Eteignez un panneau, sauvez un enfant

Il va faire tout noir et cela n’est pas arrivé en France depuis des temps anciens. Le pays s’interroge sur l’imprévision qui nous y a conduits. On ne fera pas grief à cet exécutif de ne pas avoir directement anticipé la guerre, source la plus immédiate des tensions énergétiques, mais les choix de l’« Etat-stratège » interrogent lourdement sur ses capacités. Songez qu’en mars 2019, alliant la grâce et la fermeté à un cruel manque de vision, Brune Poirson annonçait encore que « l’objectif [était] de fermer 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035 ». Et voilà que, fermée en mars, la centrale à charbon de Saint-Avold a réouvert en novembre. Beau résultat. Bien sûr, au pied du mur, la France, qui connaît ses classiques, ne devrait pas « abdiquer l’honneur d’être une cible » (acte 4, scène 4) face à une Russie qui mène une guerre sans honneur, mais si gouverner, c’est prévoir et faute d’y être donc parvenu dans le passé, il faudrait s’atteler à bien gouverner aujourd’hui.

Or c’est le front social qui risque de se plisser. Car le ministre Pap Ndiaye vient d’annoncer qu’il n’y aurait pas école le matin en cas de délestages. La verticalité brute de cette décision, dans le style le plus académique, contraste avec les atermoiements du pouvoir sur un point symbolique : l’extinction des panneaux publicitaires. Le gouvernement l’a décidée, par un décret du 5 octobre 2022. Sauf dans les aéroports. Et sauf dans les gares. Et seulement la nuit. Entre 1h et 6h du matin.

Les enseignants et les parents, déjà contraints de s’organiser dans la précipitation pour la garde de leurs enfants, pourraient concevoir des idées sombres face aux panneaux lumineux dont chaque exemplaire consomme autant que leur propre ménage. On les comprendrait, tant la collision de ces deux décisions laisse penser que l’on sacrifie moins facilement l’activisme économique immédiat que l’éducation de nos enfants, l’avenir de ce pays. Quand on pense, pour faire bonne mesure, que les délestages concerneront moins la région parisienne, avec ses panneaux par milliers et ses enfants scolarisés, alors ce sont « les oubliés, les trop loin de Paris » (que chante Gauvain Sers) qui entreront dans la danse, leurs enfants sur les bras.

Photo de Joel Lee sur Unsplash

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