Bayrou, le courage de l'illisibilité

Voilà un billet que je ne soumettrai pas au blog de La Croix, qui n’a pas vocation à héberger d’éventuelles polémiques politiques. Mais voilà, je n’arrive pas à me départir d’une très profonde perplexité devant les stratégies de François Bayrou. A le suivre, on finit pas se demander s’il n’est pas empreint d’un sens personnel du destin tragique des politiques. Car, s’il y a certainement de la grandeur à tenir des distinctions que personne ne comprend, il n’y a aucune garantie sur le fait que cela soit politiquement sensé. Après s’être illustré, en 2005, par sa précipitation à s’opposer, en compagnie d’Yves Contassot et de Jean-Luc Mélenchon, à la mise en berne des drapeaux de la République quelques heures à peine après la mort de Jean-Paul II – tandis qu’à La Havane, le lider maximo décrétait trois jours de deuil national – ce qui aura certainement contribué à le couper d’une part non négligeable de son électorat, après avoir brisé l’alliance habituelle avec la droite pour tenter de faire alliance avec la gauche (ce qui lui garantit d’être vu comme un mec de gauche par la droite, alors qu’il est toujours perçu comme un mec de droite par la gauche), voilà que François Bayrou produit une distinction très personnelle sur le thème de la laïcité.

Ce matin, sur RTL, François Bayrou s’est déclaré « pas fana » du passage du Pape à l’Elysée, tout en approuvant le fait que le Chef de l’Etat le reçoive à l’aéroport. Jusqu’à maintenant, le protocole voulait plutôt que le Chef de l’Etat ne reçoive pas le pape à l’aéroport… François Bayrou approuve donc Nicolas Sarkozy de transgresser la tradition républicaine sur un point, et le désapprouve de s’y conformer sur un autre.  Soit. Après tout, on peut remettre en cause le bien-fondé de la tradition républicaine ainsi établie.

Je suis un peu plus perplexe sur la cohérence de la suite de son propos, et ne doute pas que mes commentateurs habituels viendront me relever de cet abîme.

Reprenons le passage de l’entretien relatif au protocole, et à la laïcité, donc :

Un autre sujet, François Bayrou. Le Pape Benoît XVI sera demain à Paris ; et le Vatican a annoncé, hier, que Nicolas Sarkozy, Président de la République, serait exceptionnellement présent à Orly pour l’accueillir à 11 heures du matin. Ceci est hors du protocole. Ce geste, comment le recevez-vous, François Bayrou ?

Accueillir le Pape à la descente d’avion, je trouve ça normal.

C’est plus que le protocole ?

Bon, mais je trouve ça normal. Il y a des gestes qui sont des gestes de courtoisie et que je ne trouve pas mélange des genres. Je suis moins fana de l’Elysée.

De l’Elysée ? C’est-à-dire du passage…

Je suis moins fana. C’est quelque chose…

Moins fana de l’Elysée, c’est-à-dire du passage de Benoît XVI à l’Elysée ?

Oui, du passage de Benoît XVI à l’Elysée parce que moi, j’ai une idée assez simple, c’est qu’il ne faut pas mélanger l’Etat et la religion.

Et en même temps, Benoît XVI est considéré comme un chef d’Etat. Donc, le recevoir à l’Elysée, ça paraît normal ?

Ah je sais ! On a souvent eu des discussions sur ce sujet. Pour moi, le Pape c’est le chef d’une religion et pas le chef d’un Etat. C’est une fiction de le regarder comme le chef d’un Etat. Voilà, je suis moins enthousiaste de cet aspect officiel de la visite.

Vous serez présent vous-même dans les cérémonies officielles où Benoît XVI…

Je ne serai pas présent dans les cérémonies officielles de Paris pour la raison que je viens de vous dire…

Mais vous serez à Lourdes ?

… Mais j’irai à Lourdes, avec le maire de Lourdes.

Ah, ça change tout ça !

Comme un élu des Pyrénées, et donc…

Eh voilà, ça change tout !

Ca change tout. C’est symboliquement, vous voyez… Il me semble que dans tout ce que nous faisons dans des circonstances aussi sensibles, je suis un défenseur de la laïcité et je suis chrétien. Alors, bon ! Ce que nous faisons de l’ordre du symbole, on doit le peser avec beaucoup de sensibilité là aussi.

