Consternation nationale

ouicestle21avril
L’hiver revient et l’effroi nous saisit. La classe politique, et singulièrement la gauche, nous effare. Tout, dans la séquence ouverte par le président devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre, et le 23 décembre à l’annonce du maintien de la déchéance de nationalité étendue dans le projet de loi constitutionnelle, tout est vertigineux. Le choix de la mesure, celui  surtout du véhicule juridique, la gestion politique. Rien n’y survit. Dans ces temps les plus graves que nous ayons connu depuis des décennies, au lendemain du pire attentat terroriste que la France ait jamais subi, le spectacle que nous offre le pouvoir sombre dans le vaudeville politique. Et le concours Lépine d’absurdités juridiques, politiques et morales auquel se livrent les responsables socialistes, quand tous les principes se bradent au marché de la tactique, nous présente un tableau misérable aux allures de crépuscule de la politique.

Chacun connaît le mot de Montesquieu :

Il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois ; mais le cas est rare; et lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante.

Or si, déjà, il a été jugé utile de changer de loi, on a cru bon encore de toucher au véhicule suprême, à la Constitution. Et loin d’avancer une main tremblante, l’hystérie du parti seconde la précipitation de l’exécutif.

*

La Constitution de la République, pourtant, n’est pas Hollywood Boulevard : les présidents ne sont pas obligés d’y laisser leur empreinte ! Elle est un texte fondateur dont la stabilité est une garantie pour les citoyens. Ce pas franchi vers une révision constitutionnelle, il eut été judicieux que ce soit dans le but d’y introduire une mesure nécessaire. Pourtant, pas un ne s’illusionne : la déchéance de nationalité ne sera d’aucun effet sur la lutte antiterroriste. Alors, pour se réchauffer, on se répète que c’est une mesure symbolique, et que les symboles sont importants aussi. J’aime aussi les symboles, et ce fiasco en est un.[1]

Clamant un jour que la déchéance de nationalité pour quelques-uns est insupportable, le parti socialiste croit le lendemain trouver la solution en l’étendant à tous.
L’attitude du parti socialiste est sidérante, elle relève de la panique. Clamant un jour que la déchéance de nationalité pour quelques-uns est insupportable, il croit le lendemain trouver la solution en l’étendant à tous. Ce n’est pas la déchéance de nationalité qui les perturbe, c’est l’inégalité supposée. Et sous nos yeux effarés, loin de susciter un éclat de rire ou une levée de boucliers, la déchéance pour tous est envisagée sérieusement. Elisabeth Guigou, spécialiste des reniements publics, explique que si elle est bien celle qui a restreint les possibilités de déchéance, à bien y réfléchir on ne devrait pas s’interdire de créer des apatrides qui, tenez, bénéficieraient même d’un statut. Pour la bonne bouche, et comme si la catastrophe politique n’était pas absolue, elle justifie sa position par le sentiment d’injustice de nos compatriotes « de confession musulmane », parachevant la Grande Confusion par un incroyable amalgame. Ainsi se sentiraient spécialement visés les détenteurs de la double nationalité… Français / Musulman !

Même là, le point de vue exprimé par tant de débatteurs et de politiques est erroné. Ainsi l’extension de la déchéance de nationalité poserait problème parce qu’elle aurait pour effet de « créer deux catégories de Français ». Voilà qui est faux. Il existe déjà deux catégories de Français : ceux qui sont nés Français, ceux qui ont acquis la nationalité française. Ils sont tous Français, et sont traités différemment – inégalement, donc, selon la doxa. Car les derniers peuvent déjà subir la déchéance de nationalité, et c’est pour l’étendre aux premiers que la révision constitutionnelle est envisagée. Il eut été bienvenu de présenter le traitement différent des binationaux pour ce qu’il est : non comme un privilège mais comme une exception, et de s’y tenir. Si les « mononationaux » ne peuvent être déchus de leur nationalité, ce n’est pas par préférence, en raison d’une qualité particulière ou de la supériorité d’un sang pur, mais de la seule impossibilité jusqu’ici reconnue de créer des apatrides.

