Le poids des souffrances

Lors d’un débat récent et bientôt diffusé, un interlocuteur dont le nom importe moins que l’idée qu’il diffuse a évoqué les souffrances négligées des populations locales, populations autochtones, dont le malaise identitaire ne serait pas pris en compte. Il reproche vertement à l’Eglise catholique – et, au premier chef, au pape François – de se consacrer exclusivement aux souffrances des migrants et de mépriser les Européens et leur angoisse. Il faudrait les câliner un peu. J’ai donné acte à mon contradicteur du fait que l’Eglise, et le Christ avant elle, continue de prêter une attention renforcée à la souffrance du pauvre plus qu’à celle du riche. Et j’ai dit l’indécence que je trouvais à comparer les souffrances des migrants et celles des Français – même, à vrai dire, pauvres. J’aurais pu insister encore sur le fait que ces derniers n’ont pas besoin de porte-paroles germanopratins, et se montrent souvent d’une générosité à faire pâlir le bourgeois. J’aurais pu détailler les souffrances des migrants. Que ce soit par manque d’à-propos ou par mesure, par pudeur ou par lâcheté, je m’en suis tenu là. Également parce qu’à la vérité, je ne fais rien pour eux. C’était, aussi, avant de lire Les larmes de sel. Le hasard a voulu que j’ai ce livre avec moi pendant ce débat, et que je le lise ensuite.

Il porte le témoignage d’un Lampedusien de souche. Élevé à la dure dans une famille de pêcheurs, séparé de sa famille à douze ans pour aller faire ses études sur le continent, sur le pont sans relâche depuis 25 ans, animé par sa foi et par son histoire personnelle. Je viens de l’achever, et c’est délibérément que j’écris ceci à peine la dernière page tournée. Car Pietro Bartolo a raison : nous, ici, ne laissons entrer l’émotion qu’un temps de raison, avant de reprendre le cours de nos vies. Mais il raconte ces souffrances qu’il faudrait, donc, pondérer par les nôtres.

Cette famille repêchée, prostrée. Quand l’embarcation a coulé, le père a pris le bébé de dix-huit mois dans ses bras, l’a glissé sous son t-shirt, et a saisi la main de son fils de trois ans. Il a nagé autant que possible, au milieu de la mer, seule façon de ne pas se refroidir et sombrer. Et puis à un moment donné, la force physique lui a manqué. Il a compris qu’il ne tiendrait plus longtemps et qu’ils sombreraient tous. Alors, il a lâché la main de son fils de trois ans, l’a regardé s’enfoncer dans la mer. Pour son malheur, les hélicoptères ne sont arrivés que quelques minutes après, et il ne se pardonnera pas de ne pas avoir résisté plus longtemps. Il y aussi Mustapha, cinq ans, qui va tellement mal qu’il a fallu lui pratiquer une très douloureuse perfusion intra-osseuse. Lui a vu sa mère et sa petite sœur mourir, sombrer. Et il a bien compris.

Il y a ces vingt-cinq cadavres dans la cale du bateau qui accoste. Vingt-cinq corps qui n’ont plus d’ongles aux mains. Placés dans la chambre froide, pressés les uns aux autres, manquant d’air, ils ont essayé de sortir en force. Les passeurs ont alors arraché la porte d’une cabine et l’ont placée sur l’ouverture, fermant hermétiquement la cale, attendant que le manque d’oxygène règle leur problème. A l’intérieur, ils ont essayé d’arracher les planches des cloisons avec leurs mains, s’arrachant tous les ongles, avant de mourir asphyxiés. Cette jeune fille de quinze ans, inquiète de savoir si elle est enceinte. Elle dit ne pas avoir été violée mais n’a pas eu ses règles depuis quatre mois. Sur place les passeurs injectent aux filles un produit pour qu’elles ne tombent pas enceintes si elles étaient violées, mais Pietro Bartolo a bien conscience qu’il s’agit surtout, pour la suite, d’éviter des complications aux réseaux de prostitution. Et si elle continue de le nier, elle a été violée. Violentée comme 70% des femmes migrantes. Femmes aussi, placées au fond des zodiacs, dans un mélange d’eau salée et d’essence dont la réaction chimique leur brûle lentement la chair, « provoquant des plaies profondes, et des blessures chimiques terribles (…) C’est à peine croyable de voir tous ces corps noirs couverts d’immenses taches blanches ». Et ces femmes qui entament la traversée enceintes, celles qui accouchent en mer. Contre quel désespoir une mère tente cela ?

Il y a Anuar, dix ans, qui sera en Europe un « mineur isolé ». Il était au Nigéria fils d’une famille heureuse jusqu’à ce que Boko Haram assassine son père, et que sa mère lui confie les économies de la famille pour qu’il ne finisse pas de la même manière. Cet autre Nigérian qui refuse terrifié de baisser son pantalon pour se soumettre à l’inspection sanitaire. Il allait se marier. Agressé par une bande, on lui a tranché net le pénis avec une machette, il a entamé sa migration comme une fuite. Il y a les longues rangées de sacs mortuaires sur le quai. Et ces corps qu’il doit autopsier. « Une bonne vingtaine de ces malheureux ont une chaînette en or avec un crucifix dans la bouche. Entre leurs dents serrées. Comme si, avant de mourir, leur dernier geste avait été de confier leur âme à Dieu ». Et encore tous ces morts anonymes.

Celle-ci n’est pas dans le livre de Pietro Bartolio mais je garde en mémoire ces images d’un enfant de huit ans assis au sol en Syrie, criant à son père : « relève-moi papa ! relève-moi papa ! », tandis qu’il n’y a plus seulement trace de ses jambes sur la terre, après un bombardement. Il y a tant d’histoires venant de tant de pays. Nigéria, Somalie, Erythrée, Syrie.

« Face aux milliers de réfugiés qui arrivent chaque jour sur nos côtes, nous avons beaucoup de mal à leur donner une identité, à les voir comme des individus, à ne pas les réduire à de simples chiffres. Dans le meilleur des cas, nous éprouvons de la peine en apprenant leurs souffrances atroces ou leur mort avant d’avoir pu atteindre leur but. Nous sommes bouleversés de voir un enfant sans vie dans les bras d’un sauveteur. Nous pouvons nous émouvoir, pleurer comme devant un film. Des sensations à durée limitée. »

On ne dit trop rien parce que l’on sait que dire pourrait nous contraindre à agir, ou à assumer l’inaction. Parce que d’autres nous disent que l’émotion ne serait pas une solution. En cherchent-ils seulement une, ceux-là, ou veulent-ils surtout faire taire cette émotion ? Réaliser, incarner, cela nous empêcherait donc de bien traiter ? On se tait aussi – question d’éducation – parce que ce serait du pathos et du bon sentiment étalé. En faut-il de mauvais pour agir ? Et face à l’horreur, se soucie-t-on de son image ? Pour les besoins du raisonnement, j’admets que la souffrance des migrants ne fait pas une politique migratoire. Mais je ne crois pas, non, que l’Eglise néglige les souffrances des pauvres de souche. Elle est plutôt, continuellement, à leur chevet, sur tout le territoire, incomparablement plus que ceux qui veulent mettre en balance le poids des souffrances – massacre et « souffrance identitaire », souffrance de là-bas, souffrance #decheznous. Et si l’Eglise tient fermement auprès des plus pauvres d’entre les pauvres, je suis fier d’être avec elle.

Les larmes de sel, c’est comme un anti Camp des Saints. Moins bien écrit certainement, un peu foutraque. Mais on peut écrire des infamies, avec une belle plume. Ces migrants ne sont pas une multitude, ne sont pas une masse, pas de simples chiffres. Les migrants, c’est vrai, concrètement, je ne fais rien pour eux. Mais je peux au moins faire une chose : éviter de dire des saloperies.

 

L’illustration de ce billet est tirée de l’affiche du film Fuoccoamare

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43 commentaires

  • Merci pour cet article . Vous dites tellement bien ce que je ressens moi-même.
    Honte aussi de ne rien faire à part envoyer un peu d’argent, ce qui est le plus facile. Mais que faire concrètement ?…

  • Gloups…
    Ces descriptions me retournent, et même si mon métier me défend de raisonner par le sentiment, je ne peux pas rester les bras croisés. Alors je suis l’Eglise, c’est le moins que je puisse faire au lieu de m’apitoyer sur mon petit nombril de catholique aryano-français.

  • Nous pourrions demander tous ensemble que les personnes qui fuient par tous les moyens leur pays puissent le faire en prenant légalement le train, le bateau, l’avion.

  • « Ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile » (2 Co 4): ce que nous faisons, ou pas, ce que nous arrivons à faire, ou pas, ne disqualifie pas ultimement la vérité du message que nous devons porter.

    Merci pour ce beau billet au parfum d’Evangile!

  • Opposer la situation des migrants décrite dans ce livre aux propos de votre interlocuteur place d’emblée ce dernier dans le camp des indéfendables. Qu’il y reste.

