Une Journée de la Dignité de Toute Vie

Instaurer une prétendue « journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité » le 2 novembre est une détestable provocation manipulatoire de l’ADMD. Le choix de ce jour, lendemain de la fête de la Toussaint, fête d’une foi qui refuse l’euthanasie, Jour des Morts, jour symbolique entre tant de jours, journée véritablement mondiale pour le souvenir, n’est évidemment pas le choix innocent que prétend Jean-Luc Romero. C’est une autre manifestation de la stratégie, agressive, de coups permanents développée par une association rompue à la dialectique.

Faut-il revenir[1] sur le nom même de cette association, qui relève de la tromperie manifeste ? Le seul fait de ne pas pouvoir annoncer le véritable objet de l’association et de cette journée – la légalisation de l’euthanasie – n’éclaire-t-il pas déjà la stratégie employée ?

Faut-il aussi revenir sur leur habitude d’instrumentaliser des cas personnels, technique identifiée de story-telling ? Faut-il souligner que leurs deux dernières tentatives sont les parfaits contre-exemples de leurs revendications, entre Rémy Salvat, fils d’une mère qui dès la prime adolescence lui a fait comprendre que sa vie ne valait pas la peine, et Chantal Sébire, dont on a appris qu’elle ne s’est trouvée dans la situation que l’on connaît que parce qu’elle refusait les soins que l’on pouvait lui fournir, qu’elle refusait le suicide, et exigeait que la société entérine solennellement ses choix personnels ?

Faut-il rappeler que l’avocat de Chantal Sébire lui-même a quitté l’association pour marquer son refus de militer pour le suicide assisté (puisque l’association a pris ce tournant) ? Au demeurant, n’est-il pas extrêmement révélateur que, derrière le flou de son intitulé, l’ADMD ait pu passer de la légalisation de l’euthanasie à celui du suicide assisté ? Lorsque l’on évoque, sur ce blog ou ailleurs, les dérives potentielles, au travers des exemples belges, hollandais ou suisses, ne faut-il pas déjà souligner la dérive bien réelle, bien visible, de l’ADMD elle-même ? Pourrait-elle préciser jusqu’où va, pour elle, le « droit de mourir dans la dignité » ? Après le suicide assisté, dont on n’imaginait même pas, il y a peu, qu’il puisse être revendiqué, à quelle revendication l’ADMD élargira-t-elle son action ? On a vu qu’en Hollande, on applique l’euthanasie aux « déments » et aux enfants, et qu’on y réfléchit en Belgique…

L’ADMD choisit donc ce jour précis pour instaurer une journée prétendument mondiale pour la légalisation de l’euthanasie. Déjà irrespectueux des solutions démocratiquement apportées, puisqu’elle n’aura de cesse de « relancer le débat » tant qu’il n’aura pas apporté la solution qu’elle attend, faut-il comprendre qu’elle entend déborder un cadre national qui a élaboré une « voie française » qui ne lui donne pas satisfaction ?

Bref, comme le souligne parfaitement le Cardinal Barbarin, l’ADMD va faire d’une journée de paix et de recueillement une journée de polémique. On peut, déjà, douter que cela soit si favorable à leur cause. Nombreux sont ceux qui se sentiront blessés. Au-delà, le manque de sérénité de l’ADMD, et son audace à troubler celle des autres, ne seront pas forcément portés à son crédit.

Faut-il pour autant le déplorer, ou en tirer un utile parti ? Cela ne durera qu’un temps.

Parce que la Toussaint et le Jour des Morts suscitent apparemment la « convoitise », il y eut en effet aussi l’épisode Halloween. Cela a duré un temps, temps que l’Eglise a mis à profit pour remettre en valeur le sens de la Toussaint. A Halloween a, notamment, répondu Holy Wins, à l’audience peut-être relative mais au retentissement notable.

Alors, puisque l’Eglise est dans le collimateur, là aussi, il lui faudra apporter la bonne réponse. Je ne serais pas autrement surpris que l’ADMD espère que la réaction de l’Eglise serve d’épouvantail, façon de résumer le refus de l’euthanasie et du suicide assisté à une position exclusivement religieuse. Alors, pourquoi ne pas suivre l’exemple de l’ADMD, et réunir l’ensemble des opposants à l’euthanasie et au suicide assisté, ceux qui refusent la logique de l’ADMD, à l’image des six médecins (dont Didier Sicard) qui ont publié un appel à développer les soins palliatifs ?

Pourquoi ne pas suivre cet appel opportun à la dignité et affirmer les convictions de l’Eglise, celle du droit de mourir dans la dignité, le droit de bénéficier de l’écoute, de l’attention et des soins nécessaires jusqu’au moment ultime de la mort ?

Plutôt que se limiter à la réplique, pourquoi ne pas vivre une Journée (cosmique ?) de la Dignité de Toute Vie ? Parce que le 2 novembre est d’ores et déjà porteur d’un sens, pourquoi ne pas mettre à profit la Toussaint et rappeler, par un éloquent contraste, que toute personne est digne, quel que soit son état ? Que l’indignité commence dans le regard de l’autre ? Rappeler que le seul progrès qui vaille, que la « démarche de sens » réside dans la volonté acharnée de chacun à vaincre la douleur, la honte, le sentiment d’inutilité et la crainte d’encombrer du malade en fin de vie ?! Que l’espoir, l’idéal résident non dans la faculté d’abréger la vie, mais dans la capacité de toutes les magnifier ! Et que la véritable ambition, l’humanisme véritable sont là ?

  1. voir à cet égard l’ensemble des billets publiés sous les tags adéquats []

82 commentaires

  • « rappeler, par un éloquent contraste, que toute personne est digne, quel que soit son état ? Que l’indignité commence dans le regard de l’autre ? »

    C’est exactement ça. On peut en dire de même pour tout ce qui est eugénisme et rejet des handicapés.

    Joli billet. Demain, je penserai très fort aux morts de ma famille, qu’ils aient souffert ou non. ET j’essaierai de sortir de ma tête ces provocateurs « indignes ».

  • Pingback: Jour des Morts : la provocation de l’ADMD « Pensées d’outre-politique

  • Je suis totalement d’accord pour trouver les méthodes de l’ADMD absolument répugnantes, et clairement se servir du jour des Morts pour prôner le suicide assisté est d’un mauvais goût indicible.

    Par contre, je trouve que vous évacuez un peu vite la question de l’euthanasie au prétexte que l’ADMD fait n’importe quoi.

    Alors je tiens juste à rectifier une chose : les soins palliatifs, c’est bien, maintenant quand t’as un cancer généralisé, que la morphine/kétamine ne soulage plus des douleurs monstrueuses, que tu passes ton temps à te chier/pisser dessus ou à avoir des veines/artères qui claquent et que tu sais qu’il te reste 1 mois à vivre comme ça, en général t’es plutôt heureux de partir, que ce soit par absence de soins suite à la rupture d’une artère ou tout simplement parce que de nombreux médecins comprennent cette souffrance et prennent l’immense responsabilité d’abréger une vie qu’on ne peut plus supporter. Dire que tout dépend du regard des autres, c’est un peu se foutre de la gueule du monde, parce que c’est juste faux.

    L’euthanasie, elle est pratiquée quotidiennement dans les hôpitaux français, parce qu’il est plus facile de vouloir laisser souffrir les gens jusqu’à leur mort clinique – y compris contre leur propre volonté – depuis son fauteuil que quand vous bossez dans un service de cancéro.

    Alors, certes l’ADMD défend très mal l’euthanasie, certes le suicide assisté me semble être inadmissible, certes Chantale Sébire est un parfait contre-exemple, certes votre foi catholique vous interdit de pouvoir envisager d’abréger les souffrances de votre prochain – ou les vôtres – , maintenant je vous prierais de ne pas évacuer en deux-temps trois mouvements la perspective que beaucoup de gens veulent abréger leurs souffrances vers la fin pour des motifs plus que respectables. Merci pour eux.

  • Par ailleurs, faut vraiment être catholique pour trouver que vaincre sa douleur soit capital au seuil de la mort. Essayez de sortir deux minutes de vos petites cases, « magnifier sa souffrance finale », c’est peut-être beau quand vous avez la certitude d’un après où ces souffrances seront récompensées.

    Quand vous n’êtes pas croyant, laissez-moi vous dire que « magnifier mes derniers jours de vie » si je suis en train de crever en souffrant le martyr, je m’en tamponne le coquillard. Je préfère partir un mois plus tôt avec la satisfaction d’avoir mené une vie qui avait un sens, plutôt que d’attendre lentement la mort et la souffrance pour lui en donner.

  • Moktarama, je « n’évacue » pas la question de l’euthanasie. Vous pouvez consulter l’ensemble des billets que j’ai consacré depuis 3 ans à ce sujet en cliquant sur les tags correspondants (en bas de l’article). Par ailleurs, je n’ignore pas ce que peut être une fin de vie, avec tous les aspects que vous mentionnez, et d’autres que vous n’avez pas mentionnés. Mais le sujet de ce billet est moins l’euthanasie que l’initiative de l’ADMD.

    Par ailleurs, je n’ai pas parlé de « magnifier la douleur » mais de magnifier toute vie. Même si je n’exclue pas ce qui apparemment est une voie pour certains, je ne suis pas encore de ceux qui affirment « offrir leur souffrance ». Et je suis encore moins de ceux qui, n’étant pas concernés, auraient le mauvais goût de le conseiller aux autres.

  • merci Koz d’avoir répondu à mon indignation postée sous votre billet « suicide assisté » avec ce billet.

    Ci dessous ce que j’écrivais ce matin:

    L’ADMD a choisi cette période de Toussaint et de fêtes des morts pour reprendre son combat acharné pour le fait de “mourir dans la dignité”
    De nombreux articles, notamment dans le figaro (un des rares journaux que j’arrive encore à lire sans avoir de boutons et encore, ça dépend des jours) font état de ce nouveau débat.
    On y apprend ainsi que quelques députés UMP (25) soutiennent cette “association”. On y apprend aussi que :

    Laurent Fabius, député PS de Seine-Maritime, ancien premier ministre a déclaré vouloir présenter d’ici à six mois une proposition de loi «pour le droit à mourir dans la dignité», une expression qu’il préfère à celle d’euthanasie dans ce «difficile combat où les mots ont un grand poids». Cette proposition de loi, instaurant un droit dans des conditions strictes à «une assistance médicalisée pour mourir» , serait soutenue par «l’immense majorité du groupe PS», a-t-il avancé.

    Reste à trouver des soignants prêts à passer outre le “primum non nocere” sur lequel ils ont prêté serment lors de la remise de leur diplôme!

    Sur ce même journal du net, un article tellement réconfortant de L’archevêque de Lyon Barbarin.

    Ma conviction est que la dignité de la vie humaine transcende toutes les circonstances et les conditions de notre existence ; il est heureux que le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme l’affirme clairement. Plus loin, ce texte dit aussi qu’il faut se battre pour que chacun puisse vivre dans des conditions dignes.Il est clair que la mort n’est pas une condition de la vie, mais sa fin ! Tout le monde admire Mère Teresa, qui a recueilli et pris soin de personnes abandonnées dans les rues, pour leur permettre de «mourir dans la dignité». Cette expression devient un piège ou une tromperie si elle entend déterminer quelles sont les conditions d’une vie digne et obtenir, par la loi, le droit de donner la mort à ceux dont on juge qu’ils sont sortis de ce cadre.

    Il me semble important de noter l’avancée considérable de ce lobbying pro euthanasie au niveau politique, puisque, comme l’indique l’article, L Fabius semble vouloir proposer une loi allant dans ce sens et que

    Henriette Martinez a également préparé un texte en ce sens, après une première tentative infructueuse en février 2004. La députée, qui se sent «isolée dans son camp», dit bénéficier du soutien de 25 cosignataires issus des rangs de l’UMP. Hier, devant un parterre enthousiaste de militants de l’ADMD, les deux parlementaires ont décidé d’unir leurs forces et de passer outre les clivages politiques pour dépénaliser l’aide active à mourir.

    j’ai signé en son temps l’appel à développer les SP, comme nombre de soignants investis dans cette démarche.

    Et le dogmatisme de l’ADMD me fait trembler. Serions nous sur le point de basculer vers une société qui viserait à éliminer tout être considéré comme indigne de vivre, indigne de faire partie de la dite société…
    Quels en seraient les critères?
    Koz reprend les dérives vues dans certains pays.
    Ne posent elles pas question?

  • C’est reparti pour un tour …
    Il me semble qu’on avait conclu la dernière fois que :

    1) toute la question était de savoir qui pouvait décider de ce qui était « digne » ou « indigne »,

    2) les partisans de l’euthanasie voulaient laisser cela du strict ressort de chacun,

    3) les anti-enthanasie craignaient qu’alors une « dérive sociétale » s’instaure, qui tendrait justement à instiller dans l’esprit de chacun des critères d’indignité tournant quasiment à l’eugénisme.

    Tout est dit, non ?

  • Je viens de lire les derniers coms (Moktarama).

    Oui, certains cas posent problème.
    Mais n’oubliez pas la démarche de « décision éthique » qui – en principe- doit être faite dans tout service de soins palliatifs.
    Cette démarche éthique, permet de poser tous les problèmes et difficultés sur la table et de décider en connaissance de cause, tout en sachant que l’on peut traiter la douleur dans 98% des cas (les quelques cas restants étant traités par un hypnotique) et que les soins de confort sont TOUJOURS pratiqués.
    Et en sachant que cette décision n’aboutit jamais à une euthanasie.

    Ce sont de drôles de services de soins palliatifs que vous décrivez!
    Donnez moi les adresses afin que je puisse écrire dans mes décisions anticipées que je refuse de m’y faire hospitaliser!

    J’ai été outrée, comme Koz et le Chafouin, ce matin, en lisant les infos de ce que l’ADMD a utilisé le jour des morts comme accroche à son lobbying et que ceci ait été repris par certains hommes et femmes politiques.
    Ce qui est un autre aspect des agissements de cette drôle d’association, qui, de plus, ne respecte pas le nombre considérable de français pour qui la Toussaint est autre chose que le rappel de la souffrance de leurs morts (heureusement que nous ne mourrons pas tous dans d’atroces souffrances!), mais plutôt des souvenirs précieux.

  • En apprenant l’initiative de l’ADMD, je me suis demandé pourquoi cela n’avait pas été tenté avant. comment se fait-il qu’aucune autre entreprise médiatique n’ait eu l’idée d’une telle provocation. Cette gentille fête familiale et triste qui ne demandait rien à personne, comment se fait-il qu’elle n’ait pas déjà servi de support de communication à un quelconque lobby progressiste. qu’est-ce qui va arriver à Noel et à Paques. à quel « débat d’idée » à quelles polémiques vont-elles être utilisées ?

    Ce ne sont pas les thèses de l’ADMD qui me répugnent(on peut discuter) c’est la bonne conscience militante avec laquelle ils essayent de s’immiscer dans un instant de répit.

  • C’est vrai qu’à ce sujet, vous êtes de plus en plus dur, et d’une intolérance forte…

    Songer jusqu’à monter des « commandos » anti ce que vous n’appréciez pas, c’est fort !!!

    Je vous cite : « pourquoi ne pas suivre l’exemple de l’ADMD, et réunir l’ensemble des opposants à l’euthanasie et au suicide assisté, ceux qui refusent la logique de l’ADMD »

    Si je ne connais pas bien l’admd, il me semble quand même certain qu’ils ne revendiquent pas pour ceux qui ne veulent pas !!

    Tandis que vous voulez la même chose pour tout le monde…

    En quelques sortes, mon bonheur malgré moi…

    Mais soit ! réunissez-vous si le cœur vous en dit.

    Vous dites aussi : « Déjà irrespectueux des solutions démocratiquement apportées »

    Pas d’accord !!

    Il y a un respect pour ces solutions. Il n’est pas question de les remplacer puisqu’elles satisfont certains. Mais il est question de diversifier les réponses pour satisfaire chacun.

