Rester fidèle(s)

Qui aurait fait le gros dos en 2010 ou en 2016, espérant que l’orage passe, brièvement et au loin, ne le pourrait plus. Le torrent a charrié trop d’immondices, laissant aux catholiques le dégoût, le désarroi ou la rage. À quoi bon toutes ces réflexions sur l’évangélisation quand, outre les fautes et les complicités, la violence et les rivalités balaient tout ?

Nous pouvons bien dire, avec saint François de Sales, que « là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie » ; que si l’Église est sainte, elle est composée de pécheurs ; que la trahison de clercs ne saurait nous atteindre car notre fidélité va au Christ, pas au prêtre. Et puis qu’on ne « quitte pas Jésus à cause de Judas ». Évidemment. Mais la vérité, c’est que même si les fils de l’Église restent, qui entrera encore ? Qui, dans le monde, écoutera ? Qui attend seulement quoi que ce soit de l’Église ? Qu’on ne tire donc pas argument de cette fidélité pour continuer comme avant. Le changement de culture n’est plus une option pour dissiper les emprises délétères comme pour permettre à l’Église de faire encore entendre l’Évangile.

Dans leur horreur, les révélations de Pennsylvanie et l’opération Viganò, au corps défendant de ses inspirateurs, nous ramènent aux orientations mêmes du pape François. En effet, que les allégations de Mgr Viganò soient vraies – et que François voire son prédécesseur aient été négligents – ou bien qu’elles soient fausses – et que cette affaire et les affrontements qui l’entourent ne fassent que souligner la réalité de rapports violents et sournois de ceux qui devraient avant tout servir –, tout ici appelle au rejet du cléricalisme. Sans généraliser, sans soudain dévaluer le prêtre et idéaliser le laïc, il nous faut revenir au lavement des pieds, suivant en cela l’exemple explicitement donné par Jésus (Jean 13, 15).

Autre orientation : « Nous devons soigner les blessures. Ensuite nous pourrons aborder le reste. Soigner les blessures (…) Il faut commencer par le bas » (pape François, 2013). Ça ne devrait pas être si difficile car, en bas, nous y sommes jetés. Quand la parole est ainsi discréditée, reste l’humble témoignage. À ce propos, un ami a publié ces jours-ci sur Twitter la photo d’une simple religieuse venant très ordinairement en aide à une femme sans toit qui se trouvait au pied de chez lui. Le tweet a été « liké » plus de mille fois. On pourrait y voir le signe d’une attente persistante. Le monde a besoin de savoir qu’on l’aime, plus qu’on ne le sermonne. « Le monde irait mieux si nous avions moins de pères. Le monde irait mieux si nous n’avions que des frères » (le Cinquième Évangile, Adrien Candiard).


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31 commentaires

  • Bonjour,
    Dans ce sens d’un « changement de culture », quand les évêques renonceront-ils à ce titre de « Monseigneur » ? Ce titre ne dit strictement rien de l’amour de Dieu pour nous.
    Que j’aime cette réflexion de Frère Vesco évêque d’Oran qui relate : « je m’ouvrais à un frère dominicain, le frère Timothy Radcliffe, de ma gêne chaque fois qu’il m’est demandé de répondre à la question : « Comment faut-il vous appeler… Monseigneur ? » Dans un éclat de rire, le frère Timothy m’a suggéré de répondre : « Appelez-moi… Mon serviteur ! »
    Bonne journée et merci à vous.
    Pierre Borde

    • Et encore, figurez-vous que je me suis retrouvé une fois à l’Assemblée plénière des évêques, à Lourdes, il y a six ans. Je n’avais jamais à l’époque rencontré personnellement d’évêque, jamais prononcé le mot de « monseigneur ». Cela sortait difficilement. Et le matin de mon atelier, l’ascenseur de l’accueil Notre-Dame s’ouvre sur … quinze évêques ! Et c’est là que la nécessité de dire « Messeigneurs » m’a semblé traduire un décalage d’autant plus malvenu qu’il trahit la vraie simplicité des évêques, au moins en France. En France, sauf exception (et, de mémoire, l’une d’elles était pour raison médicale), vous ne trouvez pas d’évêques avec chauffeur – je me souviens même de m’être fait un jour prendre en stop par un curé qui m’avait l’air fort sympathique dans sa toute petite voiture… avant de réaliser que c’était l’archevêque ! Je m’étais même amusé du dîner des évêques, à Lourdes. Pour une assemblée plénière, j’aurais bien pris au moins une petite poularde. Même pas, je ne me souviens plus du plat mais je sais que le dessert était une macédoine de fruits. Comme à la cantine.

