Au secours

Bouée de secours

Nouvelles rassurantes du front. Erik Orsenna, chargé d’une mission de redéfinition du vocabulaire de la fin de vie, a jeté l’éponge, dans la plus grande discrétion. Un temps, on a craint qu’un académicien ait été à l’origine de la formule insoutenable de « secourisme à l’envers », découverte dans le préprojet de loi sur la fin de vie, révélé le 13 décembre 2023. Par chance, il n’y a que la ministre pour avoir validé cette folie.

Mais une folie révélatrice.

Imaginer qu’un soignant puisse, en intervenant en cas d’incident lors du suicide assisté ou de l’euthanasie d’une personne, pratiquer un « secourisme à l’envers » est le signe patent qu’il pratiquerait là un antisoin, une contre-médecine.

Une clarification, aussi : les partisans de l’euthanasie, qui agitent la peur de réveils lors d’une sédation profonde et continue, restent bien discrets sur les cas observés d’euthanasies ou de suicides assistés ratés. Or, si les rédacteurs de ce texte sont allés jusqu’à prévoir dans la loi la procédure à suivre « en cas d’incident », c’est qu’il y a tout lieu de les redouter. À tout prendre, pour vous mais aussi pour vos proches témoins de vos derniers moments, en cas d’incident, vous préférez une sédation où l’on vous rendort ou une euthanasie où l’on vous retue ?

Au risque d’être iconoclaste, si l’on essayait plutôt ceci : soutenir le secourisme à l’endroit ? Ce secourisme quotidien qui voit des femmes et des hommes prendre soin des personnes malades et de leurs familles, aller chaque jour assumer la maladie, la douleur, la souffrance, le deuil et le désarroi, affiner un traitement antidouleur, ajuster les doses, rechercher la bonne voie d’administration, écouter les angoisses, accepter la colère, rire, offrir un temps d’art-thérapie, coiffer, faire les ongles, jouer du violoncelle, faire entrer un chien, un chat et parfois même un cheval, prendre une main et s’asseoir, pour être là, simplement, quand tout a été fait. C’est le secourisme à l’endroit d’une société fraternelle, une société du soin des plus vulnérables dont notre pays a un criant besoin.

Le développement des soins palliatifs est sans cesse présenté comme un préalable évident, depuis l’avis no 139 du Comité consultatif national d’éthique jusque dans les discours de nos dirigeants. Les patients en fin de vie ne peuvent rester suspendus aux atermoiements politiques. Rien n’impose d’attendre le vote d’une loi sur l’euthanasie et le suicide assisté. Donnons les moyens aux soins palliatifs maintenant. Ou l’affirmation d’un préalable restera comme la marque d’une duplicité insupportable.

Impossible de vous laisser avec ces inquiétudes à l’approche de Noël. Puisse le mot que le père abbé de Cîteaux m’a laissé, un soir, dans un sourire confiant, vous accompagner : « Si le mal était le plus fort, cela fait longtemps que notre monde aurait été détruit. » Alors, Seigneur, viens à notre secours (à l’endroit).


Chronique du 19 décembre 2023

Photo de Janosch Diggelmann sur Unsplash

1 commentaires

  • Comme le dit Monseigneur Aupetit :  » Si quelqu’un est en train de se jeter du haut d’un pont ou d’une tour : vous le retenez ou vous le poussez ? ». Secourisme à l’endroit ou à l’envers. Seigneur au secours en effet !

Les commentaires sont fermés