Nos chères racines chrétiennes…

Lorsque j’ai gravi le mont du Puy, après une audience et avant un train, en chaussures de ville, traînant derrière moi ma sacoche à roulettes qui battait contre chaque pavé dans un tintamarre épuisant et remarqué, craignant l’entorse car j’avais les chevilles fragiles, lorsque je suis arrivé au pied de la cathédrale, j’ai peut-être bien lâché : « pu… ». Nicolas Sarkozy, lui, a « été saisi par la majesté souriante de cet immense reliquaire de pierre venant à sa rencontre ». Mais je n’avais pas écrit mon discours à l’avance.

La visite de Nicolas Sarkozy était un concentré d’objectifs. Pour cette fois, nous nous épargnerons l’exposé des « signes adressés aux catholiques » et des « risques de récupération ». Depuis le temps qu’on les évoque et compte tenu du nombre de fois où ils ont été rappelés hier, par tous, et par Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, gageons que c’est acquis. Notons seulement avec Isabelle de Gaulmyn, et l’on en sera quittes, que c’est du Puy « que sont parties les premières critiques virulentes des évêques français, et notamment du cardinal André Vingt-Trois ». Pour le reste, si vous y tenez, considérez que les cinq lignes requises sont écrites.[1]

Mais partons dans l’idée folle qu’il y ait dans ce discours une conviction et, peut-être, du fond. Car on lit que Nicolas Sarkozy « renoue ». Il renoue avec 2007. Avec 2008 aussi. Il « renoue » avec 2006. Et il renoue avec 2010. Et, de fait, en 2003, il écrivait sensiblement la même chose. Alors, pour le meilleur et pour le pire, brisons-là : à ce niveau de renouements, c’est une constante.

Oui, on peut déclarer son amour aux champs français, aux églises de village, à la superbe Sarlat et à Baume-les-Messieurs. On peut évoquer avec tendresse Cluny, Citeaux ou Clairvaux, aux temps où l’esprit de l’Europe rayonnaient de France. Aimer ces murs de pierre, caresser le pilier qu’un sculpteur a façonné lorsqu’on avait encore le temps de construire pour longtemps. Même si c’est avec un sourire qu’on découvrira cet accent nouveau, fruit d’une inflexion stratégique, et dont nous sommes peut-être plus intimement épris que l’orateur :

Protéger notre patrimoine, c’est protéger l’héritage de la France et c’est résister, mes chers compatriotes, à la dictature du présent, à la dictature de l’immédiat et oserais-je dire, à la dictature de l’interchangeable où tout se vaut, où rien ne se mérite plus, où tout à la même valeur.

Et si ce n’était pas lui, si ce n’était pas maintenant, si cela venait autrement, il y aurait tant à dire sur cette question de notre identité. Oui, le malaise de notre génération, celui de notre société, provient probablement de cette double rupture, cette « faille temporelle » : nous n’assumons pas notre passé et nous n’avons pas foi en l’avenir. Nous ne savons plus d’où nous venons, nous ignorons où nous allons. Nous n’avons ni racines, ni ailes.

Je rappelle souvent Lévi-Strauss : « l’identité n’est pas une pathologie », comme il y aurait à dire sur cette idée, et à tous ceux qui défendent, à juste titre, la diversité, je voudrais dire que sans identité, il n’y a pas de diversité, qu’à l’origine de la diversité, il y a les identités et que ce n’est pas faire preuve de fermeture que de croire en son identité pour mieux la faire partager avec les identités des autres. Mais si on ne croit pas à sa propre identité, comment peut-on partager avec celle des autres et comment même peut-on recevoir les identités des autres ? Il ne faut pas opposer identité et diversité. Il faut comprendre que pour qu’il y ait de la diversité, il faut qu’il y ait le respect de l’identité.

On a insisté sur l’identité des autres, on a insisté sur l’accueil, légitimement. Mais concomitamment, on a mis le couvercle sur ce que nous étions. Du « Vichy » qui point au FN qui menace, sans compter le réflexe Maurras, évoquer nos racines était, et reste, un sport à risques. C’est Mélenchon qui ressort « la rupture de la Révolution Française », ajoutant à sa mythologie personnelle d’imaginaires « siècles de lutte du peuple français pour s’affranchir de la tutelle de l’Eglise ». C’est Ségolène Royal qui, pendant la campagne, ne faisait remonter l’Histoire de France qu’à 1789. Et même François Mitterrand, dont on apprend que, de passage au Puy, il n’aurait pas visité la cathédrale.

Nicolas Sarkozy peut affirmer cette phrase sibylline à la première lecture :

Les peuples sont comme les Hommes : qu’ils occultent leur passé, qu’ils nient tout ou partie de leur identité et ils courent le risque de voir un jour ressurgir ce qu’ils ont refoulé mais sous une forme inquiétante.

Refouler l’identité française, comme on l’a fait durant des années, c’était aussi ouvrir la voie au retour identitaire.

Alors oui, on ne peut certainement accueillir véritablement que si l’on sait qui l’on est, que si l’on sait qui accueille. A cet égard, Le Puy en Velay était un autre symbole : celui d’une ville qui ne peut oublier – chaque fois qu’elle lève les yeux – qui elle est et dont le maire a accompagné la construction de deux mosquées, signe que la conscience de son identité n’implique pas le refus de l’altérité.

Nicolas Sarkozy aurait entamé par cette visite un parcours qui le mènera à Cluny, Clairvaux, à Domremy et peut-être de nouveau au Mont Saint-Michel. Cette ultime étape, qui ne peut que rappeler la visite de 2007, achèvera de donner à cette tournée des hauts-lieux des racines profondes du pays un air de campagne présidentielle.

Racines. Je n’oublie jamais que ce qui suit n’est pas que le nom d’une émission[2] : « on ne peut donner que deux choses à un enfant : des racines et des ailes ». C’est le paradoxe de racines qui nous aident à voler. Mais au rang des expressions, comment oublier que les racines appellent la fidélité : « être fidèle à ses racines ». Être fidèle, ce n’est pas uniquement se souvenir et entretenir. Être fidèle aux racines chrétiennes, ce n’est pas leur attribuer un Conservateur, et magnifier un passé dépassé. Nicolas Sarkozy détaillait hier les actions d’entretien et de restauration des monuments – et c’est bien. Mais si nos racines chrétiennes font véritablement part de notre identité actuelle, y être fidèle c’est les incarner, les vivre, entendre leur message… et spécialement l’attention aux plus faibles.

Des racines chrétiennes, oui, mais des ailes chrétiennes également.

Mais c’est là la tâche des chrétiens, plus que celle du Président.

 

crédit photo : Super Heavy
  1. On y ajouterait le placement éminemment stratégique face au candidat putatif, dit « hors-sol », que Laurent Wauquiez a explicité parce que les couillons pourraient ne pas faire le rapprochement : « Dominique Strauss-Kahn, c’est Washington, Dominique Strauss-Kahn, c’est sûrement une très belle maison qui donne sur le Potomac. C’est pas la Haute-Loire et c’est pas ces racines-là ». Petit jeu risqué… []
  2. qui, d’ailleurs, célèbre le patrimoine []

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88 commentaires

  • Pinaillage sans importance (tu peux détruire ce commentaire) mais je vois que tu as corrigé le « Majesté » du discours officiel pour le minusculiser en « majesté ».

    Vu le nombre de relectures/relecteurs de ce type de discours de N.S., je ne doute pas que la capitale soit volontaire et pas une coquille. Reste à en comprendre le sens 😉

  • Pingback: Nicolas Sarkozy et l’ « héritage de civilisation  laissé par la chrétienté | «Pensées d'outre-politique

  • C’est vrai que c’était un beau discours.

    Je ressens toujours la même impression avec Sarkozy: je suis globalement d’accord avec lui (sauf quand il parle d’économie) mais j’ai tellement du mal à croire à une once de sincérité, et ces trémolos dans la voix sont tellement contredits par ses mesures, son style, sa personnalité, ses voyages et ses affres qui lui ont justement valus le surnom de « bling-bling », que c’en est désolant.

    Un peu comme ses accents marxistes à Columbia, avant de revenir en France et défendre le double salaire de Proglio…

    Et à chaque fois, je me dis: ah, cher Nicolas. Si seulement tu croyais à ce que tu dis.

  • Certes, ce n’est pas au Président de tout faire. Mais il s’agit aussi que sa politique ne coupe pas les ailes, qu’elle ne sape pas les tentatives de ceux qui lisent dans « racines chrétiennes : ouverture à l’autre, accueil du plus faible » (j’aurai dit « du plus petit » mais ça pourrait porter à confusion).

  • @ petitesphrases: admettons qu’ils aient voulu lui en donner un, quel pourrait-il bien être ? Une grosse majesté ?

    @ Via: la crédibilité est certainement le problème de Sarkozy, et celui qu’il doit affronter. On le sent tellement prêt à saisir l’instant, opportuniste en ce sens-là, donc, qu’on a du mal à penser qu’il incarne véritablement ce qu’il dit. Et il est vrai – on rejoint le Petit Chose – que par de nombreux aspects, sa politique ne nous a pas semblé être un hommage à des racines chrétiennes vivantes.

    Tiens, d’ailleurs, j’aurais pu filer la métaphore et insister sur le fait qu’un arbre se nourrit par les racines…

    @ lepetitchose: je crois que nous sommes d’accord à cet égard. D’ailleurs, je le dis au paragraphe précédent. Ce que je veux surtout dire, c’est que, pour que le christianisme et/ou la chrétienté ne soient pas que des racines oubliées, pour que le message perdure et pour donner aussi des ailes au christianisme, c’est avant tout aux chrétiens de faire le job.

  • Merci pour ce post; je regrette uniquement que tu n’y abordes l’essentiel qu’en trois lignes lapidaires à la fin des derniers paragraphes.

  • Mais comment inclure dans l’affirmation « nos racines sont chrétiennes » ceux dont les racines ne sont pas chrétiennes mais qui font désormais partie de la communauté nationale et qui voudraient faire partie du « nous » ?

    Si l’identité ne s’oppose pas à la diversité, pkoi ne pas admettre, tout simplement, que l’identité de la France est plurielle ? Judéo-chrétienne certes mais aussi musulmane.

  • Juste une petite remarque annexe:
    « on ne peut donner que deux choses à un enfant : des racines et des ailes ». Cette image m’a toujours paru maladroite: elle m’évoque toujours l’image d’un oiseau aux serres bloquées dans la glaise, et qui donc ne volera pas bien loin… je m’explique mal son succès.

  • Ce qui me gène dans ces discours autour des « racines » et des « identités », c’est, pour le dire très simplement : mes racines, mon héritage, ne sont pas chrétiens – ce n’est pas tout à fait vrai, stricto sensu, mais cet héritage là ne m’a jamais été porté, je ne m’en sens ni dépositaire ni concerné ; ce n’est pas dans ce sillon là que s’inscrit mon identité. Face à ce discours, il me reste l’impression, le ressenti, de ne pas être vu comme étant vraiment, complètement, français aux yeux de celui qui le tient (ressenti forcément subjectif, et très probablement erroné en ce qui vous concerne) ; comme s’il me manquait quelquechose pour en être vraiment, chose que je devrais accepter de prendre avec moi sans même qu’il soit envisageable d’en disconvenir sous peine de rester à la porte. Je dois dire que c’est assez désagréable, et ça provoque souvent des réactions assez épidermiques de ma part.