      Alors voilà, je ne sais pas bien quoi penser du titre. Souvent, lorsque je rencontre un évêque, je l’appelle « Père » et aucun n’a jamais eu ne serait-ce qu’un léger mouvement d’hésitation. Je sais quelle simplicité se cache derrière le titre, même si je n’entends pas là exonérer tous les évêques de tentations de pouvoir moins ostensibles qu’une berline – ceci étant dit, les noms et les figures qui me viennent en tête vont dans le sens d’une simplicité certaine.

      • Mais qu’importe le titre, j’appelle un évêque Monseigneur,un médecin Docteur, un avocat….Maître, et ça ne veut absolument pas dire que je suis à leur pied pour autant
        et puis à la Révolution tout le monde avait droit au seul titre de Citoyen et qu’est-ce que çà a changé???
        Par ailleurs que l’Eglise soit dans un état effrayant à l’heure actuelle est indéniable, mais ,et bien sûr cela ne veut en rien relativiser cette situation eLle ne me semble pas comparable à celle du 16ème siècle avec simultanément 3 ou m^eme 4 papes se disputant le trône de St pierre
        Bien sûr 300 prêtres soupçonnés sur 50 ans d’acte de pédophile est un profond scandale,inadmissible,néanmoins il ne faut pas oublier que le regard légitimement ;ô combien , horrifié par cela n’a pas été toujours le nôtre et il y a quelques 20 ou 30 ans la pédophilie aux yeux de beaucoup n’avait rien de répréhensible, loin de là et certains ne s’en cachaient absolument pas
        Par ailleurs comment repérer un pédophile tant qu’il n’est pas passé à l’acte et quand en plus on sait que la très grande majorité de ces crimes se passent au sein des familles,je crains fort qu’on ne puisse pas faire grand chose d’absolumetn efficace d’autant plus qu’il faut bien sûr se méfier des accusations calomnieuses

      • Bonjour, vous avez raison, lorsqu’on rencontre les gens, on peut découvrir toutes leurs qualités. Ma réflexion est plus une question pour l’église en tant qu’institution. Les titres et apparats ne traduisent tien de l’amour de Dieu pour l’homme, ses serviteurs se devraient d’être à l’image de Jésus.
        Merci, cordialement

  • Pourquoi ne fait-on jamais de rapprochement entre la misère sexuelle d’une grande partie du clergé (qui dépasse largement le cadre de la pédophilie) et la misère spirituelle, la solitude pastorale de ces mêmes prêtres, voire leur formation pastorale et intellectuelle très insuffisante ? Pourquoi cherche-t-on à soigner les effets sans remonter aux causes profondes ? Pourquoi laisser le problème à la seule hiérarchie qui refuse de voir, par crainte d’avoir à les traiter, les dysfonctionnements et les anachronismes dont les effets délétères sapent peu à peu le crédit de l’Eglise. Où sont passés les intellectuels catholiques ? N’y a-t-il plus de grande voix dans l’Eglise pour l’aider à sortir de ses modèles médiévaux dont par atavisme la hiérarchie ne sortira pas d’elle-même ?

    • Je ne sais pas bien quoi vous dire. Tous les prêtres ne sont pas des saints ni des génies, c’est certain, mais je n’aurais pas la même appréciation que vous de leur « misère spirituelle’ ou de leur formation.

  • Un prêtre m’a dit un jour que les péchés de la chair avaient au moins le mérite de nous éviter le péché d’orgueil.
    Je ne sais pas si cela peut nous consoler de ce qui arrive à l’Eglise en ce moment, mais voilà en tout cas de quoi éviter la satisfaction bête et pompeuse d’être dans « le bon camp »…

    Ça n’a jamais été très facile d’être catholique, mais aujourd’hui au ridicule nous devons ajouter le dégoût que nous inspirons aux autres. Et le fameux « occupez-vous de vos curés pédophiles » qui maintenant arrive, dès les premières secondes d’une discussion. Et comment le reprocher ?

