Bribes de conversations essentielles

Loin d’un certain tumulte évoqué ailleurs sur ce blog, (bien) plus de 500 personnes se trouvaient hier soir au World Place pour un évènement des Conversations Essentielles, en l’occurrence, un Café Essentiel. 500 personnes venues discuter du don, avec Didier Pineau-Valencienne, Michael Londsdale, Emmanuel Faber et Elie Wiesel, dans un entretien animé par Philippe Lefait.

Les Conversations Essentielles

… sont nées d’un constat fort : d’une part, une quête de sens, de repères et d’humanité chez les jeunes habités par des questions existentielles et, d’autre part, un manque d’occasions et de lieux pour en converser

500 personnes et plus, donc, hier, anxieuses de sens, manifestement concernées par la question du don dans leur vie, que ce soit le don reçu, le talent, le don offert, dans la vie quotidienne ou comme engagement total.

Aurore, l’une des « représentantes de la jeune génération » – selon l’expression de Michel Lefait qui prenait soin ainsi, me semble-t-il, de ne pas résumer la personne à son âge, tout en reconnaissant cette singularité ouh la la la c’est compliqué – posait la question d’emblée de l’unification de sa vie, entre une activité professionnelle généralement marquée par la réalité, et le don.

Nestor en posait une autre, qui est revenue à plusieurs reprises, sur la gratuité du don. Est-ce vraiment gratuit de donner ? Donne-t-on vraiment sans espoir de retour ? Même pas de satisfaction personnelle ?

On l’a tous ressenti un jour, cette petite satisfaction personnelle d’avoir donné. On se sent meilleur et puis, peut-être même, un peu fier de soi. L’étape d’après, c’est de s’interroger sur la motivation de son don : ai-je donné pour cela ? Pour continuer mon chemin un peu plus léger ?

Fait rare, la soirée d’hier m’a apporté une réponse, au milieu d’interrogations et de réflexions diverses dont j’ai pris note, mais qui ne trouveront pas leur place ici.

Cette réponse, elle m’est venue essentiellement d’une personne dont je n’avais encore jamais entendu parler, Emmanuel Faber. Actuel Directeur Général Asie-Pacifique de Danone et presque (au 1er janvier 2008) Directeur Général Délégué de Danone, son propos et son parcours m’ont marqué.

Il nous a parlé de l’incapacité dans laquelle il s’était trouvé de vraiment donner lorsqu’il s’était rendu, une semaine, dans – me semble-t-il – une léproserie des Missionnaires de la Charité. Il raconte comment, voulant aider, il avait entrepris de passer le balai sous les lits, jusqu’à ce qu’il s’aperçoive qu’un homme le suivait. Privé de ses jambes, son rôle, son utilité personnelle, son service, il le trouvait dans le fait de passer le balai, y compris sous les lits et, ce qu’il accomplissait en une matinée entière, Emmanuel Faber l’avait fait en un quart d’heure.

Je ne peux pas m’empêcher de penser au tableau dressé par Daniel Facérias, dans on livre, Mère Teresa, dans lequel il l’évoque, à ses débuts, seule dans le bidonville, s’efforçant de vraiment mendier – non pas mendier pour s’affliger, mendier pour se sentir pauvre, mendier pour éprouver sa sainteté mais être sincèrement en communion avec les pauvres – et toute la difficulté qu’elle éprouvait à le faire.

Emmanuel Faber, qui dit avoir été hanté par la question de la bonne conscience, nous a livré sa conclusion.

« Essayer de chercher la gratuité dans le don est un chemin qui ne mène nulle part.

J’ai résolu de mener le chemin d’imperfection qui est de considérer que le don est un échange« 

Penser que le don doit être gratuit, nous dit-il, est paralysant. Il faut accepter l’échange, accepter de recevoir, quoi que l’on reçoive, y compris un petit contentement.

Un peu plus patelin, Michael Londsdale écarquillait les yeux en entendant certaines questions sur le pouvoir que nous donnerait le don sur les autres. Faut-il donner dans ces conditions ? Il relativisait : « C’est pas bien méchant. Il vaut mieux donner et se sentir fier de soi, être un peu orgueilleux, que ne pas donner« .

Etait évoqué aussi le risque de manipulation. Nestor évoquait le cas du Biafra, et de la mobilisation intervenue dans les années 70, autour disait-il du terme de « génocide« , expressément construit pour susciter la générosité, qu’il s’agisse ou non d’un génocide.

