l’aphorisme à la mode en ce moment.

    Qu’on me permette enfin de douter fortement que c’est le libéralisme qui a permis d’améliorer la condition de l’homme. Je dirai plutôt que la condition de l’homme a été amélioré en dépit du libéralisme, grâce en partie à l’épouvantail du marxisme-socialisme, monstre enfanté par le libéralisme cynique du XIX° : par exemple je vois mal comment on peut affirmer que les sécurités sociales dans les pays européens sont l’oeuvre du libéralisme ; elles ont plutôt été mis en place contre sa volonté. A présent que l’épouvantail a disparu, on voit bien comment la tendance se dessine.

  • Pour expliquer le progrès phénoménaux des deux siècles passés, on peut bien entendu en rester au niveau des idées.

    Mais il ne faut pas oublier -et c’est une erreur courante et grave- que cette période a vu naître la civilisation du charbon puis du pétrole, c’est-à-dire une explosion énergétique inouïe, une orgie prométhéenne jamais vue.

    Les deux grands matérialismes que sont le libéralisme et le communisme n’auraient jamais eu ce succès sans ce côté matériel trop souvent passé à la trappe dans l’analyse, ou vu dans la continuité de ce qui lui précédait alors qu’il s’agit réellement d’une révolution au moins aussi importante (et infiniment plus brutale) que celle du néolithique il y a 10 000 ans.

    Or la parenthèse de l’énergie infinie et gratuite est en train de se refermer. Moins de 300 ans…

  • Courtlaius a écrit ::

    Le marché n’a ni âme ni conscience, contrairement à l’homme. La logique du marché est pur calcul à court terme

    Comment une entité qui n’a « ni âme ni conscience » parvient à avoir une « logique » est un mystère qui échappe à ma sagacité…

    C’est qui « le marché » ?

  • PMalo a écrit ::

    cette période a vu naître la civilisation du charbon puis du pétrole

    Même si l’on admet votre thèse, il reste une question : pourquoi cette période et pas la précédente, ou la suivante ? Les Romains et les Grecs, de cette période bénie de l’avant marché, avaient des esclaves. Pourquoi s’emmerder avec le charbon et le pétrole ?

  • Allez, courage, je tente une bafouille plus constructive…

    Koz : « Mais, mise à part votre mise en cause assez déplacée en effet, je ne vois véritablement pas en quoi le fait de ne pas acheter mon pantalon annuel en provenance du Bangladesh améliorera le sort de l’ouvrier Bangladais. Apparemment, vous n’avez pas souhaité répondre à cette question-là. J’imagine, puisque nous parlons de bonne conscience, que l’indignation vertueuse que vous nous avez servie a dû vous sembler suffisante. »

    Bien évidement, votre pantalon ne changera rien à l’affaire.
    Si effectivement c’est dérisoire pour l’ouvrier Bangladais, faites-le au moins pour vous.

    Mais ce qui me pose problème dans cette histoire, ce n’est pas le pantalon ou même le Bangladais.
    En rester à cette vision individualiste empêche toute analyse profonde de ce qui se passe à l’échelle mondiale, toute critique du système économique, toute pensée globale.
    C’est encore bien là un des effets pervers du libéralisme, où chacun se recentre sur son petit quant-à-soi (moi le premier…)
    Comme Aristote le disait, on peut encore choisir de vivre décemment dans ce monde, c’est encore permis.
    J’aimerais bien pouvoir le croire, mais il faut ouvrir les yeux : nous sommes en présence d’une structure, d’un système avec des moyens de pression sur les masses et sur chaque personne individuellement totalement inédites (on est désormais bien loin de la réclame à bon-papa…). Je maintiens qu’aujourd’hui vivre sans sang sur les mains est impossible.
    Signer des pétitions, faire appel à des ONG pour réduire les dommages collatéraux, faire signer des accords éthiques, faire du développement durable ou du fair trade, tout cela ne remet aucunement en cause les fondements mêmes de cette structure, qui repose sur une idéologie matérialiste, égotique, prométhéenne, et sur l’énergie abondante et quasi-gratuite.

    Que faire ? Je n’en sais rien…
    On peut bien sûr tenter de résister à son échelle, mais c’est tellement anecdotique… La résistance doit aussi être intellectuelle et spirituelle, dans l’analyse et la compréhension de ce qui se passe, par une prise de conscience, une conversion sans faux-semblant ; ensuite, c’est de l’ordre du politique, mais aujourd’hui personne n’a de « système de rechange » à proposer, comme cela s’est passé lors de la chute du communisme. Et heureusement, d’ailleurs, si on se réfère à cette période.
    Il va falloir recréer, ré-inventer, opérer un rebranchement de tradition.

    C’est tellement énorme, comme sujet, que je tire dans tous les sens… Encore désolé !

  • Courtlaius a écrit ::

    Le libéralisme s’est fondé sur une anthropologie tronquée et des présupposés qui relèvent de la superstition pure et simple

    C’est vrai d’un certain libéralisme,celui condamné par le Syllabus. Mais réduire le libéralisme à cette tendance, c’est comme réduire l’islam au salafisme ou le catholicisme à l’Inquisition. Cela évite d’avoir à réfléchir.

  • Aristote : peut-être que Courtlaïus voulait écrire « la logique DE marché ». Mais je ne peux répondre à sa place.

    « Si l’on admet votre thèse… » Ce n’est pas ma thèse… Et expliquez-moi au nom de quoi vous ne l’admettriez pas. Envisager les choses à l’aide de cette thèse peut bouleverser une vision du monde plus classique (et confortable), c’est souvent un frein à son acceptation. Mais elle est chiffrée, scientifiquement prouvée.

    Pourquoi à cette période, pas avant ou pas après ?
    Je ne suis pas historien, je ne saurais vous répondre précisement.
    Mais je crois pouvoir dire qu’il y a eu conjonction de plusieurs phénomènes : la philosophie cartésienne, la naissance de la science moderne, la distinction entre les différentes disciplines (sciences physiques, mathématiques, philo, etc) qui a permis la spécialisation et des progrès de plus en plus rapides, les philosophies des Lumières, la découverte des propriétés thermodynamiques des sources d’énergie fossiles, etc.
    Une mécanique s’est mise en place, où chaque progrès dans une discipline permettait des découvertes dans d’autres : une sorte d’engrenage tournant de plus en plus vite, avec de moins en moins de temps pour analyser de manière systématique.
    Aujourd’hui nous sommes aux limites physiques du phénomène. Certains disent que nous les avons dépassées.
    Prendre conscience de cela peut être dangereux ! 😉

    « Pourquoi s’emmerder avec le charbon ou le pétrole ? »
    Je n’ai pas les chiffres en tête, mais savez-vous le rapport entre la puissance humaine ou animale et la puissance de ces sources n’énergie ? C’est phénoménal.
    Tourner une clé de bagnole est quand même plus facile que faire obéir un esclave récalcitrant ; conduire comme un fangio est plus exaltant que supporter les cahots d’une chaise à porteur… Les raisons sont nombreuses.

  • Aristote : « Cela évite d’avoir à réfléchir. »
    Oui, mais l’analyse des faits montre que le libéralisme réalisé est celui-ci. Je sais qu’il existe un libéralisme théorique qui n’est pas celui-ci.
    Se voiler la face sur la réalité n’est pas faire preuve de réflexion non plus.

  • @ Aristote:
    Aristote, il y a une corrélation nette (cf le site de JM Jancovici) entre l’énergie à bas prix et la prospérité. Ce n’est pas pour garder des esclaves que des Romains auraient renoncé aux machines fondées sur du pétrole, c’est qu’ils n’avaient pas les connaissances nécessaires pour l’exploiter. Inversement la démonstration de JM Jancovici me semble imparable: l’abolition de l’esclavage n’est concevable économiquement qu’avec une énergie à bas prix abondante, tous les principes chrétiens socialistes ou libéraux du monde n’y auraient pas suffit or il y avait quelques abolitionnistes durant des millénaires partout mais ils n’avaient aucune chance de convaincre ni même de s’exprimer sans passer pour des nuls en économie pré-industrielle. Sans énergie, aucun ingénieur de génie (et il n’en a pas manqué dans l’Antiquité) n’avait pu produire ses machines en série.

    En revanche, on peut remarquer que c’est dans une économie libérale que se sont élaborées les grandes découvertes qui ont permis l’exploitation de l’énergie à bas coût. Et il importe en effet de savoir pourquoi des empires en Asie qui avaient une avance technologique incomparable autrefois l’ont perdue pendant cette période. Tout comme on peut se demander si en période de pénurie d’énergie à bas coût le libéralisme comme le socialisme sont encore opérationnels, car ce sont surtout des écoles qui s’opposent sur le mécanisme de la répartition de l’abondance plus que sur l’origine de sa création qui semble ne relever d’aucune de ces écoles: on le voit bien par exemple pour la gestion des biens communs comme l’eau ou l’énergie où, dans les deux écoles, il y a des échecs considérables (non respect de la ressource collective par des individus non propriétaires dans un cas ou gaspillage de la ressource par les plus aisés dans l’autre).

    A partir de moment où l’énergie à bas prix est derrière nous, les écoles socialistes ou libérales, qui s’opposent largement plus aujourd’hui sur les mécanismes de la répartition des richesses que sur les fondamentaux physiques indispensables à leur production, sont de plus en plus caduques, et en particulier pour l’Europe qui a beaucoup moins d’énergie à bas prix que les autres continents. L’ouvrage récent de G Giraud (« l’illusion financière »), jésuite et prof d’économie, qui essaie de construire à partir de la nouvelle donne physique un modèle de développement original, me semble pertinent. Le non gaspillage et la consommation la plus sobre possible en font partie. L’achat répété à bas prix est une ineptie économique et physique et non pas seulement éthique. Une bonne nouvelle. La vraie richesse du Bengladesh est l’eau, pas mes fournitures en chaussettes.

  • @ Bruno Lefebvre:

    Je ne suis pas fondamentalement en désaccord avec vous. Je ne prends ni le marché ni le libéralisme pour le bon Dieu, et même pas pour un deus ex machina.

    Mais j’en ai un peu assez des cathos pour qui le « libéralisme » est ce qu’était le « communisme » pour nos pères (ou nos grands-pères, je ne connais pas votre âge) : il suffit d’être contre pour être bon chrétien.

    Et il me semble prudent de tenir compte des considérations suivantes : il y a peu de chance, quel que soit le système, pour que les puissants et les riches ne se comportent pas en puissants et en riches. Si on n’aime pas le marché et plus généralement une solide dose de libéralisme dans l’organisation de la société, quelle répartition du pouvoir propose-t-on qui ne risque pas de mettre tout un chacun à la merci des puissants ? Et les « puissants » ne sont pas nécessairement les grands chefs. L’économie « solidaire », c’est bien, mais qui a milité dans des associations sait que la tentation du pouvoir y est aussi forte qu’ailleurs. Même dans les monastères dit-on, mais je ne n’en ai pas l’expérience. Je me méfie comme la peste des systèmes qui, qu’on l’admette ou non, supposent pour fonctionner une vertu exemplaire des citoyens. Et la vertu ne peut pas être obligatoire !

    Que l’on facilite l’émergence de structures alternatives aux structures commerciales, qu’il s’agisse de coopératives, de mutuelles, etc, au sein d’une économie de marché, cela me va très bien. Mais supprimer le marché ? Pour le remplacer par quoi ?

  • PMalo a écrit ::

    Oui, mais l’analyse des faits montre que le libéralisme réalisé est celui-ci.

    Je n’ai pas la même analyse des faits. La France, c’est une dépense publique à 57 % du PNB, un code du travail d’une complexité ubuesque et deux fois plus de fonctionnaires par 1 000 habitants que dans tous les pays sensés.

    Vous avez parfaitement le droit d’être opposé au libéralisme, pas de dire que la réalité française c’est le libéralisme doctrinaire ! La France a bien des problèmes, son libéralisme n’en est pas un.

  • Merci à Bruno Lefèbvre d’embrayer sur ce sujet !
    Cet aspect matériel de la disponibilité de l’énergie est de la plus haute importance ; l’oublier dans son raisonnement en faisant la part belle aux idées abstraites fausse tout le raisonnement.
    Rien à redire non plus sur la factice opposition libéralisme/communisme. Plus de pétrole ? Tout cela ne sera qu’un lointain souvenir.

    Aristote, on ne va pas refaire une Nième fois le débat ici.
    Cela fait plusieurs années que nous campons chacun sur nos positions.
    Nous n’avons pas la même définition du libéralisme, et, pire, vous pensez qu’en tant qu’antilibéral je refuse la notion de marché, ce qui est une aberration. Le marché, j’y vais tous les mardis, jeudis et samedis, ça contribue à me faire vivre. 😉

    « Il suffit d’être contre pour être un bon chrétien ».
    Si vous en arrivez à déduire des choses pareilles, je ne puis rien pour vous.

  • Christian a écrit ::

    Ben si, coupables de tuer des Bangladais. Bien sûr, il faut culpabiliser. Il ne faut pas acheter chez Gap. Ni chez Auchan. Ni d’iPhone 5 fabriqués par des étudiants forcés de quitter la fac à coups de crosse gouvernementaux. Et on le sait depuis très longtemps si on est un minimum sensible à la misère d’autrui. Oui, il faut culpabiliser, oui acheter chez Gap c’est être un esclavagiste.

    Excusez-moi, mais cette entame comporte une certaine dose de terrorisme intellectuel. Si on n’est pas d’accord avec vous, on est un assassin et un esclavagiste. Belle façon de tuer le débat avant même de l’avoir entamé.

    Après avoir dûment vérifié la signification de ce mot dans le dictionnaire, j’écarte pour ma part l’éventualité que je sois un assassin, ce qui me laisse la possibilité de réfléchir librement à votre commentaire, qui est intéressant à condition de faire abstraction de ses excès de langage.