    Ce qui me met mal à l’aise dans votre billet est ce que vous ressentez vous-même et que les premiers commentaires soulignent : notre totale impuissance. Elle naît d’abord des chiffres. 300 000 migrants ont traversé la Méditerranée en 2016, 3000 sont morts. Les survivants ont tous souffert. Autre chiffre : 800 millions de personnes sont sous-alimentées dans le monde. Dans Le cheval d’orgueil, Hélias raconte qu’il a vécu toutes ses années d’enfance (nous sommes dans les années 20 en Bretagne) avec la faim au ventre mais ce qui était tristement banal ne l’est plus quand l’hémisphère nord crève de richesses (et se plaint !).

    Vous avez des chiffres pour toutes les misères et le tout fait un poids de souffrance à désespérer de l’homme et de Dieu. Mais hors des chiffres, chacun souffre individuellement de ses souffrances particulières et meurt une seule fois.
    Un est à notre échelle, 800 millions ou 300 000, non.

    Penser par un plutôt que par millions permet d’agir. Le pape a suggéré que chaque paroisse accueille une famille de migrants. On peut voir ce qui a été mis en place chez soi et soutenir avec des dons, au plus simple. Après on peut tenter de comprendre d’où naissent ces souffrances et le pape nous aide avec Laudato si. Ça restera modeste, surtout par rapport à ceux qui sont aux avant-postes mais c’est mieux que rien.

  • C’est un commentaire bouleversant de l’Évangile d’hier mais en plein dans la réalité : le riche et le pauvre Lazare ! Nous sommes bel et bien à l’image du riche qui refuse de voir le pauvre à sa porte et dont les chiens lèchent les plaies… Peut-être ne pouvons-nous pas faire grand-chose, mais tout un chacun peut faire « la part du colibri ». Pour ceux qui ne connaissent pas, voici l’histoire : « Une petite histoire pleine d’enseignement, d’origine amérindienne :
    « Un immense incendie ravage la jungle. Affolés, les animaux fuient en tous sens. Seul un colibri, sans relâche, fait l’aller-retour de la rivière au brasier, quelques gouttes d’eau dans son bec, pour les jeter sur le feu. Un toucan à l’énorme bec l’interpelle : “tu es fou, colibri, tu vois bien que cela ne sert à rien”. “Oui, je sais” réponds le colibri, “mais je fais ma part”. Alors, au travail !

  • Tout à fait d’accord Cardabelle. Nous vivons dans un pays où il y a beaucoup de colibris: au Secours Catholique, à la Cimade, à RESF, aux Captifs la Libération, à l’association Bienvenue, et tant d’autres associations encore. Et il y a même des colibris sans asso qui font sans bruit et sans se faire remarquer.

  • Que dire, que faire?

    Le premier pas est effectivement de ne déjà pas dire (ou pas faire, en glissant notre bulletin dans l’urne) de bêtise.

    Les chiffres font peurs. Mais c’est la réalité de ces destins individuels qui devrait nous horrifier.
    Et l’on peut être compatissant à la misère de ces migrants sans ignorer les difficultés de « nos » pauvres, car il y a en réalité, une indécence folle à comparer (donc hiérarchiser) certaines souffrances.

  • Merci pour cette remise  » en perspective » qui nous remet en présence des violences subies par ceux qui ne cherchent qu’à pouvoir simplement vivre …

  • Texte extrêmement important. Je le diffuse autour de moi. J’invite chacune et chacun à faire de même.

  • Maman BCBG a écrit :

    Et l’on peut être compatissant à la misère de ces migrants sans ignorer les difficultés de « nos » pauvres, car il y a en réalité, une indécence folle à comparer (donc hiérarchiser) certaines souffrances.

    Oui, pour une grande part, et c’est précisément cette comparaison qui me fait réagir. Cette idée même que l’Eglise favoriserait les uns au détriment des autres. L’Eglise parle avec force sur tous ces sujets et n’a jamais abandonné les pauvres « d’ici », ni dans les quartiers difficiles ni même dans « la ruralité », que les politiques ont en revanche souvent oubliée.

    Elle ne le fait probablement pas sur le mode que souhaiterait mon interlocuteur, sur le mode identitaire, et elle ne modère pas son propos sur les souffrances directes et immédiates des migrants au nom d’une souffrance psychologique et identitaire des gens d’ici (maintenant, je dois vous avouer que la souffrance identitaire, du point de vue d’un camp de migrants en Lybie, a tout de même des allures de problème de riches). Surtout, qu’il s’agisse de Jean-Paul II, de Benoît XVI ou même de François (et la liste n’est pas exhaustive) jamais ils n’ont invité à brader notre culture. Ils ne la mettent pas en opposition, tout simplement.

    @ Yann : je suis bien d’accord avec vous. Dans mon billet, je ne fais que demander le minimum : à défaut de les aider, les respecter.

    Dans le débat que j’évoque dans mon billet (Répliques, d’Alain Finkielkraut, diffusé ce matin sur France Culture), j’ai aussi évoqué ce que vous dites : le pape est beaucoup plus réaliste et pragmatique que ne veulent le faire croire ses adversaires, et que le gouvernement français. J’ai, précisément, évoqué l’accueil d’une famille par paroisse : en faisant cela, il voulait aussi s’assurer de la possibilité d’un accueil véritable et d’une intégration possible.

    Ce n’est évidemment pas en créant des regroupements communautaires que l’on incite les réfugiés à s’intégrer à la culture française. Le gouvernement semble l’avoir un peu compris, mais de façon tardive, quand il a voulu évacuer Calais et répartir les migrants sur le territoire (de façon certes un peu illusoire, certains n’ayant aucune intention de s’établir en France – ce qui devrait rassurer les plus anxieux).

    @ Jean-François El Fouly : je suis bien d’accord avec vous. Et je pourrais citer cet autre passage de Saint Paul, au soutien de ce que vous dites : « je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas« . Nous pouvons à tout le moins identifier ce que serait le bien, même si nous n’arrivons pas à le faire.

    @ dljsouris : ton métier t’interdit de laisser les sentiments déterminer ton action. Mais je ne pense pas qu’il t’interdise de les laisser t’inspirer. L’honneur, la dignité (et la dignité de la personne humaine) sont des valeurs qui l’irriguent et il est bon que vous autres les ayez à l’esprit. Quand les circonstances se sont faites troubles (et je ne pense pas qu’à une seule période), c’est ce qui a
    permis à certains de ne pas se tromper, et de préserver bien plus que leur honneur personnel.

    Colibri a écrit :

    Tout à fait d’accord Cardabelle. Nous vivons dans un pays où il y a beaucoup de colibris: au Secours Catholique, à la Cimade, à RESF, aux Captifs la Libération, à l’association Bienvenue, et tant d’autres associations encore. Et il y a même des colibris sans asso qui font sans bruit et sans se faire remarquer.

    Yes. Et j’ajouterais Sant’Egidio. Mais on pourrait en ajouter beaucoup, ce qui est en soi rassurant.

    Michelle a écrit :

    Mais que faire concrètement ?…

    Je n’ai pas de réponse précise. On peut déjà contacter l’une des associations évoquées plus haut, appeler la paroisse ou son diocèse. La misère prend bien des formes et il y a toujours des choses à faire.

    Après, je n’ai aucune leçon à donner. Je me pose souvent la question de mon action véritable. Le fait est que l’on ne peut pas être partout. Peut-être suis-je plus utile par les mots. Pour ce qui nous concerne tous, nous pouvons, au minimum, ne pas accepter que soit tenu n’importe quel propos. Ceux qui les tiennent sont souvent virulents et veulent impressionner, il faut être fermes et paisibles de son côté. Sans grands éclats, mais ne pas laisser dire sans réaction.

    @ ANELLI : le docteur Bartolo fait une comparaison audacieuse dans son livre avec les camps de concentration. Audacieuse car tout de même fausse dans l' »intention » : il n’y a pas de volonté d’extermination, même s’il y a un total mépris de leurs vies de la part des passeurs. Mais il n’a peut-être pas tort dans le niveau d’horreur que vivent nombre de ces migrants. Et je pensais, en lisant ce livre, à notre responsabilité morale, toutes choses égales par ailleurs : dira-t-on, comme l’ont dit beaucoup après la guerre, qu’on ne savait pas ce qui se passait ? De nos jours, nous avons d’autres moyens d’information. Dira-t-on que nous avons d’autres sujets d’inquiétude, de préoccupation ? A l’époque, je peux comprendre que ceux qui vivaient l’Occupation se soient davantage souciés de leur quotidien. Aujourd’hui, je trouve tout de même un peu gênant de se dire qu’il vaut mieux que ces gens restent dans la situation dans laquelle ils sont, parce que la France – 5ème ou 6ème puissance économique mondiale – s’interroge sur son identité.

    Encore une fois, cela ne signifie pas nécessairement que l’on doive ouvrir toutes les frontières, ne nous soucier de rien et d’aucune conséquence. Le pape a lui-même rappelé la nécessaire prudence. Elle fait tout de même un peu mal au coeur, notre « prudence », quand on sait ce que vivent ces hommes, femmes et enfants à nos portes.