    L’admd s’y prend peut-être fort mal, mais heureusement qu’ils sont là, pour se faire porte-voix de ceux qui ont l’indécence de vouloir qu’on ne leur impose pas un choix de fin de vie qui n’est pas le leur, et qu’on veut baillonner.

    Vous devriez envisager d’aller, un jour, convaincre vous-même en personne, un malade en fin de vie qui souhaite que s’achève sa vie, qu’il a tort, que la vie est belle, et qu’il faut en profiter jusqu’au bout, et que la dignité c’est d’accepter la dépendance et l’humiliation puisqu’on s’occupe de sa douleur. Vous lui direz les yeux dans les yeux, et vous reviendrez, après, nous faire un billet.

    A ce moment là peut-être, j’espère qu’une histoire de date vous semblera un peu moins primordiale. Même si je vous l’accorde, il y a de la provoc’ dans ce choix de date.

    Si c’était pour vous faire réagir, c’est gagné 😉

  • Je note un point de convergence inattendu : chacun jusqu’ici semble s’accorder à regretter les méthodes de l’ADMD. Ca ne semble pourtant pas ébranler les plus chauds partisans de l’euthanasie.

    MT, je ne pense pas me radicaliser. Si vous reprenez mes premiers billets sur le sujet de l’euthanasie, je disais la même chose. Sur le sujet précis de ce billet, et la méthode employée, c’est par la force des choses la première fois que je l’évoque.

    Isabelle, êtes-vous bien certaine que l’intolérance et la violence soient de mon côté ? J’ai bien saisi depuis le temps que nous n’étions pas d’accord. Je n’en ai ppourtant pas (encore) déduit que vous étiez sourde et intolérante.

    Où avez-vous lu que je songeais à des commandos ? Est-ce par volonté d’associer mon propos à des initiatives que je n’ai jamais approuvées ? Organiser des réunions, des symposiums, des soirées de réflexion, voire une mobilisation pour rappeler la dignité de toute vie, voilà qui serait violent ? Qui relèverait de l’intolérance ? Du commando ? Vous êtes certaine que c’est moi qui ait un probléme avec l’opinion différente ?

    Par ailleurs, avant de me donner des leçons, avez-vous seulement été vous-même personnellement confrontée à un malade en fin de vie ? Si oui, l’avez-vous conforté dans le sentiment qu’effectivement, à ce stade… ? Maintenant, puisque vous, vous entendez, puisque vous êtes tolérante et ouverte sur les autres, laissez-moi vous rassurer : essayer de convaincre un malade en fin de vie que sa vie présente est belle et qu’elle vaut la peine d’être vécue précisément ainsi n’est pas dans mes intentions. Je comprends mieux que vous n’acceptiez pas les convictions que vous simplifiez jusqu’à l’absurde.

    Sinon, sur le sujet, je me permets de suggérer de nouveau la lecture du tableau de M. De Hennezel (cf billet « le temps de mourir » ci-dessous)

  • isabelle a écrit:

    Vous devriez envisager d’aller, un jour, convaincre vous-même en personne, un malade en fin de vie qui souhaite que s’achève sa vie, qu’il a tort, que la vie est belle, et qu’il faut en profiter jusqu’au bout, et que la dignité c’est d’accepter la dépendance et l’humiliation puisqu’on s’occupe de sa douleur. Vous lui direz les yeux dans les yeux, et vous reviendrez, après, nous faire un billet.

    C’est mon boulot, chère madame, d’aller voir ces malades en fin de vie, complètement désespérés.
    Et je les regarde les yeux dans les yeux.
    Et mes yeux leur disent qu’ils sont dignes malgré leur handicap.
    Et leurs yeux répondent qu’ils ont besoin d’amour!
    Et les miens leur disent qu’ils ont le droit d’être aimés, quel que soit leur état.
    Et la plupart du temps ils s’apaisent.
    Il n’y a pas besoin de leur dire que la vie est belle. ce n’est pas le propos.
    Le propos est, toujours, implicitement ou explicitement selon les cas, « suis encore capable d’être aimé? ».

    Oui, il reste certains cas. Ce n’est pas pour autant qu’on doive les tuer. Je me demande par ailleurs si c’est vraiment ce qu’ils veulent, et si leur demande n’est pas que leur souffrance -je ne dis pas douleur, mais souffrance- s’arrête et non leur vie.
    J’ai alors la quasi absolue certitude qu’en fait je n’ai pas compris leur véritable demande profonde, et que je n’ai donc pas pu leur donner réponse, ou plutôt leur faire trouver leur réponse par eux mêmes.
    Mais ce n’est sûrement pas dans la mort que cette réponse leur sera donnée.

    Maintenant, oui, c’est vrai je suis croyante.
    Et non catholique, si cela peut vous étonner, chère madame.

    Mais quand vous dites qu’ heureusement que l’ADMD est là, je ne suis pas d’accord!

    Parce que, moi, je REFUSE qu’on m’IMPOSE, de tuer quelqu’un, même s’il me le demande.
    Voyez vous, le commandement de Dieu est pour moi, primordial et dépasse le commandement d’autrui.
    « Tu ne tueras point »

    Si les gens veulent se suicider, OK, c’est leur choix. Ils font ce qu’ils veulent avec leur vie.
    Par contre, non, qu’on impose le suicide médicalement assisté (ce qui veut dire avec la complicité et l’aide du personnel médical), non.

    Quant à la date, si vous étiez ces jours là, devant le regard d’une personne en fin de vie, vous verriez que cette date a une extrême importance en France.
    Vous verriez -et liriez- dans ces yeux, d’une profondeur intense, tout ce que cette date peut représenter, tant par le souvenir des amis et parents à qui on repense, que par la présence de la mort , notre mort, qu’elle suggère.
    A cette date -et celle de Pâques, qui est également très forte pour ces personnes- selon mon expérience de terrain, nous abordons (ce n’est pas moi qui induit le dialogue) de bien beaux moments, riches pour tous.

    C’est pourquoi je trouve cette date scandaleuse.
    Je parle au « je », donc pour moi, pas pour tous.

    Quant à signer cette charte pour les SP, c’est un engagement à être là, précisément les yeux dans les yeux avec une personne qui va partir pour des contrées inconnues.
    Ce n’est pas du dogmatisme.
    C’est de la foi.

  • Tout à fait d’accord avec Moktarama; j’ai eu la même impression dérangeante en lisant ce billet. Impression qui n’a cependant pas été corrigée à la lecture de votre réponse, Koz.

    D’un autre côté, je trouve un peu dommage, voire pénible, que depuis la visite de notre Pape, presque tous vos billets tournent autour de votre foi/expérience/vie catholique.

    Je trouve que cela alourdit vos billets autrefois si pertinents. Je ne retrouve plus cette légèreté de ton qui cachait un raisonnement souvent très solide.

    Le dernier paragraphe de ce billet me semble en accord avec ce que je dis.
    Je trouve que vous passez du statut d’éclairé à celui d’illuminé.

    Ce n’est certes que mon avis. Et je devine presque déjà votre réponse. Mais cela m’importait de vous le dire.

  • Sur le même sujet, chez le Chafouin, en suivant un lien, je suis arrivée à cet appel de l’ADMD pour ce 2 novembre:

    « venez nombreux rappeler la mémoire d’un être aimé, disparu dans d’inutiles souffrances ».

    (j’ai cherché un article de journal relatant cette phrase, je n’ai pas trouvé. Et le lien dont je parle est celui vers ‘Alliance pour les droits de la vie’. Donc, bien sûr, sous réserve que cet appel ait bien été formulé ainsi)

    je crois vraiment là, qu’on est passé dans une toute autre dimension. On n’est plus dans l’exception de certaines fin de vie. On est entré dans la généralisation :
    fin de vie = souffrances inutiles.
    On n’est plus dans le 80% des français sont favorables à la légalisation de l’euthanasie (c’est-à-dire qu’ils s’imaginent eux-mêmes ou un de leur proche très aimé dans un cas comparable à ceux que l’ADMD prend comme modèles de souffrances), mais on est, implicitement, dans le 80% des français ont un de leurs proches qui est mort après d’inutiles souffrances.
    Ce n’est plus du tout la même chose.
    Et, en ce qui me concerne, ça en dit long sur les véritables conceptions de la mort dans l’esprit de Romero.

  • Effectivement, Cilia, si cet appel est formulé ainsi, cela mériterait quelque réaction. Ne pouvant le vérifier pour le moment, je m’en abstiendrai.

    Microbo, je relis mon dernier paragraphe et ne vois pas ce qu’il a d’illuminé. Je suis persuadé que des non-croyants pourraient le reprendre à leur compte.

    Pour ce qui est des thèmes de mes billets, que voulez-vous… Ainsi va ma vie. Je n’écris pas sur commande, mais sur ce qui me fait réagir. Et en ce moment, c’est ce qui me fait réagir. J’aborderais bien d’autres sujets mais, à quelques exceptions près, ils m’indifférent. Le jeu politique ? Les polémiques politiciennes ne m’amusent pas, ces temps-ci. Je les trouve dérisoires. Et je ne me vois pas me prononcer sur la politique économique… Alors, soit, j’ai conscience que cela déplaît à certains, que cela les lasse, que certains considèrent qu’une opinion est illégitime dès lors qu’on peut la suspecter d’avoir un fondement religieux et qu’ils cesseront de me lire. C’est dommage. Peut-être cela en dit-il à tout le moins aussi long sur eux que sur moi. Et comme il se trouve que je n’écris pas pour plaire…

  • Cela se tient ce que vous dites.

    Cependant, il est agaçant de lire ceci :

    Koz a écrit:

    Alors, soit, j’ai conscience que […] certains considèrent qu’une opinion est illégitime dès lors qu’on peut la suspecter d’avoir un fondement religieux et qu’ils cesseront de me lire. C’est dommage.

    Non, je ne considère pas que votre opinion est illégitime, comme si « frappée de catholicisme », gisant alors, inaccessible, de l’autre côté d’un épais brouillard que je ne voudrais pas franchir.

    Je trouve simplement que vous avez peut-être oublié qu’une opinion ne devient pas légitime dès lors que son fondement est religieux. Je trouve que vous ne raisonnez plus à petits pas, me permettant par la même occasion de vous suivre à mon rythme, et de raisonner à ma façon.

    Vous ne faites plus que dire.

    Dire sous couverture qui plus est. Hors d’atteinte.

    Voila les raisons pour lesquelles je prends moins de plaisir à vous lire. Je ne suis plus à l’affût d’un nouveau billet, je les découvre par hasard, ou par défaut.

    Koz a écrit:

    Peut-être cela en dit-il à tout le moins aussi long sur eux que sur moi. Et comme il se trouve que je n’écris pas pour plaire…

    Cela ne se tient plus ce que vous dites.

  • « Je trouve simplement que vous avez peut-être oublié qu’une opinion ne devient pas légitime dès lors que son fondement est religieux. Je trouve que vous ne raisonnez plus à petits pas, me permettant par la même occasion de vous suivre à mon rythme, et de raisonner à ma façon. »

    Je me joindrai à Microbo pour constater avec tristesse l’évolution quelque peu « intégriste » de notre cher Koz …

  • Microbo a écrit:

    Je trouve simplement que vous avez peut-être oublié qu’une opinion ne devient pas légitime dès lors que son fondement est religieux.

    S’il vous plaît, ne m’appliquez pas une critique qui vous est peut-être chère et systématique mais qui trouve difficilement à s’appliquer à mon billet. Ca a le don d’user ma patience.

    Je trouve aberrant de devoir justifier du fait que mon propos n’est pas religieux, simplement parce que certains se saisissent de la seule évocation de l’Eglise pour cesser de lire ou de tenter de comprendre.

    Pour autant, une fois encore – puisque vous ne l’avez pas fait la première fois – relisez mon billet, reprenez mon dernier paragraphe, que vous qualifiez d' »illuminé » et dîtes-moi quel est le fondement religieux.

    Faites au moins cet exercice, et on en reparle.

    margit a écrit:

    Je me joindrai à Microbo pour constater avec tristesse l’évolution quelque peu “intégriste” de notre cher Koz …

    Là aussi, margit, je veux bien être patient, mais il faut m’aider un peu. Brandir l’intégrisme est hors de propos. Et ridicule.

    C’est tout de même fou cette faible capacité de certains à accepter simplement les convictions de l’autre.

    Et que voulez-vous, margit… Sarkozy n’est pas ma vie.

    Tara a écrit:

    Oui, il reste certains cas. Ce n’est pas pour autant qu’on doive les tuer. Je me demande par ailleurs si c’est vraiment ce qu’ils veulent, et si leur demande n’est pas que leur souffrance -je ne dis pas douleur, mais souffrance- s’arrête et non leur vie. J’ai alors la quasi absolue certitude qu’en fait je n’ai pas compris leur véritable demande profonde, et que je n’ai donc pas pu leur donner réponse, ou plutôt leur faire trouver leur réponse par eux mêmes.

    Oui… Et le fait est, donc, qu’une société digne de ce nom, une société humaniste, devrait consacrer toute son énergie à repousser les limites de l’inacceptable, les limites de la souffrance – physique comme psychologique – et non, après avoir parqué ses vieux, occulter la mort, et clore la difficulté d’une injection.

  • Tara a écrit : « Parce que, moi, je REFUSE qu’on m’IMPOSE, de tuer quelqu’un »

    Mais personne n’a songé à vous imposer quoi que ce soit, très chère Tara…

    Quand vous, vous songez à m’imposer ma fin de vie.

    Il est bien là, le problème.

    Koz a écrit : « Je n’en ai ppourtant pas (encore) déduit que vous étiez sourde et intolérante. »

    C’est normal Koz, parce que je suis tout sauf intolérante (à part peut-être à la limitation de ma liberté quand elle ne vous nuit pas), parce que je vous entends et n’ai pas l’intention de vous dire que vous avez tort de vouloir mourir ainsi, et que je ne dénigre pas votre volonté de subir votre fin de vie quelle qu’elle soit.

    Je vous entends vouloir que tout le monde soit d’accord avec vous, ou du moins se plie à votre point de vue de gré ou de force. Je vous entends, à chacun de vos billets sur le sujet.

    Koz a écrit : « avez-vous seulement été vous-même personnellement confrontée à un malade en fin de vie ? »

    oui, Koz, je l’ai déjà dit ici : mon père.

    Une fois qu’on lui explique qu’on veut le garder près de nous quel que soit « son état », qu’on l’aime même dans un fauteuil, même sans qu’il ne parle, même quand il pleure toute la journée, qu’on est égoïste au point que peu importe qu’il soit malheureux, puisque nous on a le bonheur de l’avoir encore, une fois qu’il nous fait savoir qu’il ne l’accepte pas, on fait quoi ? on le laisse dans un coin en lui disant qu’il est sourd à nos propos ? qu’il est intolérant ? et qu’il cesse un peu de nous ennuyer avec ses volontés qui dérangent la société ?

    Laissez la liberté au gens Koz ! laissez leur la liberté du choix de leur fin de vie. Cessez de tant vouloir leur imposer cette souffrance morale que nulle morphine ne calme !

    Comment pouvez-vous dire à ceux qui ne vous imposent rien qu’ils sont intolérants ? Comment ?