    Il me semble qu’il y a là une confusion entre deux aspects importants, mais distincts. D’une part, il y a la question de la sobriété insuffisante de notre consommation: acheter deux T-shirts quand on a besoin d’en porter un, c’est accaparer et gaspiller les ressources de la planète et de la société, ressources qui ne sont pas infinies et que nous devons partager équitablement: c’est donc condamnable.

    Par allieurs, une autre situation: dans l’hypothèse où j’ai besoin d’un T-shirt, la question se pose de savoir si je l’achète à un Bangladais ou à quelqu’un d’autre. Là, je suis foncièrement en désaccord avec vous: boycotter le Bangladais sous prétexte qu’il est mal payé, c’est le condamner à ne pas être payé du tout. Il devra alors revenir à l’agriculture de subsistance qu’il avait quittée pour l’atelier: c’est donc le vouer à la faim, c’est réduire son espérance de vie d’une dizaine d’années et c’est doubler la probabilité que ses enfants meurent avant d’avoir 5 ans. Les données sont ici: comparez les valeurs en 1980, avant la mondialisation (je ne vous parle même pas des années 50…), et en 2010. Il en est de même avec les Chinois, les Vietnamiens, les Brésiliens et quantité d’autres pays.

    PMalo a écrit ::

    Aristote, on ne va pas refaire une Nième fois le débat ici. Cela fait plusieurs années que nous campons chacun sur nos positions.

    Il est visible, en effet, que vous n’avez pas changé d’opinion, ni d’arguments, et Aristote non plus. Je ne crois pas que vous allez beaucoup avancer si vous continuez à discuter de concepts abstraits, vus sous le seul angle idéologique, comme le « marché » et le « libéralisme », dont vous n’arrivez même pas à partager la définition avec Aristote – vous avez vous-même perçu la présence d’un dialogue de sourds. Par contre, ce qui pourrait être intéressant, ce serait que vous nous fassiez part de votre expérience concrète d’un fonctionnement social différent: je vous avais posé quelques questions à ce sujet il y a 2 ou 3 ans, et les réponses m’intéressent toujours.

  • PMalo a écrit ::

    Merci à Bruno Lefèbvre d’embrayer sur ce sujet ! Cet aspect matériel de la disponibilité de l’énergie est de la plus haute importance ; l’oublier dans son raisonnement en faisant la part belle aux idées abstraites fausse tout le raisonnement.

    Bonsoir,

    je ne suis pas du tout d’accord avec votre assertion. On connait le charbon depuis longtemps, mais c’est seulement depuis le 18è siècle que l’on a commencé le long chemin vers l’automatisation du travail par les machines. Il ne suffisait pas d’avoir du charbon ou du pétrôle, il fallait aussi avoir des idées, et une société prête à accepter et développer ses idées, pour connaitre la prospérité moderne. Cette société, c’est principalement la société libérale capitaliste, avec des interventions de l’état qu’il ne faut pas négliger (la plus importante historiquement: la recherche de l’armée américaine pendant la guerre froide).

    Avec la technologie actuelle, se passer complètement du pétrole et du charbon ferait baisser notre niveau de vie de façon significative, mais même ce niveau de vie réduit (par exemple ne plus manger de viandes tous les jours, habiter dans un immeuble isolé et pas trop chauffé, voyager en train à 60km.h, se passer d’un certain nombre de luxes) serait infiniment meilleur que le niveau de vie pré-industriel.

    Et en se donnant encore les deux cent ans qu’il nous reste de charbon, nucléaire, pétrole et gaz, je suis confiant dans une transition énergétique qui sera, à la fin, à peine perceptible, le progrès des technologies, et les adaptations progressives de notre niveau de vie compensant largement la rareté des énergies fossiles.

  • @ Uchimizu:
    Mon but n’était pas de sortir du sujet de notre hôte comme nous risquons de le faire en développant trop longuement la question ô combien centrale de l’énergie à bas prix (dont vous me semblez surestimer dangereusement la durée, deux cents ans de stock, mais avec des stocks en baisse c’est un volume disponible rapidement restreint par tête); simplement, je souhaitais signaler que l’avenir du développement du Bangladesh comme des autres pays c’est dans sa géographie qu’il faut le chercher, dans les contraintes et les atouts physiques en général qui sont les siens; en clair, la question n’est pas seulement de savoir si nous culpabilisons ou non devant la masse d’habits à bas prix en vente, mais si c’est la meilleure technique pour développer le Bangladesh de se lancer dans du textile carcéral.

    La question de la demande n’est pas seule il y a aussi l’offre. Quand les Japonais décident que leur pays habitable étroit les prédispose à se développer par la miniaturisation électronique, ils n’ont pas d’abord un plan de prix cassés, mais un souci de cultiver leur donne économique propre. Quand les Coréens du Sud imposent la réussite à coup de discipline scolaire (parfois mortifère) dans des proportions inégalées, ils reprennent et développent un avantage comparatif typique des civilisations extrêmes orientales et qui a été repris dans beaucoup de systèmes scolaires des pays émergents. Quand en revanche des Bengalis décident de carcéraliser le textile comme avantage comparatif, il mènent une politique à courte vue.

    C’est surtout pour cela que je ne crois pas profitable, même à long terme, pour le Bangladesh que nous achetions leur textile à bas prix. Ils ont sans doute un avenir formidable dans l’agriculture irriguée modernisée et peut-être la mise au point d’équipements d’énergie hydro-électrique.

    Enfin, pour des chrétiens, même s’il apparaît que la méthode du travail à bas coût peut-être l’allumette nécessaire à l’expansion, cette méthode passe par le sacrifice d’une à plusieurs générations avant de réussir, et je ne crois pas que j’aurais accepté qu’on me présente comme inéluctable en 1990 et encore aujourd’hui en Chine de me mettre en situation d’esclavage industriel pour que mon employeur s’enrichisse immédiatement et mes éventuels enfants (vraisemblablement rapidement orphelins) plus tard. J’ai beaucoup de mal à concevoir comme inéluctable cette façon de réussir à long terme (où comme le disait Keynes nous serons tous morts, c’est ainsi qu’il répliquait aux partisans de la résolution des dépressions par le paramètre « travail pas cher »).

    Toute politique de l’offre n’est pas inique mais il ne semble pas que soutenir par nos achats l’offre textile actuelle du Bangladesh soit la meilleure condition de son développement. Ou alors, il faudrait, dans les accord en cours par exemple, prévoir des investissements par les grands distributeurs dans des projets d’équipement industriel ou agricole majeurs adaptés aux ressources du pays à titre de transition coopératrice. Pour Auchan ou n’importe qui, ça n’est pas intéressant d’avoir des consommateurs trop pauvres pour s’implanter, mais ça peut être vite rentable d’avoir des rayons de produits agricoles innovants à distribuer au Bangladesh qui est quand même un des douze pays millionnaires…en habitants, et demain en consommateurs rationnels, peut-être plus vite que nous.

  • oups rectification: le Bangladesh est un des douze pays non millionnaires en habitants mais dépassant les 100 millions d’habitants.

  • C’est bien beau de parler de « l’insuffisance de notre sobriété personnelle ».
    Bon, c’est déjà un premier pas.

    Mais il faut aller plus loin, sous peine de rater le meilleur : notre système économique est conçu par et pour la croissance exponentielle de la production ; sans croissance, il ne marche plus, on le voit bien aujourd’hui. En termes mécaniques, on parle de suraccélération : vous achèteriez une voiture qui ne fonctionne qu’en suraccélération ? C’est une hérésie physique : notre croissance économique étant directement corrélée à la quantité d’énergie disponible, par essence limitée, elle est vouée physiquement à tomber en panne un jour ou l’autre.
    Certains disent que nous sommes en panne, que la croissance est en état de mort clinique (en Europe du moins) depuis 30 ans ; le pic de production du pétrole a été passé il y a quelques années (2006, 2008 suivant les sources), c’est officiel.
    Face à cela, on ne parle que de réajustements, de corrections, quand c’est une véritable révolution qui est en cours. Cet aveuglement est criminel.

    Tout le monde aujourd’hui est d’accord sur ce postulat de croissance indéfinie nécessaire, les désaccords ne concernent que les moyens de répartition, de distribution de la richesse produite. La Croissance est devenue une fin, et tout le reste, même l’être humain, en est devenu le moyen. Ecoutez Hollande ou Sarkozy, Mélenchon ou Le Pen, c’est le même discours : la Croissance est LA priorité politique de tous ; ils ne différent que sur les moyens à mettre en oeuvre pour la relancer ; tous échouent.

    Parler de sobriété personnelle sans poser le problème systémique de la croissance indéfinie est au mieux une étape (peut-être nécessaire), au pire un aveuglement, un bottage en touche.
    Il est nécessaire, pour des raisons scientifiques, physiques, autant que philosophiques ou éthiques, de poser la question de la croissance indéfinie : comme expliqué plus haut, la croissance est directement corrélée à la quantité disponible d’énergie, par nature physiquement limitée.
    La croissance du PIB est comparable à la croissance d’un chiffre d’affaire ; accélérer indéfiniment l’augmentation de son chiffre d’affaire en puisant dans son capital limité, est-ce une bonne manœuvre économique ???
    Personne dans les milieux autorisés ne pose cette question… Or certains, et pas des moindres, se la posent depuis plusieurs décennies.

    Donc, cher Gwynfrid, pour reprendre votre propos suivant : « acheter deux T-shirts quand on a besoin d’en porter un, c’est accaparer et gaspiller les ressources de la planète et de la société, ressources qui ne sont pas infinies et que nous devons partager équitablement: c’est donc condamnable. »
    Exactement. En extrapolant de la personne au système complet, on en déduit que ce système est condamnable. Et condamné d’avance.

    Quelqu’un, plus haut, faisait allusion aux anti-esclavagistes antiques qui « ne comprenaient rien aux lois de l’économie pré-industrielle ».
    On est aujourd’hui dans la même situation : ceux qui remettent en cause le principe de croissance indéfinie, principe fondateur de l’économie moderne, sont raillés comme ne comprenant rien aux lois de l’économie.

  • Non, cela ne marche pas très bien. Par exemple, expliquer la décadence de l’empire arabo-musulman puis turco-musulman par la colonisation est peu plausible. La colonisation dans ces régions est la conséquence et non la cause de leur stagnation. Idem pour la Chine soumise aux traités inégaux. Le Japon fournit le contre-exemple. Et cela fait du monde !

    Excusez-moi j’ai dû mal comprendre. Pour réfuter la causalité de la colonisation dans la paupérisation de certaines régions du monde, vous évoquez… la Chine?

    A quel moment la Chine a été une colonie des pays occidentaux?

    De même je ne vois pas du tout le rapport entre mon affirmation et… l’Empire Ottoman?

    Oui ou non l’Afrique a été pillée de ses richesses naturelles? (J’ai mis le passé ? quel incorrigible optimiste je suis… Enfin vous considérez peut-être aussi que l’uranium du Niger fait fonctionner des centrales nucléaires en Afrique)
    Oui ou non l’Amérique du sud a été pillée de ses richesses, et ses civilisations endogènes détruites méthodiquement?
    Oui ou non ces richesses se sont retrouvées dans les coffres de l’Europe?
    Oui ou non tout cela a-t-il été rendu possible par la Traite des Noirs, exemple prodigieux d’échange humaniste?

    Ce ne sont pas ces événements que l’on recouvre par Colonisation et Libéralisme?
    Un peu de sérieux, les faits ont la tête encore plus dure que moi.

    Aristote a écrit ::

    Le niveau de vie des occidentaux n’est pas d’abord la contrepartie de l’exploitation du tiers monde C’est d’abord le résultat de siècles d’investissement dans l’éducation, les infrastructures, la recherche, etc. Cela n’empêche pas que puisse exister telle ou telle situation d’échange inégal entre les pays développés et les autres, mais non, le niveau de vie des occidentaux était déjà bien plus élévé que celui des habitants du Bangladesh, avant que ceux-ci ne se mettent à fabriquer des tee-shirts et les Chinois à assembler des téléphones portables.

    Je vous avais pourtant prévenu que c’était un terrain glissant. En substance, ça revient à dire que l’écart s’explique par notre supériorité intellectuelle. On était les meilleurs quoi. Je vous laisse arpenter ce terrain, je n’ai pas le coeur assez bien accroché pour éviter les nausées violentes que ces conceptions suscitent chez moi.

    Oui je suis une petite nature, que voulez-vous.

    « Echange inégal » pour décrire ces siècles d’esclavage et de domination spoliative. Vous venez de redonner un sens au mot euphémisme.

  • « Le niveau de vie des occidentaux n’est pas d’abord la contrepartie de l’exploitation du tiers monde. »
    Peut-être pas d’abord, mais aussi.
    Entre Aristote et Sulimo, il y a tout un panel de positions peut-être plus équilibrées.

  • Aristote a écrit ::

    C’est qui « le marché » ?

    Ben maintenant des salles informatiques donc. De la pure puissance de calcul autonome ou presque, avec pour unique objectif de faire du profit sur du terme qui se mesure en ms.

    Réduire le libéralisme à cette tendance, c’est comme réduire l’islam au salafisme ou le catholicisme à l’Inquisition. Cela évite d’avoir à réfléchir.

    Il serait plus juste de dire que c’est comme réduire le catholicisme à Jésus-Christ où l’islam à Mahomet… Revenir aux pères fondateurs est tjs très instructif – que je sache le libéralisme n’a jamais renié les siens.

    Sinon il ne s’agit pas de dire qui est bon ou mauvais chrétien, ni d’avoir à choisir qu’entre communisme et libéralisme. On a le droit de vouloir qqch qui respecte et garantit toutes les aspirations légitimes de l’homme (ce que se tue à faire la DSE depuis un siècle). Il s’agit donc dans un premier temps de ne pas être dupe d’un système hégémonique qui n’a par définition que faire de l’homme, et surtout de cesser de le justifier dès qu’il montre son vrai visage.

  • Bonjour,

    Expliquer l’écart de notre développement par l’exploitation du tiers-monde est aussi un peu court. Par exemple, le Japon fut très protectionniste dans l’après-guerre, et même comme cela, il est devenu prospère, sans exploiter personne.

