Avez-vous vu l’Etat ? Je le cherche partout…

feucharonne

… Avez-vous vu l’État ? Il va me rendre fou…

Pour la première fois de toute mobilisation étudiante et lycéenne, des lycéens ont, à trois reprises, incendié leur établissement – le feu ne restant circonscris aux portes que par l’intervention[1] des pompiers. Ainsi, désormais, dans l’imaginaire des manifestations lycéennes, une nouvelle modalité d’action a pris place. Il ne s’agit plus seulement de bloquer des établissements, de les dégrader éventuellement, mais encore de les incendier. Dans l’éventail des modalités d’action, un palier est franchi, un cliquet est engagé. Comment l’État a-t-il pu permettre cela ? Où sont les réactions de condamnation fermes que de telles actions auraient dû appeler ? Un communiqué de presse du ministre pour « condamner vivement ». Dérisoire papier.

Pour la première fois certainement, des commissariats ont été attaqués, par des lycéens (!) et plus car affinités. Ceci s’est reproduit cette nuit, un commissariat du XIème arrondissement étant « violemment attaqué »[2]. Comment ceci est-il seulement possible ? Dans quel état avons-nous collectivement glissé pour que l’on puisse penser qu’il faille protéger des commissariats (!) dans une situation autre qu’insurrectionnelle ?! Comment ceci a-t-il pu se produire sans une réaction de fermeté ? Un Etat qui se respecte sait montrer les limites de la contestation acceptable. Quand on attaque un commissariat, elles sont franchies. Quand, de surcroît, elles le sont dans un pays qui se prétend sous état d’urgence, cela confine à l’humiliation du pouvoir. Et c’est symptomatique d’un pouvoir velléitaire qui se paie de mots et de coups de menton : soit le pays est en état d’urgence, soit il ne l’est pas. S’il n’a pas à l’être, qu’on en prenne acte et qu’on le lève. Mais si on le maintient et que l’on veut que la notion d’« état d’urgence » ait un sens et un impact à l’avenir, il faut imaginer le faire respecter. C’est sans mentionner la perte de crédit de la France à l’étranger, pays qui se déclare martialement « en guerre » et se dresse de barricades en plein état d’urgence : la situation recèle un potentiel rare de ridicule.

Que des jeunes se réunissent de nuit sur des places pour parler politique ne saurait émouvoir – sauf à se souvenir que des Veilleurs qui ne dégradaient jamais rien étaient aussi systématiquement qu’irrégulièrement interpellés, et que les organisateurs de « Nuit Debout » refusent explicitement de se dissocier de « ceux que vous appelez les casseurs ». Il est en revanche inconcevable que le Président de la République comme le Premier Ministre ou les ministres compétents s’abstiennent de fixer les bornes claires et évidentes. Le pouvoir est liquide. L’évolution de ce mouvement traduit l’éternelle relation coupable de la gauche à la violence qui, quand elle ne la considère pas explicitement légitime, garde un rapport malsain à une violence qu’elle fantasme révolutionnaire – tout en préemptant sans vergogne la République. Il n’y a pourtant guère que la gauche pour entraîner de tels débordements. Car aussi détestables soient nombre des idées qu’ils ont pu y avancer, c’est à peine si les participants au « Jour de colère » ne s’arrêtaient pas consciencieusement aux feux rouges. Et aussi opposé que je sois à son action et au mouvement Pegida, il n’a pas fallu longtemps pour interpeller le général Piquemal, dont la manifestation n’avait pourtant donné lieu à aucun débordement comparable.

Tout ceci se produit de surcroît à l’occasion de la discussion de la loi El Khomri dont on peut évidemment comprendre la contestation mais qui ne devrait pas avoir, à l’évidence, de quoi soulever des barricades enflammées. C’est le résultat d’un exercice erratique et déficient du pouvoir par François Hollande et Manuel Valls, alliance du ventre mou et du coup de menton. Ils illustrent l’un et l’autre les plus évidents travers de l’autorité : l’un en est radicalement dépourvu, l’autre la confond avec l’autoritarisme. Mais ni l’un ni l’autre n’est capable d’incarner le seul rapport sain à l’autorité : l’autorité naturelle. François Hollande s’est montré incapable durant ces quatre années de mandat d’incarner un projet, d’indiquer un cap ou de fixer d’autre horizon que l’inversion d’une courbe. Pour sa part, Manuel Valls a dû imaginer, étrangement, capitaliser sur son impopularité en jetant à la face de sa majorité un projet qu’elle ne pouvait assumer dans son état, assorti d’une menace de 49-3, comme une marque de défiance autant que de défi. Au bout du compte, le projet de loi n’a guère plus de substance, et c’est l’Etat qui se retrouve piétiné, signe que les rodomontades colériques du matador dans les arènes parlementaires ne dépassent pas le stade de la pure comédie, dramatique.

