Chavez en vaut-il la chandelle ?

C’est la question qui ne peut que se poser aujourd’hui, alors que Nicolas Sarkozy reçoit Hugo Chavez, pour s’entretenir avec lui du sort d’Ingrid Betancourt. A quel point faut-il « tout faire pour sauver Ingrid Betancourt » ? Nicolas Sarkozy prend le risque de recevoir un nouveau Castro, un prolixe bonimenteur, pour un bénéfice très incertain. Il prend, je le crains, le risque du ridicule.

La semaine dernière, il affirmait au Figaro qu’il apporterait de « bonnes nouvelles » à Nicolas Sarkozy. Il semble que les FARC, dont l’ex-mari d’Ingrid Betancourt rappelait à juste titre qu’elles avaient tous les moyens nécessaires pour fournir une « preuve de vie » n’aient pas même souhaité faire ce « cadeau » à leur camarade Chavez ? Quel crédit a-t-il donc ? Quel crédit accorder à un professionnel de la logorrhée qui n’aura pas hésité à se faire valoir avec une telle affirmation, sans égard pour la famille de Betancourt, pour ses enfants, qui n’ont toujours aucune certitude que leur mère est en vie ?

Après avoir suscité l’espoir, il serait plus qu’appréciable qu’il n’arrive pas les mains vides.

Faut-il à ce point mettre en selle un homme qui fait jurer fidélité son armée à une idéologie, manipule la Constitution pour rester en place, empêche les medias de s’exprimer ?

J’ai noté avec intérêt que Reporters Sans Frontières n’était pas de ces associations à l’indignation trop unilatérale. Elle a adressé hier un courrier à Nicolas Sarkozy, dont il convient de citer largement :

En tant que secrétaire général de Reporters sans frontières, je me dois néanmoins de vous rappeler que la démarche assumée par le président Hugo Chávez ne saurait faire oublier ni certaines dérives graves de son régime ni son comportement sur la scène internationale.

(…)

Rarement chef d’État élu aura posé autant d’obstacles à la liberté d’expression sous son mandat. Du coup d’État manqué dont il a été victime en avril 2002 – que certains médias ont, il est vrai, soutenu -, le président Chávez a tiré argument, non seulement pour faire taire toute voix critique ou dissidente, mais aussi pour éliminer progressivement toute forme de contre-pouvoir, en particulier celui de la presse.

(…)

Une loi taillée sur mesure l’autorise à réquisitionner tous les médias audiovisuels pour y discourir à sa convenance, sans délai imparti et sans interruption. Depuis 1999, le président Chávez a recouru plus de 1 500 fois à ce système dit des ‘cadenas’, dépassant ainsi les 900 heures d’antenne, auxquelles s’ajoutent pour la même période environ 1 000 heures cumulées de sa propre émission dominicale Aló Presidente (record de temps de parole battu, le 5 août dernier, avec 7 heures et 43 minutes de monologue en une seule fois). Les rares critiques envers le régime émanent de quelques journaux et d’une chaîne à diffusion restreinte, Globovisión. Des procédures administratives ciblées pourraient bientôt condamner cette dernière à la fermeture. Enfin, la réforme de la Constitution que le président Chávez a fait adopter au début de son premier mandat – réforme qui sera soumise à référendum, le 2 décembre prochain, et qui suscite une très forte controverse – lui donnerait le pouvoir de décréter l’état d’urgence sans limitation de durée et de suspendre la liberté de la presse le cas échéant”.

Sur toutes ces affaires, Reporters sans frontières rappelle que ses “offres de dialogue se sont heurtées à l’accusation, aussi grotesque qu’infondée, selon laquelle notre organisation travaillerait pour le compte du renseignement américain et chercherait à organiser un nouveau coup d’État”.

L’élimination de tout contre-pouvoir de la presse se double d’une véritable mise au pas de la société civile et de ses composantes (organisations professionnelles, syndicats ou ONG). (…)

Ajoutons à cela le fait que par sa médiation, bien pâle à ce jour, Chavez, cet encombrant voisin pour la Colombie, s’immisce dans les affaires intérieures de ce pays, ce qu’il ne pourra accepter longtemps, ce qu’il n’est, d’ailleurs, pas disposé à faire au-delà de la fin de cette année.

La seule explication morale qui vaudrait pour la réception d’Hugo Chavez sera de n’avoir rien négliger pour la libération d’Ingrid Betancourt. On attend encore d’être certain que cela vaut cette réception.

18 commentaires

  • Faute de mieux, ils vont peut-être préparer la venue du président iranien…
    perso je trouve que Sarko aurait mieux à faire en ce moment !