J’avoue avoir beaucoup de peine à comprendre une chose :François Bayrou ne sera pas présent aux cérémonies officielles à Paris parce que le Pape est le chef d’une religion et que donc, faut pas tout mélanger, hein, bon. Mais il accompagnera à Lourdes le maire de Lourdes, qui s’y rend donc en tant que tel, et non en tant que Jean-Pierre Artiganave. Il accompagnera donc Monsieur le Maire aux cérémonies non officielles mais bien religieuses, et il le fera non pas à titre privé, à titre personnel… il le fera « comme un élu des Pyrénées« . Dans ses fonctions officielles, quoi.

Un esprit mal intentionné pourrait penser que le principe fondamental ainsi invoqué varie selon la stratégie électorale, mais ce serait parier sur le fait que les basques et les béarnais n’ont pas la radio. Il pourrait se demander s’il n’y a pas une question de portée des images : ne pas être vu nationalement, mais l’être localement…

Il reste en tout état de cause un fait : on n’y entrave que dalle. Et François Bayrou va encore réussir le tour de force de se faire mal voir de part et d’autre. On ne pourra en tout cas pas contredire les partisans de François Bayrou qui célèbrent son courage : il y a un courage certain à s’affranchir ainsi de toute exigence de lisibilité politique.

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52 commentaires

  • Attention, humour inside 😀

    1) quel symbole cette photo! bon choix (bon choix madame, bon choix monsieur wuip, pop)

    2) pour moi, en toute mauvaise foi, LA phrase à retenir est:

    « Je suis moins fana de l’Elysée. »

    Voilà, tout est dans l’interprétation freudienne de l’extrait sorti de son contexte: en fait, l’Elysée, ça lui fait un peu peur, parce que c’est trop grand, et puis il a pas assez d’amis à inviter pour remplir les bureaux et en plus, on est obligé de recevoir des gens qu’on voudrait bien voir mais avec tout le protocole holala madame, c’est bien compliqué et faut pas tout mélanger.

    Bref, Bayrou président, mais chez lui, en toute discrétion, de l’ordre du symbolique, quoi 😉

  • beh il est le principal opposant à qui tu sais, alors il s’oppose c’est tout ! peu importe les circonstances du moment qu’il y a un micro.

  • @philo

    suite à votre lumineux commentaire, j’ai une petite suggestion: La création du titre de « Grand Sage » de la république. Il s’agirait d’un statut honorifique offrant l’avantage d’allier grandeur et discrétion, ce qui devrait satisfaire pleinement les ambitions de François Bayrou.

  • Pareil que Thaïs, Bayrou est dans une logique d’opposition frontale, mais avec la concurrence d’une partie du PS, il est obligé de renchérir sans arrêt.

    Et puis n’oublions pas une chose : Bayrou il vient de vivre une université d’été catastrophique : couverture médiatique minimum, un parti avec plus grand monde, des finances catastrophiques….

    Et puis Bayrou n’existe pas sur le plan des idées : soyons honnêtes, c’est quoi le plus de Bayrou avec son Modem par rapport à l’UDF ??

  • « couverture médiatique minimum, un parti avec plus grand monde, des finances catastrophiques…. »

    Avec Jean-François Kahn et Peyrelevade ! Paradoxe ou Confirmation ?

  • Bah, il m’a pas l’air d’une franche agressivité sur ce point non plus hein. J’ai cru comprendre que pour lui la laïcité c’était beaucoup une question de bâtiment, dans le fond. Tout le symbole est dans l’architecture.
    On n’invite pas un chef religieux à l’Elysée, et on ne met pas les drapeaux en berne. En revanche, le chef de l’Etat ou un élu peut se déplacer hors des lieux républicains (un tarmac, Lourdes) pour aller à la rencontre du chef religieux.
    Le Dalaï Lama au palais du Luxembourg, non. Deux ministres et l’épouse du chef de l’Etat à une conférence du Dalaï Lama en province, oui.

    Bon, je trouve ça assez spécieux moi. c’est vrai qu’on est plus en république où le symbole de l’Etat c’était le corps et la personne du roi. Sarkozy peut faire des trucs pour lui, et d’autre au nom de la République. C’est vrai aussi qu’on peut estimer que la frontière peut être marquée par la symbolique des lieux. Mais je pense plutôt que la symbolique, aujourd’hui, c’est surtout un ensemble de signes, d’attitudes et de mises en scènes. Que donc ça peut se mettre en oeuvre un peu partout et à toutes les sauces.

  • ha ha, Marc, sinon, cette phrase : Bayrou il vient de vivre une université d’été catastrophique : couverture médiatique minimum, un parti avec plus grand monde, des finances catastrophiques….