Fait notable, c’est Elie Wiesel qui a pris le micro pour questionner (et répondre) :

« « Peut-on utiliser le mal pour faire le bien ? Culpabiliser pour amener à être généreux ? »

Il faut d’abord penser à celui qui attend »

N’en déduisons pas qu’il cautionnerait n’importe quelle dramatisation. Mais voilà : penser à celui qui attend. Là, je pense à l’enfant affamé, le ventre gonflé, les yeux rentrés. Qui se fout bien de savoir si le terme de génocide est adéquat.

Je mettrais un bémol toutefois, car la « manipulation » justifiée d’hier produit la méfiance d’aujourd’hui.

Emmanuel Faber insistait aussi pour que l’on ne s’empêche pas de donner parce qu’il y a un risque de manipulation et, pourtant, comme la méfiance est grande vis-à-vis des actions caritatives. Comme si l’on acceptait mieux le risque de se faire arnaquer à titre commercial.

La conversation a également versé sur le don par les entreprises. Une entreprise peut-elle donner sans retour ? Est-ce son rôle ? Là encore, Emmanuel Faber livre une réponse : non, une entreprise ne peut pas donner sans retour. Elle a un objet social, une finalité économique. En revanche,

« A la fois, il ne peut y avoir de don sans retour pour une entreprise, et on ne peut pas mesurer le retour dans le seul résultat financier. C’est négliger l’osmose entre l’entreprise et la société. »

Et il insiste sur le fait que l’on , aujourd’hui, inconsciemment déconnecté la finance de l’économie réelle. Tous, y compris les particuliers. Le modèle occidental économique va dans le mur, nous dit-il. Et il se peut qu’il ait raison.

Plus de 500 personnes donc, dans un « écrin » très parisien, pour parler don, et générosité. J’ai, moi aussi, ressenti une certaine émotion – qu’est venue accompagner la voix de Lenni Jabour – devant l’attention « recueuillie »[1] (selon l’expression de Philippe Lefait) d’une jeune assemblée préoccupée de sens.

Je garde trois mots prononcés en conclusion de cette soirée, outre it makes me a little sad.

Le premier, sur la condescendance du don, je ne suis pas certain qu’il soit vraiment de Philippe Lefait, quoiqu’il l’ait prononcé… : « N’ayez pas peur ».

Philippe Lefait est également à l’origine du deuxième. Schopenhauer nous a-t-il dit, répondait à ceux qui s’interrogent sur les « grandes questions métaphysiquesi », et cherchent des réponses : »Vous n’avez aucune chance, mais saisissez-la« .

Mais le mot de la fin, je le rends à Emmanuel Faber, invité à donner son sentiment, en cette fin de conversation :

« Je vais essayer de ne rien retenir« 

*

  1. dans un rendez-vous, détrompez-vous, non religieux []

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24 commentaires

  • Un de mes professeurs me disait :
    « comment voulez vous faire boire quelqu’un avec un verre vide ? remplissez le en recevant, et vous pourrez donner ».
    Ce Monsieur m’a fait également comprendre que recevoir, recevoir avec le coeur, c’était déjà donner et qu’il y avait de l’orgueil à vouloir toujours donner sans recevoir, comme si il y avait jugement que l’autre n’est pas capable de donner…

    Mais il y a aussi la notion d’humilité dans le don.
    Un jour que j’étais particulièrement contente de moi, car il me semblait avoir réussi à « bien donner » dans un accompagnement difficile, le malade me dit « je remercie… ».
    J’entends  » je vous remercie… » et réponds  » c’est normal ».
    Le malade me répond :  » mais ce n’est pas vous que je remercie ! Je remercie Dieu de vous avoir mise sur mon chemin »… Oups ! Belle leçon qui m’est arrivée là!

    Le don n’est pas simple à « penser ».
    Il devient simple lorsqu’il devient naturel.
    Il devient naturel dès lors qu’il y a empathie qui permet de connaître ce que l’autre peut recevoir sans se sentir écrasé, humilié, déçu par le don, mais enrichi par lui et ce qu’on est capable de donner avec sincérité.

    Et c’est tellement simple que ce n’est pas si simple ( pour moi en tous cas ! )

    Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ( ceci est valable également pour moi, bien sur !)

  • Ou comment faire du vent avec du vent.
    « grande questions métaphysiques », je rigole! Mais je suis sympa, si tu veux je te conseille volontier des livres ou des forums qui soulèvent des vraies questions de société.