    Mon identité est par définition mienne, irréductiblement mienne. Et je ne vois pas au nom de quoi je laisserai un autre, décider ou définir pour moi ce que je devrais être. Mes racines, elles, ne me portent pas en France. Comment est-ce que je peux m’inscrire dans votre discours, sans me sentir considéré comme étant dehors, comme n’appartenant pas vraiment à la communauté française ? Vous évoquez la notion d’accueillir l’autre, mais : comment pouvez-vous m’accueillir alors que je suis chez moi ?

    (ce commentaire est probablement un peu confus, juste quelques pensées sur le vif de la lecture, tâchant d’éviter la réaction épidermique évoquée, et sans volonté de polémiquer, d’accuser ou de faire procès d’intention ; juste celle de tâcher de comprendre)

  • @ sinay:
    Les « racines musulmanes » on les trouve certes, mais dans le sud de la France, de même que les racines juives les plus anciennes. En cherchant bien on trouve aussi les vestiges de Rome, ceux des tribus celtiques, des mégalithes datant du néolithique et des ossements de néandertaliens, ainsi que des peintures rupestres non datées.
    Mais nos racines chrétiennes, historiques, profondes, sont partout : il suffit d’ouvrir les yeux. N’en déplaise au camarade-citoyen Mélenchon, grand adorateur de la déesse raison, de Robespierre et de Marat, qui laisse traîner ses scories mentales dans l’opinion et ne voit dans les églises que des bâtisses à investir.

  • « Être fidèle, ce n’est pas uniquement se souvenir et entretenir. Être fidèle aux racines chrétiennes, ce n’est pas leur attribuer un Conservateur, et magnifier un passé dépassé. Nicolas Sarkozy détaillait hier les actions d’entretien et de restauration des monuments – et c’est bien. Mais si nos racines chrétiennes font véritablement part de notre identité actuelle, y être fidèle c’est les incarner, les vivre, entendre leur message… et spécialement l’attention aux plus faibles. »

    Je serais complètement d’accord avec ce propos si toutes nos racines étaient chrétiennes.

    Mais notre République a aussi des racines laïques alors son Président doit composer avec ce double héritage, une tâche bien délicate.

  • Cher all, je ne suis pas aveugle, je vois les racines chrétiennes de la France. Je les vois partout.

    Mon intervention est tournée vers l’avenir. Les citoyens français de confession musulmane laisseront eux aussi leurs traces dans ce pays si bien que dans 50-100 ans plus personne ne remettra en cause les racines musulmanes de la France. Du moins je l’espère. Mais pour préparer l’avenir il faut prendre conscience que lorsque vous écrivez « nos racines sont chrétiennes » vous excluez de la communauté nationale des millions de Français qu’ils soient juifs, musulmans, hindouistes etc… ou encore athées, déistes, laïques etc…

    Les appartenances sont multiples dont les identités le sont aussi.

  • Mais comment inclure dans l’affirmation « nos racines sont chrétiennes » ceux dont les racines ne sont pas chrétiennes mais qui font désormais partie de la communauté nationale et qui voudraient faire partie du « nous » ?

    Sarkozy donne une réponse claire sur ce point, ceux qui n’ont pas de racines chrétiennes ne font pas partie du « nous ». Ils font partie des « autres » et n’ont qu’à s’en contenter.

    sans identité, il n’y a pas de diversité, qu’à l’origine de la diversité, il y a les identités[…] si on ne croit pas à sa propre identité, comment peut-on partager avec celle des autres et comment même peut-on recevoir les identités des autres ? […] pour qu’il y ait de la diversité, il faut qu’il y ait le respect de l’identité.

    C’est parfaitement logique: il y a l’identité au singulier, la notre, chrétienne, nationale; puis les identités aux pluriel, celles des autres. Nous+les autres=diversité, ce n’est pas nous qui sommes divers, ce sont les autres.

    De quoi les autres se plaindraient t’ils? Qu’ils commencent par respecter l’identité, au singulier: chrétienne, nationale, la notre.

    Beurk.

    Une histoire de village gaulois qui croit résister encore alors que son chef est romain.

  • Pour répondre rapidement, avant d’y revenir, ne confondez pas les racines individuelles, personnelles, et les racines d’un pays.

    Autre point : je ne crois pas l’héritage des Lumières et la laïcité fassent l’objet d’une remise en cause ou d’un oubli. Je crois davantage qu’on pense avoir tout dit quand on est remonté à 1789.

    Et, au passage, Nicolas Sarkozy mentionne également les Lumières.

    Il n’est évidemment pas question non plus de passer sous silence l’héritage politique et philosophique des Lumières qui sert de socle à notre édifice républicain. Même ici, au Puy-en-Velay où les statues, cher Laurent, de la Vierge et de Saint-Joseph dominent la ville, celle de Lafayette, enfant du pays, nous rappelle ce que nous devons, aussi, aux enfants du siècle des Lumières. Mais n’opposons pas les uns aux autres. Il y a un continuum. Il y a une addition qui fait l’identité si particulière de la France.

  • En effet ce n’est pas à Sarkozy, président d’un état laïc, de faire en sorte que la France soit fidèle à ces racines chrétiennes en matière d’accueil et d’aide du plus faible. Mais en revanche, s’il veut séduire les catholiques, ce sera plus efficace d’agir dans le sens de leurs convictions plutôt que de les appâter par de beaux discours.

    Il n’en reste pas moins qu’en-dehors de ces considérations, il est positif qu’on constate d’où nous venons. ça ne coûte pas grand-chose, mais oui, culturellement, la France doit beaucoup au christianisme. le dire, c’est aussi faire en sorte qu’on ne l’oublie pas, et que les Français d’aujourd’hui puissent avoir accès à cet héritage. Combien de Français ne comprennent rien à ce qu’ils voient en entrant dans une cathédrale? Rien que ça, c’est dommage. Savoir d’où on vient, c’est connaître la culture de ses ancêtres…

  • Bien sûr, personne ne peut nier les racines chrétiennes de la France. Mais dire et répéter qu’elles font partie de « l’identité française », voire de « l’identité des Français », c’est forcément exclure du coeur de la communauté tous ceux qui n’ont pas cette composante dans leur identité (voir le témoignage de GM).
    Ce qui me gêne avec tous ces éléments de langage qui émergent dans ce débat sans cesse relancé sur l’identité nationale et ses variantes (y compris les phrases de Jacob et de Wauquiez sur DSK et la France des terroirs), c’est qu’ils donnent le sentiment qu’il y aurait une hiérarchie dans la « francitude ». Autrement dit, certains seraient plus Français que d’autres… Un sous-entendu qui me semble à la fois totalement incompatible avec les valeurs de notre République et totalement inadapté à notre monde de plus en plus ouvert.

  • @Jeff

    Quand on parle de « nos racines », ce sont les racines de la France pas forcément celles des Français. ça n’exclut pas ceux qui ne sont pas chrétiens, de la même manière que quand on parle de l’héritage des Lumières, ça n’exclut pas ceux qui ne partagent pas le point de vue des philosophes et penseurs du XVIIIe, si?

    Quand un étranger arrive en France, et qu’il veut s’intégrer, il faut qu’il comprenne ces racines. ça ne veut pas dire qu’il doit devenir chrétien s’il ne l’est pas. Mais si j’émigrais dans un autre pays, j’essaierais de comprendre la culture de ce pays pour savoir aussi comment agir dans ma vie de tous les jours. Comment me comporter. Et comment éventuellement pouvoir me fondre dans la masse, sans rien renier de mes particularités.

  • « La chrétienté nous a laissé un magnifique héritage de civilisation ». Difficile et dangereux d’extraire une phrase d’un discours. Mais pourquoi écrire au passé ? La chrétienté nous laisse aujourd’hui encore un magnifique héritage de civilisation, ce n’est pas du passé. C’est ici et aujourd’hui que nous devons le faire vivre. Mais il est vrai également que sa fonction (indépendamment de toutes convictions) l’empêche de le dire.

  • C’est drôle, Sarkozy et moi ne retenons pas tout à fait les mêmes choses de nos racines chrétiennes. Moi, par exemple, j’ai lu en Matthieu XXV 35 un passage qui dit « j’étais un étranger et vous m’avez accueilli »; je n’ai pas vraiment l’impression qu’il ait beaucoup influencé la politique migratoire de notre président. J’ai aussi lu en Luc VI 24 un passage qui dit « malheur aux riches », et je ne suis pas très convaincu que le meilleur moyen de montrer qu’on l’a lu est d’aller fêter sa victoire au Fouquet’s et sur le yacht de Bolloré.

    Accessoirement, j’ai tendance à ne pas prendre très au sérieux les convictions chrétiennes d’un type qui prononce « chrétienneté » avec « tienne », comme dans « à la tienne, Etienne », et pas « chrétienté » avec « tiens », comme dans « tiens, voilà du boudin ».

    Eh, les mecs, on parle de Sarkozy, là. C’est pas Mauriac, c’est pas Bernanos, c’est pas Claudel. Ne me dites pas que vous ne voyez pas la différence.

  • @le chafouin

    Quand on parle de « nos racines », ce sont les racines de la France pas forcément celles des Français.

    Quand vous parlez de « nos racines », peut-être, mais quand c’est Sarkozy qui en parle, il s’agit d’autre chose.

    Si la France peut avoir des racines qui ne sont pas celles des français, la nuance tombe dès que l’on parle d’identité, qui ne peut être que celle d’une personne ou d’un groupe de personnes. Comme le dit Jeff, les mots employés ne sont pas neutres du tout.

    Quand vous entendez « croire en son identité pour mieux la faire partager avec les identités des autres », vous comprenez que la France (et non les français) croit en son identité pour mieux la faire partager avec (sic) les autres états, vous?

  • @ le chafouin:
    Vous dites : « Quand on parle de « nos racines », ce sont les racines de la France pas forcément celles des Français. » et pourtant, votre commentaire précédent se conclut par : « savoir d’où on vient, c’est connaître la culture de ses ancêtres… » . La frontière est ténue, semble t’il, non ?

    Mes ancêtres, leur culture, ne sont pas français. Leur(s) histoire(s), ce qui les a fait arriver en France, font partie de l’histoire de France (et même, puisque vous l’appelez comme ça, est constitutif de l’identité française), je suis (et me sens, sans aucune ambiguïté) français. Quand vous parlez de « nos » racines, vous incluez les miennes, que vous le vouliez ou non et qui ne sont pas (seulement) celles que vous décrivez.

  • sinay a écrit : :

    Mais comment inclure dans l’affirmation « nos racines sont chrétiennes » ceux dont les racines ne sont pas chrétiennes mais qui font désormais partie de la communauté nationale et qui voudraient faire partie du « nous » ?

    Gatien a écrit : :

    Sarkozy donne une réponse claire sur ce point, ceux qui n’ont pas de racines chrétiennes ne font pas partie du « nous ». Ils font partie des « autres » et n’ont qu’à s’en contenter.

    Jeff a écrit : :

    Mais dire et répéter qu’elles font partie de « l’identité française », voire de « l’identité des Français », c’est forcément exclure du coeur de la communauté tous ceux qui n’ont pas cette composante dans leur identité

    A une époque, on disait « nos ancêtres les Gaulois ». Ce n’était pas plus mal : on était peut-être pas tous des descendants directs de celtes moustachus, mais on en reste les héritiers. Le « nous », c’est ce qui fait une nation. On peut avoir tous ses grand parents venus de l’Afrique noire et être héritier des Gaulois, on peut être musulman et avoir des racines chrétiennes. C’est en fait une question de culture plus que de religion ou d’ethnie.

  • Sarkozy est et restera l’homme du hiatus.