    Ben c’est pas comme ça qu’on l’analyse en interne. Jamais eu autant de journalistes, et 2000 militants c’est quatre fois plus que ce qu’il y avait du temps de l’UDF. Mais bon…

  • Bayrou en panne de communication avec un modem, il devrait changer de fournisseur, un « box » c’est quand même plus tendance.Mais il se ferait peut+être mettre en boite ? 🙂

  • Incroyable! J’avais entendu le début de la citation mais pas la fin, sur Lourdes!

    Et en effet, c’est un peu incohérent tout cela. C’est pourquoi j’aime particulièrement le commentaire de Bétises sur le Dalai-Lama…

  • Il n’aurait plus manqué qu’en plus d’être incohérent, il soit agressif, Lisette. Je lui aurais collé une mornifle (fraternelle).

    J’ai lu ton analyse mais elle me semble achopper sur un point : si ce n’est qu’une question de bâtiments, comment se fait-il qu’il soit absent de ttes les manifestations ? Les Bernardins, c’est un bâtiment de la République ? Quant à attacher davantage d’importance aux bâtiments qu’aux personnes…

  • @Marc : La couverture médiatique minimum, vous l’inventez. Les journalistes n’ont rien à faire des UE d’été de n’importe quel parti. Ca parle, ça débat, ça se rencontre : ce n’est ni vendeur, ni intéressant. Alors, à choisir, ils ont préféré couvrir les rodomontades socialistes et l’UE de l’UMP sur fond d’unité proclamée et de couac ministériel entre Morin et MAM.

    Sauf que, depuis lundi, c’est bien de Bayrou qu’il est question dans la presse et les médias. Que cela soit chez Denisot, Aphatie, Bourdin & Co, il a fait beaucoup plus d’apparitions qu’à l’accoutumée. Le tout multiplié par deux avec Marielle de Sarnez.

    Attention donc à ne pas raconter tout et n’importe quoi.

    J’abonde sur l’état des finances. A ceci près qu’il est pour le moment compensé par l’enthousiasme des militants. Une UE à 150 euros + transports qui accueille plus de 1 500 personnes, c’est du jamais vu, et il faut bien de l’enthousiasme pour accepter de dépenser autant juste après un retour de vacances.

    D’où la très juste remarque de tous les journalistes : « Lâché par ses élus, le MoDem ne l’est pas par ses militants ». Votre « plus grand monde » en prend aussi un coup… 😉

  • Bonjour à tous,

    Alors, là, pour le coup, je suis totalement de l’avis exprimé dans votre article. Le Bayrou, c’est qu’un opportuniste et pis c’est tout!
    La laïcité, Lourdes et tout ça, il s’en fiche comme de sa 1ère chemise du moment qu’on koz, euh pardon, qu’on cause de lui!

    a+

  • Un petit détail (typographique, sans doute) les abymes c’est que à la Guadeloupe, où on ne peut pas tomber dans l’abîme. En revanche vous auriez pu montrer la mise en abyme (ou abysme) du discours bayrouïste. 😉

    a+

  • Rhâ. Je n’étais pas sûr de moi, j’ai juste tapé dans Google et malheureusement, trop de monde fait la faute.

    Pour la peine, une petite vérification.

    (1)ABÎME n. m. XIIe siècle. Du latin populaire *abismus, altération du latin chrétien abyssus, « profondeur de l’enfer », emprunté du grec abussos, « sans fond ».
    1. Gouffre profond et qui paraît sans fond. La route côtoyait un abîme. Il fut précipité dans l’abîme. Au pluriel. Class. Les abîmes de l’océan, de la mer. La mer ouvrit ses abîmes et engloutit toute la flotte. La terre s’ouvrit jusqu’au fond de ses abîmes. Spécialt. L’enfer. Les anges rebelles furent précipités dans l’abîme. L’abîme infernal. Fig. Le gouffre matériel ou moral où l’on tombe, où l’on se perd. Aller à l’abîme, vers l’abîme. Il court à l’abîme. Il est au bord de l’abîme. Toucher le fond de l’abîme. Creuser un abîme sous les pas de quelqu’un, travailler à le perdre. 2. Ce qui semble insondable, sans limites. Un abîme de misère, de perplexité. Tomber dans un abîme de difficultés. 3. Ce qui dépasse la compréhension, ce qui constitue une énigme, un mystère. L’infini est un abîme pour l’esprit humain. 4. Ce qui sépare, divise profondément. Il y a un abîme entre ces deux conceptions. Entre nous, ce n’est pas un fossé, c’est un abîme. 5. HÉRALD. En abîme (rare), en abyme ou en abysme, se dit de ce qui est situé au milieu de l’écu. Les armes de sa famille étaient en abîme dans celles de son époux. – LITTÉRATURE. BX-ARTS. Mise en abyme, construction en abyme ou (rare) en abîme, procédé par lequel on intègre dans un récit, dans un tableau, un élément signifiant de ce récit ou de ce tableau, qui entretient avec l’ensemble de l’œuvre une relation de similitude.