Ce mouvement et sa gestion contresignent l’échec de François Hollande et Manuel Valls, et les dégâts causés dépassent leur propre sort. Mais il est ironique de lire qu’aujourd’hui, 80% des Français ne souhaitent pas que François Hollande se représente. Dans une autre configuration, un autre pays peut-être, c’est sa démission qui serait discutée. A tout le moins, aujourd’hui, une nouvelle candidature sonnerait comme une provocation.

  1. peut-être présumée, d’ailleurs, les casseurs comptant sur les forces de l’ordre pour limiter leurs propres dégâts []
  2. selon les mots d’un journaliste de Mediapart []

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28 commentaires

  • M. Valls est brutal avec les pacifiques (LMPT, Veilleurs…) et faible avec les violents (Taxis, Bonnets rouges, manifs anti-loi El Khomri…). Il est l’antithèse d’un homme d’Etat.

  • Opposer François Hollande à Manuel Valls sur une échelle mou-dur est un cliché, mais je crois qu’il ne recouvre que partiellement la réalité. Ce sont là des images, fabriquées partiellement par les intéressés, partiellement par leurs adversaires politiques. Si M.Hollande est un mou, c’est surtout un faux mou, de même que son prédécesseur était un faux dur. Quant à M.Valls, c’est d’abord dans son langage qu’il est dur. Dans l’action, c’est moins évident: voir le joli paquet-cadeau qu’il vient d’apporter aux étudiants en offrande expiatoire.

    Les faits que tu rapportes ici sont désolants, mais je n’y vois pas l’image d’un État absent. C’est toute la société qui se décompose, affectée par tout un tas de facteurs – faiblesse économique persistante, menaces internes sur la sécurité publique, impuissance gouvernementale et désunion politique, impact émotionnel de tout événement démultiplié par les technologies de communication, etc. Notre culture de la protestation y est pour beaucoup. Cependant, en tant qu’expatrié, j’ai un point de comparaison naturel. Pour cette raison, plus que tout autre facteur, je pense que c’est l’affaissement de l’économie qui est la source majeure des nos problèmes. Ces jeunes qui tapent sur les flics n’auraient pas de raison de faire de si graves bêtises s’ils étaient au travail, ou s’ils n’étaient pas si terrifiés à la perspective du chômage. Cet État incapable le serait moins, s’il n’était si impécunieux. Etc.

    Par ailleurs, je voudrais relever un point, dans ton billet. Tu déclares benoîtement que

    Il n’y a pourtant guère que la gauche pour entraîner de tels débordements.

    Pour cela, tu t’appuies sur deux exemples de manifestations de tendance droitière ou extrême-droitière qui n’ont heureusement pas donné lieu à des désordres. C’est bien, mais il ne faut pas Googler bien longtemps pour aller ramasser des contre-exemples à la pelle. On peut être un manifestant violent au nom d’une cause d’extrême-gauche, ou de gauche, ou de droite, ou d’extrême-droite, ou encore sans appartenance politique particulière (ah, et j’allais oublier ces gens-là, aussi). C’est là une triste habitude française. Là où je pense que tu as raison, c’est quand tu l’attribues au bon vieux fantasme de la Révolution: mais celui-ci a
    depuis longtemps
    contaminé l’ensemble du spectre politique.

  • Bien. Tu as trouvé un cas de violence d’extrême-droite à Pontivy, et un cas de débordement en fin d’une Manif Pour Tous. Mon propos n’est évidemment pas d’exonérer l’extrême-droite de sa violence mais allons, pousse plus loin la recherche. Trouve-moi l’équivalent des Black Blocks. Trouve-moi l’équivalent des mises à sac répétées de la ville de Rennes ou de celle de Nantes. L’équivalent des violences systématiques des manifestations « étudiantes ». Et surtout l’équivalent de la complaisance politique et médiatique pour ces violences. Parce qu’il ne suffit pas de dégoter – benoîtement – des cas particuliers pour invalider un tableau d’ensemble.