    Ce n’est pas un jugement sur les individus, mais constatons que des pays, à un moment donné, marchent et d’autre ne marchent pas. A un moment, des systèmes politiques, des gouvernements sont clairement meilleurs que d’autres. Dire cela, ce n’est pas forcément toujours dire que la culture du pays en question est inférieure, ni même moins propice à développer une économie moderne. Il peut y avoir de nombreuses autres circonstances expliquant cet état de fait.

    Il me semble que vous faites aussi une analyse simpliste de du développement économique du Japon. Dans l’après-guerre, beaucoup d’exportations japonaises étaient du « bas de gamme » polluant et intensif en main d’oeuvre. Puis petit à petit, en copiant parfois, ils ont développé des industries de haute technologie respectueuses de l’environnement.

  • PMalo a écrit ::

    notre croissance économique étant directement corrélée à la quantité d’énergie disponible

    Il me semble effectivement que toute votre démonstration repose sur cette assertion; or elle me semble inexacte. Il n’y a pas de lien nécessaire entre la consommation d’énergie et la croissance économique.

    Bruno Lefebvre a écrit ::

    Quand en revanche des Bengalis décident de carcéraliser le textile comme avantage comparatif, il mènent une politique à courte vue.

    Votre raisonnement suppose que l’avantage comparatif de l’industrie textile est inséparable de conditions de production inhumaines et carcérales. C’est précisément ce que conteste le billet de Koz: le même T-shirt pourrait être produit dans des conditions beaucoup plus acceptables, avec un surcoût à peine perceptible pour le consommateur occidental.

    Il y a un facteur qui est bien peu évoqué ci-dessus: c’est le progrès médical et sanitaire, qui a engendré, pour une large part, la croissance démographique des deux derniers siècles. La population mondiale est passée de 1 à 7 milliards en deux siècles, en gros; dans l’état actuel des choses, la croissance est stabilisée (voire inversée) dans les pays développés, stabilisée ou en voie de stabilisation dans les pays émergents (Bangladesh compris), et elle n’est plus galopante que dans les régions les plus pauvres (on ne trouve plus de taux de fécondité supérieurs à 5 qu’en Afrique sub-saharienne et en Afghanistan: http://www.indexmundi.com/map/?v=31&l=fr).

    D’où, trois intuitions: on peut penser que la croissance économique est, à l’heure actuelle, la seule évolution à même de permettre aux populations d’accomplir leur transition démographique; corrélativement, on peut penser que donner accès à la médecine et à l’hygiène sans introduire les institutions de l’économie de marché (ce qui, dans les pays non développés, implique bien plus de régulations que de dérégulations), cela revient à créer les conditions de la misère et de la surpopulation; et enfin, on peut penser que la population mondiale est aujourd’hui beaucoup trop importante pour pouvoir être nourrie dans des conditions satisfaisantes par le biais d’économies locales traditionnelles de subsistance.

    Rappelons aussi que pour autant qu’on sache, la pauvreté dans le monde continue à baisser, non seulement en pourcentage, mais en nombre. http://www.inegalites.fr/spip.php?article381 Elle continue à frapper un nombre effrayant de personnes. Mais faire de l’économie de marché une espèce de léviathan responsable de tous les maux de la terre, ça me paraît vraiment se tromper de combat.

    Je ne me satisfais pas du tout de tous les aspects de l’économie de marché telle qu’elle se développe chez nous. Elle se traduit trop souvent par un dérèglement du désir, aliénant et destructeur. Mais tout cela, comme le souligne Aristote, provient de la nature humaine. Et choisir aujourd’hui de se priver d’un outil aussi puissant, plutôt que de s’efforcer de l’asservir à de meilleures fins, c’est prendre le risque de grandes catastrophes humaines.

    J’aime ce billet de Koz, parce qu’il part du réel tel qu’il est, et qu’il suggère des actions concrètes pour l’améliorer. Plutôt que de s’asseoir dans son coin et de se dire « zut, on a vraiment merdé, on aurait tout dû faire autrement ». Ou pire, « on va tout casser et tout refaire différemment ». Ca, je n’y crois pas du tout.

  • Uchimizu a écrit ::

    Expliquer l’écart de notre développement par l’exploitation du tiers-monde est aussi un peu court. Par exemple, le Japon fut très protectionniste dans l’après-guerre, et même comme cela, il est devenu prospère, sans exploiter personne.

    Sans vouloir être désagréable, ni hautain, c’est un peu exaspérant de devoir préciser 3 fois de suite un concept aussi simple que celui que j’ai développé.

    Autrement dit il faut que je dise ce que je n’ai pas dit, ce qui, vous en conviendrez, est assez infini comme principe de réfutation.

    Chine, Japon, Empire Ottoman. On peut en discuter, mais je vois mal le rapport, mais vraiment très mal.

    L’EUROPE (donc, pour être encore plus clair, pas la Chine, pas le Japon, pas l’Empire Ottoman) a construit une grande part de sa prospérité présente par une exploitation hégémonique, unilatérale, non-humaniste, financière, rentabiliste, libérale, capitaliste, de ses colonies.

    C’est en rapport avec l’article de notre hôte, que je trouve admirablement patient, puisqu’il parle de NOS comportements actuels, qui ont pour ma part des relents néo-colonialistes très forts.

    Je ne prétends nullement, car je n’en ai pas les compétences, faire une thèse que la prospérité des états EN GENERAL, et d’ailleurs croyez bien que je m’en contrefiche pour être tout à fait honnête. Car ce que cette reflexion soutend pour moi, c’est les règles de la morale que je m’impose aujourd’hui et demain, de manière très pragmatique, et pas du tout dogmatique. Le Gap ou pas Gap de Koz fait mouche en effet, car c’est bel et bien une interrogation de la conscience.

    Je maintiens donc que les grandes puissances coloniales européennes du XVIème siècle ont spolié ces peuples, en faisant jouer un mécanisme de vase communiquant qui est une double force d’écart. « Plus » pour nous PAR « moins » pour eux, c’est encore plus précis. Car la vieille lune qui consiste à arguer que la colonisation a fait du plus aussi chez eux, je vous invite à l’expliquer aux 5 millions de morts des mines d’argent de Potosi, qui trouveront dans doute là une épitaphe très à leur goût.

    Relisez les relations de Las Casas au sujet des colonies espagnoles, si vous avez le coeur bien accroché. Il y parle de génocide, les indigènes auraient d’après lui frôlé l’extinction pure et simple.

    Si soutenir cette évidence est être simpliste, je le suis des deux mains et des deux pieds.

    Encore une fois il ne s’agit ni de culpabilité ni de condamnation totale de l’économie de marché, il s’agit de lucidité. Les Occidentaux sont gâtés pourris, ils ont horreur qu’on leur dise, comme tous les enfants gâtés pourris. Il serait grand temps qu’ils se posent froidement certaines questions qui ont trait à la responsabilité personnelle et collective, et qu’ils redessinent un contour moins lamentable que nos illustres ancêtres pour vivre tous ensemble sur ce bout de caillou.

  • Sulimo a écrit ::

    L’EUROPE (donc, pour être encore plus clair, pas la Chine, pas le Japon, pas l’Empire Ottoman) a construit une grande part de sa prospérité présente par une exploitation hégémonique, unilatérale, non-humaniste, financière, rentabiliste, libérale, capitaliste, de ses colonies.

    C’est une affirmation très controversée, et qui a priori, au moins dans le cas de la France, ne résiste pas à l’analyse économique. Les colonies ont été une politique de prestige qui a coûté bien plus qu’elle n’a rapporté, et le mythe de la conquête pour raisons commerciales a vécu bien plus dans les discours politiques déconnectés du réel d’hommes de cabinet comme Jules Ferry que dans les aspirations des milieux entrepreneuriaux, souvent hostiles à la colonisation. La croissance européenne s’explique essentiellement par des facteurs endogènes, pas par le pillage des autres pays. Même si dans certains cas (peut-être les Pays-Bas), une certaine accumulation de capital a pu jouer un rôle.

    Ca n’enlève rien à la problématique morale: conquérir des pays militairement, c’est pas bien; et traiter ses habitants comme ils ont pu l’être, c’est épouvantable. Mais les réalités économiques coïncident rarement avec les jugements moraux. Il y a une tendance sous ce fil à confondre les deux. C’est commode, mais ça empêche de comprendre.

    Et il y a une tendance, aussi, que je trouve très inquiétante, à essentialiser, à anthropomorphiser les nations, pour en faire des personnages de l’histoire. En tant qu’individu, je ne suis pas plus responsable des exactions commises par des Français au XIXe ou au XXe siècle, que n’importe quel habitant des pays où ces exactions ont été commises. On peut éventuellement discuter de l’existence d’une responsabilité collective au présent, même si je trouve ce concept essentiellement absurde – la responsabilité, par essence, est individuelle. Il n’existe en tout cas aucune espèce de responsabilité historique collective.

    Encore une fois, le billet de Koz pose la seule question qui vaille: qu’est-ce que je peux faire, moi, concrètement, seul ou avec d’autres, pour améliorer la situation, hic et nunc. Tout le reste est onanisme intellectuel, visant, en donnant mauvaise conscience aux autres, à soigner la sienne, sans faire avancer le schmilblick d’un iota.

  • Sulimo a écrit ::

    Relisez les relations de Las Casas au sujet des colonies espagnoles, si vous avez le coeur bien accroché.

    Bonjour,

    que l’Espagne et le Portugal aient eu une économie basée sur l’exploitation de leurs colonies, c’est sans doute exact. Que ces pays, encore tous imbus de la fierté idéologique de la reconquista, se soient conduits en barbares, soit, encore qu’il ne faille pas mélanger massacres et baisses de populations indigène suite aux épidémies (regrettables, mais inévitables).

    Mais ces deux pays n’ont pas été, en résultat, les pays les plus modernes d’Europe, sans doute à cause d’une certaine opulence facile, et aussi de l’emploi des élites de ces pays à la police des colonies, pendant que d’autres pays d’Europe faisaient des choses plus utiles.

    Même en France, le commerce triangulaire a existé, et c’est d’ailleurs la seule richesse historique de bonnes villes catholiques de l’ouest comme Nantes. Mais mêmes Nantes et les autres ports négriers ne sont qu’une petite partie de notre pays. Dans ma région, la richesse historique vient du vin, des tissage utilisant la soie locale, des diverses négoces, souvent avec le nord de l’Italie et les Flandres, et plus tard des industries chimiques. Pas de trace d’un esclave antillais là dedans.

  • Sulimo a écrit ::

    Les Occidentaux sont gâtés pourris, ils ont horreur qu’on leur dise, comme tous les enfants gâtés pourris.

    J’accepte un point de votre démonstration. Jusqu’à peu, les occidentaux se partageaient une partie importante des ressources naturelles de la planète (pétrole, gaz, charbon, plus belles plages…). Aujourd’hui, ce n’est plus le cas (la Chine, premier consommateur de pétrôle, l’Inde premier acheteur d’or…), et, toute chose égale par ailleurs, cela est en train de baisser (un peu) notre niveau de vie.

    Mais ne vous trompez pas, les élites et les classes moyennes des autres pays ne se comportent pas beaucoup mieux que les grands méchants occidentaux. Allez voir comment un indien de la haute traite ses domestiques, comment les japonais organisent des virées entre hommes en Thaïlande, ou comment les chinois se comportent en Afrique, ou même comment les africains se traitent entre eux. Tout n’est pas dans le noir et blanc que vous décrivez.

  • Logopathe a écrit ::

    Elle se traduit trop souvent par un dérèglement du désir, aliénant et destructeur.

    Je suis assez d’accord avec vous, c’est aussi l’aspect de notre économie qui me plait le moins, même si la consommation idiote est en fait une petite partie du total (derrière les gros postes: logement, éducation, santé…). Et je comprends aussi le sentiment de vouloir s’offrir un beau cadeau quand on estime l’avoir mérité.

    Il me semble qu’une éducation à la consommation serait bien utile, et s’il ne tenait qu’à moi, elle aurait tôt remplacé la mascarade que sont les cours de philo du lycée. Il me semble aussi que l’on pourrait organiser nos médias pour qu’ils soient moins dépendants de la publicité. ET plus généralement, la consommation maladive est souvent le révélateur d’un mal-être, pour lequel elle est un pis-aller: il vaut mieux être accroc au shopping idiot qu’à la cocaine.

  • Logopathe a écrit ::

    C’est une affirmation très controversée, et qui a priori, au moins dans le cas de la France, ne résiste pas à l’analyse économique.

    L’analyse économique du fonctionnement des concessions octroyées par la France aux compagnies privées pour le caoutchouc au Congo par exemple? Ah pardon, il a été utilisé sur place pour le développement des peuples assujettis à son exploitation bien sûr. Sans compter qu’en plus du cadre officiel et légal, ce qui se passait sur place est purement et simplement à vomir. Quand j’ai lu ces pages de Gide, j’en aurais pleuré de rage. Et hélas ses observations ont été corroborées par beaucoup d’autres, moins complaisant que vous ne l’êtes.

    L’analyse économique des flux de matières premières en provenance des Amériques par exemple ? Ah pardon, l’argent des mines de Potosi est resté à Potosi sans doute, suis-je bête.

    Non et non, il ne s’agit pas d’une condamnation un peu formelle ou idéologique. C’est bien tout le contraire. C’est une vision de la prédation terrible qui a existé, et qui, d’une certaine manière, se perpétue sous une autre forme.

    Pour tourner cette page, il faut avant tout sortir du déni. C’est bien l’enjeu. Les altermondialistes, tout agaçant qu’ils puissent être par ailleurs, pointent depuis longtemps maintenant que l’échange économique doit être moralisé. Bien sûr il est facile de les caricaturer et donc de se débarasser à moindre frais de ce qui est intéressant dans leur discours.

    Le libéralisme sans règles est une prédation, une spoliation d’autant plus odieuse qu’elle s’exerce à l’encontre des plus faibles.