    Et merci de m’avoir fait le crédit d’une typo.

  • heu combien de militants modem l’année dernière par rapport à cette année ? L’important c’est la progression comme chacun sait. Les seuls que je connaisse ont rendu leur carte.(je ne parle même pas des grosses pointures)

    @effi 🙂 il n’y a que toi pour voir cela

  • Oui Bayrou est opportuniste, oui il est spécieux, oui il se contredit lui-même, oui il développe une logique purement politicienne…

    Tout cela se résume dans une posture: celle du centrisme, qui s’épuise à chercher la synthèse et ne trouve que l’indécision.

  • Bonjour à tous,

    Finalement tout ça me paraît tout simplement pitoyable et ridicule.
    Bayrou s’est mis un jour en tête qu’il avait un destin national, et que rien ne pourrait jamais s’y opposer, et il batifolle complaisamment dans son jardin planté de toutes les contradictions possibles.
    Il fait donc tout arriver à cette fin… juste en oubliant qu’il ne faudrait pas prendre le français pour des imbéciles. Encore que!

    Ca peut marcher; ce que je suis fort loin de souhaiter.

    Penthièvre

  • Une UE à 150 euros + transports qui accueille plus de 1 500 personnes, c’est du jamais vu

    Comme dirait Bayrou 😉 … on pourrait en soigner des mômes avec tous ces sous là !

    Ok, je sors …

  • Je me souviens d’un débat sur le sujet avec Bayrou justement, sur la 3. Dans la même demi-heure en répondant au philosophe de service (de gauche pourtant, mais qui ne voyait pas le scandale dans le fait que l’état rétablisse une certaine équité entre les religions en aidant financièrement certaines religions à construire des lieux de culte puisque l’Etat entretient déjà les édifice catholiques qui lui appartiennent) le béarnais se prenait la tête en disant « non, non, ne rouvrez pas ces dossiers, ne recommençons pas les guerres, par pitié. L’Etat ne doit et ne peut en aucun cas aider une religion dans ce domaine » pour déclarer un quart d’heure plus tard, que bien entendu, et c’était somme toute logique et équitable, les municipalités aidaient certains cultes en accordant des baux emphytéotiques ou des prêts… En gros, si c’est officiel, non… si c’est discret et grâce à des moyens détournés, c’est légitime.

    On est dans l’ubuesque, dans le flou, dans le bizarre, dans le non-dit et on est bien content d’y rester. Dans cette optique pas étonnant que Bayrou tergiverse ou emprunte les méandres d’une pensée tortueuse avec complaisance.

    Mais que ce soit pour lui ou pour d’autres – parce que bien évidemment, il n’est pas le pire – j’ai l’impression que l’on pense en France avec un passif sur ce sujet. C’est comme un filtre ou des lunettes déformantes qui font que chaque fois que les mots « religion » et « état » sont accolés d’une manière ou d’une autre, les spectres de la St Barthélemy, des excès de la Révolution Française ou les enfants de la veuve surgissent dans l’inconscient des politiques en agitant frénétiquement leurs squelettes historiques.

    La laïcité dans son principe, c’est quand même aussi simple que ça : l’État respecte toutes les croyances de manière égale, il ne devrait en reconnaître aucune (il faut lire : officiellement, par écrit, au détriment d’une autre). De ce fait, l’État n’intervient pas dans la religion du citoyen, pas plus que la religion n’intervient dans le fonctionnement de l’État. L’État doit protéger les religions en garantissant l’exercice des cultes.

    Concernant Bayrou, outre la prévisibilité du personnage et ses tactiques politiciennes du moment, on assiste à une nouvelle position sur le sujet formulée officiellement même si c’est de manière confuse.

    n avait la laïcité de combat luttant contre toutes formes de spiritualité qualifiées de « retour de l’obscurantisme ». On avait la laïcité ouverte qui consiste surtout à protéger toutes croyances religieuses en les plaçant sur un pied d’égalité avec n’importe quel options philosophiques ou politiques. On a maintenant la laïcité électoraliste à géométrie variable.

  • Koz : ben, chais pas. Il est élu des Pyrénées peut-être? Et sinon, pour ne pas aller au collèges des bernardins, c’est peut-être parce qu’il n’y a qu’un seul siège de toilettes, quel que soit le nombre de personnes, et qu’en plus ça caille et qu’on est mal assis. Des fois, on croit que les gens pensent qu’à leur nombril, ben non, ils pensent à leur fessier.
    Vous aurez compris que je lolle et que je ne suis pas spécialement Bayrou sur ce point.