  • Les Hommes étant essentiellement des êtres de relations, il me semble que le don n’est jamais gratuit, il amène obligatoirement un retour : la gratitude, très nourrissante pour le donneur, la bonne image de soi, le sens du devoir etc…
     » Il faut d’abord penser à celui qui attend  »
    Pourquoi ? pourquoi y aurait-il un  » actif donateur  » qui doit donner à un  » attentiste receveur  » ? bien sûr l’image de l’enfant en danger de mourir de faim fait taire les questions, il y aurait pourtant beaucoup à dire sur la charité organisée que représente l’humanitaire.
    N’importe quel urbain est très vite confronté aux limites de sa générosité quand il a croisé dans sa journée au minimum une dizaine de mendiants.
    Quelle est la meilleure attitude, donner de l’eau à celui qui a soif ou creuser un puits ? d’abord l’une puis l’autre, le meilleur service à rendre à autrui est de l’amener à ne plus avoir besoin de nos services, à l’image de l’éducation qui fera de l’enfant dépendant un adulte responsable.
    La charité, l’aide, infantilisent en fixant les rôles de donneur et d’assisté.
    A côté des assistés auquels il convient de redonner la main sur leur vie, il y a les oubliés qui manquent de regards, de considération, d’attentions et là, il ne s’agit pas de donner de l’argent mais de donner du temps ce qui est moins simple.
    En fait, la générosité, la vraie, c’est peut-être de regarder autour de soi, de sourire à son voisin et lui dire quelques mots, de ne pas se replier sur soi en se bouchant les oreilles avec des écouteurs pleins de musique mais de se laisser disponible à une relation même fugace avec l’autre, c’est une générosité de proximité à laquelle il convient de redonner son importance, comme aux commerces du même nom.

  • Très beau sujet Koz et il y a tant à dire !
    Je voudrais simplement dire qu’à l’heure actuelle j’ai le sentiment que le plus magnifique don que l’on puisse faire c’est celui du temps.
    Qu’il y ait échange, qu’il soit le produit d’une culpabilité ou autre, le seul fait de passer du temps avec autrui, de consacrer un tant soit peu d’attention à une cause, à quelqu’un ou à un organisme est déjà un premier pas, même imparfait, un cadeau en forme d’instants, de minutes ou d’heures volés à notre emploi du temps surchargé…

    Merci Koz pour ce billet ! et je rejoins Ginette pour dire qu’avant Noel, ces bribes de conversation sont essentielles.

    Quant à moi, je n’aurais plus le temps de venir avant samedi et mon départ en vacances et je vous souhaite à tous de très joyeuses fêtes.

  • Tu évoques des questions passionnantes.

    Le don n’est pas une démarche à sens unique, il implique une forme de contrepartie ne serait ce que de la reconnaissance. Et puis un don doit être accepté par son bénéficiaire, et cette acceptation n’est pas anodine. Chacun sait qu’accepter un cadeau induit une forme de dette morale qui, si elle est difficile à quantifier, exerce une influence indéniable sur les comportements du bénéficiaire. C’est pour cette raison que beaucoup de profession/institutions ont mis en place des procédures déontologiques strictes : un banquier, un avocat, un haut fonctionnaire… ne doivent pas accepter de cadeaux d’une valeur supérieure à X de la part de clients, fournisseurs, partenaires…

    Un mot sur le don en tant que charité qui est plus le sujet de ton billet. Je pense que paradoxalement la réciprocité du don est encore plus importante dans ce contexte. Impliquer une forme de contrepartie est une marque de respect envers le bénéficiaire du don. Même si ça n’est pas explicité, le donneur et le receveur savent très bien au fond d’eux s’il s’agit d’un don partagé ou d’un don à sens unique. Et le message qui accompagne le don à sens unique est terrible : « tu es tellement insignifiant que je n’espère jamais rien recevoir de ta part ». On crée implicitement 2 catégories de personnes, celles qui sont susceptibles de nous être un jour utiles et les autres. J’espère ne jamais me retrouver dans la 2e catégorie, les dégâts sur l’estime de soi doivent être considérables. Je pense que j’en viendrais à haïr mon « bienfaiteur » pour m’avoir ainsi fait sentir ma propre inutilité.

    Je pense que cet élément explique l’extraordinaire succès du microcrédit. Au lieu de donner aux pauvres, on leur prête. Avec deux conséquences favorables. D’abord, cela crée un aiguillon pour réussir. Mais surtout, cela envoie un signal très fort au bénéficiaire : Quelqu’un m’a fait confiance. Quelqu’un a cru en moi, en mon projet au point de me prêter de l’argent. Quelqu’un a choisi de prendre un risque sur moi. Mon travail, mon talent m’ont fait rencontrer un premier succès. Je suis compétent.

