Cela ne devrait être que le procès d’un homme et ça ne le sera pas. Un procès pénal ne devrait être que celui d’une personne singulière, au regard de faits précis et de règles de droit établies. Pas un débat de société ni le procès d’une institution. Pourtant, le cardinal Barbarin a bien été condamné sur la base d’une interprétation inédite, un basculement d’époque : pour le tribunal correctionnel, la loi requiert de dénoncer des faits d’agressions sexuelles sur mineurs, quand bien même ils ne pourraient faire l’objet de poursuites, puisque prescrits, et alors que les victimes désormais majeures sont, techniquement du moins, en mesure de porter plainte.
Mais au-delà des principes, le procès d’appel qui s’ouvre s’inscrit de lui-même au cœur d’un tel basculement. L’Eglise catholique paie probablement le prix d’une période révolue où son autorité a pu déborder les affaires religieuses. Plus que jamais, il faut rendre à César ce qui est à César. Est-ce à un évêque, seul de surcroît, d’apprécier la sincérité du repentir et le risque de récidive d’un pédocriminel ? Il est clair désormais que la réponse est non, fermement non, quelle que soit sa familiarité avec l’âme humaine. Est-ce à un simple citoyen, même évêque, de déterminer si des faits sont prescrits ? Face à leur fréquente ancienneté, on peut parfois croire la prescription évidente. Mais on ne peut plus laisser penser que cela soit au prix d’un soulagement coupable, plus qu’au nom d’une certaine justice.
Un autre enjeu se pose crûment : s’il devait reposer sur chaque écoutant une obligation de dénonciation, les victimes qui ne veulent pas faire face à une procédure judiciaire ne perdront-elles pas tout espace de parole et de confiance ? Pour autant, ces réserves ne doivent-elles pas céder face à l’impératif de protection des mineurs contre la dévastation intime, face à la singularité de la pédocriminalité, la probabilité que les auteurs aient fait ou fassent encore, dans le silence, de nouvelles victimes ? Pour modérer ce risque, si la Cour devait condamner le cardinal Barbarin, il faut espérer qu’elle motive scrupuleusement, de la plus didactique façon, l’élément intentionnel de l’infraction : non pas le fait, acquis, de la non-dénonciation mais l’existence chez le cardinal d’une volonté de faire entrave à la justice. A défaut, ce sera au législateur de préserver d’indispensables lieux de confidences et d’apaisement.
Non seulement il ne dénonce pas a deux reprises, lune prescrite l’autre non selon le tribunal, mais en plus il donne une promotion de curé doyen à un homme dont il connaît tout puisque tous les documents ont été retrouvés dans son coffre en perquisition. Il donne une promotion et ne dit rien donc pour moi il y a entrave. Il est obsédé par la peur du scandale et il en fabrique un autre…Pauvre Eglise…
Ce n’est pas cela qui caractérise une entrave à la justice. Cela ne veut pas dire que les décisions que vous citez soient de bonnes décisions (en revanche, je ne crois pas qu’il y ait eu ni perquisition ni coffre), loin de là, mais c’est un principe que « la loi est d’interprétation stricte ». Il est jugé sur la base d’un article du Code pénal, selon les critères que cet article pose. A-t-il voulu empêcher la justice de passer ? Sincèrement, je suis assez critique de son action – et je supporte les reproches de chaque partie – mais je suis loin d’être persuadé qu’il ait été entendu empêcher la justice d’agir. D’autant moins que je pense qu’il croyait sincèrement que les faits étaient prescrits… et donc que la justice n’y pouvait rien.
Je crois au contraire que la décision de promotion interne est le mobile de la non dénonciation car elle aurait mis au jour qu’au lieu de réduire à l’état laïc un pédophile on lui donne une promotion. Je suis d’accord avec le tribunal. Le scandale est là. Le corporatisme clérical ou clericalisme
@ MATHE & @KOZ
Ce qui désormais est devenue « L’affaire Barbarin » mérite bien plus qu’un commentaire à une chronique, fût-elle publiée dans La Vie.
Je fais confiance à l’avocat qui connaît le droit et sait mieux que quiconque comment il doit être lu.
J’ignore si « à deux reprises » le cardinal n’a pas dénoncé.
Comme toute personne raisonnable et sensée j’ai la conviction que la justice doit être rendue si les faits sont avérés.
