"Vichy". Pour une juste mesure.

Simone Veil n’est pas avare de paroles libres. Elle publie ces jours-ci ses mémoires, que je serais heureux de lire. Mémoires d’une éminente femme du siècle. Dans une interview donnée au Point cette semaine, elle revient sur Vichy, l’attitude des français durant la guerre, et cela mérite l’attention. Tous résistants, tous collabos ? Tous méprisables ? Des français spécialement abjects entre les nations ?

Il ne s’agit pas d’évacuer une responsabilité collective – responsabilité d’alors, au demeurant.

Sur l’échelle de la bassesse, de la haine et de l’ignominie, les français n’ont évidemment pas été sans tâches. Cela non plus, on ne l’oubliera pas.

Mais, il y a seulement quelques jours, certains s’inquiétaient de notre capacité collective à nommer ceux qui désignèrent Môquet et d’autres à leurs exécuteurs, s’inquiétaient aujourd’hui encore de notre capacité à affronter cette face sombre. Les propos tenus par Simone Veil qui, je l’avoue, m’ont surpris, peuvent être une utile contribution afin de faire face à notre Histoire, dans une juste mesure.

– Cet exemple, comme d’autres, vous conduit à relativiser vos jugements sur cette période. Il convient, écrivez-vous, de « moduler l’opprobre » pesant sur le régime de Vichy. Que voulez-vous dire ?

Il est aussi faux de présenter la France de cette époque comme entièrement vouée à la collaboration que de faire de tous les Français des résistants. Ce que je veux dire, c’est que l’extermination des juifs a été bien plus massive dans les autres pays occupés – entre 80 % et 90 % aux Pays-Bas ou en Suède. En France, la déportation a concerné un quart de la population juive ; et, sur 75 000 déportés, 25 000 sont revenus des camps. Bien des Français ont protégé des juifs ou gardé le silence sur ceux qui les cachaient. Je souhaite qu’on ne l’oublie pas. Avant d’être arrêtée, j’ai moi-même été hébergée à Nice par une famille qui n’avait aucune raison de le faire. Il faut aussi se rappeler qu’au moment de la rafle du Vél’d’Hiv 13 000 personnes ont été arrêtées sur 23 000, ce qui veut dire que beaucoup ont été prévenues par les commissariats. C’est pourquoi je dis qu’il faut faire la part des choses et ne pas accabler les Français, comme l’a fait Marcel Ophuls dans son film « Le chagrin et la pitié ».

– Au point de vous être opposée à sa diffusion quand vous siégiez au conseil d’administration de l’ORTF !

– C’est exact. Je trouvais que le film présentait une caricature honteuse de l’attitude des Français sous l’Occupation. Ses producteurs voulaient le vendre – très cher – à la télévision publique avant sa sortie au cinéma. J’ai dit que je démissionnerais si leur souhait était exaucé et que je ferais savoir pourquoi. Mon point de vue l’a emporté.

Il est évident que seule une femme telle que Simone Veil pouvait légitimement appeler à ne pas « accabler les français« .

Ne pas nier ce passé, ne pas l’ignorer. Ne pas non plus se complaire dans une mise en accusation permanente des français, ni forcément glorieux, ni spécialement méprisables. Quoi que certains en pensent et disent.


En savoir plus sur Koztoujours

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

32 commentaires

  • Elle mérite beaucoup de respect, et elle est une grande militante de la cause européenne, mais l’histoire n’est pas son fort: la Suède ayant été neutre durant la guerre, aucun de ses citoyens de confession juive ne fût déporté par les Allemands…

    Ceci dit, quant au fond, elle peut effectivement exciper de son passé personnel pour faire valoir son poit de vue, mais d’autres personnes ayant le même passé ont un point de vue diamétralement opposé – on peut penser à Maurice Rajsfus notamment…

  • Si je ne m’abuse, la Suède n’a jamais été occupée par les Allemands, au contraire de la Norvège (conquise) ou de la Finlande (alliée). Je vois donc mal une « extermination massive » de Juifs en Suède. Ce qui dévalorise malheureusement le reste de ses propos…
    Cela dit, elle est une des grandes figures de la fin du siècle.

  • juste une precision, la suede n’a pas ete occupee par les allemands , oups c’est deja releve,bon, pouf pouf, j’ai rien dit.

  • Elle a certainement confondu Suède et Norvège. Il est indéniable que la répression en Norvège a été terrible, de même aux Pays Bas. Ce lapsus n’enlève rien au raisonnement qu’elle tient.

  • Le problème est qu’énoncer ces chiffres et les présenter, à l’instar d’un FG Dreyfus, nous faisait automatiquement passer pour des suppôts du fachiiiiiiiiiisme. Heureux de voir que Simone Veil, que ce soit avec ses propos sur l’embryon, ou ceux sur la collaboration, tempère les excès de notre société.