  • Libéral a dit « Je pense que cet élément explique l’extraordinaire succès du microcrédit »

    C’est d’autant plus vrai qu’il me semble que l’autre nom du micro-crédit est le « crédit solidaire »

  • @Liberal: vous touchez absolument juste.

    Savoir donner s’apprend assez facilement. Il est plus difficile de savoir recevoir – notamment de la personne à qui on donne. C’est valable dans une relation envers plus pauvre que soi. Mais aussi, plus subtilement, dans une relation au sein du couple et de la famille.

    Accepter de recevoir est une preuve d’amour, au moins aussi grande que de donner.

  • Sur le don-charité, je suis également tout à fait d’accord avec Liberal… pour autant que la situation s’y prête et pour autant que cela ne soit pas une raison de ne pas donner. Ainsi lorsque vous croisez un sdf, vous n’allez généralement pas avoir l’occasion de solliciter une contrepartie. De la même manière, ce que dit gwynfrid s’applique difficilement à ce cas : je ne qualifierais pas le fait pour le sdf de recevoir de preuve d’amour.

    Si donc on écarte ces cas, c’est vrai que c’est une bonne raison d’en passer par des organismes structurés, qui seront susceptibles d’organiser une contrepartie.

    Emmanuel Faber évoquait aussi une initiative de Danone qui mérite que l’on s’y arrête avec attention : la création du fonds d’investissement danone.communities, qui soutient des activités de développement durable ou d’économie solidaire.

    Comme le dit la page en question,

    « Il s’agit de proposer un placement prudent à tous ceux qui souhaitent donner un sens à leur épargne et participer à l’expansion de modèles de développement nouveaux comme celui de la Grammeen Danone Food au Bangladesh. Cette expérience, lancée en 2006, a ouvert la voie à un nouveau modèle d’entreprise: les « social businesses », de véritables entreprises, qui ont vocation à dégager une forme de rentabilité, mais dont la priorité est la maximisation de leur impact positif sur la société. (…) »

    Cela me paraît franchement intéressant comme initiative, et responsable, d’autant que cela permet d’avoir une action suivie.

    Ma, les spécialistes, comment qu’on fait pour placer de l’argent dans ce fonds ?

  • « Pour autant que la situation s’y prête et pour autant que cela ne soit pas une raison de ne pas donner. Ainsi lorsque vous croisez un sdf, vous n’allez généralement pas avoir l’occasion de solliciter une contrepartie. »

    Personnellement, je ne pense pas que le fait de donner une pièce à un SDF soit une aide apportée mais que cela engendre plusieurs effets pervers dont celui que Liberal souligne dans cette phrase : « J’espère ne jamais me retrouver dans la 2e catégorie, les dégâts sur l’estime de soi doivent être considérables. Je pense que j’en viendrais à haïr mon “bienfaiteur” pour m’avoir ainsi fait sentir ma propre inutilité. »

    L’autre effet pervers c’est de fournir une « solution » qui n’en est pas une. Rien n’engendre la persistance d’un problème dans une société (c’est la même chose dans une entreprise d’ailleurs pour ceux qui se sont intéressé à la gestion – on appelle ça « un trou camouflé ») qu’une solution qui n’en est pas une. En l’occurrence cela permet à la société d’éviter de trouver un moyen financier d’urgence, de trouver les solutions qui réduiraient l’aide d’urgence mais qui présenteraient forcément l’obligation d’une solution de réinsertion et/ou simplement d’échange et donne une « solution » au SDF en lui permettant, à lui aussi, de faire durer sa situation.

    Je me souviens qu’en Norvège il y a une quinzaine d’années j’avais vu un reportage danois sur des SDF français (!) dans lequel une équipe TV avait suivi pendant des mois un couple de SDF à Paris. Ils avaient une technique de manche assez au point qui leur permettait à l’époque de ramasser 300 FF en à peu près 3 heures. C’était probablement performant dans le domaine, mais c’était quand même un revenu – hors impôts -bien au dessus du SMIG horaire mensuel. En fait, ils ne « bossaient » que 3 heures car ils étaient trop bourrés le reste de la journée pour pouvoir faire plus.

    Je me souviens aussi de la distribution de duvets -15° par le secours catholique dans une période de grands froids dont la moitié avait été revendue le lendemain par les SDF – ou d’un autre reportage dans lequel on voyait un ex-SDF à qui on avait trouvé un studio d’urgence et qui vivait sous des cartons au milieu de son salon.

