Wikileaks : du poujadisme participatif

L’émoi s’est emparé de twitter ce dimanche. De #statelogs en #cablegate, pendant plusieurs heures, ils ont guetté ce qu’ils ont appelé avec gourmandise « la plus grande catastrophe diplomatique de l’Histoire » : la mise en ligne de documents dont « le pouvoir de nuisance pourrait s’avérer dévastateur ».

L’« intelligence collective » a assailli ma timeline de ses cris d’impatience. Sans même se questionner sur les intentions réelles d’Assange, sa mégalo qui affleure, les jeux d’influence dont il peut être l’objet, la pré-sélection à laquelle il a pu se livrer et, c’est déterminant, sans rien connaître du contenu des documents qui seraient révélés, elle jouissait de l’instant, célébrait le moment. Comme une jacquerie internetique. La revanche du web sur les Etats.

Avec un peu de sens commun, chacun aurait pourtant dû être terrifié par l’hypothèse d’une « catastrophe diplomatique » ou, selon le mot du ministre italien des affaires étrangères, d’un « 11 septembre de la diplomatie mondiale ». Voyons un peu : à quoi opposez-vous spontanément la diplomatie, pour résoudre les conflits entre Etats ? Les blogs ? Twitter ? Si on met à mal la diplomatie, on fait quoi ? Lequel de nos gentils webeux nous créera le Grand-Wiki-des-Gens-qui-s’Aiment, celui sur lequel l’Intelligence Collective pourra travailler conjointement et en toute transparence à un accord israélo-palestinien et poser les bases du traité qui reconnaitra le droit légitime de l’Iran à se doter du nucléaire mais à condition qu’ils ne tuent pas des gens ?

Il faut arrêter avec l’intelligence collective : la connerie aussi, ça se mutualise.

Spontanément, à la diplomatie, on oppose le conflit armé. Oh, je ne dis pas que les révélations auxquelles nous assistons vont y conduire mais, lorsque l’on ignore ce que les documents renferment, cette jouissance malsaine de voir mettre à mal la diplomatie occidentale est sidérante.

Et ne nous y trompons pas : si la diplomatie américaine est dans la ligne de mire, nos intérêts sont étroitement imbriqués. Pas toujours convergents, mais imbriqués. Par la guerre en Irak, les Etats-Unis ont certes probablement autant contribué à mettre en danger les démocraties occidentales que les terroristes du 11/9. Il reste que, sans partager toutes les décisions, nous sommes plutôt dans le même bateau, eux et nous, même si ça nous agace parce que par définition, ils sont largement plus couillons que nous. Et puis, les cables divulgués nous impliquent. Or, que gagnons-nous sur la scène internationale? Que gagnons-nous dans les négociations avec la Corée du Nord, l’Iran ou en Afghanistan, à mettre ainsi à mal notre fiabilité, à ridiculiser nos diplomates, nos dirigeants ? Face à cela, est-il bien à propos de triquer sur la révolte des geeks ?

Il semble parfois que les peuples des démocraties prennent un malin plaisir à employer leurs valeurs contre eux-mêmes.

On frémit devant la naïveté affichée, les discours lénifiants pour ne pas dire puérils des uns et des autres et notamment de Wikileaks qui affirme benoîtement, sur son site : « cette divulgation de documents révèle les contradictions entre la personne publique des Etats-Unis et ce qu’elle dit derrière les portes closes – et montre que si les citoyens dans une démocratie veulent que les gouvernements reflètent leurs volontés, ils doivent demander à voir ce qui se passe en coulisses. Chaque écolier américain apprend que George Washington – le premier président du pays – ne pouvait pas mentir. Si l’administration de ses successeurs avait suivi ce principe, la communication de documents actuelle ne serait qu’un simple embarras »[1]. Et c’est donc au nom de cette conception rose bonbon des relations internationales et de la démocratie que Wikileaks et ses affidés diffusent des documents au « pouvoir de nuisance dévastateur » ?

Tenez, juste comme ça : avant de prendre leur pied à imaginer mettre les diplomaties occidentales – exclusivement occidentales – dans l’embarras, se sont-ils posés la question de savoir si les pouvoirs arabes (Emirats, Arabie, Jordanie) n’allaient pas être amenés à durcir leur position à l’égard d’Israël pour se faire pardonner par leurs opinions publiques d’avoir tant insisté pour que les Etats-Unis attaquent l’Iran ? Les mêmes qui défendaient la Révolution Verte avec des trémolos dans la voix se sont-ils préoccupés de fournir des arguments supplémentaires à Mahmoud Ahmadinejad pour alimenter ses discours sur la culture occidentale en déliquescence et la duplicité américaine, et renforcer la cohésion nationale ? Non, parce que « c’est pas beau de mentir » et si on disait tous ce qu’on pense vraiment, le monde serait plus joli. D’ailleurs, les Etats ne sont pas dignes de confiance : fiez-vous donc à Julian Assange. Affligeant.

Notez que la Révolution Verte et Wikileaks ont ceci en commun qu’elles ont mis, et mettent encore, Internet dans la boucle. On a parlé de « révolution twittée » pour l’une, et le lien est évident pour l’autre. C’est que voilà : leur vision du monde procède de leur vision de l’informatique. Leurs schémas d’analyse partent du web pour s’appliquer ensuite au monde. L’industrie du libre, c’est chouette. Le savoir doit être partagé. On ne doit rien cacher. Tout doit pouvoir circuler, tout partout tout gratuitement. C’est le grand partage, des câbles diplomatiques comme du dernier single de Justin Bieber. C’est transparent, c’est si jouli. En prime, pour certains, ça se passe sur le Net, ça élargit leur champ d’action, voire leur chiffre d’affaires, ce qui se concilie si opportunément avec le discours acidulé qui nous est servi[2].

Et non, la transparence n’est pas une vertu absolue. Le secret peut être utile, nécessaire, fructueux. Au demeurant, ce 11 septembre de la diplomatie n’arrangera rien à la transparence de la diplomatie dans le monde. Les diplomates devront trouver d’autres moyens de communiquer, ce qui va singulièrement et très bêtement compliquer leur tâche. Les peuples n’en tireront aucun profit. Non, ils ne seront jamais informés en temps réel – sur twitter ? – des négociations de paix ni de l’imminence d’une frappe militaire surprise.

A l’instar de la capote, Internet n’est ni bon ni mauvais. Internet est un outil. Amis webeux, ôtez les lunettes qui font voir rose, et cessez de flagorner le bon peuple…

*

  1. Traduction libre de : « This document release reveals the contradictions between the US’s public persona and what it says behind closed doors – and shows that if citizens in a democracy want their governments to reflect their wishes, they should ask to see what’s going on behind the scenes. Every American schoolchild is taught that George Washington – the country’s first President – could not tell a lie. If the administrations of his successors lived up to the same principle, today’s document flood would be a mere embarrassment. » []
  2. Tiens, là-dessus aussi, d’ailleurs, on attend la transparence : que se passe-t-il behind the scenes ? Quel accroissement de trafic ? Quelle valorisation de l’espace publicitaire ? Quelles retombées pour les sites d’info impliqués ? A quel prix, l’exclusivité ? Faisons donc grand partage informations vous et nous… []

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95 commentaires

  • Le poujadisme, il n’y a en effet pas meilleur terme…

    Tiens, c’est drôle, on pourrait mettre en regard le dogme de la transparence érigée en vertu démocratique suprême avec le désir d’un Zuckerberg d’en finir avec la vie privée. Ce monde d’informaticiens qui s’érigent en sociologues ou politologues a réellement de quoi faire flipper. Après tout, si nous sommes vertueux, tant les citoyens que leurs dirigeants, nous n’avons rien à cacher, n’est-ce pas ?

    Mais tu l’as esquissé en note de bas de page, et c’est bien sûr kifkif avec Facebook : la transparence arrange bigrement les comptes de certains. Et si on mettait un peu de transparence sur leur gueule d’ange, qu’y verrions-nous ?

  • Oh le beau titre.

    Oui, cette affaire n’en est sûrement pas une bonne pour la France. Bien entendu, tout le monde rigole en voyant ce que les diplomates US écrivent sur Sarkozy, Merkel ou Berslusconi (rien de bien neuf d’ailleurs). Curieux, d’ailleurs, comme c’est cela qui a été publié en premier: comme quoi la télé-réalité a une influence qui va bien au-delà du seul Twitter. Même le Monde et le Guardian ne trouvent rien de mieux, comme priorité, que de dire que un tel a dit tel truc sur untel. C’est du niveau de la cour de récré des petits.

    Mais une fois la rigolade passée on risque de voir des dégâts bien réels. Même si le contenu des fuites se révèle n’être finalement qu’un pet de lapin, le principe de transparence est redoutable dans ce contexte: comment imaginer qu’un jour les Israéliens et les Palestiniens avancent vers un semblant de paix, si les dirigeants se voient interdire de discuter en secret ?

    Autre chose: je vois là un nouveau symptôme de la fin graduelle de la prédominance des États-Unis et du monde occidental. Un truc pareil aurait été impensable sous Reagan. Même si ça avait été techniquement faisable, personne n’aurait osé. Aujourd’hui, l’Oncle Sam ne fait plus peur à grand-monde.

  • Bien dit!

    Le principe même de la diplomatie, n’est-ce pas de n’avoir pas de comptes à rendre à court-terme ou de transparence à respecter? … Et puis quand je vois ce qu’on retient de ces « révélations » – tiens! Que tel ambassadeur trouve que Poutine c’est caca et que tel autre que Sarkozy est petit et que tel autre encore que Berlusconi, quand même, quel fêtard! – je trouve que le terme de « scoop » est un peu galvaudé.

    Le poujadisme participatif, c’est tout à fait ça.

  • « voire leur chiffre d’affaires »

    Voilà. C’est surtout cela. Des vieux journaux en mal d’argent, des nouveaux venus comme OWNI cherchant à se faire une place par tous les moyens, sans aucun souci des conséquences…

    Cette petite affaire ne fait que montrer que les nouveaux médias fanfaronnants comme OWNI ne font que répéter la vieille logique du monde : leur vision du monde commence et s’arrête à leur intérêt personnel : business as usual, narcissisme et appétit financier. Monsieur Voisin veut sa place au soleil, la bonne marche diplomatique et la paix du monde passeront après ce qui peut servir sa notoriété.
    Mieux que Wikileaks, l’Ecclésiaste avait tout révélé : rien de nouveau sous le soleil.

  • Il y a bien des consequences negatives pour beaucoup de gens. Mais il y a aussi des consequences positives. Le secret dans la diplomatie permet des accords utiles et importants, mais il permet aussi des actes peu acceptables. Il est legitime de penser que les avantages du secret sont bien faibles par rapport a ses desavantages. Je pense que le resultat sera sur le long terme une protection plus importante d’une categories plus restraintes d’information, mais un meilleurs control sur l’utilisation de cette protection, et une plus grande transparence sur le reste. Une bonne chose? Je le pense, mais seul l’avenir nous le dira.

  • prometheefeu a écrit : :

    Il est legitime de penser que les avantages du secret sont bien faibles par rapport a ses desavantages.

    Il est encore plus légitime de penser que les avantages de la transparence en matière diplomatique sont bien faibles par rapport à ses inconvénients. Surtout en l’absence d’argument à l’appui de votre position.