  • C’est pas que ça m’amuse de faire le vieux con en disant « je l’avais bien dit », mais je l’avais bien dit.

    Je me souviens de cette discussion ici-même il y a quelques années sur une émission de télé où tout le monde rigolait en écoutant l’extrême-gauchiste du moment raconter ses séquestrations de patrons. Bien sûr, je m’étais scandalisé et malheureusement, la majorité des commentateurs relativisaient.

    Depuis, le DRH d’Air France s’est fait agresser, il y a eu Sivens, Notre Dame des Landes, des manifs violentes régulières avec leurs cortèges de voitures incendiées et de vitrines fracassées. Le tout devant une police à la passivité stupéfiante.

    Il y aurait un livre à écrire sur la tolérance à la violence de la gauche. Des tee-shirts Che au drapeau rouge, aux slogans haineux sur les patrons qu’on pendra ou les bourgeois qu’on égorgera. Sans parler de cette presse bienveillante au point d’être complice avec tous les dictateurs sanguinaires pour peu qu’ils soient dits « de gauche », et qui commet des articles humides sur des assassins (Rouillan, Battisti…)

    J’en suis venu à considérer que la raison du succès invraisemblable du socialisme est qu’il fournit une justification morale facile à la violence. L’exemple du mouvement Nuit Debout l’illustre à la caricature. Tout le monde voit très bien que ces gens ne représentent ni les étudiants, ni les pauvres ni les chômeurs. Mais ça n’a aucune importance. L’invocation de victimes ou d’injustices abstraites suffit à leur donner à leur propres yeux (seule opinion qui importe pour eux) une supériorité morale qui justifie toute violence. Le socialisme serait en fait une forme d’institutionnalisation du rôle du sauveur dans le triangle dramatique. Ca expliquerait son besoin pathologique de trouver des victimes.

    Quant à l’absence de l’Etat, je pense que tu ne le cherches pas au bon endroit. La confusion est compréhensible si on pense que le but de l’Etat est d’assurer la sécurité des biens et des personnes.

    Mais le but de l’Etat c’est d’assurer sa propre pérennité. Ce n’est pas seulement parce qu’ils sont violents que l’Etat ne réagit pas contre les casseurs. C’est surtout parce qu’ils ne le menacent pas vraiment. Nos dirigeant savent qu’il suffit de faire un chèque (avec notre argent) pour régler le problème. Ca a toujours marché comme ça.

    Si tu veux voir l’Etat, va aux audiences de liquidation judiciaires du tribunal de commerce de ton coin. Tu verras toutes ces entreprises mises en faillite par l’URSSAF parce qu’elles n’arrivent pas à payer la totalité des cotisations.

    Tu verras que l’Etat est bien là, et qu’il est impitoyable quand son intérêt est en jeu.

  • Pour le coup Koz, je vous trouve un peu naïf.
    On peut s’étonner, mais de quoi ?

    Que des manifs étudiantes dégénèrent ?
    La seule idée qu’ils pourront sortir de leurs réflexions sur la place de la République c’est qu’il manque les droits des sans-papiers et des LGBT à leurs revendications. Mais ne comptez pas sur le fait qu’ils prennent conscience qu’ils sont en train de pisser sur l’idée même portée par le nom de leur chère place.

    Que la police ne fasse pas assez face à cela ?
    A-t-elle déjà fait plus ?

    Que le couple Hollande-Valls sorte le chéquier et noie le poisson le plus possible ?
    Soyons raisonnables. Nous parlons du roi de la synthèse et du prince du coup de menton. S’il y avait des couilles dans ce duo cela se saurait.

    En tout cela, rien d’étonnant. Tout est désolant, mais rien n’est surprenant. C’est peut-être en cela que c’est le plus triste.

    13 mois…

    @ Lib: l’Etat ne le sera vraiment que lorsqu’il sera dirigé par des Hommes d’Etat. En somme, même là où vous pensez le voir, ce n’est que l’administration qu’il a laissé lors de son hibernation.
    L’Etat se réveillera lorsque nous aurons mis des Hommes d’Etat à sa tête. Nous ne le saurons qu’après les avoir mis là. Quand justement, nous verrons l’Etat.

  • Koz a écrit :

    Il n’y a pourtant guère que la gauche pour entraîner de tels débordements

    Disons que la gauche visant à l’émancipation des opprimés, exploités, humiliés, offensés, et la droite visant à préserver les structures de pouvoir de l’ordre établi, cette dernière n’a nul besoin de faire appel à la violence sauf pour contrer les aspirations de la première.