    De fait rien n’était fait pour soigner leur alcoolisme, pour les sortir de la situation précaire dans laquelle ils sont, pour les réinsérer, etc.

    D’un autre côté, il est remarquable aussi de noter que la société n’offre pas d’autre choix parfois. Il est évident qu’un SDF ne pourra jamais trouver de solution pour se loger, ne peut pas se faire embaucher de façon très temporaire pour faire un job ponctuel du fait des lois sur le travail. Un membre d’une tribu amazonienne qui n’a jamais vu un dollar de sa vie, a pourtant toute sa dignité – il peut chasser, pêcher, construire une maison où il veut pratiquement de la taille qu’il veut, certains vendent même du poisson pour pouvoir se rendre chez un médecin de la ville la plus proche sur le fleuve. C’est un simple exemple qui donne deux situations absolument pas comparables, mais il est intéressant aussi de se poser la question dans ce sens. Quelles sont les solutions respectant l’échange et la dignité qui sont offertes aux nécessiteux ? C’est d’ailleurs l’essentiel des revendications des Don Quichotte – des vraies solutions associées à un suivi, pas une place dans un foyer.

    C’est le paradoxe : des gens travaillent bénévolement pour les Restaus du Coeur pour nourrir des gens qui parfois ne demanderaient qu’à travailler pour se nourrir.

  • @eponymus.
    « C’est le paradoxe : des gens travaillent bénévolement pour les Restaus du Coeur pour nourrir des gens qui parfois ne demanderaient qu’à travailler pour se nourrir. »

    je connais bien celui qui s’occupe des restos du coeur de mon patelin. Il semble que pour un certain nombre, et même un nombre certain, il faille vérifier les revenus, le nombre de fois où ils passent ; à cause du pb que les journalistes suédois ont montré ( revente au mieux, mis à la poubelle au pire )
    J’avais une cliente qui dépensait son RMI en cigarettes et allait se nourrir aux restos du coeur ( le logement étant payé par papa-maman ). Je sais, qu’on ne peut pas généraliser sur un cas !
    Mais quelquefois, cela fait réfléchir sur le « bon don » et le « mauvais don »

    J’ai vu en Californie les SDF : certes ils dorment dehors la nuit ( même l’hiver, c’est très acceptable, sous un mimosa ou un eucalyptus en fleurs, bien que ce soit plus courament sur les parvis des administrations ( poste, mairie, écoles, universités ). Mais le jour, ils travaillent : ramassage de boites de métal, de papiers – qu’ils revendent ensuite. Et ils ont droit à se laver dans les auberges de jeunesse ou autres établissements habilités.
    Une autre façon de prendre en charge qui me paraît aller dans le bon sens ! Et leur laisser leur dignité )
    ( ah, j’oubliais que les américains n’étaient pas des modèles )

    @gwinfrid
    Je suis entièrement d’accord avec vous.
    C’est d’ailleurs ce que je disais dans ma 1ere réponse à ce billet.
    Il est plus difficile de savoir recevoir.
    Et savoir recevoir est aussi important que de savoir donner et c’est une grande preuve d’amour.

  • Je rejoins bien des remarques de ce billet et des commentaires, pourtant, je reste perplexe sur cette notion de « don ».
    J’ai la sensation qu’il s’agit là d’un acte absolument à-part, qui existerait en soi, presque totalement déconnecté de la vie de celui « qui donne »…
    Et des personnes, qui cherchent à trouver un sens positif pour ne pas dire noble aux choses, se réunissent pour réfléchir ensemble à ce qu’est ‘le don dans leur vie’…
    Bon..je n’ai pas à juger.
    Mais, juste une idée comme ça. Et si, on parlait un peu moins du sens philosophique des choses, et agissait un peu plus.
    Comme le dit Thaïs plus haut, le temps est aussi un don précieux.
    Et c’est curieux de constater que nombre d’associations peinent autant à trouver des bénévoles et que d’autre part, on se réunisse pour réfléchir sur ce qu’est le don ou que des émissions télévisées de collecte rapportent tant d’argent.
    Bon, d’accord, c’est un peu simpliste comme raisonnement. Mais enfin, nous vivons dans une société, et participer à cette société, au-delà du travail rémunéré, c’est sensé, sans chercher si loin, ni si compliqué. Non ?
    Et je ne parle pas d’associations caritatives.
    Justement, le partage de son temps, de ses aptitudes, de son énergie, ce n’est pas forcément une question de caritatif, de « don » au sens officiel du terme.
    Et peut-être que lorsqu’on s’investit avec moins de grands sentiments, plus de simplicité, mais aussi bien plus de réalisme, on fait plus utile.
    Après tout, quand on donne, le plus important, n’est-ce pas que ce soit utile ?