    Je voudrais quand même poser une question, qui m’est venu des réflexions de Koz ces jours-ci. Que ce soit bien clair : c’est une vraie question, pas de militantisme.
    Vous vous sentez bien au clair vous, sur ces questions de laïcité?
    Il m’est souvent arrivé, en profitant d’une retransmission ou d’un événement catholique, de me dire que d’une certaine façon j’imposais ma foi à des gens. Vos croyez que j’intériorise trop le schéma directeur sociétal? Ca ne vous est jamais arrivé d’avoir ces scrupules? Presque cette envie de discrétion, alors que vous êtes, en ce qui vous concerne, très heureux d’avoir la chance de vivre ce moment?

  • Moi j’apprécie pas non plus que le Pape fasse le détour par l’Elysée, parce que je considère que c’est l’Eglise de France et le peuple catholique qu’il vient rencontrer. Bon, si la courtoisie exige qu’il aille saluer le Président, OK, mais question utilisation et (tentative de) manipulation du vote des catholiques, Sarkozy se pose là ! Le divorcé et autres qui passe ses SMS en audience chez le Pape avec sa dernière copine avant de lui taper sur l’épaule tout en dissertant dans la presse sur les valeurs morales que la religion apporterait au bon peuple, j’ai moyennement apprécié… Evidemment puisque le Pape n’avait pas fait mine de relever (ah, la courtoisie…) Bayrou aurait pu se taire aussi. M’enfin je le comprends, il a des exigences qui peuvent le rendre véhément.
    Et tout de même j’aime mlieux ses dérapages à la Don Quichotte que l’hypocrisie politiquement et peoplement correcte de notre très opportuniste Président…

  • Celia, le politique EST opportuniste, et si le président ne l’était pas je m’inquièterais.
    Après, il faut chercher ce avec quoi on est en accord sur le fond, et la constance. Les discours, les justifications, c’est toujours susceptible d’être entaché d’opportunisme, non?
    En l’occurrence, sur un sujet pareil, je ne sais pas quoi penser. Je sais ce que j’aime comme chrétienne et catholique. Comme citoyenne, parfois, les choses sont moins claires.

  • J’ai pratiqué deux longues journées le collège en question en mars dernier.
    Comme chacun sait ici, je ne parle que de choses que je connais.

  • J’entends ça et là que Bayrou est un homme qui se contredit. Je dirai oui. Mais pas que.

    Je vais peut-être paraître méprisant, mais tant pis. Le temps des Présidents normaliens est révolu, et il faudra s’y faire. Le temps des présidents maniant la plume et la rhétorique est enterré depuis Mitterrand. C’est acté, on ne reviendra pas dessus.

    Les hommes politiques se contredisent parce qu’ils se contrefoutent de l’aspect intellectuel de la politique. Ils n’y sont plus formés, ça ne les intéresse pas, et ils tiennent ça pour négligeable dans un parcours politique. Bayrou compense, comme Darcos, par son statut d’agrégé, mais le glissement va aller s’accentuant.

    Les Tardieu, les Blum, les Mendès France, tous ceux-là qui sont d’abord passés par les bancs de la philosophie, de Normale et de l’agrégation, qui ont usé leurs synapses à concevoir le monde et à le torturer pour lui faire cracher sa soupe, n’ont plus d’égal.

    Ne pas concevoir les choses dans leur globalité, c’est à dire en système, c’est à dire en paradigme, c’est la porte ouverte aux contradictions et aux dédits.

  • Bon, si la courtoisie exige qu’il aille saluer le Président, OK, mais question utilisation et (tentative de) manipulation du vote des catholiques, Sarkozy se pose là !

    Je me gausse. Tu crois vraiment que les cathos vont prendre ça en compte ? Tous les présidents français ont fait pareil, il n’y a aucune récupération qui tienne.

    Il m’est souvent arrivé, en profitant d’une retransmission ou d’un événement catholique, de me dire que d’une certaine façon j’imposais ma foi à des gens.

    En quoi ? Tu as peur de t’afficher ? Tu sais que c’est un sentiment très peu catholique, justement ?

    Ca ne vous est jamais arrivé d’avoir ces scrupules?

    Oui.

    De ne pas en faire assez… 😀

    Le divorcé et autres qui passe ses SMS en audience chez le Pape avec sa dernière copine avant de lui taper sur l’épaule tout en dissertant dans la presse sur les valeurs morales que la religion apporterait au bon peuple, j’ai moyennement apprécié…

    La démocratie a ce qu’elle mérite, que je sache, rien n’impose dans la constitution un président bien élevé.