    Mais si elle n’avait pas ce statut, jamais elle ne pourrait tenir de tels propos.

  • « ..pas sans tâches…? » si tu veux dire qu’il y a du boulot, le fameux travail de mémoire, certes.
    Je ne devrais pas me môquer, ça ne dévalorise pas le propos, pas plus qu’un lapsus entre Norvège et Suède.
    Accessoirement, sur ce dernier point, il n’y a plus de correcteurs dans les journaux (réponse de moins en moins)? N’est-ce pas aussi dans le responsabilité du journaliste de vérifier les infos, y compris les propos des interviouvés, que ce soit pour ne pas leur laisser dire n’importe quoi sans un tant soit peu de contrepoint, ou pour ébarber les petites erreurs?

  • Il est certain que les avis divergent sur ces points douloureux de l’histoire.
    Mon père et mon beau père ont été tous les deux résistants et se sont engagés tous les deux dans l’armée avant la fin de la guerre.
    Mon père, à 15 ans a du se « cacher », car son frère a pris le maquis pour ne pas se retrouver en allemagne. Puis il est rentré dans la résistance. A 15 ans, donc, il portait les messages, en vélo , au risque de se faire fusiller, comme certains de ses amis. Il a connu aussi l’horreur de voir quelques uns de ses amis dénoncés. Dès qu’il a pu, il a devancé l’appel pour la France ( alors que son père n’était pas français ).
    S’il en a gardé des images d’horreur, qu’à ce jour il n’a toujours pas pu dire, il reste fier de son choix.
    ( pendant ce temps là, dans la famille de ma mère, on cachait résistants et alliés- il n’y avait pas de juifs dans notre région – et on aidait à passer la ligne de démarcation)

    Mon beau père ( 17 ans à l’époque, même région ), lui, a fait de la résistance « parce qu’il n’avait pas le choix ». Il a devancé l’appel  » parce que cela lui permettait de « travailler » et de survivre à la pauvreté » et que là non plus, « il n’avait pas le choix ». Il a pu ainsi continuer ses études.
    Il a vu les mêmes horreurs. Mais peut être parce que la motivation était différente, il n’en garde pas les mêmes souvenirs. Il se rappelle de résistants qui pillaient les fermes, de ceux qui dénonçaient leurs voisins pour une poignée de blé ou quelques pommes de terre.
    Pour lui, je me demande si la résistance était vraiment glorieuse. Et lui est français de chez français.
    Il n’a aucune considération pour les juifs et les alliés , même s’il n’est pas du tout xénophobe .
    J’ai même cru longtemps qu’il avait été collabo et je n’ai su son passé de résistant que tout dernièrement, lors d’un échange à coeur ouvert avec lui .
    Sur Vichy, une différence de fond aussi. Pour l’un une défaite ( mon père ), pour l’autre , je ne sais pas trop, l’idée est moins affirmée.
    Une opprobe, je ne sais pas.
    Il ne faut pas confondre défaite et opprobe.
    Mais, quoiqu’il en soit, une incompréhension face à la capacité de dénoncer ses amis, sa famille, face à la facilité de certains à baisser les bras devant l’innommable.
    Mon père a résisté pour un pays ( qui n’était pas complètement le sien ), pour une idée de noblesse de ce que peut être un Homme, pour la liberté, pour l’égalité et la fraternité, comme on peut s’en faire un idéal à 15 ans.
    Il en est certes revenu meurtri, mais je crois qu’il restera à jamais convaincu qu’il a eu raison de suivre de Gaulle.
    Il lui restera à jamais le dégout du communisme et du fachisme…

    Mon beau père restera à jamais convaincu du bien fondé du socialisme et des idées de gauche.
    Peut être , au delà de l’amour pour un pays, est ce là la différence de point de vue ? ( bien qu’il y ait eu autant de résistants de gauche que de droite !)

    Donc deux vies, à 30 kms de distance. Seulement deux ans d’écart et une vision quasi inverse des mêmes événements.
    Avec cependant une même horreur au fond des yeux.
    Je suis née après guerre, mais cette détresse, au fond des yeux de mon père et de mon beau père, je la vois lorsqu’on arrive à en parler et je crois que, même lorsqu’ils seront morts tous les deux, je ne pourrai pas l’oublier.

    J’admire Simone Veil, j’admire son courage, et j’admire sa capacité de pardon et de modération.
    Chez nous, elle était « la Dame », elle est toujours « la Dame »!

    Ce passé n’était  » ni glorieux, ni méprisable », mais que de cicatrices cela aura t il laissé !