    Dans le cadre de cette opération de comm sur les racines chrétiennes, il y a aussi la superbe interview de NKM dans La Vie. L’écologie et l’évangile. Avec un peu d’Edgar Morin pour la bonne bouche. Quand j’ai terminé de la lire, j’ai eu l’impression qu’elle me prenait pour un con.

  • On confond souvent en France laïcité et athéisme militant, car c’est aussi comme cela que s’est bâtie l’histoire de France, par les hussards noirs et les bouffeurs de curés. La laïcité ne prend pas les mêmes accents dans d’autres pays comme la Turquie. Certaines conclusions de la commission Stasi, et même des membres les plus anti-religion au départ comme Pena-Ruiz, montrent qu’une vision apaisée peut exister si chacun l’encourage.

    Quant à l’identité, il me semble qu’elle est plurielle. (voir bafouille en lien) Sarkozy cite Lévy-Strauss, c’est bien. Hors contexte, c’est ridicule. Je préfère renvoyer vers Jean-François Bayart et « l’Illusion identitaire », qui décrit très bien l’empilement des strates de nos identités, et le fait que l’identité dépend d’une stratégie choisie par les interlocuteurs.

    Je trouve tes derniers paragraphes intéressants. Ne pas figer l’héritage comme un musée. La paroisse près de chez moi a une grand e affiche : un « témoignage vivant », en ligne avec ton idée d’ailes. Et c’est effectivement aux croyants de prendre en main leur identité et leurs envies, pas au Président.

  • En toute franchise, Koz, quand j’ai vu ton billet, je me suis dit : « encore… (soupir) ». Rien à voir avec toi : il est d’actualité, il est pertinent, et il rappelle des choses de bon sens, et les commentaires qui suivent montrent bien la pertinence de ce que tu dis et surtout de pourquoi tu le dis. Ce qui me fait soupirer, c’est qu’il soit encore à ce point pertinent de rappeler ces choses de bon sens. Encore et encore… Quand je vois l’actualité, moi ça ne me donne pas envie d’écrire un truc là-dessus… à tort sans doute. Mais franchement, ça me saoule.

    Pourtant je réagis, non pas à ton billet, mais à la manière dont les commentaires qui suivent illustrent bien le fond du problème et les malentendus qui font qu’il persiste : la confusion entre la culture et la foi, entre l’identité culturelle d’une nation et les identités plurielles de ses membres, etc…

    Oui il est réaliste de dire que la France a des racines chrétiennes, et tout aussi réaliste d’ailleurs de dire qu’elle n’a plus d’ailes chrétiennes aujourd’hui.

    Sur la question des racines : reconnaitre que la France a des racines chrétiennes est du bon sens, même pour ses citoyens qui ne se reconnaissent pas du tout chrétien. Et d’ailleurs personne ne leur a demandé de se reconnaitre chrétiens pour se reconnaitre français.

    Mais bon voilà : en France, comme un peu partout ailleurs, nous avons une semaine de sept jours (biblique) ; un dimanche ferié (évangélique) ; un patrimoine artistique et architecturale, alimentant considérablement le tourisme, fait en grande partie d’oeuvres chrétiennes ; nous utilisons tous les jours, dans notre belle langue française, des expressions et des proverbes de source évangélique ; nous fêtons « le solstice d’hiver » le 25 décembre et les « oeufs en chocolat » au moment de la fête chrétienne de Pâques… Sans parler de notre histoire, notre passé… Enfin bref, la liste peut être longue. Elle est là, et bien là, la culture chrétienne, elle investi les moindre recoin de ce qui est censé faire office d’identité : notre langage, notre rapport au temps et au monde… j’occulte volontairement l’aspect des valeurs, droits de l’homme, etc… parce que si j’ai le malheur de dire que ça aussi ce sont des sources chrétiennes, on va crier à la récupération. Mais bon… un peu d’histoire des idées ne ferait pas de mal non plus pour éclaircir ce point. Ne serait-ce que la notion de fraternité, qui n’a de sens que si on ne reconnait entre ceux qui se disent frères une paternité commune, n’est-ce pas ! En bref, une notion de fraternité sans transcendance est juste une absurdité, mais évidemment, avec la réécriture des concepts, on ne fera pas de ça un argument.

    Ceux des « laïcards » qui avaient vraiment saisi le mieux toute l’étendue de ces racines chrétiennes sont ceux qui ont essayé de les combattre à la source : je pense aux révolutionnaires français d’après 1789, justement. Ceux-là qui ont essayé de réinventer complètement un calendrier, jusqu’à supprimer le rythme biblique des 7 jours de la semaine, ceux qui ont tenté d’imposer une fraternité autour d’une transcendance laïque (culte de la raison et de l’être suprême), etc… Mais chassez les racines chrétiennes, elles reviennent au galop.

    En bref, reconnaitre tout ça, reconnaitre que notre adoption de la France comme patrie façonne aussi notre identité individuelle en fonction de ça, qu’on le veuille ou non, et qu’on en ait conscience ou non, c’est juste du réalisme. Ca n’oblige personne à confesser le credo chrétien. C’est juste comme un peu de psychanalyse : ça permet de ne pas refouler, de mieux se connaitre soi-même et en prime, de mieux connaitre ce qui fait (ou qui devrait faire) de nous tous une nation.

    Sur la question des ailes, tout a été dit : on est en droit de déplorer que si N. Sarkozy a la lucidité requise pour reconnaitre les racines de la France sans en refouler la plus grosse partie, il n’ait pas les ailes qui collent à ces racines. Mais bon, rien de nouveau : c’était un des gros problèmes de la chrétienté, bien avant la révolution française, il me semble (et évidemment pas qu’en France). Sans quoi, il n’y aurait sans doute pas eu de révolution.

  • Le fait d’être immigré fait partie de l’identité et des racines d’une personne. Cela permet de se rapporter à une identité autre ,mais le fait même d’avoir migré ou de descendre de migrants, d’avoir du jongler avec ces deux appartenances, est souvent une part importante de l’identité. On devient ainsi quelque chose de nouveau: un Algérien de France, un Français d’origine sénégalaise, un italo-américain.

    Le migrant ne se définit que par rapport au natif, celui qui de mémoire d’homme ne se souvient pas d’avoir bougé de « sa » terre. Bien sûr, les migrants deveiennent natifs, les ancêtres des natifs ont bien du bouger un jour, mais n’empêche qu’en terme d’identité, la plupart d’entre vous serait capable de dire s’il se définit plutôt comme migrant, natif, métissé… Quitte à s’en ficher complètement.

    Cette distinction ne porte pas de jugement de valeur en soi, ne préjuge pas de la domination d’un groupe sur un autre. Traversez l’Atlantique et vous tomberez sur des « terres d’immigration », où ce sont plutôt les natifs qui ont du mal à faire valoir leur identité.

    Et l’identité de la France dans tout ça? BIen sûr que comme le dit Lévi-Strauss, elle est, comme toute identité nationale, le fruit de la rencontre des identités de chaque individu. Mais ce ne saurait être le point final, cela écarterait d’un revers de main ce qui pourrait nous distinguer du Brésil ou des Etats-Unis.

    Alors pour moi, effectivement, l’identité française, c’est une culture « native » forte, encore majoritaire, profondément imprimée dans le paysage, et « les autres », toutes les autres: locales, communautaires, issues de l’immigration. Dans un contexte apaisé, cette organisation n’est pas appellé à devenir une hiérarchisation, encore moins à attirer des jugements de valeur et des procès d’intention.

    Pour prendre un exemple anodin, je ne prends pas les armes quand on m’affirme que je vis dans un pays de culture latine, alors qu’une partie de mes racines est indéniablement celte. Cette affirmation appelle à être précisée, et surtout, elle ne saurait pas capter la totalité de la richesse de ce qu’est notre pays, et c’est heureux.

  • J’ai un neveu, chrétien et époux d’une chrétienne, qui vit au Maroc. Il est légitime de dire que quelque part l’identité du Maroc doit assumer la part de son histoire et la part de son actualité qui sont liées au christianisme, tout comme l’islam n’est pas absent de l’histoire de la France.

    Mais je n’arrive pas à imaginer comment l’identité de la France comme celle du Maroc ne pourraient pas refléter le poids massivement différent du christianisme et de l’islam dans leurs histoires respectives. Et nous avons tous, chrétiens ou non, à nous positionner par rapport à cet héritage. Chrétien « de souche » en France, je peux me rebeller ou assumer. Nouveau venu dans cette histoire, je ne suis pas obligé de la prendre à mon compte propre, mais je n’ai pas à contester à ses héritiers le droit à l’assumer. Musulman « de souche » au Maroc, etc.

  • [Enikao] a écrit : :

    Je préfère renvoyer vers Jean-François Bayart et « l’Illusion identitaire », qui décrit très bien l’empilement des strates de nos identités, et le fait que l’identité dépend d’une stratégie choisie par les interlocuteurs.

    Parler de stratégie me semble impropre, car cela voudrait dire qu’on serait en mesure de choisir au sein de toutes ses identités successives.

    Ce qui est possible pour l’appartenance au regard de la communauté. Je peux choisir et négocier mes appartenances à tel ou tel groupe culturel (association, entreprise, voisinage, etc.).

    L’identité comporte une part sur laquelle l’individu ne peut pas agir.

    Et ceci se démontre assez facilement.

    Dans la constitution de l’Identité, il y a forcément les différents apports culturels sur lesquels souvent nous n’avons aucun contrôle, et qui sont, pour le bien et pour le mal, des conditionnements (familiaux, scolaires, etc.) qui se superposent depuis notre enfance, comme les couches successives d’un oignon.
    Ce sont des conditionnements mais aussi des promesses de vie en forme de scénario, donc de l’espérance.

    D’autre part, comme l’a indiqué Renan, pour l’identité concernant un peuple ou une nation (l’une des couches) c’est un consensus en évolution, c’est à dire que c’est une création collective sur laquelle un individu isolé n’a que très peu de prise.

    C’est pour cela que je trouve la dernière partie du billet de Koz éclairante.
    Au bout du compte pourquoi l’identité chrétienne ou des racines chrétiennes dans l’identité ? bien… peut être parce qu’il y a les plus faibles à écouter à aider, et qu’il faut donner à un moment ou un autre un sens à sa vie.
    De l’attention, de la considération aux plus faibles, voilà une possible redécouverte du sens.

    Et là on pourra dire merci à une identité sans avoir besoin de la redéfinir, ni de l’écarter, ni de la réduire à une simple appartenance et de pouvoir la partager avec qui veut faire un bout de chemin ensemble (thématique du pèlerin).

    Je me suis trompé quelque part ?

  • Personnellement, j’ai une autre grille de lecture de ce discours.

    Une qui vise à s’inventer, dernièrement un ennemi : non seulement la laïcité serait en danger, mais nos racines chrétiennes seraient en danger. Hein, quoi quoi quoi ? On fête toujours noel, aucune église n’a été détruite à ce jour, le Jour du Seigneur est toujours diffusé chaque dimanche à la télé. L’héritage judéo-chrétien est toujours là.

    Oui, mais ce que voit certains identitaires (notamment ceux de « Riposte Laïque ») c’est qu’il y a de moins en moins de gens dans les églises, et plus de musulmans. Enfin, on parle de plus en plus d’eux et pour dire « qu’ils posent problèmes. » Et ça fait des ennemis rapidement désignés. (En oubliant totalement ce fait : seul 35% des français disent croire en Dieu.)