    Et tout de même j’aime mlieux ses dérapages à la Don Quichotte que l’hypocrisie politiquement et peoplement correcte de notre très opportuniste Président…

    Quelle hypocrisie ? Je ne suis pas sarkozyste, mais sur le coup je vais le défendre, jamais il ne s’est dit catholique, il n’a fait qu’exposer au Vatican sa conception de la religion dans le pays, conception que je partage.

    Non, vraiment, sur ce coup, Bayrou est cent fois plus condamnable que Sarko. D’autant que Bayrou aussi s’y connait en hypocrisie….

  • Absolument pas d’accord Nick. Me prononcerait pas sur l’avantage comparé du normalien et de l’avocat comme chef d’Etat. Je crois que Bayrou au contraire est d’une très grande constance. Dans ses plus vieux bouquins, on retrouve dans les grandes lignes ce qu’il continue à dire.

    Par exemple, sur la religion, ça a toujours été coupage de cheveux en quatre et malt’alaisage et compagnie. Grande constance, moi je dis. Ca date pas d’hier.

    A part ça, suis super contente que le pape vienne nous voir, et je suis sûre que plein de gens vont découvrir son charisme spécifique (en lien avec un côté intello et pédaguogue, tiens)

  • « Les hommes politiques se contredisent parce qu’ils se contrefoutent de l’aspect intellectuel de la politique. »

    C’est clair ; les exemples sont légions. Mais… est-ce du à un manque de formation ou à un choix qui favoriserait le simplisme dans le but unique de séduire des foules elles-mêmes sous éduquées philosophiquement ou même politiquement ? Ces pensées à l’emporte-pièce, ces jugements péremptoires, ces courts-circuits contournant les subtilités voire même la réalité pour arriver à un constat politique me semblent totalement volontaires et calculés.

    Est-ce que c’était mieux avant à l’époque de Blum et consorts ? Je me demande comment alors le fascisme italien ou le nazisme a pu séduire tant les foules allemandes et italiennes dans ce cas. Ou comment les parlementaires français ont pu à de rares exception près, donner les pleins pouvoirs à Petain.

    Je ne pense pas que Bayrou fasse peser un danger grave, en dehors des errements prévisibles du pays que je persiste à prédire s’il venait au pouvoir. Mais toujours est-il que les politiciens aujourd’hui, plus par choix que par formation (quoique… peut être un peu des deux) tendent à devenir clairement populistes.

  • Oui, Nick, je suis assez d’accord avec toi mais je nuancerais, car, pour moi, Mitterrand a été aussi la démonstration que, quoi qu’il fasse, un politique déterminé se relève toujours, quelles que soient les casseroles, quelles que soient les contradictions. Il a enseigné (ou confirmé) à la classe politique que l’électorat n’avait pas de mémoire, rendant moins nécessaire la cohérence.

    Pour autant, généralement, on oppose à la déclaration d’un politique celle, contradictoire, qu’il a faite quelques temps auparavant, semaine, mois, année… pas quelques secondes.

    Si Bayrou a de la constance dans l’incohérence, je ne suis pas certain que ce soit une qualité.

  • « Celia, le politique EST opportuniste, et si le président ne l’était pas je m’inquièterais. »
    Que l’opportunisme politique soit une donnée communément admise, oui cela m’inquiète. Le courage politique, n’était-ce pas l’un des positionnement de FB durant les présidentielles ?

    Personnellement je ne suis pas un adepte des grands rassemblements même si j’en perçois l’importance. Cette visite papale a une importance pour la visibilité de l’Eglise et la compréhension de son message par le public, elle n’aura que peu de conséquence sur ma pratique de la Foi.
    Cette Foi qui est présente dans chacun de mes gestes y compris dans ma vie de citoyen, avec toutes les (nombreuses) imperfections qu’elle comporte. POur

  • « Cette visite papale (…) n’aura que peu de conséquence sur ma pratique de la Foi »

    On ne peut préjuger de rien. Attendons d’avoir entendu Benoît XVI.

  • Ce n’est pas tant que FB se contredise mais qu’il cherche à déplacer quelques frontières sur de nombreuses questions.
    Sur la laïcité, il faut avouer que les définitions de sa pratique concrète sont assez subjectives et que c’est un sujet un peu sensible.