  • [quote comment= »53726″]Ceci dit, quant au fond, elle peut effectivement exciper de son passé personnel pour faire valoir son poit de vue, mais d’autres personnes ayant le même passé ont un point de vue diamétralement opposé – on peut penser à Maurice Rajsfus notamment…[/quote]

    J’ai aussi eu un professeur d’Histoire-Géographie, professeur en faculté (Paris X) qui nous a enseigné sur plusieurs cours d’affilée, contre totue évidence, que l' »antisémitisme » était d’essence française, consacrant plusieurs heures à cet aspect prétendument révélateur de cette période qu’était « l’antisémitisme français à la Belle Epoque » (intitulé du cours).

    Je ne peux toujours pas m’empêcher de penser que l’idée d’une responsabilité, d’une culpabilité, consubstantielle du peuple français (éternel : ça vaudra pour le passé, le présent et l’avenir) en arrange beaucoup.

    * * *

    Pour le reste.

    C’est intéressant et révélateur, cette façon de certains de se précipiter sur un lapsus présumé.

    Je ne tiens pas nécessairement, et certainement pas contre une éventuelle autre vérité historique, à alléger le fardeau de la France, mais certains me semblent avoir une nette disposition d’esprit les incitant à privilégier automatiquement ce qui accréditerait l’idée d’une face spécialement sombre de notre pays.

    C’est de toutes façons le propre d’une parole dérangeante de… déranger.

    Alors focalisons donc sur un détail (oui, je sais, j’ai dit « détail » et, en plus, là c’est dans le contexte). Deux hypothèses :

    – soit le lapsus vient d’elle et elle aura confondu norvège et suède le temps d’une interview. Est-ce que cela décrédibilise tout un propos ?

    – soit le lapsus ne vient pas d’elle. Cela vous semble-t-il inimaginable qu’il puisse venir du journal ?

    Vous aurez noté que sa position était visiblement la même à l’époque de l’ORTF.

    Amusant aussi de voir un Gavilan se précipiter sur un accent circonflexe malvenu. Effectivement, cela laisse présumer que le fond est plus difficile à discuter. Personnellement, lorsque je vois ce genre de coquilles sur les blogs des autres, j’estime généralement que ça ne vaut pas un commentaire. Libre à chacun d’attacher de l’improtance à ce qu’il souhaite.

  • Comme beaucoup de personnes ayant connu cette période ( De Gaulle, Pompidou, Mitterand) S. Weil a une vision réaliste, nuancée, humaine de la période de Vichy, à l’opposé de la vision idéologique actuelle.
    Je suis surpris de lire qu’il y aurait eu des dénonciations pour quelques pommes de terre. Dans ma région ( Drome, Ardèche, Isère) les cas de dénonciation ( très rares ) que je connais ont été fait dans des conditions extrèmes ( arrestation par la police allemande et non la française dans un cas, menace directe de mort, devant le cadavre d’un voisin fusillé dans un autre … ).
    L’occupation, c’était une menace vitale sur tous les français, même si elle ne se matérialisait que rarement.

  • Il y a extrêmement peu de gens capables de parler de façon aussi indépendante et juste que Simone Veil.

    Concernant le Chagrin et la pitié, sa déclaration est stupéfiante. Je n’avais jamais lu cela avant. Cela était-il connu?

    Du coup, ses paroles font froid dans le dos. Quand on les compare avec le pathos mythique et dégoulinant qui tient le haut du pavé dans l’opinion publique au sujet de l’Occupation, on se rend compte que dès que les derniers survivants de l’Holocauste auront disparu (c’est demain), il n’y aura plus personne pour faire entendre la voix de la vérité.

    Nous serons définitivement submergés par la légende, l’idéologie, la bonne conscience et la pensée totalitaire, sans même le moindre espoir d’apercevoir, une fois par an, peut-être, la lumière de la raison, comme ici avec Simone Veil.

    Effroyable bilan du mépris de l’histoire, du savoir, de la vérité, enseigné sans relâche dans les écoles de l’Union des républiques socialistes soviétiques françaises.

  • @ Robert Marchenoir

    C’est faire bien peu de cas du professionnalisme des historiens, qui pourront commencer à travailler de manière plus libérée quand les témoins seront morts et qu’il ne pourront plus hurler devant les médias car « cela ne correspond pas à ce qu’ils ont vu ».

  • Je n’y étais pas et la plupart de ceux qui s’expriment n’y étaient pas non plus, et il est donc difficile sur ce genre de sujets de faire autre chose que de la bataille de préjugés. Je crois quand même qu’il est difficile de ne pas relever que l’opinion de Simone Veil sur la question, pour respectable qu’elle soit, n’en est pas moins très minoritaire, et que la plupart de nos compatriotes juifs n’ont pas autant d’estime qu’elle pour l’ensemble de la population française de l’époque. Ce ne sont pas toujours les minoritaires qui ont tort, mais elle est quand même assez minoritaire sur cette question.

