Qu’attendons-nous des politiques ?

C’est pour une rencontre avec une personne politique. On me dit : « il faudra que vous disiez un peu ce que vous attendez d’un politique ». Et il faudra le dire vite, parce qu’il y en aura d’autres. Un propos bref et structuré. Bref et structuré, alors que je pourrais recenser tant de réponses ? Et tant de réponses auxquelles j’adhère successivement ?

Cynique et désabusée ? « Plus rien, non, je n’en attends plus rien ». Je n’y crois pas, je n’y crois plus, je suis perdu. De l’imposteur à l’impuissant, je n’attends plus des politiques qu’ils changent la vie. Je ne crois plus qu’ils aient de prise sur le monde. Ils sont l’illustration de ce mot de Cocteau : « puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs », et s’abîment dans cette course d’apparence.

Idéaliste et enthousiaste ? J’attends d’eux qu’ils incarnent un intérêt supérieur, un bien commun, des convictions assumées, qu’ils assument un projet clair pour la France.

Je rêve de la seconde, en craignant que la première ne soit la bonne.

Et comment répondre sans dresser un portrait en creux ? Sous les deuxièmes septennats de Francois Mitterrand et de Jacques Chirac, combien étions-nous à appeler un président actif, qui réforme et assume directement le poids des décisions ? Et pourtant combien sommes-nous à affirmer aujourd’hui attendre de Nicolas Sarkozy qu’il « endosse le costume de président », prenne de la hauteur, qu’il modère son hyperactivité législative ? Peut-être avons-nous eu effectivement raison, chaque fois mais serons-nous fidèles demain au portrait dressé aujourd’hui ?

Quant aux Français – si l’on accepte la fiction de sondés véritablement représentatifs – l’évolution est dramatique. Le « vainqueur » de la dernière vague du baromètre de la confiance politique du CEVIPOF ne sera pas celui auquel les Français font le plus confiance mais celui dont ils se défient le moins[1]. Et les évolutions, indicateur plus révélateur, sont terribles. Elle fait des bonds, la défiance, et elle touche tout le monde, en ce compris, et même au premier chef, les maires alors qu’on aurait pu penser que leur champ d’action local, direct et concret, leur proximité des électeurs, pouvaient les exonérer de ce mouvement de défiance. Loin de cela, ils prennent collectivement 13 points de défiance dans la vue.

Et il n’y a pas que les maires, ni que les politiques : la défiance est tendance. Même dotée d’un score plébiscitaire (91%), la confiance en sa propre famille perd 4 points. Envers nos connaissances ? -5. Les étrangers ? -8. Et tiens, le sentiment que « la plupart des gens cherchent à tirer profit de » nous prend 12 points.

Est-ce le signe que les Français n’attendent plus rien des politiques ? Ou plutôt qu’ils en attendaient trop ? Pour que cette dernière interprétation soit valable, encore faudrait-il que les Français aient une bonne raison de se montrer désillusionnés cette année par rapport à l’an passé. Il semble en tout cas peu raisonnable d’attendre quelque chose des politiques quand l’opinion commune est si défiante.

Mais on sait aussi que les Français aiment le paradoxe. Majoritairement défiants, ils attendent tout aussi avidement l’homme providentiel, De Gaulle, Clémenceau, ou Bonaparte. La défiance est aussi à la fois la mesure de l’écart ressenti entre ces figures tutélaires et celles qui occupent l’espace actuel, et la marque d’une exigence.

*

Alors, qu’attendre ? Il ne peut être question de prétendre à l’exhaustivité mais on peut essayer de jeter quelques pistes, poser quelques jalons.

Aujourd’hui, et au vu de ce qui précède, on peut attendre d’un politique qu’il remédie autant que faire se peut à ce que Pascal Périneau a appelé l' »hétérophobie », la peur de l’autre. Outre les débats importuns et inopportuns, celle-ci peut trouver sa racine dans la conscience explicite ou diffuse de grandes mutations et l’absence de maîtrise, comme de visibilité, de ces mutations.

Ceci peut rejoindre à la fois une attente de fond et de forme : depuis le temps qu’on évoque la mondialisation, les Français ignorent toujours la place qu’ils peuvent y prendre. Aucune orientation stratégique ne se dessine. Il manque un rôle à la France, un cap. Et si l’on a affirmé que « la mondialisation peut être une chance », ce fut pour donner ensuite le sentiment de quelques colmatages furieux et épars.

A cet égard comme à d’autres, on peut attendre d’un politique qu’il assume et imprime une vision, un projet.

C’est l’une des qualités précises que j’attends d’un politique : avoir une colonne vertébrale personnelle suffisamment solide pour lui permettre d’élaborer et de proposer une perspective. On se soucie beaucoup de la progression du Front National et de Marine Le Pen mais ne faut-il pas relever qu’ils proposent une vision cohérente et un programme identifié, de sorte qu’ils peuvent offrir une image de stabilité et de conviction ? A l’inverse, qui peut identifier le projet du Parti Socialiste ? Celui de l’UMP ? Peut-il seulement y avoir un projet, dans ces partis qui ressemblent de plus en  plus à des coalitions électorales hétéroclites ?

Lisibilité et constance, voilà déjà deux attentes identifiées.

Ajoutons-y l’exigence.

Dominique Reynié l’évoquait l’été dernier : les Français attendent que les politiques affrontent l’anxiété, ce qui est bien différent d’agiter les peurs. En ce qui me concerne, je goûte une certaine exigence. Et je me plais à penser que l’on peut aussi bien gagner avec cette exigence qu’avec le populisme et la navigation sondagière.

Les hommes providentiels, à l’image des susnommés, n’ont jamais été de ceux qui brossaient un tableau facile. Est-ce parce qu’il s’agissait d’une autre époque ? Alors autre temps, autres moeurs ? Pas si sûr. Dans la campagne de Nicolas Sarkozy, on pouvait relever une exigence de vérité. C’était le couple « la France peut supporter la vérité »[2] et du « travailler plus pour gagner plus », qui promettait certes de gagner plus mais, avec le « travailler plus », n’était pas si loin du « sang et des larmes ». Bref, on peut réussir par le populisme, mais on peut aussi réussir dans l’exigence. Sans prendre les Français pour des billes. Si cela peut aider à choisir, notons que l’on peut aussi se planter avec le populisme, et ainsi ajouter l’indignité à l’échec. C’est une autre paraphrase malhabile, mais on peut dire aussi que ceux qui visent le succès au prix du déshonneur risquent l’échec dans le déshonneur.

Tout est peut-être question d’horizon : vise-t-on un succès à brève échéance, au risque de l’éphémère ?

Sur le fond, j’attends également d’un politique qu’il fasse vivre la communauté humaine qui lui est confiée. Cela recoupe nécessairement  d’autres qualités énoncées plus haut : on ne peut être mobilisateur que si l’on donne un cap clair.

Cela passe certainement aussi par la considération, la reconnaissance. L’homme ne vit pas seulement de pain, il ne fonctionne pas qu’au pouvoir d’achat, mais aussi à la reconnaissance. Reconnaissance du rôle joué par chacun dans la communauté, reconnaissance de l’implication de tous dans un destin commun.