  • Quand on pense qu’il y a quatre mois à peine les écolos étaient assignés à résidence parce qu’ils auraient pu avoir envie de manifester…

  • Alors pour les violences et dégradations, je rappelle les Bonnets rouges et les manifs de la FNSEA, toutes sans exception depuis des années. J’en ai organisé, je peux vous dire que la dégradation et l’envie de se battre sont au programme, et ils en sont fiers. Le désespoir (réel) leur sert d’excuse facile.

    Etes-vous allé à la Nuit debout? Moi oui. C’est l’équivalent gauchiste des Veilleurs, y compris des extrémistes qui commencent à mal tourner et dont le mouvement va devoir gérer les débordements s’il veut pouvoir continuer. Sinon, pas besoin pour Valls de sortir le chèque. Ces jeunes vivent leur expérience politique fondatrice de leur vie d’adulte (comme LMPT), quelques leaders émergeront et une nouvelle génération va arriver dans les partis politiques. Leur processus de décision participative est extrêmement intéressant mais il est assez peu efficace dès qu’il faut faire un choix et ne fonctionne pour l’instant que parce que les participants sont déjà d’accord. Si les jeunes issus de LMPT ou tout simplement de droite venaient juste s’asseoir et participer au débat, voter, etc, le système imploserait assez vite. Sinon, quelques idées, beaucoup de rêves, un bel engagement et peu de concret. LMPT avait un objectif politique clair, le retrait de la loi. Depuis que la Nuit Debout se veut (et se croit) un mouvement de révolution européen, elle a perdu la seule chose qui pouvait la faire avancer concrètement, la loi El Khomri étant devenue secondaire.
    La loi El Khomri va (hélas) faire son chemin comme l’a fait la loi sur le mariage pour tous, les vacances arrivent, puis les examens, puis à nouveau les vacances, que beaucoup occuperont à travailler, et la nécessité d’assurer son avenir en contexte de crise prendra le dessus. Resteront quelques fidèles qui, comme les derniers Veilleurs, continueront de s’assoir dans un lieu plus confiné.
    Le gouvernement n’a même pas besoin d’être courageux, il lui suffit d’attendre que ça s’éteigne tout seul. Evidemment il a été plus brutal avec LMPT (encore que les violences policières sont visiblement au rendez-vous en ce moment aussi), mais on ne peut nier qu’il avait moins de risque politique à être fort avec des manifs de droite contre un loi sociétale qui suscitait une large approbation ou indifférence, que contre une manif plutôt de gauche contre une loi économique qui touche au travail, préoccupation centrale de chacun.

    Un point commun aux deux mouvements : les vrais exclus n’en sont pas. Place de la République on demande la régularisation des migrants … sans migrants (2 ou 3 servent de caution politique), de l’insertion des jeunes…. sans les jeunes exclus. Quelques femmes voilées, quelques personnes « minorités visibles », mais une majorité de jeunes plutôt « blancs », étudiants, chômeurs et précaires certes, mais pas socialement exclus. Les « jeunes de banlieues » n’étaient pas à la LMPT (alors que n’importe quel sondage confirme l’impopularité du mariage pour tous dans ces quartiers où une homophobie réelle et violente règne), ni à la Nuit Debout (alors qu’ils sont les principales victimes du « système » qu’elle veut changer, du chômage longue durée, etc).

    Et merci à Gwynfrid pour le rappel : la crise économique et le chômage ne font pas tout, mais ils font en effet l’essentiel, de la peur des jeunes et de la passivité (qui cache aussi l’impuissance) de l’Etat.

  • Lili a écrit :

    Etes-vous allé à la Nuit debout? Moi oui. C’est l’équivalent gauchiste des Veilleurs, y compris des extrémistes qui commencent à mal tourner et dont le mouvement va devoir gérer les débordements s’il veut pouvoir continuer

    En plus de 200 Veillées, avez-vous vu un débordement ?

    Avez-vous vu une Manif qui ne condamne la violence quand, bien au contraire, ici, les responsables refusent de s’en dissocier ?