Il serait heureux qu’un jour on écrive, sans rien dissimuler, toute l’histoire d’un prêtre qui depuis de longues années et bien avant son admission au séminaire était connu pour des problèmes touchant à la sexualité, que ces problème étaient connus pendant ses années de formation au séminaire de Lyon, qui a été admis à l’ordination et auquel des charges pastorales ont été confiées. Dans tout ce parcours combien de personnes sont-elles intervenues ? Combien ont-elles été conscientes et ont vraiment pris conscience que l’engagement par l’ordination pouvaient représenter un obstacle à cette même ordination ?
Ensuite les abus très tardivement révélés ont engagé, malgré la prescription retenue aujourd’hui, des personnes dans ce parcours chaotique ?
Le cardinal Barbarin est considéré, si je peux oser l’expression, comme le dernier wagon d’un train de démissions, de silences qui sont à des degrés divers, coupables.
Il serait déplorable pour la vérité, pour la justice, pour l’Église, « pauvre Église » dit MATHE, que « l’affaire Barbarin » reste un triste exemple de chasse aux sorcières… parce qu’il faut toujours un bouc émissaire.
Je suis toujours, à l’égard du cardinal Philippe Barbarin, dans le camp de ceux qui pensent que subsiste toujours, y compris à cette étape de l’appel qu’il a fait, la présomption d’innocence, même s’il reviendrait de la définir avec précision dans cette « affaire ».
Elle est terriblement entachée de vices sinon de forme, du moins de tout ce qui, depuis des mois, … des années, défigure cette image de l’Église qui ne peut être caricaturée à ce point par ces épouvantables abus. Mais il est devenu impossible aujourd’hui de regarder le portrait de l’Église non seulement à cause des abus mais de la méconnaissance, de l’ignorance profonde de ce qu’elle est.
Je n’espère pour l’instant qu’une chose de cette procédure d’appel, car je veux croire à la probité des juges : qu’elle ne soit pas une occasion de plus pour cracher sur le visage du Christ qui porte sa Croix et qui dans quelques heures mourra, une fois de plus, pour racheter tous les hommes. « Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos crimes ; mais lui, il n’a rien fait de mal. » (Luc, 23, 41)
Eh bien ,moi,faisant l’hypothèse qu’un proche m’avouerait qu’il a commis ce genre de crimes il y a plus de 10 ans il va sans dire que je le pousserais très fermement à se dénoncer mais que je n’irais pour autant le dénoncer à la police.
Que je sache on ne demande pas au conjoint d’un assassin de dénoncer son propre conjoint même auteur d’un crime.
En ce qui concerne Mgr Barbarin il me semble indispensable de rappeler qu’il a été nommé en 2002 et que ses deux prédécesseurs qui eux étaient parfaitement au courant et auraient donc pu prendre une sanction à l’égard de PREYNAT n’ont pas jugé bon de le faire et que par ailleurs il est établi que depuis sa nomination Mgr Barbarin a toujours pris les mesures nécessaires dans tous les cas de pédophilie qui lui ont été dénoncés. Par ailleurs Preynat a cessé ces actes criminels depuis bien avant la nomination de Mgr Barbarin.
Par ailleurs,je constate que vous parlez encore de la décision prise par un homme seul alors que dans un échange que nous avons précédemment eu vous reconnaissiez le contraire
Enfin quand on parle de « promotion » en devenant « curé-doyen » dans les fzits c’est une « promotion » essentiellement honorifique d’ordre administratif, rien de plus. Un curé-doyen n’ a pas à voir grand chose avec un vicaire épiscopal qui, lui,représente l’Evêque dans un secteur du diocèse
« Eh bien »… ce serait une belle erreur et, compte tenu de ce que vous avez pu écrire anonymement sur ce blog, j’aurais imaginé si c’est vrai, que vous le comprendriez mieux. Comme vous devriez comprendre aussi qu’un meurtre n’est pas un viol pédophile, et que le risque de récidive n’est pas précisément le même dans le premier cas que dans le deuxième où il est en revanche plutôt la règle. Aussi en ne dénonçant pas le pédocriminel, vous devrez plutôt vous poser la question de votre responsabilité dans ses agressions futures, et la dévastation que subiront d’autres enfants.