Dans cette lignée, j’attends également des politiques qu’ils s’inspirent d’un humanisme bien compris. Je ne professerais certes pas que « l’Homme est la mesure de toute chose » mais lorsque le choix se présente et tant qu’il est possible, entre l’être et l’avoir, privilégier l’être, entre la rentabilité économique et la richesse humaine, choisir l’humain.

Enfin, dans l’application de ces principes, j’attends d’un politique qu’il professe des convictions… les plus proches des miennes !

credit photo : le petit café
  1. à ce jeu, toutefois, DSK se démarque nettement : il est le seul à atteindre 50%. En revanche, 76% des Français ne font pas confiance à Ségolène Royal, 56% disant ne lui avoir jamais fait confiance, 61% des Français ne font pas confiance à Martine Aubry, 52% ne lui ayant jamais fait confiance, et 59% pour Eva Joly []
  2. pour mémoire []

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38 commentaires

  • Je suis un vieux libéral radoteur, mais ce que j’attends d’un « politique » n’est nécessairement pas la même chose quand la chose publique au sens large dépense 58 % du PNB, France 2010, et quand la même chose publique en représente moins de 30 %, France circa 1958.

    À 58 %, qu’en attendre, sinon « tout ». Et donc, il ne peut que décevoir.

    Moi, j’aimerais bien pouvoir en attendre « moins ».

  • Il serait intéressant de creuser cette notion de défiance : les Français se défient-ils du personnel politique qui les représente ou du système politique représentatif qui régit notre démocratie ? Les deux ne s’excluent pas, mais l’un est plus profond que l’autre, me semble-t-il, et annonce plus sûrement une crise de régime.

    Si on ajoute la défiance généralisée des Français pour notre système économique – le capitalisme – on peut penser que les Français, qui ont méthodiquement annihilé tout corps intermédiaire entre le citoyen et la République d’une part, et le consommateur et le « marché » d’autre part, se sentent bien seuls…

    En tous cas, ton billet ouvre de belles perspectives de commentaires et de billets (au moins par chez moi ;)).

  • @ Aristote
    Je vous rejoins.
    Mais comme je dis toujours : ventripotent ne veut pas dire omnipotent. L’Etat pourrait faire non seulement mieux, mais aussi probablement plus avec moins…

  • C’est évident, Aristote, que ce que l’on attend d’un politique est bien différent en fonction de son propre rapport à l’Etat. J’étais frappé de constater deux faits récents (qui se rejoignent) : le fait que le coût des soins palliatifs puisse être une donnée du débat (pas forcément si scandaleuse) et l’abandon assumé des dossiers de suivi pénal par manque de moyens. Lorsque l’on est l’un des pays les plus riches du monde, et l’un des Etats les plus dépensiers, il semble que l’essentiel n’est pas assuré.

    Je ne me suis pas vraiment situé sur ce plan, parce qu’une question comme celle-ci appelle bien plus qu’un billet, déjà long. Mais elle se pose.

    @ Henry le Barde: je ne réponds pas, mais j’ajoute un complément. Une jeune et brillante journaliste politique m’expliquait, au titre de ce baromètre, que les Français ne rejettent pas tant que cela l’institution. De ce fait, alors que l’on se réfugiait beaucoup dans l’abstention auparavant, les Français défiant semblent bien vouloir voter. Ce qui laisse du champ aux extrêmes.

  • Sur une autre ligne, il me semble que ce que nous reprochons à nos hommes politiques, c’est de nous ressembler.

    Les hommes politiques, ils sont sur leur trip. Quand NS définit sa position comme « j’ai un boulot super et une jolie femme » il adopte une vision consumériste, mon, mon, mon,…de la position présidentielle. Et il n’est pas le seul homme politique à vivre ainsi sa carrière politique, comme tant de français vivent leur carrière professionnelle, pour ne pas parler de leur vie. L’important pour lui, l’important pour nous c’est de s’éclater. Nous, bien sûr pas tous les Français, mais c’est quand même l’air du temps.

    Les électeurs demandent aux hommes politiques une vertu qu’ils n’exigent pas d’eux-mêmes. Enfin, demandent…Pas vraiment, ils réélisent assez souvent les condamnés pour corruption, ils ne sont sans doute pas si dupes. Mais le temps d’un sondage, de l’excitation d’une élection majeure, cela fait du bien d’exiger de l’autre qu’il se préoccupe de l’intérêt général, parfois compris comme la politique qui m’est favorable !

  • Sur l’illustration, j’aurais mis plutôt comme slogan (conceptuel):

    «Politiciens partout, politique nulle part».

    Je trouve que ça résume mieux le propos du billet.

  • Aristote a écrit : :

    Les électeurs demandent aux hommes politiques une vertu qu’ils n’exigent pas d’eux-mêmes.

    C’est tout à fait vrai…

    Il me semble que cette demande est, par ailleurs, justifiée par le pouvoir que l’électeur accorde à l’homme politique. Donner, par le biais de l’élection, une partie de son potentiel de décision parce qu’on estime ne pas avoir une vue d’ensemble suffisante ou qu’une fédération de moyens sera plus efficace que des investissements épars implique déjà une certaine humilité de l’électeur qui se dépossède (plus ou moins volontairement). Cela crée un déséquilibre entre le citoyen et l’homme politique.
    Il me semble donc que, en retour, on est en droit d’attendre de l’élu une abnégation proportionnelle à l’ensemble de ces petits actes d’abandon.

  • Libéral ? Surtout pas qu’ils changent la vie ou le monde. Surtout pas qu’ils incarnent un projet clair pour la France. Surtout pas qu’ils « fassent vivre la communauté humaine qui leur est confiée », car elle ne leur est pas confiée. Non, qu’ils sortent l’Etat de toutes ces fadaises et le recentrent sur ses fonctions régaliennes : police, justice, armée et diplomatie, concurrence . Fonctions qui rendent nécessaire un Etat, mais que le nôtre n’assume pas, ou très mal. Fonctions qui reçoivent ensemble 3% du PIB quand la dépense publique totale s’élève à bientôt 60%.

    Et si on veut intégrer une autre fonction régalienne, la redistribution, pourquoi pas? Mais faisons-le vraiment. Avec un dispositif unique, universel, homogène, transparent, simple, donc juste et efficace. Assorti d’une interdiction constitutionnelle pour tout organisme public de distribuer des fonds publics, afin d’empêcher la renaissance de l’hydre.

    Et fuck à tous les groupes de pression, banques, entreprises, syndicats, corporations, collectifs divers oscillant entre pleurnicherie victimaire et chantage pur et simple.

    Pas mal d’exigence aussi, donc.

  • La politique est un métier; y excellent ceux qui ont compris cela.
    Evidemment, des idéalistes existent parfois; mais ils sont généralement tôt éliminés.