    Sans compter l’apathie totale du gouvernement face aux atteintes portées à des symboles de l’Etat, il suffit d’aller sur les réseaux pour constater l’indulgence coupable dont bénéficient les participants à « Nuit Debout ». Les medias reprennent même leurs propres expressions, qualifiant de « jardiniers » les punks à chiens qui descellent les dalles de la place, et de « potager » leur action, totalement babas (c’est le mot) devant la novlangue qui les conduit à prôner des « dégradations festives »…

  • Lili a écrit :

    Leur processus de décision participative est extrêmement intéressant mais il est assez peu efficace dès qu’il faut faire un choix et ne fonctionne pour l’instant que parce que les participants sont déjà d’accord. Si les jeunes issus de LMPT ou tout simplement de droite venaient juste s’asseoir et participer au débat, voter, etc, le système imploserait assez vite.

    Je suis bien d’accord avec cela. Je l’ai vécu aussi à l’époque du CPE où les dites AG étudiantes ne tolérait pas d’avis différent. Ils discutent, se posent des questions, mais ils ne réfléchissent que sur l’épaisseur du trait. Ils sont d’accord. Je veux bien aller apporter de la contradiction, mais j’ai bien peur de vite me prendre quelques pavés dans la tronche. Je l’ai déjà fait par le passé, et les seules fois où j’ai pu vraiment avoir une discussion construite et sans anathème étaient lorsque l’on était moins de 10 à une table de café avec une bière. En place publique, ce n’est pas possible.

    La loi El Khomri va (hélas) faire son chemin comme l’a fait la loi sur le mariage pour tous, les vacances arrivent, puis les examens, puis à nouveau les vacances, que beaucoup occuperont à travailler, et la nécessité d’assurer son avenir en contexte de crise prendra le dessus. Resteront quelques fidèles qui, comme les derniers Veilleurs, continueront de s’assoir dans un lieu plus confiné. Le gouvernement n’a même pas besoin d’être courageux, il lui suffit d’attendre que ça s’éteigne tout seul.

    Oui, le gouvernement joue sur le calendrier. Mais la loi n’est déjà plus ce qu’elle était. Elle est déjà morte. D’intéressante elle est devenue inutile puis néfaste.

    Un point commun aux deux mouvements : les vrais exclus n’en sont pas.

    C’est probablement là que réside le problème le plus profond. Les vrais exclus le sont aussi des mouvements où ils pourraient avoir une voix.

    Concernant les débordements, je ne suis absolument pas d’accord pour mettre tout le monde dans le même sac. Les agriculteurs en usent de façon inadmissible, mais ne sont pas du tout dans la même démarche que les punks et autres bandes à drapeau noir des groupes d’extrême gauche. D’un côté on l’utilisation de la violence pour tenter de faire entendre une voix, de l’autre l’attente d’une voix qui veut se faire entendre pour enfin balancer des pavés.
    Concernant LMPT, je n’ai pas souvenir de violences de cet ordre qui n’ai été condamnées et combattues par le mouvement.
    Pour les dites « violences policières » elles sont les mêmes, mais avouez qu’il y a peut être plus de raison d’envoyer des lacrymogènes sur des gens masqués qui lancent des pavés que sur des gens avec des poussettes qui n’arrivent pas à accéder à la zone de manifestation bien trop petite que la préfecture a eu la générosité d’autoriser…

    ps: Et voilà, ils ont intégré les droits LGBT à leurs revendications !

  • Je me disais que tant qu’à chercher la violence de l’extrême-droite, on pouvait aller voir chez les skinheads et les services « d’ordre » de grands partis, comme le SAC autrefois. Franchement, imaginer que la droite soit blanc-bleue dans le rapport à la violence me surprend.

    Mais oui, la gauche est prise dans une contradiction, entre un attachement à la violence révolutionnaire romantique et l’amour des victimes, quelles qu’elles soient.

  • Comme vous dites, « autrefois ». Evoquer le SAC, c’est faire un cours d’Histoire. Parlons du temps présent. En l’occurrence, comme je l’ai dit plus haut, je n’exonère pas l’extrême-droite de sa violence. Évidemment pas. Mais elle est condamnée sans ambiguïté, tandis qu’à gauche, il reste une complaisance à son égard, tant la gauche reste dans les imaginaires de la Révolution, de la Commune etc. Même lorsqu’ils ne se situent pas strictement dans cette lignée idéologique, elle garde une coupable indulgence à l’égard de cette violence – qu’illustrent les épisodes actuels comme les actes commis de façon répétée à Nantes ou à Rennes.