  • « Une loi taillée sur mesure l’autorise à réquisitionner tous les médias audiovisuels pour y discourir à sa convenance, sans délai imparti et sans interruption. Depuis 1999, le président Chávez a recouru plus de 1 500 fois à ce système dit des ‘cadenas’, dépassant ainsi les 900 heures d’antenne, auxquelles s’ajoutent pour la même période environ 1 000 heures cumulées de sa propre émission dominicale Aló Presidente »

    En France, même pas besoin de Loi pour que le président passe 900 heures à l’antenne. Entre Solly Azar, Bouygues, Bolloré, son frère Lagardère, Elkabach, Beytout, ça va, notre El présidente a aussi ses entrées pour distiller sa propagande.

  • Rappelons que notre bien aimé président n’avait pas hésité, il y a quelques années, à épouser Cecilia Sarkozy pour qu’elle puisse un jour libérer les infirmières bulgares.

    Quand on a poussé aussi loin le dévouement, qu’est-ce que rencontrer Chavez? D’autant que je doute qu’un pacs soit actuellement projeté entre les deux hommes.

  • malheureusement le titre de ton billet ne pose pas la bonne question.

    Ingrid Betancourt en vaut elle la chandelle?

    je sais, c’est cynique

  • [quote comment= »59764″]

    En France, même pas besoin de Loi pour que le président passe 900 heures à l’antenne. Entre Solly Azar, Bouygues, Bolloré, son frère Lagardère, Elkabach, Beytout, ça va, notre El présidente a aussi ses entrées pour distiller sa propagande.[/quote]

    Marrant ça.
    D’aileurs, on le voit bien, il n’y a plus de media indépendants (l’Huma et Libé ont du fermer, faute de capitaux capitalistes) en France, et le syndicat des NMPP a enfin cessé sa main-mise sur les journaux français…

    Dis moi, Buzzcocks, pourquoi ne vas donc tu pas vivre chez ton copain Chavez, une vraie démocratie, la révolution enfin vécue au jour le jour, plutot que dans notre dictature fascisante où tu n’as même pas le droit à la parole (les coups frappés à ta porte sont ceux de la police politique, tu as été pisté, rends toi).

    Allez, continue ta rebellion à deux centimes, et joue toi le grand jeu de la resistance, tu es un vainqueur. Tu veux un pavé?

  • après Kadafi… non franchement pas mal… à défaut de relancer la croissance… il permet à d’autres de se refaire une virginité politique

  • Ah Gzavier, mon ami Gzavier …
    J’ai donc inventé de toute pièce que notre président passait, passe et passera dans les médias tout le temps.
    Lorsqu’on constate que Sarkozy a été l’invité le plus régulier chez Chabot ou des émissions plus people comme chez Drucker, c’est aussi un fantasme.
    Un collectif (de dangereux gauchistes) invente la journée sans Sarkozy, c’est par hasard. Ils auraient pu la lancer sous Chirac qu’ils ne devaient pas porter dans leur coeur … mais non, ça tombe, par hasard, sur Sarkozy.
    Quand Genestar doit prendre la porte de Match, c’est aussi une coincidence. Les directeurs de campagne qui se retrouvent à la tête de TF1, un hasard.

    […]
    En tout cas, vous, le slogan la France, tu l’aimes ou tu la quittes, vous semblez l’avoir bien intégré. On peut critiquer, à la fois, Chavez et Sarkozy, non ?

    […]

    [Message dûment expurgé de propos inutiles]

  • Serait-il possible d’éviter la monomanie ? Nous ne sommes pas autistes, ni sourd, nous avons bien compris que certains considèrent que le Président de la République détient tous les medias, mais il devient profondément lassant et sans intérêt de reprendre le débat à chaque mention de son nom.

    Si nécessaire, j’y veillerai avec les moyens totalitaires, quasi-chavistes, dont je dispose.

    [quote comment= »59792″]après Kadafi… non franchement pas mal… à défaut de relancer la croissance… il permet à d’autres de se refaire une virginité politique[/quote]

    Pour ce qui est de la vignité politique de Khadafi, c’est pas lui qu’a commencé, euh. Et cela a permis de sortir les infirmières bulgares. On a vu de plus mauvais bilans.

    *

    Sinon, complément d’info, dans La Croix :

     » « Chavez a sa personnalité, mais ne pas le recevoir, c’est plomber une chance réelle de parvenir à une solution du problème, estime-t-on côté français. Il se donne beaucoup de mal sur ce dossier. »

    Toutefois, dûment averti de ses fréquentes fanfaronnades, l’Ély­sée avoue se montrer «très, très prudent» sur les «preuves de vie» qu’Hugo Chavez pourrait offrir à Nicolas Sarkozy. «On va l’écouter, l’encourager et voir comment tra­vailler avec lui, assure-t-on. C’est le sens de sa visite. » »

  • Sarkozy recoit Chavez ! J’ai lu ca ce matin, et les bras m’en sont tombes.

    Il est encore pire que je le craignais. Ceci dit, on aurait pu avoir Royal…c’est chouette la France.

    Avez vous vu le clip du Roi d’Espagne disant a Chavez de la fermer ?!? Ca, c’est beau !