    Parce que vous avez beau dire… mais l’admd ne souhaite pas faire mourir tout les gens malades qui souffrent !

    non ! vous n’arriverez pas à faire croire ça, mais on a bien compris que c’est une tentative pour décrébiliser son combat

  • @ microbo, moktarama & margit,

    ce qui est frappant surtout dans le mêli-mêlo de vos précautions oratoires, c’est l’argument ad hominem…
    comme vous ne pouvez faire taire une opinion contraire à la vôtre, vous tentez de discréditer son auteur : ses propos n’auraient aucune valeur puisque c’est lui qui les énonce, et puisqu’en outre il est sous influence, ce cher koz que pourtant vous prétendez avoir aimé, n’est-ce pas, on ne peut pas vous reprocher un quelconque a priori, et auquel vous ne reprochez pas sa foi, n’est-ce pas, vous n’êtes pas hostile à la religion…
    mais ceux qui ne croient pas comme vous devraient se taire…
    cause toujours tu m’intéresses…
    Moi j’aime de mieux en mieux son blog, j’aime bien le nom qu’il lui a choisi, et j’aime bien quand il assume ses convictions. Le politiquement correct, c’est pas trop ma tasse de thé, pour ça, y’a les lobbies et la télé.
    Mais ce que j’aime dans les blogs, c’est surtout les échanges d’arguments, pas les doux noms d’oiseaux, fussent-ils exotiques et précédés de tous les « chers » de rigueur…

  • Koz écrit : « C’est tout de même fou cette faible capacité de certains à accepter simplement les convictions de l’autre. »

    oui, Koz, c’est ce que je me dis à la lecture de chacun de vos billets sur le sujet, et à celle des commentaires anti-admd

    célia, Koz, c’est quand même Vous qui vous élevez contre les actions de l’admd, qui les critiquez et qui ne les supportez pas !

    l’admd ne lutte pas « contre » vous, ni contre vos désirs ou opinions, mais « pour » des convictions différentes des vôtres.

    A méditer…

  • Je viens d’accompagner jusqu’à sa mort lundi dernier une petite cousine de 95 ans que j’aimais beaucoup. Je suis allée la voir tous les jours depuis 3 mois, c’est-à-dire depuis son placement en maison de retraite… La semaine précédent son placement, elle allait au marché à pied (et aussi à la messe, où j’allais aussi, cela enlèvera sans doute toute valeur à mes propos et peut-être même à sa souffrance aux yeux de certains commentateurs, dommage, ils devraient élargir les limites de leur « humanisme ») Ses enfants souhaitaient la mettre en maison de retraite depuis un moment mais elle s’y opposait et son médecin traitant la soutenait. Qu’à cela ne tienne, ils se sont adressés à leur propre médecin et ont fait le changement de médecin référent auprès de la Sécu puis ont demandé un bilan, pour lequel ma cousine a été hospitalisée. Le bilan n’a révélé qu’une insuffisance en sodium, induite par un antidépresseur, qui a du coup été supprimé. Elle est cependant restée 15 jours à l’hôpital, et donc privée de la plupart des visites quotidiennes du voisinage, dont la mienne je dois l’avouer car l’hôpital est un peu éloigné. Quinze jours pendant lesquels son état s’est singulièrement dégradé mais pendant lesquels elle a conservé toute sa lucidité. Quinze jours qui ont cependant permis à ses enfants d’obtenir l’autorisation de placement du médecin de l’hôpital, et non plus de son médecin traitant ni même de celui des enfants. Admise début août en maison de retraite sans avoir pu retourner dans sa maison et munie des seuls effets que sa belle-fille lui avait apportés, elle a entamé son calvaire. Comme j’avais mes congés en août, je l’ai prise tous les jours au début, mais son fils, qui venait la voir tous les lundis, est intervenu auprès du médecin de la maison de retraite pour que cela cesse, et je n’ai plus eu le droit de faire avec elle que le tour du bâtiment alors qu’elle marchait plus d’une heure par jour jusque là. On lui a administré des somnifères tous les soirs et son lit était muni de barrières, si bien qu’on l’a forcée à devenir incontinente la nuit, elle était en chemise de nuit parfois avant 18 heures, volets fermés… Elle a rapidement perdu beaucoup de poids et son dentier la faisait souffrir, mais je n’ai pas eu l’autorisation de la conduire chez son dentiste.
    Je passerai les détails. Certains de vos commentateurs parlent du droit de mourir… Connaissent-ils le « syndrome de glissement « ? Qu’ils se renseignent, sur internet ou auprès de n’importe quelle maison de retraite… Le personnel de la maison de retraite a été très bien jusqu’au bout avec elle, et avec moi, c’est eux qui m’ont expliqué avec délicatesse ce qu’est le syndrome de glissement.
    Ma petite cousine a peu a peu cessé de parler, elle ne répondait plus que par monosyllabes, il me fallait déployer des trésors d’ingéniosité pour la faire sourire malgré elle, qui avait pourtant été la joie de vivre incarnée. Puis elle a cessé de manger, il fallait que j’apporte des mets de chez moi pour qu’elle y goûte, puis que je les lui donne à la petite cuillère… Elle a refusé d’aller marcher, puis elle a refusé de se lever de son lit. Elle manifestait des signes de souffrance dès qu’on la touchait, sursautait et grimaçait aux moindres bruits. Les seules gestes qui l’apaisaient étaient de prendre sa main dans la nôtre et lui embrasser le visage. Elle a eu 95 ans le dimanche 19 octobre et, pensant que ses enfants (elle avait 3 fils mariés et des petits-enfants qu’elle avait élevés et qui habitent dans le coin) viendraient fêter son anniversaire, je ne suis pas allée la voir ce jour-là. Elle n’a eu aucune visite (je dois dire que des fleurs ont été livrées) A partir du lendemain, elle n’a plus ouvert la bouche, même pas pour boire, et rarement les yeux. Elle me souriait quand j’arrivais, elle pleurait quand je lui disais au revoir. Elle a été mise sous perfusion, est tombée dans un semi-coma et est décédée le lundi de la semaine suivante.
    Sa maison est aujourd’hui en vente.
    Elle n’a pas eu besoin d’assistance pour se laisser mourir.
    Il est possible de se laisser mourir.
    Mais si la loi l’avait permis, ses enfants auraient demandé à ce qu’elle meure « dans la dignité », un peu plus vite…

  • @celia :

    Je n’apprécie pas trop, relisez ce que j’ai écrit. J’ai fait un premier commentaire où les croyances religieuses – philosohiques si vous préférez – de Koz n’ont qu’une présence marginale.

    Le second commentaire porte effectivement un jugement de valeur, relatif à nos visibles différences d’opinions sur le sujet.

    Alors foin de précautions oratoires : évitez de me faire dire – avec moultes exagérations ou amalgames avec d’autres commentateurs – ce que je ne dis pas !

    @Christine :

    Je ne dévalue absolument pas votre témoignage. On voit bien comment la France traite ses vieux : très mal, là-dessus on est d’accord. On voit bien aussi toutes les turpitudes de la nature humaine. Par contre, la prospective sur les effets d’une éventuelle législation – sur quelles bases ? – me semble nettement moins évidente.

    @Koz :

    Je savais que vous alliez me dire de lire vos billets concernant l’euthanasie, je vous lis depuis suffisamment longtemps pour en avoir une certaine idée de votre avis sur la question. C’est d’ailleurs la cause de mon premier commentaire, et de son glissement immédiat de l’initiative de l’ADM – dont je trouve logique qu’elle ne fasse pas polémique, tout le monde s’accordant à la trouver pitoyable – vers l’euthanasie.

    Pardon pour vous avoir mis dans la bouche ce que vous ne pensiez pas. Vos précisions ont néanmoins éclairci les choses.

    @tous :

    Je pense que beaucoup de gens ont déjà été confrontés à ce genre de souffrance autour d’eux, je ne trouve donc pas particulièrement pertinent que chacun ramène la chose à ses expériences personnelles.

    Pour ce qui est de l’euthanasie à proprement parler, une loi très – très – restrictive ne constitue pas un glissement dangereux tant que tout le monde a bien conscience que ces suicides assistés/euthanasies doivent être des exceptions, de la même manière que ceux pratiqués actuellement par les médecins sans aucun cadre légal. Ces derniers ne prennent jamais ce genre de décisions à la légère, et il faut permettre de veiller à ce que ça reste ainsi.

    Pour ce qui est de l’ADMD, je n’aime ni cette association, ni son extrémisme, ni ses méthodes, ni la plupart de ses idées.

    Enfin, pour ce qui est de la religion, et de l’appartenance de Koz à la religion catholique qui le décrédibiliserait : quand je parle de la religion de Koz, cela permet de situer son systême de valeurs, sans forcément insinuer qu’il recopie les encycliques.

  • Il faudrait quand même dans ce débat évoquer des arguments rationnels. Une société évoluée doit régler son fonctionnement dans l’intérêt collectif, et c’est d’ailleurs conforme aux lois de la nature : chez les animaux, l’individu malade s’isole et se laisse mourir loin du groupe. De même une mère n’allaite pas un petit si celui-ci est trop fragile, elle l’abandonne et se consacre aux autres. Les êtres humains peuvent rationnellement mettre en oeuvre ce principe universel : à quoi bon dépenser des fortunes pour prolonger inutilement la vie d’individus qui ne rapporteront plus rien à la société , il vaut mieux consacrer ces efforts humains, scientifiques et financiers aux membres sains et actifs de la société, et notamment aux plus jeunes et aux plus performants. La religion peut être un bon régulateur social mais il ne faut pas tomber dans le travers qui consisterait à sacraliser chaque vie humaine. C’est le droit et non la religion qui doit définir le caractère humain d’un individu et être viable ne signifie pas avoir droit à la vie, sans ça même l’avortement peut être remis en cause. Il faut éviter de tomber dans le pathos et être très vigilant dans ce domaine.

  • Je crois qu’on peut remercier Dignitus de nous révéler le fond de la pensée de l’ADMD. Les hommes ont le droit de vivre en fonction de leur utilité et selon ce que l’Etat décrètera à leur sujet et il faut suivre l’exemple des animaux ?
    Alors il faut supprimer médecine et chirurgie. Avez-vous déjà entendu parler de lapins qui soignent le diabète, de lions qui opèrent lors d’une crise d’appendicite ou de dauphin distribuant des antibiotiques à un congénère atteint d’une pneumonie ? La sélection naturelle, c’est bien mieux et chacun aura plus d’argent, ne devant plus cotiser à la sécurité sociale.

  • @ Isabelle

    Vous disiez dans votre premier commentaire que l’ADMD ne souhaite pas imposer quoi que ce soit aux autres, contrairement à Koz ou à ceux qui militent contre l’euthanasie, contre la culture de mort.

    A-t-on contraint Chantal Sébire, Rémy Salvat? Vincent Humbert? Vous savez tout comme moi que ceux qui veulent vraiment en finir le font.

    Ce débat va bien au-delà de la seule question de la liberté.

    Admettez simplement que certains puissent penser qu’en autorisant en légalisant, en mettant des mots sur tout ça, on va étendre le champ des possibles dans un sens négatif et finir par tuer des gens qui ne le veulent pas.

    On y va tout droit dans les pays qui ont déjà suivi cette voie!

    Quant à l’ADMD, exscusez-moi mais elle ne RESPECTE tout simplement pas les chrétiens en organisant sa journée de légalisation précisément le 2 novembre, jour où les chrétiens, qui comme par hasard sont contre l’euthanasie, célèbrent leurs morts. ça s’appelle de la manipulation, de la provocation, et c’est honteux. Ce qui n’empêche pas de discuter sur le fond! mais il faut le dire, en guise de préliminaires.

    @cilia

    J’ai moi aussi cherché longuement à recouper cette phrase très choquante mais je n’y suis pas parvenu…

    @Koz

    Tu n’écris pas pour plaire? 😉 Allez, tu avais toutes tes groupies en photo la semaine passée! 😉

    @dignitus

    C’est une caruicature ou une balgue, ce n’est pas possible d’exprimer aussi clairement ce qui se cache derrière tout ce débat…

    @christine

    Témoignage émouvant. Vous semblez sous-entendre que ses enfants voulaient s’en débarrasser? Que si elle était restée chez elle, elle ne serait pas décédée aussi vite?

  • A lire:
    http://www.admd.net/index.htm
    (sur différentes pages)

    La commission juridique de l’ADMD a élaboré un projet de proposition de loi visant à introduire, dans le code de la santé publique, le droit à une assistance médicalisée pour mourir.

    CHAPITRE PRÉLIMINAIRE : DROITS DE LA PERSONNE
    Article L.1110-2

    La personne malade a droit au respect de sa liberté et de sa dignité. Elle peut bénéficier, dans les conditions prévues au présent code, d’une aide active à mourir.

    Article L.1110-9
    Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. Toute personne capable, en phase avancée ou terminale d’une affection reconnue grave et incurable ou placée dans un état de dépendance qu’elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d’une assistance médicalisée pour mourir.

    SECTION I – PRINCIPES GENERAUX
    Les professionnels de santé ne sont pas tenus d’apporter leur concours à la mise en oeuvre d’une aide active à mourir. Le refus du médecin de prêter son assistance à une aide active à mourir est notifié sans délai à l’auteur de la demande. Dans ce cas, le médecin est tenu de l’orienter immédiatement vers un autre praticien susceptible de déférer à cette demande

    Légaliser l’euthanasie sans toucher au code pénal a une signification symbolique très forte qui répond à la question de la transgression: cela signifie que l’euthanasie n’ayant rien à voir avec le meurtre ou l’assassinat, n’a pas à figurer comme une exception à ces crimes. Il ne s’agit pas de tuer. Il s’agit d’accèder à la demande lucide et réitérée de celui, celle, qui sollicite une assistance médicalisée pour mourir. En raison d’une maladie incurable et/ou parce qu’elle de se trouve placée dans un état qu’elle juge incompatible avec sa dignité.

    Extraits du discours de M Roméro:

    Avant toute chose, je dois, au nom de l’ADMD, remercier le maire de Paris de mettre à notre disposition, une fois encore, cette magnifique salle des fêtes de l’Hôtel de Ville. Cette maison commune, pour nous, sera ce soir la maison de la liberté.

    Quelques centaines de personnes, venues de France et de l’étranger, ont participé à un « rassemblement militant » pour le lancement de la première « Journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité », dimanche sur le parvis du Trocadéro à Paris, a constaté un journaliste de l’AFP.

    « Nous avons choisi cette date du 2 novembre parce que c’est le jour des morts et que la mort n’appartient à personne, et pas spécialement à l’Eglise », a lancé Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et conseiller régional d’Ile-de-France.

    Ce qui montre bien que Koz avait raison lorsqu’il disait que le choix de la date n’était pas innocent.

    Quant au choix du personnel médical, il existe – en apparence – dans le projet de loi.
    Néanmoins, quid si aucun médecin est d’accord?
    La justice devrait elle désigner des volontaires ou y aura t il des « établissements spécialisés »?

    Le com de Christine, qui malheureusement est loin de décrire un cas personnel comme semble le croire Moktarama, est parlant.

    Et si, comme le souhaite l’ADMD nous nous mettons sur la même ligne de pensée que les pays du Nord, ces cas -nombreux- seront tout simplement devenus banaux.

    Et pour rebondir sur le com de Dignitus (bel oxymore entre Dignitus et son com), je croyais -mais je crois sans aucun doute à la place anthropocentrique de l’homme- , je croyais, disais je que ce qui différenciait l’homme de l’animal, c’était la place de la spiritualité (place de l’esprit et de la réflexion philosophique qui en découle) n’existant pas chez l’animal (en l’état actuel de nos connaissances)

    Cette réflexion, que M Roméro a instauré, d’ailleurs pour choisir une date précise, pas n’importe laquelle, simplement celle dont le symbole religieux et universel de la mort est le plus fort ,de tous les temps, puisque représentant le début de la période du repos de la nature (et non pas l’automne), donc de la mort en attendant la naissance des jours (21 décembre), mais aussi – et surtout- le symbole catholique de la fête des morts!
    Il suffit d’ailleurs de se promener sur son site pour constater que pèle mêle, du gouvernement actuel à l’Eglise Catholique, en passant par Rachida Daty, nombre de personnes en prennent pour leur grade!

    Comme quoi, les convictions de cette association sont à la fois, religieuses et politiques.
    Hormis les quelques 25 députés UMP qui les ont rejoints

    Ce qui confirme (ne sont ce pas là des arguments rationnels, ou pour le moins logiques?) que le billet de Koz, loin d’être dogmatique présente les faits de façon non dogmatique.