  • Dans le genre pétard mouillé et naïveté stupide on ne fait guère mieux !
    Ah bon les diplomates ça ne dit pas que la vérité et ça ouvre tout grand les yeux et les oreilles pour essayer de comprendre ce qui se passe dans le monde ?
    Entre nous, ça vaut la peine d’entretenir de coûteux services diplomatiques pour recueillir de telles vacuités ? IL faut être au Monde pour rattraper le train en marche ( ils avaient loupé la première livraison de Wikileaks) et tenter de faire passer pour de l’intelligence rusée ce qui n’est qu’un pâle échantillon de démocratie participative de niveau zéro.
    Comme le dite Aristote, on veut maintenant les sources du Monde et on exigera de leurs journalistes qu’ils continuent d’avertir à l’avance ceux qui vont faire l’objet de leurs révélations.

    Prochaine étape le détecteur de mensonge pour les hommes politiques et les journalistes……. les syndicalistes, les patrons,les financiers, les vendeurs de bagnoles et autres marchands.

    Ah la vie devient plus marrante chaque jour avec de pareils faux culs !

  • Un avis argumenté et modéré sur la question : (en)

    « […] the whole episode raises the larger issue of whether the citizens of a republic have the right to know exactly what representatives are doing and saying in their name, backed up by the money and military power that the citizens have paid for with their taxes. And I don’t mean finding out thirty years later, but now. […] But there is a real downside, which is why I retain some concerns about this latest batch of revelations. If diplomats start fearing that any conversation or cable might get leaked, they will either stop talking, stop taking notes, or stop sending message back to headquarters in any sort of republishable form. »

  • Il n’y a pas que les propos des diplomates occidentaux qui ont été révélés. Mais c’est de ceux-là dont on parle en France.

  • Voici la liste des ambassades américaines qui ont fourni le plus de documents en dehors du MAE américain (8017 documents).

    Ambassade américaine à Ankara 7.918, Bagdad, 6.677, Tel Aviv 3.194, Kaboul 2.961, Beyrouth 2.368

    Alors vous pensez bien que dans les documents divulgués, il y a bcp de propos attribués aux leaders originaires de ces pays,

  • « Ne craignez donc point ; car il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu » Matthieu 10, 26 (traduction Segond)

  • mettre les diplomaties occidentales – exclusivement occidentales – dans l’embarras

    Pourquoi occidentales? D’après ce que j’entends (je n’ai pas encore lu l’intégralité des courriers divulgués), l’Arabie Saoudite est la première dans l’embarras. Occidentale, l’Arabie Saoudite?

    En lisant les commentaires, je me dis qu’il faudrait arrêter de mélanger tout et n’importe quoi. Internet, ce n’est pas les geek. Wikileaks, ce n’est pas twitter, ni la révolution verte. L’open source, ce n’est pas facebook.

    Mon humble conseil : oubliez facebook et twitter (et si vous ne savez pas ce que c’est, surtout ne cherchez pas à savoir), vous ne vous porterez pas plus mal, et ça calmera vos nerfs.

  • @Gatien Effectivement, l’Arabie saoudite (sans majuscule à saoudite!) est la première dans l’embarras. Mais ce que Koz a voulu dénoncer, je pense, entre autres, c’est cette volonté du peuple occidental de voir les diplomaties occidentales mises à mal, même si ces révelations ne concernent pas que l’occident. Et s’il est vrai qu’internet, c’est pas les geeks, hé bien on peut quand même dire que Julien Assange et Zuckerberg, ça sonne comme la revanche des geeks après une enfance difficile.

    Sinon, belle opération commerciale que cette affaire wikileaks: comment faire le buzz mondial grâce à des documents de sources inconnues, et qui nous révèlent des vérités transcendantales telles que « M. Sarkozy est autoritaire » et « Berlusconni aime faire la fête ». On apprend de plus que les pays arabes n’aiment pas l’Iran: pas de scoop, mais une aubaine pour les Etats-Unis en cas de choix d’une option militaire contre nos amis perses. Quant à Israël, ils « s’en sortent bien ».
    Qui est Julien Assange? Que veut il? Qui sont ses sources et leurs motivations? Quel choix a été fait dans cette masse de documents? Comment ont été choisi les partenaires médiatiques? Voila qui pourrait faire un scoop, j’vais mettre mes meilleurs limiers sur le coup.

  • Ce type d’opération « grand spectacle » est gênant, je suis bien d’accord avec vous mais pour d’autres raisons. Après tout, n’est-ce pas de notoriété publique que l’hôte de l’Élysée est autoritaire ? Et Berlu et Merkel, ce qui en est dit n’est-ce pas déjà ce que l’homme du commun sait déjà ? Qui peut croire sincèrement que l’Iran n’a pas des hommes bien placés qui mettent Ahmanimachin au courant des désirs d’avenir de la famille royale saoudienne quant à son pays ?

    Non, ce qui me dérange dans cette histoire, c’est la montée en puissance d’une floppée de bisounours qui bien qu’arrivés à l’âge d’homme ont encore des rêves d’ados. Ah croire à la franchise, à la transparence, c’est un doux rêve qui s’il se réalisait ferait de notre quotidien un enfer.

    Plus que d’hypothétiques retombées auxquelles je crois peu, je pense que ce qui gêne le petit monde fermé de la diplomatie avec la publication de ces notes, c’est que le vulgum pecus se rende compte de la pauvreté du travail fourni par des gens payés très cher avec le fric qui leur a été piqué par l’État.

  • Pingback: Wikileaks, le culte malsain de la transparence « Pensées d'outre-politique

  • Je suis partagé.

    Sur le fond, je ne suis pas si certain que ça que le secret diplomatique soit toujours un plus. Il faut, à mon avis, distinguer ce qui relève du secret défense (on ne publie pas parce que l’information pourrait être utilisée par l’ennemi contre nous) de ce qui n’en relève pas (on ne publie pas parce qu’on ne veut pas être emmerdé par l’opinion publique). Bien entendu, cette distinction est très difficile à établir concrètement. Mais partir du principe qu’une action diplomatique doit toujours se faire en secret me paraît une sacrée pierre dans le jardin de la démocratie.

    Et les dérives sont évidentes. De la Françafrique à la corruption endémique (Karachi, anyone?) il y a pas mal d’exemples ne serait-ce qu’en France. Par ailleurs, cette conception paternaliste entretient une confusion des rôles de serviteurs et servis entre administration et administrés, qui est assez fréquente sous nos latitudes.

    Le droit au secret pour les individus doit être très fort. Mais dès qu’on parle de représentants du peuple, la transparence doit être la norme et le secret l’exception dûment motivée. En gros, les dictatures aiment le secret d’Etat mais pas celui des citoyens; les démocraties, c’est le contraire. C’est à la fois leur force et leur faiblesse.

    Sinon, je te rejoins sur le coté mégalo de wikileaks et surtout sur cette jouissance perverse à taper contre l’occident. Mais ce n’est pas nouveau. Il y a 25 ans, pour reprendre le mot de Mitterrand, les missiles étaient à l’est et les manifestants à l’ouest – c’est peut-être de là que vient l’expression 🙂 –

    Pour le post-ado en tshirt Che Guevarra, la gratification morale et sociale est beaucoup plus immédiate s’il se convainc qu’il est gouverné par des fachos ou des turbolibéraux et qu’il faut donc s’opposer à eux par tous moyens plutôt que s’il bosse à la fac et crée une entreprise.

  • Sans céder aux sirènes du « ouaaaah, c’est trop d’la balle avec un twitt je nique le Secrétariat d’Etat Américainnnn ! » (il faudrait être sacrément naïf), la mise au jour de ces informations a un intérêt.
    Personne ne dit que la diplomatie doive se dérouler au grand jour. Mais mettre au jour une duplicité très contradictoire entre le discours public et les volontés réelles, ça projette un éclairage différent. Et ça fait entrer en jeu un autre acteur : l’opinion publique. Elle n’a pas nécessairement toujours son mot à dire sur les tractations et décisions, mais au moins sur la conduite des affaires essentielles du pays (pourquoi la diplomatie serait-elle le seul élément qui échappe totalement à son regard ?) et sur la sincérité des déclarations de ses dirigeants.
    Le problème de fond, ce n’est pas que les diplomates communiquent. Ils le feront, c’est leur job. Le malaise vient davantage du trop grand décalage discours public / volonté réelle, sur des points que l’opinion juge cruciaux. Par exemple Arabie Saoudite / Iran (chacun voulant être un leader structurant de la région), mais aussi Egypte / Palestine. Ça renvoie un certain nombre de dirigeants face à leurs responsabilités.

  • @ Gatien: on peut effectivement dire qu’il n’y a pas que les diplomaties occidentales qui soient dans l’embarras et le passage que je consacre aux pays arabes me semble assez explicite à cet égard. Mais les messages sur twitter étaient plutôt explicites. Ce n’était pas les dirigeants arabes que la foule voulait. Et la page de Wikileaks que j’ai citée est tout aussi explicite. Au demeurant, comme beaucoup l’ont noté, Wikileaks ne s’attaque pas à la diplomatie iranienne, chinois ou nord-coréenne. Exclusivement à la diplomatie américaine. Les autres étant des dommages collatéraux.

    Par ailleurs, depuis le temps que je suis sur le web, je pense commencer à savoir ce qu’est un geek, ce qu’est le web, twitter, ce qu’ils valent, et quelles sont leurs limites. Et je pense que vous faites erreur : non, il ne faut pas écarter tout cela de l’analyse, parce que précisément, cela vient de là. Il suffit de voir les uns et les autres s’enthousiasme sur la circulation de l’information. Il suffit de regarder d’où vient Assange. Il suffit de faire un tour sur Owni, pour y trouver un peu partout ces discours pseudo-messianiques sur le partage de l’information, de la création etc.

    Mais si vous voulez dire qu’Internet doit être ramené à sa juste mesure, alors oui, c’est ce que j’écris. C’est que précisément, je crois que nos grands tenants de l’intelligence collective ont du mal à dépasser le petit bout de la lorgnette internet. Ils se sont enthousiasmés pour la Révolution Verte, parce qu’elle était retransmise sur twitter, et que c’était trop génial parce que cela montrait à quel point l’outil était révolutionnaire et comme ils avaient raison d’être dessus. En prime, ça consolidait leurs positions, puisque cela force politiques et entreprises à se préoccuper de leur secteur d’intervention. Mais lorsqu’ils répandent les documents Wikileaks, soudainement, ils ne se préoccupent plus du sort des jeunes iraniens. C’est que cette préoccupation s’est dissoute dans leur fascination puérile pour le Net.

    @ Simon : dans ce passage, le Christ envoie les apôtres en mission pour répandre la Bonne Nouvelle. Pensez-vous que Julian Assange soit une sorte de Christ et pensez-vous que le #cablegate renferme la Bonne Nouvelle ?

    Gwynfrid a écrit : :

    Mais une fois la rigolade passée on risque de voir des dégâts bien réels.

    Tenez, je n’avais pas pris connaissance de cela avant mon article, notamment… parce que c’est postérieur.

    Vrai ou pas, le risque de renforcer le discours des islamistes et de déstabiliser un peu plus le Moyen-Orient aurait mérité d’être un peu mieux pris en considération.

    Les intérêts des peuples du Moyen-Orient, leurs vies et un peu les nôtres, tout ceci est balayé au nom d’une idéologie superficielle et occidentalo-centrée.

    Lib a écrit : :

    Mais partir du principe qu’une action diplomatique doit toujours se faire en secret me paraît une sacrée pierre dans le jardin de la démocratie.