    Que dire ? L’Eglise est une famille, je me sens atteinte comme si un membre de ma famille était coupable de ces horreurs. J’ai honte, ça ne change rien à ma foi, à l’affection que je porte à ma famille ni au sujet, mais j’ai honte.
    Et les déchirements supplémentaires ne font pas de bien.

    Alors oui, humblement, commencer par le bas est sans doute ce qu’il y a de mieux à faire. Le lavement des pieds avant le sermon sur la montagne en somme.

    • Je comprends bien l’idée – entre sermon et altitude – mais je n’opposerais pas le lavement des pieds et ledit sermon 😉

      Au-delà, je crois que nous ressentons la même chose. Les derniers évènements en date, même en Pennsylvanie, agrémentés des luttes de pouvoir au fumet d’instrumentalisation, sont le coup de gourdin de plus, de trop.

      Nous devrions être humbles par nature, nous y sommes contraints par l’indignité des uns et des autres, au moins prenons-en de la graine.

  • Voici une situation où on ne sait plus trop quoi dire. Tout ce qu’on pourrait dire semble par trop évident – le Pape fait ce qu’il peut mais il n’a pas de baguette magique, les faiblesses de l’organisation ne doivent pas éclipser la valeur de son message, Dieu nous appelle à la sainteté mais le fait d’être prêtre n’est en rien une garantie… Tout cela est vrai, mais paraît bien faible face à l’énormité de ce qui s’est passé.

    Le dimanche qui a suivi la révélation des horreurs qui ont eu lieu en Pennsylvanie, notre prêtre a attaqué le sujet directement dans son homélie, ce que j’ai énormément apprécié. Deux messages: c’est d’abord aux victimes que nos prières doivent aller; et ces révélations sont une grâce, par laquelle nous avons une chance de faire progresser l’Église et nous-mêmes, que nous n’aurions pas eue si la dissimulation avait perduré.

    Cela dit, rien de tout cela ne nous indique un chemin, hors de la prière, ce qui est déjà bien mais ne suffit pas. Je suis d’accord à propos du cléricalisme: la confiance aveugle que les fidèles ont accordée à la hiérarchie de l’Église est à remettre en cause. Cela concerne tout le monde, y compris François. Je ne pense pas qu’il faille croire sur parole Mgr Viganò, car l’intérêt politique de ce qu’il faut bien appeler une faction colore fortement son intervention. Par contre, il est indiscutable que François s’est gravement planté dans son intervention au Chili. Il a reconnu cette faute, mais cela, inévitablement, entache toutes les actions qu’il pourrait prendre par la suite. Pour moi, c’est là une illustration de la nécessité, pour les catholiques, de revoir en forte hausse leur exigence vis-à-vis des responsables de l’Église.

    • Assez d’accord avec l’ensemble de ce que tu dis. La Pennsylvanie est le coup de gourdin de plus, de trop. Je suis prudent sur l’utilisation du terme grâce. Je comprends et l’idée et l’intention mais je préfère m’en tenir au fait que c’est une épreuve. Evoquer la grâce dans un océan de merde me titille un peu. En revanche, de l’épreuve, nous pouvons faire quelque chose. Comprendre ce qui a pu permettre ces abus, et leur occultation.

      Vigano… Disons que le seul fait d’envoyer sa bombe le jour de la Rencontre Internationale des Familles signait déjà l’intention. Il a assumé le fait de réduire à néant l’impact d’une journée fondamentale auprès d’une Eglise profondément blessée, en détournant l’attention sur ses propres allégations. L’article d’Andrea Tornielli n’est pas inintéressant sur cette épisode, que je trouve assez détestable aussi parce qu’au bout du compte, il ne sert pas le seul sujet qui compte : l’éradication des abus sexuels (et, parce que le sujet revient en boucle dans les milieux d’Eglise, de l’ensemble des abus de pouvoir). Il est acquis que les affaires concernant Mgr McCarrick étaient des affaires de relations homosexuelles avec des adultes. C’est bien lorsqu’a été révélé un cas sur mineur que François a pris les sanctions que l’on connaît. Vigano oriente donc tout son sujet sur l’homosexualité dans l’Eglise. Certes c’est un sujet (même si le débat sera plus compliqué qu’il ne l’escompte, s’il doit être mené) mais ce n’est pas le même sujet, et le lien supposé par beaucoup me semble relever d’une fausse évidence (cf les développements du Pr Thomas Plante dans Psychology Today, ici).