    Lorsque Nicolas Sarkozy parle avant tout de « racine chrétienne » il pose de plus en plus le préalable qu’être français = être de souche judéo-chrétienne.
    Et surtout comme le rappelle mon camarade Calvero, Nicolas Sarkozy est chrétien quand ça l’arrange : http://www.lepost.fr/article/2011/03/04/2424360_sarkozy-le-tres-chretien-laissez-moi-rire.html

  • On en revient toujours à une même débat , l’opposition entre culture et nature, les deux exerçant leur terreur propre sur l’individu. Et le discours d’une civilisation est de tracer un chemin entre ces deux pour le plus grand nombre.

    Et encore je ne parle même pas d’une donnée de Socrate qui serait l’âme, car là peu de personnes sont d’accord, on sourirait. Et ce serait déplacé si l’on en reste aux considérations purement matérielles.

  • Poil de lama a écrit : :

    Eh, les mecs, on parle de Sarkozy, là. C’est pas Mauriac, c’est pas Bernanos, c’est pas Claudel. Ne me dites pas que vous ne voyez pas la différence.

    C’est du Guaino ! Moi je trouve ça très bon.

  • Difficile tout de même de ne pas rapprocher cet élan chrétien du débat islamophobe organisé par le même. Car enfin, Sarkozy sait bien qu’il aura les chrétiens contre lui dans un débat sur l’islam maquillé après coup en débat sur la laïcité (comment interdire l’arabe sans interdire le latin?). Il faut donc qu’ils les flattent un petit coup.

  • En ce qui concerne les convictions de Sarkozy, ma conviction à moi est faite depuis un moment: il n’en a pas. Ça ne me dérange pas plus que ça. Mais il ne faut pas trop perdre son temps en spéculations à ce sujet. D’ailleurs, au bout de 4 ans de présidence, on peut désormais juger des actes et non plus des idées.

    Le coup des racines chrétiennes, il nous l’a déjà fait. Ce n’était pas inintéressant. C’était dans le contexte d’une laïcité dite positive. Pourquoi pas. Mais aujourd’hui, le contexte est clairement celui d’une laïcité négative: non au voile, non aux prières de rue, non aux minarets, non au Quick halal. La glorification des racines chrétiennes est donc entachée d’un léger soupçon de récupération: elle sert à faire un contraste. La cathédrale du Puy devient un simple instrument pour « cliver » (dans la langue sarkozienne privée, assez différente de celle de M.Guaino). Il s’agit de souligner que nous c’est nous, eux c’est eux.

    Ce qui est triste, c’est que ça marche. Le ton des commentaires ci-dessus est impressionnant de repli sur soi: la première idée qui vient à chacun est de parler de « mon identité », « mes racines », « mes ancêtres » , « ma culture », « moi », « moi », « moi »…

    Du point de vue chrétien, se retrouver enrôlé dans ce type de jeu de pure politique n’est pas une perspective réjouissante.

  • Pour moi, la phrase sibylline fait référence à « Ce qu’on ne veut pas savoir de soi-même finit par arriver de l’extérieur comme un destin », une réflexion de Carl Gustav Jung qui évoque (à mon avis) le refoulé et la façon dont nous allons inconsciemment provoquer, via l’extérieur, ce que nous ne pouvons/voulons assumer de l’intérieur … Sans nul doute une lecture de chevet de notre Président.

  • Plutôt que de « racines chrétiennes » de la France, ne faudrait-il pas parler de son « histoire chrétienne »? Sinon, il y a un risque de s’enfermer dans son passé?
    Ainsi, l’Afrique du Nord a une « histoire principalement musulmane », mais ses racines? Avant l’Islam qui n’arrive qu’au VIIème siècle, les Berbères étaient chrétiens (et le sont restés longtemps), comme saint Augustin (IVème siècle)…

  • S’il y a un jugement sur Sarkozy en particulier et les politiques en général et ce qu’on appelle la récupération, Là, à mon avis, ce n’en est pas, nous assistons plutôt à une figure classique de l’expression politique.
    Témoin, Orson Welles, qui avait fait une réflexion très intelligente sur la nature du politique à la BBC en 1974, et de ce que l’on pourrait prendre pour une imposture dans l’appropriation, mais qui est en fait un évènement culturel essentiel à une société.

    « Je ne pense pas que les politiques soient des escrocs naturels. La plupart d’entre eux je pense sont des acteurs, et les acteurs ne sont ni homme ni femme : les acteurs appartiennent à un troisième sexe… les acteurs sont des acteurs, un des aspects de leur nature est le jeu politique, mais cette sorte de jeu d’acteur n’est pas un mensonge aussi longtemps qu’il se réfère à, reflète et épuise les idéaux essentiels communément admis d’une culture. Ces performances font parties de notre culture, même si, elles sont un jeu, même si, certains des acteurs, eux-mêmes, peuvent être cyniques à propos de leur performance. »

  • @Thierry Il parle à dessein de stratégie (et j’approuve) parce que l’on se présente toujours à quelqu’un sous une certaine identité que l’on choisit parmi son « portefeuille » : collègue, occidental, homme, de telle croyance, ami du voisin…
    Et ce qui crée des hiatus, c’est quand l’autre voit en moi une autre identité que celle que je lui présente. Untel est-il d’abord raciste, peu éduqué, con, de telle ou telle confession, militant de tel ou tel parti ? Si en plus je ne sais pas quelle est l’identité qu’il adopte pour me répondre, on se retrouve dans des cas d’incommunicabilité courants et bien connus. Ca débouche souvent sur des points Gowin ou autres « tu peux pas comprendre ».
    Par exemple : pour toi, qui suis-je ? Je me présente comme blogueur mais ce n’est qu’un tout petit bout de mon identité. Et à travers nos quelques échanges numériques tu t’es peut-être un peu fait une idée du reste. Mais qui peut dire ce qui prévaut ? Personne. C’est bien le point de contact, la synapse entre des gens et le choix de leurs identités qui crée les conditions d’un dialogue, et en oriente une partie du sens.

  • @ Gwynfrid:

    Bon, un coup on tape sur Sarkozy qui n’a ni racines ni convictions, qui courre après l’instant pour en exploiter ce qu’il estime en être l’intérêt politique à court terme. Puis, paf, on tape sur ceux qui parlent de racines, d’identité…

    Moi, j’ai un peu de mal à comprendre comment on peut avoir des convictions si on n’a aucune identité, aucune permanence dans l’être, et comment une identité peut se construire sans racines, parfois en opposition aux dites racines, mais enfin en attachant une importance à l’existence de ces racines. Nous sommes héritiers, sous bénéfice d’inventaire certes, mais nous avons une dette vis-à-vis de notre passé.

  • Je m’apprêtais à donner un commentaire, mais pourquoi redire ce que lepetitchose dit si bien: une chose est d’en appeler aux racines chrétiennes, autre chose est de les vivre. Lorsque la raison domine sur la foi, c’est l’homme qui est oublié.
    Voir aussi ce que j’ai mis sur mon propre site http://direetredire.unblog.fr

  • sinay a écrit :

    Mon intervention est tournée vers l’avenir. Les citoyens français de confession musulmane laisseront eux aussi leurs traces dans ce pays si bien que dans 50-100 ans plus personne ne remettra en cause les racines musulmanes de la France. Du moins je l’espère.

    Bonjour, nouveau parmi vous, je ne connais pas encore toutes les personnes.
    Puis-je savoir ce que pourraient être ces racines musulmanes (culturelles, philosophiques… ? Peut-être vous êtes musulman ? )

  • Le pb avec notre président, c’est la différence entre ses discours (très bons souvent, surtout s’ils ont été écrits par Gaino), ses propres réflexions (quand il digresse ou s’exprime sans notes, aïe !) et les actes (pas toujours cohérents, re-aïe !).

    Le pb avec les mots (racines, identité, culture…), c’est la différence de sens que chacun y met (pb de la précision du mot juste dont chacun a une définition approximative), que les médias colportent (sens dévié -patrie par ex. renvoie systématiquement à Pétain et non plus à la France), et à qui ils s’appliquent (la France, le peuple, ma famille, moi).

    Renier la dimension chrétienne de la France, c’est démarrer son histoire en 1905 ou en 1789. C’est, à l’instar des sans-culottes de la Révolution, faire table rase sur les siècles qui avaient façonné la société française (sa monarchie de droit divin, sa société et ses trois ordres, ses provinces et ses langues): ça s’est fait dans les larmes et le sang. Et finalement, beaucoup de choses ont refait surface quelques années après (rois et empereurs, Eglise, classes de la société etc.).
    En fait, forger une même identité nationale pour tous les Français passe par l’école (c’était déjà le but des fameux hussards noirs de la Républiques: casser les patois et les particularismes locaux pour créer des petits patriotes): une même culture (les auteurs classiques français), une même histoire (celle de la France), une même langue (un français bien parlé, bien écrit, bien compris), assumées fièrement, qui donne les mêmes références à tous ! (Foin de toutes ces niaiseries de littérature jeunesse si on ne connaît plus ni La Fontaine, ni V.Hugo, de slam en verlan si on est incapable de former un passé simple, ou d’histoire mondiale quand les élèves ignorent qui sont Charlemagne, Louis XIV ou Napoléon).

    Qu’un certain pourcentage de Français soit musulman (ou athée ou…) n’empêche pas que la France s’est construite et unifiée dans un régime très majoritairement chrétien (et même catholique) depuis Clovis (voire avant); le moindre village avec son église, son cimetière et ses calvaires en témoigne. Qu’un Français soit musulman (ou athée ou…) n’empêche pas qu’il vit dans un pays façonné par son histoire (glorieuse ou pas), ses hommes (les meilleurs comme les pires), sa culture (sa langue, son architecture, sa littérature, ses arts) et sa religion (chrétienne) et qu’il ne peut pas (ni ne doit pas) le nier mais qu’il doit (et peut) le faire sien. Que la France soit devenue laïque n’empêche pas qu’elle a d’abord été chrétienne.

  • @Enikao

    Ce que tu dis est au niveau individu/individu et ne dépend pas des identités, mais de l’adaptation et de l’intelligence des acteurs en présence.

    Quant à l’être humain, il ne construit pas du sens au hasard dans ses interactions. mais bien en amont. Ce n’est qu’une vision partielle.

  • Pourquoi ce titre ? Je m’étonne (mais à moitié seulement) car jamais Sarkozy n’a parlé de « racines chrétiennes de la France ». Il n’est pas question (et on le comprend) dans son discours de christianisme, encore moins de catholicisme. Les termes choisis sciemment sont :’chrétienté’, ‘humanisme protestant’, …
    Si ce terme peut évoquer chez certain une certaine nostalgie d’une France (autrefois) catholique, objectivement, la ‘chrétienté’ fait ici plus référence à une période de l’histoire, un passé. Notons bien que ce qui est soulevé c’est l’apport de la chrétienté (de la culture et de cette histoire) et non celle du christianisme. Ce n’est pas un regret de ma part. Son discours visait à rendre compte de l’ouverture culturelle et ‘cultuel’ (œcuménique et interreligieux) déjà présent au temps de la chrétienté (bon ok il a oublié de parler de certains conflits mais bon…) . Un bon éloge du patrimoine c’est tout.

  • La peur d’une nouvelle version du 21 avril, c’est ce qui motive je crois ce beau discours. Une version dans laquelle NS serait éliminé dès le premier tour, troisième derrière le PS et le FN, un cauchemar.

    D’où cette manœuvre périlleuse pour en appeler aux racines chrétiennes de la France sans pour autant braquer les laïques pur jus. Tenter de retenir dans son camp les précaires de plus en plus nombreux qui aiment voir dans l’arabe la source principale de leurs malheurs présents et futurs, ce n’est certes pas pas une tâche facile ! Bravo M. Gaino !