Que ferons-nous si les Algériens ou les Marocains tirent les premiers, et déchoient leurs terroristes de leur nationalité avant nous ?
« Jusqu’ici reconnue », puisque notre risible vaudeville nous a réservé ce rebondissement. Et tant pis si l’apatridie ne règlera en rien nos soucis. Mais après tout, puisque personne ne croyait déjà à l’efficacité de la déchéance de nationalité, ne soyons pas bégueules. Car que ferons-nous de nos apatrides ? La seule efficacité espérée de la déchéance de nationalité était l’expulsion du terroriste, une fois purgée sa peine. Cet espoir venait déjà sérieusement buter sur plusieurs écueils, dont celui-ci : que ferons-nous si les Algériens, ou les Marocains, tirent les premiers, et déchoient leurs terroristes de leur nationalité avant nous ? Nos apatrides, à qui les fourguerons-nous, si vous me passez la légèreté de l’expression ? Nationaux d’aucun pays, nous les garderons sur les bras. Elisabeth nous dit que l’apatridie permet néanmoins de travailler, avec une surveillance étroite. Le citoyen que je suis se permet d’espérer que l’étroitesse d’une surveillance ne dépend pas de la nationalité du terroriste, et s’aventure donc jusqu’à juger l’argument fallacieux, et la proposition aussi absurde qu’on le pressent.

Au-delà encore de ces arguments d’opportunité, on ne saurait écarter quelques arguments juridiques voire moraux. Sans vouloir ramener Manuel Valls et son autorité politique au rang de l’anecdote, on relèvera malgré tout que son parti examine sérieusement une solution qu’il a cru pouvoir écarter publiquement d’une sentence définitive : « la déchéance symbolisera l’exclusion définitive du pacte national de ceux qui ont commis des crimes terroristes, dans le respect des principes du droit international auxquels nous sommes attachés, qui interdisent de créer des situations d’apatridie« . Une pierre de plus dans son jardin foutraque. Car, oui, l’apatridie pose quelques difficultés, au point d’être considérée comme une idée « juridiquement absurde » par d’éminents constitutionnalistes – et à ma connaissance tous ceux qui se sont exprimés. La moindre de ces difficultés n’est pas sa contrariété à l’article 15.1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme – selon lequel « tout individu a droit à une nationalité » – à laquelle il est de bon ton que la « patrie des droits de l’Homme » accorde une certaine considération.

Avec l’apatridie, les socialistes sont prêts à aller aujourd’hui et par la Constitution bien au-delà de ce qu’il rejetait hier et par la loi.
Face aux faucons – qui le restent, malgré les apparences – du parti, les colombes proposent, elles, de prévoir l’inscription dans la Constitution de l’indignité nationale. Mesure rejetée au printemps à la fois par l’exécutif et par la majorité parlementaire comme « inefficace, passéiste et qui risque de stigmatiser plutôt que de dissuader et de punir », elle est aujourd’hui perçue comme une voie honorable de repli. On notera qu’avec l’apatridie, les socialistes sont maintenant prêts à aller bien au-delà par la Constitution de ce qu’il rejetait hier par la loi. Ainsi nous envisagerions de mobiliser les formes les plus solennelles et supérieures de la République pour graver dans le marbre de la Constitution des mesures inefficaces dont l’énumération des conséquences[2] prête à rire s’agissant de terroristes islamistes. Prévoir pour des djihadistes l’inéligibilité, l’impossibilité de diriger une banque et l’interdiction de posséder une arme, cela mérite la réunion du parlement en congrès à Versailles, vraiment ! Faut-il ajouter encore à cela que la loi est manifestement suffisante à le prévoir, puisqu’elle le fait somme toute déjà, à l’article 131-10 du Code pénal, pour des crimes des plus communs (et de droit commun aussi, d’ailleurs) ?