    Il ne s’agit pas de tomber d’un excès dans l’autre.

    Je n’ai pas écrit que « le secret est utile, nécessaire, fructueux » mais qu’il peut l’être. Je réponds à la conception wikileakienne que la transparence doit être totale. Jack Lang disait hier (oui, je cite Jack Lang… Mon Dieu) :

    « En ce moment, je m’occupe de la piraterie maritime. Je rencontre de nombreux chefs d’Etat africains, des décideurs… Nous parlons librement en évoquant toutes les hypothèses. Nous avons des discussions légitimes et nécessaires où nous explorons toutes les pistes, afin de trouver une solution. Quand on négocie avec un pays, on cherche à explorer toutes les voies, même si certaines peuvent paraître surprenantes ou extravagantes sur le moment. »

    Faut-il s’interdire de le faire ? S’interdire d’explorer toutes les hypothèses parce qu’elles seront mises sur la place publique ?

    Et comme il le dit, cela ne conduira pas à une vraie transparence. Cela conduira seulement les diplomates à utiliser la langue de bois en interne également.

    Que le secret ne soit pas toujours nécessaire, c’est fort probable. Que la transparence doive être totale, cela me fait penser à ces gens qui, parce qu’ils ne cessent de commettre des gaffes, se flattent en permanence de leur grande franchise, et de « dire les choses en face », alors qu’ils ne savent juste pas quand fermer leur gueule, notamment pour ne pas blesser leur interlocuteur.

    Lib a écrit : :

    Pour le post-ado en tshirt Che Guevarra, la gratification morale et sociale est beaucoup plus immédiate s’il se convainc qu’il est gouverné par des fachos ou des turbolibéraux et qu’il faut donc s’opposer à eux par tous moyens plutôt que s’il bosse à la fac et crée une entreprise.

    Oh oui, et ça permet de rester dans ses rêves, et de penser changer le monde quand on envoie une canette de bière à un CRS qui a pour instruction de ne pas bouger, parce qu’il ne faudrait pas blesser le gentil ado.

    [Enikao] a écrit : :

    Personne ne dit que la diplomatie doive se dérouler au grand jour.

    Il me semble pourtant que si, à en lire notamment Wikileaks.

    [Enikao] a écrit : :

    Le malaise vient davantage du trop grand décalage discours public / volonté réelle, sur des points que l’opinion juge cruciaux. Par exemple Arabie Saoudite / Iran (chacun voulant être un leader structurant de la région), mais aussi Egypte / Palestine. Ça renvoie un certain nombre de dirigeants face à leurs responsabilités.

    Précisément, aurait-il fallu que les Saoudiens informent leur population qu’ils incitaient les USA à bombarder un autre pays musulman (certes pas arabe, certes chiite) ? Faut-il rappeler que Ben Laden aussi est saoudien ? Combien parmi les saoudiens qui seraient tentés de renverser le régime ? Combien parmi les Jordaniens ? La Jordanie parvient péniblement à maintenir une certaine stabilité dans le pays alors qu’elle abrite un grand nombre de réfugiés palestiniens ? Faut-il mettre en lumière auprès d’eux que les Jordaniens sont plus va-t’en-guerre contre leur héros Ahmadinejad que les Américains eux-mêmes ?

  • Je suis tout à fait d’accord sur la nécessaire confidentialité en matière diplomatique.

    Mais dans le cas de ces fuites, ce qui me frappe, c’est que tout ce qui filtre est soit déjà connu soit fortement soupçonné. Prenons le cas de l’Arabie saoudite, sans avoir de certitudes absolues, on se doute fortement depuis des années que ce pays joue sur tous les tableaux.
    Et si nous – les braves petites gens – on a de fortes présomptions, on peut raisonnablement penser que les diplomates de métier, d’Occident comme du Proche Orient, sont parfaitement au courant de ce qu’il en est.
    C’est pourquoi je crois qu’il s’agit là d’un énorme soufflet qui s’effondre sur le vide qui le remplit. Tout ça ne changera absolument rien.

  • Mais précisément, il me semble utile à certains égards de pouvoir préserver le doute vis-à-vis des opinions publiques locales. Les Iraniens n’ignorent évidemment rien de l’hostilité des Saoudiens à leur encontre. Mais le fait que ce soit étalé au grand jour risque bien d’amener les Saoudiens à se positionner vis-à-vis de leur opinion publique. Et je ne suis pas certain que nous ayons très envie de voir en quel sens ils le feront.

  • En grande partie d’accord avec ton analyse. Je suis surpris par tous ceux qui minimisent l’impact de cette divulgation, en se concentrant sur l’aspect « Gala ». J’ai lu un certain nombre de câbles, et ce qui est publié actuellement n’est que la partie émergée de l’iceberg, à peine un pour mille : très intéressant, mais cela aurait dû être rendu public dans trente ans. Beaucoup de commentaires à droite et à gauche montrent aussi une incroyable méconnaissance de la nature du travail diplomatique…

    En revanche, je m’insurge contre le terme « poujadisme ». Il y a de la mégalomanie (tu as lu l’interview sur forbes.com ?), une certaine forme de populisme très certainement, mais pas vraiment du poujadisme au sens propre du terme.

    C’est aussi assez différent de l’idéologie facebook-googlienne de la transparence appliquée aux citoyens, beaucoup plus totalitaire et à la base mercantile.

    Le problème c’est que Wikileaks s’est trompé de cible, et s’est, j’espère, décrédibilisé. Des bavures classées secret-défense pour les mettre sous le tapis, des pratiques douteuses de banques, cela ne me gêne pas du tout, au contraire – j’ai été étonné par la réaction, cet été, d’un ami ancien analyste de la CIA qui était plutôt favorable à Wikileaks, car opposé à la classification de confort. Mais la diplomatie, non. C’était une barrière à ne pas franchir.

  • envoyer la sauce sans même en connaitre le contenu, on est chez Rousseau ou à l’asile .Heureusement,les dégats ne seront finalement pas si grands car les personnes et les Etats concernés n’ont pas attendu Wikileaks pour savoir décripter la réalité derrière le discours diplomatique officiel .IE, l’Iran n’est sûrement pas tombé de très haut en apprenant que l’Arabie saoudite ne les kiffait pas trop.C’est la suite qui comme toujours sera interessante ,car on va bien sûr assister au grand bal des faux culs.
    Encore une remarque , dans mon activité professionnelle, je reflechis
    avant d’appuyer sur la touche Envoi ,si ,si.

  • @Koz:

    Je ne suis pas certain qu’en Arabie saoudite les dirigeants se soucient de l’opinion publique. Il faudrait aussi que l’opinion publique saoudienne, pour se montrer mécontente, d’une part s’intéresse à ces fuites, d’autre part ait un accès suffisant à une presse libre, ce qui est loin d’être acquis.

  • hipparkhos a écrit : :

    En revanche, je m’insurge contre le terme « poujadisme ».

    Si, je trouve du poujadisme dans l’idée sous-jacente que les élites sont pourries, qu’elles ne défendent pas nos intérêts, qu’il ne faut pas faire confiance aux Etats mais que nous, les petits, les sans-grades, ah nous, tiens, si j’étais chef de l’Etat, moi, tu verrais !

    hipparkhos a écrit : :

    C’est aussi assez différent de l’idéologie facebook-googlienne de la transparence appliquée aux citoyens, beaucoup plus totalitaire et à la base mercantile.

    Oui, c’est très différent, mais je n’ai pas assimilé l’un à l’autre.

    azerty a écrit : :

    l’Iran n’est sûrement pas tombé de très haut en apprenant que l’Arabie saoudite ne les kiffait pas trop

    Non. Mais les réfugiés palestieniens en Jordanie n’imaginaient peut-être pas que le Roi demandait aux Etats-Unis d’entrer en guerre contre l’Iran, par exemple.

    Aurélien a écrit : :

    Il faudrait aussi que l’opinion publique saoudienne, pour se montrer mécontente, d’une part s’intéresse à ces fuites, d’autre part ait un accès suffisant à une presse libre, ce qui est loin d’être acquis.

    Je peux me tromper mais il me semble qu’Internet n’est pas excessivement restreint, chez eux. Et quand on voit que les Iraniens ont eu accès à twitter, je ne vois pas ce qui empêcherait l’info de se répandre.

    Tiens, en passant, l’avis d’Hervé Gattegno :

    « Quand on publie des notes d’ambassadeurs qui décrivent Nicolas Sarkozy comme « susceptible et autoritaire », Berlusconi comme un noceur ou Kadhafi souffrant du vertige et toujours flanqué d’une infirmière voluptueuse, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Mais qu’on prenne la responsabilité de révéler le double langage du roi d’Arabie saoudite vis-à-vis de l’Iran quand il demande aux États-Unis d’attaquer Téhéran « pour couper la tête du serpent », c’est infiniment plus sérieux, et ça peut avoir des conséquences dramatiques sur la paix dans le monde. »

    Et aussi, sur la vénération de la transparence :

     » le jour où on considérera que toute violation d’un secret est en soi une information, il n’y aura plus de frontière entre la sphère privée et l’espace public. Et la démocratie aura accompli le rêve de toutes les dictatures. C’est-à-dire un cauchemar ! »

  • Koz,
    D’habitude je suis plutot d’accord avec tes analyses, mais cette fois-ci, il me semble que tu t’emportes sans reel argument. Oui, la « revolution » est un grand mot, et ce ne sont pas les tweets et les partages sur facebook de petits secrets (de polichinelle) qui changent le monde en mieux.

    Oui, Julien Assange devoile des « secrets » (rien de ce que j’ai pu lire ne m’a surpris) qui peuvent etre dangereux et mettre des vies, individuelles, ou collectives, en danger.

    En revanche, il se bat egalement pour une cause qui va au dela de la revelation de petits secrets qui est la liberte de la presse. Car, oui, il faut le dire, les journaux papiers et TV sont museles. Et il ne peut pas y avoir de democratie sans liberte de la presse, c’est chose certaine. La maniere dont je le vois, c’est ce qu’on trouve souvent dans la litterature, un sacrifice pour arriver a une situation plus saine, un jour. C’est tout le theme qu’il y a dans les Watchmen, dans Batman Begins, et dans bien d’autres oeuvres parfois moins geek. Le probleme qu’il y a aujourd’hui, c’est que celui qui revele les secrets ne prend pas la responsabilite de ses actes : il fuit de pays en pays. Et c’est a la fois le signe qu’il n’assume pas tout a fait ses actions, et qu’il est impossible de s’exprimer dans nos « democraties » en toute impunite.

    Il s’agit de prendre parti a un moment entre ceux qui veulent profiter encore plus de leur pouvoir pour controler « ce qui se dit » et ceux qui souhaitent que la verite soit sur la place publique. Assange est alle trop loin dans son sens. Attention de ton cote, a ne pas etre l’avocat du diable pour la beaute de la plaidoierie. Il peut etre indefendable.

  • Pour la transparence, je pensais en fait à Baroin, qui s’est un peu mélangé les pinceaux, surtout une semaine après avoir prôné la transparence sur Karachi :). Henry dans son commentaire faisait aussi allusion à cette autre transparence. Nous sommes d’accord.

    Poujade, c’est du détail, mais historiquement c’est plus de l’antiparlementarisme et de l’anti-fiscalisme, une défense corporatiste des classes moyennes de l’époque. Je suis d’accord sur le populisme d’Assange, mais c’est avant tout pour lui un instrument de « personal branding » – il le dit lui-même.

