Nouvelle-Calédonie : rétablir le droit et le dialogue

Sommes-nous en train de revivre la décolonisation, plus de 50 ans après ? Ont ressurgi dans le débat des termes et une réalité, le spectre d’une guerre civile, que nous croyons appartenir au passé. A la différence peut-être que la présence française en Nouvelle-Calédonie datera bientôt de deux siècles et que, par trois fois, les Calédoniens ont été consultés puisque l’accord de Nouméa de 1998 est allé jusqu’à prévoir un troisième référendum en cas de de deux victoires successives du « non », processus inédit pour le moins protecteur des volontés indépendantistes. Avec une participation massive, l’indépendance a été rejetée en 2018 par 56,67% des votants et, en 2020, à 53,36%. En 2021, les indépendantistes refusant de participer au scrutin, l’indépendance a été rejetée par 96,50% des votants, mais pour une participation de 43,87%. Rappelons aussi que le corps électoral était restreint pour n’être ouvert, dans l’hypothèse la plus large, qu’à des électeurs justifiant d’un domicile continu en Nouvelle-Calédonie depuis 1998. L’indépendance étant rejeté à trois reprises, le territoire étant français, était-il concevable qu’en France, des citoyens puissent encore longtemps être interdits de vote aux élections locales ?

La situation s’avère plus complexe, et l’approche légitimiste insuffisante politiquement. Face au risque d’affrontement armé, face à l’opposition de près de 45% de la population, elle est une base incontournable mais il est nécessaire de la dépasser pour préserver la paix civile et l’avenir de ce territoire français.

Or Emmanuel Macron a fait preuve à ce sujet aussi d’un mélange de précipitation et d’autoritarisme qui confine à un amateurisme têtu et conduit à la faute politique. Les représentants Kanaks demandaient un report du référendum de 2021, pour respecter leur deuil rituel après les nombreux morts dus au Covid-19, ce deuil s’étalant sur plusieurs mois. C’est le refus de ce report qui a conduit au boycott du scrutin. Au vu des résultats des scrutins préalables, qui semblaient peu susceptibles d’évolution, était-il judicieux de sembler mépriser les coutumes kanaks et d’entacher le scrutin d’un doute sur sa légitimité ? La nomination au gouvernement de Sonia Backès, chef de file d’une droite loyaliste dure, a laissé penser que l’Etat a choisi son camp là où on l’attend dans un rôle d’arbitre, même intéressé. La désignation de Nicolas Metzdorf, lui-même Caldoche, comme rapporteur du projet de loi constitutionnelle, n’était pas davantage de nature à donner des gages d’impartialité.

Il reste à l’Etat à retrouver les voies d’un dialogue qui s’appuie sur les scrutins passés mais les dépasse. Quant aux belles âmes promptes à brader le territoire national, qu’elles se souviennent que notre départ est souvent suivi de l’arrivée de puissances étrangères autrement moins respectueuses de la souveraineté des territoires concernés.


Photo de Léo Lacrose sur Unsplash

Chronique en date du 22 mai 2024

Billets à peu près similaires

2 commentaires

    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

    Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

  • Problème de méthode. Nous nous sommes enfermés dans la palabre; plus de 30 ans que ça dure. Le processus est une solution en soi, un jour sans fin qui permet à chacun de camper sur ses positions sans voir venir. Pas besoin de trancher ni de décider, juste discuter et consulter, rediscuter et reconsulter : pourquoi pas un 4eme référendum avant un 5eme. De fait, on s’empêche de fixer un cap, d’installer une vision et de faire naître un projet.

    Répondre
  • La palabre est un élément important de la culture mélanésienne. C’est le refus de prendre en compte la vision de ces personnes qui génère le clash. La palabre permet la négociation et donc la situation reste inchangée puisqu’elle convient à ceux qui discutent.
    Ceux qui ne sont pas satisfait n’ont qu’à partir ailleurs. Mais là, pour certains acteurs, le fait que des autochtone ne savent pas, en fait peut être qu’ils ne veulent pas, exploiter les « richesses » de leur territoire, les disqualifie pour vivre sur le dit-territoire. Cet position n’a pas empêcher ces personnes de détruire d’autres « richesses » qui assuraient la vie des-dits autochtones.
    Cessons d’avoir un regard colonisateur. Nous sommes sur le même bateau et l’analyse de chaque personne est valable si les-dites personnes arrivent à mener une vie qu’ils jugent descente sur leur territoire. Et selon ce critère, beaucoup d’analyses « occidentales » sont mauvaises….

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.