*

Nous ne devions rien changer. Les terroristes n’auraient pas notre mode de vie. Ils n’auraient pas nos libertés. Notre démocratie. Certes, je ne suis pas un chaud partisan de ces déclarations romantiques, à tout le moins dans leur absolu. Mais je n’imaginais pas que, loin de ne rien changer, le parti socialiste en viendrait à bazarder tous ses principes moraux, renier aujourd’hui ce qu’il prônait hier, et prôner maintenant ce qu’il méprisait il y a quelques semaines seulement. Quel crédit accorder alors demain à leurs déclarations de principe et indignations morales ?!

Je ne suis guère socialiste, ce n’est pas une découverte, mais je suis attaché à la sérénité, à la dignité de la politique. Elles font ou devraient faire son autorité, dont nous avons un besoin vital dans la sombre période actuelle. Ces volte-face ne font au contraire qu’accroître son discrédit, quand les principes moraux valsent au gré des circonstances, des sondages d’opinion… et des affaires du parti. Car la clé lamentable de cette affaire est là, livrée involontairement par Elisabeth Guigou : les socialistes sont en quête d’une « porte de sortie ». Ne croyez pas, citoyens français, que ce débat porte sur la réponse au terrorisme et sur votre protection : il s’agit maintenant de sauver le parti. Et pour cette médiocre et partisane visée, Elisabeth Guigou et d’autres sont prêts à l’apatridie.

Je ne suis guère djihadiste, je ne vous l’apprends pas non plus, je suis juriste. La déchéance de nationalité pour un assassin barbare, le sort qui serait réservé par l’apatridie à un terroriste méprisable, ne m’émeuvent pas plus que de mesure. Mais le respect des textes, qu’on ne touche que la main tremblante, d’un système juridique, de nos engagements internationaux, des institutions, sont la grandeur de notre démocratie, aussi puissante soit notre envie d’émasculer les terroristes. On ne convoque pas le parlement en congrès, on ne modifie pas la constitution, pour y introduire des mesures inefficaces et ineffectives dans le seul but de satisfaire l’obsession textuelle de nos dirigeants et l’illusion d’action qu’elle leur donne.

N’oubliez pas que nos débats enflammés portent depuis quinze jours sur des mesures inutiles… et que nous manquons d’ailleurs même un peu de terroristes auxquels les appliquer. Car, de Merah à Abaaoud, nous n’avons guère eu le loisir de déchoir qui que ce soit. Et le seul que l’on aurait eu plaisir à déchoir de sa nationalité, le binational Abdeslam, nous l’avons laissé filer.

De cela, de l’essentiel, pendant que nous bradons nos principes et montons aux rideaux à coups de propositions inutiles, nous ne débattons pas.

Il serait temps de reprendre ses esprits.

 

L’illustration de ce billet évoque le 21 avril. Ce n’est ni un hasard, ni une facétie.

  1. Par pitié pour le lecteur, je mue en note ce qui devait être une incise, et à laquelle je tiens malgré tout, car il faut souligner pour mémoire au moins que le projet de l’exécutif ne limite pas au terrorisme les cas dans lesquels la déchéance de nationalité est envisagée. Selon un procédé pour le moins singulier, il prévoit qu’elle pourrait s’appliquer à des hypothèses non déterminées, commodément rassemblées sous le juridiquement fumeux vocable de « crimes les plus graves en matière d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation », qu’un pouvoir autoritaire aurait beau jeu de caractériser selon son bon plaisir, ou peu s’en faut. []
  2. Retrait du droit de vote, inéligibilité, exclusion de la fonction publique, impossible de diriger une banque, une radio, un journal, exclusion des professions juridiques, de l’enseignement, des syndicats et interdiction de posséder une arme. []