      Dernière chose : oui, François s’est lourdement planté au Chili. Mais précisément, je note qu’il n’a pas eu de mal à reconnaître publiquement et rapidement son erreur, ce que je mets aussi à son crédit pour ce cas.

      • @ Koz: vous écrivez « Il est acquis que les affaires concernant Mgr McCarrick étaient des affaires de relations homosexuelles avec des adultes. C’est bien lorsqu’ a été révélé un cas sur mineur que François a pris les sanctions que l’on connaît. »

        Et c’est bien le problème.
        Mgr Mc Carrick a fait voeu de chasteté. Les séminaristes, même majeurs, lui étaient subordonnés. Il y avait un risque que le scandale perdure.
        Des sommes importantes avaient été versées par deux diocèses à des victimes dès 2005.

        Selon le règlement éthique de base d’une entreprise, Mgr Mc Carrick aurait été écarté de tout contact avec des séminaristes, à titre conservatoire, dès le scandale connu. Afin de déterminer s’il avait harcelé des séminaristes, sur quelles bases les diocèses avaient consenti aux versements aux victimes… et si son simple maintien en tant qu’évêque était possible au milieu d’un tel scandale.

        Comme toute autre organisation, si l’Eglise n’agit pas dès le départ avec force face à de tels scandales, elle perd toute crédibilité.

        @ Aristote : Non, il n’est pas certain qu’une démission de François soit la dernière chose dont on ait besoin.
        La dernière chose dont on ait besoin, comme l’écrit Philippe Lefebvre, c’est l’absence d’actions concrètes, ou leur faiblesse.
        Peut-être un pape plus jeune serait-il davantage à même de mener ces actions, qui sont la priorité de l’Eglise ?

  • J’espère de tout coeur que quelles que soient leurs éventuelles imprudences, ni François ni BXVI ne sont réellement mouillés. Ce serait dramatique et la dernière chose dont on a besoin, c’est d’une démission de François.

    Mais que François ait ou n’ait pas su, le cas McCarrick est hallucinant. Et il n’est pas le seul. Il faudra bien expliquer aux fidèles pourquoi de tels cas sont possibles et ce que le Vatican met en place pour éviter leur répétition ad nauseam. La lettre de François et le message d’Aupetit sont très bien comme réactions à chaud, mais si des réponses claires ne sont pas apportées sans trop tarder, ces déclarations seront reçues comme des rideaux de fumée.

    • On peut citer aussi target= »_blank »>la lettre pastorale de Mgr Luc Ravel. Mgr Jean-Marc Eychenne, évêque en Ariège, réagissant à ma chronique et à l’évocation du lavement des pieds, me disait aussi que, depuis des années déjà, ils pratiquent ce geste à chaque installation d’un curé. Je l’évoquais ici.

      Après, oui, il y a un nombre conséquent de choses à changer, depuis de simples boulons à resserrer jusqu’à de vraies réformes. Je ne suis pas un partisan à tout crin de la présence des femmes, dans la mesure où je ne suis pas convaincu de l’existence de traits explicitement masculins ou explicitement féminins, mais néanmoins, en l’occurrence cela pourrait probablement atténuer certains biais.

      Mais si l’on parle, et mon petit doigt n’est pas le seul à me dire que le sujet est sur la table, de l’homosexualité dans le clergé alors le sujet ira bien plus loin. Il faudra comprendre pourquoi l’homosexualité, sans être évidemment majoritaire, est surreprésentée par rapport à la population normale – et ce, toutes tendances ecclésiales confondues; savoir si l’on peut présumer qu’un prêtre homosexuel est davantage susceptible de ne pas respecter son vœu de chasteté qu’un prêtre hétérosexuel; si, en pratique, cela se distingue vraiment au séminaire etc. etc. Le Pr Thomas Plante, que j’ai cité plus haut, n’est pas spécialement de la race honnie par certains des progressistes, il défend le célibat des prêtres… et ne fait pas de lien entre l’homosexualité et les abus.

      Bref, le lien que font certains et en premier Mgr Vigano et ses soutiens me paraît certes correspondre à leur sensibilité particulière sur la question de l’homosexualité mais ne pas nécessairement correspondre au problème effectif.