  • @eponymus : »C’est le paradoxe : des gens travaillent bénévolement pour les Restaus du Coeur pour nourrir des gens qui parfois ne demanderaient qu’à travailler pour se nourrir. »
    si c’est toujours le cas maintenant, c’est la mission des restaus en tous cas celle la plus médiatisée mais ce n’est pas la seule. Il y a de l’écoute et de l’aide à la réinsertion.
    L’association « le relais » bien développée maintenant était l’idée d’une personne à la base, que donner ses vêtements usagés pouvaient non seulement vêtir ceux qui en avaient besoin mais aussi fournir du travail à ceux qui réparaient les vêtements et ceux qui les vendaient à bas coût.( La CR le faisait mais dans la majorité des cas revendait au poids les vêtements)
    De petites associations existent aussi qui moyennant une petite obole mensuelle de copains à la base et quelques organisations de concert, de loto ou de bridge, permettent de construire un centre nutritionnel(pour que les enfants des bidonvilles aient de quoi manger une fois par jour et qu’ils soient éduqués) en Colombie. Toute petite structure qui permet de démarrer quelque chose avec toute la transparence nécessaire et quelques années plus tard quelle joie de voir les enfants qui ont grandi et le centre autonome financièrement ! ce qui permet de recommencer ailleurs.
    Il y a assez longtemps, j’ai fait quelques tournées de soupe avec emmaüs m’occupant plus des bobos. Ce qui m’a frappée, c’est que les SDF étaient plutôt heureux, se sentaient libres mais souffraient de solitude et du regard des passants. Ils étaient tout simplement heureux de discuter avec nous. Et leur manière de me remercier passaient pas des merci, par des demandes en mariage, par des petits cadeaux (plusieurs livres de c.. !) alors que je ne leur offrais que ma présence.
    Le principe des micro crédit via la banque Grammen dont parlait Libéral est effectivement à mon sens quelque chose de fondamental pour lutter contre la pauvreté. Même si ce système n’existe pas à proprement parler comme au Bangladesh (en France, ce sont les ADIE de M.Novak). Je souhaiterais pour finir vous transmettre une reflexion de M. Yunus dans son livre « vers un monde sans pauvreté »: « Dans les pays développés, la plus grande difficulté est de lutter contre les ravages du système des aides sociales. Nombre d’entre eux font le calcul rapide de ce qu’ils perdraient en aides et couverture sociale s’ils devenaient leurs propres patrons. Ils finissent par conclure que cela n’en vaut pas la peine ».

  • Super exemples Thais… si ces initiatives et systèmes, pour reprendre le cas des SDF parisiens étaient coordonnés avec d’autres associations travaillant sur d’autres angles d’aide véritable (éducation dans certains cas, aide sur l’alcool, toxicomanie, reconstruction personnelle, etc.) et que les projets soient vraiment managés par des pros, ils pourraient même que ces activités soient non pas « rentables » mais autonomes surtout si les initiatives étaient accompagnées par l’état afin qu’elle ne subissent pas l’harassante pesanteur administrative habituelle, que des gens puissent créer une activité sans que l’URSSAF, la TVA, etc leur tombent dessus.

    L’exemple suivant a seulement un peu à voir avec le sujet, mais désolé, il a au moins la qualité d’avoir été vécu : des amis en Angleterre, se retrouvé au chômage assez brutalement suite à la fermeture de la boite d’info dans laquelle ils travaillaient tous comme programmeurs, commerciaux, etc. Ils se sont retrouvé un soir autour d’un verre de vin pour en discuter et le pessimisme ambiant à fait dire à l’un deux : « eh ben on a plus qu’à faire des ménages ! »

    Sauf qu’un des moins désabusés a répondu « et pourquoi pas ? » Finalement ils ont monté une boîte de ménage de luxe pour les quartier chics de Londres. La base marketing étant que les londoniens friqués aimeraient certainement mieux avoir à faire à des gens de leur qualité en termes de confiance que d’engager quelqu’un au noir, sans garantie, etc. Au début, ils utilisaient leur propres aspirateurs et deux ans se sont passés.

    Aujourd’hui cette boîte existe avec 60 employés.