    Cette brève introduction ne peut pas me rendre sympathique.
    Alors, pour faire bref, je fus de ces idéalistes engagés dans les 70s (rentré au bercail dans les 90s) et j’ai connu de près nombre d’entre eux – plutôt dans un camp – et jugé les ambitions (Quel discours pour séduire d’abord les camarades, puis les électeurs !).
    La période actuelle n’est pas favorable aux ambitions courageuses (tout le monde pense qu’on va dans le mur !) mais ça ne limite pas les ambitions :

    1. le prolétariat n’a pas la culture « révolutionnaire »
    2. la classe moyenne découvre le déclin mais reste jouisseuse;
    3. l’hyper class n’est pas nationale …

    Alors qui représente qui ?
    le PCF pourrait – c’est la condition de sa survie – passer au drapeau vert.
    l’UMPS (pour parler comme Marine) navigue au gré des sondages (écoutez-les, c’est délicieux)
    Restent quelques zombies : Chevènement (je voterai pour lui si …) et la droite populiste (FN)

    Vos impôts (50 MM€) paient à peine les intérêts de la dette.

    Pardon pour cette intrusion.

  • @ Philarête: j’ai changé l’illustration. En fin de compte, je la trouvais laide, et je ne veux pas que mon propos soit connoté si négativement. Il est vrai que l’on a du mal à voir qui correspond au portrait que je dresse. C’est peut-être aussi le rôle d’un « idéal ».

    @ Lib: je te rejoins sur une chose, que j’ai esquissée dans mon billet. Il est préoccupant de voir le niveau d’intervention publique, le niveau de la dette, et comme des missions essentielles d’un Etat ne sont pas correctement remplies. A cet égard, en effet, ce qui me vient à l’esprit à l’évocation des exemples que j’ai cités, c’est bien que l’Etat doit se recentrer.

    En revanche, oui, on peut être libéral… Mais je me permettrais d’observer qu’à ma connaissance cela ne correspond à aucune réalité. Aucun exemple d’Etat fonctionnant selon les principes que tu indiques. Aucun pays dont les citoyens ne voient en leurs élus et, en particulier, leur chef d’Etat ou de gouvernement, de simples gestionnaires de fonds publics chargés d’attribuer une fois par an les bons crédits aux services concernés. Bref, un système à peu près aussi réel que l’avènement du communisme véritable, sans cesse repoussé. Pendant ce temps, il me semble utile de s’occuper du réel.

    Quand je parle d’une « communauté humaine qui lui est confiée », le propos est peut-être maladroit. Je n’entends pas par là évoquer un lien similaire à celui d’un père et de sa famille… ou d’un curé et de ses ouailles. Mais d’un maire et des habitants de sa ville, d’un président et des citoyens français. Ils forment bel et bien une communauté humaine, c’est-à-dire autre chose qu’un agrégat d’individus. Ils partagent de fait un destin commun. Et, de fait, nombre de questions doivent être traitées au niveau national.

  • Nous sommes devenus réalistes et n’attendons pas beaucoup des hommes politiques.

    Non pas qu’ils soient devenus incompétents mais simplement parce que nous avons compris que dans un monde globabilisé la marge de manœuvre d’un petit pays endetté et vieillissant est très étroite.

    Alors j’attends que nos politiques soient force de proposition pour améliorer la marche du monde et qu’ils gèrent avec transparence réalisme et équité les pénuries qui nous gagne.

    Qu’ils agissent aussi pour entretenir et insuffler des valeurs à tous les niveaux de notre société.

  • Bonsoir Koz,

    j’attends des politiques qu’à l’image des médecins, d’abord, ils ne nuisent pas. Cela veut dire en particulier éviter autant que possible de restreindre la liberté des individus, et éviter tout gaspillage des deniers publics. Je prie le(s) dieu(x) tous les jours pour que la campagne de 2012 évite toute idée démagogique (les 32 heures ou que sais-je ?).

    J’attends aussi de l’Etat (et des autres collectivités) qu’il recentre mieux ses activités: sur le régalien évidemment, quitte là aussi à simplifier quand cela est possible (avons nous besoin de 3 modèles d’avion de chasse différents en Europe ?). Toutefois, il faut être aussi honnête: si l’état a quelques dépenses purement scandaleuses (initiatives culturelles douteuses, logement du président du sénat…), le vif du sujet concerne des sujets lourds, comme la santé, l’éducation, pour lesquels il n’existe pas de solution facile.

    J’attends également de l’Etat qu’il passe d’une logique de moyens à une logique d’objectifs. Cela veut dire, autant que possible, définir des règles simples et laisser les gens se débrouiller, plutôt que de créer des structures complexes: par exemple, la taxe carbone, c’est mieux que de faire des lois compliqués pour subventionner les panneaux solaires.

    J’attend enfin de l’Etat qu’il ne favorise pas ses propres troupes, et celles du secteur protégé parapublic (santé, justice, police, armée), par rapport au secteur privé plus soumis aux aléas de la concurrence mondiale.

  • Pourquoi nous raconte-t-on à longueur de journée que le pouvoir en place ne vaut pas tripette ? Venant d’un camp qui n’a pas brillé par sa volonté de faire avancer les dossiers lorsqu’il était aux commandes ,on rève. Je suis chaque jour surpris ,et pourtant j’en ai vu d’autres, de l’entreprise quotidienne de démolition orchestrée par des personnes qui ne soucient pas de savoir si c’est bon pour la France, mais si cela peut affaiblir le pouvoir en place. Je serais par exemple interressé de réunir en boucle les multiples démissions de ministres que réclame régulierement et sans se lasser mr Ayrault.Ce qui me navre c’est qu’à la lecture des sondages il apparait que ce torpillage en règle ne lasse pas les français.
    Il est frappant de voir qu’un gvt qui entreprend des réformes sans cesse ajournées par les prédecesseurs
    ne soit pas jugé plus « sympathique » qu’un président en retraite qui n’a pas brillé par son courage réformiste , cherchez la manip.

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  • BrunoK a écrit : :

    J’ai lu quelque part :  » la tâche la plus importante pour un politicien est de se faire réélire » !

    C’est parfaitement exact. Nous, « simples citoyens », n’avons malheureusement plus vraiment notre mot à dire sur les « politiques » et leurs « politiques », depuis que l’élection a été adoptée comme mode de désignation de nos gouvernants. L’élection possède deux facettes opposées. D’un côté elle permet une légitimité incontestable de l’élu, car il a été choisi par la majorité du corps électoral, et se trouve ainsi investi en tant que représentant – non pas de chacun de nous mais de la « Nation ». Mais d’un autre côté, cette légitimité est difficilement attaquable en dehors des échéances électorales. Tout l’enjeu pour un homme politique est là: parvenir à se faire élire puis réélire, même si cela équivaut à faire des promesses qui ne seront jamais tenues, pourvu que le vrai test soit franchi avec succès.

    Je n’attends donc pas grand chose des politiques. En l’absence d’un véritable moyen de pression et de contrôle pendant la durée des mandats, cela semble difficile.

  • Etienne a écrit : :

    En l’absence d’un véritable moyen de pression et de contrôle pendant la durée des mandats, cela semble difficile.

