Ne rien exclure, même le courage

Triste défilé que celui des oppositions à l’Elysée ce 7 mars 2024. Incapables de se hisser au-delà des calculs électoraux pour viser l’intérêt national, elles ont fait étalage de leur médiocrité. Comment peuvent-elles affirmer qu’Emmanuel Macron aurait annoncé l’envoi de troupes au sol en Ukraine ? Prétendre qu’il s’agirait d’« envoyer mourir nos enfants » en Ukraine ? Partagent-elles si peu le sens de la nuance qu’entre ne pas exclure une option et l’adopter, elles ne fassent pas la différence ? Ont-elles le droit, sur un sujet d’une telle gravité, de feindre d’avoir entendu ce qui n’a évidemment pas été dit ? Qui peut croire de bonne foi qu’Emmanuel Macron a envisagé d’engager des troupes combattantes de l’armée française sur le sol ukrainien ? On peut s’opposer frontalement à Emmanuel Macron sur bien des sujets et reconnaître qu’il a cent fois raison lorsqu’il déclare que « si chaque jour nous expliquons nos limites face à quelqu’un qui n’en a aucune (…) l’esprit de défaite est là qui rode ». Ne pas rendre publiques nos limites ne signifie pas que nous n’en avons pas, juste que nous cessons d’envoyer un bristol à Vladimir Poutine pour lui indiquer jusqu’où il peut encore aller trop loin.

Sans même parler de ces curieux patriotes, préposés aux tartarinades, qui défaillent justement quand la patrie est en difficulté, les oppositions n’ont pas rendu service à la France en forçant le ministre de la Défense à clarifier ce qui aurait dû rester incertain pour Poutine. La Russie, elle, désigne au monde le terrain des prochaines confrontations sans se soucier d’escalade ni d’humilier l’Occident : elle lance un mandat d’arrêt contre la Première Ministre estonienne, Kaja Kallas, manifestant sans ambiguïté que l’Estonie n’est pour la Russie qu’une part de son empire et, dans le même temps, selon une tactique éprouvée, des séparatistes de Transnistrie mettent en scène un appel à l’aide au « grand frère russe ».

Cessons de voir la Russie comme un autre nous-même. Le régime russe procède du soviétisme et des colonies pénitentiaires. Dans un ouvrage passionnant, Poutine ou l’obsession de la puissance (éd. Litos), Françoise Thom rappelle notamment que « de 1960 à la fin des années 1980, 35 millions de peines de détention ont été prononcées (…) Aujourd’hui, un homme russe sur quatre a connu la détention, dans certaines villes sibériennes un sur deux, voire toute la population masculine ». Dans ces camps aussi, le maintien de l’ordre était confié aux criminels, aux mafieux. 70 ans de soviétisme, un siècle de régime carcéral ne restent pas sans conséquences. Françoise Thom n’est pas la seule à rappeler que le code de la pègre s’est diffusé dans la société. On ne se soucie pas de risquer d’humilier un caïd, Emmanuel Macron a tardé à le reconnaître. Mais il a intégré qu’à un caïd, on n’annonce pas à l’avance que l’on n’est pas certain d’avoir envie de se battre.


Photo de Elena Mozhvilo sur Unsplash

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