21 commentaires

  • L’incise muée en note est pour moi le plus important dans cette pitoyable histoire…
    Notons quand même que les égalitaristes devraient protester non pas contre le fait que monos et bis soient traités de manière différente, mais contre le fait qu’il EXISTE des bis, ce qui crée une inégalité flagrante 🙂

  • J’avais brocardé le précédent mandat présidentiel par « un fait divers, une loi ». Il me semble que la boulimie des politiques et des médias pour créer du buzz passe aujourd’hui encore par cette suractivité législative désordonnée dont je n’imagine pas un seul instant qu’elle puisse favoriser le bien commun. La stabilité des lois devrait être inscrite dans la constitution … et nous devrions appliquer celles qui sont votées ! Ceci-dit, je persiste dans ma (rare) convergence de vue avec M. Montebourg : notre V° république est à bout de souffle, il est temps d’en changer.

  • Bonjour
    D’accord dans l’ensemble avec votre chronique, avec cependant une divergence
    vous dites  » Il existe déjà deux catégories de Français : ceux qui sont nés Français, ceux qui ont acquis la nationalité française. » cela ne me parait pas tout à fait exact.
    La véritable différence- d’un point de vue juridique s’entend- réside entre les bi-nationaux et les personnes qui n’ont qu’une seule nationalité. Pour s’en convaincre, il faut bien voir, que cette différence perdure à travers les générations. Supprimez la double nationalité, et toujours d’un point de vue, juridique, je ne vois plus qu’elle différence résidera entre ces personnes. cette nuance est importante, car je suis convaincu que cette double nationalité est un frein à l’intégration de nos jeunes. Supprimez là et aucun de ceux qui désirent devenir Français ne sera exclus et bien d’autres problèmes résolus par ailleurs.

  • Rien à ajouter à ce billet avec lequel je suis évidemment d’accord. L’affaissement intellectuel du PS n’est pas une nouveauté, mais le palier ici franchi est, en effet, consternant.

  • <

    p> »L’empreinte » que laissera François Hollande de son passage à la tête de l’Etat ne sera pas glorieuse. L’habile manœuvrier politique qu’il se veut être n’en finit pas de s’enferrer au gré des initiatives qu’il prend. On en rirait si ce n’était pas la France qui pâtissait de ces dégâts.

  • Que de temps perdu, que d’énergie gaspillée dans ce projet de loi et toutes les discussions autour!
    Vous l’avez écrit: la déchéance de nationalité n’empêchera pas la menée d’actes terroristes en France.
    Le 27 novembre, le Président Hollande a dit: « A vous tous, je vous promets solennellement que la France mettra tout en œuvre pour détruire l’armée des fanatiques qui ont commis ces crimes ».
    Qu’a-t-on fait depuis? Quelques raids aériens en Syrie… La mise en place de 10 000 soldats sur des sites sensibles qui servent surtout d’anti-dépresseurs aux Français comme l’écrit Michel Goya. D’ailleurs, je vous conseille la lecture de son blog: http://lavoiedelepee.blogspot.fr.
    Il est passionnant.

  • Absolument d’accord, à tous points de vue. Le juriste que vous êtes peut-il m’éclairer sur un point svp : si tant est que la mesure soit pertinente, ce que je ne crois pas, est-on vraiment obligé de passer par une révision de la constitution pour étendre la déchéance aux binationaux nés français ? Une loi ne suffirait-elle pas ?

  • L’inégalité existe de fait entre les nationaux « tout court » et les bi-nationaux (sans compter quelques tri- à droite et à gauche). C’est cette différence la plus grande inégalité et le reste n’est que littérature. De toutes façons, le terroriste se fiche bien d’être déchu de la nationalité française qu’il en ait une autre ou pas (il ne manque pas de pays qui l’accueilleront justement parce que c’est un terroriste). Si symbole il doit y avoir, plutôt que déchoir les uns d’une nationalité surnuméraire, empêchons la double nationalité – et établissons le droit du sang (le droit du sol s’appréciant éventuellement lors des demandes de naturalisation).