      • IL y a une raison bien connue de la surreprésentation de l’homosexualité au sein du clergé. Elle est sociologique et fort ancienne. La vie religieuse a toujours été la seule manière socialement acceptable, voire valorisante, d’échapper au mariage. Cela était valable pour les homosexuel-les mais aussi pour tout homme ou (le plus souvent) femme qui ne voyait pas dans le mariage, longtemps perspective beaucoup moins libre et romantique qu’aujourd’hui, leur « vocation ». Cela n’était pas incompatible, ni pour les homos ni pour les autres, avec une foi authentique et un réel désir de s’engager pour Dieu. Pour les homos, sans doute que certains portaient sur leur orientation un regard très dévalorisant, le même qu’ils auraient porté sur l’homosexualité d’une autre personne, et que leur vocation avait un sens profond relativement à cet état.

        Faire un lien avec les abus me semble inacceptable, mais je manque de recul : un certain nombre de mes amis sont homos, beaucoup sont des cathos engagés, certains en couple et d’autres pas, et imaginer qu’ils soient particulièrement « à risque » d’abus me révulse, mais me semble également…incongru : ils ne sont en rien différents des autres dans leur vie affective. Et quelques-uns sont…prêtres, ni plus ni moins « saints » que les autres.

        Mgr de Moulins-Beaufort choisit de défendre l’idée que la pédophilie est une perversion profonde de certaines personnes, qui les conduit à choisir des « métiers » où ils seront plus facilement en situation d’assouvir leur désir pervers. C’est bien possible.
        Je risquerai une autre hypothèse (non exclusive d’autres) : si l’engagement dans la vie religieuse -et donc la continence sexuelle- a été pour certains une fuite d’une orientation mal vécue ou socialement inacceptable, la frustration (pas seulement sexuelle, il y a là mensonge et dissimulation permanents de soi), l’éventuelle absence de vocation profonde, a pu entrainer cette déviance. Mais je ne suis pas connaisseuse du sujet.

        Dans les congrégations qui, depuis 2005, ont choisi de continuer d’accueillir les candidats homosexuels, ils le sont ouvertement, accompagnés dans leur discernement, leur formation à la dimension psycho-affective de leur choix, invités à partager-comme les autres- les difficultés et questions. Une vigilance particulière est portée au fait que, précisément, leur orientation ne soit pas, même inconsciemment, l’origine de leur désir d’engagement : que la situation soit aussi claire que possible vis-à-vis de la famille et des proches, que leur estime d’eux-même soit normale et qu’ils ne soient pas dans une fuite intime ou sociale. Un accompagnement psychologique est parfois proposé, hors de la formation, pour travailler cette question avec des personnes dont c’est le métier. Et bien sûr, ils peuvent être, comme les autres, invités à partir ou à reporter l’engagement si le choix semble non ajusté (éléments donnés par un responsable de l’une de ces congrégations, et ce il y a quelques petites années).

        Bref, une partie non négligeable de l’Eglise semble ne pas considérer que le problème vienne fondamentalement de là. Le Pape et les évêques non plus.

        Du reste, certains commentateurs profitent -j’ose le mot- de ces affaires terribles pour y trouver des « preuves » à l’appui de leur homophobie (« perversion qui en amène une autre », « péché mortel », etc.), et cette récupération est répugnante, tant pour les homosexuels, que pour les victimes.

    • « Les crises dans l’Eglise, si graves soient-elles, ont toujours leurs origines dans une crise du sacerdoce. » (Mgr Sarah, « Dieu ou rien », 2015)

      Cela fait quand même 18 ans que le p. Bissey a été condamné par la cour d’assises du Calvados…

      Il y a eu un changement de mentalité, parmi les fidèles, nos prêtres et évêques et au Vatican.

      Egalement au sein de la police : le rapport de Pennsylvanie indique que certains policiers ont, à l’époque, refusé d’enquêter sur certains affaires.

      Changement de mentalité de la justice: si le procès de Mgr Pican avait lieu en 2018, sa peine pour non-dénonciation de crimes pédophiles dans son diocèse serait-elle encore de trois mois de prison avec sursis ?

      Changement de mentalité des media : ce procès n’avait fait la « une » ni de Liberation, ni du Monde, ni du 20H de TF1.

      Mais vous avez raison, pas les enquêtes, changements et sanctions au Vatican qu’entrainent toujours ce type de crimes dans un gouvernement ou une entreprise.

      Au Vatican, François doit absolument chasser les loups dont parlait Benoît XVI.