  • hipparkhos a écrit : :

    Poujade, c’est du détail, mais historiquement c’est plus de l’antiparlementarisme et de l’anti-fiscalisme, une défense corporatiste des classes moyennes de l’époque

    Oui, merci, j’ai fait de l’histoire, moi aussi 😉
    Et l’acception du terme « poujadisme » s’est élargie. D’ailleurs si on veut être parfaitement rigoureux, c’est la défenses des petits commerçants et artisans. Et si ça peut les secouer un peu…

    Aurélien a écrit : :

    @Koz:

    Un bref état des lieux de RSF sur Internet en Arabie Saoudite: http://fr.rsf.org/internet-enemie-arabie-saoudite,36628.html

    Thanks. Cela étant, je ne crois pas que le régime iranien ait été le plus laxiste sur le Net. Et il n’a pourtant pas pu empêcher les étudiants d’investir twitter et d’y poster infos et photos pendant la Révolution Verte.

  • Koz a écrit : :

    Mais le fait que ce soit étalé au grand jour risque bien d’amener les Saoudiens à se positionner vis-à-vis de leur opinion publique.

    C’est exactement le sujet. Tu sembles trouver parfaitement légitime qu’un gouvernement prenne des positions diamétralement opposées à l’opinion de ses citoyens tout en leur disant le contraire. En démocratie représentative, il est possible qu’un gouvernement prenne des mesures impopulaires, il engage sa responsabilité pour sa réélection.

    Sous quelles conditions peut-il le faire en douce? Y en a-t-il ou considères-tu qu’il peut toujours le faire dès lors qu’il pense que c’est pour le bien du pays?

    Koz a écrit : :

    » le jour où on considérera que toute violation d’un secret est en soi une information, il n’y aura plus de frontière entre la sphère privée et l’espace public. Et la démocratie aura accompli le rêve de toutes les dictatures. C’est-à-dire un cauchemar ! »

    Gattegno nage en pleine confusion dans cette conclusion. Il est précisément incapable de distinguer le secret public du secret privé. En quoi les memos leakés font-ils partie de la sphère privée des diplomates?

    De façon assez peu surprenante, la presse US est moins choquée que toi sur cette question. Il faut dire que le principe de secret privé / transparence publique est assez profondément enfoui dans l’inconscient collectif. Ainsi l’édito du NYT (centre gauche) est assez neutre :

    The Israelis publicly raise the alarm all the time. Most Arab leaders never do. If they believe Iran poses a major threat, they need to tell their own people and work a lot harder to pressure Iran to abandon its program (…)

    There are legitimate reasons for keeping many diplomatic conversations secret. The latest WikiLeaks revelations will cause awkward moments not least because they contain blunt assessments of world leaders. The claim by Secretary of State Hillary Rodham Clinton that the leaks threaten national security seems exaggerated. The documents are valuable because they illuminate American policy in a way that Americans and others deserve to see.

    Bien sûr, le fait qu’ils aient fait partie de ceux qui ont publié les memos les rend partiaux.

  • Indépendamment des conséquences diplomatiques de ces fuites, ce qui est vraiment effarant, c’est la vision de la démocratie véhiculée par cette action:
    la forme avant le fond, l’hypocrisie du parler franc, Rousseau à l’heure du net.
    Les dégâts collatéraux d’une communication structurée quasi exclusive par net, twitter ou autres facebook interposés ne font que commencer à apparaître et il y a là un appauvrissement dramatique de la pensée humaine dont nous commençons à peine à voir les conséquences.
    Quand on oublie que la démocratie est une lutte sur le fond et non un mode d’expression, on fait le lit de toutes les dictatures.

  • Il me semble que personne n’a évoqué le point de vue économique de ce grand déballage … je ne crois absolument pas (à tort peut être) au discours lénifiant de M. Assange sur les vertus de la transparence … et la nécessité pour le bon citoyen d’être au courant de tout … si tout le monde faisait part de sa stratégie avant même de l’appliquer (et ce à n’importe quel niveau) , je doute fortement qu’elle puisse réussir . Ce qui m’étonne c’est qu’un pays ne soit à aucun moment cité : la Chine … et alors la question que je me pose : à qui profite le « crime » ? qui a intérêt à mettre la pagaille dans le monde occidental et a le discrédité ? où sont aujourd’hui les grands contrats ? qui est en compétition ? ne serait-il pas possible que la transparence totale aille de pair avec la manipulation totale ??
    Par ailleurs, le discours bien huilé des grands organes de presse sur la nécessité d’informer , sur ce fameux devoir d’information qui n’est qu’en fait qu’une couverture rhétorique pour faire un maximum de tirages et donc de servir leurs actionnaires , me paraît bien peu professionnel :la question qui se pose au regard de la publication de ces documents est celle ci : ou bien ces « révélations » sont insignifiantes et ne mettent en aucune façon en danger nos « sociétés » et dans ce cas , passer il n’y a rien à voir, ou bien c’est le contraire et dans ce cas quid de la fameuse éthique journalistique ?

  • hipparkhos a écrit : :

    C’est aussi assez différent de l’idéologie facebook-googlienne de la transparence appliquée aux citoyens, beaucoup plus totalitaire et à la base mercantile.

    Qu’il y ait une différence entre Facebook/Google et Wikileaks, c’est certain, et à de nombreux égards.
    Mais il y a à mon sens une certaine parenté entre les deux démarches (que je n’irais pas jusqu’à qualifier d’idéologies, surtout si le but est mercantile). L’idée que le secret n’a plus de légitimité, que ce soit dans la sphère publique ou privée, se retrouve chez Wikileaks comme chez Facebook.

    Et dans les deux cas, ces secrets (privés ou publics) ne trouvent preneurs que parce qu’ils sont monétisables…

  • Mais les messages sur twitter étaient plutôt explicites.

    Mais justement Koz, on s’en fiche de twitter. C’est la quatrième fois sur votre blog que vous me répondez « oui mais twitter ». Je n’ai aucune idée de ce qui se raconte sur twitter (la même chose qu’au café en bas de chez moi je suppose), je n’ai pas spécialement envie de savoir. Si vos fréquentations twittesques ne vous satisfont pas, changez de fréquentations ou arrêtez, mais de grâce ne mélanger pas twitter avec wikileaks et l’usage d’internet par révolution verte!

    Quand à voir dans Zukergerb un geek, ma foi… je vois plutôt un Bill Gates en puissance, et les bons sentiments dégoulinants que vous dénoncez ressemblent plus à du marketing à la Steve Jobs qu’à l’esprit du développement open source.

  • Ce qu’il y a de spécifique dans la démarche de Wikileaks, ce n’est pas la pratique de la fuite, mais sa massification. Les fuites ont toujours eu lieu, et c’est d’ailleurs un argument à opposer aux apotres de la transparence totale. La manière « normale » de procéder, en la matière, c’est pour celui qui sait d’identifier une info qui lui parait devoir fuiter, et de travailler avec un journaliste pour qu’elle soit divulguée. Ce mécanisme permet de s’assurer que l’info, au moins, ne sorte pas « gratuitement » (que les motivations du « whistleblower » soit recommandables ou non).

    La massification de la fuite est un emballement logique, effectivement lié à la société Internet, où le citoyen 2.0 fait exploser la demande en info brute, et où un simple bidasse peut se considérer comme un sachant, quand bien même il n’a très probablement pas lu l’ensemble des documents qu’il divulgue. Face à cette légitimité pseudo-démocratique, la déontologie semble avoir du mal à peser bien lourd. La peur du gendarme aussi: qui sait si le fuiteur présumé n’a pas été assez naif pour croire que son statut de nouveau Robin des Bois lui épargnerait de terminer pendu par les couilles au sapin de Noël de la Maison Blanche?

    Ainsi, pour moi, ce n’est pas aujourd’hui que Wikileaks franchit la ligne jaune, mais bien à partir du moment ou ils ont commencé à faire fuiter en masse (j’avais apprécié qu’ils fassent sortir en son temps cette atroce bavure commises sur des journalistes par un hélicoptère). Le fait que le contenu informatif réel ne soit pas radicalement modifié par rapport à une fuite ponctuelle ne change rien à l’affaire: le problème est d’abdiquer toute analyse de l’info au profit de cette idée que la fuite est bonne en soi, « ou apporte plus de bien que de mal en moyenne donc ça va », ce qui revient au même. D’ailleurs, je ne suis pas sûr que les effets délétères de ces nouvelles révélations soient tellement supérieurs à ceux des précédentes fuites en masse. Juste plus évidents.

    Enfin, plus peut être encore que la dictature de la transparence totale, cette fuite illustre aussi celle du temps réel. Théoriquement (notez bien l’adverbe), le « secret » n’est pas définitif en démocratie, au sens ou l’info disparaitrait. La révélation est juste suspendue. Jusqu’à 30 ans, mais souvent moins longtemps pour les détails clés, les ouvertures d’archives suscitant plus souvent l’excitation des historiens que des journalistes à sensations. Derrière cette illusion « transparente » et « participative », il y a aussi la négation du temps, celui nécessaire à l’action diplomatique, celui dans lequel les conséquences de l’instantanéité d’aujourd’hui va s’inscrire. Ca aussi c’est très geek.

  • Il me semble assez normal que les principales « révélations » de wikileaks proviennent d’occident et non de Corée du Nord ou de Chine. PAr chez nous ils est surement beaucoup plus simple et moins risqué de voler/copier des données quand on travail dans une administration/banque qu’en Corée du Nord. Pour pouvoir révéler les secrets de l’Iran il faudrait déjà que quelqu’un intéressé par la démarche de wikileaks puissent leur transmettre les documents. Ca me semble beaucoup plus difficile, voir impossible pour un nord coréen.

  • « le discours bien huilé des grands organes de presse sur la nécessité d’informer , sur ce fameux devoir d’information qui n’est qu’en fait qu’une couverture rhétorique pour faire un maximum de tirages »

    Absolument.
    Voir sur Twitter Nicolas Voisin (CEO OWNI.FR) jubiler du record de visiteurs uniques réalisé à cette occasion.

    La seule et unique motivation de ces gens, c’est l’audience, et ses retombées (gloire, argent, … femmes ? Cf Julian Assange qui tombe dans des pièges sexuels, c’est-à-dire qui mène une vie privée profitant largement de sa petite gloire. On est loin d’un ascète se donnant au bien commun pour l’amour de l’humanité.

    Le fin mot des motivations de Wikileaks c’est : argent gloire et beautés dans le lit.)

  • Je suis assez énervé par cette tendance actuelle où n’importe quel crétin peut subtiliser des informations confidentielles et les communiquer de manière irresponsable à n’importe qui. On commence par des petits imbéciles qui utilisent des listes de mailing électronique établies par d’autres pour des fins bien spécifiques pour diffuser leur point de vue débile à des personnes qui ne devraient pas du tout être concernées. Il est déconcertant avec quelle facilité on peut diffuser pour un coût dérisoire à l’aide de l’informatique des informations de tout genre. Il faut savoir qu’il y a des gens dont leur objectif obsessionnel est d’introduire un maximum de merde dans la soufflerie. On aboutit à Wikileaks, l’épistémè de cette mentalité.