    Moi, ce qui m’a toujours frappé dans ces histoires, c’est l’absence quasi totale de ces récits si fréquents en Amérique latine du temps des escadrons de la mort: « Bonjour, monsieur le commissaire, mon voisin M. Lopez a été emmené il y a une semaine par une voiture de police et je voudrais savoir ce qui lui est arrivé. – Cher monsieur, ni vous ni moi ne savons ce qui est arrivé à M. Lopez, mais je peux quand même vous dire qu’il va vous arriver la même chose qu’à lui si vous continuez à m’emmerder. » Des récits de Français ayant cherché à avoir des nouvelles de leurs voisins déportés – ce qui a priori ne leur aurait pas valu le peloton d’exécution, en tout cas pas tout de suite -, il y en a fort peu, il n’y en a pour ainsi dire pas, pas même si le motif invoqué était de leur faire suivre leur courrier, de leur réclamer un impayé ou d’envoyer de la confiture à leur petite fille (alors même que faire ça pour les prisonniers de guerre était, et c’est très heureux, considéré comme la moindre des choses à l’époque). Pour l’essentiel, la population française non-juive ne se souciait pas de ce qui était arrivé à ses compatriotes juifs, c’est un fait. Ce n’est sans doute pas aussi immonde que d’écrire soi-même une lettre de dénonciation, mais j’ai beau faire, ça ne me rend pas mes compatriotes de l’époque très sympa, globalement.

    Une anecdote parmi des milliers d’autres. Dans le village de ma famille, qui jouxte la frontière suisse, on a vu arriver il y a quelques années un Israélien qui cherchait une maison précise d’après les récits de ses parents: ils y avaient été hébergés par des villageois, pendant des semaines, le temps que la surveillance à la frontière se relâche assez pour qu’ils puissent passer. L’Israélien trouve la maison, obtient des descendants de la famille l’autorisation d’y apposer une plaque manifestant la reconnaissance de ses parents, on fait une petite cérémonie, M. le maire loue le courage de ces braves gens qui sans nul doute avaient couru un grand risque de se faire arrêter et fusiller car la maison, à quelques dizaines de mètres de la frontière, aurait parfaitement pu être fouillée à tout moment. Bon, bravo, voilà de braves Français héroïques comme il y en a assurément eu. Seulement, ce qui a laissé tout le village un peu perplexe en commençant par les voisins et même les descendants de ces héros anonymes, c’est que ces braves gens n’avaient jamais jamais raconté l’histoire à absolument personne, pas même à leur famille, pas même à leurs propres enfants, pas même des années après la Libération. Personne ne sait pourquoi, mais j’imagine que la raison est tout bêtement… qu’ils ne voulaient pas avoir à avouer à leurs voisins que la raison pour laquelle ils ne les avaient pas mis dans la confidence à l’époque (et c’est un tout petit patelin où tout le monde connaît tous les secrets de tout le monde), c’est qu’ils soupçonnaient fortement qu’ils auraient immédiatement été dénoncés.

    Je ne sais pas trop ce qu’il faut retenir de cette histoire, mais j’ai tendance à en conclure: primo, qu’il y a vraiment eu des héros; deuxio, que les dits héros avaient tendance à penser qu’il y avait autour d’eux un bon paquet de salauds. A mon avis, les deux choses sont vraies, et méritent qu’on y réfléchisse de temps à autre.

  • [quote comment= »53851″]@ Robert Marchenoir

    C’est faire bien peu de cas du professionnalisme des historiens, qui pourront commencer à travailler de manière plus libérée quand les témoins seront morts et qu’il ne pourront plus hurler devant les médias car « cela ne correspond pas à ce qu’ils ont vu ».[/quote]
    Que vaut le professionnalisme des historiens devant l’idéologie des professeurs, des médias et des « intellectuels »?

    Quant aux historiens, je regrette de ne pas pouvoir leur donner de blanc-seing du seul fait qu’ils sont « historiens », pas plus que s’ils étaient « sociologues », « physiciens », « urbanistes », « plombiers-chauffagistes » ou que sais-je encore.

    Si vous saviez le nombre d’âneries que je lis sous la plume de prétendus universitaires, chercheurs, écrivains et tutti quanti, excipant des titres les plus prestigieux, dans les journaux les plus pompeux…

  • Poil de lama: je ne connais pas votre village, naturellement, mais il me semble qu’il n’est pas nécessaire de faire appel à de coupables penchants supposés de vos villageois pour expliquer le silence de ceux qui y ont abrité des Juifs.

    Il me semble qu’en pareil cas, on doive prendre le maximum de précautions. Et la seule façon de le faire, c’est de n’en parler à personne. Un secret trahi est un secret dont vous avez auparavant parlé à quelqu’un. Vous n’avez pas le droit de spéculer sur la loyauté de quelqu’un quand ce n’est pas strictement nécessaire et que la vie d’autrui est en jeu.