    Il me semble que réaliser cette horreur devrait aussi nous motiver à trouver une ébauche de solution durable, à penser le monde et nos relations internationales aussi à travers cette situation. Que faisons-nous encore aujourd’hui en Lybie ? Poursuivons-nous nos efforts pour aider à la stabilisation d’un pays que nous avons contribué à déstabiliser ? Où en sommes-nous de la coopération avec les pays d’Afrique ? Je peux comprendre que l’on ait modérément envie de voir ces arrivées massives mais il faut nous donner les moyens durables de les éviter, en conscience d’une solidarité et d’une fraternité indispensables. Nous devons avoir le sens des responsabilités : ce que nous sommes et notre mode de vie ne sont pas non plus sans influence sur le sort des populations africaines. Il ne s’agit pas d’entretenir une culpabilité, il s’agit seulement de le savoir et d’agir en conséquence.

    [Je m’écarte d’une réponse à votre commentaire, mais je réfléchis à haute voix et voulais préciser deux-trois choses]

    @ Jean-Marie Salamito : cela fait plaisir de vous lire de nouveau ici ! Merci.

  • Ici, en Bavière, existe des associations (souvent liées aux églises) qui « aident ceux qui veulent aider », s’efforçant aussi de créer du lien entre migrants et locaux, par exemple (pour les germanophones) dans ma commune : http://www.asyl-in-gilching.de/ . Il y a des rencontres et des linguistes ou des juristes peuvent toujours aider. Je ne sais si cela existe aussi en France (et je redoute un peu la réponse vu ce que je capte d’ici)…
    Cela c’est pour ceux qui sont déjà ici, pour détruire les préjugés, etc, etc.
    (J’ai entendu ici notre curé qui vilipendait vertement en chaire ceux qui parmi les chrétiens s’opposer à l’accueil des réfugiés, et oui!)

    Pour ceux qui sont en train de traverser, c’est un autre combat, on peut aider par l’intermédiaire d’association tel MSF. Il est évidement plus difficile d’agir directement, et d’ailleurs cela demande un certain professionnalisme sans lequel on risque d’aggraver les choses. Mais on peut soutenir ces associations, transformant ainsi une partie de notre labeur en une aide.

    Pour lutter contre les injustices qui peuvent engendrer ces situations, c’est encore un autre combat, que je mène par exemple depuis longtemps avec l’ACAT, mais il y a encore beaucoup de façon d’aider.

    N’ayez pas peur, mais aussi n’ayez pas peur de vous engager! Combien il est dur parfois de trouver des personnes prête à l’engagement!

    Pour faire un autre lien avec se billet, je me trouve parfois face à des personnes qui me reproche mon action, soit parce que celle-ci encouragerait la venue des étrangers, soit parce que je devrai m’occuper en priorité des locaux en détresse.
    Au premier je réponds souvent que l’action des dirigeants de ce bas monde est sûrement plus responsable que ma pauvre personne, tout comme peut l’être l’inaction de certain…
    Pour les deuxièmes, j’ai toujours pensé qu’il est hypocrite opposer l`abbé Pierre et Mére Théresa, il faut se battre ici et là-bas… et dans mes combats, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui lutte concrètement ici me reprocher mon engagement…

  • Je vous ai écouté dans l’émission à laquelle vous faites allusion, et vous vous défendez fort bien contre deux adversaires, il est vrai très courtois, mais vous ne m’avez pas convaincu. Cela dit j’achèterai votre livre (et celui de Dandrieu aussi, si j’arrive à le trouver à Rennes).

    Les migrants sont attirés par l’État providence d’Europe occidentale, mais ce n’est pas l’occident qui est responsable de leur pauvreté mais bien eux-mêmes et leur mode de vie archaïque, leur natalité épouvantable, la corruption de leurs gouvernants, et naturellement l’Islam qui les maintient dans l’ignorance et dans la soumission à un prétendu destin.
    Il est naturel de chercher à préserver l’occident. Si la France devient un pays musulman, elle ne sera plus en mesure d’assurer les transferts sociaux de l’état providence, ni l’aide à l’Afrique. Par ailleurs on constate que personne (et méme pas les évêques) ne cherche à évangéliser les musulmans. Combien y a-t-il de baptêmes de musulmans à la vigile pascale dans votre paroisse, mon cher maître ?

    Vous trouvez sans doute comme beaucoup de chrétiens de gauche que les immigrés sont plus chrétiens que nous parce qu’ils sont pauvres et cherchent à le rester, que leur insouciance est celle du sermon sur la montagne, et que le travailleur malien qui envoie la moitié de sa paie au pays, où l’argent fait vivre cinq personnes, est admirable. Pour ma part, je pense qu’une société ou quatre personnes vivent aux crochets de la cinquième est maudite. Même celui qui n’a reçu qu’un talent doit travailler. C’est ça que dit le Christ. Au passage, remarquez qu’il n’a nullement obligécelui qui avait dix talents à partager…

    Vous avez étrangement cité à MM. Dandrieu et Finkielkraut la phrase du Christ sur les morts qui enterrent les morts…sans vous rendre compte que ce nihilisme culturel pourrait également englober tout le passé, et naturellement la parole du Christ, car si on estime avec Mme Vallaud-Belkacem que Virgile ou Horace ne sont plus nécessaires à l’éducation de la jeunesse, pourquoi garder l’Évangile ? Moi je vis comme beaucoup de Français, d’histoire de France, de Racine, de La Fontaine, d’églises romanes etc. C’est ma loi et mes prophètes, si vous voulez. « Et pas un iota de la loi ne passera… » Le Christ avait des côtés conservageurs vous savez. Par ailleurs il est certainement légitime de se battre pour défendre sa civilisation, il est juste de tuer et de mourir pour son pays et on peut prier pour ses ennemis sans cesser de les combattre.

    Quant aux noyades qui affectent les migrants, je crois que le fait de secourir systématiquement les naufragés sans les reconduire en Libye en augmente considérablement le nombre, hélas. Quant à ceux qui ne se noient pas et qui arrivent dans un pays où ils sont totalement déresponsabilisés et assistés parce qu’inemployables, je ne crois pas qu’on leur rende vraiment service.

  • Non il n’y a rien a dire. A part peut etre toujours remettre sur le devant de la scene ces images terribles. Juste au cas ou l’on commence a s’endormir devant et ne plus rien faire.
    J’ai une amie qui etait a bord du SOS Mediterrannee et qui et venue en aide a ces trucs que l’on ose a peine appeler « bateaux » et qui degueulent de d’hommes de femmes et d’enfants. Je ne peux pas etre comme elle, je ne peux pas etre comme ces sauveteurs ou des personnes qui agissent directement sur le terrain. Mais meme si nous ne sommes aps des heros, nous pouvons quand meme faire quelque chose: en parler, parler pour que justement ceux qui peuvent, agissent.
    Et de mon humble cote, pendant ce Careme, je cuisine des brioches que je vends a mes amis: l’argent recolte ira a ce bateau. C’est trois fois rien, mais ca je peux le faire….

  • Même commentaire que Tellou : « Non il n’y a rien à dire »;

    Je peux juste publier ici ce que j’avais posté chez Patrice de Plunkett, sous sa note consacrée à votre dernier ouvrage (http://plunkett.hautetfort.com/archive/2017/01/05/le-catholicisme-identitaire-est-une-heresie.html) :

    « J’ai lu aujourd’hui ‘Bienvenue à Calais’, de Marie-Françoise Colombani et de Damien Rousseau. Très court (une quarantaine de pages illustrées) ; très beau et terrible à la fois.

    http://www.actes-sud.fr/bienvenue-calais

    A la fin de l’opuscule, quelques « éclats de vies ». Exemples :
    « Ce petit garçon est seul dans la jungle. ses parents sont passés en Angleterre après l’avoir confié à un adulte. On n’en sait pas plus. Il a 4 ans. »
    « Elle est afghane. Elle s’est enfuie avec son mari et ses deux enfants. Sur le bateau qui les emmenait en Grèce, on lui a ordonné de faire taire son bébé sous peine de faire repérer l’embarcation. Elle l’a serré très fort contre elle, il est mort étouffé. Elle n’a pas voulu jeter son corps à l’eau. La nuit, pendant son sommeil, le passeur l’a fait. Il s’est trompé : c’est sa petite fille qui est partie à la mer.  »
    « Elle a rencontré son compagnon pendant le voyage. Immobilisé, il n’a pas pu la défendre quand elle a été violée sous ses yeux. Il l’a quittée ensuite ».
    « Ce jeune Erythréen a vu son frère tomber du bateau dans la Méditerranée. Il se souvient de ses bras sortant de l’eau, puis disparaître. Il n’a rien pu faire ».
    « Elle a 25 ans, elle est érythréenne. elle s’est enfuie avec une amie qui est morte pendant la traversée du désert de Libye. C’est elle qui l’a enterrée ».