  • Je vois que Koz a du une fois de plus attribuer le point « la presse inféodée à Sarko »… Je pense que la fréquence à laquelle ce point peut être attribué compense largement les passages de Sarko dans la dite presse (inféodée à).

  • J’aime bien ton article, koz. Il montre bien que ces deux-là, avec les spécificités de leurs pays respectifs, évidemment, ont finalement pas mal de points en commun.

    J’espère au moins qu’Ingrid Bettancourt, qui sera à coup sûr de toutes les déclarations officielles et médiatisées sera également présente dans leurs pensées.

    On peut toujours rêver.

  • Buzzcocks, j’ai réagi un peu vite et me suis montré agressif, sans doute, et je le regrette, car, du coup Koz a du nettoyer votre commentaire en réponse. J’en suis confus car à cause de mon ton, vous vous êtes senti provoqué (et, oui, le tutoiement révolutionnaire n’était pas de mise)

    Simplement, si j’ai réagi ainsi, c’est qu’il commence à bien faire que tout soit prétexte à exprimer que Sarkozy est un dictateur en puissance. Sous prétexte qu’il est un peu plus de droite, un peu plus velléitaire, et un peu plus au fait des enjeux de la comm.
    (Oui, cette monomanie qu’évoque le président-dctateur de ce blog).

    Je fais amende honorable, en ce qui me concerne, et demande à Buzzcocks de ne pas quitter la France sur un coup de tête. Il n’est même pas obligé d’en aimer son Président (reposez ce pavé).
    Quant à Chavez, s’il veut bien repartir, il peut, je ne le retiendrai pas. Quant à Madame Betancourt, son sort me désole, certes, mais voilà, je pense qu’elle est malheureusement une victime parmi d’autres, et les gesticulations médiatiques autour de son cas commencent à lasser.
    J’espère que M Sarkozy est conscient de ce qu’il fait, parce que c’est beaucpup de dépense d’energie pour un résultat qui sera effectivement surtout médiatique (Les FARC continueront de tuer, les idiots utiles d’applaudir le terrorisme révolutionnaire, et la LCR d’espérer le grand soir).

  • [quote comment= »59935″]J’aime bien ton article, koz. Il montre bien que ces deux-là, avec les spécificités de leurs pays respectifs, évidemment, ont finalement pas mal de points en commun.

    J’espère au moins qu’Ingrid Bettancourt, qui sera à coup sûr de toutes les déclarations officielles et médiatisées sera également présente dans leurs pensées.

    On peut toujours rêver.[/quote]

    Ah, j’ai dit ça 😆
    Fais attention, Claudius, je crois qu’on va te proposer un voyage d’étude au Venezuela, toi aussi.

    [quote comment= »59924″]Chavez est un clown qui ne fait pas rire longtemps.[/quote]

    En totu cas, fais plus rire Uribe. Et j’avoue que, poru ma part, je ne ferais pas vraiment confiance à un bouffon bavard comme Chavez. Visiblement, les FARC ne lui font pas davantage confiance, qui n’ont pas voulu crédibiliser sa mission. Parler d’une preuve de vie avant la fin de l’année, alors que cela fait des années qu’on balade la famille Battancourt, et totues les autres, c’était vraiment se foutre du monde.

  • Mais la question qui m’étreint après le renvoi de Chavez, c’est : Ingrid Béthancourt est elle vivante ? A voir ce qui se passe depuis 4 ans, je me dis que non. Et comme tu le dis, on nous mène en bateau. Pourquoi sinon les FARC ne voudraient donner aucun signe de vie alors que l’enlèvement conserve sa valeur marchande dans le cas contraire ?

  • Voila plus de cinq ans que la famille d’Ingrid Betancourt ( franco-colombienne ) se bat pour qu’elle ne disparaisse pas dans la masse des otages disparus, cela mérite le respect même si beaucoup de français se sentent peu concernés.
    N.Sarkozy a été critiqué de recevoir le président vénézuelien H.Chavez chargé par le président colombien Uribe d’une mission de médiation auprès des Farc.
    On apprend maintenant que le président Uribe a décidé de mettre fin à la mission de H.Chavez car celui-ci aurait téléphoné directement au commandant de l’armée colombienne pour lui poser des questions ( source le Figaro )
    La famille d’Ingrid Betancourt et la fédération internationale des comités I.Betancourt se déclarent consternés par cette décision et ont demandé au président Sarkozy d’intervenir auprès du président Uribe pour qu’il revienne sur sa décision car disent-ils, Uribe est hypocrite et à l’affût d’un prétexte pour faire capoter l’échange d’otages et H.Chavez a l’oreille des Farc ce qui est essentiel ( source le Monde )
    Le président français n’a pas grand chose à gagner à s’investir dans ce dossier difficile qui ne suscite pas de grands élans de foules, si ce n’est de démontrer qu’il tient sa parole donnée en campagne électorale, il reste pour cela le principal espoir des proches de Ingrid Betancourt.

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