    Cela vaut même au sein d’un groupe qui partage la même cause et le même combat. La méthode classique pour assurer la sécurité d’une organisation clandestine consiste à garder ses membres dans l’ignorance de l’identité les uns des autres, à l’exception d’un ou deux contacts directs.

    Et n’oubliez pas la menace de la torture.

  • De toutes façons le manichéisme ets toujours bien pratique pour les esprits faibles ou fainéants qui n’aiment pas s’encombrer d’histoire…
    Très intéressant Koz la référence au cours d’histoire tentant de démontrer que l’antisémitisme est d’essence française. ça me fait aussi penser au livre de BHL, l’Idéologie française, qui tend à démontrer que nous sommes un peuple fasciste, qu’on a ça dans le sang…
    Ridicule. Je n’ai que 24 as, je n’ai pas vécu la guerre. Mais j’ai bien du mal à croire qu’on ait été tous héros ou salauds. ça fait du bien de lire une ITV comme celle-là. Mais je m’étonne qu’on puisse encore penser autrement.
    Bien des gens ont tenté, à leur humble niveau, de servir à quelque chose. Mon grand-père m’expliquait que sa fierté avait été de coller des affiches anti-allemandes sur le mur de la mairie de son village. Pourquoi pas? Personne ne sait comment il réagirait en cas de conflit. Surtout pas les bienpensants qui pérorent au coin de leur fauteuil et méprisent les anciens qui n’ont pas tous eu le courage de prendre les armes.

  • J’avais failli préciser que le début de mon commentaire pouvait être effacé après usage, je le fait généralement quand je relève un partaquès et qu’il ne me semble pas inutile de le signaler à l’auteur pour la clarté du texte. Visiblement j’aurais dû. mon propos était plutôt d’incidemment saluer la pertinence du propos, par delà cette histoire d’erreur géographique. Je n’en déduis qu’un Koz manque d’humour.

  • Beau témoignage de Simone Veil. Conforme à celui de bien des personnalités (juives ou non) de l’époque. Et les chiffres sont là.

    Je suis surpris en revanche par son jugement sur « Le Chagrin et la Pitié », qui me paraît plutôt bien balancé; même si la thèse de l’auteur est sans ambiguïté, il donne la parole à tout le monde. Il est vrai qu’on était peut-être habitué à un autre standard du documentaire à l’époque. Et cela montre qu’au tournant des années 1970, on sortait vraisemblablement d’une période de bourrage de crâne inverse à celui que nous (générations des 70s et 80s) avons subi dans notre enfance.

    Un peu déçu de voir le maître des lieux parler de « responsabilité collective ». Je suis convaincu de l’inanité de ce concept. Et de sa dangerosité. « Responsabilité collective », ça veut dire possibilité d’une condamnation collective. Avec toutes la légitimation de la violence de masse que cela peut supposer. Et puis ça n’a tout simplement aucun sens. La responsabilité, par définition, ne peut s’attacher qu’à la personne.

  • @ Robert Marchenoir

    Oh mais je ne dis pas que ce sont les historiens actuels qui seront les meilleurs pour expliquer correctement la période, tout est encore si proche (rien qu’à voir la place du programme social du CNR dans la politique française en 2007 …).
    Mais le processus a déjà commencé. On a déjà plein de travaux sur les camps français (ceux de 14-18 comme ceux de 40-45) par exemple. Il est loin le temps du tous résistants, et il s’éloigne déjà celui du tous collabos.

    Les historiens ne veulent pas de blanc-seing, ils n’agissent pas collectivement, connaissent de profondes dissessions, et ceci afin de comprendre.
    Ils veulent juste pouvoir travailler et le temps séparera le bon grain de l’ivraie, comme cela se fait pour les autres périodes (qui n’étaient pas exempt de tensions non plus).

  • [quote comment= »53860″]Je n’en déduis qu’un Koz manque d’humour.[/quote]

    Ah oui… « je plaisantais« …

    [quote comment= »53861 »]Un peu déçu de voir le maître des lieux parler de « responsabilité collective ». Je suis convaincu de l’inanité de ce concept. [/quote]

    Lorsque « le maître de ces lieux » écrit : « il ne s’agit pas d’évacuer une responsabilité collective – responsabilité d’alors, au demeurant », vous en déduisez qu’il reprend cette thèse à son compte ?

    J’entendais surtout par là que ce n’est pas le sujet.

    Et à tout prendre, si responsabilité collective il y a, il faut bien la doser. Et endosser aussi alors la responsabilité collective des actes de résistance.

    [quote comment= »53852″]Ce ne sont pas toujours les minoritaires qui ont tort, mais elle est quand même assez minoritaire sur cette question.[/quote]

    C’en serait presque vertigineux.

  • OK, OK.