    Ces hommes, ces femmes et ces enfants sont plus que nos frères. Ils sont le Christ en croix. »

  • J’ai été amené à me rendre, cette semaine, au salon mondial du tourisme, à la Porte de Versailles.

    Je ne n’ai pas pu m’empêcher de trouver à cette manifestation, dans les circonstances actuelles, un caractère presque …pornographique.

    Ma réaction est peut-être excessive (beaucoup de gens vivent du tourisme)…

  • @ François Lehec : mes ambitions sont limitées, vous savez. Je n’espère pas convaincre quelqu’un qui porte les convictions que vous énoncez ensuite le temps d’une émission et/ou d’un billet. Je laisse cela à la grâce. Sans vouloir me prendre pour une sainte bergère, je pense à la parole de Bernadette : « je ne suis pas chargée de vous le faire croire, je suis chargée de vous le dire« . Libre à vous de continuer de penser que ces hommes et ces femmes sont des aspirants assistés qui viennent manger le pain des Français et leur voler leur travail. Il y a certainement parmi eux des personnes qui vivront du système. Je ne sais pas si vous avez conscience du sens des mots que vous employez lorsque vous dites qu' »une société où quatre personnes vivent aux crochets d’une cinquième est maudite« . Puisque vous affirmez vous placer dans une perspective chrétienne, permettez-moi de vous rappeler les paroles du Christ : « Heureux les pauvres« . Et dans une perspective plus temporelle, affirmer qu’une telle société serait maudite, serait la seule responsable de son malheur, est d’une cruelle courte vue. Je me demande aussi quelle est la perspective, alors : les laissez crever.

    Prendre argument de la parabole des talents pour écarter le partage, quand on est chrétien, c’est pour le moins singulier. Non seulement ce n’est pas l’objet de cette parabole, mais quand le partage est une idée éminemment chrétienne, croire qu’une parabole puisse l’écarter, c’est véritablement une attitude de scribe, pharisien ou docteur de la loi. Comment dit le Christ, déjà, à cet égard ? « Sépulcre blanchi » ?

    Je vois que vous êtes de ceux qui considèrent que l’on nuit aux migrants en les secourant. Il est évident qu’il conviendrait de rechercher une solution plus globale (cf l’un de mes commentaires ci-dessus). Dans l’attente, rendre les migrants à leurs bourreaux, à cette situation que Pietro Bartolo compare à des camps de concentration, par générosité et bonté d’âme, de vous à moi, étonnament, cela ne me convainc pas. Vous me pardonnerez d’y voir surtout une façon de protéger votre petite situation.

    Dernière chose : il y a évidemment parmi ces gens, comme dans tout groupe humain, des personnes qui vivront d’assistance. Il y a aussi parmi eux des personnes diplômées, notamment en provenance de Syrie – et surtout, des gens qui ont fait preuve d’une rare énergie, d’une force remarquable, d’un esprit de décision et d’une détermination que bien des veaux #desouche repus devraient leur envier. Si nous savions valoriser cela…

    @ Nicolas Grosjean : malheureusement oui, il s’en trouve soudainement pour considérer qu’il vaudrait mieux se consacrer aux pauvretés des gens d’ici. Depuis la crise des migrants, le sdf français a soudainement vu sa cote monter en flèche chez les gens d’extrême-droite. Non pas tant pour se soucier du sdf lui-même que pour l’opposer à l’étranger. Non, vous avez raison, ces combats ne s’opposent pas, jamais. Et que ce soit, ici, le Secours Catholique, la communauté Sant’Egidio et bien d’autres, ils ne choisissent pas une pauvreté contre l’autre : ils agissent pour tous les pauvres.

    @ Tellou : oui, il y a bien des manières d’aider. Dire, sensibiliser, en est une. Récolter de l’argent comme vous le faites en est une bonne aussi.

  • @ Feld : pour le salon du tourisme, oui, je crois que c’est un peu beaucoup, mais je comprends l’idée.

    J’ai lu votre autre commentaire. Tout cela est tellement incroyablement ignoble. Leurs souffrances sont tellement incommensurables. Nul doute qu’il s’agirait ensuite de réfléchir à une solution politique… mais on ne le fait pas. Même sous ce quinquennat de gauche, le budget de la coopération est restée ridicule et même en baisse proportionnellement supérieure aux autres. Nous savons tous pourtant que la seule solution imaginable est de contribuer au développement et à la stabilité des pays d’origine (que nous avons parfois contribuer à déstabiliser)… mais on ne le fait pas.

    Alors je crains qu’invoquer une « solution globale » que ne serait pas l’accueil ne soit qu’une façon de camoufler son rejet viscéral du migrant, de l’étranger.

    Et, entretemps, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur l’horreur absolue que vivent ces gens.

  • Ah si vous pouviez échapper à la tentation du tout blanc tout noir, gentils chrétiens ouverts aux migrants, méchants identitaires peu charitables. Je suis un vilain identitaire (en ce sens que je suis contre des politiques d’accueil massif de migrants,que je suis contre le multiculturalisme, inquiet pour la culture et l’identité de notre pays…) et pourtant j’accueille un migrant dans mon entreprise et j’essaie de m’engager auprès des plus pauvres. Bref, je ne crois qu’on puisse juger la charité personnelle de chacun à l’aune de ses idées politiques. Je connais beaucoup d’identitaires charitables, et malheureusement beaucoup de chrétiens aux idées très généreuses mais qui ne font jamais rien de concret.

    Il y a en France une crispation identitaire. Oui, je le vois dans mon entreprise, il y a une souffrance des « petits blancs » qui ne se sentent plus chez eux, car dans leur hlm on n’est plus en France. Et ce n’est plus la France car on a renoncé à incorporer les immigrés dans notre culture française, après avoir renoncé à notre culture chrétienne. Bref il faut retrouver notre identité profonde qui est chrétienne pour pouvoir accueillir et évangéliser ces populations. Tout le contraire du mondialisme actuel qui veut qu’on abolisse toute frontière et qu’on mélange toutes les cultures, car elles le valent bien. Si nous n’avions pas autant de doutes sur notre identité, nous serions bien plus ouverts à l’autre.

    Je ne crache donc pas sur ceux qui ont peur pour l’identité de leur pays, je les comprends, et je ne leur reproche pas leur supposé manque de charité. Pas plus que je ne le fais avec ceux qui sont pour l’accueil de tous les migrants.

  • Je ne sais pas si ça peut aider aux échanges en cours? Si mon commentaire ne passe pas je n’en ferai pas une maladie.

    Voici ce qu’écrivait Charles de Foucauld il y a 110 ans:

    « Notre Algérie, on n’y fait pour ainsi dire rien pour les indigènes. Les civils ne cherchent la plupart qu’à augmenter les besoins des indigènes pour tirer d’eux plus de profit, ils cherchent leur intérêt personnel uniquement; les militaires administrent les indigènes en les laissant dans leur voie, sans chercher sérieusement à leur faire faire des progrès. De sorte que nous avons là près de trois millions de musulmans depuis plus de soixante-dix ans pour le progrès moral desquels on ne fait pour ainsi dire rien, desquels le million d’Européens habitant l’Algérie vit absolument séparé, sans les pénétrer en rien, très ignorant de tout ce qui les concerne, sans aucun contact intime avec eux, les regardant toujours comme des étrangers et la plupart du temps comme des ennemis. Les devoirs d’un peuple qui a des colonies ne sont pas de ceux-là, et cette fraternité, que personne ne nie, trace des devoirs bien différents. Croyez là-dessus votre enfant qui est devenu presqu’un vieillard, qui vit au milieu de misères infinies pour lesquelles on ne fait rien et on ne veut rien faire; pouvant et devant faire tant de bien, on aggrave au contraire l’état moral et intellectuel si lamentable de ces peuples en ne voyant en eux qu’un moyen de gain matériel. Ce que voient les indigènes de nous, chrétiens, professant une religion d’amour, ce qu’ils voient des Français incroyants criant sur les toits fraternité, c’est négligence, ou ambition, ou cupidité, et chez presque tous, hélas, indifférence, aversion et dureté. Avec le Maroc, voilà notre empire colonial bien agrandi; si nous sommes ce que nous devons être, si nous civilisons au lieu d’exploiter, l’Algérie, le Maroc, et la Tunisie seront, dans 50 ans un prolongement de la France; si nous ne remplissons pas notre devoir, si nous exploitons au lieu de civiliser, nous perdrons le tout et l’union que nous avons faite de ces peuples se retournera contre nous. »

    Charles de Foucauld, 30 janvier 1912 cité par Jean-François Six dans son livre « Charles de Foucauld, sa vie, sa voie. »

    « 

  • Personnellement, je connais plusieurs familles d extrême droite qui sont très généreuses, c’est vrai. En même temps il y a extrême droite et extrême droite, si vous me permettez. Il semble qu’ y ait des niveaux, des gradation dans le rejet de l autre.
    Sur le rejet de la société multiculturelle, je finis par me demander sur quel îlot vivent ses tenants. Une énorme proportion des gens « venus d’ailleurs »sont en France depuis plusieurs générations. Pour avoir grandi au milieu d eux, pour moi l choix est beaucoup plus simple: detester, mépriser mon prochain,mon voisin, ou pas.

