Restaurer la dignité

« Oui, c’est gros, une étoile jaune sur une enfant de huit ans ». Le 16 juillet dernier, lors d’une interview, Francine Christophe, une survivante, présentait son étoile jaune, frappée en grosses lettres du mot « Juif ». Elle a pu la conserver et cette étoile a une particularité : elle est doublée et surfilée. L’œuvre de sa mère car, pour elle, « on ne doit jamais perdre sa dignité, et la dignité, elle se rencontre n’importe où ». Dans le même temps exactement, elle s’est pourtant perdue, cette dignité, dans notre pays éprouvé. Voir surgir une étoile jaune marquée d’un « non vacciné » sur les réseaux sociaux, dans les rues de Paris ou Marseille, sans que leurs porteurs et ceux qui les tolèrent ne s’émeuvent non seulement de le faire, mais de le faire justement le jour anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv, est d’une rare indignité. Par une puissante coïncidence, un compte twitter égrène depuis quelques semaines les portraits et courtes biographies de résistants français, le plus souvent inconnus. On y lit les derniers mots d’un jeune homme de 19 ans, ceux d’un père exécuté avec son fils de 17 ans. Ou ceux de Maurice Feld, 17 ans lui aussi, qui « meurt en vrai Français » : « Maintenant je meurs la tête droite et avec le sourire. On ne meurt, vois-tu, qu’une fois ». Ils nous font honte, ces politiques qui se proclament « résistants » et « Français libres » à la face de nos fusillés parce qu’ils refusent une  piqûre. Ils nous font honte, ceux qui incendient des centres de vaccination, quand tant d’autres pays n’ont accès ni au vaccin ni même à l’oxygène. On serait tentés de leur dire, si la comparaison qu’ils ont instaurée ne frappait pas d’infâmie tout rapprochement de plus que, pensant à la Guerre, il s’en est trouvé pour se tromper d’ennemi et collaborer quand ils croyaient résister.

A la rentrée prochaine, au cœur d’une vague que les Français responsables réussiront peut-être à contenir pour le bien de tous, en ce compris les autres, s’ouvrira dans les faits la campagne présidentielle. Les mois passés suffisent à souligner la gravité de ce choix. Il nous faudrait élire un homme ou une femme non seulement apte à gérer des crises sanitaires, sécuritaires et climatiques imprévues, mais à unir un pays divisé à maints égards. Si le réalisme oblige à écarter le surgissement de l’homme providentiel, il nous faut malgré tout espérer qu’émerge un chef d’Etat conscient du tragique de l’époque et du poids de sa charge.

Une chronique du 20 juillet 2021