    D’autant plus absent que la Constitution de 58 stipule que : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. »

  • Je n’attends pas des politiques qu’ils défendent les idées qui ont ma préférence. Bien entendu, je voterai sans doute pour ceux qui en sont le plus proches. Mais je considère indispensable le rôle de ceux dont les idées sont différentes, voire radicalement opposées aux miennes, et à ce titre j’ai des attentes à leur égard aussi.

    D’abord et avant tout, j’attends de tous les politiques qu’ils respectent scrupuleusement la loi fondamentale de la nation : la Constitution, ce petit bout de papier dont la vertu première est de fixer les limites de leurs pouvoirs. Ce document, qui nous sépare des pays où un clan familial peut concentrer entre ses mains pouvoirs et richesses par des moyens plus ou moins brutaux, peut être l’objet de critiques et de réformes – mais pas de tricheries.

    Ensuite, j’attends d’eux qu’ils proposent, débattent, négocient, et mettent en oeuvre des solutions pratiques pour le bien commun du pays qui les élit. J’attends d’eux qu’ils soient capables d’expliquer leurs propositions avec un minimum de clarté et d’honnêteté intellectuelle. Enfin, une fois au pouvoir, j’attends qu’ils appliquent les propositions ainsi élues (y compris celles auxquelles je suis opposé) avec compétence et réalisme, tout en évitant les multiples tentations de profit personnel au détriment de l’intérêt collectif.

    On pourrait penser que ces exigences sont bien minimales, mais malheureusement, l’expérience tend à montrer qu’elles sont plutôt idéalistes…

  • Koz a écrit : :

    Lib, à titre d’exemple et même si ce n’est qu’un film, je finis Invictus. Tu l’as vu ?

    Koz,

    incontestablement, l’épopée de Mandela est grandiose, et l’homme est incontestablement le type de visionnaire que tu appelles de tes voeux (Au passage, l’histoire est d’ailleurs à mon avis beaucoup mieux rendue dans ses mémoires, parmi les meilleures qu’il m’ait été donné de lire, avec peut-être celles de de Gaulle. Je te les conseille vraiment).

    Il faut cependant voir le film de l’Afrique du Sud après la fin d’Invictus, et la victoire à la coupe du monde de rugby. Les prémices inquiétants d’un très probable et lent déclin de l’Afrique du Sud se multiplient. Parce que, pour son extraordinaire clairvoyance dans le domaine racial, l’ANC de Mandela a sans doute oublié de constituer une vraie démocratie (avec une vraie opposition), et elle n’a pas forcément posée les bases d’une économie sérieuse. L’Afrique du Sud est un bel exemple de pays en voie de développement avec une réglementation trop complexe. Je devrais aussi mentionner la violence qui n’aide pas au développement économique.

    Bref, tout cela laisse un goût amer dans la bouche, et me conforte dans le fait que la vision, c’est bien, mais s’occuper correctement de la « plomberie » de l’état, c’est encore plus important.

    • Parce que vous êtes donc, aussi, spécialiste de l’Afrique du Sud. Vous connaissez l’état du pays avant l’arrivée de Mandela, vous connaissez ses actions et ses réformes et vous êtes en mesure de juger ? C’est épatant.

      Mandela n’a été président que 5 ans, son mandat s’est achevé il y a bientôt 12 ans. Vouloir lui imputer une lente dégradation de l’économie est surtout une façon de forcer les faits à rentrer dans vos cases.

      La question raciale était évidemment incontournable en Afrique du Sud et, puisqu’il faut nécessairement juger de l’action d’un politique du bout de la lorgnette économique, certainement pas sans conséquences économiques. Mandela ne l’a pas réglée, c’est une évidence, mais il suffit de comparer l’Afrique du Sud au Zimbabwe pour imaginer ce que cela aurait pu être, de surcroit après des décennies d’humiliation et de violences.

      L’Afrique du Sud aurait pu sombrer dans les règlements de compte, dans la chasse aux Blancs, ce qui n’a pas été le cas, en très grande partie grâce à lui.

      Cela dit, vu avec la lorgnette économique, le régime raciste de l’apartheid avait peut-être de meilleures performances. Incontestablement, vous m’incitez à revoir mes critères.

  • @ Koz

    Je ne veux rien enlever à Mandela. Mais si je reprends le « modèle » de Lib, réduisant l’État à ses fonctions régaliennes et proposant, pour gérer une redistribution qui n’est pas rejetée par principe par les libéraux, un système focalisé sur les seuls flux financiers de redistribution, le même pour tous et transparent dans son fonctionnement, je ne vois pas en quoi un Mandela aurait été empêché de faire ce qu’il a fait s’il avait été Président d’un État régalien à la Lib.

    Et je ne pense pas qu’il faille comprendre l’action de Mandela comme « the pursuit of happiness » en lieu et place des citoyens d’Afrique du Sud. Il a cherché à mettre en place les conditions d’existence d’une communauté politique, ce qui est effectivement une, sinon la responsabilité, du politique.

  • Lib a écrit, avec peut-être une once d’agacement, compréhensible car ça arrive à d’autres :

    Surtout pas qu’ils changent la vie ou le monde. Surtout pas qu’ils incarnent un projet clair pour la France. Surtout pas qu’ils « fassent vivre la communauté humaine qui leur est confiée », car elle ne leur est pas confiée

    Appliqué à l’Afrique du Sud, cela laisse peu de chances de « mettre en place les conditions d’existence d’une communauté politique ».

    Je ne suis pas, non plus, partisan d’un État qui cherche à nous imposer les conditions de notre bonheur.

  • Koz a écrit : :

    Mandela n’a été président que 5 ans, son mandat s’est achevé il y a bientôt 12 ans. Vouloir lui imputer une lente dégradation de l’économie est surtout une façon de forcer les faits à rentrer dans vos cases… Cela dit, vu avec la lorgnette économique, le régime raciste de l’apartheid avait peut-être de meilleures performances. Incontestablement, vous m’incitez à revoir mes critères.

    Bonsoir Koz,

    le régime de l’Appartheid avait d’énormes défauts, et je n’ai pas mentionné une seule fois que je le regrettais. Je pense du reste, comme dit ci-dessus, que l’ANC et Mandela ont plutôt bien travaillé dans le domaine de la réconciliation raciale: c’est mieux effectivement qu’au Zimbabwe, ce qui n’est au passage pas très rassurant en soi. Le problème, c’est qu’avec la sécurité qui se dégrade, et les vexations économiques, il y a un lent exode des sud-africains d’origine européenne qui rappelle un peu celui des communautés chrétiennes du proche-orient (les afrikaans sont victimes d’une violence criminelle plutôt que d’une violence sectaire, mais le résultat est à peu près le même).

    Pour le reste, je pense que l’ANC a commis deux erreurs, toutes deux à ma connaissance encouragées par N Mandela: la première de tout faire pour empêcher le pluralisme politique parmi la population noire (notamment en combattant je crois l’organisation zoulou « Inkata »), ce qui explique à mon avis la lente mais perceptible dégradation des institutions démocratiques, avec un seul parti au pouvoir.