  • @ Cédric56:
    Vous confondez culture et origine. Les étrangers arrivés en France jusque dans les années 70 sont devenus français et ont adopté la culture française. Malheureusement aujourd’hui beaucoup des nouveaux arrivants la rejettent ou au mieux lui préfèrent celle de leur pays d’origine, avec notre bénédiction. Il faut avouer qu’on ne fait rien pour leur faire connaître et aimer notre culture…

  • Leost a écrit :

    Ah si vous pouviez échapper à la tentation du tout blanc tout noir, gentils chrétiens ouverts aux migrants, méchants identitaires peu charitables.

    Merci Leost de votre post qui retranscrit très bien ce que je ressens en suivant le blog de koz. Autant, j’écoute et reçois avec bonne grâce l’appel du Pape François relayé par koz à nous laisser toucher et à agir concrètement pour ne pas laisser des frères mourir à nos portes, autant je suis blessé et mal à l’aise avec ces disputes entre chrétiens, avec ces distinctions plus ou moins explicites entre « bons chrétiens pro-migrants » et « mauvais chrétiens identitaires ». L’essentiel, pour chaque chrétien, selon son charisme, est de consacrer un temps significatif à un engagement concret envers les plus pauvres, qu’ils soient effectivement migrants, SDF (merci Etienne Villemain), handicapés (béni sois-tu Seigneur pour Jean Vanier), ou plus simplement enfants à catéchiser, divorcés à accompagner et réconcilier avec l’Eglise, incroyants à convertir (merci à la prière silencieuse des moines et des moniales pour le monde).
    « La moisson est abondante et les ouvriers sont peu nombreux », dit Jésus à ses Apôtres, alors de grâce, que les ouvriers cessent de se tirer dans les pattes.
    Pour connaître personnellement Koz et Thibault Colin et attester que tous les deux croient de tout leur cœur au Christ, je les invite à mettre de côté leurs désaccords intellectuels et politiques et à adorer ensemble le Seigneur, pendant une nuit au Sacré Coeur, afin de se réconcilier.
    Le Christ lui-même n’a t-il pas appelé comme disciples des « identitaires juiifs forcenés » comme saint Paul ou la plupart de ses apôtres qui lui demandaient : « est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté sur Israël et enfin des « collabos publicains » comme saint Matthieu ? A part Judas l’Iscariote, Il a fait de ces gens si limités et si différents les piliers de son Eglise.
    J’ajoute pour terminer, qu’à mon sens, aucune action, aucun engagement, aucune prise de position intellectuelle ou politique, ne peut être féconde sans un enracinement préalable dans la prière. Mère Thérésa, qui pourtant a vécu la nuit de la Foi, a insisté contre vents et marées pour que la journée des soeurs de la Charité commence par une heure d’adoration.

  •  » Le mondialisme actuel qui veut qu’on abaisse toute frontière et qu’on mélange toutes les cultures car elles se valent bien » . Les cultures ont toujours été extrêmement mélangées les une aux autres, c’est presqu’un pléonasme. Le plus drôle, c’est que la grande majorité des pays « non occidentaux » sont bien plus influencés par notre culture que nous par la leur.
    Sur le « malaise identitaire », bien-sûr il y a beaucoup à dire (mais ici le sujet concerne les migrants), personnellement je pense souvent au Docteur Knock quand les politiques agitent cette question…

    En tous cas merci beaucoup Koz pour cet article qui nous met clairement les pendules à l’heure.
    Je pense à Mat 25, 31-46. « J’étais étranger et vous ne m’avez pas accueilli », etc.
    Selon moi, les chrétiens vivent toujours à l’intérieur d’une perspective eschatologique: si Christ revient demain, dans quelle situation, dans quel état va-t-il me trouver ? Vers quoi sera orienté mon coeur ? Vers la défense de mes frontières, ou vers le visage de mon frêre en souffrance ?
    D’autres l’ont très bien souligné sur ce blog: Dieu passe avant notre culture, notre confort, notre tranquillité, notre identité, nos finances, etc. Or le pauvre c’est Jésus.
    Après, on fait ce qu’on peut !

  • Merci pour cet article. Il est vrai que j’aurais aimé trouver la réponse à cette question que je me pose « que faire » ?
    Je parle, autour de mois je réponds aux propos honteux de rejet, de comparaison, de racisme, de peur… j’espère que cela fera son chemin, si cela avance dans un tête ou dans un coeur au moins cela aura servi.
    Je donne, à SOS méditérannée, aux chretiens d’Orient, à médecin du monde, à la mesure de mes moyens qui, s’ils sont supérieurs à la moyenne n’en restent pas moi hyper modestes au regard du travail à accomplir.
    Je prie, beaucoup, tous les jours, pour ceux là bas qui tentent de résister, pour ceux qui ne l’ont pas pu, pour ceux qui arrivent, pour ceux qui restent en route. Pour tous, ceux qui croient et pour les autres.
    Je pleure, trop, et ça c’est inutile ça ne sert à rien je le sais bien.

    Ce que je voudrais ? Pouvoir voter pour eux. Trouver en ces temps de débats franc français, économiques, européens, sociaux, sécuritaires, patriotiques, mondialisés ou un, UN candidats, UN SEUL qui prendrait la mesure de ce qui arrive à ces autres qui sont nos frères et serait capable de parler d’eux et, sinon de trouver une solution, de proposer au minimum d’en chercher une.
    Jusqu’ici je n’ai identifié personne.

  • @ tonio 92 : les catholiques devraient parfois aussi sortir d’une vision angélique des choses où nous serions finalement tous d’accord et que tout cela ne serait qu’un problème de mésentente personnelle. Il faut grandir un peu. Je n’ai pas besoin de me « réconcilier » avec Thibaud Collin. Nous ne nous « faisons pas la tête », nous ne boudons pas, nous n’avons pas besoin de « faire la paix », nous ne sommes pas dans la cour de récréation. Nous avons des désaccords, d’autant plus profonds maintenant qu’il s’écrit que Thibaud Collin entend rejoindre Marine Le Pen.

    Expliquez-moi l’un et l’autre ce qui vous conduit à croire que vous devez vous auto-définir comme identitaires ? Est-ce que, parce que vous aimez la Nation, vous vous définiriez comme nationalistes ? Parce que vous pensez qu’il faut des actions sociales, vous vous définiriez comme socialistes ? Parce que vous êtes favorables à la liberté, comme libéraux ?

    D’où, Antoine, vois-tu que Saint Paul ait été un « identitaire juif » ? Qu’il ait été fondamentalement juif, radicalement juif, oui. Identitaire ? En quoi ? Et quel est cet anachronisme ? Soit dit en passant, Antoine, tu remarqueras que, précisément, une fois disciple du Christ, Saint Paul s’est justement radicalement converti. Tu oublies que, justement, il s’est un peu passé quelque chose sur le chemin de Damas. Ce n’est pas celui que tu définis comme un identitaire qui a cofondé l’Eglise. C’est ce Saint Paul qui écrit « il n’y a plus ni Grecs ni Juifs » que nous lisons si souvent à la messe. C’est ce Saint Paul qui est l’apôtre des Gentils, lui qui est allé annoncé l’Evangile aux Nations, qui s’est opposé à ce que l’on n’annonce le Christ qu’aux Juifs.

    Pourquoi croyez-vous donc devoir induire une proximité avec des personnes qui ont des idées inacceptables et foncièrement antichrétiennes ? Je te connais, donc, Antoine, et je vois vaguement qui est JF Leost. Je doute donc – j’ose l’espérer, à tout le moins – que vous acquiesciez à l’idée de « défendre votre identité ethnique jusque dans les choix du quotidien » (aka discrimination raciale). Je ne pense pas que vous soyez d’accord avec la phrase suivante : « nous avons cessé de croire que l’humanité puisse être notre famille et Kader notre frère« . Parce que c’est ce que disent les Identitaires (la première phrase est issue du « Qui sommes-nous ? » du Bloc Identitaire, la deuxième du manifeste de Génération Identitaire) et c’est frontalement contraire à ce que dit le Christ. Je ne pense pas non plus que vous adhériez aux dérives racistes et antisémites qui ont largement cours dans ces milieux. Parce qu’il faut vite ouvrir les yeux, c’est bien de cela dont il s’agit : de ces gens dont même Marine Le Pen disait qu’ils étaient des « ultras », des « ethnicistes » !

    Alors, une fois encore, expliquez-moi : qu’est-ce qui vous pousse à vous dire « identitaires » ? A respectabiliser ainsi une démarche politique foncièrement inacceptable pour un catholique ? Parce que c’est bien ce que vous faites, à vous croire obligés de vous définir de la même manière qu’eux : vous induisez une communauté de convictions. A votre corps défendant peut-être mais ne vous leurrez pas : vous vous faites les complices involontaires de leur habileté politique.