    Ensuite, chacun est libre de choisir, en conséquence de cause s’il accepte de mourir avant l’heure ou pas.
    Chacun est libre de refuser de prendre des antalgiques pour soulager sa douleur.
    Chacun est libre de vouloir ou non se suicider pour de multiples raisons, c’est à dire souffrances de toutes natures.
    Mais chacun a le devoir, en contre partie de ses droits, de ne pas impliquer quelqu’un dans ses choix.
    C’est, pour moi, cela l’humanité.

  • Dignitus,

    Vous êtes sans doute un adepte du retour aux méthodes spartiates qui consistaient à envoyer dans la nature les vieux, les malades et autres bouches inutiles pour qu’ ils aillent crever sans enquiquiner les bons guerriers valides.
    Toute une civilisation en quelque sorte …

  • Je ne suis pas certaine que la  » sélection naturelle  » mise en avant par Dignitus reflète le fond de la pensée de l’ADMD…

    Je ne m’associe pas comme la majorité des commentateurs à l’ADMD bashing qui présente ses membres et ses militants comme susceptibles d’élargir leur action à l’euthanasie des déments et des enfants et qui conteste leur droit de revendiquer.

    Je ne suis pas non plus certaine qu’une loi autorisant dans certains cas le suicide assisté et l’euthanasie active, n’aie pas d’effets pervers.

    Je constate enfin que malgré la loi qui n’autorise pas les soignants à abréger l’agonie de certains malades donc à euthanasier, c’est néanmoins une pratique qui a cours dans les hopitaux et qui échappe donc au malade, à sa famille, au législateur, pour ne reposer que sur l’éthique d’une équipe médicale.

    Je vois mal comment s’accomoder d’une telle hypocrisie.

    Et puis surtout, il y a chacun de nous face à la mort, celle des autres, des proches, la notre, la mort annoncée espérée redoutée…

    Il faut de l’humilité pour parler de la fin de vie de l’autre sans dégainer ses certitudes humanistes ou religieuses ou éthiques, sans projeter ses angoisses sans savoir mieux que l’autre ce qui est bon pour lui.

    Il est dejà plus facile de parler pour soi, de sa propre mort, et on se rend compte assez vite si on est honnête, que sa propre mort reste très intellectuelle et qu’il faut avoir le nez dessus pour y croire…et encore

    Les progrès de la médecine retardent la mort.
    Suite à de graves traumatismes des personnes jeunes se retrouvent très diminuées et n’ont d’autre perspective que cette vie là ( par exemple )

    Ce sont des situations humaines nouvelles, il y a 30 à 50 ans encore, ces mêmes personnes seraient décédées les jours suivant l’accident, aujourd’hui elles survivent.
    Et si elles considèrent que cette survie n’est pas une vie ?

    Il n’est pas toujours possible de renvoyer chacun à la responsabilité de son choix ( tu veux mourir, eh bien traine toi jusqu’à la fenêtre et jette-toi du premier étage ou bien tranche-toi la gorge au scalpel )

    Je n’ai pas de réponse toute prête, ce serait pourtant confortable, mais avant de répondre ne faut-il pas écouter sans à priori ?

  • le chafouin a écrit:

    @dignitus

    C’est une caruicature ou une balgue, ce n’est pas possible d’exprimer aussi clairement ce qui se cache derrière tout ce débat…

    Rapidement, parce que le retour de vacances est chargé : je ne suis pas absolument persuadé que le commentaire de Dignitus ne soit pas un fake assez finement ciselé.

  • C’est un débat complexe et Ô combien sensible… c’est pourquoi j’apprécie les échanges respectueux et constructifs entre Moktarama et Koz.

    Je suis pour ma part plutôt favorable à la mise en place d’une législation stricte, qui permettrait, me semble t-il, de limiter les dérives que les « anti » et les « pro » redoutent. Aucun exemple cité ne parvient à me convaincre que la légalisation de l’euthanasie aurait permis que la vie d’un homme, d’une femme se voit reléguée au rang de nuisible, se voit écourtée contre sa propre volonté.

  • Le choix du 2 novembre est assez habile de la part de l’ADTBC. Il est essentiel pour eux de se parer des atours de la modernité, de prétendre être dans le sens de l’histoire.

    Compte tenu de la qualité de débat public dans notre pays, il suffit d’entrer en conflit avec l’Eglise pour obtenir son brevet de modernité. CQFD.

  • Quand on regarde la liste des journées
    http://www.journee-mondiale.com/plan.php

    on s’aperçoit que c’est l’instinct de vie qui préside à leur célébration que ce soit à travers la promotion de la personne ou de sa vie ou de leur mémoire (pour ne pas que certaines choses se reproduisent)ou sur ce qui touche à l’environnement…alors que l’instinct qui préside à cette proposition de journée est celui de la mort.

  • Carredas,

    Je suis d’accord avec toi sur bien des points, mais n’oublions pas que la loi Léonetti existe et qu’elle autorise déjà beaucoup.
    Et s’il est assez désespérant qu’elle soit insuffisamment connue des français, et pire, des personnels soignants, elle rend néanmoins aux patients la maîtrise de leur destinée. La loi s’arrête à la porte du suicide. Chacun est libre d’avoir son avis bien sûr, mais je crois que c’est assez sain.
    Nous sommes une culture assez avancée pour estimer que la société doit, par l’intermédiaire de la médecine, nous permettre de ne pas souffrir. Nous sommes en droit de réclamer à l’état de faire le nécessaire pour que des soins palliatifs soient accessibles à tous dans de bonnes conditions.

    Mais demander à la société de nous suicider, c’est tout autre chose. Je ne crois pas en Dieu mais philosophiquement, instinctivement aussi, demander à la société de nous suicider, je crois que c’est totalement contre-nature.

  • Liberal a écrit:

    Compte tenu de la qualité de débat public dans notre pays, il suffit d’entrer en conflit avec l’Eglise pour obtenir son brevet de modernité. CQFD.

    Indeed. C’est pour cela qu’il me semble que l’Eglise doit bien réfléchir à la réponse à apporter, pour ne pas se situer uniquement dans une réponse défensive, ne pas se cantonner à la réplique, mais adopter une démarche active, positive, mettre en avant les valeurs qui président à ses choix et, puisqu’effectivement (et les échanges ici en témoignent suffisamment) le seul fait qu’une conviction soit exprimée par l’Eglise (ou un catho) suffit à certains pour ne pas la prendre en compte, voire suffit à la décrédibiliser, organiser une rencontre ouverte avec des personnalités non cathos (cf. précisément Didier Sicard, ancien président du CCNE ou encore, me semble-t-il, Axel Kahn).

    gasper a écrit:

    Je suis pour ma part plutôt favorable à la mise en place d’une législation stricte, qui permettrait, me semble t-il, de limiter les dérives que les “anti” et les “pro” redoutent. Aucun exemple cité ne parvient à me convaincre que la légalisation de l’euthanasie aurait permis que la vie d’un homme, d’une femme se voit reléguée au rang de nuisible, se voit écourtée contre sa propre volonté.

    Il est toujours malaisé de mettre en évidence les dérives potentielles. Pour autant, il me semble que l’on peut se référer à des dérives bien réelles et existantes. Ainsi du cas du procès de cette femme médecin et de l’infirmière, qui ont procédé à une injection mortelle sans même en avoir informé la famille (qui, certes, s’est affirmée solidaire après coup, mais qui aurait évidemment due être informée préalablement). Ainsi aussi de ce qui se passe effectivement aux Pays-Bas, et que la Belgique envisage sérieusemebnt : l’euthanasie des déments et des enfants n’est pas de la bioéthique-fiction, c’est précisément ce qui existe. Pourquoi pense-t-on que l’on n’y viendra pas ? Puisqu’à chaque pas, il faut en faire un suivant ? Et je rappelle que la déclaration que je rapportais dans ce billet, de la Sec Gen de l’ADMD, suggère qu’elle songe fortement à l’euthanasie des enfants.

    Et puis, parmi ceux qui affirment qu’il faudrait une loi qui encadre précisément le sujet, qui connaît effectivement la loi Leonetti ? Rappelons qu’elle est de 2006 et qu’elle a déjà donné lieu à un débat parlementaire. Pourquoi faudrait-il considérer que la « voie française » trouvée à ce moment serait obsolète ? Surtout, n’avez-vous pas le sentiment que la logique induite par l’ADMD est ainsi totalement intégrée : alors que je doute fort que ceux qui se prononcent soient tous bien au fait de cette loi Leonetti, l’idée est pourtant acquise qu’il en faudrait une nouvelle… ?

  • @Koz

    sauf erreur de ma part, la loi Léonetti permet d’éviter les dérives de l’acharnement thérapeutique mais n’apporte pas de réponse précise concernant l’euthanasie.

    Quant aux dérives proprement scandaleuses que tu pointe chez nos voisins, et qui, je crois, n’ont pas encore trouvé de socle légal, j’aimerai faire appel à ta qualité de juriste. Est il possible, dans le cadre du droit Européen, qu’une loi autorise, à un de ces état membre, le recours, sous une forme ou sous une autre, à l’eugénisme?

  • gasper a écrit:

    sauf erreur de ma part, la loi Léonetti permet d’éviter les dérives de l’acharnement thérapeutique mais n’apporte pas de réponse précise concernant l’euthanasie.

    Quand bien même elle dirait purement et simplement « non », ce serait déjà une réponse… Mais elle prévoit notamment une disposition, intégrée au Code de la Santé Publique sous l’article L1110-5, selon laquelle :

    « Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l’article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. »

    Pour quelles raisons une telle disposition, issue du débat démocratique parlementaire – qui vise précisément la dignité, et ne peut donc laisser penser (ce qui serait au demeurant absurde) que les parlementaires ont ignoré le lien avec le débat public – ne constituerait pas une réponse ?

    gasper a écrit:

    Est il possible, dans le cadre du droit Européen, qu’une loi autorise, à un de ces état membre, le recours, sous une forme ou sous une autre, à l’eugénisme?

    Tout dépend de ce que tu appelles l’eugénisme.

    Eh bien, tout d’abord : les Pays-Bas font partie de l’Union Européenne. Il me semble que, lorsque l’on euthanasie une personne dont le consentement est plus que contestable (je parle des « déments », entre guillemets parce que cela ne signifie pas seulement les « fous »), nous sommes déjà dans une approche qui relève d’un certain eugénisme. Lorsque, en Grande-Bretagne, des médecins se livrent à un tri d’embryons pour éliminer ceux qui présentent un risque de « strabisme sévère », nous sommes déjà dans une pratique qui relève de l’eugénisme (au demeurant revendiqué comme tel, cf mon billet).

    Je ne sais pas si la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme s’y oppose – et il faudrait prendre en considération sa jurisprudence – mais on peut déjà constater que l’euthanasie est ouvertement pratiquée en Europe alors que son article 2.1 prévoit un droit à la vie, en ces termes :

    Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

    Bref, je ne suis pas très confiant dans la capacité des divers textes européens à empêcher une dérive eugéniste.

  • Koz a écrit:

    Eh bien, tout d’abord : les Pays-Bas font partie de l’Union Européenne. Il me semble que, lorsque l’on euthanasie une personne dont le consentement est plus que contestable (je parle des “déments”, entre guillemets parce que cela ne signifie pas seulement les “fous”), nous sommes déjà dans une approche qui relève d’un certain eugénisme.

    Nous sommes d’accord,les propositions de loi émanant des Pays Bas et de la Belgique relèvent bien de l’Eugénisme. C’est pourquoi je m’interroge sur leurs chances d’aboutir dans le cadre du droit Européen.

    Quant à la loi Léonetti, je rappelle ici son objet:
    « D’abord, pour tous les malades, y compris ceux qui ne sont pas en fin de vie, la proposition de loi affirme pour la première fois l’interdiction de l’obstination déraisonnable. L’objectif est d’autoriser la suspension d’un traitement ou de ne pas l’entreprendre, si ses résultats escomptés sont inopportuns, c’est-à-dire inutiles, disproportionnés ou se limitant à permettre la survie artificielle du malade » L’objet de la loi est bien d’interdire l’acharnement thérapeutique et non pas de prendre position dans le cadre du débat autour de l’euthanasie.

    Quant à l’article L1110-5, j’ai beau le lire et le relire, je ne parviens pas à en comprendre le sens.

  • Gasper, en Hollande, ce n’est pas une proposition, c’est la loi. En Belgique, plusieurs propositions ont en revanche été faites (pour prendre une source non contestable, je te recommande le site de l’ADMD.

    En Hollande, l’euthanasie est légale pour les enfants de moins de 12 ans – au demeurant sur ce lien wikipedia, tu constateras que la loi leonetti est envisagée en tant que législation française sur l’euthanasie.

    Quant à la loi Leonetti, elle n’a pas autorisé l’euthanasie active, mais encadre la sédation (Tara, tu corrigeras si je me trompe ?) et l’usage de soins pour calmer la souffrance, dont on sait qu’ils raccourciront la durée de vie. Ton raisonnement, gasper, finirait par être assez semblable à celui de l’ADMD : on n’a pas donné de réponse tant que l’on n’a pas légalisé l’euthanasie. Et pourtant…

  • Ca se confirme pour l’ancien et le nouveau président du Comité Consultatif National d’Ethique. Ainsi que pour Robert Badinter ou Axel Kahn. Comme quoi le catholicisme n’est pas une condition nécessaire… If U see what I mean.

  • Difficile question que celle de l’euthanasie. Chacun y va de son combat avec une certaine assurance qui ne sied pas à un sujet de vie.
    Le cardinal Barbarin fait une fois encore une mise au point tout en finesse. Il mérite d’être lu.
    D’aucuns s’insurgent d’en faire une question religieuse. Mais l’ADMD a fait le choix de la provocation en manifestant un 2 novembre. De la provocation ou de l’affirmation d’ailleurs. Car si la fête des morts chrétienne suit la Toussaint, ce n’est pas par hasard. C’est qu’elle fête la victoire sur la mort et l’espérance chrétienne que la mort ouvre sur la vie éternelle que connaissent déjà les saints. Manifester le 2 novembre n’est-elle donc (en plus de la provocation gratuite) pas l’affirmation par ces personnes de leur profonde conviction que l’espérance n’existe pas?
    Et c’est là que l’euthanasie est triste. Elle n’est pas condamnable ou méprisable, elle est triste. Elle met un voile sur cette espérance magnifique que la vie n’est pas notre propre patrimoine individuel dont nous disposerions comme nous n’entendons, mais un don collectif qui doit nous conduire avec amour vers quelque chose de grand. Oublier cette espérance,c’est sombrer dans un individualisme triste et considérer que l’Amour n’est qu’un mot.

  • @koz

    Tu t’en doutes, comparer ma façon de raisonner à celle de l’ADMD, association que tu exècres, ne m’a pas exactement remplie d’allégresse… J’ai beau relire et relire mes commentaires, je ne trouve rien qui permette de justifier un tel raccourci… Mettons ça sur le compte de la fébrilité. Le sujet, de toutes évidences, te tient a cœur, et la confrontation des idées sur ce point précis te rend suffisamment mal à l’aise pour que tu te satisfasses d’extrapolation et de références contestables. C’est humain.

    L’article que tu évoques pour confirmer le changement de législation aux Pays Bas mentionne en en-tête la chose suivante : « Cet article ou cette section ne cite pas suffisamment ses sources. Son contenu est donc sujet à caution. Wikipédia doit être fondée sur des informations vérifiables » Qu’a cela ne tienne! je m’en suis allée vérifier moi-même l’information sur des supports plus surs… et rien, je répète, rien, ne me permet d’avoir la confirmation de ce que tu avances. Cela ne veut pas dire que ce que tu dis est faux, seulement que rien ne permet de dire que cela soit vrai.

    Je reste bien entendu intéressée par des sources plus fiables. le cas échéant, soit assuré par avance de mon indignation si les Pays Bas avait, en effet, accepté de franchir le pas de l’euthanasie à l’eugénisme.

    En ce qui concerne la loi Léonetti, j’ai bien compris qu’elle te satisfaisait pleinement, et que ton ardent désir serait qu’on en reste là. Néanmoins, quelque soit l’angle objectif sous lequel on l’aborde, elle ne constitue pas une prise de position du parlement sur la difficile question de l’Euthanasie, mais, comme je l’ai déjà rappelé a deux reprises et comme l’objet du texte de loi le confirme, sur l’interdiction de l’acharnement thérapeutique.