  • …les buzzz…les fameux buzzz hystériques du Net ….
    S’en méfier comme de la peste ….
    A mon avis , celui – ci n’est qu’un petit coup de pouce vers le big bang …..personne , dans le monde , ne sait comment se sortitr de cette situation mondialiste qui a perdu ses freins …

  • Ces révélations mettent dans l’embarras quels autres pays que les EU ? D’ailleurs est-ce que les EU sont réellement dans l’embarras ? Pratiquement toutes les chancelleries soutiennent les EU en disant « ma foi on fait tous plus ou moins la même chose ».

    Ce sont les pays du moyen orient qui sont visés. Les révélations touchent les propos tenus par les leaders de ces pays les uns sur les autres. D’ailleurs, Israël est très content. N’avez-vous pas remarqué ?

  • Koz a écrit : :

    Au demeurant, comme beaucoup l’ont noté, Wikileaks ne s’attaque pas à la diplomatie iranienne, chinois ou nord-coréenne. Exclusivement à la diplomatie américaine. Les autres étant des dommages collatéraux.

    Selon moi ces révélations visent en 1er lieu l’Iran qui est présenté comme LA menace la plus importante au moyen orient. On savait que c’était la position des Occidentaux. Maintenant l’on sait que les Arabes n’en pensent pas moins. Dès lors le pdt iranien n’a peut-être pas tàf tort d’accuser les EU d’avoir orchestré la « fuite ».

    • Je serais surpris, Aïcha, que les Etats-Unis aient pris ce risque. A première vue, le coût me semble plus important que le risque. Il est vrai toutefois qu’Ahmadinejad ne semble pas, à tout le moins officiellement, enchanté par ces révélations.

  • On apprend aussi bcp de choses sur le train de vie, les comptes bancaires de certains leaders de la région. Révélations qui seront utilisées par leurs opposants pour les renverser.

  • Je lis la presse turque et certains observateurs pointent du doigt non pas Obama mais les néo-cons.

    Il y a bcp de révélations sur la Turquie, ses pseudo liens avec El Qaida, les comptes en suisse du PM et d’autres dirigeants, un pays « frère » (le pdt azeri) qui complote contre le pays, un nouvel « ami » très critique (le pdt syrien).

    Du côté de la Turquie, le sentiment est que qqn souhaite destabiliser la région, renverser des gvts en place, fragiliser les nouvelles alliances, créer un sentiment d’insécurité et de suspicion, inciter les Arabes à entrer en conflit les uns avec les autres.

    Les EU s’en sortent trop bien de cette histoire car ces messages diplomatiques divulgués n’engagent que les diplomates américains à titre personnel et non les EU en tant qu’Etat tandis que la situation des leaders de la région s’en trouve fragilisée. Bref, ça parait louche.

  • Aïcha a écrit : :

    Je lis la presse turque et certains observateurs pointent du doigt non pas Obama mais les néo-cons.

    Les EU s’en sortent trop bien de cette histoire car ces messages diplomatiques divulgués n’engagent que les diplomates américains à titre personnel et non les EU en tant qu’Etat tandis que la situation des leaders de la région s’en trouve fragilisée. Bref, ça parait louche.

    Et les révélations précédentes sur les bavures américaines en Irak et en Afghanistan, c’est aussi les néo-conservateurs américains ?!?
    Il ne faut pas voir des opérations « False flag » à tous les coins de rue !

  • Koz a écrit : :

    @ Simon : dans ce passage, le Christ envoie les apôtres en mission pour répandre la Bonne Nouvelle. Pensez-vous que Julian Assange soit une sorte de Christ et pensez-vous que le #cablegate renferme la Bonne Nouvelle ?

    Loin de moi l’idée de comparer Assange au Christ. Je voulais juste signaler que les diplomates américains n’ont aucune raison d’être surpris dans la mesure ou Jésus à annoncé que tout les secrets seront un jour connu. Pour moi ce verset nous invite à agir en étant capable d’assumer chacune de nos actions aux grand jour. Je ne prend pas la défense d’Assange dont les méthodes sont très critiquables (http://www.meilcour.fr/polito/trois-petits-trucs-sur-wikileaks.html). En revanche je trouve que si les Saoudiens ne sont pas capables d’assumer devant leur opinion publique leurs positions diplomatiques c’est qu’il y a quelques chose de malsain dans ce régime (ce qui n’est pas un scoop j’en conviens). Oui, le secret peut être utile mais avoir des secrets en sachant qu’un jour ils seront connus (ils le sont déjà par Dieu) me semble sain.

  • Encore une fois d’accord avec ton analyse. J’ai été sidéré de la réaction de certaines personnes, au demeurant intelligentes, sur twitter. C’est à peu prêt le même engouement histérique que pour la ses-tape de Pamela Anderson à l’époque : zéro recul, le plaisir brut de savoir qu’un truc interdit va se faire.

    Sur le fond, je ne suis pas surpris que le State Department US demande des infos aux ambassadeurs: il semble même que ce soit un processus appliqué dans toute institution appelée à prendre une décision, non? Des informations de différentes provenances permettent de décider, une fois la décision prise, ces informations se retrouvent sans objet.

  • Si seuls les pays du Moyen Orient, à l’exception d’Israel, sont gravement destablilisés par ces révélations, personne ne pourra leur faire croire qu’il s’agit d’une coincidence.

  • Assez d’accord avec Simon.

    Simon a écrit : :

    En revanche je trouve que si les Saoudiens ne sont pas capables d’assumer devant leur opinion publique leurs positions diplomatiques c’est qu’il y a quelques chose de malsain dans ce régime (ce qui n’est pas un scoop j’en conviens). Oui, le secret peut être utile mais avoir des secrets en sachant qu’un jour ils seront connus (ils le sont déjà par Dieu) me semble sain.

    Les saoudiens ne sont pas plus bêtes que les autres, et si en Occident tous les gens qui prenaient la peine de s’informer étaient au courant de la position officieuse saoudienne, ça devait bien déjà se répercuter dans l’opinion publique saoudienne.
    Plus généralement, gouverner contre l’opinion publique finit tôt ou tard par poser problème. D’autant que beaucoup de dirigeants de la région soufflent le chaud et le froid. En Égypte, Moubarak a consciencieusement détruit l’opposition de manière à ce qu’il ne reste que les frères musulmans. Du coup, il peut dire aux occidentaux : « d’accord, mon régime n’est pas démocratique, mais si vous ne m’appuyez pas, c’est des extrémistes islamistes qui vont prendre le pouvoir ». Et le soutien des occidentaux à Moubarak renforce les frères musulmans comme force d’opposition non occidentalisée.

  • « Poujadisme »…Et pourqoui pas « populisme »…N’est-ce pas?…Voilà bien des expressions en conformité avec les postulats des officiants au Temple Médiatique qui ont en horreur les préoccupations des couches sociales populaires, que l’on désignera au besoin par « les pauvres » ou « les plus démunis », comme si leur situation était le résultat d’une condamnation immanente…Nos officants redoutent la montée en puissance d’un moyen de communication horizontal bousculant leur système hiérarchique où « l’information » est filtrée, puis restituée en conformité avec leurs postulats à une « Opinion Publique » ainsi formatée…

    Effrayés, nos officiants au Temple, les politiciens ayant pignon sur rue, la diplomatie fondée sur l’hypocrisie, lancent alors leurs campagnes contre les chercheurs de Vérité sur le net et hurlent à « la théorie du complot »…

  • Lib a écrit : :

    C’est exactement le sujet. Tu sembles trouver parfaitement légitime qu’un gouvernement prenne des positions diamétralement opposées à l’opinion de ses citoyens tout en leur disant le contraire. En démocratie représentative, il est possible qu’un gouvernement prenne des mesures impopulaires, il engage sa responsabilité pour sa réélection.

    Sous quelles conditions peut-il le faire en douce? Y en a-t-il ou considères-tu qu’il peut toujours le faire dès lors qu’il pense que c’est pour le bien du pays?

    On parle d’Arabie Saoudite, là. À peu près l’exact inverse de la démocratie représentative. La question n’est pas de savoir si le roi de ce pays a le droit de faire des trucs dans le dos de son opinion publique. Il s’assied confortablement sur la notion de droit ici, comme dans bien d’autres domaines.

    S’il y a une crainte à avoir ici, elle n’est pas pour une démocratie inexistante, mais bien plutôt pour la stabilité de la région, et les intérêts occidentaux qui vont avec, intérêts qui sont les nôtres, que cela nous plaise ou non.

  • Gwynfrid a écrit : :

    S’il y a une crainte à avoir ici, elle n’est pas pour une démocratie inexistante, mais bien plutôt pour la stabilité de la région, et les intérêts occidentaux qui vont avec, intérêts qui sont les nôtres, que cela nous plaise ou non.

    Bien. Donc, au nom de la stabilité de la région et de son impact (dont personne n’est capable de prévoir l’ampleur ni le sens) sur nos intérêts, tu nous explique placidement qu’on doit soutenir le régime saoudien (au moins par omission), même s’il n’est pas démocratique mais on n’y est pour rien.

    Sais-tu que des gens ont émis l’hypothèse que les troubles dans la région pourraient trouver, au moins partiellement, leur source dans le déficit de démocratie et qu’une des raisons de la popularité de l’islamisme radical serait le sentiment diffus des populations que leurs gouvernements corrompus sont soutenus par l’occident?

  • Lib a écrit : :

    Tu sembles trouver parfaitement légitime qu’un gouvernement prenne des positions diamétralement opposées à l’opinion de ses citoyens tout en leur disant le contraire.

    Si l’on demande aux réfugiés palestiniens en Jordanie leurs intentions vis-à-vis d’Israël, je crains qu’ils ne répondent de leur couper leurs attributs et de les rejeter à la mer (les israéliens). Bref, je ne suis pas certain qu’il soit très malin de prendre le risque de déstabiliser l’un des régimes encore stables du coin et assez tolérant vis-à-vis de ses minorités. On peut me répondre, avec un peu d’emphase, qu’il faut prendre le risque de la démocratie. Mais (i) je ne pense qu’Assange et mes twitterers aient pensé aussi loin et (ii) t’as vraiment envie de parier ?

    Zozoped a écrit : :

    C’est tout le theme qu’il y a dans les Watchmen, dans Batman Begins, et dans bien d’autres oeuvres parfois moins geek. Le probleme qu’il y a aujourd’hui, c’est que celui qui revele les secrets ne prend pas la responsabilite de ses actes : il fuit de pays en pays.

    Je ne suis pas certain d’avoir envie de m’inspirer de Batman Begins ou des Watchmen pour la gestion du monde. Par ailleurs, Assange fuit-il vraiment ? Ce n’est pas Ben Laden, il rencontre des journalistes etc. J’ai dans l’idée que si la CIA voulait se l’épingler, ça ne lui serait pas très difficile. En revanche, cette mise en scène sert ses intérêts.

    @ Gatien: mon petit Gatien, donnez-vous un peu de mal : cliquez donc sur les liens que j’ai mis en début de billet. Ca vous donnera une idée de ce que pensent les inconditionnels d’Assange sur Twitter. Vous y trouverez un peu son fan-club (en tout cas c’était très exactement le cas dimanche) exprimant de façon condensée leur petit substrat idéologique. C’est en cela que c’est intéressant.

    Par ailleurs, si vous acceptiez de vous déstresser un coup et de respirer profondément, vous verriez peut-être que je n’ai jamais évoqué Facebook. Henry l’a fait, vous avez transformé son unique commentaire en « les commentaires » et avez décrété que l’on devrait oublier Facebook pour calmer nos nerfs. Sincèrement, je n’ai pas l’impression que ce soit nous qui les ayons perdus.