    C’est pathétique, mais que faire d’autre ?

  • Pourquoi ce titre ?

    Je me posais un peu la même question. beaucoup de commentaires reviennent aussi sur le mot « racine », mais en fait le discours en contient seulement 3 occurences, contre 17 pour « identité ».

  • J’en déduis qu’en arithmétique sarkozyenne, il faut 15% de démagogie chrétienne pour équilibrer 85% de démagogie d’extrême droite.

  • Mais bien sûr qu’on peut les évoquer et qu’il faut le faire ! mais pourquoi quand c’est précisément ce président-là et à ce moment politique-là, cela leur ôte toute poésie, toute âme et toute valeur. Par ailleurs, il tourne constamment autour d’un pot dans lequel il ne tombe pas, mais cela entretient une ambiguité irritante.

  • Bonsoir,

    au delà des arrières pensées électorales, le débat sur les racines chrétiennes de l’Europe ne va pas très loin pour moi.

    Il est indéniable que notre société est influencée par les 30 siècles d’histoire de France. Il est ainsi bien normal que certaines de nos traditions soient d’origine chrétienne, et il me semble important de respecter la forme de ces traditions: il est probablement dommage que l’on ne fasse plus maigre le vendredi, et la vie perdait de sa saveur si l’on supprimait les rites de passage que sont certaines fêtes chrétiennes, comme le baptême, la première communion ou le mariage religieux. Notre pays aurait aussi plus de charme si l’on avait gardé à nos départements le nom de provinces chargées d’histoire plutôt que leur appellation révolutionnaire froidement géographique. Dans un sens, je suis pour le respect des traditions comme le font plutôt bien le Japon et l’Angleterre.

    L’influence chrétienne n’est pas la seule. Dans tous les domaines de l’esprit humain, dans l’organisation des états et des institutions, l’ombre immense de Rome et de la Grèce antique plane encore, deux mille ans après, sur l’Europe occidentale. Je suis toujours surpris de la modernité et de la richesse de certaines œuvres vieilles de 2500 ans, surtout comparées aux sombres produits de notre moyen-âge.

    Et une fois que l’on a constaté les influences des uns et des autres sur notre culture et nos traditions, l’on est bien avancé. Respecter l’héritage culturel de Rome ne veut pas dire que l’on doit rétablir par exemple l’institution de l’esclavage, ou les combats de gladiateurs. De même, respecter notre héritage culturel catholique ne veut pas dire que l’on doit rétablir par exemple le droit de regard incroyable qu’avait le clergé sur la vie privée des gens, ni le rôle du pape dans la politique européenne.

  • Claribelle a écrit : :

    Foin de toutes ces niaiseries de littérature jeunesse si on ne connaît plus ni La Fontaine, ni V.Hugo, de slam en verlan si on est incapable de former un passé simple, ou d’histoire mondiale quand les élèves ignorent qui sont Charlemagne, Louis XIV ou Napoléon)…

    La Fontaine est remarquable, mais par pitié, pas Victor Hugo, ce prétentieux bavard gothique. Tout ce qui est ancien n’est pas beau pour autant. On pourrait sans doute sélectionner avec plus d’application si l’on voulait intéresser les jeunes de façon plus efficace à la culture, et peut-être ne pas sélectionner qu’en France, qui reste un petit pays.

    Et je ne suis pas sûr que notre slam ou verlan sont pire que les cacophoniques patois et autres argots du temps jadis, qui massacraient aussi la grammaire avec une application remarquable.

  • Oui, Claribelle, le problème de notre président c’est que ses débordements spontanés ne sont pas à la hauteur de l’expression élaborée qu’il doit à ses plumes.
    L’homme est un ouragan qui fait bouger, réagir tout le monde, mais de convictions pérennes, de racines philosophiques il est dépourvu.
    Ceci étant, il rend toujours plus ridicules les petites ambitions des précédents monarques plus occupés d’image que de résultats, de compromis petit bourgeois que de batailles fécondes pour leur pays.
    Les français réapprennent progressivement que la démocratie c’est l’accouchement douloureux d’une action commune malgré des convictions distinctes, que l’égalité c’est l’acceptation de la différence et non son nivellement par le bas.
    Nous avons en partie détruit l’essor de la France en pourchassant pendant des siècles les non catholiques par soubresauts successifs, espérons que nous saurons aujourd’hui apprécier les autres pour leur différence en ne leur demandant que la même attitude en retour.

  • Aristote a écrit : :

    @ Gwynfrid:

    Bon, un coup on tape sur Sarkozy qui n’a ni racines ni convictions, qui courre après l’instant pour en exploiter ce qu’il estime en être l’intérêt politique à court terme. Puis, paf, on tape sur ceux qui parlent de racines, d’identité…

    Je ne tape pas sur Sarkozy parce qu’il n’a pas de convictions : j’ai même écrit le contraire. Je veux bien d’un président qui n’a pas de convictions, ou même des convictions opposées aux miennes, à condition que ses décisions soient valables pour le pays. Ici, pas de décisions qui méritent qu’on en parle, mais juste un discours qui organise la division. Sur ça, oui, je tape.

    Je n’en veux pas non plus à ceux qui parlent d’identité: je regrette juste que cette identité soit exprimée sur un mode individuel, allant ainsi dans le sens de la division.

    Pour finir, je ne crois pas que les chrétiens aient à gagner à ce genre d’exercice. Bien au contraire.

    Aristote a écrit : :

    Moi, j’ai un peu de mal à comprendre comment on peut avoir des convictions si on n’a aucune identité, aucune permanence dans l’être, et comment une identité peut se construire sans racines, parfois en opposition aux dites racines, mais enfin en attachant une importance à l’existence de ces racines. Nous sommes héritiers, sous bénéfice d’inventaire certes, mais nous avons une dette vis-à-vis de notre passé.

    Bien sûr. Y a-t-il d’ailleurs qui que ce soit pour nier ces évidences ? Mais une fois qu’on est tombé d’accord là-dessus, on fait quoi de concret à partir de ce que nous raconte Sarkozy ?

  • Serge a écrit : :

    Puis-je savoir ce que pourraient être ces racines musulmanes (culturelles, philosophiques… ? Peut-être vous êtes musulman ? )

    Bonjour,

    que cela nous plaise ou non, les grandes fêtes musulmanes font déjà partie de notre culture. Il y a dans la plupart des endroits où j’ai travaillé une proportion significative de musulmans, et une partie d’entre eux sont religieux. Ce qui fait qu’il m’est arrivé plusieurs fois par exemple de prendre en compte le ramadan dans l’organisation de mes projets, avec par exemple des horaires aménagés (travailler moins pendant le jeune et surtout le matin, et plus le mois d’après par exemple): il ne faut pas exagérer l’inconvénient que cela représente: c’est beaucoup plus simple à gérer qu’un congé maternité par exemple.

    Il est également à mon avis courtois, sans tomber dans le délire du tout halal, d’éviter d’imposer le porc dans un repas où l’on invite, par exemple, des clients « issus de la diversité », ainsi que de ne pas imposer le vin. Au passage, les juifs seront ravis du premier point, et les femmes en début de grossesse du second. Comme souvent, le commerce, qui oblige à écouter les autres, est souvent en avance sur le reste de la société.

    L’influence culturelle maghrébine en France est pour moi évidente. Couscous et autres tagines sont devenus des parties intégrantes de la cuisine française (certes grâce aux pieds-noir mais aussi aux français issus de la diversité). Et si l’on veut être plus élitiste, il y a par exemple une forte communauté d’étudiants issus d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient dans toutes nos grandes écoles, qui influencent forcément nos futurs décideurs. J’ai ainsi, sur la suggestion de camarades marocains ou algériens, découvert de superbes pans de la culture arabe, comme le magnifique ouvrage d’Ibn-Khaldoum (Al’Muqqadimah, ortographe approximative).

  • NS en tant que Président d’un Etat laïque n’a pas le droit d’afficher une préférence pour une religion particulière, alors sur ce registre il doit rester totalement neutre.

    Le même homme, candidat à sa réélection, observe naturellement d’où vient le vent, le vent de l’opinion. Il voit que ce vent porte bien davantage vers le christianisme que vers l’islam.

    Alors comment profiter de ce souffle qu’il sent monter sans prendre un carton rouge ?

    En appeler non pas à l’héritage de la religion bimillénaire, mais à celui de la culture chrétienne.

    Faut-il y voir dans le choix de cette vaine thématique de l’habileté, de la sincérité ? Je perçois plutôt une forme de désarroi, comme si dos au mur, il cherchait fébrilement dans ses poches ses dernières cartouches.

  • Je note une certaine propension, chez nos laïcistes, à faire un tri étonnant dans la nature humaine. Evoquant les racines chrétiennes et le christianisme, ils parlent Inquisition, guerres de religion, croisades etc. Ils oublient en revanche tout ce que l’on peut mettre au crédit de l’Eglise : la Trève de Dieu, la propagation de la culture, les hospices, la condition féminine (ouais, je sais, c’est exprès pour en faire bondir) etc.

    En somme, ils nous expliquent que les valeurs positives sont inhérentes à l’organisation de la société et, donc, aucunement un héritage chrétien, et retiennent en revanche contre l’Eglise la violence et l’intolérance. Le Bien est le propre de toute société, le Mal nous vient de l’Eglise.

    Pensent-ils que, sans l’Eglise, la société française eut été une société irénique, douce, paisible ? Que les pulsions qui ont conduit à ces méfaits l’auraient épargné ? Les sociétés « libérées de l’Eglise » nous montrent-elles un tel exemple ? Les quelques deux siècles que nous venons de passer nous apportent donc la démonstration que, sans l’Eglise (ou avec une Eglise diminuée), la concorde règne sur Terre, que le lion s’allonge près de l’agneau ?

    Il serait certes trop facile d’exonérer l’Eglise de toute erreur. Mais qui le fait ? Personne ne prétend que les membres de l’Eglise soient exempts du péché. Au contraire, on parle d’une Eglise de pêcheurs et l’évangile de Marc nous dit bien que le Christ a dit : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs  » (Marc 2 : 17). Je le dis pour souligner que les chrétiens ne peuvent se considérer comme purs et saints.

    Et, si je peux comprendre que d’autres ne le fassent pas, moi, en tant que chrétien, j’accepte le poids des erreurs de l’Eglise (encore faut-il bien s’entendre sur celles-ci et ne pas se contenter de répéter la doxa habituelle) mais je dis que ces actes ne sont pas, en revanche, le christianisme. Parce que ça me trouerait le … de le reconnaître ? Non : parce qu’il n’y a rien dans les évangiles qui le justifient.

    François a écrit : :

    Pourquoi ce titre ? Je m’étonne (mais à moitié seulement) car jamais Sarkozy n’a parlé de « racines chrétiennes de la France ».

    Ce n’est pas complètement faux, mais pas totalement vrai.

    Bon, d’une part, le titre est de moi. C’est un titre. J’essaie de les faire exacts mais il faut aussi qu’ils soient synthétiques et permettent d’avoir une idée du contenu.

    Ensuite, c’est vrai : Nicolas Sarkozy n’emploient à aucun moment dans ce discours, littéralement, l’expression « racines chrétiennes ». Mais il évoque à trois reprises les racines, et mentionnent les « racines juives », de sorte que je ne pense pas que l’expression « racine chrétienne » trahisse son propos.