    FB est donc assez vaseux voire foireux dans cet exercice dont la motivation première est de faire sa B.A. antisarkozyste quotidienne, qui chez lui n’est pas une mode mais de l’ordre de la conviction , de la stratégie et probablement de la survie.
    J’observe tout de même qu’il n’est jamais à l’aise dans ces exercices où il est obligé de pratiquer une dose de mauvaise foi : c’est vrai qu’il a encore des progrès à faire …

    Bref, ça génère contradiction au flou artistique et sensation d’illogisme mais c’est la règle du jeu , et comme le note Carraway, la contradiction à petites doses le peuple s’en bat le coquillard. Dès lors pourquoi ne pas en user, sans trop en abuser tout de même.

    Et finalement pour des raisons diverses et variées dont certaines ne relèvent ni de sa qualité ni d’un grand sens tacticien, cela fonctionne. Bon, on peut alors comprendre que cela préoccupe ceux qui font de sa disparition un assainissement du champ politique. Allez, chacun est dans son rôle.

  • Pas d’accord du tout avec Nick Carraway.

    La culture et la philosophie sont certes souhaitables mais ne sont en rien un gage de valeur pour un politique. Peut on imaginer quelqu’un qui se soit plus trompé, plus contredit que Sartre?

    Et pourquoi privilégier la culture littéraire ou philosophique? Ne gagnerait on pas à avoir une classe politique plus au fait des avancées scientifiques? Se torturer les méninges pour construire une représentation du monde intégrant les principes fondamentaux de l’économie n’aurait donc pas d’intérêt?

    Et même si on trouvait la perle rare, le politique qui a fait à la fois Ulm et St Cloud, on aurait toujours un hémiplégique, un penseur exceptionnel. Mais un homme d’Etat doit il être un penseur?

    Mens sana in corpore sano. Un bon dirigeant politique doit avoir des talents qui vont au-delà de l’excellence académique ou intellectuelle. Combien d’esprits brillants sont paralysés quand ils doivent prendre des décisions aux conséquences incertaines? Il faut du charisme, une capacité de conviction, du leadership, un talent pour accorder sa confiance, un sens aigu des rapports de force, une propension pour le compromis.

    Votre perspective d’une sorte de suprématie de la philosophie n’est pas seulement méprisante, elle est totalement erronée. Cette dérive élitiste et intellectualiste est prégnante dans notre pays et explique selon moi une grande partie de nos problèmes : notre fascination pour les symboles, notre mépris pour l’action, notre incapacité à changer.

  • Ben oui Libéral,
    Platon voyait sa république sous la dictature éclairée des philosophes (quoi de plus sage que de s’en remettre aux amis de la sagesse en effet).

    Pour l’Eglise, de nombreux siècles plus tard, c’était plutôt les prêtres qui étaient les mieux à mêmes de dicter de quelle façon les choses devaient se passer sur cette vie ci, de manière à assurer au plus grand nombre le salut dans la seconde vie, éternelle celle-là (on mesure l’enjeu !)

    Aujourd’hui, la tendance s’est inversée un peu partout (avec quelques exceptions : régimes théocratiques, …). C’est plutôt les économistes qui ont tendance à penser que la société toute entière devrait être optimisée à la lumière des résultats fiables, rigoureux et purement objectifs des équations à deux milles inconnues desquelles ils déduisent le secret de la Croissance.

  • Je ne suis pas religieux, mais ça ne me choque pas que le Pape soit invité à l’Élysée. Après tout, c’est un chef d’état en visite, non ?

  • « notre fascination pour les symboles, notre mépris pour l’action, notre incapacité à changer »

    Bien vu…

    Brassens disait « mon public a du génie ».

    Dans le monde politique aujourd’hui comme hier, moi ce qui me fait peur, c’est le manque de génie du public.

  • Libéral
    vous mettez dans le même sac culture et philosophie !

    Si la philosophie produit facilement des systèmes totalisant séduisants mais assez dangereux à l’usage, la culture historique, géographique, sociologique permet quand même une vision un peu plus en perspective des questions auxquelles doit répondre un politique.

    Bon, ça n’indique pas une solution mais cela permettra d’éviter de grossières erreurs

    Mais ce qu’observe Carraway est juste : on traverse une phase où l’on sent bien que les visions totalisantes sont impuissantes face à la complexité des rouages et des blocages : on en arrive donc à demander aux politiques de résoudre chaque problème de façon indépendante du tout : ça limite mais ça délivre également et ça permet l’action ou l’expérimentation, au moins.

    C’est quand même un peu la méthode Sarko.

    Ca produit des dysfonctionnements et des contradictions à court terme , mais on gage que le système génèrera lui-même des mécanismes de régulation . Bref, on donnera de la cohérence dans un deuxième temps.

  • Simone Veil écrit dans son autobiographie, je ne l’ai pas avec moi, j’essaie d’en retranscrire l’esprit, qu’il est impossible de comprendre François Bayrou si l’on ne se met pas en tête qu’il est persuadé qu’il est né pour avoir un destin présidentiel.