    Trois cas:
    1- tu es né n’importe où de parents français, tu seras Français;
    2- tu es né n’importe où d’un parent français et d’un parent étranger, tu choisiras à ta majorité quelle nationalité tu désires avoir (en tant que mineur, tu seras réputé Français ou étranger selon l’endroit où tu habites);
    3- tu es né n’importe où de parents étrangers, tu seras étranger (de l’une ou l’autre des nationalités de tes parents.
    Ensuite, il sera toujours possible de demander une naturalisation (avec renoncement à toute autre nationalité) si on satisfait un certain nombre de critères.

    Les « nés en France » de parents étrangers ne seront plus automatiquement Français (et donc non expulsables ce qui résoudra aussi le problème des naissances à Mayotte) mais seulement s’ils le demandent et si on le leur accorde (on pourra refuser par exemple les mineurs multi-récidivistes) et s’ils n’aiment pas la France (comme certains le disent), personne ne les forcera et ils auront toujours la nationalité de leurs parents.

  • Wow, moi d’accord sur toute la ligne avec Koz ! Qui l’eut cru ? 😉

    Ceci dit, toute cette histoire (dont on aurait pu largement se passer) divise aussi la droite. Les couacs et les contradictions ne sont pas le fait des seuls socialistes. Il n’y a que le FN qui se frotte les mains.

  • @claribelle : les règles d’attribution de la nationalité sont fixées par chaque état souverain
    je ne vois pas comment vous pourriez contraindre à choisir une nationalité, Un état est toujours libre d’accorder ou de refuser une nationalité sans devoir s’expliquer auprès de quiconque. Quand un citoyen a deux nationalités, deux souverainetés sont en jeu, qui n’interfèrent pas… Dans certains cas, l’un des deux pays peut conditionner l’attribution de la nationalité à la conscription, par exemple, ce qui explique que certains citoyens renoncent de facto à demander un passeport dans un pays où cela signifie 4 ans dans la vie des armes….

    On peut renoncer à une nationalité, mais c’est librement. Il me semble que le droit tunisien ne prévoit pas, par exemple, la possibilité de renoncer librement à cette nationalité. On fait quoi alors? aucun franco_tunisien ne peut choisir d’être français???

  • Vieil Imbécile a écrit :

    Notons quand même que les égalitaristes devraient protester non pas contre le fait que monos et bis soient traités de manière différente, mais contre le fait qu’il EXISTE des bis, ce qui crée une inégalité flagrante

    Malheureusement, votre smiley n’a pas lieu d’être: le rejet des binationaux est une proposition sérieuse, comme le montrent le commentaire de Claribelle et celui de Courtlaïus sous l’autre fil. Il est à craindre que cette nouvelle façon de faire reculer la liberté, une idée née dans le programme du FN où elle aurait dû rester confinée, ne fasse désormais son chemin dans les esprits. Voilà ce que nous devons aux improvisations de M.Hollande.

    @ claribelle:
    Je n’ai rien de nouveau à dire sur la double nationalité, en ayant déjà parlé sous le billet du 23 décembre. Cependant, sur le droit du sang, j’ai une question: en quoi est-ce là une réponse, ne serait-ce que symbolique, au problème du terrorisme d’origine française? Certes, je comprends que les politiciens opportunistes qui ont depuis toujours préféré le droit du sang au droit du sol profitent de la situation pour ressortir l’idée du placard. Mais la pertinence par rapport au 13 novembre m’échappe.