    La chrétienté nous a laissé un magnifique héritage de civilisation et de culture : les présidents d’une République laïque. Je peux dire cela, parce que c’est la vérité. Je ne fais pas de prosélytisme, je regarde simplement l’Histoire de notre pays. Une fois dit cela, je veux dire que la France a puisé à d’autres sources : il y a quelques semaines, j’ai reconnu et salué les racines juives de la France. Grégoire de Tours, le plus ancien de nos historiens, qui dans les mêmes pages de son Histoire des Francs, parle pour la première fois non seulement du sanctuaire du Puy-en-Velay mais de la synagogue de Clermont ! C’était en Auvergne déjà et Grégoire de Tours écrivait il y a près de 15 siècles ! C’est la France. La France que nous aimons, la France dont nous sommes fiers, la France qui a des racines.

    Après, comme le premier mot l’indique, il parle bien davantage de « chrétienté » que de « christianisme ». Et ce n’est pas neutre, en effet. C’est plus une question de civilisation que de religion.

    Mais là où je plaide la bonne foi, c’est que je ne pense pas qu’il existe un adjectif qui permette de traduire cette nuance, aussi fondamentale soit-elle.

    Enfin, et ce n’est plus une réponse à François, je maintiens qu’il s’agit d’une identité du pays, pas d’une identité personnelle. Je comprends la dichotomie difficile à assumer – et la distinction chrétienté / christianisme peut à cet égard aider : on ne demande pas d’adhérer à une foi mais de reconnaître une civilisation – mais à l’image de ce que dit Aristote, je ne pense pas qu’il me viendrait à l’esprit, par exemple, d’aller au Maroc imposer une procession dans la rue.


    Enfin, je recommande aux abonnés l’entretien donné par le Cardinal Barbarin au Monde, « L’islam est compatible avec la République, à condition que les musulmans le veuillent ».

    Un (large) extrait puisqu’on a eu la gentillesse de me le faire passer par mail :

    Dans les milieux catholiques, comme ailleurs, monte une crainte voire un rejet de l’islam. Comment l’expliquez-vous ?

    Aujourd’hui, sur cette question cohabitent trois positions. Certains rappellent que nous sommes tous des frères et savent montrer de beaux exemples de cette fraternité, mais font silence sur les problèmes. Les seconds pensent que c’est une grande naïveté que de laisser l’islam prendre sa place dans notre société ; pour eux, nous sommes clairement en danger. Enfin, d’autres refusent l’opposition violente comme la candeur, et savent vivre un chemin de respect, voire d’amitié. C’est l’exemple laissé par les moines de Tibéhirine.

    Pour les chrétiens, les musulmans sont des frères que le Christ nous demande d’aimer. Mais les difficultés objectives doivent être dénoncées : la non-réciprocité dans les pays à majorité musulmane, les problèmes lorsqu’un musulman demande le baptême, lors d’un mariage mixte… Ce qui est particulièrement intolérable, ce sont les violences meurtrières contre les chrétiens : Bagdad fin octobre 2010, Alexandrie fin décembre, un prêtre assassiné à Tunis le 18 février, et le 3 mars, le seul ministre chrétien du Pakistan. Aujourd’hui, la voix de nombreux musulmans se joint à la nôtre pour dénoncer ces scandales.

    Côté catholiques, il est vrai que beaucoup sont rongés par la peur. C’est peut-être le discours lénifiant tenu durant des années, qui entraîne, par retour de balancier, ce rejet, cette peur d’être convertis de force, cette peur d’une invasion, de l’instauration d’une loi islamique en France… Face à cela, je dis comme Jean Paul II, ou plutôt comme Jésus : « N’ayez pas peur ! », sans oublier d’ajouter pour les chrétiens : « Ouvrez toutes grandes les portes de votre vie au Christ. » Si les 60 % de Français qui se disent catholiques l’étaient vraiment, on n’entendrait pas tous ces discours angoissés.

    Quel genre de « difficultés objectives » pose l’islam ?

    Il arrive, par exemple, qu’un musulman qui se convertit au catholicisme soit maltraité dans sa communauté et dans sa propre famille. J’ai présenté un jour un cas douloureux à mon ami Azzedine Gaci, le président du conseil régional du culte musulman de Rhône-Alpes. Il a fait une fatwa pour condamner cela, affirmant qu’il ne doit y avoir aucune contrainte en religion. C’est lui qui m’a dit qu’il était inquiet de la violence de certaines prédications dans les mosquées.

    En 2007, face aux demandes de viande halal dans les cantines scolaires, la ville de Lyon a réuni des représentants des différents courants religieux pour régler cette question. Une solution a été proposée, qui n’est pas forcément la bonne, mais il y a eu discussion.

    Vous êtes né et avez vécu au Maroc, vous êtes engagé dans le dialogue avec l’islam. Cette religion vous apparaît-elle compatible avec la réalité française ?

    L’islam est compatible avec les lois de la République, à condition que les musulmans le veuillent. Beaucoup s’inscrivent dans cette ligne de loyauté et veulent voir naître un « islam de France ». Mais des progrès restent à faire. Encore une fois, des problèmes concrets se posent (dans les cantines, les piscines, avec la burqa…), et il y a de la provocation et de la violence dans certains comportements.

    La règle donnée par la France est la suivante : elle garantit la liberté des cultes, dans la mesure où elle ne trouble pas l’ordre public. Cela vaut pour nous, comme pour tous. Si un maire ou un préfet estime qu’un chemin de croix dans les rues trouble l’ordre public, il n’aura pas lieu. En France, le cadre existant permet à un chrétien d’être chrétien, à un juif d’être juif et à un musulman d’être musulman.

    Cela dit, il est vrai que dans l’islam, le rapport entre le religieux et le social ou le politique est différent du nôtre. C’est une question de fond que se posent les musulmans en France, et nous pouvons en parler avec eux. En outre, il est clair que des questions spirituelles ne vont pas trouver leur réponse dans la seule sphère du politique.

  • Joyeux Acier a écrit : :

    que cela nous plaise ou non, les grandes fêtes musulmanes font déjà partie de notre culture.
    (…)

    Bonjour l’Acier,

    Je parlais plutôt de racines que de culture, c’est à dire du passé, qui a lentement formé l’histoire des Français sur la longueur et qui irrigue profondément notre mémoire commune, pour se diffracter maintenant en culture, qui est unique, qui nous est propre, et qu’on ne peut pas changer :
    l’histoire de France, ses mythes, ses créations artistiques, ses échecs, ses inventions, qui ont influé sur nos psychologies… y compris nos rapports avec nos voisins proches ou lointains.

    Bien sûr que les Français musulmans sont aujourd’hui présents, et qu’ils nous apportent des éléments de leur culture à eux ; mais leur présence au sein de la France remonte à moins de 5 décennies, et même dans 5 décennies, on ne pourra pas dire que nos racines sont redevables de la culture musulmane : les fêtes musulmanes visibles aujourd’hui ne marquent pas la conscience d’un destin antérieur et commun aux Français.

    C’est un peu ce que je voulais dire ; vous êtes d’accord ?

    Et puis je ne crois pas que nous soyons en période de création de racines : elles sont derrière nous,
    nous sommes plutôt une société qui s’interroge sur son identité.

    Je vais aller me renseigner sur l’ouvrage que vous m’indiquez, cela m’intéresse, merci

  • Koz a écrit : :

    En somme, ils nous expliquent que les valeurs positives sont inhérentes à l’organisation de la société et, donc, aucunement un héritage chrétien, et retiennent en revanche contre l’Eglise la violence et l’intolérance. Le Bien est le propre de toute société, le Mal nous vient de l’Eglise.

    C’est par réaction à mon sens, car certains ne se privent pas d’asséner le Bien est le propre de l’Eglise, et que l’Eglise et son enseignement sont la source exclusive de tout Bien.

  • Bonjour Koz, mes respects Monseigneur Barbarin,

    Vous êtes né et avez vécu au Maroc, vous êtes engagé dans le dialogue avec l’islam. Cette religion vous apparaît-elle compatible avec la réalité française ?

    L’islam est compatible avec les lois de la République, à condition que les musulmans le veuillent.

    C’est bien cela qui gêne : la compatibilité de l’islam avec les lois de la Républiques est soumise à la bonne volonté des musulmans eux-mêmes. Quelque chose me dit que la présence des chrétiens, et la qualité de leur comportement est en lien direct avec cette volonté des musulmans de respecter nos lois.
    Amis laïques et athées, à défaut de prier, soutenez par vos souhaits la présence de chrétiens profondément renouvelés : il en va de votre intérêt le plus égoïste 🙂

  • @ Serge :
    La laïcité n’est qu’une histoire de compromis. L’oecumenisme, aussi. Si on s’amusait à lire les textes « à la lettre » ça serait de nouveau la guerre de religion dans les rues. Ha, et chacun a abandonné le prosélytisme, mis à part les témoins de jéhovah et quelques félés venu nous cracher la bonne nouvelle à la figure dès qu’on s’adresse à eux.

    En tant qu’agnostique, je m’aperçois que la norme, dans la rue, en France, c’est avant tout l’athéisme : peu sont ceux qui mettent en avant leur appartenance à une culture ou une religion particulière. (Alors qu’en angleterre, c’est différent, mais leur histoire n’est pas la même.) Ou alors, on en revient aux quartiers pauvres où justement chacun se replie sur l’identité comme un réflexe.

    La bonne volonté des musulmans, c’est surtout la bonne volonté de vivre leur vie tranquillement sans faire de vagues. Mis à part une minorité de gros taré (auquel on fait une pub honteuse, d’ailleurs) et de jeunes en recherche de modèle, le musulman de base n’a aucun intérêt à s’affirmer musulman dans la société : ça fait mauvais genre lorsque tu cherche un boulot ou que tu veux un appartement.

  • @ Yogui: vous avez lu ça dans le catéchisme de votre arrière-grand-mère ? Faudrait se mettre au goût du jour. Parce que je doute que vous en croisiez beaucoup qui vous affirme cela aujourd’hui. Mais bon, s’il faut acter que les laïcistes ont un siècle de retard dans le débat, je veux bien vous suivre.

  • @ Koz: vous notez que les laïcistes parlent Inquisition, guerres de religion, croisades etc…. mais vous êtes les premiers à les mentionner ici ! Dire qu’on ne se sent pas concerné par ce discours sur les racines et sur l’identité (voire, qu’on se sent un peu agressé par lui) ne veut pas dire qu’on nie un quelconque droit à l’existence de l’église ou de la religion, de son histoire, de son influence (et l’église, comme toutes les institutions multiséculaires possède ses versants sublimes et d’autres plus crapoteux, certes, et puis qui dit le contraire ?)

  • Serge écrit:

    Je parlais plutôt de racines que de culture, c’est à dire du passé, qui a lentement formé l’histoire des Français sur la longueur et qui irrigue profondément notre mémoire commune

    Des élément du passé au moins aussi importants que la chrétienté sont la colonisation et l’esclavage, dont les partisans de l' »identité » ne veulent pas entendre parler. Il serait délicat de définir la francéité sans référence aux antillais, aux juifs nord-africains improprement appelés « pieds-noir », aux africains morts pour la patrie dans les deux guerres mondiales, aux immigrés maghrébins main d’oeuvre essentielle dans notre développement économique.

    Je cite simplement ici quelques éléments disparates qui « irriguent notre mémoire commune » bien plus que le règne des capétiens.

    Et puis je ne crois pas que nous soyons en période de création de racines : elles sont derrière nous, nous sommes plutôt une société qui s’interroge sur son identité.

    C’est terrible comme affirmation. D’où viens cette angoisse interrogative?