Si vous voulez vous référer à de précédents échanges entre nous, il va falloir le faire honnêtement. Car, en effet, dans un précédent échange, je vous ai dit qu’il avait pu discuter de la décision de dénoncer Preynat ou non avec des personnes que je connais… et qui, précisément, lui avaient conseillé de le faire.
Quant au fait que Preynat ait cessé d’être pédophile et de commettre des agressions, je vous donne rendez-vous dans 10 ou 20 ans. Ce n’est que là que vous pourrez, éventuellement, vous montrer aussi affirmatifs que vous le faites.
Mais tout ceci signifie-t-il que le cardinal Barbarin doive être condamné pour non-dénonciation ? Je n’ignore pas qu’il a agi comme il le fallait dans d’autres affaires, pas plus que je n’oublie qu’il avait la conviction que les faits étaient prescrits. Peut-on caractériser chez un homme une volonté d’entraver la justice quand il a la conviction qu’elle ne peut plus agir ? C’est notamment cette question qui sera tranchée par la Cour d’appel.
Il est quand même dommage que dans cette affaire il soit très difficile, voire impossible de dissocier les faits eux-mêmes et l’action en justice. Je précise que je ne suis pas juriste. Mais pour que l’on comprenne bien ma position il me semble que l’analyse médiatique (non juridique) devrait plus clairement se positionner sur les faits de pédophilie sans prendre la prescription comme un paravent pour se protéger et maintenir que, même si la prescription est retenue, et aussi même si la personne a pu reconnaître en conscience sa faute et recourir à ce qui est la capacité de l’Eglise de pardonner, les faits restent parce qu’ils ont détruit des psychisme, des vies. Ensuite l’étalage médiatique un peu trop appuyé sur toute la partie juridique me semble oblitérer le regard qui ne peut plus être serein. C’est l’affrontement permanent et évangélique entre la justice humaine qui doit condamner (ou innocenter) et la justice divine qui pardonne. L’exemple de Jésus face aux pharisiens devant la femme adultère en est l’exemple emblématique. Aujourd’hui encore on n’interprète pas toujours le geste de Jésus avec tout ce qu’il signifie. On ne retient que « Moi non plus je ne te condamne pas… » et on omet la suite « … va et désormais, ne pèche plus. »
Texte très utile : il est nécessaire de rappeler que ce n’est pas l’église qui est jugée, mais un homme et un responsable d’une organisation, et que la décision des juges s’étendra sans doute à toutes les structures de la société., à tous ses dirigeants et à tous les salariés, il faudra donc être très précis sur une obligation de dénoncer aussi généralisée., pour maintenir la société vivable, alors même que l’obligation concernant les mineurs fonctionne drmatiquement mal, comme l’a montré le cas affreux de la petite Marina.
C’est cette génération involontaire mais inévitable sans doute qui est l’enjeu, et les problématiques de l’Eglise paraissent bien secondaires par rapport à cette question.
Vu d’Amérique, pour un avocat, cela laisse pantois : le cardinal a été condamné avant le prêtre en cause dans toute cette affaire. Et si ce dernier était acquitté ? Bon cela paraît invraisemblable, mais ce qui l’est autant à mes yeux, c’est que personne chez vous ne semble accrocher sur ce que je viens de pointer du doigt et qui est pourtant fondamental en termes de crédibilité du système judiciaire. « Justice must not only be done, it must appear to have been done. » De quoi finir par se féliciter du Traité de Paris qui céda le Canada aux Anglais … En tous cas, j’aurais plutôt peur si je me retrouvais être accusé au pays des « Droits de l’Homme ».
Le calendrier peut interroger, en effet. Pour ce qui est d’être acquitté, c’est impossible : il a avoué les faits, depuis longtemps. Par ailleurs, si le procès en appel du cardinal Barbarin s’est tenu dans l’année de son procès en correctionnelle, c’est plutôt une faveur qui lui a été faite qu’autre chose. En temps normal, le temps serait resté suspendu 2 ou 3 ans.
A part cela, je suis en train de lire Le piège américain de Frédéric Pierucci. J’espère, mais je ne suis pas convaincu par avance, que le système canadien se distancier du système américain. Dans le cas contraire, même « vu d’Amérique », vous seriez bien aimable de ne pas tirer de conséquence sur le respect des droits de l’Homme dans nos pays respectifs.