    Là ou je te rejoint, c’est qu’en effet les deux thèmes sont complémentaires… et pour confirmer la complémentarité de ce texte avec une éventuelle prise de position en faveur ou contre l’euthanasie, je rappelle la position de Léonetti sur la question : « (…) inscrire dans la législation française un droit à mourir serait non recevable, puisqu’en contradiction avec la décision de la Cour européenne des droits de l’homme. En revanche, rien n’interdirait des dispositions spécifiques de dépénalisation de l’acte d’homicide dans des circonstances compassionnelles, qui mériteraient alors d’être codifiées et précisées ». Je t’invite à lire cet article dans son intégralité, il te confortera sur certains points, et te conviendra peut être moins sur d’autres…

    bonne lecture : http://abonnes.lemonde.fr/web/chat/0,46-0@2-823448,55-1025951@51-1022062@45-1,0.html

  • Gasper, je ne sais pas si je suis fébrile, mais on peut constater que le raisonnement que tu tiens pourrait finir par ressembler au leur – puisqu’effectivement ils ne tiennent aucun compte de ce qui a été effectivement discuté – sans affirmer que c’est effectivement, et présentement, le cas.

    Sur la loi Leonetti, j’avais un peu de mal à te répondre puisque, pour moi comme pour beaucoup de monde, c’est une évidence que cette loi est la réponse apportée par le législateur français à la question de l’euthanasie. Puisqu’il en faut manifestement plus pour te convaincre, tu peux lire les débats parlementaires. Je te laisse compter le nombre de fois où le terme « euthanasie » figure et, à titre d’illustration, tu peux trouver le propos introductif de Jean Leonnetti :

    En dehors de toute considération philosophique, je voudrais expliquer pourquoi il a été décidé de ne pas dépénaliser l’euthanasie. (…)

    Tu comprendras que je reprenne ce que j’écrivais plus haut, et que j’estime un peu rapide ce que je lis de ci de là sur le fait que la loi Leonnetti serait dépassée ou inadaptée, alors qu’elle est manifestement très méconnue (y compris par ceux qui la trouvent inadaptée).

    En ce qui concerne les Pays-Bas, tu devrais pousser plus loin tes recherches, car si bien évidemment je peux me tromper, je ne m’amuse pas à affirmer ce genre de choses sans les vérifier. A titre d’exemple, le lien précédent, renvoyant au site de l’ADMD, est une revue de presse qui mentionne notamment un article de la Libre Belgique du 25.04.06, dont le titre et le sous-titre sont éloquents : « Le SP.A veut étendre l’euthanasie aux enfants –
    Les socialistes flamands se réfèrent à ce qui existe au Canada et aux Pays-Bas
    « 

    Sinon, tu as ceci aussi, pour les mineurs ou ceci sur le site du Sénat.

    Sur la question de la compatibilité d’une loi prévoyant un « droit à mourir » avec la CESDH et la jurisprudence de la Cour, le propos de Leonetti (que je ne peux pas lire, n’étant pas abonné) ne me semble pas contredire le mien. S’il entend par là la proclamation d’un véritable « droit à mourir » dans la loi, effectivement, cela entrerait probablement en contradiction avec le droit à la vie, qui est affirmé (quoique j’en voie d’ici qui affirmeront le contraire). Si la question est celle que tu posais, d’une éventuelle dérive vers l’eugénisme, je te réponds ce que je te répondais préalablement : au vu de ce qui existe aux Pays-Bas, je n’ai pas l’impression que l’interprétation retenue de l’article 2 par la Cour ait conduit à y faire obstacle.

  • J’ai perdu mon com.
    Je vais tâcher de recommencer !
    L’encadrement de la sédation existe, puisqu’il s’agit de sédation et non pas d’euthanasie.
    http://www.pallianet.org/164.0.html

    L’usage des soins pour calmer la douleur est obligatoire
    (art 37 du code de déontologie : « le médecin doit éviter à son patient toute souffrance inutile » repris dans le code de la santé publique art L1110-5)

    Les termes d’euthanasie active et passive sont surprenants car susceptibles d’induire des polémiques.
    L’euthanasie passive n’existe pas !

    1 Soit on ne donne plus de traitement curatif, mais on maintient des soins de confort : le malade meurt de mort NATURELLE et il n’y a donc pas euthanasie.

    2 Soit on fait un geste qui donne la mort volontairement, et là on a une euthanasie, pas plus active qu’une autre : on effectue un meurtre.

    De plus, il y a ambigüité sur les traitements « pouvant abréger la vie ». Il s’avère en effet que certaines études montrent, par exemple, qu’il n’est absolument pas prouvé que la morphine abrège la vie (sauf à des doses qui deviennent l’instrument d’une euthanasie véritable)sinon, peut être de quelques heures, mais on n’en est même pas certains!

    De même les études sur les arrêt d’alimentation et d’hydratation montent que, contrairement à ce qu’on pouvait imaginer, ces arrêts n’entraîneraient pas la mort d’un malade en fin de vie (dans certains cas, ce serait même bénéfique pour diminuer la douleur)

    http://www.sfap.org/pdf/III-G7d-pdf.pdf

    Enfin, si certains pensent que la Loi Léonetti est ambiguë sur le point de l’euthanasie, c’est pour la simple raison que le législateur n’a pas repris le code de déontologie médical qui dit :
    art 38 :
    « Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage.
    Il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort »
    C’est on ne peut plus clair.
    je me demande pourquoi certains ergotent. Ou alors ils ne savent pas lire.

    En ce qui concerne les mineurs en Hollande:
    http://www.genethique.org/doss_theme/dossiers/euthanasie/pays_bas.htm
    Il semble que l’autorisation d’euthanasie sur les mineurs de moins de 12 ans doive passer par l’autorisation du tribunal?

    L’article 2 de la loi du 12 avril 2001 comporte des dispositions explicites concernant les mineurs. Elles correspondent à celles de la loi sur l’accord du patient en matière de traitement médical, entrée en vigueur en 1995 et incorporée au code civil : à partir de l’âge de seize ans, un mineur peut valablement donner son consentement à tout traitement médical. En revanche, entre l’âge de douze ans et celui de seize ans, le double consentement de l’enfant et des parents est exigé.
    En matière d’interruption de vie sur demande et d’assistance au suicide, la loi prévoit que le médecin peut accepter la demande d’un mineur, à condition que ses parents :
    – soient associés à sa prise de décision lorsque le mineur a entre seize et dix-huit ans ;
    – consentent à sa décision lorsqu’il a entre douze et seize ans.

    Voilà, j’espère avoir répondu àquelques questions

  • Il n’y aurait donc pas d’éléments permettant d’avancer qu’une loi, datant de 2004, rendrait légale l’euthanasie sur mineur de moins de 12 ans aux Pays Bas ? Pas étonnant que la page wiki ne soit pas sourcée, pas étonnant que les derniers dossiers Presse sur l’euthanasie en Europe ne l’aient pas évoqué.

    La loi néerlandaise légalisant l’euthanasie, datant de 2001, est néanmoins applicable sur des mineurs âgés de 12 ans ou plus. Cette extension aux mineurs est en effet extrêmement troublante. Difficile de dissocier euthanasie et consentement. Or dans le cas d’un enfant de 12 à 16 ans, seul le consentement des parents est requis. Il y a là, en effet, un choc. J’avais imaginé une « sélection » faite à la naissance, sur des enfants en bas age. Il s’agit en fait de décider définitivement du sort d’un adolescent, d’un jeune adulte. Je vais tenter de trouver des informations pour comprendre pourquoi l’âge de 12 ans a été arrêté.

    sur la loi Léonetti, je n’en démordrais pas : si bien évidement il faut tenir compte du contexte dans lequel le projet de loi a été proposé (le cas Himbert), le rapporteur annonce clairement avoir esquivé la question de la légalisation de l’euthanasie pour se concentrer sur la question de l’accompagnement de la fin de vie, qu’il décrit en 3 axes : la lutte contre la souffrance/le refus de l’obstination déraisonnable/le développement des soins palliatifs. Même si cela permet, fort heureusement, de couvrir la vaste majorité des cas pour lesquels la fin de vie est insoutenable, il reste à s’entendre, SELON LEONETTI, sur ce que serait éventuellement l’EXCEPTION D’EUTHANASIE. Si ceci ne parvient toujours a te convaincre, je me ferais une idée, mais de grâââce, épargne moi un troisième procès en révisionnisme, fut il intenté au conditionnel.

    Pour des raisons de taille (3 pages) je poste sur une note antérieure l’intégralité du « chat » du Monde dans lequel Léonetti intervient.

  • @tous:Juste un constat en lisant les différents posts:

    Un argument reviens souvent explicitement ou implicitement pour discréditer des propos.

    Religion=Irrationnel

    La religion et la raison ne sont pas compatibles!!
    Fin du débat, il est interdit de fonder des arguments sur des convictions, sauf si elle ne sont pas religieuses…

    Le seul argument rationnel c’est ma subjectivité propre…

    C’est bizarre pourtant, pour moi subjectivité impliquait une part d’irrationalité puisque j’implique le sujet que je suis dans mon opinion…

    Comment alors prétendre à l’objectivité et donc la rationalité pure?

    Alors de grâce on peut avoir la foi et être ouvert à la raison et avoir part au débat!!

    Sur quel absolu se fondent les incroyants pour par contraste en accusant les croyants de vouloir imposer leur opinion ,imposer la leur?
    Parce que excusez moi, mais en République une loi s’impose à tous du moment que 50% plus une voix vote pour!!

    Sur des sujets graves comme çà je trouve qu’imposer aux opposant son opinion par la force de la loi est très violent…
    C’est pour çà que je pense que la position la plus juste est le cas par cas. Pas par hypocrisie, mais parce que cette solution respecte le plus, ou impose le moins une opinion sur la fin de vie à une personne qui en a une autre. Et on a pu remarquer que cela avait l’avantage de garder certaines limites nécessaires à la vie en société. Les tribunaux sachant très bien appliquer la loi actuelle en tenant compte des circonstances particulières….

    Juste un exemple parlant qui me pousse à ne pas favoriser des lois sur les débuts et fin de vie …
    J’ai nombre d’amis jeunes médecins qui en théorie peuvent être objecteurs de conscience pour une IVG et en pratique ils font une croix sur leur carrière…
    Quelle garanties me donne t’on qu’après une loi sur l’euthanasie garantissant en théorie la liberté du praticien comme le projet de loi cité en commentaires, dans les faits il ne se produira pas la même discrimination qu’avec l’IVG?
    Permettez moi d’être pessimiste (ou réaliste?)!

  • « ou placée dans un état de dépendance qu’elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d’une assistance médicalisée pour mourir. ».

    Vous vous rendez compte de ce que çà peut donner en jurisprudence?

    On va me traiter d’extrémiste mais tant pis!

    J’ai été sportif de haut niveau en athlétisme…
    Je deviens paralysé des jambes….

    C’est tellement opposé à ce pourquoi j’ai fondé ma vie que je me sens indigne car dépendant des autres pour des actes de ma vie quotidienne, l’humiliation est trop forte..

    Ce cas sera probablement marginal, mais s’il se présente, une telle loi rendrait une demande de suicide assisté dans ce cas, légitime, et ce sera de mon point de vue (qui bien sûr politiquement incorrect, ringard, intégriste, etc…)
    une demande de trop, signe que notre société a perdu le sens de l’homme…

    Vous croyez que c’est de la science fiction?

    Sur CNN la semaine dernière les cas d’un rugbyman Anglais ayant été se faire aider à mourir en Suisse suite à une paralysée causée par un accident sportif a été évoqué…

    Au crédit des anglos-saxons, le pro et anti étaient sur le plateau, ne se sont pas insultés, n’ont pas cherché à discréditer l’autre et on reconnu que la chose était complexe…

  • gasper a écrit:

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    La loi néerlandaise légalisant l’euthanasie, datant de 2001, est néanmoins applicable sur des mineurs âgés de 12 ans ou plus. Cette extension aux mineurs est en effet extrêmement troublante. Difficile de dissocier euthanasie et consentement. Or dans le cas d’un enfant de 12 à 16 ans, seul le consentement des parents est requis. Il y a là, en effet, un choc. J’avais imaginé une “sélection” faite à la naissance, sur des enfants en bas age. Il s’agit en fait de décider définitivement du sort d’un adolescent, d’un jeune adulte. Je vais tenter de trouver des informations pour comprendre pourquoi l’âge de 12 ans a été arrêté.

    Gasper

    Impossible de référencer sans  » erreur  » une page du site http://www.senat.fr concernant les affaires européennes et particulièrement l’euthanasie aux Pays-Bas mais vous y aurez accès comme moi en tapant – euthanasie pays-bas – dans google

    Il est écrit que pour les jeunes adultes de 16 à 18 ans, le seul consentement du jeune adulte à l’euthanasie est requis, les parents étant seulement associés.

    Pour les jeunes de 12 à 16 ans, le double consentement du jeune et des parents est requis.

    Ceux qui sont opposés à l’euthanasie n’y verront pas matière à se réjouir plus que ça, mais il ne s’agit pas au cas présent de donner aux parents un droit de vie ou de mort sur leur enfant puisqu’il faut que celui-ci ait 12 ans au moins, soit conscient, consentant et en fin de vie.

  • j’ai perdu mon com deux fois hier et je suis arrivée à le poster hier soir.
    résultat, il est passé dans la boîte à spams.
    Aujourd’hui, à chaque fois que je fais visualisation, je le perds !
    Je passe donc par word !

    J’y parlais de la définition de l’euthanasie active et passive : cela ne veut rien dire !
    Ou on arrête le traitement et la personne meurt de mort naturelle, donc pas d’euthanasie, ou on injecte un produit et c’est de l’euthanasie simple (active certes, mais c’est un pléonasme)
    J’y parlais de la sédation (et avais laissé un lien que je n’ai pas gardé, d’un article fait par S Pourchet, infirmier qui intervient dans les DIU de SP de l’Hôtel Dieu)
    Et aussi de l’euthanasie des enfants de moins de 12 ans aux Pays Bas (il faut l’accord du tribunal après examen du dossier, mais ça se fait !) – j’avais laissé aussi le lien, je crois.
    Enfin, j’expliquais pourquoi la loi Léonetti ne parlais pas de l’euthanasie.
    C’est l’article 38 du code de déontologie qui fait partie du CSP qui explicite CLAIREMENT le refus d’euthanasie en France, et je me demandais pourquoi on se focalisait sur cette loi particulièrement (mauvaise foi pour certains et méconnaissance pour d’autres)

    Article 38 (article R.4127-38 du code de la santé publique)
    Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage.
    Il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort.

    Voilà
    Bonne journée

  • Dans le projet dont nous parle Tara : « Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. Toute personne capable, en phase avancée ou terminale d’une affection reconnue grave et incurable ou placée dans un état de dépendance qu’elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d’une assistance médicalisée pour mourir. »

    On lit « a le droit », on lit « peut » (du verbe pouvoir),

    On parle de personne « capable »,

    Où serait donc là, la notion d’obligation s’imposant à tous ?

    Où serait donc là, la notion que quiconque décide pour quelqu’un d’autre ?

  • Il y a que le regard que portent les autres sur nous peut faire qu’on se sent une charge, et qu’on finit par préférer partir, pour ne pas gêner…
    Vous pouvez appeler ça liberté, moi j’appelle ça solitude.
    Et encourager quelqu’un à se sentir de trop, ce n’est pas pour moi respecter sa liberté.

  • Quand je vais rendre visite aux personnes très très âgées de la maison de retraite proche de chez moi, je sais que quelques heures plus tard, je vais me lever, sortir et retrouver la vie dehors.

    Il y a une grande différence de situation entre moi et l’autre, emmaillotée dans une couche, assise dans un fauteuil roulant qu’elle ne dirige pas, qui ne peut plus porter une fourchette à la bouche, qui perd ses mots et entend difficilement ceux des autres.