    Si la France comme conservatoire de quelques événements multi-séculaires mentionnés dans les livres d’histoire est la seule solution à votre angoisse, au moment où les hommes peuvent faire le tour du globe en moins de 24 heures, alors elle va se rabougrir petit à petit. Les esprits inventifs et ouverts partiront, et laisseront la place à quelques aigris qui entonneront entre eux des chansons d’autrefois.

    Nos écrivains antillais ont quelques longueurs d’avance, comme Edouard Glissant:

    « Il propose le concept de créolisation qu’il définit comme le « métissage qui produit de l’imprévisible » et qui est pour lui le « mouvement perpétuel d’interpénétrabilité culturelle et linguistique » qui accompagne la mondialisation culturelle. Cette mondialisation met en relation des éléments culturels éloignés et hétérogènes, avec des résultantes imprévisibles. »

    La chrétienté n’est qu’un de ces éléments « éloignés et hétérogènes », parmis les racines de la France de 2011, mais je comprends que beaucoup de gens n’aiment pas ce qui est imprévisible.

  • @ Mad-Dog:
    Nous sommes d’accord, la majorité des Français musulmans aspirent à une vie tranquille.

    Mais il ne t’as pas échappé que l’islam mondial est sorti de la torpeur dans laquelle
    il s’était assoupi depuis quelques siècles, et qu’il est animé aujourd’hui d’une dynamique nouvelle.

    Il n’est pas interdit de réfléchir à l’éventualité d’une interaction possible ou future entre une communauté de Français tranquilles dont les racines sont musulmanes, et la reviviscence mondiale d’une doctrine qui est celle de leurs ancêtres, surtout si cette communauté de Français est appelée à grandir.

    Chacun a abandonné le prosélytisme, mis à part les témoins de jéhovah et quelques félés venu nous cracher la bonne nouvelle à la figure dès qu’on s’adresse à eux.

    Il m’arrive de faire des prosélytes, je n’ai pas abandonné cette mission. .
    Je le fais même à temps et à contretemps.

    Ce n’est pas un peu mou, la posture d’agnostique ? tu ne préfèrerais pas être athée ?

  • Aujourd’hui des groupuscules islamistes commettent des actes terroristes mais il y a 80 ans un peuple de culture chrétienne portait Hitler au pouvoir et plus en arrière l’Europe chrétienne colonisait l’Afrique (en autre).

    Faut-il en accuser les religions ou la bêtise des hommes ?

    N’est-il pas absurde aussi de vouloir hiérarchiser les religions, d’y mêler la politique, alors que ce qui compte c’est ce que les hommes en font.

  • Koz a écrit : :

    (long discours sur les croisades, l’inquisition …) mais je dis que ces actes ne sont pas, en revanche, le christianisme. Parce que ça me trouerait le … de le reconnaître ? Non : parce qu’il n’y a rien dans les évangiles qui le justifient.

    Bonsoir Koz,

    il serait intéressant, mais très difficile, de faire un bilan comparé du christianisme politique (par exemple l’église catholique) et d’autres régimes (laïcs, polythéistes, musulmans, protestants…).

    Mon impression subjective est que le catholicisme a comme côté positif un respect de la personne humaine qui se traduit par une certaine aide aux plus faibles (mais souvent seulement « humanitaire », pas structurelle), une notion de communauté, une certaine modération du pouvoir des puissants (mais sans les remettre en cause) et donc l’absence des pires délires sociaux (castes, esclavage). Sur ce dernier point, il serait intéressant de savoir si cela est dû à l’église ou à l’influence en Europe de l’ouest de la culture germanique, plutôt égalitaire.

    Du côté du passif, je vois surtout une tendance à s’immiscer dans la vie privée des individus même quand ils ne nuisent à personne, une férocité envers ceux qui n’acceptent pas les règles de l’église, et un climat intellectuel qui ne favorise pas toujours l’excellence.

    Bref, on est évidemment entre gris clair et gris foncé. Et je trouve que la teinte de gris catholique se montre parfois bruyamment méprisante envers les teintes de gris d’à côté qui, suivant comment on les regarde, seront légèrement plus claires ou plus sombres.

    En tout cas, je suis d’accord avec toi Koz: une grande partie de l’histoire catholique n’a rien à voir avec l’évangile. Cela a commencé avec les actes des apôtres, et j’ai tendance à penser que c’est encore le cas aujourd’hui sur certains sujets dont nous débattons chez toi.

  • Serge a écrit : :

    mais leur présence au sein de la France remonte à moins de 5 décennies, et même dans 5 décennies, on ne pourra pas dire que nos racines sont redevables de la culture musulmane : les fêtes musulmanes visibles aujourd’hui ne marquent pas la conscience d’un destin antérieur et commun aux Français.

    C’est un peu ce que je voulais dire ; vous êtes d’accord ?

    Bonjour,

    j’ai tendance à penser que l’unité de mesure pour l’évolution des cultures et donc des racines qui vont avec est la génération, soit 30 ans. J’ai l’impression qu’en deux ou trois générations, on a un renouvellement massif de la culture. Cela s’observe d’ailleurs bien pour les populations immigrées qui s’intègrent parfaitement dans ce laps de temps (qui reproche aujourd’hui aux espagnols arrivés dans les années 30 de n’être pas intégrés ?). Un autre exemple est la déchristianisation de la France, qui s’est faite à ma connaissance en deux ou trois générations (de la première guerre mondiale aux années 70 ?).

    Bref, pour moi, la mosquée de Paris fait par exemple complètement partie des racines du quartier du jardin des plantes.

  • « Mais il ne t’as pas échappé que l’islam mondial est sorti de la torpeur dans laquelle il s’était assoupi depuis quelques siècles, et qu’il est animé aujourd’hui d’une dynamique nouvelle. »

    Justement, si, ça m’a échappé. Quelle dynamique ? Celle des Sunnites ? Celle des Shiites ?
    – Et derrière qui ? Ben Laden ? Kohmeini ? Tariq Ramadan ?

    Je ne sais pas ce que tu entends par « un islam sortit par sa torpeur » ? Al Quaïda et les fous de dieu ? Ou bien les révolutions récentes dans les pays du maghrébs ?
    Les deux n’ont rien à voir.

    « Ce n’est pas un peu mou, la posture d’agnostique ? tu ne préfèrerais pas être athée ? »

    Merci de cracher sur mes convictions, c’est gentil.

  • Mad-Dog et Gatien, je perçois dans vos réponses une attitude de personnes remises en cause ou blessées par le contenu de mes messages, ce qui n’était pas mon intention (je ne vois pas ce qui a pu le faire croire).

    Je vais donc éviter de continuer à échanger avec vous, afin de ne pas risquer de vous apporter d’autres blessures, sauf si vous me signalez vouloir reprendre le dialogue.

  • @Gatien

    Je partage votre réaction sur « l’absence de création de racines ». Au contraire, le fait qu’il y ait une interrogation identitaire montre que la France change, et que ce changement perturbe. Il est donc évident que les racines de la France de demain se construisent pour partie aujourd’hui.

    Je suis beaucoup moins d’accord avec votre évocation d’Edouard Glissant et son concept de créolisation. Il est sans doute pertinent pour parler de la situation antillaise, et d’ailleurs Edouard Glissant utilise un terme ancré dans la culture locale, ce qui n’est pas anodin.

    Mais voilà, la France de 2011 n’est pas créole. Elle l’est peut être un peu plus qu’en 1950, mais Bourg-en Bresse n’est pas non plus devenu un Pointe à Pitre en moins ensoleillé et avec des différences culinaires marginales. En fait, pour parler de la France d’aujourd’hui, ce terme de « créolisation » devient soit une prophétie, soit un objectif idéologique. Et c’est là que cela devient dangereux: l’angoisse identitaire se nourrit autant de l’incertitude que de la sensation que de mystérieuses forces sont à l’oeuvre pour leur voler « leur » France via une forme d’ingénierie sociale.

    Du reste, plus haut dans votre commentaire, quand vous parlez de l’importance relative du sort des anciens combattants d’Outre-mer, et du règne des capétiens, il me semble que vous confondez notre mémoire et les batailles autour de celle-ci. Ces sujets font beaucoup de bruit, certes. Mais avec tous le respect que j’ai pour ces combattants et leur histoire, nous vivrions dans un bien drôle de pays si le destin de cette minorité devait « irriguer notre mémoire » plus que 1000 ans de notre histoire pas si ancienne. Et ne penser la mémoire qu’en terme de combats remportés ou à mener, c’est se condamner à l’affrontement.

  • @ Vivien : +1. On dirait que derrière ces disputes sur la nature de notre identité se cache parfois l’intention plus ou moins avouée de façonner une identité future par des moyens artificiels, voire coercitifs. Comme dirait notre ami Lib: depuis quand est-ce le rôle de l’État de définir l’identité des gens ?

    @ Gatien : Cette insistance à vouloir minimiser une tranche de passé au profit d’une autre me laisse perplexe. Serait-ce que l’histoire des capétiens soit particulièrement moche, pour qu’il faille la reléguer ainsi ?

  • Joyeux Acier a écrit :

    j’ai tendance à penser que l’unité de mesure pour l’évolution des cultures et donc des racines qui vont avec est la génération, soit 30 ans. J’ai l’impression qu’en deux ou trois générations, on a un renouvellement massif de la culture. (…)
    Bref, pour moi, la mosquée de Paris fait par exemple complètement partie des racines du quartier du jardin des plantes.

    D’accord, nous ne mettons pas les mêmes durées pour « racines et culture ».
    Je voyais la culture comme ce qui a été élaboré sur une longue durée, comme venant de racines qui s’enfoncent profondément dans le passé et l’épaisseur de l’histoire, et qui de ce fait permet au plus grand nombre d’être membres d’une communauté particulière.

    La culture chrétienne, présente depuis plus d’un millénaire, expliquerait alors une partie du paysage français, ses églises villageoises et ses cathédrales, ses traditions de fêtes et saisons, l’histoire du phénomène laïc,
    une partie de l’inspiration des artistes peintres et sculpteurs, des écrivains, l’histoire de l’éducation publique, des hôtels-Dieux précurseurs des hôpitaux publics, et aussi une partie de la philosophie, de l’anthropologie…

    La culture des traditions ancestrales qui se sont élaborées au travers de l’histoire intègrerait les modes de vie des Bretons, qui diffère de celles des Lorrains, qui ne ressemble pas à celles des Basques, qui n’a rien à voir avec celles des Savoyards…

    La culture de l’intérêt pour les sciences et techniques refléterait nos aptitudes aux découvertes qui doivent avoir une origine ancienne pour arriver à Pasteur, aux réalisations avec Clément Ader…

    La culture républicaine… (on peut continuer !)

    Tout cela permettant de nous retrouver dans une histoire commune, membres d’une même communauté d’histoire et de destin.

    Je me réjouirais qu’un Français de nationalité récente, originaire de Kabylie par exemple, ou un Français des Antilles veuille faire partie ou s’inviter dans ces racines, même si ses ancêtres n’ont pas vécus cette partie d’histoire : Français de plein droit, même avec des ancêtres étrangers, je serais heureux avec lui qu’il se greffe sur cette histoire, s’il le voulait, pour se dire partie prenante de ces racines, sans oublier l’histoire de ses ancêtres. Il serait alors plus complet que moi, qui ne peut revendiquer que ma culture et racines d’un seul pays d’origine.

    Si je vous lis bien, vous comprenez la culture comme ce qui fait partie de l’histoire vivante et récente, ce qui permettrait à deux Parisiens, un descendant d’Auvergnat et un fils de Maghrébin de partager un élément de culture commune que représente la mosquée de Paris, par exemple.
    Des citoyens d’origine plus éloignées (que des Marseillais et des Lillois) pourraient alors partager des références communes.