    La laïcité étant une valeur chère aux Français (il faut dire que les journalistes et autres penseurs finissent par influencer l’opinion), François Bayrou pense peut-être être populaire dans l’opinion en s’opposant à la fois à Sarkozy et en défendant la laïcité.
    De la part d’un catholique, je trouve cela décevant.

  • « Ne gagnerait on pas à avoir une classe politique plus au fait des avancées scientifiques »

    je rebondis sur ce que dit Libéral : je dirais même plus au fait des avancées scientifiques et des réalités économiques.
    Et notamment plutôt que d’élire comme Président quelqu’un de « présentable » de prendre des techniciens(iennes) style Merkel pas très sexy mais diablement efficace. Il est vrai qu’en Allemagne ce n’est pas le même mode d’élection !
    Mais nous sommes bien loin de Bayrou et Koz va taper

  • Revenant d’un déplacement professionnel, je n’en suis qu’à ce billet et à ses commentaires.
    ET là encore, je suis d’accord avec Koz.
    j’ai du mal à comprendre ce que dit M Bayrou.
    j’ai du mal à comprendre comment la laïcité peut empêcher de recevoir un chef d’état -certes minuscule- mais que cette même laïcité obligerait à aller voir un chef religieux, lors d’une cérémonie religieuse, parce qu’on est représentant élu de la république au niveau local.

    Ce qui me laisse imaginer ce que diraient les médias si N Sarkosy recevait le Prince de Monaco en visite en France -par exemple pour présenter sa nouvelle épouse, lorsque ce sera fait-.
    L’état est tout petit, à peine plus gros que celui du Vatican.
    Là, ce serait laïc, mais serait ce une illusion de le considérer comme un chef d’État?
    Il est vrai que ce serait sans doute trop « bling-bling » en comparaison avec un tracteur

    Mais la contradiction est la même pour Hollande.
    Recevoir le Dalaï Lama à l’Élysée -tout le monde sait bien qu’il est le président du Tibet 😉 – aurait été normal et sain, tandis que recevoir le Pape est là aussi un mélange des genres.

    Même si je sais que le bouddhisme n’est pas une religion, j’ai tout de même du mal à comprendre la position de la laïcité en France pour ces gens là.
    Laïcité qui impose la tolérance pour certaines minorités au regard de leur croyance, et cette même laïcité qui impose de nier, voire même de côtoyer des personnes qui représentent la sensibilité de plus de la moitié des français.

    Alors je ne sais pas si c’est de l’opportunisme (F Bayrou aurait à mon avis le premier prix si on devait faire un concours la dessus), mais c’est plutôt du ressort du tout sauf Sarkosy, ou du « j’aimerai bien être calife à la place du calife, mais c’est simplement parce que ce n’est pas un bon calife, hein, ce n’est pas par ambition personnelle ».

  • @ Tara

    « j’ai du mal à comprendre ce que dit M Bayrou »

    Cette phrase est pourtant parfaitement claire :

    « C’est symboliquement, vous voyez… Il me semble que dans tout ce que nous faisons dans des circonstances aussi sensibles, je suis un défenseur de la laïcité et je suis chrétien. Alors, bon ! Ce que nous faisons de l’ordre du symbole, on doit le peser avec beaucoup de sensibilité là aussi. »

    C’est bien construit, c’est logique. Au niveau de la syntaxe, les adverbes sont utilisés à bon escient, les débuts des phrases ont un rapport évident avec les propositions qui suivent et puis, sur le fond, c’est indubitablement d’une grande portée. On sent bien qu’il a fait une analyse préalable qui aboutit à une conclusion indiscutable. Franchement, on voit bien l’agrégé à l’oeuvre.

    Mais pourquoi je pense que la France serait dirigé de façon tout aussi limpide si il était au pouvoir ?

  • Que Bayrou ait du courage, c’est certain. Sa stratégie pour 2007 s’est même totalement appuyée sur ce courage : Il s’opposait frontalement à l’UMP en création pour ne pas se faire absorber son UDF, puis il s’est posé en grand homme (à la de Gaulle, ou Villepin) avec son lyrisme populaire.
    Mais il n’est pas le seul à avoir du courage. Sarkozy a le courage de braver l’opinion pour imposer ses réformes (à la différence de Chirac). Fillon a le courage de supporter Sarkozy. Royal a eu le courage d’affronter son parti en pleine campagne présidentielle.

    Le courage, c’est une chose. La cohérence en politique, c’en est une autre. Pas vrai, François ?

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