    Et moi qui vais partir tout à l’heure, je sais que je ne veux surtout pas me trouver un jour dans une telle situation de dépendance, réduite à de simples fonctions physiologiques, portée, poussée, essuyée, bousculée parfois, dépouillée de ma capacité propre à faire et décider pour moi, parce qu’à mes yeux ce n’est pas vivre.

    Je ne veux surtout pas, mais je n’aurai pas le choix.

    C’est pourquoi j’entends ce que dit Isabelle.

    C’est pourquoi je ne partage pas l’avis de Christine, ce n’est pas le regard de l’autre sur moi qui est en cause, ni mon regard sur l’autre, mais mon regard sur moi.

    Dans d’autres cas, les personnes diminuées et dépendantes sont jeunes et victimes d’accidents graves qui les laissent définitivement prisonnières d’un corps pétrifié, ayant parfois perdu la vue et l’ouïe comme Vincent Humbert.

    Avant de juger, condamner, argumenter, défendre sa position aussi défendable soit-elle, il y a des situations humaines nouvelles à considérer sans détourner les yeux.

    Qui de nous sait comment il réagira s’il se trouve dans un de ces cas de figure ou si un de nos proches s’y retrouve.

    Pouvons-nous vraiment nous projeter dans une telle situation ?

    Et ne pas répondre immédiatement ne signifie pas ipso facto être pro-euthanasie.

  • Je crois que les deux derniers commentaires résument plutôt bien la situation :

    Christine, ne pouvant envisager la possibilité de mourir que par un abandon de l’autre et un ressenti émanant de son regard, tandis que carrédas demande simplement à ce que Christine ne considère pas sa situation ou sa philosophie comme étant appliquable à tout autre être humain.

    Fatalement, j’aurais tendance à être d’accord avec carrédas, vu mon avis personnel sur la question et mon peu d’interêt pour le regard de l’autre quel qu’il soit. Mais le plus important me semble être que personne ne tente d’imposer ses vues à l’autre, ce qu’en l’occurence, Christine, vous faites allégrement – je pense à la fine rhétorique sur la liberté.

    Pourtant, avez-vous lu un jugement de ma part considérant comme indispensable l’euthanasie généralisée ? Non, vous avez votre conception de la vie, votre philosophie, votre conscience, et vous avez tout à fait le droit de vivre en fonction, et donc par exemple de ne pas faire d’IVG si vous êtes soignant.. Acceptez l’altérité, et le fait que la philosophie de Jésus soit loin de rassembler la majorité des français, et donc que celle-ci ne doit pas s’y appliquer juste parce que vous trouvez ça très bien, et surtout évitez d’écrire que si on ne veut plus endurer certaines souffrances psychiques ou physiques alors forcément on n’est pas « libre » .

  • Il me semble aussi que, au-delà d’un refus personnel de considérer que la vie soit à la disposition des hommes, position qui effectivement est difficilement généralisable, il y a, parmi ceux qui refusent l’euthanasie, la conviction qu’il ne s’agit pas uniquement d’un choix individuel.

    C’est la conviction qu’une légalisation de l’euthanasie dit quelque chose de la société que nous n’approuvons pas. Un fantasme de maîtrise, une occultation de la mort et de la souffrance qui passe trop facilement de la maîtrise de sa propre mort à l’occultation de la souffrance de l’autre. Et de la même manière que l’on supprime le handicap, on occulte la vieillesse et la souffrance, de sorte que l’humanité ne soit plus que rayonnante, jeune, belle et en bonne santé. Je concède que le propos est un peu théorique, mais je persiste à penser qu’il n’est pas infondé.

    Qu’il y a en cela le franchissement d’un interdit qui n’est pas une simple convention sociale, mais un fondement de notre société, à savoir le fait de ne pas donner la mort à autrui.

    Il y a aussi la conviction que cette avancée dans la légalisation de l’euthanasie produira mécaniquement des dérives. Des dérives que l’on peut déjà observer, au travers de cas connus, qu’il s’agisse du Docteur Trannois ou, pire mais plus « pathologique », de l’infirmière Malèvre. Des dérives que l’on retrouve en Suisse, ou en Hollande.

    Comme je le disais aussi dans un précédent billet, c’est le fait que toute législation engendre des dérives à la marge et qu’en l’occurrence, les « dérives » marginales de la situation actuelle sont le refus de donner la mort à quelqu’un qui le souhaite, quand la dérive marginale d’une légalisation de l’euthanasie serait le fait de donner la mort à quelqu’un qui ne le souhaite pas.

    Qui ne le souhaite pas, parce qu’il est dans l’incapacité d’énoncer un changement de volonté à cet égard, parce que son consentement est vicié (et c’est un vice du consentement qui ne pourra trouver de remède a posteriori, un peu comme l’erreur judiciaire pour la peine de mort), parce que, encore, à travers la demande de mourir il y a une autre demande que l’on n’entend pas. Une demande que l’on entendra d’autant moins que la solution de l’euthanasie sera banalisée, voire vue avec faveur dans un contexte médical et hospitalier qui ne permet pas d’accorder toute l’attention nécessaire, et qui peut aussi inciter à l’économie.

    Sous l’un des billets entièrement consacrés à répondre à une commentatrice qui ne cesse pourtant d’affirmer que j’ignore ses arguments, je développais cette question du choix : euthanasie : pro-choix… mais quel choix ?

    La conviction, aussi, que l’euthanasie sera une façon de se défausser de la véritable mission de la société comme du corps médical : soulager la douleur, qu’elle soit physique ou morale.

    Bref, la conviction qu’il ne s’agit pas que de décisions individuelles juxtaposées, sans incidence globale.

    (et, moktarama, vous aurez noté que je n’ai, à aucun moment cité Jésus dans ce commentaire : pensez-vous pourtant que l’on ne puisse écrire ce que j’ai écrit que pour des motivations religieuses ?)

  • Je suis d’accord avec le commentaire de Koz. Les questions du debut et de la fin de la vie nous dise quelque chose de notre societe et des valeurs que nous souhaitons qu’elle porte.

    J’aimerais rebondir sur l’aspect « economique » avec l’exemple de l’avortement.
    Pour beaucoup de personne cet acte est vecu comme une solution face a une situation qui ne peut etre resolue autrement. On peut penser au contexte societal, familial, economique…
    Cela fait plus de 30 ans que cette loi existe et les moyens mis en oeuvre pour apporter une solution alternative a l’avortement qui repondrait de maniere adequate aux differentes situations personnelles, restent dramatiquement insuffisants.

    Pourquoi cela serait different pour l’euthanasie?
    Si celle-ci est legalisee j’ai bien peur qu’elle devienne la reponse la plus facile economiquement et qu’elle retarde de maniere consequente les alternatives possibles. Comme pour l’avortement.

  • Koz, vous résumez ici fort bien vos convictions, je ne peux néanmoins que tiquer devant votre parenthèse finale.

    En utilisant à dessein le mot « philosophie », je pensais pourtant être clair, alors je vais développer un peu :

    1/ Vouloir vivre selon certains grands principes, qu’ils soient religieux ou non, est tout à fait respectable.

    2/ En dehors de la simple foi religieuse, je reconnais tout à fait la validité philosophique des propos tenus dans le nouveau testament, et si vous adhérez en toute réflexion à ces conseils de vie, cela ne disqualifie aucun de vos propos.

    3/ Quand je disais que cela permettait de situer aisément votre systême de valeurs, je ne faisais aucunement une critique. Pour retourner la situation, disons que Sénèque et Jésus sont les philosophes que je considère le plus dans leurs propos, vous avez ainsi également une vision de ma grille de lecture des choses.

    4/ Par conséquent, j’estime que ce que vous avez écrit, vous ne l’avez pas fait pour des motivations religieuses mais simplement pour exprimer votre conviction, qui elle est évidemment influencée par vos choix philosophiques. Tout comme mes convictions, et ce comme pour tout être humain. Rien de mal ou de critiquable là-dedans, surtout si une certaine ouverture reste présente, ce que ce dialogue semble affirmer 🙂

    Ceci mis au point, revenons à l’essentiel :

    Je n’aime pas trop votre comparaison avec la situation actuelle. Celle-ci me semble mauvaise à tous points de vue, avec des médecins qui euthanasient en secret et la mort qui représente un tabou absolu de notre société – et ça ne fait pas si longtemps.

    Je vais faire une mauvaise comparaison, mais vous me titillez avec votre « pente fatale » : cette « pente fatale » est ce qui conduit nombre de pays européens, encore aujourd’hui, à interdire l’IVG. Pourtant, cette dernière n’a à ma connaissance pas enlevé aux femmes la volonté de donner la vie, et elle est toujours abordée comme une situation d’exception, très mal vécue en général. Mais cela se fait dans un cadre légal, strictement encadré, et de mon point de vue – que je pense différent du votre – la société s’en porte plutôt mieux.

    Bref, vous avez compris mon raisonnement. Par ailleurs, en soit témoin le récit de Christine, avec ou sans euthanasie, la nature humaine parviendra toujours à ses fins.

    Enfin, à propos de « l’euthanasie sera une façon de se défausser de la véritable mission de la société comme du corps médical : soulager la douleur, qu’elle soit physique ou morale. » : la douleur, qu’elle soit physique ou morale, n’est pas toujours soignable. Tout simplement. Il faut essayer, et essayer encore, mais à un moment donné il faut aussi savoir écouter l’autre, et là me semble être la nuance.

    Loin d’un individualisme forcené, il me semble plutôt que parfois, et cela arrive, tous les efforts de la société ne puissent atténuer la volonté d’un homme à faire cesser sa condition. Cette volonté doit bien sûr être éprouvée – encore une fois, loin de moi les déprimes passagères d’un fraichement amputé lui donnant accès immédiat au nirvana morphinique – , jusqu’à la certitude que la décision est mûrement réfléchie, et devant l’impossibilité d’améliorer une condition.
    De même, l’exemple de la personne en capacité de se suicider devra prendre sa décision et le faire comme une grande, j’ai lu Brave New World, merci bien. Cette procédure d’exception doit être appliquée comme telle, et surveillée de très – très – près.

  • carredas a écrit:

    Il y a une grande différence de situation entre moi et l’autre, emmaillotée dans une couche, assise dans un fauteuil roulant qu’elle ne dirige pas, qui ne peut plus porter une fourchette à la bouche, qui perd ses mots et entend difficilement ceux des autres.

    Qui voit l’autre emmaillotée dans une couche…qui ne se voit pas quand la personne est habillée?…
    Qui voit une indignité dans le fait d’être dans un fauteuil roulant « qu’elle ne peut pas diriger »?
    Qui voit une personne réduite à de simples fonctions physiologiques?
    La réponse est dessous..

    carredas a écrit:

    Et moi qui vais partir tout à l’heure, je sais que je ne veux surtout pas me trouver un jour dans une telle situation de dépendance, réduite à de simples fonctions physiologiques, portée, poussée, essuyée, bousculée parfois, dépouillée de ma capacité propre à faire et décider pour moi, parce qu’à mes yeux ce n’est pas vivre.

    Et aux siens d’yeux, si elle n’a pas été influencée par les vôtres? Penserait elle qu’elle ne peut pas vivre?

    carredas a écrit:

    Pouvons-nous vraiment nous projeter dans une telle situation ?

    La preuve est faite…vous venez de le faire, en vous regardant comme vous avez regardé l’autre…et comme vous imaginez qu’on vous regardera.
    Ce n’est pas une critique.
    Nous le faisons tous un jour ou l’autre, les situations étant différentes selon les individus.
    Freud a appelé cela : « mécanismes de défenses », sous titre « identification/projection ».
    C’est humain.
    Néanmoins, il est bon de s’en rendre compte pour tenter de rester objectif.

    C’est ce qui se passe actuellement en politique, française comme internationale.
    C’est purement émotionnel.
    Totalement irrationnel, non objectif (car passé par le filtre du « moi je »), mais humain.
    Ce n’est pas affectif (au sens de l’amour et non de l’émotionnel).
    Mais c’est ainsi.

    Le savoir n’empêche pas pour autant ces émotions.
    Et il m’arrive comme les autres de tomber dans ces mécanismes, rassurez vous 😉 . Ils servent à se protéger de la peur de quelque chose. En général de la peur de la discrimination qui amène à la peur de l’abandon, de la solitude et donc du « non amour ».

    Celui là, j’y tombe de temps en temps, comme les autres. Mais je suis plutôt « fausse-réassurance ».
    Chacun son truc…

    Et c’est intéressant, car nous arrivons à comprendre pourquoi nous tombons dans certains travers, pourquoi nous pensons certaines choses, nous analysons certaines choses ou situations, en étant persuadés que nous sommes libres de nos pensées, alors qu’en fait, le regard de l’autre (notre regard sur l’autre) est l’un (parmi bien d’autres) des moteurs essentiels de nos actes et de nos pensées.

    Et c’est ce qu’utilisent médias et associations de ce genre pour nous faire réagir, notamment en choisissant -ce n’est pas anodin- une date à symbolisme fort.

  • Tara

    Ecoutez-moi, et essayez de ne pas savoir mieux que moi ce que je pense ou ce que je ressens.

    Je dis que je ne vois pas d’indignité chez l’autre, si vous n’acceptez pas ce postulat alors il faut arrêter là la discussion.

    Je vois une personne emmaillotée dans une couche et n’ayant d’autre choix que de s’y soulager parce que c’est la réalité, une réalité à laquelle elle ne peut pas se dérober même quand elle le demande.

    Je n’y vois pas d’indignité, je dis que je ne veux pas me retrouver dans cette situation de dépendance.

    Peut-être pouvez-vous vous imaginer dans cette situation en toute sérénité, moi non.

    Et donc vous déduisez que ce que je n’accepte pas pour moi, je ne l’accepte pas pour l’autre que j’influence par mon regard ?

    Si ces personnes n’étaient pas pour moi avant tout des personnes, je n’irais pas à leur rencontre alors qu’elles ne sont pas de ma famille et que rien ne m’oblige à pousser la porte de cette maison.

    Je ne mets pas en doute votre sincérité, ne mettez pas en doute la mienne.

    Je ne fais pas de prosélytisme, je n’affirme rien, je n’impose rien, je ne suis sûre de rien, je m’interroge.

  • carredas a écrit:

    Je vois une personne emmaillotée dans une couche et n’ayant d’autre choix que de s’y soulager parce que c’est la réalité, une réalité à laquelle elle ne peut pas se dérober même quand elle le demande.

    Ce n’est pas ce que vous avez écrit plus haut, ou je n’avais pas compris.
    j’y ai lu que vous ne vouliez pas devenir incontinente, c a d ne vouliez pas qu’on vous imagine avec une couche (qui ne se voit d’ailleurs pas)

    Mais si ce que vous dites est vrai, et je ne doute pas de votre sincérité, c’est un cas de maltraitance avéré (classé dans les violences physiques) et cela ne fait plus partie du sujet sur la fin de vie et l’euthanasie.
    Vous devez donc téléphoner à ALMA au 3977 (respect de l’anonymat)

    Vous savez, je le suppose, que :

    le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administrative est puni de 3 ans d’emprisonnement et 45000€ d’amende

    Ce que vous racontez est inadmissible et vous avez raison d’en être offusquée;
    Mais c’est un acte répréhensible.
    Et là, je suis d’accord avec vous : vous avez raison de ne pas vouloir ce genre de situation pour vous et votre famille.
    Mais si chacun de nous se mobilise, cela devrait ne plus exister.
    bon courage

    art 434-3

  • @Tara :

    Je n’avais pas répondu – bien que tiqué – lorsque vous me disiez que le service de soins palliatifs que je vous décrivais n’existait pas, ou alors que c’était très grave.

    Votre seconde intervention sur le sujet pour répondre à carredas me fait encore tiquer, alors cette fois-ci je vais répondre.

