Pleurer la lumière

Dans une rue de Téhéran, une mère joint ses mains, tord ses bras et hurle sa peine. Quel âge a-t-elle ? 45 ans, peut-être 50. Le régime iranien l’a appelé pour l’informer : on a assassiné son fils, Mohsen Shekari. On dit « exécuté » lorsque c’est un Etat qui commet ce crime. Maintenons « assassiné ». Un autre manifestant, jeune homme athlétique de 23 ans, Majidreza Rahnavard, l’a été aussi. Pendu en public le 12 décembre. S’ils étaient sincères, les juges qui osent condamner un homme à mort pour « inimitié à l’égard de Dieu », confondant celui-ci et leur propre régime, devraient craindre son jugement pour leur propre blasphème. Leur cruauté, au nom de la religion, achèvera d’en éloigner la jeunesse d’Iran. Les derniers mots de de Majidreza Rahnavard, prononcé face caméra, les yeux bandés, tenus par ses bourreaux en témoignent, pour les siens et pour l’Histoire : « Ne pleurez pas, ne priez pas, ne lisez pas le Coran, jouez de la musique joyeuse ».

En Ukraine, les semaines passent et les crimes de guerre s’additionnent. L’armée russe torture les hommes, viole les femmes, enlève les enfants, détruit le patrimoine culturel et historique du pays, rase ses infrastructures, cible les immeubles d’habitation, dans un déchaînement de brutalité indigne. Défait sur le terrain, le régime de Poutine écrase les villes d’Ukraine sous les missiles, tentant de terroriser la population. Ses hommes glorifiant leur virilité étalent leur bestialité, et noient leur propre peuple sous une honte durable. Ceux qui gardent un sens de l’honneur ne peuvent que réserver leur mépris à l’armée russe.

Mais nos mots, ces mots, sont insignifiants. Pâles, plats, inutiles, incapables d’approcher le désespoir d’une mère, la désolation d’un pays. Lâchés dans le monde, frappés d’impuissance, sans savoir si nous les posons pour eux ou les disons pour nous parce qu’il y a, bien en-deçà, de la douleur à voir les ténèbres ensevelir des peuples sans rien y pouvoir. Si l’on ose malgré tout des paroles dérisoires, c’est pour que le silence meurtri ne passe pas pour de l’indifférence. Alors on joint sa voix à la plainte des peuples, on pleure comme pleura le pape pour l’Ukraine, et pour ces peuples martyrisés, Arméniens, Biélorusses, pour les plus proches, que l’on mentionne moins. On laisse aujourd’hui filtrer ces mots dans notre obscurité, en tournant notre regard vers Celui qui doit venir, le Prince de la Paix, pour que la lumière renaisse, ou qu’on la pleure ensemble.

Chronique du 20 Décembre 2022

Photo de Artin Bakhan sur Unsplash

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2 commentaires

  • Vous êtes sérieux sur la Russie ? L’Europe appelle à la guerre et ce sont les russes qui violent et tuent , sont les seuls vilains alors que l’Ukraine ni l’Europe n’ont respectés les accords de Minsk et tuent sa population de puis 2014 ?? Ouaouh…..Je vous appréciais mais là franchement , ça me rend triste.

    • J’ai un avantage sur vous : je ne vous connaissais pas, ce qui ne m’a pas permis de vous apprécier, ni d’être déçu. Maintenant, il serait temps de cesser de répéter en boucle la doxa poutinienne, relayée par la droite extrême française. En quelques lignes, vous parvenez à aligner les inepties. L’Europe appelle à la guerre ? Il m’a semblé que c’est bien la Russie qui a envahi un pays voisin, et ses destructions et crime de guerre s’alignent sous nos yeux. « Ce sont les russes qui violent et tuent » ? Oui, c’est un fait. Quant au Donbass, l’Ukraine y fait face à un pseudo-séparatisme, mené par les « petits hommes verts » russes. La guerre est moche, c’est certain, mais cela ne peut pas conduire à mélanger et ignorer les responsabilités.

      Pour le reste, je vous concerne cet article de Laure Mandeville sur les coupables aveuglements français, qui nous mettent aujourd’hui en péril.

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