  • Uchimizu a écrit ::

    Que ces pays, encore tous imbus de la fierté idéologique de la reconquista, se soient conduits en barbares, soit, encore qu’il ne faille pas mélanger massacres et baisses de populations indigène suite aux épidémies (regrettables, mais inévitables).

    L’esclavage des populations indigènes des Amériques, et la Traite des Noirs, ne doivent rien aux épidémies. Ces gens ont été traités comme du bétail pour produire des richesses, qui si on en croit Logopathe, se sont évanouies dans la stratosphère. Ben oui, elles ne sont pas chez nous, et on me dit qu’elles n’ont pas été chez nous. Désintégration spontanée, mystérieuse. Commode. Mais très faible intellectuellement quand même.

    Uchimizu a écrit ::

    Dans ma région, la richesse historique vient du vin, des tissage utilisant la soie locale, des diverses négoces, souvent avec le nord de l’Italie et les Flandres, et plus tard des industries chimiques. Pas de trace d’un esclave antillais là dedans.

    Vous enfoncez une porte ouverte. Evidemment qu’il existait (et qu’il existe encore) une activité économique endogène. Maintenant si on cherchait à définir en point de PIB ce qu’on a piqué en ressources naturelles et avec une main d’oeuvre gratuite, je gage qu’on atteindrait des pics de rentabilité dans le compte de résultat de l’époque, à faire rêver les apprentis esclavagistes modernes.

    Les pauvres, ils sont contraints de toujours plus rallonger les chaînes de sous-traitance, pour ne pas tomber sous les fourches caudines de tous ces empêcheurs d’exploiter en rond…

  • Logopathe : « Encore une fois, le billet de Koz pose la seule question qui vaille : qu’est-ce que je peux faire, moi, concrètement, seul ou avec d’autres, pour améliorer la situation, hic et nunc. Tout le reste est onanisme intellectuel, visant, en donnant mauvaise conscience aux autres, à soigner la sienne, sans faire avancer le schmilblick d’un iota. »

    Sans nier la responsabilité personnelle, qui est bien sûr nécessaire et première, cette argumentation est profondément fausse, voire perverse.
    Elle occulte volontairement (et avec bonne conscience…) l’aspect politique de la chose (Politique au sens premier, fort : organisation de la vie sociale dans la recherche du bien commun), pour en rester à une petite vision individualiste…
    C’et un devoir pour chacun de réfléchir, d’analyser, et d’agir en conséquence et à sa mesure, sur les structures qui gouvernent notre vie quotidienne. Qui peut contester la prégnance qu’ont aujourd’hui les questions économiques au coeur de nos vies ? la pression permanente et pousse-au-crime de l’impératif de consommation, de jouissance par l’acte d’achat ?
    Bien sûr, tout le monde n’a pas la même capacité à changer radicalement de vie, comme certains ici en témoignent, je ne le conteste pas ; mais chacun a le devoir de prendre conscience de la réalité des choses, et, sans culpabiliser, de reconnaître les limites de sa capacité d’action.

    Pour un catholique en particulier, le discours de l’Eglise est très clair là-dessus. Le christianisme est par essence social (la Charité en acte envers le prochain). Le Cardinal de Lubac disait en substance que « christianisme social » aurait toujours du être un pléonasme, dans son ouvrage « Les aspects sociaux du christianisme ».

    On ne peut s’arrêter à l’aspect individuel : la société n’est pas un agrégats de monades indépendantes comme le prétend la vulgate libérale.

  • Petite pub (et oui, moi aussi…) : le numéro de juin du mensuel La Décroissance (2,50 Euros) est du plus grand intérêt.
    J’invite ceux qui ont un minimum de curiosité intellectuelle à se le procurer.

  • Quand je dis : « notre croissance économique étant directement corrélée à la quantité d’énergie disponible. »
    Logopathe me répond : « Il me semble effectivement que toute votre démonstration repose sur cette assertion; or elle me semble inexacte. Il n’y a pas de lien nécessaire entre la consommation d’énergie et la croissance économique. »

    Montrez-moi que cette assertion est fausse…

    L’observation, premièrement, montre que les courbes coïncident.
    Ce n’est pas juste une corrélation hasardeuse : il y a causalité directe.

    Pour produire, il faut de l’énergie.
    Pour transporter, il faut de l’énergie.
    Pour consommer, il faut de l’énergie.
    Tout demande de l’énergie. Et aujourd’hui, quasiment 100% de notre énergie provient de sources fossiles non-renouvelables et de moins en moins rentables.
    L’électricité n’est pas une source d’énergie, elle en est juste un vecteur : il faut de l’énergie pour la produire. Son stockage et son transport induisent des pertes.
    (Le fameux (non-) »débat » sur le nucléaire peut s’arrêter à cette simple observation… sans même parler de la folie pure (qu’aucun assureur ne veut assurer… trop risqué !) de la question du recyclage/stockage des déchets.)

    Ne me parlez pas de croissance « immatérielle », c’est de la fumisterie. Un ordinateur demande de l’énergie pour fonctionner, toutes les données (« immatérielles ») demandent du « hardware » et de l’énergie pour les stocker et les propager, etc.

    Petite parenthèse : J’ai eu l’occasion, dans mes activités professionnelles passées (il y a une 10aine d’années, autant vous dire que c’est de l’ordre de l’antique dans ce domaine et que ma vision est complètement dépassée), de me rendre dans un de ces gigantesques « data-center » : des immeubles entiers intégralement remplis de disques durs, avec tous les systèmes de refroidissement, de contrôle, etc, nécessaires à leur bon fonctionnement ; l’entreprise de 300 personnes pour laquelle je travaillais avait 4 ou 5 serveurs (taille d’un disque dur lambda) sur les quelques dizaines de milliers contenus dans cet immeuble ; c’est à proprement parler affolant. J’ai lu récemment à ce sujet que la pseudo-« virtualisation » de l’économie mondiale consomme autant d’énergie que l’aviation civile mondiale. Fin de la parenthèse.

    Le fameux recyclage demande de l’énergie, et tous les progrès que l’on peut faire dans ce domaine ne sont certes pas à négliger, sont nécessaires, mais ne nous « sauveront » pas : je vous renvoie à la deuxième loi de la thermodynamique, le principe de Carnot, et la fonction d’entropie : l’irréversibilité des phénomènes physiques en particuliers lors des échanges thermiques (=> énergie à tout jamais perdue.)

    Bref, je ne vois pas en quoi vous pouvez contredire cette réalité que tout notre système économique et sa croissance reposent sur la quantité disponible toujours croissante d’énergie.
    Si cette quantité vient à décroître et son prix à augmenter en conséquence (ce qui est le cas aujourd’hui, malgré toutes les magouilles sur les marchés, qui sont bien loin d’être « libres » et « non-faussés », pour cacher la réalité au consommateur), la croissance du PIB est vouée à n’être qu’un rêve ; parler de relance économique dans ces conditions relève soit de l’aveuglement, soit du cynisme, soit de la folie.

    Nous n’avons pas le choix : notre système est condamné.
    Nous devons apprendre à fonctionner différemment.
    Les « lois de l’économie » (conventions humaines !) s’inclinent devant la réalité physique et ces lois, bref devant la réalité.

  • Logopathe : « on peut penser que la population mondiale est aujourd’hui beaucoup trop importante pour pouvoir être nourrie dans des conditions satisfaisantes par le biais d’économies locales traditionnelles de subsistance. »

    Oui et non. Il faut savoir de quoi on parle.
    Là encore, on est dans un sujet complexe qui demande beaucoup d’éclaircissements.
    Ce lieu commun est distillé par des personnes ayant tout intérêt (souvent financier) à ce que « tout change pour que rien ne change ».

    En temps de pénurie énergétique prévisible (cf plus haut), nous n’avons pas le choix d’envisager simultanément une réduction non négligeable des quantités transportées et des distances de transport.
    Cela ne veut pas dire « revenir à la bougie ».
    Cela veut dire engager des recherches et des investissements massifs dans une tout autre direction que celle dans laquelle nous sommes engagés depuis quelques décennies.

    Je prendrai pour exemple le secteur agricole, fondamental et emblématique. (C’est aussi un peu ma partie…)
    Malgré un apparent succès, l’agriculture moderne est un désastre. Tout dépend du panel de facteurs que l’on met dans l’équation… les fameuses externalités négatives soigneusement et consciencieusement (aveuglement, cynisme, folie ?) omises au nom de la « rationalité économique ».
    L’agriculture intensive que l’on connaît consomme plus de calories (non-renouvelables, pour rappel) qu’elle n’en produit. Elle est totalement dépendante de l’énergie par sa mécanisation, par son addiction à la chimie (dont on ne peut effectivement plus se passer : sans elle, sur un sol mort et lessivé, plus rien ne pousse…), totalement dépendante des quelques multinationales contrôlant les semences, les intrants chimiques (et les médicaments censés soigner les maladies que l’utilisation de ces produits entraîne), etc. Cette agriculture détruit les sols (considérés comme un substrat neutre au lieu d’un milieu vivant aux équilibres ultra-complexes -et encore largement méconnus…), la biodiversité, pollue l’air et l’eau, etc. L’exode rural entraîne encore création de bidonvilles, désertification de régions entières, pauvreté et chômage massifs, dépendance totale des populations, des villes, et de régions entières envers des réseaux extrêmement complexes, coûteux, et fragiles. (Moins de 3 semaines de stocks de bouffe dans les mégalopoles européennes… ce qui signifie que les émeutes de la faim qu’ont connu des pays comme l’Argentine en 2007 ne sont pas à exclure chez nous en cas de gros pépin de transport.)
    Les rendements ont certes connu une explosion fulgurante, mais depuis quelques années, ils décroissent significativement ; la chasse aux terres vierges encore fertiles en est une conséquence désastreuse, avec destructions d’écosystèmes entiers, expropriation et déplacements de populations, etc.
    On peut aussi aborder le problème de l’élevage concentrationnaire et les insolubles qu’il soulève sur tous les plans.
    Ou le problème des « agro-bio-carburants », véritable non-sens ubuesque.
    Ou des OGM, folie pure et échec pratique (sauf pour le producteur de ceux-ci).

    Par ailleurs il est prouvé que certaines pratiques traditionnelles intensives (voire TRÈS intensives) à forte main-d’oeuvre et peu technicisées de polyculture-élevage ont un rendement global (cad en additionnant les rendements de chaque petite production sur la même parcelle) au moins -voire plus- important que l’agriculture chimique et mécanisée.
    Elles ne dégradent pas les sols, au contraire les améliorent.
    Elles sont moins gourmandes en énergie, et produisent plus de calories qu’elles n’en consomment.
    Elles ne créent aucun déchet, tous les cycles étant refermés de manière locale.
    Il n’y a pas de gaspillage (ce qui n’est pas consommé et perdu, au pire, retourne à la terre…), tandis que chez nous, pays dits « développés », aujourd’hui, entre 1/4 et 1/3 de la production est perdue pour de multiples raisons, parfois scandaleuses : un fruit non calibré part à la poubelle…
    Elles demandent plus de main d’oeuvre, un travail réfléchi et cohérent, complet (production, transformation, vente, etc), au contraire de « l’exploitant d’unité de production agro-alimentaire » moderne qui ne fait qu’appliquer des modes d’emploi de spécialistes, ne met jamais les mains dans sa terre, conduit ses machines par satellite, travaille toute sa vie pour tenter de rembourser des dettes que ses repreneurs ne pourront non plus pas payer (l’entreprise finissant rachetée par un plus gros plus riche plus endetté), passe plus de temps dans l’administratif qu’à arpenter ses champs, etc.
    Ces pratiques et cultures sont extrêmement diverses, adaptées au lieu, au climat, au sol, au régime alimentaire de la population, à la culture locale. Contrairement aux mono-cultures et produits mondialisés, standardisés, aseptisés, inadaptés, fournis par les semenciers et prescripteurs d’itinéraires techniques.
    Les produits sont plus sains, transformés, distribués et consommés localement.
    (Il est intéressant de constater que les notions de « chômage, « déchet », et d’autres mots courants sont des inventions modernes… dommages collatéraux ?)

    De nombreuses recherches et études sont en cours actuellement pour comprendre comment fonctionnent les sols, leur fertilité naturelle (c’est un univers totalement méconnu), pour comprendre les interactions arbres/plantes/animaux, pour mette au point des outils adaptés à ces cultures.
    On assiste par exemple, même en France (les pays moins « développés » sont souvent très en avance que nous autres qui persistons dans l’aveuglement… tous mes amis ayant fait des stages ou séjours à l’étrangers sur tous ces sujets en restent sur le fondement ; vieil orgueil occidental ?), à un essor considérable (même si confidentiel en proportion) de la traction animale avec des outils modernes.
    De nombreuses écoles de pensée, comme celle de la permaculture (voir la page wiki, assez complète), utilisent une vision systémique de l’homme et de son environnement, de leurs interactions, dans une optique globale d’optimisation de l’existant, de soutenabilité écologique, économique, humaine, de « travail avec la nature et non pas contre elle ».
    Ces « philosophies de l’action » sont extrêmement intéressantes dans le sens où elle partent de l’observation du réel, et opèrent un « rebranchement de tradition » en faisant le lien entre les pratiques empiriques ancestrales et les moyens scientifiques et techniques modernes permettant leur compréhension et amélioration.

    « Seule l’agro-écologie peut nourrir 12 milliards d’êtres humains », clame en substance et à longueurs de rapports officiels, mais dans un désert, Olivier de Schutter, Rapporteur Spécial des Nations Unies pour le Droit à l’Alimentation.

  • Courtlaius a écrit ::

    Ben maintenant des salles informatiques donc. De la pure puissance de calcul autonome ou presque, avec pour unique objectif de faire du profit sur du terme qui se mesure en ms.