    Arrêtez de citer des textes de loi : les situations, que ce soit celle que j’ai décrite eu celle que carredas a décrite, se déroulent quotidiennement en France, y compris dans les meilleurs services – mais pas dans les bonnes maisons de retraites, je l’espère du moins. Je vais redevenir crû :

    Des artères et veines qui pètent l’une après l’autre, c’est typique des cancers vers la fin, c’est extraordinairement douloureux, une condition vraiment pas glorieuse à vivre – regard de l’autre ou pas – , et ça arrive dans tous les services de cancéro de France. Et croyez-moi ou non, mais même au sujet des douleurs physiques, à moins de provoquer un coma – auquel cas je ne vois vraiment pas de quoi on parle – , ne sont pas forcément surmontables par la panoplie chimique. Certes vous êtes complètement défoncé, mais passé un certain stade la douleur est juste trop prégnante. Si cela vous convient, tant mieux, je préfèrerais pour ma part avoir le choix, et si possible sans éviter que le médecin qui aura accepté ne se fasse poursuivre par ma famille. C’est tout, rien de plus, et loin de moi l’idée de vous imposer, ou à mon médecin, quoi que ce soit de contraire à vos convictions.

    Pour ce qui est de carredas, si cela ne relève pas de l’euthanasie effectivement, comme on retrouve ce témoignage chez Christine, encore une fois soyons clairs : ces deux sujets sont déconnectés. Oui, le systême de maisons de retraite français est lamentable – mais n’est-ce pas à nos représentants élus de sévir ? -, oui on peut considérer comme une mauvaise voie celle qu’empruntent nos sociétés cet abandon du vieux par la famille – surtout vu où on les envoie dans notre pays. Mais non, vouloir un cadre légal pour encadrer et contrôler ce que pratiquent de temps en temps les médecins hospitaliers ne s’apparente pas à un quelconque projet de zapper la case « maison de retraite » pour envoyer les vieux directement au cimetière.

  • @carredas et Moktarama

    Par rapport a ce que vous souhaiteriez de prise en charge de la personne malade, en quoi la loi Leonetti vous semble t-elle insuffisante?

  • La loi Leonetti me semble insuffisante en deux points très précis :

    1/ L’arrêt du traitement peut entraîner une mort lente, à l’opposé ce me semble d’un objectif de moindre souffrance du patient.

    2/ Dans l’optique de partir en paix, il me semble que dans certains cas il peut être préférable de partir paisiblement plutôt que dans des conditions particulièrement horribles, en laissant bien sûr toute latitude au patient.

    Comme j’aime les analogies débiles, je vous en propose une : c’est la guerre, votre pote de bataillon se fait coincer les bras sous des gravats, aucun secours n’est disponible et le médecin présent prédit une mort lente à celui-ci. Vous devez en plus partir, votre ami vous supplie alors de l’achever. Si cet acte ne choque pas certaines de vos convictions, le laisseriez-vous là, à agoniser comme un con, ou accompliriez-vous sa dernière volonté ? Ce n’est certes pas une situation commune, mais cela arrive.

  • Moktarama a écrit : « Si cela vous convient, tant mieux, je préfèrerais pour ma part avoir le choix, et si possible sans éviter que le médecin qui aura accepté ne se fasse poursuivre par ma famille. »

    Je suppose que vous vouliez écrire « en évitant » à la place de « sans éviter »…

    Moktarama a écrit : « C’est tout, rien de plus, et loin de moi l’idée de vous imposer, ou à mon médecin, quoi que ce soit de contraire à vos convictions. »

    Correction faite, ces deux citations collent en tous points avec ce que je dis ici depuis toujours, et je suis heureuse que quelqu’un de crédible puisse le faire comprendre.

    @ Carredas, je ne crois pas non plus vouloir vivre malade et/ou vieillissante sans mon autonomie (et chez moi, c’est ma fille de 17 ans qui rend régulièrement visite aux maisons de retraite pour distraire les résidents, je suis fière d’elle). J’ai parfaitement compris ce que vous exprimez. Il est vrai cependant, que je comprends aussi, avec le débat présent, que le problème des malades et celui des personnes âgées dépendantes ne peut pas être posé de la même façon, et ça ne me rassure pas le moins du monde sur ma fin de vie qui pourrait bien gâcher mes plus beaux souvenirs. Que ce sujet est difficile, mais il faut parler sans tabous (et comme vous, sans juger l’autre) de cet éventuel droit individuel à mourir. Merci pour vos commentaires toujours empreints de compréhension, de tolérance et de générosité.

  • AG

    Ce qui me questionne pour ma part, c’est plus la dépendance, la personne qui se trouve brutalement privée de sa capacité d’autonomie suite à un accident, ou les personnes très âgées.

    Je peux décider de donner mes organes de mon vivant, mais je ne peux pas intervenir sur les conditions de mon grand âge, si j’y arrive.

    Il n’est pas seulement question de médicalisation ou d’acharnement thérapeutique, il est question d’autonomie.

    C’est une question personnelle à laquelle chacun n’a pas les mêmes réponses mais c’est une question essentielle à mes yeux et j’ai du mal à imaginer que quelqu’un y réponde à ma place.

    Il n’est pas question d’euthanasie bien sûr, mais éventuellement d’un droit de regard sur ses conditions de vie, sur sa conception de la vie.

    Pour ce qui relève spécifiquement des malades en fin de vie, la loi Leonetti est importante et bien appliquée elle doit répondre à la majorité des cas, il reste quand même les euthanasies pratiquées par les médecins, hors la loi donc, si elles se justifient et elles se justifient toujours, il n’y a aucune raison que ce soit selon la seule décision de médecins aussi compétents et humains soient-ils.

    Tara, je vous assure que la maison de retraite où je vais n’est pas la pire mais il faut y aller régulièrement, écouter ce que disent les résident(e)s, regarder le comportement du personnel… oui, il y a de la maltraitance, beaucoup d’incompétence surtout, du personnel qui fait ça à défaut de mieux, de la négligence, de la familiarité etc…
    ( je connais ALMA )

    Isabelle, merci.

  • « le manque de sérénité de l’ADMD, et son audace à troubler celle des autres »

    Bravo! c’est très juste. Et merci

  • @Moktarama : Je ne comprends pas bien les deux lacunes que vous imputez à la loi Leonetti.

    Dans le cas de Chantal Sébire, le juge Jaillet lui avait proposé d’être plongée dans un coma artificiel avec arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, selon l’option du « droit au laisser mourir » de la loi Leonetti. Et c’est le refus de C.Sébire de cette option, car elle voulait « garder sa lucidité », qui avait déclenché toute l’affaire.

    Cela me semble pourtant bien répondre à l’objectif de moindre souffrance du patient.

  • @ Moktarama

    Je comprends bien vos 2 points.
    Pour le point 1 il me semble que la loi Leonetti y repond puisque le medecin peut, pour soulager les souffrances du malade, utiliser des medicaments qui pourraient avoir pour effet secondaire d’abreger la vie du patient. La decision finale appartenant bien sur au malade.
    Le point 2 rejoint en quelque sorte le point 1 sauf dans les cas de maladies incurables qui ne font pas souffrir le malade ou dont la souffrance physique ne peut etre entierement soulagee. En dehors des cas ou les souffrances psychologiques peuvent entrainer des souffrances physiques, ne pas pouvoir soulager en parties les douleurs ne doit pas etre tres courant. Ce serait interessant d’avoir quelques chiffres si ils existent. Les souffrances psychologiques necessitant d’autres types de soins.

    Pour votre analogie, les reponses possibles peuvent etre tres differentes selon le contexte. je ne m’y aventurerai pas.

    @Carredas

    Dans votre premiere partie vous evoquez effectivement plus une philosophie ou une sagesse de la vie. La societe doit mettre plus de moyens et d’attention aux soins et a la qualite de la vie des handicapes et des personnes agees. C’est pour moi une evidente necessite. Cela n’enleve bien sur pas sa conception personnelle de la vie. Mais cette conception n’est-elle pas en partie influencee par notre societe elle-meme?

    Dans le cadre des malades en fin de vie, je ne suis pas sur que les euthanasies pratiquees sans consentement des malades soient toujours justifiees. Neanmoins l’arret des soins, a la demande du patient ou de la personne de confiance choisie, ainsi que les efforts alors entrepris pour prendre soin des derniers moment du malade me semble aller dans le sens que vous souhaitez, non?

    A mon avis la Loi Leonetti couvre la plupart des situations rencontrees par les professionnels de sante. Je ne suis pas certain que les rares (?) cas qu’elle ne couvrirait pas doivent etre pris en charge par une euthanasie « plus active » que l’on devrait donc autorisee.

    Je crois que les revendications de l’ADMD depasse le cadre de ce qui pourrait manquer a la loi Leonetti. La question est donc de savoir jusqu’ou ces revendications vont-elles.

  • AG

    Je ne soutiens pas l’ADMD mais je lui reconnais ( comme à chacun ) le droit de revendiquer et d’agir pour défendre ses idées.

    Je ne comprends pas cette position qui consiste à dire – une loi existe, demander plus c’est ne pas respecter la vie démocratique –

    C’est ainsi qu’évoluent nos sociétés et heureusement elles évoluent.

    L’ADMD est une association militante et active, sans doute parce que ses membres sont convaincus du bien-fondé de leur position et prêts à s’investir et à mouiller la chemise.

    Dans un groupe, c’est en général les plus actifs, les plus déterminés et pas nécessairement les plus nombreux qui vont prendre la tête.

    Pour les adversaires de l’ADMD, il ne suffit pas de montrer l’association d’un doigt réprobateur, il faut me semble-t-il montrer, démontrer la force contraire en présence, si elle existe.

    L’idée de Koz de  » contreproposition  » à une journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité par une journée de la dignité de toute vie me semble la bonne réponse ( d’un point de vue stratégique )

    Mais cela demande une coordination des  » anti-euthanasie  » une motivation des leaders pour rassembler, des arguments à avancer, une dynamique à trouver, un investissement en temps en énergie…

    Oui, le problème des personnes très handicapées ou très âgées qui n’ont quasiment plus aucune maîtrise de leur corps, de leur environnement, de leur vie, n’est pas le même que celui des malades en fin de vie mais la réflexion autour de telles situations est du même ordre :

    La demande individuelle d’une personne de mourir plutôt que de vivre dans des conditions qu’elle juge inacceptable est-elle légitime ?

    La demande individuelle du médecin qui refuse certains actes au nom de son éthique est-elle plus légitime que la demande individuelle d’un malade à mourir ?

    Un jeune polyhandicapé comme Vincent Humbert peut-il revendiquer le droit de refuser de vivre paralysé sourd et aveugle ?

    S’il revendique ce droit, est-ce au prix d’une mort par déshydratation ou par asphyxie parce que l’euthanasie active est interdite ?

    La solution est-elle de laisser à sa mère et à une équipe médicale la décision d’intervenir hors la loi et d’être acquittés ensuite ?

    Certes un des fondement de notre société est de ne pas donner la mort à autrui.

    Certes répondre à la demande de mourir d’un handicapé ou d’une personne très âgée peut être présenté comme une évacuation du handicap ou de la vieillesse.

    Certes il y a des demandes à mourir qui, comme certaines tentatives de suicide, sont des appels à l’aide ou la confirmation de son irremplaçable importance dans le regard de l’autre.

    C’est bien pourquoi je n’ai pas de certitude, mais de réelles inquiétudes.

  • Je suis tout a fait d’accord avec vous carredas. Vous posez des questions fort justes.

    Dans les exemples que vous citez il ne s’agit plus necessairement du malade en fin de vie.
    Vous ouvrez la question du droit legitime a mourir. Le cadre est beaucoup plus vaste et a mon avis il est difficile d’en tracer les contours.

    Pensez-vous que c’est ce qui motive l’ADMD?

    J’ai bien sur le droit de trouver ma vie insupportable au point de vouloir mourir. Que doit faire la societe pour repondre de la maniere la plus bienveillante a cette revendication?

    Moi non plus je n’ai pas la reponse definitive. Je pense neanmoins que legaliser l’euthanasie n’est peut-etre pas la solution la meilleure pour la societe.
    Un debat sur les valeurs de notre societe est-il necessaire? Sans doute…

  • La réponse de Carredas au billet de Koz m’a interpelée et m’a donné envie de tenter d’y répondre.

    D’abord, pour lever toute ambigüité sur ma réponse, j’aimerais simplement dire que, diplômée en Soins Palliatifs, ayant travaillé comme accompagnatrice dans un tel service et en EHPAD pendant près de 8 ans, et continuant en bénévolat les mêmes fonctions, devenue formatrice (formation continue et interventions en IFSI) sur ces sujets (fins de vie, prise en charge des deuils, bientraitance, démarches de décisions éthiques), je ne suis bien évidemment pas objective.

    J’ai été bercée par les cours et discours des « pointures » du soin palliatif : Lassaunière, Hirsh, Verspieren, Salamagne, Gomas, Pourchet, Rudsinski, Hanus, Viallard and Co.
    (Que ceux que j’oublie ne m’en veuillent pas)
    Ces discours nous incitant à être militants dans le sens du « tout pour que la personne en fin de vie soit considérée comme un être vivant jusqu’au bout ».

    Et, tous ceux de ce blog le savent, je suis chrétienne, croyante et ma foi me pousse à vivre ce que je crois.
    Autre raison, sans aucun doute à ma subjectivité.

    Néanmoins, je vais tenter d’avancer des arguments.

    D’abord, je vais essayer de poser le raisonnement qui sous-tend les Soins Palliatifs.
    Il s’agit de la démarche éthique, démarche qui est issue de la pensée de Paul Ricœur

    Paul Ricœur (1913-2005) est protestant, et écrit dans une revue organe des « chrétiens révolutionnaires par l’union du Christ et des travailleurs pour la Révolution sociale».

    Après la guerre (il a été prisonnier), il ressent « un éblouissement d’être là, le sentiment du monde comme splendeur»

    Il travaille sur Platon, Aristote…Spinoza et Kant! Et participe à la revue « Esprit ». Il étudie Freud et réfléchit sur «les symboles de la culpabilité mais aussi de la souffrance absurde»

    Il est soixante huitard et démissionne de son poste de doyen de la faculté de Nanterre sous les coups de boutoir du ministre de l’époque Marcellin.
    Après un passage de trois ans à l’université de Louvain, il part aux USA où ses travaux sont véritablement appréciés.Son travail est enfin reconnu en France dans les années 1980

    « Ses thèses sont mises à contribution pour éclairer les grands choix d’une période dans laquelle il ne s’agit plus de choisir entre le blanc et le noir, entre le bien et le mal, mais entre le gris et le gris ; ce qui rend d’autant plus impérieux la mise en place des conditions d’un véritable partage des arguments et des convictions »
    Il tente « de placer le juste entre le légal et le bon, cherchant une parole juste qui ne refuse pas l’engagement ».

    Quelques mots sur sa pensée

    «1) la primauté de l’éthique sur la morale;
    2) la nécessité pour la visée éthique de passer par le crible de la norme ;
    3) La légitimité d’un recours de la norme à la visée, lorsque la norme conduit à des impasses pratiques» (SA 201).

    http://www.fondsricoeur.fr/intro.php

    D’où : réflexions éthiques (intention éthique) –> principes de morale (ce qui est bien et ce qui est mal) –> lois (pour inscrire dans les textes ce qui est bon de faire, ce qui ne l’est pas selon la morale, et l’encadrement qui évite les dérives) –> retour à une dose d’éthique (ce qui le mieux, ou le moins mauvais, pour toutes les parties) dans la décision.

    Néanmoins, il est vrai qu’il est croyant et pose le principe immuable de l’interdiction de tuer.
    Et c’est là, je pense que je n’ai pas d’arguments à opposer à l’ADMD.
    Aucun autre argument que le sentiment, commun à tous mes confrères, que la vie est un bien inaliénable.