    Il y a urgence à ce que les catholiques quittent leur naïveté politique.

    Être sensible à la culture française, être attaché à la patrie, être attaché à l’Histoire de France, à la contribution chrétienne à cette Histoire et cette culture, rien de tout cela ne vous contraint à être « identitaire », à vous définir comme tel, à vous positionner dans le débat public d’abord avec votre identité. J’ai dit 100 fois depuis janvier que ce n’était évidemment pas à l’identité que j’étais opposé (même si je suis réservé sur les conséquences induites par une réflexion fondée sur l’identité). Je l’ai dit dès la veille de la sortie du livre, dans un hebdomadaire que vous devriez consentir à lire. Je sais qu’il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, mais avant d’adresser des reproches à l’autre, il n’est pas interdit de s’informer.

    Vous voulez dire que je suis manichéen, que je suis binaire ? Dire, JF Leost, qu’il faut « retrouver notre identité profonde qui est chrétienne » ce qui serait « tout le contraire du mondialisme », c’est véritablement confondre tous les plans, l’identité nationale et l’identité chrétienne (sans parler d’une référence au « mondialisme » qui est assez évocatrice). Si vous voulez rester sur le plan purement religieux, j’ai une mauvaise nouvelle pour vous : à la base le christianisme est plutôt universel. C’est la doctrine catholique qui conduit à reconnaître pleinement la légitimité des nations. Bref, avant de me juger binaire, il faudrait s’assurer d’éviter les confusions.

    Et soit dit en passant, si vous aimez les nuances, ce n’est pas tant moi qui met en relation souffrance des migrants et souffrance des « français de souche » que Laurent Dandrieu qui se croit obligé de penser qu’au nom des secondes, on devrait un peu moins parler des premières. Ce que je dis, c’est qu’il n’y a pas lieu de comparer. Mais que si vraiment il entend aller sur ce terrain, je ne suis pas franchement certain que les souffrances charnelles, physiques et psychologiques devront s’effacer devant nos angoisses existentielles.

  • Leost, si je comprends bien, le multiculturalisme c’est le fait d’autoriser des gens venus d’ailleurs à vivre chez nous en conservant leur culture d’origine ? Je suis surpris.
    En général, les mots changent mais le message et l’intention sont les mêmes. C’est d’ailleurs, comme me semble-t-il koz l’a écrit quelque part, une des stratégies du front national: changer son vocabulaire pour faire passer son message de façon plus soft. Et créer du débat autour de questions qui jusqu’il y a peu de temps, relevaient strictement de son domaine propre.
    Autour de moi, peut-être par bonheur, les gens ne sont pas si subtils. Ils sont très souvent très franchement racistes et très franchement xénophobes. Parfois j’en suis comme sonné. En réalité, je ne m’y fais pas. Mais je l’accepte plus facilement chez mes frêres ignorants que chez mes frêres cultivés.
    Précisément, 2000 ans de culture chrétienne pour en arriver là !

  • Il ne faut pas oublier, d’ailleurs, que l’identitarisme est l’autre nom du communautarisme. Car la logique identitaire est équitablement partagée par toutes les identités et chacun en vient à se présenter à la société au nom de son identité. Les catholiques de souche ont l’espoir que l’identité qu’ils revendiquent soit l’identité de base, unanimement partagée. Je n’ai rien contre l’idée en principe, qui serait douce pour nous, mais quand on ouvre les yeux sur la réalité, on constate bien que c’est une chimère : seuls 31% des 18-24 ans se déclarent catholiques, par exemple.

    Rien de tout cela ne nous interdit d’exister, de proposer, de raviver et de rayonner. Mais ne reconstruisons pas le passé et ne rêvons pas le présent.

  • « Pour les besoins du raisonnement, j’admets que la souffrance des migrants ne fait pas une politique migratoire. »

    Non, mais si elle n’est pas prise en compte dans une politique migratoire, alors ce n’est pas une politique décente, humaine. Chrétienne. le pape le sait. Son pouvoir est dans la parole donc il le dit.

    Le reste, c’est à dire bâtir cette politique migratoire décente, c’est à nous de le faire. Nous sommes en campagne pour la présidentielle puis pour les législatives. Que disent les candidats là dessus ? Que dit le candidat de Sens Commun ? https://www.fillon2017.fr/projet/immigration/

    A toi de voir si il y a beaucoup de décence, d’humanité là dedans. En gros, a toi de voir si ces propositions là sont compatibles avec les évangiles.

  • Manuel Atréide a écrit :

    Non, mais si elle n’est pas prise en compte dans une politique migratoire, alors ce n’est pas une politique décente, humaine. Chrétienne. le pape le sait. Son pouvoir est dans la parole donc il le dit.

    En gros, je suis assez d’accord avec toi. En gros. C’est pour ça que je l’écris 😉

    Manuel Atréide a écrit :

    En gros, a toi de voir si ces propositions là sont compatibles avec les évangiles.

    En gros, je te remercie d’attirer mon attention là-dessus. Que ferais-je sans toi ? Mais en même temps, ce « petit jeu » consistant à prendre certaines propositions d’un candidat et à les confronter aux évangiles, cela fait bien dix ans que j’y « joue ». J’en fais mon appréciation, et je n’oublie pas non plus que pas un candidat n’est en mesure d’aligner une parfaite compatibilité avec les évangiles. A chacun sa pondération, en fonction de la plus ou moins grande contradiction, de la plus ou moins grande centralité du sujet dans le programme du candidat, dans la doctrine sociale de l’Eglise et dans ses convictions personnelles.

  • Bonjour
    Je viens d’écouter l’émission à laquelle vous faites allusion, puis de lire votre article.
    Je ne suis pas catholique, mais chrétien, et à ce titre, je vois en vous un frère – un frère en Christ, un frère d’humanité.
    Oui, de pleurer ne sert pas ; mais si l’émotion n’est un acte, elle peut aussi se révéler une porte ; assumer les pleurs, puis l’inaction, c’est aussi accepter d’y faire face, pour éventuellement, agir, et sinon, du moins, comme vous le dites, tenir sa langue, car – avec vous – je désire ne pas l’oublier, « qui surveille sa bouche et sa langue s’épargne bien des tourments ».
    Merci de veiller.
    Cyril

  • Et l’existence d’un ordre dans la charité ?
    « charité bien ordonnée commence par soi-même » dit le proverbe, et la théologie enseigne qu’il existe un « ordre dans la charité » (Somme de théologie de saint Thomas d’Aquin, IIa IIae, q. 26). A l’art. 6 de cette question, le Docteur commun enseigne qu’ « il y a des personnes, parmi notre prochain, que nous devons aimer plus que les autres », et à l’art. 8 que « Nous devons donc plus spécialement aimer ceux qui nous sont plus unis par le sang ». Il n’y a donc, évidemment, aucune objection catholique à opposer à l’existence d’un ordre préférentiel. En d’autres termes, les nôtres avant les autres. D’une part, il faut aimer son prochain, pas son lointain. D’autre part, il faut cesser de confondre le public et le privé (typique de la postmodernité). Quand le Christ dit « aimez vos ennemis », la langue française est (pour une fois) trop chiche : il s’agit de l’inimicus latin, pas de l’hostis, c’est à dire de l’ennemi privé, celui qui nous déteste, et non l’ennemi public, celui qui (quoique non responsable de cet état de fait) se trouve être ennemi de ma communauté politique. L’Allemand, en 1914 ou en 1939, était notre ennemi public, pas notre ennemi privé (il pouvait le devenir aussi, par une fréquentation personnelle). Il pouvait être saint, il n’en demeurait pas moins notre ennemi (public). Et ce n’est pas à lui que s’adresse l’admonition du Christ : elle ne nous enseignait pas de faire du bien aux Allemands (en 1914 ou en 1939), mais de faire du bien à celui qui avait des raisons de nous détester personnellement (fût-il allemand). Par analogie, le problème migratoire est semblable, et je ne doute pas que les lecteurs de ce blog qui sont aussi des électeurs FN viendraient au secours d’un malheureux dans la rue, bien qu’il fût immigré ou clandestin.

  • Je m’éloigne du texte de départ mais puisque les derniers commentaires portent sur les hommes politiques et leurs programmes j’ai beaucoup aimé le lien suivant: http://doctrine-sociale.blogs.la-croix.com/giorgio-la-pira-chretien-en-politique/2017/03/20/ dont j’ai retenu les deux citations suivantes: « Il faut entrer en politique avec deux sous et en sortir avec un seul » et « C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière  ; il faut forcer l’aurore à naître ».

  • Bonjour,

    je suis complètement d’accord avec vous sur la réalité de la souffrance des réfugiés. Je dois dire en toute honnêteté que je la ressens seulement dans mes tripes depuis que j’ai moi-même des enfants.

    Reste cependant le problème politique de comment gérer l’égoïsme réel de ceux qui ont le pouvoir et l’argent, et qui décideront à la fin des politiques appliquées. Je ne sais pas si c’est le rôle des autorités spirituelles de considérer cet aspect des chose, mais il est important pour moi dès que l’on veut agir.