    À ce compte là, la physique moderne, envahie par les modèles numériques, se réduit aussi à des ordinateurs. Le CERN, c’est une grosse machine près de Genève, mais c’est surtout un gigantesque réseau informatique qui fonctionne à l’échelle mondiale. Et qui conduit une voiture moderne abandonne son sort à un calculateur qui prend des décisions vitales pour lui, j’ai nommé le freinage ABS.

    Le trading haute fréquence, c’est essentiellement l’automatisation de l’arbitrage, fonction utile s’il en est. C’est aussi grave que d’installer un thermostat chez vous pour réguler la température. Et oui, on n’est pas assuré contre les ennuis et les programmes qui prennent des décisions aberrantes, comme par exemple ce que fera votre thermostat si vous laissez en partant une fenêtre ouverte en plein hiver.

    Le fond de notre désaccord, c’est que vous accusez un « système », alors que je suis convaincu que le problème ce sont les êtres humains, marqués par le péché, moi comme les autres, qui agissent dans ce système, parfois, de fait, en programmant des ordinateurs. Dans les sociétés d’avant le libéralisme, on trouvait comme aujourd’hui des individus avides de pouvoir, âpres au gain, sans aucun souci des faibles, peu regardant au coût en vies humaines de leurs ambitions. Le sort des plus faibles, les esclaves, les domestiques, les serfs, était très rude. On peut discuter ad infinitum pour savoir si c’était mieux avant ou si la modernité « libérale » a été un progrès. Je ne me lance pas dans cette discussion. Mais prétendre que la source première des maux actuels c’est « le marché », fantasmé comme un monstre animé d’une sorte de volonté perverse, me paraît pour le moins simpliste.

    Les pères fondateurs, lesquels ? La pensée libérale n’est pas unique. Il est intéressant de noter par exemple que la loi Taubira a divisé les libéraux. En simplifiant : à ma gauche les libéraux des droits de l’homme, l’école anglaise, qui absolutise les droits individuels et fait dériver toute vie sociale d’un pacte entre individus : ils ont soutenu la loi ; à ma droite les libéraux du droit naturel, Léo Strauss et l’école autrichienne, qui reconnaissent que l’homme est institué par la société, au sens de Descombes même si ce dernier n’est certainement pas un disciple de Hayek : ils se sont opposés à cette loi qui est pour eux le comble d’un constructivisme qu’ils honnissent.

  • Oui, nous accusons un système qui prétend que la somme des intérêts égoïstes aboutit à l’intérêt général.
    On n’est pas loin (je crois même que c’est le cas) d’en arriver à promouvoir les vices…
    On vend de l’adultère sur les murs du métro !
    L’homme (être humain) est toujours le même, bien évidemment ; mais la culture n’est-elle justement pas là pour canaliser cette nature humaine ?
    L’environnement dans lequel l’homme naît le détermine aussi ; les jeunes générations nées dans le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui sont fortement influencées par l’air du temps : égoïsme narcissique, compétition, tout ce que je veux tout de suite, etc.

    Dans deux générations, sans culture, déracinés, chacun livré à soi-même, nous serons tous des racailles, prêtes à tuer pour un I-machin ?

  • Aristote : « À ce compte là, la physique moderne, envahie par les modèles numériques, se réduit aussi à des ordinateurs. Le CERN, c’est une grosse machine près de Genève, mais c’est surtout un gigantesque réseau informatique qui fonctionne à l’échelle mondiale. Et qui conduit une voiture moderne abandonne son sort à un calculateur qui prend des décisions vitales pour lui, j’ai nommé le freinage ABS. »

    Oui.
    On peut faire une critique du système techniciste, qui va plus loin que le béat et botte-en-touche « la technique n’est ni bonne ni mauvaise, tout dépend de l’usage qu’on en fait ».

    Ne me tentez pas, ou je re-ponds un truc de 100 mètres de long. 😉

  • PMalo a écrit ::

    On vend de l’adultère sur les murs du métro !

    Hélas !

    Sous l’Antiquité des maîtres cupides achetaient des esclaves, de sexe indifférent, et les prostituaient pour en tirer un revenu. L’ultra-libéralisme, sûrement.

  • PMalo a écrit ::

    Mais il faut aller plus loin, sous peine de rater le meilleur : notre système économique est conçu par et pour la croissance exponentielle de la production ; sans croissance, il ne marche plus, on le voit bien aujourd’hui. En termes mécaniques, on parle de suraccélération : vous achèteriez une voiture qui ne fonctionne qu’en suraccélération ?

    Je vois, PMalo, que vous n’avez pas changé: vous avez toujours la même tendance à éviter le sujet concret pour partir dans de grandes considérations aussi globales qu’abstraites, appuyées sur des analogies pas toujours très pertinentes. Votre analogie automobile marcherait si la croissance de l’économie était un phénomène physique, ce qu’elle n’est pas. Par ailleurs, la description de la croissance économique comme un phénomène exponentiel n’est pas vérifiée dans les faits, ou alors de façon limitée dans l’espace et dans le temps.

    Quand je dis : « notre croissance économique étant directement corrélée à la quantité d’énergie disponible. »
    […]
    Montrez-moi que cette assertion est fausse…

    Pour commencer, quand vous affirmez quelque chose, un minimum de correction est de le prouver, plutôt que de demander à votre contradicteur de prouver le contraire.

    Ensuite, ben… Ô surprise, c’est faux. Ou, tout au moins, c’est moins simple que vous ne le prétendez. La consommation d’énergie entre 1990 et 2011 a crû d’un peu moins de 50% (source) alors que le produit brut mondial croissait d’environ 73% sur la même période (source).

    En réalité, la relation est (juste un peu) plus complexe : la consommation d’énergie est égale à l’intensité énergétique (qui diminue, mais pas assez vite) multipliée par le produit par habitant (qui croît) et par la population (qui croît aussi).

    Mais surtout, la croissance ou la décroissance c’est un joli sujet, mais ce n’est pas celui de ce billet, qui est était « Gap ou pas Gap ? »: est-il légitime d’acheter un Tshirt fait dans des conditions odieuses. Dévier sur la nécessité urgente de ne plus acheter de Tshirts du tout (pour caricaturer, mais à peine, votre position) ne fait pas disparaître la question.

    Pour ma part, je considère que la meilleure façon d’aider les Bangladais est de continuer à leur acheter ce qu’ils savent produire, tout en exerçant une pression en tant que consommateurs sur les entreprises qui vendent lesdits produits afin qu’ils garantissent des conditions de productions décentes. Cela, de préférence, en imposant le respect des droits syndicaux, plutôt qu’en faisant des audits et en publiant des codes de déontologie: un syndicat local est toujours plus proche du terrain qu’un inspecteur étranger.

  • Non, je n’ai pas changé. Désolé… 😉

     » Vous avez toujours la même tendance à éviter le sujet concret pour partir dans de grandes considérations aussi globales qu’abstraites… »
    Ben… oui. Parce que cette histoire DU pantalon DU monsieur Koz, si on en reste là, ça n’a pas grand intérêt… On s’en fout, du pantalon du monsieur Koz. Avec toute l’estime (véritable) que j’ai pour lui et son noble postérieur qui, je le dis sans ironie, a sans doute besoin de plus d’élégance que le mien quand je vais traire ma vache.
    Chaque petit geste concret de notre quotidien, comme par exemple acheter un futal chez Gap, est le résultat d’une multitude de réactions en chaînes qui se rencontrent, aboutissent, se concrétisent, ou non, dans ce geste.
    Comprendre tout cela est nécessaire, non ? Encore plus aujourd’hui dans ce contexte de mondialisation, ou ces réseaux de relations de causes à effets sont maintenant comme jamais auparavant à l’échelle mondiale, où les conséquences de nos actes sont si loin de nous que nous ne les voyons même plus, diluées qu’elles sont dans la foule des êtres anonymes, à l’autre bout du monde. Situation totalement inédite !
    Je n’esquive pas le sujet, je le resitue dans son contexte global.
    Koz est un auteur, un as du story-telling, il raconte une histoire pour nous mettre dans une situation et de là exposer son questionnement. J’ose aller un peu plus loin… et montrer que, en partant d’une histoire anecdotique, on peut remonter assez loin et interconnecter plein de sujets qui apparemment n’ont rien à voir quand on en reste au niveau de la ceinture.
    Vous ne me reprochez quand même pas de vous réveiller de votre petit confort condamné, j’espère ? 😉

    « Votre analogie automobile marcherait si la croissance de l’économie était un phénomène physique, ce qu’elle n’est pas. »
    Ah bon. Quelque chose m’aurait-il échappé ?
    A la rigueur, si la croissance en tant que telle n’est pas un phénomène physique, elle ne peut reposer que (ou majoritairement) sur une base matérielle (le pantalon du sieur Koz, par exemple, multiplié par 7 milliards d’êtres humains), qui répond aux lois de la physique.
    Cette pseudo-« dématérialisation » de la croissance est une fumisterie.
    Faudra-t-il en arriver à ce que vous manquiez de nourriture quotidienne bien réelle celle-là pour que vous vous en rendiez compte ?
    Et, certes, une analogie reste une analogie : ça vaut ce que ça vaut.

    « Par ailleurs, la description de la croissance économique comme un phénomène exponentiel n’est pas vérifiée dans les faits, ou alors de façon limitée dans l’espace et dans le temps. »
    C’est ce que je me tue à vous dire…
    Merci.

    « Pour commencer, quand vous affirmez quelque chose, un minimum de correction est de le prouver, plutôt que de demander à votre contradicteur de prouver le contraire. »
    Vous avez raison, et je me doutais bien en l’écrivant que vous alliez me faire la remarque. 😉
    Mais je l’ai montré par la suite, c’est vrai sans donner de sources.

    « En réalité, la relation est (juste un peu) plus complexe : la consommation d’énergie est égale à l’intensité énergétique (qui diminue, mais pas assez vite) multipliée par le produit par habitant (qui croît) et par la population (qui croît aussi). »
    Oui, vous avez raison. Mais cela ne change en rien le fond de mon propos…
    (Tout le monde est d’accord pour dire que la population mondiale n’excédera pas 12 milliards d’habitants ; nous sommes 7 milliards et produisons déjà de quoi nourrir 9 milliards… Problèmes gigantesques de distribution inéquitable, dûs à la fameuse « rationalité économique ».)
    L’équation n’est donc pas si complexe : 3 variables.
    Si on pose comme postulat que la variable « produit par habitant » DOIT croître (le fameux « niveau de vie », ou « moral des ménages », ou « rêve américain », qui « n’est pas négociable » selon les va-t-en-guerre Bush & fils, et « à réviser de manière courageuse » selon les papes successifs), on ne peut jouer que sur les deux autres.
    Dans un monde aux ressources illimitées, la population pourrait croître indéfiniment, et on s’en foutrait de faire des progrès sur l’intensité énergétique.
    Or le monde est limité, on commence à le comprendre, et donc on commence à réfléchir comment jouer sur les deux autres variables. Les cyniques malthusiens parlent de réduire la population mondiale pour pouvoir continuer à jouir sans entraves, tandis que les ingénieurs et techniciens planchent à réduire l’intensité énergétique.
    Mais jamais personne ne remet en cause la croissance nécessaire du produit par habitant… Dogme indéboulonnable : c’est le Progrès. C’est Mon Confort à Moi, et je signe une pétition pour le Bangladesh parce que c’est passé à la télé.
    Quand les libéraux ont leur théorie du « ruissellement » (plus les riches sont riches, moins ya de pauvres), valable jusqu’à un certain point mais ensuite inopérante (ressources limitées, toujours), les « objecteurs de croissance », à l’inverse, disent, à la suite de Gandhi : « Vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre. »

    Il y a une autre entourloupe à la mode, à propos des progrès énergétiques. (Un peu la même qu’à propos du recyclage.)
    On nous fait croire que réduire la consommation, améliorer l’efficacité et les rendements, etc, nous fera sortir du tunnel dans la joie.
    Oui, bien sûr, c’est mieux de faire des progrès en ce sens. Mais ce n’est pas suffisant, cela ne doit être qu’une étape, dans une démarche de transition (encore un mot à la mode, encore une entourloupe. Il y en a beaucoup, la liste est longue…).
    Si c’est juste un accommodement pour se donner bonne conscience et continuer l’orgie plus longtemps sans scrupules, sans remettre en cause le principe même de l’orgie, c’est pervers.

    « Dévier sur la nécessité urgente de ne plus acheter de Tshirts du tout (pour caricaturer, mais à peine, votre position) ne fait pas disparaître la question [Gap ou pas Gap ?] »
    Hélas, cette caricature disqualifie votre propos.
    Avoir de quoi se couvrir est un des besoins primaires, fondamentaux, de l’être humain, au même titre que se nourrir et se loger et pouvoir mener une vie décente et libre.

    « Pour ma part, je considère que la meilleure façon d’aider les Bangladais est de continuer à leur acheter ce qu’ils savent produire… »
    Expliquez-moi en quoi un Bangladais sait MIEUX faire un Tshirt que n’importe quel pékin comme vous et moi que l’on met devant une machine à coudre. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de l’énormité de cette phrase…
    Des gens, dans leurs bureaux climatisés, ont décidé que le Bangladesh serait la fabrique de Tshirts pour le monde, tout simplement parce que c’est moins cher là-bas. Et quand ce sera moins cher en Bulgarie, ils iront en Bulgarie : « Certains industriels chinois seraient prêts à délocaliser des usines textiles en Bulgarie, le coût du travail étant plus en plus cher dans leur pays.[…]Selon le magazine Fibre2fashion , les industriels chinois du textile cherchent à délocaliser leurs industries dans d’autres pays, en raison de l’augmentation des salaires et des coûts de production en Chine. » (De l’agence de presse bulgare, Novinite : http://www.novinite.com/.)

    « … tout en exerçant une pression en tant que consommateurs sur les entreprises qui vendent lesdits produits afin qu’ils garantissent des conditions de productions décentes. »
    Ou comment se donner bonne conscience sans remettre en cause le principe même du bazar…

  • Et je lis, juste en-dessous, cette citation : « Nous ne sommes pas censés être des anges, mais des saints. »
    En chair et en os, incarnés, au milieu de nos semblables, dans un monde matériel limité, dont nous avons la responsabilité.