    Notre démarche se bâtit donc sur certains principes (sachant que la décision s’appuie toujours sur un savoir, couvrant le plus grand champ possible):

    1- Questions concrètes qui se posent devant un cas particulier (singularité, chère à Ricœur) :
    – 1-1 recueil des informations techniques telles que les informations bio médicales, déontologiques, juridiques, légales…
    – 1-2 Prise en compte des repères psychologiques, culturels et moraux des acteurs de la décision (équipe soignante, famille et bien sûr patient.)

    2- Evaluation du « comment faire »

    3- Evaluation des « résultats du faire »

    4- Faire preuve de sagesse pratique et de prudence (Selon Aristote) dans la décision, qui restera, de toute façon, forcément « solitaire » (médecin), mais ayant tenu compte, autant que faire ce peut, des points ci-dessus mentionnés.

    Il est certain que nous avons toujours des antagonismes à affronter :

    1- problème de la téléologie : l’action morale vise à la réalisation du bien et il y a donc jugement de l’acte et de ses conséquences pour autrui

    2- problème de déontologie : qui demande à ce qu’on se plie à un devoir moral, en s’appuyant sur des principes universels et intemporels, sans en rechercher les conséquences.

    3- problème du court et du long terme : quid du pronostic vital ? (et toutes les questions qui se posent sur la validation d’un pronostic. Autant le diagnostic peut s’avéré « facile », autant le pronostic est plus difficile à appréhender !)

    4- problème de l’intérêt collectif versus intérêt individuel (et là, nous sommes je crois au cœur des débats !)

    -Et problème, qu’il ne faut pas évacuer, du coût des traitements, des meilleurs soins au malade…

    Se greffent sur cette démarche décisionnelle, les réflexions philosophiques personnelles:

    a- ma volonté n’est elle pas corrompue par mes préjugés, mes intérêts divers ?

    b- suis-je prêt à accorder à la personne vivante, devant moi, tout le respect qu’elle mérite,

    c- suis-je prêt à l’écouter, à instaurer un climat de confiance sans induire quoique ce soit dans sa propre réflexion ?

    Ces réflexions buttent sur différents obstacles que sont l’incertitude (savoir que jamais nous ne saurons si notre décision aurait pu être la meilleure) avec en corollaire, l’obligation d’humilité, et le contexte éthique actuel de nos sociétés dites démocratiques où l’on voit plaintes, complaintes, méfiances et émotions remplir la sphère affective (notre société confond allègrement l’affectif et l’émotionnel, l’empathie et l’identification)

    Comme vous le voyez, les décisions d’une équipe de soins Palliatifs, ne se fait pas selon un tirage au sort, ou en fonction de l’esprit de clan d’un chef de service imbu de lui-même et de ses convictions personnelles.

    Bien sûr, vous pourrez toujours me rétorquer que vous connaissez quelqu’un qui…, que tel ou tel service de cancéro ou d’ehapd…etc, etc.

    Comme je pourrais toujours vous dire que la cigarette provoque un cancer la plupart du temps (poumons, mais on le sait moins, vessie et certains cancers génitaux), mais que je connais des fumeurs invétérés centenaires et de pauvres jeunes non fumeurs atteints des dits cancers!

    L’avantage de la courbe de Gauss est qu’elle explicite bien ces cas, dont tous les opposants à quelque thèse que ce soit s’emparent pour tenter de démonter le résultat d’une recherche dans le domaine de l’humain ayant pour base les statistiques.
    C’est ce qu’on appelle les exceptions qui confirment la règle.

    Enfin, je répondrais une fois encore sur l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation en fin de vie :
    L’arrêt de l’hydratation altère la conscience, certes, mais entraîne un certain degré d’antalgie avec productions d’endorphines, limite les sécrétions bronchiques et les vomissements, sans sensations de soif (au vu des électro encéphalogrammes), à condition que les soins de bouche soient correctement effectués.
    Idem pour la nutrition, si on diminue progressivement les apports.

    Si on pense qu’effectivement, cet arrêt semblerait (noter le conditionnel) hâter la survenue de la mort, à contrario, l’hydratation artificielle, lorsque la mort est imminente, n’influence pas la survie ni le soulagement des symptômes.

    Il est néanmoins bien évident que je me place ici dans le cas d’un malade en fin de vie !

    Il est également évident que le cas est totalement différent lorsque le malade n’est pas en fin de vie (mais a une maladie incurable) et que sa survie dépend de la mise en place d’une alimentation et d’une hydratation artificielles

    Et là, la loi Léonetti prend toute sa valeur, parce qu’elle permet de prendre une décision cas par cas, en suivant la réflexion éthique ci-dessus énoncée.
    Enfin, il ressort du Congrès de Nantes de juin 2008, que nombre des intervenants pensent :

    1- Que la nutrition /hydratation artificielle est une intervention thérapeutique de soutien d’une fonction vitale déficiente et entre donc dans le cadre d’une décision éthique
    2- Que l’alimentation orale et la boisson sont des soins de confort, qui doivent être facilitées et maintenues autant que possible dans le cadre du respect des besoins fondamentaux de l’homme
    3- Que, chez un patient ne pouvant plus assurer ses besoins hydriques et nutritionnels par voie orale (en buvant et en mangeant), la mise en place d’une hydratation artificielle sans alimentation artificielle n’est pas éthiquement justifiable et conduit à des situations inacceptables.

    Le cas de l’hydratation et de l’alimentation entérales (alimentation par sonde se rapprochant de l’alimentation orale assistée) est un autre problème.
    Considérées par les uns comme traitement, elles peuvent entrer dans le cadre de la Loi Léonetti, elles sont considérées par d’autres comme un soin, tout en se demandant s’il y a un espoir raisonnable d’atteindre les objectifs qui légitimeraient un tel soin ( Verspieren)

    Vous constatez donc, qu’au-delà des débats émotionnels traditionnels, de réels échanges, des réflexions profondes sont faites sur tous ces thèmes.

    Je ne sais pas si j’ai argumenté comme vous le désiriez. J’espère seulement vous avoir démontré que le débat n’est pas aussi simple que ce que veut bien en dire l’ADMD.

    Il prend en compte les avancées médicales, la prise en charge de la douleur (parfois certaines chimios sont conservées, non pas par acharnement thérapeutique mais pour leur effet antalgique), la prise en charge de la souffrance totale, le droit (et la déontologie), la morale, et la singularité du malade, tout en respectant la sensibilité du personnel soignant….dans le respect de la vie

    (J’ai abordé le simple côté médical de la prise en charge des patients en fin de vie, et non le côté psychologique de cette prise en charge)

    Pour terminer, je dirais quelques mots sur la prise en charge des personnes âgées dans les institutions (et à domicile).
    Ce sujet est pour moi,un combat quasi journalier. Néanmoins, je constate, grâce au plan proposé par R Bachelot et le travail de différentes associations depuis de nombreuses années, une prise de conscience notable dans ce secteur et une réelle amélioration.
    La culture de la bien traitance fait partie des formations obligatoires de tout le personnel soignant et aidant.

    Il faudra sans aucun doute plusieurs années pour mener à bien ces formations, mais j’ai espoir.

    L’évaluation des pratiques des intervenants (soignants et/ou aidants) auprès des personnes âgées et/ou dépendantes et/ou fragiles se fait, petit à petit.

    Beaucoup est encore à faire.
    Mais de grands pas sont déjà faits.
    Les notions de violence, physiques, psychiques commencent à être connues, la maltraitance passive est largement abordée.
    Et ne l’oublions pas, la loi (nous sommes dans un Etat de droit) qui permet de punir les maltraitants et ceux qui ne les dénoncent pas aide beaucoup!

    Et il ne fait pas oublier que la majorité des violences infligées à nos anciens n’est pas le fait des soignants ou des aidants mais d’un membre de l’entourage familial!

    Il faudrait donc se poser la question, tous, «sommes nous maltraitants envers nos parents et grands parents?» (ce qui incluent aussi notre regard sur leur soit disante indignité)

    Quelques résultats de sondages (étude de Catt et all) sur le point de vue des personnes âgées de 55 à 75 ans et plus :

    *-je voudrais encore essayer tous les derniers traitements, quoiqu’ils entraînent –> oui pour tous

    *- je voudrais avoir des médicaments à ma disposition pour mettre fin à ma vie quand je le déciderai –> oui
    pour les plus jeunes, non pour les plus vieux

    *-une personne ne devrait jamais se suicider –> oui pour tous

    *-si mes proches pensent<b/> qu’il est mieux pour moi de mourir parce que je suis gravement malade sans espoir de guérison, les médecins devraient m’aider à mourir –> oui pour tous

    A méditer…avant de prendre en considération la demande d’euthanasie d’une personne âgée.

    Réf : revue médecine palliative, éditions Elsevier Masson, divers N°
    Œuvres de P Ricoeur
    Cours et exposés de Vierspiren, S Pourchet, M Viallard and Co
    Loi Léonetti,

      http://www.travail-solidarite.gouv.fr/actualite-presse/dossiers-presse/dossier-presse-operation-bientraitance-personnes-agees-accueillies-etablissement.html
    
      http://adequation.mayor-formation.com/actualites-news/personnes-agees-un-plan-contre-la-maltraitance.html
    
      http://www.espace-ethique.org/fr/accueil.php
    
      http://www.portail-soins-palliatifs.fr/
    
  • Tara, je n’ai pas votre inébranlable conviction et je ne sais pas d’ailleurs si c’est à moi que vous dites à un moment :  » je ne sais pas si j’ai argumenté comme vous le désiriez… »

    Personnellement, je n’attends pas une argumentation sans faille qui devrait obligatoirement emporter le morceau, et quel morceau…?

    Vous êtes dans l’action, vous savez de quoi vous parlez, vous êtes compétente et préoccupée des autres.

    Je le savais déjà car ce n’est pas la première fois que vous vous exprimez sur le sujet.

    Comme je l’ai dit déjà, mon interrogation porte plus sur le sens de la vie et s’interroger de ce point de vue, amène selon moi à accepter les doutes et à renoncer à LA vérité, à LA solution, à être humble.

    Il y avait hier un documentaire sur M6, au cours duquel on suivait pendant plus de deux ans une femme de 49 ans fauchée par une voiture un jour de janvier place de la Nation.

    Projetée sur plus de 30 mètres, elle a été relevée avec une vingtaine de fractures et un traumatisme crânien et miraculeusement, elle a survécu.

    Le reportage a montré l’évolution de ses progrès et la limite de ses progrès.

    Sa famille, son mari, ses enfants ont témoigné de leur douleur et de leur désarroi devant cette femme qui a perdu sa mémoire et qui leur est en grande partie étrangère.

    Le mari a décidé d’arrêter son activité professionnelle ( qu’il aimait beaucoup ) pour faire face au retour de son épouse à la maison et à la disponibilité que cela lui demande, il dit à plusieurs reprises  » ce chauffard m’a pris ma femme  » parce que ce qui faisait la personnalité, l’inestimable singularité de sa femme n’existe plus.

    Le dernier enfant ne sait pas comment se situer face à sa mère qui ne tient plus ce rôle de mère et qui devient presque usurpatrice de sa vraie mère qui a disparue pour toujours un jour de janvier place de la Nation.

    Je ne parle pas de ce drame pour en tirer un argument quelconque en faveur d’une euthanasie hors sujet, mais pour souligner que la notion de vie et de personne humaine doit interpeller chacun de nous au delà de nos convictions gravées dans le marbre.

    Etre vivant pour un être humain se résume-t-il à ne pas être mort ou peut-on évoquer un  » service minimum de vie  » ?

  • @carredas.
    Le « vous » était certes pour vous, car vous m’avez fait réfléchir et poser des tas de questions par rapport à ma pratique et mes croyances.
    Mais il s’adressait aussi à tous ceux qui se posaient des questions sur les « décisions » que prenait le corps médical.

    je ne cherche pas à « emporter le morceau », mais simplement à expliquer combien la décision est pesée, et combien les décisionnaires restent humbles .

    Je parle des antagonismes à affronter, des réflexions philosophiques personnelles, et j’ajoute :

    Ces réflexions buttent sur différents obstacles que sont l’incertitude (savoir que jamais nous ne saurons si notre décision aurait pu être la meilleure) avec en corollaire, l’obligation d’humilité

    Vous voyez que sur ce point, nous sommes totalement en accord.

    Vous écrivez:

    la notion de vie et de personne humaine doit interpeller chacun de nous au delà de nos convictions gravées dans le marbre.

    Là encore nos pensées sont en accord, puisque j’ai écrit:

    Se greffent sur cette démarche décisionnelle, les réflexions philosophiques personnelles:

    a- ma volonté n’est elle pas corrompue par mes préjugés, mes intérêts divers ?

    b- suis-je prêt à accorder à la personne vivante, devant moi, tout le respect qu’elle mérite,

    c- suis-je prêt à l’écouter, à instaurer un climat de confiance sans induire quoique ce soit dans sa propre réflexion ?

    Finalement, nous n’utilisons pas les mêmes mots, nous n’avons pas la même façon de communiquer, mais là encore nous nous rejoignons.

    Et lorsque vous évoquez le reportage de M6, vous confirmez ce que j’ai écrit, à savoir le problème du contexte éthique actuel de nos sociétés dites démocratiques où l’on voit plaintes, complaintes, méfiances et émotions remplir la sphère affective (notre société confondant allègrement l’affectif et l’émotionnel, l’empathie et l’identification)

    D’où la question fondamentale implicite à laquelle nous devrions réfléchir, en regard à l’étude que j’ai mentionnée dans mon com précédent:

    si mes proches pensent qu’il est mieux pour moi de mourir parce que je suis gravement malade sans espoir de guérison, les médecins devraient m’aider à mourir –> oui pour tous

    –> N’induisons nous pas ces demandes?

    C’est une question, pas une argumentation.

    Mais votre exemple met en valeur la souffrance de la famille, souffrance que nous rencontrons tous les jours. Celle qui est la plus difficile à apaiser.

    En sachant que certaines études montrent que la mort du malade (ou du handicapé) apporte d’autres souffrances, dont la culpabilité – qui existe dans tout deuil – mais ici beaucoup plus importante, rien que par le fait d’avoir désiré consciemment ou inconsciemment la mort de la personne aimée, avec pour conséquence fréquente,un deuil pathologique à la clé. Et ce, sans même une euthanasie au bout, simplement un désir que cela s’arrête! (toujours bien sûr avec la limite de la courbe de Gauss)

    Voilà, Carredas, et merci pour votre réponse.
    Vous voyez, finalement, nous sommes proches l’une de l’autre sur nos réflexions.

  • cette discussion intéressante, qui revient sur ce thème après plusieurs échanges antérieurs, me laisse songeur:

    ce qui fait la spécificité de l’espèce humaine, au delà de toute considération religieuse, c’est le soin qu’elle prend, contrairement à toutes les espèces animales, de ses personnes malades, âgées…
    cette empathie témoigne de notre humanité.

    soigner donc, mais jusqu’ou?

    je partage le point de vue d’isabelle, de moktarama, sur mon souhait, mon droit à pouvoir interrompre mon existence lorsque celle-ci me paraît trop difficile, douloureuse, sans projet, sans bonheurs…
    j’aimerais que cette possibilité ne dépende pas des autres mais je ne peux en être certain… en fin de vie, tout peut être difficile…
    alors oui, je suis tenté de demander la légalisation du suicide assisté, à mon initiative, de l’euthanasie, sur demande de mon entourage, après avis des médecins…
    et je suis en même temps sensible aux risques de dérive,
    d’initiatives « économiques » prises par les uns ou les autres…
    je crois que notre dernière année de vie coûte en moyenne
    un tiers des soins médicaux que nous « utilisons » dans notre vie…je comprends qu’il faille être vigilant sur l' »acharnement thérapeutique » inutile, coûteux, douloureux…

    je me souviens du film « soleil vert » où on pousse vers la mort les vieux, les malades, en euphorisant leur fin de vie…

    la loi doit permettre à chacun de vivre et mourir suivant ses choix, lorsque sa vie est derrière lui, sans inciter à une approche qui roggne cette part d’humanité que j’évoquais au début…
    un réglage légal fin, très difficile, mais indispensable.

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