    La deuxième erreur est à mon avis de n’avoir pas pris toutes les mesures économiques nécessaires pour donner du travail à une population largement sous-employée. L’Afrique du Sud a certes des mines très riches, mais cela cache mal la médiocrité du reste de l’économie sud-africaine. Pourtant, avec l’infrastructure décente héritée du régime précédent, il était sans doute possible de faire beaucoup mieux. Pour cela, il aurait fallu insister sur l’ordre, faire mieux dans le domaine de l’éducation, et laisser plus de liberté aux entreprises. Certes, la performance de l’Afrique du Sud n’est pas catastrophique, mais, on a l’impression d’une nette perte de vitesse. Mieux que le Zimbabwe, certes, mais encore loin de la Malaisie, un autre pays qui a un problème racial (minorité d’immigrés chinois riches).

  • Ma première réaction a été de constater que ce que j’attends d’un politique, c’est qu’il s’en aille. Troublé par le côté antiparlementariste de ma réaction, j’ai d’abord noté sa proximité avec celle de Lib. Et certes, nous partageons une volonté de diminution du pouvoir de l’état, antinomique de la liberté individuelle. Mais Lib défend l’idée que cette diminution du pouvoir de l’état doit se faire par une diminution de son champ d’intervention. Malheureusement, nous constatons qu’une telle approche ne peut que transférer le pouvoir vers les puissants (c’est-à-dire, dans le monde actuel, les riches), sans augmenter la liberté individuelle de la majorité des gens. Mon côté plus anarchiste que libéral me fait dire qu’il faut s’attaquer au pouvoir en lui-même, en organisant des contre pouvoirs sans diminuer le champ d’intervention étatique. Ceci implique de repenser la démocratie. Il m’est alors rapidement apparu que « un politique » ne devrait pas exister, en tous cas au sens de professionnel de la politique à tous les niveaux. Je suis donc favorable, plutôt qu’à une diminution du champ d’intervention de l’état, à une limitation du pouvoir des politiques. Mon « qu’il s’en aille » recouvre donc le souhait de la mise en place d’un système politique obligeant au renouvellement des politiques (non renouvellement des mandats, par exemple), permettant l’entrée en politique de ceux qui n’ont aucun titre pour cela, c’est-à-dire la démocratie.

  • @ niamreg

    Dans la Grèce antique, certaines « élections » se faisaient par tirage au sort.

    Une proposition baroque :

    Aux élections présidentielles, ne peuvent se présenter que des « trios », des groupes de trois personnes. L’électeur vote pour un groupe. Un tirage au sort désigne celui qui parmi les trois devient Président. les deux autres bénéficient d’une pension confortable, mais sont interdits de mandats nationaux pendant la durée du mandat présidentiel.

    Ne pourraient en pratique concourir que les mouvements politiques capables de présenter trois candidats à peu près crédibles et un projet qui ne se résume pas à une personnalité médiatisée. L’heureux élu par le sort ne pourrait pas trop se prendre la tête, sauf à interpréter la faveur du sort comme un signe d’élection divine..

    Bon, faut pas rêver…

  • Koz a écrit : :

    En revanche, oui, on peut être libéral… Mais je me permettrais d’observer qu’à ma connaissance cela ne correspond à aucune réalité. Aucun exemple d’Etat fonctionnant selon les principes que tu indiques.

    La perfection n’existe pas dans ce bas monde. Mais il y a plusieurs pays qui sont beaucoup plus proches que nous de ce modèle : Nouvelle-Zélande, Australie, Canada, République Tchèque… Je milite pour qu’on tende dans cette direction… dans la réalité.

    De même, à ma connaissance, le royaume des cieux n’est instauré nulle part sur cette terre; cela n’empêche pas les catholiques d’oeuvrer pour qu’on s’en rapproche, dans ce monde-ci. (et toc!)

    Mon sentiment est que l’Etat en général et les politiques en particulier doivent être soumis au contrôle strict des citoyens. Frédéric Bastiat écrivait il y a 150 ans : « L’État aussi est soumis à la loi malthusienne. Il tend à dépasser le niveau de ses moyens d’existence, il grossit en proportion de ces moyens, et ce qui le fait exister, c’est la substance des peuples. Malheur donc aux peuples qui ne savent pas limiter la sphère d’action de l’Etat. Liberté, activité privée, richesse, bien-être, indépendance, dignité, tout y passera. »

    Prenons un seul exemple, l’immobilier. L’ingérance de l’Etat dans ce secteur est maximale. Quels sont les résultats? Crise du logement, bulle immobilière, corruption. L’Etat contrôle sévèrement l’offre avec les POS et les permis de construire : résultat augmentation des prix et corruption. L’Etat taxe massivement les transactions : résultat augmentation des prix. L’Etat gère un parc immobilier social : résultat corruption et clientélisme. L’Etat restreint les possibilités d’expulsion pour le bailleur : résultat biens inoccupés et hausse des loyers. L’Etat met en place le prêt à taux zéro : résultat hausse de prix qui absorbe la capacité de financement créée. L’Etat met en place divers dispositifs de défiscalisation pour les acheteurs (Scellier…) : résultat hausse des prix qui permettent aux promoteurs de vider leurs stocks…

    Au Canada, pays où coucher dehors est plus emmerdant qu’ici, le droit immobilier est une subdivision du droit commercial et l’intégralité des textes de loi y consacrés ne dépasse pas 20 pages, sachant que c’est traduit en 2 langues. Et les Canadiens n’ont pas de problème de logement.

    Koz a écrit : :

    Appliqué à l’Afrique du Sud, cela laisse peu de chances de « mettre en place les conditions d’existence d’une communauté politique ».

    Tu changes de sujet. Le billet traite du personnel politique dans le cadre d’une alternance démocratique et tu nous parles ici d’hommes providentiels dans le cadre d’une révolution.

    Mandela, De Gaulle, Washington sont de tels hommes, arrivés quand on avait besoin d’eux, au moment d’une crise grave. Mais ce ne sont pas des politiques et ils n’ont pas été choisis au terme d’un processus démocratique normal. Et gardons nous de souhaiter le retour à de tels dirigeants, car nous ne connaissons aucun moyen de garantir la bonne pioche en pareilles circonstances. Et pour un Mandela, un De Gaulle, un Washington, combien de Lénine, Mao, Pol Pot, Khomeyni, Saddam Hussein, Castro, Pinochet, Robespierre, Hitler, Cromwell, Napoléon, Mugabe, Amin Dada…

    C’est pour ça que j’ai réagi à ta phrase sur « la communauté humaine qui leur est confiée ». Il est essentiel de savoir qui, de l’Etat ou du peuple, est le boss. Et l’attirance naturelle que nous éprouvons envers les hommes providentiels est dangereuse, car elle tend à les placer sur un piédestal.

    Je n’ai pas vu Invictus et je connais mal l’Afrique du Sud, mais je pense qu’un des grands mérites de Mandela est précisément d’avoir quitté rapidement le pouvoir.

    Gwynfrid a écrit : :

    D’abord et avant tout, j’attends de tous les politiques qu’ils respectent scrupuleusement la loi fondamentale de la nation : la Constitution, ce petit bout de papier dont la vertu première est de fixer les limites de leurs pouvoirs.