  • Dernière avant dodo :
    « La consommation d’énergie entre 1990 et 2011 a crû d’un peu moins de 50% « 

    Vous me citez ce chiffre ahurissant sans sourciller ?
    Vous pouvez me tracer cette courbe et me dire comment on fait, concrètement, dans 20 ans, si on n’a pas trouvé l’énergie perpétuelle ?
    On atteint aux confins de la folie…

  • PMalo a écrit ::

    e vous renvoie à la deuxième loi de la thermodynamique, le principe de Carnot, et la fonction d’entropie : l’irréversibilité des phénomènes physiques en particuliers lors des échanges thermiques (=> énergie à tout jamais perdue.)

    i
    L’entropie s’applique à un système isolé. Hors, la surface de la Terre reçoit du soleil une quantité d’énergie de plusieurs ordres de grandeur supérieure à celle de la consommation de l’humanité, et même d’une hypothétique humanité où toute la population mondiale profiterait du confort moderne. Ce n’est donc qu’une question de technologies rentables pour récupérer cette énergie (et pas seulement par le solaire mais aussi par l’hydroeléctrique, la biomasse, l’éolien.

  • PMalo a écrit ::

    Des gens, dans leurs bureaux climatisés, ont décidé que le Bangladesh serait la fabrique de Tshirts pour le monde, tout simplement parce que c’est moins cher là-bas.

    Justement, le fait que c’est moins cher veut dire que, pour simplifier, les bengladis sont moins « occupés » dans l’économie productive, et que donc, ce n’est pas idiot d’aller faire des T-shirts là-bas.

    La même chose est vraie dans un groupe quelconque. Il y a toujours des gens moins efficaces (pour tout un tas de raison: manque d’expérience…). On leur délègue les tâches qu’ils savent réaliser même si tout le monde sait aussi le faire.

  • PMalo a écrit ::

    Je n’esquive pas le sujet, je le resitue dans son contexte global.

    Ah, élargir le sujet, le « resituer »… une excellente façon de noyer le poisson. Notez bien que je ne vous accuse pas de le faire exprès, tout convaincu que vous êtes de votre bonne foi et irréfutable raison combinées. Il n’empêche, vous êtes encore une fois parvenu à ne pas répondre à la question – on fait quoi, pour les Bangladais ?

    PMalo a écrit ::

    Si on pose comme postulat que la variable « produit par habitant » DOIT croître

    En ce qui concerne les pays développés (15% de la population mondiale) on peut en effet remettre en cause ce postulat. En ce qui concerne les autres, qui représentent l’essentiel de la croissance démographique et économique, le produit par habitant a encore besoin de croître de façon conséquente. Ça s’appelle le développement et ça sert à éviter la famine et la maladie. Mais je suppose que vous avez une théorie globale et chiffrée pour expliquer comment on va faire autrement.

    PMalo a écrit ::

    Les cyniques malthusiens parlent de réduire la population mondiale pour pouvoir continuer à jouir sans entraves, tandis que les ingénieurs et techniciens planchent à réduire l’intensité énergétique. Mais jamais personne ne remet en cause la croissance nécessaire du produit par habitant…

    Vu l’ampleur du problème, il semblerait de bon sens d’agir sur les trois facteurs à la fois. Et surtout, de passer un peu plus de temps à expliquer comment on fait, ce qui reste le point faible de votre argumentation.

    Cela dit, je reconnais que vous avez fait un effort dans l’un des commentaires ci-dessus, en faisant allusion à vos compétences en matière agricoles et à la permaculture. Le concept est intéressant. Vous choquerai-je si je vous dis qu’au-delà de l’enrobage idéologique, l’intérêt pratique de ces expériences semble être, avant tout, l’amélioration de l’intensité énergétique agricole ?

    Avoir de quoi se couvrir est un des besoins primaires, fondamentaux, de l’être humain, au même titre que se nourrir et se loger et pouvoir mener une vie décente et libre.

    Ça ne va pas plus mal en le disant: nous sommes d’accord sur ce point. Sauf que…

    Expliquez-moi en quoi un Bangladais sait MIEUX faire un Tshirt que n’importe quel pékin comme vous et mo

    Ah, mais je ne prétends pas qu’il sait le faire mieux que quiconque. Mais il sait le faire, c’est déjà ça, et il a trouvé des acheteurs. Ce modeste progrès lui a permis (avec d’autres améliorations, bien sûr), de faire croître son économie, avec les progrès humains qui vont avec, comme expliqué plus haut . Alors, vous le boycottez, à l’instar de Christian à qui vous avez mis un +100 enthousiaste ? Ou vous le laissez continuer ?

    PMalo a écrit ::

    Vous pouvez me tracer cette courbe et me dire comment on fait, concrètement, dans 20 ans, si on n’a pas trouvé l’énergie perpétuelle ?

    L’énergie disponible est finie donc sa consommation ne peut croître indéfiniment. Mais pourquoi, dans votre estimation, devrions-nous tomber en panne dans 20 ans, plutôt que toute autre échéance ?

  • « Il n’empêche, vous êtes encore une fois parvenu à ne pas répondre à la question – on fait quoi, pour les Bangladais ? »
    Bien, effectivement, très concrètement, je n’en sais rien…
    Je le reconnais volontiers. Et ça ne me rends pas plus tranquille.
    Mais je remets en cause cette idée selon laquelle ils ne sont juste bons qu’à faire NOS fringues. Ils ont sûrement des choses plus intéressantes à faire.

    « En ce qui concerne les pays développés (15% de la population mondiale) on peut en effet remettre en cause ce postulat. En ce qui concerne les autres, qui représentent l’essentiel de la croissance démographique et économique, le produit par habitant a encore besoin de croître de façon conséquente. »
    Je le conçois bien volontiers. Mais ça n’est pas vraiment envisagé comme ceci dans notre modèle économique.
    Quand je cite « vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre », je rejoins tout à fait cela. Il est question de justice : l’être humain passe avant le ‘dogme’ de la croissance du PIB.
    Mais attention au mot développement…

    « Et surtout, de passer un peu plus de temps à expliquer comment on fait, ce qui reste le point faible de votre argumentation. »
    Si j’avais un modèle tout fait à vous proposer, que me diriez-vous ?
    La mise en oeuvre de la vision du monde que je soutiens ici (essentiellement critique, il est vrai, pour le moment) c’est de l’ordre du politique. Beaucoup y réfléchissent.
    Que des citoyens, des mouvements, des partis, se lèvent, et deviennent force politique capable de réfléchir et de mettre en oeuvre cela, c’est aussi mon souhait. (Même si dans le système politique actuel, c’est illusoire…)
    En France, on en est loin.
    Mais déjà, à l’échelle locale, des mouvements agissent : villes en transition, monnaies locales, groupements d’achats, partage, Amap, etc, les initiatives dans la société civile sont très nombreuses et disparates.

    « Alors, vous le boycottez, à l’instar de Christian à qui vous avez mis un +100 enthousiaste ? Ou vous le laissez continuer ? »
    Si je boycotte quelqu’un ce n’est pas lui : c’est celui qui en profite, dans son bureau climatisé. Et d’ailleurs, il s’en fout, il délocalise demain en Bulgarie…
    Je n’ai pas de réponse à cette question : avant d’en arriver au Bangladais, au bout du bout de la chaîne, il y a tellement de maillons… Ne regarder que le Bangladais et refuser de voir de quoi il est l’instrument et la victime, je trouve cela d’une malhonnêteté intellectuelle désarmante.
    Ne me reprochez pas d’avoir bonne conscience, je trouve ça déplacé.

    Face à une inondation qui emporte tout un village sur son passage, vous me demandez si je dois peindre mes volets à la peinture à l’eau ou acrylique…
    Que voulez-vous que je vous réponde ?
    (Oui, c’est une analogie. Qui vaut ce qu’elle vaut.)

  • Gwynfrid a écrit ::

    L’énergie disponible est finie donc sa consommation ne peut croître indéfiniment

    Au risque d’être un peu lourd, l’énergie reçue du soleil sur la surface de la Terre est extrêmement importante, et une grande partie est exploitable à plus ou moins long terme. Pour simplifier, si l’on recouvre le Sahara de panneaux solaires, ce qui n’est pas très loin d’être à notre portée, les problèmes énergétiques de l’Europe sont derrière nous. Et je pense que les progrès dans la valeur ajoutée par unité d’énergie sont encore énormes: pensez par exemple aux progrès pour que nos logements consomment moins de chauffage: la technologie existe déjà, il suffit de quelques lois bien senties pour que les choses s’améliorent (taxer à plein tarif le mazout de chauffage, trouver un méchanisme pour que les travaux d’isolation profitent à la fois au propriétaire et au locataire…

  • Uchimizu, vous représentez parfaitement ce que je réfute.

    « Couvrir le Sahara de panneaux solaires »… pour mon confort « non négociable » d’occidental.
    Allez hop, on claque des doigts, c’est magique, YakaFocon.
    Faut arrêter de rêver, vieux.

  • Gwynfrid : « Mais pourquoi, dans votre estimation, devrions-nous tomber en panne dans 20 ans, plutôt que toute autre échéance ? »
    J’ai pris 20 ans à titre indicatif, comme vous m’aviez donné le chiffre de 1990 à 2011.

  • Aristote a écrit ::

    Le trading haute fréquence, c’est essentiellement l’automatisation de l’arbitrage, fonction utile s’il en est. C’est aussi grave que d’installer un thermostat chez vous pour réguler la température.

    On lirait, toute chose égale par ailleurs, du Montesquieu faisant l’apologie de l’esclavage. C’est assez brillant je dois dire – moi même je me suis laissé prendre, j’ai vraiment cru un instant que vous défendiez sincèrement le libéralisme 🙂

    Enfin franchement, si on ne peut plus acheter un paquet de nouilles ou de jambon sans une main tremblante, parce que travail d’enfants ou forcé ou autres conditions de travail indignes, huile de palme, additifs cancérigènes, excès de sel, de sucre, de graisse, OGM breveté, pollution éhontée etc. – à un moment donné il faut bien se poser la question du système : encourage-t-il oui ou non le cynisme et le saccage (humain et environnemental) ? Je réponds que oui, la fin/logique du système étant uniquement le maximum de profit en un minimum de temps (logique caricaturée par le trading HF, qui, contrairement au thermostat, n’a pas pour finalité de réguler quoique ce soit). Il va de soi que toute régulation est un obstacle insupportable à cette fin. Mais comme cette régulation (qui ne saurait que limiter les symptômes) s’avère nécessaire pour contrer les excès inévitables du libéralisme, cette doctrine engendre elle-même la bureaucratie qu’elle exècre. Bref, deux fléaux pour le prix d’un.

    Oui il y a un mal commis par l’homme. Mais oui, il y aussi des systèmes qui encouragent le mal, de même qu’il existe des microbes, et certains bouillons qui encouragent leur prolifération.

  • « Couvrir le Sahara de panneaux solaires »

    Pouvez-vous détailler un peu ?
    Chiffrage financier, matériel et humain, délais, contraintes de maintenance, recyclage, réparations, tout le toutim, quoi. Détail des matériaux rares à extraire, durée de vie, filières, stockage, réseaux de transport de l’énergie produite, pertes induites, je veux tout.
    Rendements énergétique et financier, financement, retour sur investissement, etc.
    Et n’oubliez pas les « externalités négatives », je vous prie.
    La science-fiction, c’est bien joli.

    Et on m’accuse d’être un doux rêveur idéaliste ?
    Je sais, il y a pire que vous ; certains parlent d’envoyer des miroirs géants dans l’espace, de couvrir la mer de paillettes d’aluminium, que sais-je encore… Toute limite doit disparaître devant notre génie, n’est-ce pas, même les limites de la raison, même les limites physiques. C’est le progrès.
    Guérir le mal par encore plus de mal. Les shadocks étaient des enfants de cœur, et père Ubu un petit joueur.

    Petit éolien domestique, maison passive, politique énergétique locale soutenue, portée et mise en oeuvre par les habitants, multiplicité de petits investissements, adaptation aux réalités climatiques locales, chauffage de l’eau dans des tubes noirs sur le toit, préférer mettre un pull (tricoté par la grand-mère avec la laine des moutons paissant sur les communaux 😉 ) plutôt que monter le chauffage, c’est-y pas des fois un peu plus simple, plus porteur de création d’emplois, plus économique, infiniment moins cher, plus responsabilisant, moins dégradant, plus facile à gérer, que votre monstre saharien, toute sa logistique, son administration, etc ?

    Uchimizu, comme le dit fort opportunément Courtlaïus, « cette doctrine engendre elle-même la bureaucratie qu’elle exècre. Bref, deux fléaux pour le prix d’un. »

  • @ Courtlaius:

    Si vous tenez absolument à charger le « système », alors il vous faut proposer un système alternatif qui ne ressorte pas de l’utopie et prenne l’humanité telle qu’elle est . Bien sûr, on peut arguer que c’est le « système » qui corrompt l’humanité et que dans un autre environnement elle révélerait des trésors de vertu. L’expérience historique n’est guère encourageante.

    La recherche exclusive du profit n’est pas un dogme de base du libéralisme.

  • La recherche immédiate du profit n’est peut-être pas un des dogmes (pourquoi dogmes ? le libéralisme est une religion, maintenant ?) du libéralisme originel. Il n’en est pas moins le moteur de l’économie financiarisée actuelle et des systèmes politiques et sociaux qui en résultent.