    Du mal à comprendre comment Poil de Lama arrive, à partir d’une histoire qui met en valeur l’héroïsme d’une famille, à en dégager l’impression d’une médiocrité généralisée des Français sous l’occupation. On peut peut-être penser que la famille en question a jugé inutile de se vanter de ses exploits, par discrétion? Ca existe aussi.

    Ou alors ils étaient antisémites et ils avaient honte de ce qu’ils ont fait.

    Ok je sors.

  • Sans vouloir tirer de conclusions hâtives à partir d’interventions de Poil de Lama sur d’autres blogs, je crois qu’il y a là une certaine illustration de la disposition d’esprit que j’évoquais plus haut : son anecdote illustre le fait que des gens formidables ont pu garder le silence toute leur vie sur le fait qu’ils aient caché des juifs, et l’on pourrait dès lors penser, si l’anecdote se veut significative, qu’ils ne sont pas les seuls à avoir agi de la sorte, et pourtant on part sur l’idée que Simone Veil serait bien minoritaire à tenir un discours qui cadre parfaitement avec ladite anecdote.

    Je peux comprendre que l’inquiétude, à l’origine, ait été que, parce que l’on voulait reconstruire le pays, on n’en soit venu à nier la réalité de Vichy et de la collaboration mais, aujourd’hui, nous n’en sommes plus là. Il y aura toujours bien sûr des négationnistes – sur ce sujet, comme sur d’autres, c’est en fin de compte une figure connue de la controverse historique – mais de façon générale, d’un point de vue historique, on ne peut pas dire que ce soit un passé auquel on refuse à ce jour de faire face.

    J’ai le sentiment que certains tentent de contre-balancer un excès – « tous résistants, on n’a rien à se reprocher » – par un autre excès – « la France est spécialement responsable ».

    Je peux encore comprendre, sans l’approuver, le fonctionnement de ce phénomène. Là où je finis par soupçonner la mauvaise volonté, c’est lorsque l’on retrouve les mêmes personnes sur tous les « combats » qui sont susceptibles de diminuer la France, de la dépeindre en une Nation particulièrement coupable. Comme s’ils ne trouvaient, pour combattre le nationalisme qu’ils exècrent spécialement, que la honte d’être français.

    Comme s’il n’y avait pas de place pour une appréciation modérée. Telle que celle que fait Simone Veil.

  • @Spurinna
    Selon vous donc, plus les historiens sont contemporains d’un évènement, moins ils sont à même d’en parler avec recul ?
    Si vous prenez la manière dont la Révolution Française a été analysée un à deux siècles plus tard par Albert Mathiez ( 1874-1932 ) et par Albert Soboul ( 1914-1982 qualifié d’ historien marxiste dans le Hachette 2003 ), je dirais que le recul de l’historien doit surtout être intellectuel et non temporel.
    Juive, déportée, Simone Weil ne peut guère être taxée de complaisance envers Vichy, son intervention mesurée est d’autant plus intéressante.
    Il y a son témoignage – ce qu’elle a vécu en déportation, elle n’oublie jamais de dire que d’être jeune et  » jolie  » a du lui sauver la vie, mais aussi ce qu’elle a vécu plus tard en tant que magistrate, ministre etc… – il y a aussi les chiffres qu’elle cite, et qu’un lapsus entre Suède et Norvège ne vide pas de leur sens ( 25% de la population juive française déportée contre 80 à 90% aux Pays-Bas ou en Norvège )
    Simone Weil souhaite qu’on oublie pas les français qui ont protégé les juifs durant cette période sombre, directement ou indirectement, et qu’on fasse la part des choses.
    Qu’elle soit remerciée pour son indépendance, sa force, son combat pour les femmes qui n’a jamais été contre les hommes, et un sens de la mesure et de la nuance exemplaire.

  • @DS,
    La différence, voyez vous, c’est que ma région ( Région centre ) – certes très près de la ligne de démarcation – était en territoire occupé , La vôtre en « zone libre ».
    Sans doute une différence de vécu ?

    @Poil de Lama
    Certes, comme tous ici , je suppose, je n’ai pas vécu cette époque.
    Mais nous n’en sommes pas à la bataille de préjugés.
    Il existe encore, comme Simone Veil, de nombreux survivants de cette époque.
    Et je ne crois pas qu’ils soient tous frappés d’Alzheimer.
    On peut donc se baser en partie sur leurs souvenirs.