    Après tout, pourquoi pas ?

  • @Gwynfrid

    Cette insistance à vouloir minimiser une tranche de passé au profit d’une autre me laisse perplexe. Serait-ce que l’histoire des capétiens soit particulièrement moche, pour qu’il faille la reléguer ainsi ?

    Je cherche moins à minimiser le rôle de la chrétienté, dont l’importance est évidente pour tout le monde ici, qu’à soulever des points qui tendent à être enfouis sous une dualité réductrice chrétien/musulman.

    @Vivien

    Evoquer la créolité pour parler de la France serait prophétique? Peut-être bien. Ca décrit probablement une réalité encore un peu marginale. Mais il est clair que dans quelques décennies cette marginalité sera la norme, il ne sert à rien de le nier.

    Faire ce constat n’empêche personne d’être fidèle à ses racines, au contraire. Ca suggère en revanche que la construction d’une société basée sur un système racinaire figé est voué à l’échec. Quand les racines d’un arbre ne poussent plus, l’arbre meurt.

    @Serge

    Arrêter le dialogue? Pourquoi donc? J’ai peut-être l’air de réagir vivement mais ne vous inquiétez pas, c’est normal. La diplomatie n’est pas mon fort.

  • « Nos chères racines chrétiennes, notre chère identité nationale, notre chère France des terroirs et des clochers, celle que l’on aime… aujourd’hui menacée par l’islamisme, le multiculturalisme, les immigrés clandestins, les Roms, les délinquants – parce que, ne nous leurrons pas, la principale lecture à faire des récentes révolutions arabes, c’est qu’une nouvelle invasion d’immigrés se prépare »…

    « C’est bien, Nicolas, excellent travail de pédagogie, maintenant tu peux laisser la place »… dit Marine.

    Dernier avertissement ! Message de ses parents : si le petit Nicolas continue à gratter des allumettes, il va finir par mettre le feu et risque d’être le premier à se brûler…

  • On parle, on parle, et pendant ce temps-là, une mère de famille se voit interdire d’accompagner ses enfants lors d’une sortie scolaire, parce qu’elle est musulmane et que ça se voit. Je propose que nous interdisions la transmission de notre fabuleux héritage chrétien à nos enfants à l’école, parce qu’il est chrétien, et que ça se voit. Interdiction des vacances de Noël ! Interdiction des visites de la cathédrale du Puy !

    Finalement, on voit bien qu’effectivement, il s’agit moins de s’enrichir d’un passé que de s’appauvrir d’un futur possible.

  • La peur de NS d’être troisième au premier tour et de voir Marine Le Pen en finale avec le PS en 2012, je l’évoquais plus haut pour expliquer ce débat sur l’Islam en France.

    Le sondage annoncé ce matin donne malheureusement du crédit à cette hypothèse.

  • @Gatien

    Toujours d’accord avec vous pour affirmer que tout système de valeur doit être près à évoluer.

    Mais, et je dis ça juste parce que ça va vous faire hurler, en « anticipant » les évènements, en utilisant un terme aussi peu neutre que créolisation, vous jouez sur les peurs. Après, quand des allumés croient effectivement que la disparition du cochon de la cantine les fait rentrer dans la dhimmitude, vous récoltez, vous aussi, une partie de ce que avez semé.

    Je le répète, que ça ait lieu demain ou aujourd’hui a son importance. Nous avons tous entendu quelqu’un, après une longue diatribe sur ce monde où tout fout le camp, finir sur un « Enfin ,je ne serais plus là pour voir ça ». Mi résigné, mi rassuré. Mme Michu, je pense qu’elle est plus familière que l’on croit de la notion que les enfants font ce qu’ils veulent de leur héritage. De là à accepter d’être dépouillée de son vivant…

    Ensuite, on se demande pourquoi un évènement inéluctable et naturel aurait besoin d’être encouragé et annoncé. C’est bien que derrière ce discours sur l’inéluctabilité de l’avènement de la Diversité, se cache une certaine vision de celle-ci, que l’on cherche à promouvoir. Une marche forcée vers le progrès, pour « rester compétitif », par exemple. Je ne suis pas sûr que les chantres de la Diversité aiment l’imprévisible beaucoup plus que les identitaires…

    Malgré vos protestations, la Diversité ou la « créolité » comme l’on cherche à nous la vendre s’accommode très bien du déracinement. Une bonne partie de l’identité créole est fondée sur le déracinement, forcé pour l’esclave, volontaire pour le colon. Et on peut se demander pourquoi les Mr Propre de la diversité ont autant le mot « moisi » à la bouche s’ils n’ont pas des envies de bon nettoyage de printemps.

    C’est aussi une grosse arnaque sur la question raciale. Avec la Diversité, on nous promet une société sans races comme les communistes promettaient la société sans classes. Pour dans un petit bout de temps. En attendant, on nous aura rarement autant bassiné avec les races ou les classes…

    Pour résumer, on se demande si , comme d’habitude, l’avènement du monde de demain n’est pas l’occasion de solder quelques contentieux du monde d’hier. Bien moisis ceux-ci, pour le coup.

  • Vivien a écrit : :

    Du reste, plus haut dans votre commentaire, quand vous parlez de l’importance relative du sort des anciens combattants d’Outre-mer, et du règne des capétiens, il me semble que vous confondez notre mémoire et les batailles autour de celle-ci.

    Bonjour,

    Je pense qu’il ne faut pas réduire notre mémoire uniquement aux évènements récents. D’une façon générale, les évènements importants mettent plus de temps à s’effacer de la mémoire, mais je pense qu’ils s’effacent quand même au bout d’un certain temps. On se souviendra certainement plus longtemps des romans de Malraux que du dernier vainqueur de la Star Academy, mais je pense qu’on oubliera un jour aussi les romans de Malraux.

    En l’occurrence, si je suis d’accord pour penser que les deux derniers siècles de l’ancien régime (faisons commencer les choses à Henri IV par exemple) ont encore une influence significative sur notre culture et notre manière d’être, j’ai l’impression qu’il ne reste pas grand chose des capétiens directs dans notre culture actuelle (qui se souvient de Philippe Le bel ?), comme il ne reste pas grand chose de la culture celtique pré-romaine ou que sais je encore.

    Mais peut-être ai-je mal compris votre remarque et englobiez vous dans le terme de capétien aussi les valois et les bourbons ?

  • @Vivien

    Je comprends le risque que vous pointez, je crois. Alors on fait quoi? On laisse certain prétendre qu’être français c’est être chrétien blanc pour être certain de n’effrayer aucun chrétien blanc?

    Je le répète, que ça ait lieu demain ou aujourd’hui a son importance.

    Mais ça a lieu aujourd’hui Vivien, aujourd’hui. Si vous proposez d’appeler ça autrement que « créolisation » je veux bien vous suivre, mais s’il faut faire comme si ça n’existait pas, je ne suis plus.

    Comme dit l’autre, si on fait comme si la réalité n’existait pas, elle nous revient en pleine figure (ou un truc comme ça).

  • @ niamreg:

    La viande de porc dans les cantines scolaires voici une suggestion pour évacuer cette question assez dérisoire.

    L’Etat laïque doit rester neutre et n’a pas à interdire ou à favoriser le respect d’une telle prescription qui relève d’un choix totalement privé.

    Alors je suis favorable à ce que le coût de revient de ce particularisme dans la mesure où il est applicable sans complications excessives soit tout simplement facturé aux demandeurs .

  • @ niamreg:

    Je croyais avoir lu que la justice avait tranché qu’on ne pouvait lui interdire d’accompagner cette sortie, jugement qui me paraît d’ailleurs fort sensé.

  • Après un rapide tour d’horizon d’internet, je ne trouve malheureusement pas trace d’un tel jugement.

  • @Koz: Des racines et des ailes j’adore l’image, mais fait gaffe que Patrick de Carolis t’attaque pas pour plagiat! Sinon encore un article qui touche juste! Racines ne vont pas sans ailes et vis-versa!
    Et identité d’un pays et identité individuelles sont différentes, même si être Français de souche ou pas implique d’accueillir et d’accepter l’héritage historique et culturel de notre pays qui ne nous rends pas prisonnier de cet héritage comme dit dans le discours de Sarkozy…

  • Ce coup-ci, la ficelle était un peu trop grosse. De quoi faire des cordes pour tous les chartreuses de France et de Navarre (permettez-moi cette image). L’avez-vous bien entendu : « la craie-tienne-tait » (au lieu de la cré-tien-thé). Bref, c’est du Guaino. Ecoutez son discours sur la craie-tienne-thé. Effarant. Je n’achèterais pas une voiture d’occasion à ce speakrin.

    Quand on Puy-En-Velay, rarement une ville ne donne autant l’occasion de lever les yeux au ciel.

  • @Gatien

    Désolé d’avoir été insistant sur le terme de créolisation, je n’en fais pas une fixette, c’est juste qu’il me paraissait intéressant à creuser.

    Bon, ben, on est à peu près d’accord sur tout. C’est inévitable, ça arrive aujourd’hui, ça ne veut pas forcément dire la ruine de la France éternelle. On a juste un désaccord mineur sur qu’est-ce que c’est que « ça » :-). Pour moi, rentrée de la France dans la mondialisation, d’accord. Transformation de la France en un nouveau Brésil… Heu, calmons-nous.

    « Alors on fait quoi? On laisse certain prétendre qu’être français c’est être chrétien blanc pour être certain de n’effrayer aucun chrétien blanc? »

    Ben, non. Mais heureusement, personne ou presque ne prétend ça non plus, et surtout pas le président de la République. Manquerait plus que ça.

    @Joyeux Acier

    En fait, ni l’un ni l’autre. J’ai interprété la remarque de Gatien sur les capétiens comme une image signifiant « Le Moyen Age, on s’en fiche un peu ». J’arrivais à la fin d’un commentaire un peu long, et j’ai fait une violente ellipse des capétiens au Moyen-Age en général, d’où les « 1000 ans ». Oups, c’est vrai que ce n’était pas très clair…

  • Koz a écrit : :

    @ Yogui: vous avez lu ça dans le catéchisme de votre arrière-grand-mère ? Faudrait se mettre au goût du jour. Parce que je doute que vous en croisiez beaucoup qui vous affirme cela aujourd’hui. Mais bon, s’il faut acter que les laïcistes ont un siècle de retard dans le débat, je veux bien vous suivre.

    Notez toutefois, Cher Koz, que les anticléricaux et autres laïcards tendance dure d’il y a cent ou cent cinquante ans avaient une toute autre connaissance du christianisme que les actuels.

    Il est, neuf fois sur dix, difficile de qualifier le discours « à notre propos » répandu, contemporain, en vogue pour tout dire, sans user de mots qui pourraient sembler rabaissant si ce n’est injurieux pour l’interlocuteur, tel ignare, spirituellement sec, pétri d’idées reçues, daté etc…
    Ce qui est une difficulté supplémentaire pour ailer, aujourd’hui et demain, nos racines.

    @Joyeux Acier: « une grande partie de l’histoire catholique n’a rien à voir avec l’évangile. Cela a commencé avec les actes des apôtres, et j’ai tendance à penser que c’est encore le cas aujourd’hui sur certains sujets dont nous débattons chez toi. »

    Je ne saurais trop vous conseiller les travaux d’un théologien contemporain, Maurice Bellet, sur la thématique, reprise très fréquemment en littérature et au cinéma, du démon à visage d’ange.

    De façon plus lapidaire:
    « Ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton église ».

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