    (Et, mis à part tous les inconvénients cités par Malo, quelles seraient les conséquences environnementales au niveau planétaire d’une couverture du Sahara par des panneaux solaires ? )

  • PMalo a écrit ::

    Petit éolien domestique, maison passive, politique énergétique locale soutenue, portée et mise en oeuvre par les habitants, multiplicité de petits investissements, adaptation aux réalités climatiques locales, chauffage de l’eau dans des tubes noirs sur le toit, préférer mettre un pull (tricoté par la grand-mère avec la laine des moutons paissant sur les communaux 😉 ) plutôt que monter le chauffage, c’est-y pas des fois un peu plus simple, plus porteur de création d’emplois, plus économique, infiniment moins cher, plus responsabilisant, moins dégradant, plus facile à gérer, que votre monstre saharien, toute sa logistique, son administration, etc ?

    Plus économique, ça reste à prouver, à l’échelle de l’humanité… Mais peut-être, oui. En quoi est-ce contradictoire avec l’économie de marché? Les tubes noirs et les maisons passives, ça ne pousse pas tout seul, si?

  • Rapidement et en deux mots : je n’ai rien contre l’économie de marché. Comme je l’ai dit plus haut, je vais au marché 3 fois par semaine, et ça contribue à me faire vivre.
    Tant qu’elle est orientée vers le bien commun, que le profit reste un moyen et non une fin, qu’elle sert l’être humain (et non l’inverse), qu’elle est encadrée, je suis pour.
    En revanche, la société de marché, où les rapports humains se réduisent à des échanges économiques, où tout désir est exacerbé pour faire vendre, ou la personne n’est envisagée que comme producteur/consommateur, où chacun recherche son petit profit personnel, où les faibles sont broyés au nom de la Croissance, etc, non.

    Je pars pour 10 jours en pleine sauvagerie, la montagne, le vent, les arbres, avec mon petit baluchon, corne aux pied et cale aux mains ! Besoin d’air, de recul, de calme, de simplicité, de vrai…
    A bientôt ! 😉

  • lambertine a écrit ::

    La recherche immédiate du profit n’est peut-être pas un des dogmes (pourquoi dogmes ? le libéralisme est une religion, maintenant ?) du libéralisme originel. Il n’en est pas moins le moteur de l’économie financiarisée actuelle et des systèmes politiques et sociaux qui en résultent.

    Que certains acteurs économiques fonctionnent ainsi, et même beaucoup d’entre eux, peut-être. Le problème, c’est le coupable que vous désignez, « l’économie financiarisée actuelle ». Il faut avoir une vision totalement bisounours du bon temps d’avant le libéralisme pour s’imaginer que la recherche du profit à court terme en était absente. Les gouverneurs des provinces romaines avaient pour souci premier de s’enrichir, et le plus vite possible. Les grands féodaux, comme chacun sait, étaient des âmes désintéressées. Et les rois africains d’avant la colonisation étaient tous des Saint Louis !

    Oui me dira-ton, mais le fric n’était pas leur seule obsession : l’honneur, leur salut éternel étaient, au moins pour certains, aussi importants, et quelques uns étaient des saints.

    Mais prenez un Steve Jobs. Un homme qui a sa part d’ombre, c’est le moins qu’on puisse dire. Un américain, dont quelqu’un qui a certainement attaché une grande importance à sa réussite économique. Mais il serait ridicule de ramener les motivations de Jobs à la seule soif de l’argent. Je ne sais pas si Louis Gallois, dont je ne partage pas toutes les idées, est un saint, mais voilà à l’évidence un responsable de très haut niveau qui n’est pas motivé par l’argent. Gallois est très connu. Il y en a d’autres plus obscures. Moins qu’il n’y avait, au temps béni de l’avant-libéralisme, de chevaliers désintéressés ? Cela reste à prouver…

    Il est faux que la soif de l’or soit la conséquence du libéralisme, il est faux que sous le libéralisme la seule motivation des acteurs économiques soit la recherche du profit.

  • PMalo a écrit ::

    Gwynfrid : « Mais pourquoi, dans votre estimation, devrions-nous tomber en panne dans 20 ans, plutôt que toute autre échéance ? » J’ai pris 20 ans à titre indicatif, comme vous m’aviez donné le chiffre de 1990 à 2011.

    Si l’horizon du problème est à 20 ans, les solutions à apporter sont entièrement différentes de ce qu’elles seraient si l’horizon était à 2 ans, 200 ans ou 2000 ans.

    Petit éolien domestique, maison passive, […] c’est-y pas des fois un peu plus simple, plus porteur de création d’emplois, plus économique, infiniment moins cher, plus responsabilisant, moins dégradant, plus facile à gérer, que votre monstre saharien, toute sa logistique, son administration, etc ?

    Je n’ai même pas besoin d’imaginer une réponse, car il suffit, dans un authentique esprit d’économie d’énergie, de reprendre la vôtre:

    Pouvez-vous détailler un peu ? Chiffrage financier, matériel et humain, délais, contraintes de maintenance, recyclage, réparations, tout le toutim, quoi. […] Et n’oubliez pas les « externalités négatives », je vous prie.

    À YakaFocon, Yakafocon et demi, cher ami : je suis entièrement d’accord avec l’objection que vous avez faite à Uchimizu, mais ellle s’applique exactement de la même façon à toute autre proposition.

    Malgré tout, je vous sais gré d’avoir finalement admis que vous n’aviez pas toutes les réponses pour le Bangladesh, et je vous souhaite de bonnes vacances !

    Aristote a écrit ::

    Il est faux que la soif de l’or soit la conséquence du libéralisme, il est faux que sous le libéralisme la seule motivation des acteurs économiques soit la recherche du profit.

    +1. En s’étripant sur les aspects idéologiques, à grands coups de concepts généraux élevés au rang de boucs émissaires (« même si ce système n’était pas physiquement condamné, cela n’enlèverait rien au fait qu’il est par essence moralement condamnable »), on obtient beaucoup de confort intellectuel mais très peu de résultats pratiques.

  • PMalo a écrit ::

    Uchimizu, vous représentez parfaitement ce que je réfute.

    Bonsoir,

    je pense que notre affection mutuelle est réciproque. C’est peut-être ma culture d’ingénieur. C’est peut-être ma foi dans la capacité du génie humain à réaliser des prouesses. Tout n’est évidemment pas possible, et oui, il faut faire attention à toutes les conséquences, mais je crois profondément que nous sommes capables de construire un monde durable qui offrira à toute la population des conditions de vie décente.

    Ce qui me rassure, c’est que dans un monde multi-polaire, même si les chrétiens ont une poussée d’inquisition technologique rétrograde (et on n’en est pas très loin quand dans certains états aux US, on n’enseigne plus la théorie de l’évolution), d’autres reprendront le flambeau, en particulier, mais pas seulement en Extrême Orient. Vous deviendrez alors leurs esclaves. Vae Victis.

  • PMalo a écrit ::

    Petit éolien domestique, maison passive, politique énergétique locale soutenue, portée et mise en oeuvre par les habitants, multiplicité de petits investissements, adaptation aux réalités climatiques locales, chauffage de l’eau dans des tubes noirs sur le toit, préférer mettre un pull (tricoté par la grand-mère avec la laine des moutons paissant sur les communaux ) plutôt que monter le chauffage, c’est-y pas des fois un peu plus simple, plus porteur de création d’emplois, plus économique, infiniment moins cher, plus responsabilisant, moins dégradant, plus facile à gérer, que votre monstre saharien, toute sa logistique, son administration, etc ?

    Bonsoir,

    l’industrie artisanale, les chinois ont essayé pendant la révolution culturelle. Cela ne marche souvent pas très bien. Les économies d’échelles ont du bon pour simplifier la maintenance, augmenter l’efficacité… Je suis assez insensible à votre envolée romantique sur l’auto-gestion, qui, c’est la triste réalité, est profondément ennuyeuse pour une grande partie de la population (c’est pour cela que les kibboutz se dépeuplent en Israel).

    Pour le reste, évidemment, je n’ai pas le chiffrage précis de l’installation des panneaux solaires au Sahara (ou de parcs éoliens massifs en mer du nord). Je sais qu’une des technologies manquantes est l’efficacité du transport de l’énergie, mais je crois que des progrès très intéressants sont en cours dans ces domaines. Il y aura quelques externalités, mais si vous connaissez le Sahara, ce n’est pas très peuplé, et même pas beau partout. On peut à mon avis convertir quelques dizaines de millier de kilomètres carrés sans déranger personne.

  • Tu raisonnes en supposant que ce que fait Gap est mal. Tu raisonnes en supposant que Gap nuit aux bangladais qui lui vendent des vêtements. Je ne crois pas que ce soit vrai. Je crois que le contraire est vrai. Je crois que les ouvriers bangladais bénéficient de leur interaction avec Gap. Je crois que Gap, et plus généralement l’industrie textile, et plus généralement l’ouverture du pays au commerce international sont les principaux responsables de la diminution spectaculaire de la pauvreté au Bangladesh.

    Depuis le milieu des années 70, la mortalité infantile a été divisée par 3, la population a triplé, la fécondité a été divisée par 3, le revenu moyen a quintuplé. L’espérance de vie atteint aujourd’hui 70 ans.

    Le Bangladesh, comme les autres pays en développement, comme l’occident avant eux, s’enrichit par le travail, l’investissement et l’échange librement consenti. Ca a marché pour nous, pour les autres pays occidentaux, pour le Japon, pour la Corée. Ca marche pour la Chine pour l’Inde, pour le Brésil, pour la Russie et les autres pays d’Europe de l’Est. Ca marche spectaculairement pour le Chili quand l’Argentine voisine s’enfonce dans la misère sous l’effet de ses mesures hostiles au commerce. Ca ne marche pas à Cuba, qui est « protégé » contre la mondialisation par le blocus US. Ca ne marche pas en Afrique sub-saharienne, région très peu exposée au commerce international.

    Tu emploies des mots extrêmement lourds, à mauvais escient, qui obscurcissent le jugement.

    Esclavage. Un esclave est la propriété d’un autre homme. Rien à voir avec la situation des Bangladais. Le fléau de l’esclavage a été aboli dans les pays occidentaux bientôt imités par la plupart des pays du monde. Mais il subsiste encore dans certaines régions. Employer le terme esclavage pour décrire autre chose s’assimile au point Godwin.

    Exploitation. Exploiter quelqu’un c’est tirer de lui un avantage à ses dépens. Pourtant les Bangladais bénéficient spectaculairement de l’industrie textile depuis des décennies. Exploiter quelqu’un ne peut se faire que sous la contrainte. Pourtant personne ici ne parle de travail forcé. Si la population urbaine au Bangladesh a triplé en 30 ans, ce n’est pas à la pointe des baïonnettes. Les paysans ont volontairement quitté leurs champs pour aller travailler à l’usine. Parce que c’est mieux pour eux. Tout comme les Européens avant eux.

    Bien sûr Gap tire aussi un profit de son business avec les Bangladais. Et alors? C’est mal? Pourquoi? Dès lors que c’est librement consenti? Dès lors que c’est mutuellement profitable?

    Ah mais les Bangladais sont pauvres, il ne faut pas gagner d’argent en travaillant avec eux. Et pourquoi donc? Toi tu es riche et tu peux essayer de gagner ta vie en rendant le meilleur service possible à tes clients. C’est d’ailleurs la seule façon à la fois pérenne et morale de gagner sa vie en société. Mais un Bangladais en serait privé? Salaud de pauvre!

    Ah mais les industriels occidentaux se font des couilles en or sur le travail des Bangladais? Si c’était vrai, ce serait une excellente nouvelle pour les Bangladais, ça signifierait que cet eldorado va attirer encore plus d’industriels, créer encore plus d’emplois, augmenter encore plus vite les salaires. Malheureusement, c’est un peu enjolivé. Un teeshirt vendu 15€ est acheté 30 centimes au Bangladesh dis-tu. Les comptes de Gap sont publics, sur ce teeshirt à 15€, Gap dégage un profit d’1€. Pour Carrefour, le profit sur un tel teeshirt s’élève à 20 centimes. Eh oui, il y a des coûts : loyer, énergie, personnel, transport, taxes, beaucoup de taxes.

    Je me suis livré à un petit calcul très grossier. Sur les 15€ que paie un client qui achète un teeshirt chez Carrefour, 30 centimes vont aux producteurs Bangladais, 60 centimes aux salariés de Carrefour, 20 centimes vont dans les profits de Carrefour et… 6€ vont à l’Etat sous forme de prélèvements obligatoires (essentiellement TVA et charges sociales). Salaud de Carrefour qui exploite les Bangladais.

    Beaucoup de gens sont morts ou blessés dans cette catastrophe. L’émotion légitime engendrée par la médiatisation de ce drame ne doit pas nous amener à désigner des boucs émissaires. Tout à l’heure j’ai fait appel à un coursier. Le gars a traversé Paris sur son scooter pour livrer une lettre de ma part. C’est dangereux, il aurait pu avoir un accident, se blesser gravement ou être tué. Si c’était arrivé, aurait-ce été de ma faute?

    Autre façon de voir. Il y a en France environ 500 décès par an dus à un accident du travail. 500 destins brisés, 500 familles en deuil. Ce chiffre est en diminution lente mais régulière. Pourquoi n’essayons nous pas de le ramener à 50 dès l’an prochain? Parce que nous tolérons ce chiffre de 500 et que les efforts nécessaires pour le diviser par 10 à court terme seraient exorbitants et contreproductifs.

    Les Bangladais sont les principaux intéressés par les risques industriels au Bangladesh. Le positionnement du curseur leur appartient. On peut proposer notre aide, si on le souhaite.

    Mais souhaite-t-on vraiment aider? On ne dirait pas. Toute cette agitation a une nouvelle fois fait perdre de vue l’essentiel. La frénésie à taper sur le bouc émissaire nous fait oublier d’aider.

    Que faire? demandes-tu. Comme toujours, ça dépend des objectifs escomptés. L’objectif, c’est d’aider ou de taper?

    Car si c’est d’aider qu’il s’agit, on peut lever de fonds pour les victimes et leurs familles, ou pour financer un hôpital ou une école. Si on veut être plus spécifique par rapport à la catastrophe qui a marqué les esprits, on peut monter un service gratuit d’audit immobilier, former les architectes à des méthodes de construction plus solides et efficaces, améliorer les matériaux de construction. On peut travailler avec les parties prenantes : industriels locaux, ouvriers, pouvoirs publics, clients occidentaux pour étudier les pistes d’amélioration et proposer de l’aide et du financement. Tout le monde est demandeur, personne n’est content de voir un atelier s’effondrer.