    A propos des historiens :
    J’imagine bien qu’ils puissent travailler pour comprendre, je ne sais pas si le temps séparera le bon grain de l’ivraie.
    Néanmoins, les historiens travaillent sur quelle base concrète ?
    Le nombre de débris de bombes restantes ? Le nombre de croix dans les cimetières ? Le nombre de charniers ? Le nombre d’églises détruites ? ( Oradour / Glane par exemple ?
    Ou bien travaillent ils sur des souvenirs, des réçits, fatalement écrits en partie de mémoire, ou des lettres écrites sur le moment, comme celles écrites par nos anciens à leurs familles ?
    Vont ils supprimer de leurs écrits ces anecdotes futiles, comme la tartine de saindoux aux oignons au goûter, quand les parents avaient eu la chance d’avoir un peu de pain et d’avoir un ami qui lui offre un oignon et un peu de saindoux?
    Parce que pour ça, les preuves concrètes, il n’y en a pas !

    « Les historiens pourront travailler de façon plus libérée quand les témoins ne pourront plus hurler que cela ne correspond pas à ce qu’ils ont vu ».
    Si c’est ça l’histoire !
    donner une version à soi des événements quand plus personne ne pourra dire le contraire ! ça donne à réfléchir !

    ( même s’il est vrai qu’il y a eu des « méchants » et des « bons », comme à chaque époque.
    A chacun sa vérité et sa façon de voir les choses.
    la définition de ce qui est bon ou mauvais étant bien évidement fonction du point de vue de chacun )

  • [quote comment= »53726″]Elle mérite beaucoup de respect, et elle est une grande militante de la cause européenne, mais l’histoire n’est pas son fort: la Suède ayant été neutre durant la guerre, aucun de ses citoyens de confession juive ne fût déporté par les Allemands…

    Ceci dit, quant au fond, elle peut effectivement exciper de son passé personnel pour faire valoir son poit de vue, mais d’autres personnes ayant le même passé ont un point de vue diamétralement opposé – on peut penser à Maurice Rajsfus notamment…[/quote]

    C’est vrai que d’être « neutre » lors de la deuxième guerre est un gage de moralité.

    Elle a raison, la France est le pays occupé qui a pu sauver la plus grande partie de ses citoyens juifs. Ce qui fait de la France la troisième plus grande nation juive après l’Israël et les EU.

  • [quote comment= »53856″]Poil de lama: je ne connais pas votre village, naturellement, mais il me semble qu’il n’est pas nécessaire de faire appel à de coupables penchants supposés de vos villageois pour expliquer le silence de ceux qui y ont abrité des Juifs.

    Il me semble qu’en pareil cas, on doive prendre le maximum de précautions. Et la seule façon de le faire, c’est de n’en parler à personne. Un secret trahi est un secret dont vous avez auparavant parlé à quelqu’un. Vous n’avez pas le droit de spéculer sur la loyauté de quelqu’un quand ce n’est pas strictement nécessaire et que la vie d’autrui est en jeu.

    Cela vaut même au sein d’un groupe qui partage la même cause et le même combat. La méthode classique pour assurer la sécurité d’une organisation clandestine consiste à garder ses membres dans l’ignorance de l’identité les uns des autres, à l’exception d’un ou deux contacts directs.

    Et n’oubliez pas la menace de la torture.[/quote]

    Sans parler de ce que les voisins ne savent pas, ne pas leur faire de mal.

    Les gens ne parlaient pas ce ce qu’ils ont vécu. Mon grand père qui a fait Dunkirque et D-Day n’en a parlé qu’une fois a ma connaissance. J’ai jamais su ce que faisant l’autre, il travaillé dans le nucléaire.

  • @ carredas

    La distance temporelle aide grandement à la distance intellectuelle. Tout le monde ne peut pas être Marc Bloch.

    @ Tara

    L’historien ne limite pas l’origine de ses sources. Il n’est pas inintéressant de savoir ce que mangeaient les gens pendant l’Occupation, selon leurs classes sociales, leurs liens familiaux, leurs lieux d’habitation … Et ces sources ce sont les témoignages des gens qui ont vécu la période, mais aussi les inventaires des grossistes, les carnets de ravitaillement, les rapports des préfets etc.

    Après compter des éclats de bombes apporte peu, mais sérialiser des monuments n’est pas initéressant. Qui les fait poser, qui en est absent …

    L’Histoire ce n’est pas donner sa version à soi. C’est travailler en sincérité pour approcher au plus près de la vérité. D’autant plus que l’historien n’a pas à dégager des bons ou des gentils, son point de vue ne devant théoriquement pas apparaître. Il n’est pas un moraliste.

  • [quote comment= »54021″]
    @ Tara

    L’historien ne limite pas l’origine de ses sources. Il n’est pas inintéressant de savoir ce que mangeaient les gens pendant l’Occupation, selon leurs classes sociales, leurs liens familiaux, leurs lieux d’habitation … Et ces sources ce sont les témoignages des gens qui ont vécu la période, mais aussi les inventaires des grossistes, les carnets de ravitaillement, les rapports des préfets etc.