    Bien sur, le système allégé de création d’entreprise en Angleterre (vaguement imité avec la création de sarl à 1 € en France) leur a permis de passer d’une structure expérimentale de secours à une vraie entreprise. Mais, j’ai toujours pensé qu’il y avait des leçons à tirer de cette expérience.

    L’Italie aussi où il a été étudié juste avant le passage à l’Euro, qu’un des facteurs qui avaient permis à l’Italie de se maintenir à flots était le travail au noir qui a été toléré pendant un temps du moins implicitement.

  • koz, vous avez et donnez toujours, beaucoup de vous même, de votre temps, pour ce blog de qualité , espérons que vous êtes un peu remboursé !
    Ce billet en cette période est particulièrement bienvenu.

  • @ Thaïs:

    Je reconnais au moins le mérite au gouvernement actuel, via Martin Hirsh de tenter de lutter contre ces effets pervers de l’assistanat via le RSA, qui a justement comme idée de toujours fournir un revenu plus important à celui qui travaille qu’à celui qui quémande.

    @ Tara:
    Parfois, c’est effectivement dur de savoir recevoir…

    Et en bon libéral, je trouve qu’il est beaucoup plus charitable d’enseigner des compétences, de donner de son temps pour apprendre aux autres, pour aider les moins favorisés à s’en sortir, plutôt que de donner simplement de l’argent. Même si les deux formes sont évidemment indispensables, l’implication et les effets induits ne sont clairement pas les mêmes.

    Mais ce que je trouve le plus hallucinant dans ce billet, c’est la différence entre le nombre de commentaires ici, et celui sur Carla Bruni.

    @ N…:

    En général, les blogueurs sont remboursés. Par les commentaires…

  • Très bon billet Koz qui nous fait réfléchir avant la fête de Noël, fête de l’Amour par excellence.
    Si Polydamas a raison de déplorer le moindre nombre de commentaires que pour un sujet plus pipole, il faut néanmoins relever la grande qualité de tout ce qui a été dit ci-dessus.
    Je ne souhaite donc pas répéter en moins bien ce que mes camarades commentateurs ont déjà écrit, je voudrais juste dire ce qui m’est venu spontanément à l’esprit en lisant le billet et les commentaires.
    Tout récemment je vois un véhicule spécialisé dans le transport des handicapés s’arrêter devant une institution bien connue. Sur la voiture je lis en gros caractères : « cette ambulance a été offerte à l’association xxxx par xxxxx » et là s’étale le nom d’une vedette du show-biz. Je n’ai pu m’empêcher de penser aux « sauvages » d’Amérique du nord que j’ai beaucoup étudiés et qui pratiquaient la charité en secret, chez eux il était (et c’est sûrement encore vrai) impensable de laisser un membre de la tribu sans nourriture mais on apportait des victuailles la nuit devant son tipi, en se cachant derrière un masque pour ne pas être reconnu ni par le bénéficiaire ni par les autres.
    Une autre anecdote me vient à l’esprit.
    Etudiants faméliques en Irlande, ma femme et moi avions cassé notre tirelire pour passer 24h aux îles d’Aran.
    Sur le steamer qui nous y emmenait nous avons sympathisé avec un prêtre irlandais avec qui nous avons passé de longues heures à parcourir l’une des îles. Il est reparti le soir en nous remerciant chaleureusement pour notre compagnie. Le lendemain matin au moment de payer le bed & breakfast nous avons eu la surprise d’apprendre qu’il avait tout réglé pour nous : la chambre, le repas. Nous ne connaissions même pas son nom, nous n’avons jamais pu le remercier mais nous avons souvent pensé à lui.

  • @dang
    Je suis d’accord avec vous sur le principe d’un don anonyme.
    Je ne sais que dire sur la pub de l’association de la vedette du show biz qui a sans doute des moyens.

    Mais il faut avoir les pieds sur terre.
    Une associaition, avec toute la bonne volonté de ses bénévoles a besoin d’argent pour réaliser ses projets.
    Et en tant que présidente d’une petite assoc, je sais ce que c’est d’établir des dossiers de demandes de subventions de tous côtés pour arriver à finaliser des projets, malgré le dévouement sans borne de « mes » bénévoles, sans compter l’argent qu’ils ( et elles ) mettent en plus pour faire marcher l’assoce, même ceux qui n’en ont pas les moyens financiers d’ailleurs, ce qui parfois me désole, mais c’est ça aussi, le don et le recevoir !
    Donc, disais je, pour ces dossiers, on nous demande, en plus du nombre d’heures de bénévolat réajustées en ETP ( équivalent temps plein ), les « preuves » de notre action, les coupures de journaux, nos soutiens, les preuves de notre existence publique.
    Ce qui s’exprime par la course aux reportages dans les journaux et les magazines, la mise au point de brochures, les étiquettes de support publicitaire à notre nom, etc, etc….
    C a d, tout un tas de trucs, chers ( même si j’arrive à les faire subventionner : étiquettes, papiers à lettres, brochures payées par machin et truc, reportages offerts par certains journaux ou revues…, articles dans les revues du Conseil Général…) et dont l’argent pourrait servir à bien d’autres choses plus utiles.
    C’est ainsi.
    Et ce n’est en rien pour nous faire « mousser » sur un plan de pur orgueil !
    C’est pour obtenir « le nerf de la guerre », c a d les moyens de subsister !