  • @ Koz:

    Ah oui, là on est bien d’accord. Je me souviens de la rixe entre ces deux skins, l’un de gauche, l’autre de droite, et des circonlocutions journalistiques pour les différencier, expliquant doctement que les skins de gauche étaient porteurs de vie et d’avancée sociale.
    Je m’en étouffe encore de rire.

  • @ Koz:
    La violence de gauche vise un système, et les autorités qui le représentent. La violence de droite vise des individus lambda, dès lors qu’ils veulent sortir de la place à laquelle le système les contraint.

    La violence de gauche vise une libération, la violence de droite vise une coercition.

    1. Il y a me semble-t-il deux points communs entre les gouvernement de François Hollande, Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac et François Mitterrand: la crainte d’en embrasement général qui balaye tout et tout le monde sur son passage comme la France en a le secret. Les exemples ne manquent pas dans l’Histoire de notre pays. A cette crainte s’en ajoute une autre: la mort d’un ou plusieurs manifestants qui fait perdre les élections suivantes. D’où une « tolérance » à des formes de violences diverses dans notre pays.

      2.Depuis les années 80 un nombre important de voitures brûlent tous les ans, ainsi que des écoles publiques et privées, ainsi que des installations sportives collectives et 1à 2 bibliothèques par an. Pourquoi et quel sens faut-il donner à ces faits? Personnellement je ne sais pas.

      3.Il existe dans notre pays des femmes et des hommes non-violents et des mouvements non-violents. Mais ils sont minoritaires et ont du mal à se faire connaître, re-connaître, entendre.
      Voir liens suivants:

    http://luluencampvolant.over-blog.com/2016/04/la-violence-n-est-pas-uns-fatalite.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail

    http://www.jean-marie-muller.fr/ACTIONS/MAN.html

  • @ Numéro N : je vous remercie de déployer tant d’efforts pour illustrer mon propos, et la coupable complaisance idéologique de la gauche pour la violence, mais il ne faut pas vous donner tant de peine.

  • Koz a écrit :

    Bien. Tu as trouvé un cas de violence d’extrême-droite à Pontivy, et un cas de débordement en fin d’une Manif Pour Tous. Mon propos n’est évidemment pas d’exonérer l’extrême-droite de sa violence mais allons, pousse plus loin la recherche.

    J’ai cité deux exemples de « gauche », deux exemples « de droite » et quatre exemples « ni de gauche ni de droite ». Mon propos n’est pas d’opposer la violence de droite à celle de gauche; je veux bien admettre que celle de gauche est plus fréquente, ne serait-ce que parce la droite (non extrême) manifeste moins d’esprit révolutionnaire par définition. Mais ce n’est pas là la question: ce que je souligne, c’est que la protestation violente est une tradition ni de gauche, ni de droite, mais française. On ne retrouve pas cela à ce point dans aucun des pays étrangers que je connais.

    Koz a écrit :

    Trouve-moi l’équivalent des Black Blocks. Trouve-moi l’équivalent des mises à sac répétées de la ville de Rennes ou de celle de Nantes. L’équivalent des violences systématiques des manifestations « étudiantes ». Et surtout l’équivalent de la complaisance politique et médiatique pour ces violences.

    Il suffit de demander. Ces gars-là existent sous une forme ou sous une autre depuis quarante ans. Ils sont un peu moins médiatiques que les Black Blocks mais pour la violence, ils n’ont rien à leur envier: ça fait longtemps qu’ils n’en sont plus au simple cocktail Molotov. Je ne sais pas s’il faut parler, pour expliquer le silence à leur égard, de complaisance médiatique ou de parisianisme journalistique.

    Autrement, il y a aussi ceux-là: ils paraît que désormais ils ne se battent que sur le terrain électoral, mais je demande quelques années de recul avant d’en juger. Je vois 3 différences avec les Black Blocks: ils ne sont pas mondialisés, ils ont été inventés avant Internet, et leur armement est nettement supérieur. Pour ce qui est de la complaisance à leur égard, on a eu des condamnations quand il y a eu meurtre (à condition avoir identifié les coupables, ce qui n’est pas si souvent le cas), mais l’impunité a presque toujours été tout de même très large.

    Le tableau d’ensemble, il est là: que ce soit pour les étudiants, les taxis, les viticulteurs, les routiers, les agriculteurs, les marins-pêcheurs, etc. la protestation accompagnée de violence est la norme nationale. Ça ne date pas d’hier: les attaques de commissariats ne sont pas une invention du XXIe siècle. Renvoyer ces questions à un manichéisme gauche-droite me semble peu réaliste.