    Je réponds par une citation de Milton Friedman : « It’s nice to elect the right people, but that isn’t the way you solve things. The way you solve things is to make it politically profitable for the wrong people to do the right things. »

    C’est la quintessence de la pensée libérale. On n’améliore pas les choses en misant sur la gentillesse, mais en faisant en sorte que même les salauds aient intérêt à bien agir. Mais ce n’est pas contraire à ton propos. Un contrôle strict par les citoyens du respect de l’esprit des lois par les dirigeants politiques est une bonne manière de créer les bonnes incitations. Ca marche aussi aux échelons inférieurs. Pour reprendre mon exemple sur l’immobilier, donner sans contrôle des milliards à des organismes HLM pour qu’ils filent des appartements à des prix inférieurs au marché est une superbe incitation à nourrir le Canard Enchaîné pendant des décennies.

    niamreg a écrit : :

    Malheureusement, nous constatons qu’une telle approche ne peut que transférer le pouvoir vers les puissants

    Je pense que vous vous trompez. Je suis convaincu que l’interventionnisme de l’Etat a pour principal effet de renforcer les puissants. Les mécanismes de redistribution existant en France sont vérolés jusqu’à la moelle.

  • @Lib

    Excusez-moi d’avoir pris le temps de la réflexion, cette discussion me mettant en face de mes propres contradictions. Que l’état actuel de l’intervention étatique soit peu satisfaisant est une évidence. Ce point ne contredit en rien le fait que supprimer l’intervention de l’état dans la sphère économique, sans y établir une forme d’intervention démocratique, ne peut qu’établir un pouvoir tout aussi vérolé des riches. Mais on pourrait par exemple faire sortir la protection sociale du domaine d’intervention de l’état. En effet, la protection sociale est financée non pas par l’impôt, mais par la mutualisation des salaires. Elle devrait donc être gérée par les salariés eux-mêmes, ce qui était d’ailleurs le cas jusque vers les années soixante, où la démocratie (une personne, une voix) a été remplacée par le paritarisme (un syndicat représentatif, une voix, y compris pour le syndicat patronal), renforçant ainsi au passage l’influence patronale. On est maintenant arrivé doucement à une appropriation étatique complète du système de protection sociale. Deux inconvénients majeurs: le système n’est pas redistributif (même taux de cotisation pour tous), et il représente plus de la moitié de ce que vous appelez la dette publique, alors que, je le rappelle, il ne s’agit pas d’argent public, mais de salaire mutualisé. En dehors de la sécu, la dette publique française est faible (environ 30% du PIB), et diminue régulièrement. Je voudrais pointer, pourtant, que ce que j’appelle des inconvénients sont, pour les libéraux, des avantages. La « flat tax » est une revendication libérale majeure, et l’argument de la charge de la dette publique est invoqué en permanence pour justifier les politiques de désengagement de l’état.
    Mais on s’éloigne un peu de la question initiale.

  • @ niamreg

    La « protection sociale », qui a démarré avec une logique assurantielle, on mutualise le risque mais rien d’autre et il y a un lien entre niveau de cotisation et niveau de protection, est devenue un instrument de redistribution, aveugle et mal maîtrisé. Les droits de tirage sur le système n’ont plus guère de corrélation avec les contributions, même pour les retraites. Savoir si l’effet net est redistributif ou dégressif, est sujet à controverse. Ce qui est certain, c’est que le système engendre de graves injustices horizontales, c’est-à-dire entre personnes de niveaux de revenus équivalents. Les régimes de retraites dits « spéciaux » en sont l’exemple le plus connu.

    Il faut voir aussi que la logique initiale a été mise à mal par la révolution médicale. En 1950, le risque maladie, c’était d’abord le risque de ne pas toucher de salaire pendant un arrêt maladie. Les soins coûtaient peu et l’on mourrait beaucoup plus jeune et généralement plus rapidement. Financer l’assurance maladie par une cotisation sur les salaires faisait donc du sens.

    Le système actuel n’a plus rien à voir avec une logique d’assurance, privée ou mutualiste. Distinguer entre cotisations sociales et impôts ne fait donc plus guère de sens.

    On peut souhaiter voir réintroduire une vrai dimension assurantielle dans le système, avec l’idée qui va avec d’une responsabilisation de l’assuré.

    Mais cela fait de vous un libéral, horresco referens.

  • Je n’ai pas peur des étiquettes, que je m’emploie à arracher avec beaucoup de constance dès qu’on me les attribue. Ce sont elles qui empêchent de penser.

    Je suis embêté parce que je ne comprends pas très bien ce que vous dites, tout en sachant que c’est intéressant. Vous utilisez un vocabulaire qui n’est pas le mien (droits de tirage, logique assurantielle, mutualisation des risques). Soyez donc indulgents si ma réponse tombe à côté.

    Lorsque vous dites: « Le système actuel n’a plus rien à voir avec une logique d’assurance, privée ou mutualiste. Distinguer entre cotisations sociales et impôts ne fait donc plus guère de sens. On peut souhaiter voir réintroduire une vrai dimension assurantielle dans le système, avec l’idée qui va avec d’une responsabilisation de l’assuré. », vous parlez bien de ce que j’appelle l’appropriation par l’état de la sécu, et du fait que je propose de revenir à une gestion par les salariés de leurs salaires mutualisés? Dans ce cas, il ne s’agit pas de libéralisme, mais d’anticapitalisme, dans la mesure où je ne conçois pas que ce système s’accompagne de concurrence, ni de profit. Juste d’une gestion par les salariés, sur une base démocratique. Encore une fois, je suis bien conscient des inconvénients de l’absence de concurrence, dont il faut tenir compte. Mais ils n’enlèvent rien aux inconvénients de la concurrence et de la recherche de profit.

    Vous voilà anticapitaliste !!!

  • @niamreg,

    Je vais encore invoquer Bastiat pour vous répondre, qui a écrit en 1850 sur les sociétés de secours mutuel. Voici un large extrait :

    […] J’ai vu surgir spontanément des sociétés de secours mutuel, il y a plus de vingt-cinq ans, parmi les ouvriers et les artisans les plus dénués, dans les villages les plus pauvres du département des Landes […] Dans toutes les localités où elles existent, elles ont fait un bien immense […]

    Leur écueil naturel est dans le déplacement de la Responsabilité. Ce n’est jamais sans créer pour l’avenir de grands dangers et de grandes difficultés qu’on soustrait l’individu aux conséquences de ses propres actes. Le jour où tous les citoyens diraient : « Nous nous cotisons pour venir en aide à ceux qui ne peuvent travailler ou ne trouvent pas d’ouvrages », il serait à craindre […] que bientôt les laborieux ne fussent réduits à être les dupes des paresseux. Les secours mutuels impliquent donc une mutuelle surveillance, sans laquelle le fonds des secours serait bientôt épuisé. Cette surveillance réciproque […] fait la vraie moralité de l’institution. C’est cette surveillance qui rétablit la Responsabilité […]

    Or, pour que cette surveillance ait lieu et porte ses fruits, il faut que les sociétés de secours soient libres, circonscrites, maîtresses de leurs statuts comme de leurs fonds. […]

    Supposez que le gouvernement intervienne. Il est aisé de deviner le rôle qu’il s’attribuera. Son premier soin sera de s’emparer de toutes ces caisses sous prétexte de les centraliser ; et pour colorer cette entreprise, il promettra de les grossir avec des ressources prises sur le contribuable […] Ensuite, sous prétexte d’unité, de solidarité (que sais-je ?), il s’avisera de fondre toutes les associations en une seule soumise à un règlement uniforme.