    Et là, pas possible de faire la « charité » anonyme ( ce mot est pour moi assez péjoratif, je ne sais pas trop pourquoi, j’ai l’impression que « faire la charité » c’est abaisser l’Autre, c’est purement subjectif ! )
    Ce qui n’empêche pas de la faire, anonymement, dans des cas particuliers. Je suppose que nous pratiquons tous ce type d’action anonyme, en dehors et/ou en supplément d’une participation quelconque à une assoce. Enfin je l’espère!

  • @Tara : entendez-moi bien, ce n’est pas l’association que je mets en cause mais cette vedette du show-biz qui a probablement demandé à ce que son nom apparaisse sur l’ambulance. Et même si l’association le lui avait proposé pour les raisons que vous donnez et que je veux bien comprendre, je trouve que la vedette du show-biz aurait dû refuser.

  • Je partage évidemment votre souci de favoriser davantage les solutions pérennes, constructives, exigeant une contrepartie et donc plus dignes, à la simple « aumône ».

    Je veux bien comprendre ce que Yunus décrit comme les ravages de l’aide sociale.

    Et je veux bien imaginer que certains sdf tendent à abuser.

    Pour autant, vous comme moi, en ce moment, on en croise, qui sont assis dehors à faire la manche par – 8°. Ce serait pousser un peu loin le vice que de le faire par « confort ». Enfin, l’idée c’est surtout qu’il ne faut pas non plus que ces arguments, valables en eux-mêmes, ne se transforment en manières de soulager notre mauvaise conscience.

    Par ailleurs, un oncle de ma femme, qui bosse dans le cadre de la réinsertion (des drogués, des prisonniers etc) me disait que, de toutes façons, désormais en France la quasi-totalité des personnes qui restaient dehors étaient des psychotiques, et qu’ils n’y étaient pas objectivement forcés.

    Je ne suis pas sûr de la justesse du diagnostic. Mais surtout, il me semble qu’il y a deux façons de réagir : (i) je considère que, de toutes façons, il n’utilisera pas la piéce que je lui donne pour l’aider à sortir de la rue et je ne lui donne pas ou (ii) je me dis que, effectivement, il va y rester, dans la rue, et que l’euro que je lui donne ne me prive pas de grand-chose.

    La citation de Yunus peut être un peu réductrice : je pense à une vieille femme qui joue de l’harmonica dans mon RER régulièrement. A celle-ci, on n’ira évidemment pas conseiller de devenir sa propre patronne.

    Enfin bon, c’est juste pour apporter une nuance, étant somme toute d’accord avec vous sur le fond.

  • @Dang
    Bien-sûr je comprends ta réaction et ton désir d’une générosité anonyme, plus « pure ».
    Mais je crois au contraire que c’est l’association qui a probablement demandé à la célébrité la possibilité d’inscrire son nom sur l’ambulance.
    Comme l’explique très bien Tara, pour exister les associations ont besoin de moyens et il est indispensable de se faire connaître pour en obtenir.
    Et la caution qu’apporte une célébrité qui donne de l’argent ou prête son image à une assoce est fort précieuse.

  • Wiesel, ce soir-là, disait que, bien sûr, il connaissait pas mal de célébrités qui faisaient dans le caritatif exclusivement pour des questions d’image mais que, en fin de compte, selon son principe qui veut que l’on prête davantage attention à « celui qui attend », globalement, il s’en moque, si ça rapporte davantage à ce dernier.

    Encore une fois, je ne sais pas jusqu’où on peut mettre ceci en balance avec le fait que cela atteint le capital confiance des activités caritatives. Mais bon, je vous retransmets son point de vue.

    [pour ceux que ça intéresse, l’équipe des Conversations Essentielles a ajouté quelques propos]

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