  • Si vous chercher l’Etat, n’allez pas à Mayotte qui est au bord de l’insurrection.
    Cela se débine de partout.

  • Augustin de Vanssay a écrit :
    Concernant les débordements, je ne suis absolument pas d’accord pour mettre tout le monde dans le même sac. Les agriculteurs en usent de façon inadmissible, mais ne sont pas du tout dans la même démarche que les punks et autres bandes à drapeau noir des groupes d’extrême gauche. D’un côté on l’utilisation de la violence pour tenter de faire entendre une voix, de l’autre l’attente d’une voix qui veut se faire entendre pour enfin balancer des pavés.
    Concernant LMPT, je n’ai pas souvenir de violences de cet ordre qui n’ai été condamnées et combattues par le mouvement.
    Pour les dites « violences policières » elles sont les mêmes, mais avouez qu’il y a peut être plus de raison d’envoyer des lacrymogènes sur des gens masqués qui lancent des pavés que sur des gens avec des poussettes qui n’arrivent pas à accéder à la zone de manifestation bien trop petite que la préfecture a eu la générosité d’autoriser…

    La Nuit debout est un mouvement non-violent qui condamne les débordements, qu’ils soient le fait de certains de ses membres ou celui de mouvements d’extrême gauche qui s’en servent pour se défouler, comme LMPT a condamné les débordements en son sein.
    Pour le reste, on commence par « ne pas mettre dans le même sac » et on finit par justifier la violence des gens dont on se sent proche et pas celle de ceux dont on ne partage pas les idées. Je ne suis pas d’accord. Les punks et autres drapeaux noirs utilisent une manif dont ils ne sont pas membres pour se défouler. Les agriculteurs et autres Bonnets rouges utilisent la violence et la dégradation des biens publics comme mode de manifestation assumé. LMPT a manifesté pacifiquement, la Nuit debout aussi. Pas de violence, point. De même, votre description des violences policières est quelque peu biaisée, les lacrymos sont aussi utilisés contre la Nuit debout, pour évacuer la place alors que les participants sont parfaitement non-violents.

  • Augustin de Vanssay a écrit :

    l’Etat ne le sera vraiment que lorsqu’il sera dirigé par des Hommes d’Etat.

    Je ne crois pas. Je crois même que c’est cette idée qui nous a mené où nous sommes. L’idée qu’il suffit de confier le pouvoir aux bonnes personnes. Je pense plutôt que Lord Acton avait raison : « The danger is not that a particular class is unfit to govern. Every class is unfit to govern. » Nous avons perdu la sagesse des philosophes des lumières qui a défini les bases de deux siècles de prospérité pour l’occident : une sévère restriction des pouvoirs du souverain.

    Gwynfrid a écrit :

    Le tableau d’ensemble, il est là: que ce soit pour les étudiants, les taxis, les viticulteurs, les routiers, les agriculteurs, les marins-pêcheurs, etc. la protestation accompagnée de violence est la norme nationale.

    Jolie diversion.

    Oui, il y a une tolérance générale pour la protestation violente, notamment syndicale, qui n’est pas clairement de droite ou de gauche (même si la dimension victimaire est assez omniprésente).

    Mais il y a aussi une tolérance particulière à gauche et chez les socialistes pour la violence de gauche ou socialiste. Le mécanisme nous en a admirablement été illustré par Numéro N : Nous sauvons le monde; on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs.

    C’est cette posture du sauveur qui justifie tous les excès. Il faut donc absolument trouver quelqu’un à sauver. C’est manifeste dans la façon dont les Nuit Debout parlent des salariés. On dirait qu’ils décrivent une peuplade aborigène reculée. Des gens dont ils ne savent rien mais qu’ils ont entrepris de sauver sans leur demander leur avis.

  • Je cherche l’état aussi dans les péripéties des projets de lois, avec un gouvernement qui fait supprimer des amendements au nom de ses promesses pour déposer les siens venant trahir ces mêmes promesses, qui bricole tellement qu’on finit par ne plus rien comprendre aux lignes directrices…qui désespère ses fonctionnaires en charge de suivre les dossiers qui n’ont plus de cap, qui annonce par exemple une grande et rapide réforme du code minier en juillet 2012, procède à une consultation en mars 2015, et…et quoi au fait?