    Mais, je le demande, que sera devenue la moralité de l’institution quand sa caisse sera alimentée par l’impôt ; quand nul, si ce n’est quelque bureaucrate, n’aura intérêt à défendre le fonds commun ; quand chacun, au lieu de se faire un devoir de prévenir les abus, se fera un plaisir de les favoriser ; quand aura cessé toute surveillance mutuelle, et que feindre une maladie ne sera autre chose que jouer un bon tour au gouvernement ?

    Le gouvernement, il faut lui rendre cette justice, est enclin à se défendre ; mais, ne pouvant plus compter sur l’action privée, il faudra bien qu’il y substitue l’action officielle. Il nommera des vérificateurs, des contrôleurs, des inspecteurs. On verra des formalités sans nombre s’interposer entre le besoin et le secours […]

    […] Les ouvriers ne verront plus dans la caisse commune une propriété qu’ils administrent, qu’ils alimentent et dont les limites bornent leurs droits. Peu à peu, ils s’accoutumeront à regarder le secours en cas de maladie ou de chômage, non comme provenant d’un fond limité, préparé par leur propre prévoyance, mais comme une dette de la Société. Ils n’admettront pas pour elle l’impossibilité de payer, et ne seront jamais contents des répartitions. L’État se verra contraint de demander sans cesse des subventions au budget. Là, rencontrant l’opposition des commissions de finances, il se trouvera engagé dans des difficultés inextricables. Les abus iront toujours croissants et on en recalculera le redressement d’année en année, comme c’est l’usage jusqu’à ce que vienne le jour d’une explosion. Mais alors, on s’apercevra qu’on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d’un ministre ou d’un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d’avoir perdu jusqu’à la notion du Droit, de la Propriété, de la Liberté et de la Justice.

    C’est prophétique à un point effrayant. Bastiat a correctement prévu la déresponsabilisation, les abus, la hausse sans fin des cotisations, l’inflation administrative… jusqu’à l’explosion finale et l’affadissement moral de la population.

    La seule chose qu’il n’a pas prévue, c’est les régimes spéciaux. Qu’on put créer des caisses catégorielles avec moins de cotisations et/ou plus de prestations en les équilibrant par ponction sur la caisse générale devait lui sembler trop gros.

    Ce qui apparaît très clairement dans son texte, c’est que Bastiat, tout comme vous et moi, est un farouche partisan des sociétés de secours mutuel. Mais son idée forte, qui est complètement révolutionnaire dans la France d’aujourd’hui, c’est que le collectif peut parfaitement s’exprimer en dehors de l’Etat. Mieux encore, l’intervention de l’Etat dénature et finit par détruire l’édifice collectif et il faut donc le protéger de son intervention.

    Alors, notre sécu est-elle mutualiste ou étatiste? Regardons.

    Le système est-il libre ou obligatoire? Obligatoire. Peut-on choisir son niveau de cotisation/prestation? Non. Les prestations sont-elles proportionnelles aux cotisations? Non. Le système est-il géré et contrôlé par les adhérents? Non, l’Etat a confié la gestion à des lobbys privés, les syndicats dits de salariés et dits d’employeurs, qui ne représentent qu’eux-mêmes.

    Bref, le résultat est une monstruosité informe comme on aime à en construire en France : un monopole privé, à la gestion opaque, garanti par l’Etat. Dans le même genre, mais en moins gros, on a la Sacem, les taxis, les greffes des tribunaux de commerce…

    Notons que cette triste situation provient directement de l’absence de liberté du système, laquelle est la conséquence directe de notre propension infinie à vouloir mettre de la redistribution partout. C’est en effet parce qu’on veut rendre le système redistributif (le pire c’est qu’on prétend seulement, il ne l’est pas en réalité) qu’on doit le rendre contraignant et obligatoire. Et en évacuant la liberté, on évacue le contrôle, la responsabilité et la confiance.

    Notons que je ne suis pas hostile à la redistribution, au contraire. Je pense sincèrement qu’un certain niveau de redistribution (à décider démocratiquement) est utile et nécessaire. Et, au risque de choquer, je pense que notre système actuel est insuffisamment redistributif. Mais il ne faut pas mettre de la redistribution partout (santé, retraite, chômage, éducation, logement…) Parce que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la redistribution évacue la liberté ce qui génère les calamités bien décrites par Bastiat.

    C’est pourquoi je milite (et c’est le sens de mon post du 2/2) pour concentrer TOUTE la redistribution dans un dispositif fiscal unique, universel, homogène et transparent (impôt négatif ou allocation universelle) et interdire strictement toute redistribution en dehors de ce dispositif.

    Ainsi on peut avoir plus de redistribution, de transparence, de justice et d’efficacité tout en remettant de la liberté (et donc du contrôle et de la morale) partout où elle a été affaiblie (sécu, retraite, chômage, logement, éducation…)

  • Excellent texte, qui demanderait une analyse détaillée tant il contient des choses intéressantes, mais aussi contradictoires. En tous cas très prémonitoire, vous avez raison.

    Toutefois, la dénonciation de la bureaucratie, magnifique, ne peut être assimilée à une dénonciation de l’état. Les banques d’affaire en sont tout aussi victimes (irresponsabilité collective, opacité, corruption généralisée).

    L’invocation de la liberté est extrêmement intéressante. Bastiat n’évoque pas la liberté individuelle, mais celle des sociétés de secours, car elle permet la surveillance mutuelle des individus, nécessaire à la responsabilité. La surveillance mutuelle des individus? La RDA a pratiqué ça à grande échelle. Vous-même terminez par cette magnifique parenthèse sur les heureuses conséquences de la liberté: contrôle et morale. Vous êtes sur la même ligne que Bastiat: la liberté dont vous parlez n’est pas celle des individus, mais des institutions. Et cette liberté supprime la liberté des individus. Nous avons vécu ça avec la loi sur l’autonomie des universités, qui a supprimé l’autonomie des enseignants-chercheurs. De même, la liberté des entreprises est synonyme d’absence de liberté des salariés. A mon sens, la solution est à chercher du côté de la démocratie interne à chaque « institution ».

    Bon, j’arrête là! Nous trouvons un terrain d’entente sur la méfiance vis-à-vis de l’état, et je ne pointe que les points conflictuels….

  • Et nous revoilà à causer libéralisme…
    J’aimerais juste discuter rapidement de deux points à propos des commentaires de Lib.