  • Portalis : « Il faut être sobre de nouveautés
    en matière de législation, parce que s’il est possible, dans une institution
    nouvelle, de calculer les avantages que la théorie nous offre, il
    ne l’est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule
    peut découvrir ; qu’il faut laisser le bien, si on est en doute du mieux ;
    qu’en corrigeant un abus, il faut encore voir les dangers de la correction
    même, qu’il serait absurde de se livrer à des idées absolues de
    perfection, dans des choses qui ne sont susceptibles que d’une bonté
    relative ; qu’au lieu de changer les lois, il est presque toujours plus
    utile de présenter aux citoyens de nouveaux motifs de les aimer ; que
    l’histoire nous offre à peine la promulgation de deux ou trois bonnes
    lois dans l’espace de plusieurs siècles (…) »
    Koz vous avez mille fois raisons, et la situation ne permet plus de sourire du piteux spectacle qu’à gauche, mais aussi à droite, on nous offre. J’ai plutôt envie de pleurer.

  • J’ai entendu hier soir sur France culture la phrase suivante prêtée à Margaret Thatcher: « Les médias sont l’oxygène des terroristes ».

    Médias, politiques, internautes nous sommes vraiment l’oxygène des terroristes?

    J’ai cherché sur internet si cette phrase était vraiment de Margaret Thatcher et je l’ai trouvée plusieurs fois sous une autre formulation: « Les terroristes se nourrissent de la publicité médiatique. Il faut les priver de l’oxygène de la publicité. »

    « We must try to starve the terrorists of the oxygen of publicity on which they depend ». Juillet 1985

  • laurent leborgne a écrit :

    Bonjour D’accord dans l’ensemble avec votre chronique, avec cependant une divergence vous dites » Il existe déjà deux catégories de Français : ceux qui sont nés Français, ceux qui ont acquis la nationalité française. » cela ne me parait pas tout à fait exact. La véritable différence- d’un point de vue juridique s’entend- réside entre les bi-nationaux et les personnes qui n’ont qu’une seule nationalité.

    Vous ne m’en voudrez pas de maintenir mon propos. Quand un Français peut perdre sa nationalité, et pas un autre, il me semble que c’est une véritable différence juridique. Le fait qu’aujourd’hui, notre droit prévoit qu’un Français binational qui a acquis la nationalité française depuis moins de quinze ans peut la perdre quand un Français qui est né avec une double-nationalité ne peut pas la perdre, cela fait une vraie différence, et deux catégories. Et notamment une catégorie qui est françaises avec une période probatoire. Cela constitue de fait cette différence que les opposants actuels prétendent refuser de voir instaurer.

    Le binational et le « mononational » ne sont effectivement pas davantage dans une même situation juridique, ce dernier pouvant être apatride quand le premier ne peut pas l’être, certes.

    @ Samuel Duval : je suis bien d’accord. Il y a un projet de loi en cours d’élaboration mais franchement, pense-t-on vraiment que les solutions passent par de nouveaux textes ? C’est se moquer du monde. Non seulement nous avons adopté plus de lois antiterroristes qu’il n’en faut, mais les solutions ne peuvent venir que d’une action opérationnelle efficace, évidemment. Mais adopter un texte est plus à la portée d’un politique.

    Louleille a écrit :

    Le juriste que vous êtes peut-il m’éclairer sur un point svp : si tant est que la mesure soit pertinente, ce que je ne crois pas, est-on vraiment obligé de passer par une révision de la constitution pour étendre la déchéance aux binationaux nés français ? Une loi ne suffirait-elle pas ?

    Il faudrait que je lise l’avis du Conseil d’Etat pour déterminer les risques d’inconstitutionnalité évoqués. Cette obligation de réviser la Constitution ne me saute pas aux yeux, mais je n’ai pas fait le tour intégral de cette question.

    Alberto Rostat a écrit :

    Ceci dit, toute cette histoire (dont on aurait pu largement se passer) divise aussi la droite. Les couacs et les contradictions ne sont pas le fait des seuls socialistes. Il n’y a que le FN qui se frotte les mains.

    Il n’y aurait pas de raison de se frotter les mains. Mais la droite est nettement moins divisée – cf l’adoption d’une position commune au bureau politique des Républicains hier.