    Après compter des éclats de bombes apporte peu, mais sérialiser des monuments n’est pas initéressant. Qui les fait poser, qui en est absent …

    L’Histoire ce n’est pas donner sa version à soi. C’est travailler en sincérité pour approcher au plus près de la vérité. D’autant plus que l’historien n’a pas à dégager des bons ou des gentils, son point de vue ne devant théoriquement pas apparaître. Il n’est pas un moraliste.[/quote]

    L’histoire, ce n’est pas donner sa version à soi.
    Certes, c’est donner une version objective.
    C’est ce que tente Simone Veil.
    N’aurait elle pas la capacité de le faire parce qu’ayant vécu cette période ?
    Et si elle « juge » qu’il n’y avait pas que des « méchants » et pas que des « bons », n’a t elle pas à le faire, parce que c’est un jugement en soi ?
    Elle cite des chiffres, pourtant !

    Quant à l’étude des inventaires de grossistes, des carnets de ravitaillement et des rapports de préfets, si elle s’avère utile, elle n’en est pas moins tronquée.
    En ces temps là, cher monsieur, le système D marchait à plein. Et il n’était pas soutenu administrativement, justement parce que c’était de la débrouille, et que les idées pour survivre, fleurissaient et permettaient de s’adapter au mieux de la situation au jour le jour.
    Et qu’il fallait compter sur les vols, les pillages ( eh oui, et pas que de la part des allemands ! )

    Cet inventaire était sans aucun doute beaucoup plus proche de la réalité en ville qu’en campagne, et encore !
    Tout campagnard ayant de la famille en ville tâchait de l’aider, dans la mesure de ses faibles moyens.
    je ne suis pas sûre , néanmoins, que ces inventaires montrent le véritable problème de la faim et du froid de cette époque.

    Parce que la sincérité n’était pas de mise, ni dans les rapports, ni dans la vie…
    C’est l’une des raisons aussi des non dits de résistants ou de « justes » qui cachaient ou aidaient juifs et alliés : un simple bon sens, pour ne pas mourir. ( Et une certaine humilité aussi, pour un acte normal d’amour de l’autre ).

    Il y a eu sûrement, des tas de gens qui ont aidé, et on ne le saura jamais : ils disparaîtront avec leurs souvenirs et jamais ils ne seront répertoriés dans un registre quelqu’il soit .
    Parce que « ça ne se dit pas, monsieur, ça ne se dit pas ».

    Aussi, j’approuve parfaitement les propos de KOZ :
    « Les propos tenus par Simone Veil ………, peuvent être une utile contribution afin de faire face à notre Histoire, dans une juste mesure. »

  • Simone Veil se trompe entre des pays scandinaves, c’est bien loin et « on comprend » ce qu’elle veut dire. Soit.

    Plus grave, sauf si c’est une erreur de retranscription, elle se trompe dans le nombre des déportés qui reviennent :
    il y en a 2500 et non pas 25000.

    Comme c’est une base de son argumentaire c’est vraiment très gênant.
    Ses propos sont dangereux par leurs inexactitudes et par la stature de l’auteur.

  • Bientôt Simone Veil va découvrir avec émerveillement que les Juifs auront été mieux protégés en France libre qu’en France occupée.

    Quelle nouvelle !

    Oui, les Pays-Bas et la Norvège étaient occupés et administrés directement par l’Allemagne, et de ce fait les Juifs y ont été déportés de manière plus industrielle qu’en France, dont l’ensemble du territoire n’a été occupé qu’en 1942.

    L’histoire revisitée pour y introduire de la morale patriotique, typique de notre époque où tout est communication et manipulation des esprits. La vérité, on n’en veut plus … c’est pareil que la statistique sur laquelle le gouvernement veut reprendre le contrôle, je travaille à l’Insee, j’en sais quelque chose.

  • Une remarque en passant :

    Le fait d’affirmer , comme BHL, que la France est « fasciste » par nature permet de faire diversion sur quelque chose de bien plus vraie et de plus facile à prouver:
    La révolution Francaise est la matrice du totalitarisme rouge, une généalogie qui commence par Rousseau, inspirant Robespierre qui, lui même, devient une référence de Lenine.
    La Commune était également un must des bolcheviques pendant la guerre civile, Lenine espérant dépasser le temps de vie de celle-ci lors de son coup d’Etat.
    Voilà la vérité, quand quelqu’un de gauche libérale (la gauche est libérale par nature ou le libéralisme est de gauche) vous parle avec passion du « fascisme », il parle de lui-même et tente de faire diversion sur les crimes de gauche.
    La France avait été fasciste, il n’y aura pas eu le Front pop.
    C’est aussi simple que cela.
    BHL est un menteur et un escroc intellectuel.

  • Pingback: » Deux vies

  • Pingback: Koztoujours, tu m’intéresses ! » Vichy, pour une juste mesure (je répète)

Les commentaires sont fermés