    1- Ne pas « miser sur la gentillesse » mais faire en sorte que « même les salauds aient intérêt à bien agir », « c’est la quintessence de la pensée libérale ». Merci de nous le rappeler. Oui, et c’est cette quintessence que je trouve incomplète, donc fausse, donc mauvaise. La pensée libérale, dans son essence, me semble être une idéologie car ne prenant pas en compte la réalité dans son intégralité.
    En gros, il s’agit de construire un système (que vous le vouliez ou non, c’est là une des incohérences que l’on rencontre dans la mise en pratique du libéralisme) si parfait que finalement, la vertu des hommes n’a finalement que peu d’importance.
    Et hop, le sens moral passe à la trappe. C’est mécanique. C’est ce qui se passe. A quoi cela sert d’être vertueux si même en étant un salaud qui ne poursuis que mon intérêt propre, je prétends contribuer à l’intérêt général ?
    La construction de ce système libéral entraîne donc logiquement une augmentation sans fin de l’arsenal législatif, le salaud ayant toujours une longueur d’avance sur le flic, et le législateur n’ayant de cesse que de construire ce fameux système où le salaud pourra, tout en restant un salaud, « agir bien ».
    Et paf, nous voilà en plein « socialisme ». Comique, non ? Non.

    2- J’aime aussi beaucoup ce texte de Bastiat. Outre la beauté de la langue, on ne peut qu’être d’accord avec ce qu’il dit.
    Mais sa critique n’est pas fondamentalement une critique de l’Etat, mais du gigantisme, de la machinerie dans lesquelles les hommes ne deviennent que des rouages d’un système qui les chapeaute, de cette dilution de la responsabilité qui en découle. Cette critique s’adresse donc aussi tout particulièrement bien, par exemple, à ces giga-entreprises acéphales et anonymes, transnationales, qui sont aujourd’hui, que vous le vouliez ou non, plus fortes que les Etats eux-mêmes.
    Bref, ce passage de Bastiat contient en puissance une critique du capitalisme libéral…

    Bon, je file sans malheureusement pouvoir détailler davantage, et en n’en restant qu’à la critique…
    Les aspects plus constructifs viendront peut-être ultérieurement.

  • niamreg a écrit : :

    Toutefois, la dénonciation de la bureaucratie, magnifique, ne peut être assimilée à une dénonciation de l’état. Les banques d’affaire en sont tout aussi victimes (irresponsabilité collective, opacité, corruption généralisée).

    Nous sommes parfaitement d’accord. La bureaucratie déresponsabilisée n’est pas le monopole de l’Etat. J’ajouterais même que l’Etat n’est pas condamné à nécessairement sombrer dans le cauchemar bureaucratique. Avec suffisamment de vigilance des citoyens, on doit pouvoir contrer sa tendance naturelle à l’expansion tentaculaire. Ce n’est pas facile mais encore faut-il s’en donner le but. D’accord également sur le parallèle que vous établissez avec les banques. Les liens incestueux entre les banques et les Etats ont clairement été mis en évidence par la crise financière.

    En revanche, pas du tout d’accord sur la deuxième partie de votre post. La liberté dont parle Bastiat est bien celle des individus et non celle de l’institution. C’est bien le contrôle exercé par l’individu et sa liberté d’adhérer ou non qui rend le système vertueux. De même l’évocation de la RDA est pour moi un contre-sens parfait. La surveillance en RDA était « state-sponsored ». Rien de tel chez Bastiat. On est dans l’équivallent du restau entre amis où on partage l’addition. Le fait que chacun voie ce que chacun commande permet d’éviter l’abus de celui qui ne commande que les plats les plus chers. Ce qui agit ici est une saine pression sociale totalement indépendante de toute autorité.

    PMalo a écrit : :

    En gros, il s’agit de construire un système (que vous le vouliez ou non, c’est là une des incohérences que l’on rencontre dans la mise en pratique du libéralisme) si parfait que finalement, la vertu des hommes n’a finalement que peu d’importance. Et hop, le sens moral passe à la trappe.

    Voila une critique intéressante. Mais je la pense erronée pour deux raisons. D’abord les libéraux ne cherchent pas la perfection car elle est incompatible avec la liberté. Ils cherchent le système le moins mauvais possible, un peu comme la démocratie.

    Ensuite, l’idée n’est pas de faire passer le sens moral à la trappe mais de rendre le système tolérant à des fautes de morale. Faire que la parfaite morale de tous ne soit pas indispensable. Ce qui est très différent de se dispenser de la moindre morale chez personne.

    Un billet de Philarête m’a fait découvrir la pensée de Léon Bourgeois. Selon ce philosophe, le libéralisme ne traite que la moitié du problème et doit être complété par la morale. Je rejoins tout à fait ce sentiment. Les gens réagissent aux incitations et à la morale et le libéralisme ne couvre que la partie incitations. Mais l’Etat, créature inhumaine par excellence, est très mal placé pour développer la morale, sentiment humain par excellence.

    PMalo a écrit : :

    La construction de ce système libéral entraîne donc logiquement une augmentation sans fin de l’arsenal législatif, le salaud ayant toujours une longueur d’avance sur le flic,

    Non, le libéralisme ne s’appelle pas juridisme. S’il s’appelle libéralisme c’est qu’il porte la conviction que la liberté (et son pendant la responsabilité) créera naturellement les incitations vertueuses dont nous parlons. Il faut que les lois garantissent la liberté (dont la libre concurrence, essentielle). Mais le principe de lois allant réglementer le moindre détail obscur de l’activité humaine est profondément antilibéral. Justement parce que cela réduit la liberté et la responsabilité. Les dizaines de milliers de pages de réglementation bancaire, qui n’ont servi qu’à transférer sur la collectivité la responsabilité de bonne gestion des banques, en sont un parfait exemple.

    PMalo a écrit : :

    Cette critique s’adresse donc aussi tout particulièrement bien, par exemple, à ces giga-entreprises acéphales et anonymes, transnationales,

    Vous avez en grande partie raison. Mais la déresponsabilisation entraîne inefficacité, gaspillage et corruption qui finissent par nuire à la capacité de survie de l’organisation. Les Etats peuvent augmenter les impôts à l’infini. Les entreprises ne peuvent augmenter leurs prix que dans la limite de la concurrence. On en revient à la critique libérale de l’Etat qui ferait mieux de garantir la libre concurrence (il est le seul à pouvoir le faire) plutôt que de s’occuper de micro-manager la formation professionnelle ou le logement.

  • Le débat ouvert par ce commentaire de Lib est très intéressant, avec beaucoup de bons arguments de part et d’autre. Merci. Je n’ai pas de grain de sel à ajouter, mais je voulais quand même plussoyer Lib sur ce point en particulier:

    C’est pourquoi je milite (et c’est le sens de mon post du 2/2) pour concentrer TOUTE la redistribution dans un dispositif fiscal unique, universel, homogène et transparent (impôt négatif ou allocation universelle) et interdire strictement toute redistribution en dehors de ce dispositif.

    Je ne sais pas quelle forme devrait prendre une mécanique idéale de redistribution, mais je suis convaincu que l’empilement des dispositifs est aujourd’hui la raison première des injustices en ce domaine.

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