    Sur le plan politique, cette objection est valable: comment faire pour être le plus humain possible à des conditions économiques raisonnables et avec un discours acceptable pour les « nantis au pouvoir » (nous). Dans ce contexte, certaines politiques a priori généreuses sont à mon avis contre-productives: certains discours tiers-mondistes où l’homme blanc est toujours le grand méchant (ce qui n’est pas vrai, il y a des racistes, et des tyrans sanguinaires partout), un laxisme sécuritaire qui crée des zones de non-droit, un système social trop généreux mais qui en pratique exclut beaucoup du marché du travail, certaines politiques de discrimination positive qui créent des ressentiments terribles.

    Bref pas facile d’agir, je suis très content d’avoir un autre métier que la politique.

  • Cher Koz,

    Dit brièvement : Créon et Antigone.

    Pour développer : ne confondons pas notre devoir moral vis-à-vis de nos frères humains, et notre devoir civique vis-à-vis de nos concitoyens.
    Au plan de l’humanité, il est évidemment immoral de jouer la « concurrence des souffrances », et indécent d’opposer notre éventuel inconfort aux drames que vivent ou ont vécu beaucoup de migrants.
    Au plan du civisme et de la politique, par contre, il est discutable mais pas forcément illégitime de considérer qu’un état doit privilégier ses citoyens.
    Bien entendu, la politique ne peut pas faire abstraction de la morale. Mais la morale ne doit pas se substituer à la politique, sinon on finit par vouloir assimiler le « bien » et le « légal », et par confondre ses adversaires politiques avec des « méchants », ce qui aboutit nécessairement au totalitarisme.

    Pour ce qui est plus précisément des migrants, il me semble que le débat s’apaiserait si l’on séparait clairement ce qui relève de la citoyenneté de ce qui relève de l’humanité, aussi bien pour réfléchir à nos obligations que pour parler de celles que nous pouvons ou devons imposer aux migrants.
    Beaucoup d’opposition à la venue des migrants ne vient pas du refus de partager notre confort matériel avec d’autres humains, nos semblables, mais du refus de donner la citoyenneté à des personnes qui, pour l’essentiel, ne partagent ni nos valeurs ni nos références culturelles.

    Bien entendu, on peut argumenter en faveur d’un monde sans frontières où la seule citoyenneté serait celle de notre commune humanité. C’est même une très belle idée. Mais de là à la croire réaliste….
    Pour ma part, je suis plus favorable à une position équilibrée, un peu comme celle du Pape, qui cherche à concilier le devoir d’humanité (obligation morale) et la capacité d’intégration (obligation civique). Mais cela ne sera possible que si d’un côté nous secouons notre torpeur pour avoir une véritable démarche de partage et d’accueil dans la dignité, et que de l’autre nous sommes d’une totale fermeté sur les obligations d’intégration imposées aux migrants. Faute de quoi, soit nous leur interdisons durablement l’accès à la citoyenneté (ce qui aboutirait à créer en Europe des millions de « citoyens de seconde zone », ce qui n’est pas viable), soit en effet nous acceptons la disparition de notre civilisation et de nos valeurs.

  • Je m’étonne – ou pas vraiment – des circonvolutions nécessaires à certains pour éviter une idée simple : ce que nous pouvons vivre en France n’a rien de comparable avec ce que vivent les migrants, avec ce que fuit un Nigerian, un Ertyhréen, un Syrien. Considérer que l’on parle trop de la souffrance de ces derniers au mépris des angoisses identitaires légitimes des Français est profondément indécent, voilà le sujet. Étonnamment, il faut que la conversation glisse sur : certes, mais l’on a bien le droit de vouloir limiter l’immigration. D’où vient cette angoisse qu’accorder aux affres que subissent ces populations la considération minimum qu’elles requièrent conduirait à ouvrir les frontières sans limite ?

    Je ne me prononce pas sur une politique migratoire dans ce billet, ce n’est pas le sujet. Mais si vous le voulez, alors prenez en considération pleinement les malheurs que vivent ces gens, leur détermination à braver ce qu’aucun d’entre nous n’imagine braver dans sa vie, pour en adopter une. Et s’il s’agit de ne pas accueillir ces gens, ayez la lucidité de considérer que, légalement ou pas, ces gens tenteront de venir. Alors soit vous avez l’honnêteté et le pragmatisme de prendre en compte cette situation et vous en appelez d’urgence à une politique sérieuse de coopération – et de stabilisation politique – soit vous vous perdez dans des développements dialectiques pour justifier que vous regardiez ailleurs.

    @ Cyrille : étrange disposition d’esprit que celle de vouloir absolument distinguer un ordre. J’ai bien vu que, sur un site d’extrême-droite, on m’imputait avec ce billet de vouloir faire passer « les autres avant les nôtres ». Votre phrase sur « les nôtres avant les autres » me laisse craindre que vous ne soyez arrivé ici par ce biais. Cet article méprisable est l’illustration de la malhonnêteté intellectuelle ordinaire. D’évidence, il ne mérite pas que j’y réponde. Mais allez, je vous réponds à vous. Et non, il n’y a pas d’ordre à respecter. Pourquoi penser qu’il conviendrait de choisir : secourir les migrants ou aider les « français de souche » ? Je ne vois pas que l’on ne puisse faire l’un et l’autre. Je m’étonne de cette disposition d’esprit.

    Alors, parce qu’il faut justifier moralement sa répugnance à prendre en compte pleinement les souffrances des réfugiés, on va chercher Saint Thomas pour en faire le Père de la Préférence Nationale, Saint Patron du programme du Front. Pauvre Saint Thomas, il ne méritait pas cette postérité.

    L’idée qu’il faille « aimer son prochain, pas son lointain » est une erreur. Si vous me permettez de sauter par-dessus la tête de Saint Thomas, j’aurais l’audace d’en revenir à l’Evangile (qu’il ne renierait pas).

    Lequel de ces trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ?» Il dit : «Celui-là qui a exercé la miséricorde envers lui.» Et Jésus lui dit : «Va, et toi aussi, fais de même.

    Il me semble que, pour avoir une définition de son prochain, se reporter au Christ est assez adéquat. Et, que je sache, dans cette définition, il ne rentre nulle idée de distance.

    Au demeurant, Saint Thomas enseigne pour commencer qu’il convient d’aimer tout homme comme un prochain. Et si vous tenez vraiment à le citer, n’oubliez pas non plus ce passage :

    « Il est tel cas, celui d’extrême nécessité par exemple, où nous devons venir en aide à un étranger plutôt même qu’à un père dont le besoin serait moins urgent ».

    Si vous tenez vraiment à savoir qui vous devez aider de préférence (ce qui n’est pas mon cas), alors Saint Thomas vous dirait probablement que les migrants sont dans un cas d’extrême nécessité.

    Pour finir, je crois que vous m’avez perdu quand vous avez expliqué que, par analogie, un migrant en train de crever dans une barque en méditerranée, c’est un peu comme un nazi. Et, si vous me dites qu’un électeur FN viendrait au secours d’un migrant, à n’en pas douter, je relève aussi que le commentateur électeur du Front National a un réflexe pavlovien : quand on lui dit qu’il faut ouvrir les yeux sur la réalité des souffrances des migrants, il vous parle d’invasion.

    David M a écrit :

    Pour ma part, je suis plus favorable à une position équilibrée, un peu comme celle du Pape, qui cherche à concilier le devoir d’humanité (obligation morale) et la capacité d’intégration (obligation civique). Mais cela ne sera possible que si d’un côté nous secouons notre torpeur pour avoir une véritable démarche de partage et d’accueil dans la dignité, et que de l’autre nous sommes d’une totale fermeté sur les obligations d’intégration imposées aux migrants. Faute de quoi, soit nous leur interdisons durablement l’accès à la citoyenneté (ce qui aboutirait à créer en Europe des millions de « citoyens de seconde zone », ce qui n’est pas viable), soit en effet nous acceptons la disparition de notre civilisation et de nos valeurs.

    Je ne vois pas que nous ayons de véritable désaccord, vous, le pape, et moi. Sauf à s’inquiéter à ce point d’une disparition de notre civilisation et nos valeurs.

    David M a écrit :

    ne confondons pas notre devoir moral vis-à-vis de nos frères humains, et notre devoir civique vis-à-vis de nos concitoyens. Au plan de l’humanité, il est évidemment immoral de jouer la « concurrence des souffrances », et indécent d’opposer notre éventuel inconfort aux drames que vivent ou ont vécu beaucoup de migrants. Au plan du civisme et de la politique, par contre, il est discutable mais pas forcément illégitime de considérer qu’un état doit privilégier ses citoyens. Bien entendu, la politique ne peut pas faire abstraction de la morale. Mais la morale ne doit pas se substituer à la politique, sinon on finit par vouloir assimiler le « bien » et le « légal », et par confondre ses adversaires politiques avec des « méchants », ce qui aboutit nécessairement au totalitarisme.