    Lib a écrit : :

    Gattegno nage en pleine confusion dans cette conclusion. Il est précisément incapable de distinguer le secret public du secret privé. En quoi les memos leakés font-ils partie de la sphère privée des diplomates?

    Il dit « le jour où« . Il n’évoque pas la situation actuelle.

    Lib a écrit : :

    De façon assez peu surprenante, la presse US est moins choquée que toi sur cette question.

    Etant observé, bien évidemment, que l’avis du NYT n’est pas nécessairement déterminant pour que je forge le mien.

  • Lib a écrit : :

    Sais-tu que des gens ont émis l’hypothèse que les troubles dans la région pourraient trouver, au moins partiellement, leur source dans le déficit de démocratie et qu’une des raisons de la popularité de l’islamisme radical serait le sentiment diffus des populations que leurs gouvernements corrompus sont soutenus par l’occident?

    Et Wikileaks contribuerait à la solution de ce problème ? Comment ça ?

  • Koz, je ne suis pas entièrement d’accord avec ton billet .

    Moi , j’aime bien le dessous des cartes ( bon , on ne se refait pas ).

    Bien évidemment je ne suis pas allé sur le site Wikileaks et me contente des « révélations  » de la presse .
    Cette fois-ci , qu’apprenons-nous : que les diplomates ne le sont pas tellement , qu’ils sont avant tout des espions qui participent activement à l’installation d’une sorte de Big Brother , que leurs analyses relèvent souvent du café de commerce . Cela nous apprend surtout à nous méfier d’eux et de leurs parlers quand ils communiquent aux médias . Un diplomate devrait être un conciliateur dans ses actes et dans ses propos ! ( je sens déjà les rires et les coms de « pauvre naïf  » : j’assume)

    Les journalistes ont généralement une affection pour la primauté d’une nouvelle , pour  » l’heureux hasard  » qui fait venir sur leur bureau tel ou tel document confidentiel et hurlent quand on s’attaque au sacro-saint secret des sources : d’où mon étonnement vis-à-vis des éditorialistes plutôt négatifs au sujet de Wikileaks .

    Comme citoyen , il me plaît de connaître un maximum sur ceux qui me représentent , sur ceux qui travaillent pour moi ( et pour vous tous) dans le service public .

    Comme nos démocraties ne sont pas vraiment participatives , l’arme la plus efficace que nous ayons à notre disposition est la bonne utilisation de notre droit de vote . Le vote devient donc très important et pour cela nous avons besoin de la meilleure information possible . Pour cela il nous faut connaître les programmes officiels mais également les programmes officieux de ceux qui se présentent pour nous représenter.

    De mon député , je veux savoir qui il est , qui il est vraiment , quelle sorte d’homme ou de femme il ou elle est et pour cela il me faudrait bien plus et en fait beaucoup plus que ce qu’il ou elle veut me montrer . En fait j’aurais besoin qu’il ou elle devienne presqu’un intime : pour pouvoir juger de ses capacités réelles , pour pouvoir juger de sa fiabilité , de ses opinions véritables et pas seulement de celles affichées , pour pouvoir dépasser la langue de bois . Donc je suis assez partisan d’un très fort
    étalage de la vie privée des politiques . Non pas pour me régaler mais pour pouvoir exercer en conscience mon droit de vote avec le plus de discernement possible .Quelque part Wikileaks participe à cela .

  • Koz a écrit : :

    Mais (i) je ne pense qu’Assange et mes twitterers aient pensé aussi loin et (ii) t’as vraiment envie de parier ?

    Gwynfrid a écrit : :

    Et Wikileaks contribuerait à la solution de ce problème ? Comment ça ?

    Hé, halte au feu. Je suis d’accord avec vous sur le fond. Cette fuite est irresponsable et malsaine.

    Je relève simplement que certains de vos arguments sont bancals à mon avis. En venir à expliquer froidement qu’il ne faut surtout pas gêner les dictatures qui manipulent leur opinion publique parce que ça pourrait destabiliser la région me paraît une dérive. Certes, cette position est défendable. Mais elle est aussi attaquable.

    On peut aussi penser que sur le moyen terme, elle aggrave la situation (un peu comme le tout-capote en matière de sida) En France, tout le monde est d’accord pour dire que c’est mal de présenter des boucs émissaires à la population et de ne pas traiter le fond du problème, il n’y a pas de raison pour que ce soit très différent là-bas. Les Palestiniens de Jordanie ne sont pas plus cons que nous (en tous cas je n’ai pas de raison de le croire). Peut-être que si on supprimait à leurs gouvernants la possibilité d’avoir le beurre (gerber publiquement sur Israël) et l’argent du beurre (les estimer en privé), ça les forcerait (les gouvernants) à des comportements plus responsables. Ou pas.

    La question mérite de se poser. Assange ne mérite pas de clore le sujet dans un sens ou dans l’autre.

  • @Aicha

    Vos commentaires illustrent bien à mon avis deux faiblesses de la pseudo-transparence à la Wikileaks:

    • Contrairement à vous, je n’ai pas l’impression que ces docs sont autre chose que ce qu’ils semblent être: une grosse pioche dans le tas de télégrammes diplomatiques émis par les américains. Je note qu’il y a aussi des révélations embarassantes sur la position chinoise vis à vis de la CDN, par exemple. Et que si les états arabes se trouvent déstabilisés, c’est qu’ils sont « déstabilisables » : assis sur une poudrière, menant une politique pas des plus limpide. Cela dit, personne n’aura les moyens de vous prouver qu’il ne s’agit pas, effectivement, d’une intoxication, vu que l’on est saturé sous la masse d’info. Et le corollaire est que effectivement, si vous voulez intoxiquer l’opinion avec une info en particulier, la filer à Assange pour qu’il la diffuse noyée dans un tas de dépeches sans importance peut être une excellente idée.

    • Cette vaste pioche dans les communications du réseau diplomatique américain des années Bush est une excellente source sur… la vision du monde du réseau diplomatique américain des années Bush. Ce qu’il y a d’ironique, c’est que cette attaque contre la diplomatie américaine a pour conséquence de donner un poids démesuré à ces opinions, toutes auréolées du « mystère » du Secret Défense. Alors que spontanément, on aurait plutot eu tendance à dire qu’il leur arrivait de dire des conneries, aux diplomates américains, et d’écouter seulement ceux qui les arrangent. Surtout à propos du Moyen-Orient.

  • @ toutes et à tous,

    J’aime bien parfois arriver un peu après la bataille, cela permet de prendre du recul et aussi de voir les différents arguments présentés.

    Je dois dire que cette fois, je ne suis pas en accord avec le billet de koz. Certes, il a raison de pointer du doigt la relative futilité qui peut agiter le (pas si vaste) monde 2.0, qui s’imagine régulièrement remporter de somptueuses victoires contre le vaste monde réel, avant de s’apercevoir – encore que pas toujours – que le monde réel est bien plus indifférent et donc résistant aux « révélations » qu’on ne le pensait.

    Il a aussi raison de dénoncer un anti-américanisme souvent primaire, le web (invention américaine) servant à dénoncer les américains, ces salauds qui ont eu le culot de nous piquer notre place de maitres du monde, à nous européens.

    Deux choses tout de même, m’opposent à l’auteur : cette opération de wikileaks n’est pas à mes yeux un poujadisme mais une expression significative d’un phénomène plus sérieux que cela. Et je ne pense pas que ce soit un délire de « geek », terme au demeurant totalement galvaudé qui ne signifie en rien un zozo sachant un peu bidouiller un blog et taper un commentaire.

    Ce que révèle cette affaire somme toute peu passionante pour le grand public, c’est le hiatus profond qui existe entre ce que nos régimes démocratiques professent comme étant leur mode de fonctionnement et la réalite de leurs actions sur un terrain éloigné des yeux des citoyens. On ne peut pas enseigner l’idéal démocratique dans nos écoles et envoyer des jeunes de 20 ans au front dans un conflit où les gouvernements laissent la bride aux agissements les plus barbares. Que pensez vous qu’un gamin qui revient d’Irak pense de son pays, les USA ou le Royaume Uni ? Qu’en gros on doit être un bon citpyen respectueux des lois et de droits de l’homme, mais uniquement sur le territoire national, et qu’ailleurs on a le droit de tirer les gens comme des lapins à la mitrailleuse lourde ?

    Ceux qui ont sortis ces documents, que ce soit sur l’Irak, ou maintenant sur les dessous d’une diplomatie le font pour au nom de la morale. Pas toujours seulement, mais la morale est la colonne vertébrale de leur motivation, c’est leur « excuse ». Les gens de wikileaks en profitent sans doute et on peut s’interroger sur leurs motivations tout autant que sur la culture du secret qui les entourent, mais leurs informateurs leur filent des renseignements parce qu’ils ne supportent pas les mensonges d’états.

    Le web participatif n’est pas seulement ce vaste « café du commerce » auquel veulent le réduire les médias plus traditionnels. Il est aussi une réponse souvent confuse, excitée, débridée et maladroite au mensonge de notre société : on nous dit que nous vivons une époque formidable dans une société de l’information alors qu’on nous bombarde de slogans creux et de discours formatés par des techniques de marketing. Signe que nous sommes en fait dans une société de la communication.

    Mélange des genres, brouillage des valeurs, dépréciation de la morale, faire d’jeuns, etc … C’est cela qu’une partie des internautes ne supporte plus et le web 2.0 n’est qu’un moyen de hurler sa révolte.

    Ce phénomène est donc sans doute à prendre au sérieux car l’autisme d’une société face à ses citoyens n’a jamais donné de bons résultats à long terme. Et si wikileaks peut amener l’occident à comprendre que ses valeurs ne sont pas plus negociables pour lui qu’elles ne le sont pour les autres, cette vaste opération de comm’ (une de plus !) aura au moins servi à quelque chose.

    Manuel Atréide

  • Lib a écrit : :

    En venir à expliquer froidement qu’il ne faut surtout pas gêner les dictatures qui manipulent leur opinion publique parce que ça pourrait destabiliser la région me paraît une dérive.

    Je ne crois pas avoir commenté dans le sens de la défense des dictatures. Par contre, je suis plus que dubitatif sur l’impact de Wikileaks en la matière. Les chances d’améliorer le comportement des dictateurs par ce moyen sont nulles. Les chances que ce comportement empire (encore moins de transparence, encore plus de parano) sont, elles, non négligeables. Quant à la possibilité que ces révélations conduisent à en renverser un ou deux, on peut avoir un tout petit espoir, mâtiné cependant de la crainte que la peste laisse la place au choléra.

  • J’arrive aussi après la bataille, pour dire que sur ce coup (une fois n’est pas coutume), je suis plutôt d’accord avec Lib (excepté le petit couplet classique sur les tares des administrations et des services publics)… et d’autres.

    OK pour ne pas tomber dans la néo-idéologie, naïve ou enflammée, du grand Web participatif et bénéfique pour l’humanité, ni dans celle de la transparence absolue. Mais le terme de « poujadisme » ne me paraît pas ici approprié. Les choses sont tout de même un peu plus complexes que cela. OK aussi pour admettre que le secret est parfois nécessaire en matière de diplomatie et qu’il serait irresponsable de mettre en danger la vie de personnes.

    Mais sur le principe, dans un monde où, récemment, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont menti sciemment au monde entier pour justifier une guerre, est-il préférable de laisser perdurer les mensonges et les manipulations au nom de « raisons d’Etat » définies par des individus, ou doit-on prendre le risque d’un petit excès de transparence pour plus de démocratie ? C’est une vraie question.