    C’est fondamentalement cela qui me déplaît dans cette démarche et ce billet. On a choisi le conflit. On a choisi de taper sur le salaud ontologique plutôt que d’aider ceux qui en ont besoin. Le fait que le procès fait aux clients occidentaux soit injuste est presque secondaire. Seraient-ils effectivement des salauds, cela ne justifierait pas d’oublier d’aider.

    Soeur Emmanuelle ne faisait pas circuler des pétitions contre Moubarak, elle aidait les pauvres. Gap est-il pire que Moubarak ou sommes-nous meilleurs que soeur Emmanuelle?

  • Lib a écrit ::

    Les Bangladais sont les principaux intéressés par les risques industriels au Bangladesh. Le positionnement du curseur leur appartient.

    Oui. Mais.

    C’est un peu comme le paradoxe du marché : pour qu’il soit efficace, il faut des arbitragistes qui fonctionnent avec l’idée que le marché n’est pas totalement efficace.

    La pression des clients des grandes chaînes sur celles-ci fait partie des facteurs qui évitent au dit curseur de rester désespérément bloqué.

  • Lib a écrit ::

    Sur les 15€ que paie un client qui achète un teeshirt chez Carrefour, 30 centimes vont aux producteurs Bangladais, 60 centimes aux salariés de Carrefour, 20 centimes vont dans les profits de Carrefour et… 6€ vont à l’Etat sous forme de prélèvements obligatoires (essentiellement TVA et charges sociales). Salaud de Carrefour qui exploite les Bangladais.

    Ah, je me demandais comment évaluer ça, merci. Tu as trouvé l’info dans les rapports annuels de Gap et Carrefour ?

    Autre façon de voir. Il y a en France environ 500 décès par an dus à un accident du travail. 500 destins brisés, 500 familles en deuil. Ce chiffre est en diminution lente mais régulière. Pourquoi n’essayons nous pas de le ramener à 50 dès l’an prochain? Parce que nous tolérons ce chiffre de 500 et que les efforts nécessaires pour le diviser par 10 à court terme seraient exorbitants et contreproductifs.

    C’est vrai, mais c’est parce que nous avons déjà fait les efforts nécessaires pour les ramener à ce niveau-là. Cela résulte de tout un tas de réglementations coûteuses dont les employeurs ne manquent pas de souligner la lourdeur. Si nous considérons que la vie d’un Bangladais ne vaut pas moins que celle d’un Français, il est légitime de demander que les décideurs (c’est-à-dire pour une grande part, les donneurs d’ordres comme Gap) fassent la même démarche là-bas.

    Les Bangladais sont les principaux intéressés par les risques industriels au Bangladesh. Le positionnement du curseur leur appartient.

    Ce serait vrai si le Bangladesh était un État de droit, avec une loi respectée au même niveau que chez nous: alors on pourrait dire que le problème est de leur responsabilité et que le fonctionnement libre du marché finira par le résoudre. Il se trouve malheureusement que ce n’est pas le cas, et cela explique bien des choses.

  • Gwynfrid a écrit ::

    Ah, je me demandais comment évaluer ça, merci. Tu as trouvé l’info dans les rapports annuels de Gap et Carrefour ?

    C’est très grossier, je l’ai dit. Pour le profit, j’ai ramené le taux de profit net au chiffre d’affaires HT (1,2/77=1,5% de profit net). Sur un teeshirt à 15€ TTC soit 12,50 HT ça fait 20 centimes. Maintenant peut-être que Carrefour marge plus (ou moins) sur les teeshirts que sur les boîtes de petits pois ou les couches culottes. Je n’en sais rien, mais ça donne un ordre de grandeur sur le taux moyen de profit de l’enseigne.

    Pour la part des salariés Carrefour, j’ai trouvé qq part que les salaires chargés représentent 10% du CA chez Carrefour. La moitié du salaire chargé est composé de charges sociales, il reste 5% pour les salariés, soit 60 centimes.

    Pour les prélèvements obligatoires, c’est plus difficile car l’Etat prélève sur toute la chaîne de valeur. Mais quand les PO représentent 45% du PIB, t’as vite fait d’atteindre 6€ sur un teeshirt à 15€. C’est peut-être 5,50€, c’est peut-être 7€, c’est pas 3€.

    Gwynfrid a écrit ::

    Ce serait vrai si le Bangladesh était un État de droit, avec une loi respectée au même niveau que chez nous: alors on pourrait dire que le problème est de leur responsabilité et que le fonctionnement libre du marché finira par le résoudre. Il se trouve malheureusement que ce n’est pas le cas, et cela explique bien des choses.

    Tu fais ici l’hypothèse implicite que le progrès social vient des lois sociales. C’est une hypothèse très répandue mais je ne suis pas sûr qu’elle soit vraie. En fait tu me connais, je suis plutôt persuadé qu’elle est fausse. Car si elle est vraie, comment expliquer qu’un pays doté d’un gouvernement encore plus corrompu que le nôtre, et ne bénéficiant aucunement de ces syndicats que le monde nous envie a vu en 30 ans son salaire moyen tripler quand le nôtre n’a augmenté que de 50%? Comment expliquer alors que la part de la en dessous du seuil de pauvreté soit passé en 20 ans de 56% à 31%?

    Un coiffeur à Paris prend 25€, à Bamako c’est 2€ pour la même prestation. Pourtant le prix de la coupe n’est pas régulé à Paris (à ma connaissance) et il n’y a pas de loi ou de syndicat qui impose un prix minimum pour la coupe de cheveux. La raison pour laquelle les prix sont différents est très simple. Les Parisiens sont prêts à payer 25€ et personne n’accepte de couper les cheveux pour 2€.

    C’est pareil au Bangladesh. Les salaires montent (beaucoup plus vite qu’en France) parce que les gens ne veulent plus travailler pour les mêmes salaires. Ils ne veulent plus travailler pour les mêmes salaires parce qu’ils ont de meilleures opportunités. C’est pareil avec la sécurité.

    Avoir des locaux qui ne s’effondrent pas est bon pour tout le monde. La seule difficulté est le coût.

    Choisir pour les Bangladais où placer le curseur coût/sécurité : non. Les aider à réduire ce coût ou en prendre une part à notre charge : oui.

  • Lib a écrit ::

    Pour les prélèvements obligatoires, c’est plus difficile car l’Etat prélève sur toute la chaîne de valeur. Mais quand les PO représentent 45% du PIB, t’as vite fait d’atteindre 6€ sur un teeshirt à 15€. C’est peut-être 5,50€, c’est peut-être 7€, c’est pas 3€.

    Le raisonnement est valable, les ordres de grandeur ne sont pas très faciles à évaluer. Pour Carrefour encore moins puisqu’ils vendent énormément de produits différents. Gap est probablement plus représentatif de la situation. D’après leur rapport 2012, sur un CA de 15 milliards, ils ont 40% de marge brute (donc 60% de coût produit) et 7% de bénéfice net soit 0.87 euro sur un vêtement à 12.50 HT.

    Par ailleurs, on a trouvé des documents qui indiquent que le prix payé à l’entreprise bangladaise est de l’ordre de 10% à 15% du prix final. Le rapprochement entre ces chiffres n’est pas facile: 60% de coût produit dont seulement 10% payé au producteur au Bangladesh, ça laisse encore beaucoup de coûts que je ne sais pas expliquer (transport ? pertes sur invendus?). Mais ta conclusion est valable: les Gap et autres Carrefour ne font pas un profit anormal (ce serait étonnant, d’ailleurs, vu l’intensité de la concurrence entre eux). On peut se poser la question, par contre, pour les entrepreneurs du Bangladesh.

    Tu fais ici l’hypothèse implicite que le progrès social vient des lois sociales.

    Pas du tout. Je fais l’hypothèse que le marché ne fonctionne correctement qu’en présence de l’état de droit. La loi qui impose d’évacuer un bâtiment instable n’est pas une loi sociale, c’est une loi de sécurité publique. Elle a été contournée parce que, quelque part, un décideur a estimé que son intérêt était de prendre le risque de l’effondrement, et que, en raison de la corruption, personne n’a pu contrer cette décision illégale.

    Car si elle est vraie, comment expliquer qu’un pays doté d’un gouvernement encore plus corrompu que le nôtre, et ne bénéficiant aucunement de ces syndicats que le monde nous envie a vu en 30 ans son salaire moyen tripler quand le nôtre n’a augmenté que de 50%?

    Il ne s’agit pas du salaire moyen mais du PIB par habitant. Il a augmenté parce que la productivité a augmenté – moins chez nous, où elle est déjà très élevée, qu’au Bangladesh. Rien ne dit que leur salaire moyen a augmenté dans les mêmes proportions. Certes, le niveau de vie s’est élevé énormément, comme on peut le voir au travers des autres facteurs (mortalité infantile, espérance de vie, etc). Mais en présence d’une forte corruption, il est probable que la répartition des bénéfices de la productivité soit rien moins qu’équitable.

    Choisir pour les Bangladais où placer le curseur coût/sécurité : non

    Tu pars de l’hypothèse que ce sont les Bangladais qui choisissent librement la position du curseur. Je pense qu’elle est largement fausse. Pour améliorer cela, il faut des institutions plus démocratiques – des syndicats libres, par exemple. Faire pression en ce sens, au travers des Gap et consorts, est à notre portée, en tant que clients finaux.

  • « Je me suis livré à un petit calcul très grossier. Sur les 15€ que paie un client qui achète un teeshirt chez Carrefour, 30 centimes vont aux producteurs Bangladais, 60 centimes aux salariés de Carrefour, 20 centimes vont dans les profits de Carrefour et… 6€ vont à l’Etat sous forme de prélèvements obligatoires (essentiellement TVA et charges sociales). Salaud de Carrefour qui exploite les Bangladais. »

    Ca fait 7€10.
    Où vont les 7€90 restants ?

  • Gwynfrid a écrit ::

    Je fais l’hypothèse que le marché ne fonctionne correctement qu’en présence de l’état de droit.

    Heureusement que non, car l’état de droit est rare (de plus en plus rare?). Il n’y a pas d’état de droit en Chine et pourtant il y a du progrès social, la pauvreté diminue de façon drastique, une classe moyenne massive est en train d’émerger.

    Les conditions minimales pour que la prospérité vienne sont très largement inférieures à ce qui caractérise l’état de droit, fort heureusement. Il faut une sécurité globale et un respect général du droit de propriété (qui peut souffrir pas mal d’exceptions). Ces conditions sont réunies en Asie et pas en Afrique.

    L’état de droit, l’égalité des droits, la liberté d’expression toutes ces choses sont secondaires au deux sens du terme. Secondaire parce qu’on peut s’en passer pour améliorer le sort des plus pauvres. Secondaire parce que ça vient historiquement après la prospérité.

    Gwynfrid a écrit ::

    La loi qui impose d’évacuer un bâtiment instable n’est pas une loi sociale, c’est une loi de sécurité publique. Elle a été contournée parce que, quelque part, un décideur a estimé que son intérêt était de prendre le risque de l’effondrement, et que, en raison de la corruption, personne n’a pu contrer cette décision illégale.

    Une telle loi a peu à voir avec l’état de droit. Elle peut exister en dictature et être présente en démocratie. Pareil pour la corruption. La catastrophe de Courrières en 1906 a eu lieu dans un pays démocratique. Il y a aujourd’hui des immeubles vétustes à Paris qui brûlent ou s’effondrent en tuant des habitants. Pourtant on a le code immobilier le plus dense de la terre PLUS Cécile Duflot.

    Tu peux avoir toutes les lois que tu veux, si des gens sont prêts à prendre le risque de vivre dans un immeuble branlant, elles seront contournées. Et la propension à prendre ce genre de risque est directement liée à la pauvreté. La meilleure façon d’améliorer la sécurité est donc de réduire la pauvreté.

    Gwynfrid a écrit ::

    Certes, le niveau de vie s’est élevé énormément, comme on peut le voir au travers des autres facteurs (mortalité infantile, espérance de vie, etc). Mais en présence d’une forte corruption, il est probable que la répartition des bénéfices de la productivité soit rien moins qu’équitable.

    Peut-être, peut-être pas. Apparemment, on a deux modèles de développement. Le modèle bangladais qui améliore énormément le sort des pauvres et permet à certains de s’enrichir massivement. Et le modèle malien qui laisse les pauvres dans la misère et permet à certains de s’enrichir. Je ne crois pas qu’il y en ait un 3e. Je n’ai connaissance d’aucun pays qui se soit développé sans commerce, sans enrichissement fort de certains.

    lambertine a écrit ::

    Ca fait 7€10. Où vont les 7€90 restants ?

    Bonne question. Que ne se posent pas les associations qui montrent du doigt les méchantes marques occidentales. Elles n’y ont pas intérêt, focaliser l’attention sur les 30 centimes de l’ouvrière bangladaise a le double intérêt d’être lacrymogène et de suggérer que le reste va dans la poche de Gap.

    Analyser toute la chaîne de valeur est long et complexe. Mais on peut avoir des idées générales. En amont de la confection, il y a le tissage, le filage, la récolte du coton. Ce sont des gens qui travaillent, qui utilisent des équipements qu’il faut payer. Gwynfrid nous dit que le prix payé à l’usine de confection bangladaise est d’environ 2€. Ca paye tous ces gens-là et leurs employeurs. Gap achète ce teeshirt 7,50€. Entre les deux, il y a le transport jusqu’au port, puis le passage sur porte-containers, toute la manutention, le stockage, contrôle qualité, logistique, la perte de marchandise, les assurances, les comptables… Et à chacune des étapes, une répartition entre coût d’achat (énergie, équipement, immobilier), salaires, impôts et profits de l’entreprise.

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