  • @ Lili:
    La non-violence de Nuit Debout ? je n’ai rien vu à ce propos… J’ai plutôt en têtes des sons et des images d’une manifestations au mégaphone et à la sono avec des slogans du type  » A bas l’État, A bas la Police » etc… Dans le dit cortège et dans d’autres des personnes cagoulées ou casquées… Lorsqu’une manifestation a lieu, il revient à l’organisation de l’encadrer. Des débordements peuvent toujours survenir, mais quand le débordement violent est le cœur même de la manifestation je ne suis pas convaincu par les intentions des organisateurs. Je suis d’accord pour dire que ce n’est pas le but du mouvement, mais que le mouvement soit en collusion avec des actions violentes me semble évident. J’ai d’autre part cru comprendre qu’il n’y avait pas de porte parole ou qui que ce soit de ce goût là. Par conséquent, il est difficile au mouvement de réagir sur les incendies de lycée, les caillassages, la dégradation de la voie publique et autres…

    Enfin, je ne justifie aucune violence. Celle des agriculteurs, des corses, des Femen, du GUD, des ravageurs de laboratoire, etc… m’est tout aussi insupportable. Je fais simplement la différence entre utiliser la violence pour faire entendre un discours (ce qui est à mon sens débile) et utiliser un discours pour être violent (ce qui est à mon sens pire). Dans le premier sac je mettrais les agriculteurs et les femen par exemple et dans le second le GUD et les rouges.

    Lib a écrit :
    Je ne crois pas. Je crois même que c’est cette idée qui nous a mené où nous sommes. L’idée qu’il suffit de confier le pouvoir aux bonnes personnes. Je pense plutôt que Lord Acton avait raison : « The danger is not that a particular class is unfit to govern. Every class is unfit to govern. » Nous avons perdu la sagesse des philosophes des lumières qui a défini les bases de deux siècles de prospérité pour l’occident : une sévère restriction des pouvoirs du souverain.

    Non et oui…
    Non, parce que la façon dont est conçu la République fait qu’elle a besoin d’un Homme d’Etat a sa tête pour tourner rond. Et je pense sincèrement qu’il existe des Hommes d’Etat.
    Oui, je suis d’accord pour dire que cette idée nous à mener là où nous sommes. Mais pour faire autrement il faut changer le système.

    En fait, je pense que cela revient au débat entre Monarchie et République. Et le problème que l’on a est que l’on a conçu une République sur le modèle Monarchique.
    Admettons que nous ayons un vrai un bon Homme d’Etat. Mieux vaut pour tout le monde qu’il ai le pouvoir absolu. Le problème étant qu’il n’en pleut pas tous les jours, la République permet d’éviter que le commun ne fasse trop de dégâts. C’est un peu le principe de précaution appliquer à l’organisation politique d’un pays.
    Ceci dit, je suis de votre avis. C’est un bien grand risque que de tout miser sur l’Homme d’Etat.

  • Une suggestion pour reprendre le contrôle de la rue aux casseurs. Le gouvernement devrait inviter la Manif pour tous à organiser à nouveau des manifestations monstres. La rue serait occupée,…, sans violence ! 🙂

  • @ Koz:
    Koz, allons, Action Française, agressions à l’égard de ceux qui ne correspondent pas à la norme, vraiment, la violence de droite, vous ne connaissez pas ? Par ailleurs, ceux qui détiennent le pouvoir des banques et des lobbys ont d’autres moyens d’exercer leurs violences dont nous sommes tous les jours les victimes. Ceux qui ne souffrent pas encore trop de leur pouvoir n’ont pas trop besoin de balancer des projectiles dans la rue.
    Par ailleurs, oui nous souhaiterions tous un changement dans la paix, et chacun peut s’investir pour participer à le trouver. Et je pense que l’écrasante majorité est préoccupée par les risques de débordements violents, et la crise de l’action par la politique qui en est à l’origine. Mais la violence, on la voit aussi à l’oeuvre tous les jours dans un quotidien qui est tout sauf non violent, même s’il mobilise moins souvent les CRS.
    Malgré toutes les réserves, ce type d’initiative comme Nuit Debout a le mérite de permettre d’envisager des changements à une autre échelle que celle que nous pouvons envisager au quotidien. En tous les cas, c’est d’ouvrir cet espoir qui fait son intérêt. Je partage toutes vos peurs sur les risques de violences qu’il induit. Mais l’espérance, et le « n’ayez pas peur », c’est à ce niveau précis que je les vis, et ils ne vont pas sans la prudence et la responsabilité.

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