    @ Mahbod : malheureusement les effets conjugués de l’activisme politique et de l’expansion du système juridique anglo-saxon nous ont bien éloigné de la belle et sage tradition juridique française.

  • Koz a écrit :

    Mais la droite est nettement moins divisée – cf l’adoption d’une position commune au bureau politique des Républicains hier.

    Ouais. Etre unanime POUR la déchéance, ça ne me fait pas rêver…

  • Pendant ce temps, Daesh massacre des gens en Irak, Syrie etc… Des attentats se préparent et se perpètrent sur le sol français. Des migrants sont sur les routes par centaines de milliers, échouent dans des camps de la honte du style Grande Synthe.
    Nos politiques tous courants confondus s’en soucient-ils ? Pas vraiment. Mais ne leur jetons pas la pierre, ils n’ont pas le temps, la déchéance de nationalité est sur le feu.

  • La déchéance serait selon ses détracteurs inefficace car symbolique ne touchant que des tueurs fanatiques prêts à mourir. Tout dépend de ce que recouvre ou recouvrira dans la loi le terme terroriste.
    Après la guerre, ont été considérés comme résistant toute personne ayant lutté contre l’occupant. Ce qualificatif ne concernaient pas seulement les hommes armés ou poseurs d’explosifs, également les « petites mains ».
    Si sont considérés comme terroristes tout individu ayant aidé un kamikaze, la déchéance ou une peine équivalente sera dissuasive.

  • Cette histoire de Cologne (et de Stockholm, et d’Helsinki…) pue très fort.

    Nos sociétés sans principes ni priorités (je parlais de poulets sans tête il y a peu) sont totalement démunies face à une communauté dont une minorité faible mais significative est agressive et violente.

    La culture victimaire et les lois restreignant la liberté d’expression ont créé un amalgame à sens unique qui génère sa réaction dans l’autre sens. L’amalgame est dans la loi, comme le dit Anastasia Colosimo dans cette interview très intéressante (c’est dans Télérama donc les illustrations sont… complètement connes, pour être poli.)

    On est pris entre deux feux, entre ceux qui nient la violence ou l’excusent au nom de discriminations subies par la communauté et ceux qui assimilent toute la communauté à ses éléments violents. Les problèmes spécifiques qui touchent cette communauté spécifique sont un sujet radioactif.

    C’est inquiétant.

  • @ Thom:
    C’est touchant de voir les contorsions intellectuelles auxquelles on peut arriver pour approuver une gesticulation politicienne. Même Manuel Valls n’a pas osé un argument tel que le vôtre (d’un autre côté, il a osé pire encore, avec son incroyable « rien ne peut expliquer »…)

    Ce qui est déprimant, c’est de voir que cette gesticulation est efficace pour dissimuler l’impuissance. Dans tout autre pays, on entendrait l’opposition réclamer des commissions d’enquête et poser les questions difficiles, par exemple: pourquoi les assassins du 13 novembre se déplaçaient-ils si librement en Europe? La police belge avait-elle des informations? Notre système de renseignement a-t-il manqué quelque chose? Qu’ont donné les perquisitions résultant de l’état d’urgence? En faisons-nous assez pour bloquer la circulation des armes? Quel est le lien exact entre Daech en Syrie et les terroristes chez nous? Etc, etc… Mais on est en France, alors on en est à se poser des questions sur notre Constitution, comme si sa rédaction allait changer quoi que ce soit de pertinent pour notre sécurité immédiate.

    @ Lib:
    Tout à fait d’accord avec ce commentaire. Et merci pour le lien vers Anastasia Colosimo: sa réflexion à elle toute seule apporte plus au débat que toute notre vieillotte classe politico-médiatique.

  • @ Lib:

    Merci aussi pour l’article.

    Né en 1948, je suis assez âgé pour me souvenir que les opposants aux lois Gayssot et Pleven avaient mis en lumière les problèmes soulignés par Colosimo.

    Ce n’est pas par ignorance que les politiques de l’époque ont passé outre…

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