    De plus, il ne faut pas exagérer : ce ne sont quand même pas ces révélations qui ont créé toutes les tensions mondiales, tous les régimes non démocratiques de la planète, ni tous les extrêmismes terroristes…

    Bientôt, Wikileaks va, paraît-il, sortir de nouvelles infos confidentielles sur les pratiques de Bank of America, que l’on annonce « saignantes », un peu façon Enron. A cette seule annonce, l’action de la banque américaine a chuté de 3%. Moi je dis que c’est une bonne régulation. Et je ne suis pas – dans ce cas sans ambiguïté – pour que ces infos restent cachées au nom d’intérêts supérieurs supposés, qui se confondent au moins en partie avec les intérêts individuels de ceux qui cherchent à cacher leurs pratiques… Et si le choc est à la hauteur des attentes, espérons qu’il relancera « la nécessaire régulation de la finance », une belle idée partagée par tous les dirigeants du G8, mais appliquée par aucun…

  • Bonsoir,

    quelques jours après la bataille: je pense comme Koz et beaucoup d’entre vous qu’il n’était pas une bonne chose que certains câbles diplomatiques soient publiés par Wikileaks et M Assange. Ce dernier va sans doute avoir beaucoup de problèmes pour s’être mis à dos les gouvernements de nombreux pays, probablement pas uniquement par la voie juridique. Et j’ai surtout une pensée pour certains « collaborateurs » des américains dans les pays en guerre dont la vie est peut-être mise en danger.

    Par contre, Wikileaks est un parmi les nombreux nouveaux medias créés par Internet, la plupart utiles (qui parlait au nom de la banlieue avant le Bondy Blog en France?), et cette publication « hors sujet » est une parmi plusieurs actions de Wikileaks. Les révélations sur les banques seront peut-être très intéressantes. D’une façon générale, je suis plutôt pour les révélations concernant les actions illégales des entreprises et des gouvernements.

    De plus, la France se caractérise par une extraordinaire connivence entre la presse et le monde politique: on ne compte plus les ministres conjoints de journalistes, et je pense qu’il existe peu de grands groupes de medias indépendants en France. Je pense que nous avons plus en France un vrai manque de journalisme indépendant.

    Pour terminer, je ne sais pas ce que vaut Julian Assange, mais je suis en général assez indulgent envers les petits travers de ceux qui ont fait de grandes choses par ailleurs. Bill Gates est par exemple peut-être un peu « geek », mais je préfère mille fois cela à la médiocrité élégante dans laquelle se complait une bonne partie de nos contemporains.

  • Jeff a écrit : :

    est-il préférable de laisser perdurer les mensonges et les manipulations au nom de « raisons d’Etat » définies par des individus, ou doit-on prendre le risque d’un petit excès de transparence pour plus de démocratie ? C’est une vraie question.

    Une vraie question, oui. Dont la réponse ne se trouve pas dans la technique ici employée par Wikileaks. Celle-ci revient à épandre de l’insecticide dans toute la maison pour éliminer deux araignées qui se trouvent quelque part au plafond de l’une des pièces.

    D’abord, est-on bien sûr de mettre au jour de vrais scandales ? Bien sûr que non, et les révélations faites jusqu’ici n’en contiennent pas. Cette technique mettrait-elle fin aux douteuses pratiques de la Françafrique ? Je n’en crois rien. Ensuite, quel est le niveau de risque ? Cela reste à voir, mais on joue quand même beaucoup avec les allumettes dans cette histoire.

    Par contre je suis tout à fait favorable à ce qu’on expose des fuites lorsqu’il s’est passé des choses malsaines que l’on veut cacher. Par exemple, la Bank of America, si elle a commis des délits, mérite d’être exposée au grand jour. Mais si ce n’est pas le cas ? Je ne vois pas l’intérêt de faire fuiter des informations sur d’autres choses que des irrégularités.

  • Je ne sais pas si les fuites organisées sont bonnes ou pas. Je n’ai pas d’idées là dessus, d’autant que ce qu’on a pu en voir dans la presse n’était pas franchement un scoop (rien de bien nouveau sur le caractère de Sarkosy, et autres confrères internationaux). Le vol, cependant est condamnable, du seul fait que c’est un vol, fut il de données, pour l’instant fort peu intéressantes, mais plutôt généralistes.

    Ce qui me gêne le plus dans l’histoire, c’est qu’on condamne, en fait, ceux qui ne veulent pas caresser les criminels, les terroristes, les dictateurs, les mafieux, les filous, dans le sens du poil au prétexte que….ça pourrait être pire!

    C’est une prise de position qui me conforte dans l’idée que la diplomatie n’est, non seulement pas mon fort, mais ne le sera jamais! J’ai un peu -beaucoup- de mal avec la manipulation et la perversité des méthodes dites diplomatiques où les « méchants » sont beaucoup plus cajolés que les « gentils », alors que chacun sait bien que lorsqu’on donne un doigt aux « méchants », ils finissent par vous manger tout entier.

    (J’ai écrit volontairement dans des termes de « café du commerce », le vocabulaire intello-politico-démago me devenant de plus en plus insupportable dans cette affaire)

  • Je ne crois pas que le business model de WikiLeaks puisse tenir la route longtemps, qui est, pour simplifier, le suivant :

    1. On attend des fuiteurs au petit bonheur la chance. Pas de contrôle sur qui sera le fuiteur et sur quoi il va fuiter.

    2. Le fuiteur vous file des documents que vous allez essayer de convertir en ressources pour le développement de votre organisation.

    3. Le fuiteur se fait prendre, il va en taule, mais ça c’est son problème.

    4. On retourne au point 1.

  • Jeff a écrit : :

    J’arrive aussi après la bataille, pour dire que sur ce coup (une fois n’est pas coutume), je suis plutôt d’accord avec Lib (excepté le petit couplet classique sur les tares des administrations et des services publics)…

    C’est la beauté des blogs. Je me suis aperçu que, quelque soit l’interlocuteur, je finissais presque toujours à trouver des points de convergence avec lui sur un sujet ou un autre. C’est pour moi une source inépuisable d’optimisme.

  • Autant je suis hésitant sur le bien-fondé de la démarche de WikiLeaks dans ce cas précis, autant essayer de les bâillonner par la force me paraît choquant. Comment les gouvernements vont-ils pouvoir se réclamer du droit s’ils montrent aussi clairement à tous le peu de cas qu’ils en font ?

  • Pas le temps de tout lire, mais quelqu’un a-t-il évoqué l’hypothèse que parmi les milliers de documents mis en lignes, certains ne soient pas authentiques et ne soient là que pour manipuler l’opinion ?

  • Ceux qui ont la belle vie en ce moment sont les heureux journaux qui ont récupéré les 250,000 télégrammes diplomatiques. Après avoir utilisé dans un premier temps la fonction Find avec les noms de Sarkosy, Merkel et autres chefs d’Etat pour sortir les premiers papiers, ils pourront encore continuer à étudier les documents sans être inquiétés pour nous raconter d’autres histoires pendant plusieurs semaines, que certaines, je n’en doute pas, seront intéressantes. Les autres journaux et la blogosphère devront se contenter avec les miettes et l’internaute lambda sera vite lassé par des documents moyennement intéressants sur un site WikiLeaks qui sera aléatoirement disponible. Tout dépend bien sûr si les journaux gardent le contrôle des documents et qu’il n’y aura pas des fuites désordonnées dans la nature. Cela risque de se passer quand l’ennui prendra le dessus et qu’il sera nécessaire de créer un peu de chaos pour relancer la machine.

    Entre temps, Julian Assange risque de se trouver très embêté par la justice suédoise pour une affaire de capote qui fuit. Les Américains ne vont pas non plus le laisser tranquille. Si le State Department lui fait un procès, il n’aura pas les moyens financiers pour se défendre.

    Après il y aura sans doute l’obsession de faire le lien entre WikiLeaks et l’échec politique de tel ou tel chef d’Etat, ou encore pire, d’attribuer à WikiLeaks les premiers morts sans qu’il y ait le moindre rapport.

    @Barbara: Dans le domaine de la théorie du complot, tout est possible. Peut-être qu’il n’y a pas de faux dans le paquet original, mais effectivement, il y a une très grande probabilité que des faux soient créés d’ici peu. Bien vu. Tiens, on pourra aussi dire que des vrais sont des faux…

  • tu traites un peu les pro-wikileaks de bisounours, je te retourne le compliment. Croire que les partisans de la « tyrannie de la transparence » pensent pouvoir sauver le monde avec un tweet est un peu léger à mon gout.

    Ca me rappelle un peu les positions de l’industrie du disque qui pense que ceux qui imaginent une réorganisation horizontale du système ne pensent qu’à leur petit nombril et veulent dépouiller les artistes, ne jamais payer pour rien.

    C’est light….

  • @ Yogui: je leur souhaite, à vrai dire, du courage.

    @ Barbara : eh bien, de fait, tout est peut-être authentique mais il peut aussi y avoir manipulation. Et c’est aussi là que je trouve l’attitude des fanas-web un peu incohérente. Ils font toute confiance à Assange, parce que c’est l’un des leurs. Mais pourquoi, si je dois me méfier des Etats, devrais-je faire confiance à un homme isolé ? Après tout, même si les modalités peuvent nous déplaire, les politiques, nous les élisons. Lui n’a pas de légitimité spécifique et il peut tout aussi bien manipuler ou être manipulé.

    @ jcfrog: ce n’est pas du tout ce que je dis. Ce que je leur reproche, c’est d’être un peu béats et d’acquiescer trop simplement au nom d’une conception un peu simple qui voudrait que la transparence, ce soit bien, par définition.

  • Pingback: Pot-pourri de fuites et bons sentiments | Ziczaquons et flabala'

  • Je reviens, avec un peu de recul. J’ai été un peu coupé des nouvelles pendant quelques jours, et je regarde avec surprise comment la situation a évolué.

    Sur le fond, je reste convaincu qu’une divulgation de télégrammes diplomatiques est un peu hors limite, et que la diplomatie est un domaine où la transparence est un non-sens. Des discussions franches mais secrètes sont un élément essentiel du jeu diplomatique.

    Mais la réaction internationale est, elle, maintenant, totalement hors limite, frénétique, désordonnée, affolée alors que du côté de wikileaks, on observe plutôt une maîtrise de la situation étonnante.

    Sur le fond des télégrammes, déjà, la plupart proviennent des postes et expriment donc des opinions de diplomates pour lesquelles le SD a beau jeu de dire que ce n’est pas l’opinion officielle. Quelques câbles « from State » sont un peu plus problématiques, mais finalement le niveau de classification de ces câbles n’est pas si élevé. Il n’y a aucun grand secret d’État là-dedans.

    Il y a des choses que tout le monde sait, et c’est bien normal. L’essentiel du travail de renseignement consiste à rassembler des données qui sont publiques. Et les ambassades jouent un rôle dans ce travail de renseignement, les politiques savent très bien de leur côté utiliser les entretiens avec les diplomates. Personne n’est dupe, information contre information ou faveur. Pas de scoop ici non plus. Ce qui fait mal, c’est que cela soit écrit, d’une part, et que la réalité, finalement assez pauvre, du renseignement américain humain (humint) soit ainsi exposée.