    Discussion fort théorique. Qu’est-ce qui, dans le billet qui précède, vous conduit à penser que l’Etat ne privilégierait pas ses citoyens, chose que je ne trouve ni illégitime ni même discutable ?

    Par ailleurs, je ne suis pas franchement certain de craindre à ce point le totalitarisme en ce qu’il viendrait d’un excès de morale, d’humanité ou de charité. La confusion me semble avoir généralement procédé en sens inverse : non pas considérer que nous allons mettre le Bien dans la Loi, mais que notre Loi, ce sera le Bien. Je crois qu’avant que l’excès d’humanité nous conduise au totalitarisme, nous y serons plus sûrement parvenu par d’autres voies.

    David M a écrit :

    Beaucoup d’opposition à la venue des migrants ne vient pas du refus de partager notre confort matériel avec d’autres humains, nos semblables, mais du refus de donner la citoyenneté à des personnes qui, pour l’essentiel, ne partagent ni nos valeurs ni nos références culturelles.

    Là-dessus, non, je ne vous suis pas. Je ne crois pas que l’opposition à la venue de migrants – au demeurant bien peu nombreux en France – ait partie liée à la notion de citoyenneté. Au jour le jour, nous entendons les uns et les autres avancer notre taux de chômage et notre situation économique pour justifier ce refus. Je comprendrais que, pour les besoins d’un débat, vous ne vouliez pas accorder foi à ce que je rapporte mais il suffit dans ce cas de se reporter à ce que disaient M. Fillon et, de façon outrancière, Mme Le Pen, lors du débat. Nulle question de citoyenneté. Mme Le Pen assène : « nous n’avons rien à leur offrir ». Citoyenneté ou pas citoyenneté.

    Uchimizu a écrit :

    comment faire pour être le plus humain possible à des conditions économiques raisonnables et avec un discours acceptable pour les « nantis au pouvoir » (nous)

    Franchement, je crois que nous pourrions aussi être un peu plus réalistes sur notre situation. Certes, la France ne connaît plus de croissance à deux chiffres depuis longtemps. Et la croissance à un chiffre qu’elle connaît n’atteint pas toujours les 2%. Mais nous restons la 5ème ou 6ème puissance économique mondiale, sur environ 200 pays. Dire, comme je le rappelle plus haut, que « nous n’avons plus rien à offrir » est une sinistre blague quand nous nous promenons dans d’autres pays. J’aimerais que Mme Le Pen aille faire un tour en Eythrée et dise, les yeux dans les yeux à un Erythréen qui n’a rien, que nous, nous n’avons plus rien à offrir. Qu’elle dise à un Syrien qui fuit la guerre civile que nous n’avons rien à offrir : vivre dans le métro parisien, c’est impensable pour nous, c’est déjà ne pas risquer de mourir sous les bombes, pour eux. C’est évidemment difficile, mais parfois c’est surtout parce que nous ne voulons pas donner que nous n’avons « rien à offrir ».

    Cela étant, je comprends aussi les politiques sélectives, qui ne veulent pas offrir les même droits aux immigrés qu’aux citoyens. Soit dit en passant, c’est déjà un peu le cas. Mais je comprends que l’on dise : on peut vous offrir, mais pas le même niveau qu’à nos propres citoyens. A cet égard, quand Fillon évoque le fait d’attendre deux ans avant de fournir certaines prestations, soit. Mais pas par cette suspicion que ces gens viendraient « pour bénéficier du RSA ». Ils viennent parce que c’est invivable chez eux, et parce qu’il reste de l’espoir chez nous.

    Cyril a écrit :

    Bonjour Je viens d’écouter l’émission à laquelle vous faites allusion, puis de lire votre article. Je ne suis pas catholique, mais chrétien, et à ce titre, je vois en vous un frère – un frère en Christ, un frère d’humanité. Oui, de pleurer ne sert pas ; mais si l’émotion n’est un acte, elle peut aussi se révéler une porte ; assumer les pleurs, puis l’inaction, c’est aussi accepter d’y faire face, pour éventuellement, agir, et sinon, du moins, comme vous le dites, tenir sa langue, car – avec vous – je désire ne pas l’oublier, « qui surveille sa bouche et sa langue s’épargne bien des tourments ». Merci de veiller. Cyril

    De la même manière, croyez bien qu’un chrétien est évidemment un frère pour moi, catholique ou non.

    Et merci pour votre commentaire. L’émotion ne suffit pas, elle ne fait pas une politique. Mais pour paraphraser je ne sais trop qui : on ne fait pas de bonne politique avec de bons sentiments, certes, mais on n’en fait pas de meilleure avec de mauvais.

  • Je pourrais raconter l’ado qui se fait voler son téléphone portable par des ados roms de son quartier que sa mère aide au sein d’une asso de bénévoles. Je pourrais raconter le jeune père d’un enfant franco marocain qui m’accuse de racisme parce que j’ai tenu tête à son fils et puis à lui ensuite. Mais je préfère raconter le jeune homme de dix sept ans qui quitte l’Indochine pour venir étudier en France grâce à une bourse d’état. C’était avant la guerre d’Indochine. Il n’est jamais revenu vivre dans son pays. Il ne s’est jamais vraiment intégré au nôtre. Il est devenu médecin, psychothérapeute, acupuncteur, karatéka, président d’un club d’arts martiaux. Il s’est toute sa vie »frotté » parfois très durement aux autres. Il est une des personnes qui ont participé à la création d’une station thermale en zone rurale. Il est propriétaire d’une maison que nous appelons nous « le château ». Il dit qu’il a été gaulliste toute sa vie. C’est aujourd’hui un vieil homme qui a fait campagne pour Alain Juppé. Il dit qu’il est taoïste. Que son idéal de vie c’est de finir seul détaché de tout. Son château est en vente. Il veut finir sa vie à Biarritz. Je pourrais raconter la file de voitures qui a brûlé un soir de 14 juillet pas loin de la maison de mes parents. Je préfère raconter Philippe tout jeune prêtre en « poste » dans un pays d’Afrique francophone en 1981. A plusieurs reprises il va prendre en charge des nouveaux nés qui n’ont plus de mère et de père et les confier à des familles d’accueil catholiques de leur pays d’origine. Il va trouver dans son carnet d’adresses des personnes en France pour financer les frais d’éducation de ses enfants. L’un d’entre eux va se révéler être une excellente élève. A l’adolescence elle vient en France faire ses études. Elle rate le concours d’infirmières mais réussit celui d’aide soignante. Elle paye ses études, son loyer, sa nourriture en travaillant dans des pizzerias, en faisant des ménages chez des Africaines de France (au black? 🙂 ), et du baby sitting dans les beaux quartiers de la capitale. Elle cherche du travail d’aide-soignante et a pour projet de mettre de l’argent de côté pour retenter le concours d’infirmières et financer ses études par elle-même. Elle trouve notre pays magnifique même si elle a souvent pleuré depuis qu’elle y est. Elle ne veut pas revenir en Afrique. Elle se fait souvent traiter de « Bounty » ce gâteau noir en dehors et blanc en dedans. Ce week-end dernier elle découvrait la Touraine en vélo. Elle est plus française que moi!!!!

  • Koz a écrit :

    Je crois qu’avant que l’excès d’humanité nous conduise au totalitarisme, nous y serons plus sûrement parvenu par d’autres voies.
    Je comprendrais que, pour les besoins d’un débat, vous ne vouliez pas accorder foi à ce que je rapporte mais il suffit dans ce cas de se reporter à ce que disaient M. Fillon et, de façon outrancière, Mme Le Pen, lors du débat. Nulle question de citoyenneté. Mme Le Pen assène : « nous n’avons rien à leur offrir ». Citoyenneté ou pas citoyenneté.

    Je ne crois pas en effet que l’excès d’humanité nous menace ! Par contre, la tentation de disqualifier tout débat critique au nom de l’humanisme, oui (et pour éviter toute ambiguïté, cette remarque ne vous vise clairement pas, les discussions présentes sur ce site prouvent votre ouverture sur ce point).
    Pour ce qui est des motivations, conscientes ou inconscientes, qui poussent certains à rejeter les migrants, permettez-moi tout en prêtant foi à ce que vous avez constaté d’y ajouter mes propres constats : l’argument économique est certes parfois premier, mais il sert aussi de paravent politiquement correct à un refus « culturel ». Sinon pourquoi certains auraient-ils proposé d’accueillir spécifiquement des chrétiens d’Orient ?
    Tant que les migrants seront perçus comme une menace sécuritaire à court terme et culturelle à long terme, le réflexe de défense prendra largement le pas sur la compassion qu’ils devraient nous inspirer. Et le fait qu’au début de la crise les plus ardents défenseurs des migrants aient massivement nié les risques au lieu de réfléchir à un moyen de les prendre en compte n’aide pas.
    Reste que si la générosité ne doit pas servir d’excuse à l’aveuglement, le réalisme ne doit pas non plus servir d’excuse à l’égoïsme.

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