    Le processus de publication de ces données est aussi très intéressant, et montre que wikileaks a mûri. Qu’on arrête de parler de la publication de 250000 câbles. Au moment où j’écris, il y a 842 câbles de publiés (fort intéressants souvent à lire, malgré les réserves ci-dessus). La presse traditionnelle a repris le pouvoir. C’est elle qui contrôle ce qui est publié, et wikileaks a accepté et intégré cette inféodation. Un travail d’analyse et de filtrage est nécessaire, et seule une équipe internationale de journalistes telle que celle qui a été constituée peut le faire. Ces journalistes ont déjà les 250000 câbles en leur possession. Le site wikileaks lui-même est au second plan, il publie, en données brutes, ce que les journalistes ont déjà analysé et utilisé. Et qu’ils soumettent au département d’État avant publication, ne l’oublions pas non plus.

    Le seul inconvénient des attaques contre le site, quelle que soit leur nature, finalement, est que les journalistes n’arrivent plus à mettre de liens vers leurs sources en fin d’article.

    D’où l’absurdité de la réaction d’Amazon, ainsi que de la réaction de Besson (en plus non fondée légalement). Ils font une publicité incroyable au site wikileaks, qui n’a plus qu’un rôle très secondaire ! Le cas d’everydns est un peu particulier, wikileaks utilisait un service gratuit, et visiblement everydns n’avait pas les reins assez solides pour suivre compte tenu des attaques diverses. Cependant, wikileaks.ch reste servi par eux (!!), sans doute n’y a-t-il pas le même niveau d’attaque ? Amazon savait résister sans difficulté, chez eux il s’agit d’une décision purement politique, et totalement inefficace. Il faudrait aussi couper le site du Monde, du Guardian, etc.

    L’agitation actuelle, la plainte étrange des deux Suédoises, le parti que veulent en tirer Américains, Australiens, tout ceci pose en fait un véritable risque. C’est jouer avec le feu. Assange, tout mégalo qu’il soit, a accepté de perdre le contrôle de la diffusion, de jouer un rôle finalement secondaire – c’est précisément cela qui rend toutes ces réactions absurdes. Mais il a gardé une cartouche. En un seul twit, il peut rendre public tout ce que wikileaks a en magasin. Au moins il a bien compris le jeu diplomatique, et l’utilisation de la dissuasion. Je n’imagine pas que tous ces diplomates aguerris ne prennent pas cela en compte, ou bien ils n’ont rien appris ces cinquante dernières années. Ils n’ont aucun intérêt à le pousser dans ses derniers retranchements.

  • Wikileaks publie un câble diplomatique dans lequel figurent une liste de lieux sensibles à protéger contre les attaques terroristes (voir AFP et BBC). S’agit-il encore d’informations brutes qu’il serait légitime de divulguer parce qu’on n’a pas confiance dans les gouvernements ? Julian Assange va-t-il s’occuper lui-même de la défense de ces sites ?

  • Génial, la liste des sites sensibles, ils sont trop top les journalistes de WikiLeaks ! Je pense que cela fait partie des injustices censurées qu’ils se doivent de révéler à l’humanité.

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  • C’est amusant comme toute la presse, la twittosphère et la blogosphère s’excitent sur la diffusion de cette liste de « critical foreign dependencies », qui n’apporte pas grand chose. En face, la justification d’Assange d’avoir voulu montrer que les USA utilisent leurs postes diplomatiques pour « espionner » les États ne vaut pas grand chose non plus.

    Déjà, l’existence de cette liste est publique depuis longtemps. C’est la « National Critical Foreign Dependencies List (NCFDL) », dont le Homeland security se vante, annonçant qu’elle contient plus de 300 éléments dans plus de 50 pays. Au moins, Assange nous permet de constater que le Homeland Security n’est pas un vantard, les chiffres sont vrais.

    La manière dont cette liste est constituée est aussi publique, avec beaucoup de détails, il y a trois phases, et cela implique « input from public and private sector CIKR partners », en particulier le département d’État, et donc les postes à l’étranger, une évidence. Rien de secret ici.

    Quant à la liste elle-même, elle fournit une excellente illustration de ce qu’est, principalement, le renseignement : le rassemblement d’information publiques. Trouvez-moi une seule information dans cette liste qui ne soit pas publique ! Sa valeur pour les USA est d’être rassemblée en un seul document. Pour un terroriste, bof. Ils savent bien qu’une tête de câble transatlantique est une bonne cible. Et la liste ne leur donne pas les coordonnées précises.

    Quant au filtrage je pense en effet que comme toutes les autres dépêches, elle a été filtrée. Elle ne met en danger personne individuellement. Elle est « secret » et non « top secret », comme tout ce qu’a wikileaks — ça montre bien qu’elle n’a pas une si grande valeur pour les USA. Wikileaks a dit qu’ils publieraient tout, et c’est donc normal que ce câble sorte à un moment ou à un autre. Sans que les journaux filtreurs n’en tirent un article, car il n’y a pas grand chose à en tirer. A partir du moment où ça buzze, il faut que les USA s’en offusquent publiquement, ils ne peuvent pas faire autrement. Et ça permet de taper un peu sur Assange, autant faire monter la sauce.

    Bref, Much ado about nothing comme dirait le Barde (l’autre).

  • hipparkhos a écrit : :

    Quant à la liste elle-même, elle fournit une excellente illustration de ce qu’est, principalement, le renseignement : le rassemblement d’information publiques.

    Et ça, donc, ça ne marche pas pour le renseignement terroriste ?

    hipparkhos a écrit : :

    Trouvez-moi une seule information dans cette liste qui ne soit pas publique !

    Eh dis donc, c’est toi qui dit que tout est public. Prouve-le, mon gaillard.

  • Moi, si j’étais terroriste, je ne me servirais pas forcément de cette liste pour définir quels sites sont importants et sont protégés, parce que effectivement ca me ferait une belle jambe. Surtout qu’il ne doit pas y avoir que des surprises.

    Par contre, si je cherchais un point faible au système, et notamment des sites importants quand même, mais mal protégés, c’est exactement ce qu’il me faudrait. Je ne dis pas que je n’y arriverais pas autrement, à trouver un point faible, mais c’est quand même sympa de la part de wikileaks de filer un coup de main.

  • hipparkhos a écrit : :

    Le site wikileaks lui-même est au second plan, il publie, en données brutes, ce que les journalistes ont déjà analysé et utilisé. Et qu’ils soumettent au département d’État avant publication, ne l’oublions pas non plus.

    Koz a écrit : :

    Autant pour le prétendu filtre des medias…

    On dirait que le fonctionnement de WikiLeaks ne soit pas si transparent que ça…

  • @ Koz:

    Si, ça marche très bien aussi pour le renseignement terroriste, et cette liste, ils l’ont déjà constituée s’ils ne sont pas trop nuls. Ils en ont peut-être même une meilleure !

    Pour ce qui est d’être public, regarde la liste… Les mines qui sont les ressources principales d’un minerai utile, les arrivées de câbles transatlantiques, les industries qui sont producteurs clé d’une ressource (technologique, médicale telle que vaccin ou antidote, etc.) — la liste des catégories est sur le site du DHS de toute manière. Tout est sur wikipedia ou sur le site web des compagnies en question. Je ne vais pas te donner 300 liens, mais on va tirer au hasard http://www.thyrosafe.com/recip.html, http://www.futures-perfect.com/Cable%20Systems%20-%20by%20System.pdf (plus complet que wikileaks, tiens), http://en.wikipedia.org/wiki/AC-1 et liens, plus google earth pour voir l’endroit exact, et même pour un truc qu’on pourrait croire un peu plus sensible, un missile, http://www.governmentcontractswon.com/department/defense/agm-154c.asp?yr=03 pour Chorley, UK… Tout est sur le web, tu peux récupérer la liste de tous les contrats passés avec l’étranger pour des systèmes d’armes US et donc avoir une liste peut-être plus exhaustive que celle-ci sur ce thème en quelques heures de boulot.

    Certes, c’est un travail de fourmi, mais c’est faisable par n’importe qui, à l’ancienne manière avec un correspondant dans le pays, ou de manière un peu plus moderne sur internet. Les US font comme tout le monde dans ce domaine…

    Quant à l’importance et l’intérêt de cette liste, certes, ça ennuierait les US de ne plus avoir de fournisseur de compléments d’iode, ou d’antidote contre les piqûres de serpent ou le cyanure, mais pour en faire un usage terroriste, il faudrait une sacrée coordination, et encore… Détruire l’usine de compléments d’iode aurait peu d’impact sur l’effet d’une attaque sur une centrale, quant à un lâcher de crotales dans New York… L’intérêt de cette liste est surtout stratégique, en particulier fournisseurs de produits chimiques, minerais, dans des pays « instables ». Les seules cibles de cette liste ayant un intérêt pour des terroristes sont des choses comme des terminaux pétroliers, des pipelines, des câbles sous-marins, des barrages hydroélectriques. Et pas besoin de cette liste pour les connaître.

    Je maintiens que cette liste a peu d’intérêt en soi, que sa diffusion pose peu de problèmes. Mais elle est un moyen commode de dénoncer l’inconscience de wikileaks en utilisant un brin de mauvaise foi et le manque d’esprit critique du public. Circulez, il y a beaucoup plus intéressant, ou plus préoccupant, à côté.

    @pepito : je suis convaincu que ce câble est passé, comme tous les autres, par le filtre d’un des cinq journaux, et ils n’avaient aucune raison de le censurer — leur critère est plus le danger que courraient des individus à cause de la publication. Je ne sais simplement pas si le journaliste qui l’a laissé passer s’attendait à un tel buzz.

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  • @ Koz:

    En le diabolisant et en faisant exercant une telle pression sur lui (menaces de mort, filatures voyantes des ses avocats, gel de son argent sur paypal, et j’en passe) les Etats Unis le poussent dans ses retranchement et on peut comprendre qu’il réagisse ainsi dans ces conditions c’est bien humain.

  • les Etats Unis doivent comprendre qu’ils ne sont pas le centre du monde et j’espere que l’experience wikileaks leur ouvrira les yeux avant que leur intolerance envers toute inacceptation de leur autorité ne suscite une nouvelle guerre

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  • Lib a écrit : :

    Le soleil est le meilleur des désinfectants.

    +1. En fait, la poursuite du feuilleton Wikileaks m’amène à revoir ma première impression sur le sujet. Je reste convaincu que la transparence généralisée en matière de diplomatie est une illusion dangereuse et une idéologie discutable. Mais pour ce qui des révélations faites jusqu’ici, elles se sont révélées assez peu néfastes, et parfois utiles.

    Tiens, je vais me citer moi-même pour une fois:

    Gwynfrid a écrit : :

    Quant à la possibilité que ces révélations conduisent à en renverser un ou deux, on peut avoir un tout petit espoir, mâtiné cependant de la crainte que la peste laisse la place au choléra.

    On peut maintenant avoir l’espoir que la Tunisie s’en sorte par le haut. Comme le dit l’article du NYT cité par Lib, la France peut jouer un rôle à cet égard. Certes, il y en a gros à se faire pardonner, mais on peut aussi y une occasion pour notre gouvernement de redresser la barre.

  • @Lib

    Le soleil est le meilleur des désinfectants.

    Poujadiste! 😉

    Pour ma part, je ne compte plus les informations intéressantes et nécessaires qui sont sorties de wikileaks. Je note aussi que des précautions sont prises, en collaboration avec les journaux diffuseurs, pour ne pas divulguer des données sensibles, telles des noms de personnes.

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