      Faute de quoi les fidèles hésiteront à se tourner vers l’Eglise et n’en parleront qu’à la justice.
      Faute de quoi de quoi les scandales Mc Carrick et Ricca (2013) se reproduiront.

      Prions et jeûnons.

  • Je suis déçue par la réaction de François à toutes ces histoires : des mots, toujours des mots et rien ne change. Quant à son intervention dans l’avion qui le ramenait d’Irlande, c’est trop!
    Accorder la miséricorde à ceux qui ont commis de tels actes ou les ont couverts est une marque de fidélité au Christ. Cela ne doit pas empêcher la justice humaine de passer…

    • Franchement, sur l’intervention dans l’avion, j’ai été estomaqué aussi mais je n’ai pas voulu croire à l’interprétation selon laquelle il considèrerait que l’homosexualité est un désordre psychiatrique. De fait, même des gens comme Caroline Fourest ou Raphaël Enthoven, peu suspects d’être nés dans un bénitier, ont souligné que ça ne collerait pas avec le propos dans son intégralité. Et c’est bien le cas : prenez-en connaissance intégralement, ça n’aurait pas de sens de déclarer abruptement au milieu d’un développement empreint de compréhension que, s’agissant un enfant, il faut l’emmener voir le docteur des fous.

      Pour le reste, je comprends aussi votre agacement. Je n’ai pas accueilli avec un enthousiasme débridé l’invitation à prier et jeûner. Il faut des actions concrètes et temporelles (ce qui n’interdit pas de prier et jeûner). La réflexion qu’il engage sur le cléricalisme est à suivre, de près, tout de même. Elle est susceptible de produire des effets intéressants.

      Je pense aussi qu’il souhaite que certaines actions soient enclenchées au niveau des diocèses, ou des conférences épiscopales. Au-delà, François n’agit pas seul. Il a sa responsabilité mais certains, au Vatican, sur ce sujet et spécialement dans la commission ad hoc, ne l’aident pas forcément à agir notamment sur la question de la mise en place d’un tribunal dédié pour juger de la responsabilité des évêques.

      Je suis désolé de vous proposer un article sur abonnement mais cet entretien est intéressant : Philippe Lefebvre : “Si certains ne sont pas démis de leurs fonctions avec fracas, à quoi bon cet appel au repentir ?“

      J’en extrairais ceci – jusqu’au propos final :

      En fait-il assez face à un tel scandale ?

      Peut-être pas. Dans sa Lettre au peuple de Dieu, il martèle l’importance de la lutte contre le cléricalisme. C’est à saluer. Mais nous ne sommes pas tous « coupables », comme il le dit. Nous attendons des faits : dénoncer des responsables qui n’ont pas fait leur boulot, qui ont caché, menti ; intimer l’ordre à certains de démissionner. Vices de forme dans les procès, enquêtes bâclées, dossiers perdus, retards dans les procédures : qui va en rendre compte ? Il faut trouver un ancrage dans le réel, et il serait bon que le pape définisse une feuille de route précise. Si certains ne sont pas démis de leurs fonctions avec fracas, si les questions en suspens depuis des décennies ne trouvent pas de réponses, si l’on n’aborde pas la question du dédommagement des victimes, à quoi serviront cette affliction, cet appel au repentir ? La prière et le jeûne ne sont utiles que s’ils s’accompagnent d’actions concrètes.

      Fait-on un mauvais procès au pape ?

      Il a évolué. Il ouvre de nouvelles façons d’être chrétien par son style, moins lointain, et ses appels, par exemple à la jeunesse. Il a le souci du peuple chrétien dans son ensemble, pas seulement les dignitaires. Par sa manière d’être, il veut nous faire entrer dans une culture du dialogue. Pour cela, il faut renouer avec l’échange. Jusqu’alors, sur ces sujets, la tendance était plutôt à la levée de boucliers avec caricatures à la clé. Le cléricalisme vit aussi dans le peuple chrétien, avec des gens attachés à une image du pape, de l’évêque, du prêtre et qui refusent la réalité si elle ne correspond pas à cette image.

      Doit-il répondre à Mgr Viganò ?

      Ce qu’il a dit suffit. On a peut-être des sujets plus importants que les querelles cléricales que l’on sent derrière cette lettre.

      • Il n’est nullement indispensable d’être fou pour aller voir un psychiatre (je n’en vois aucun) et en écrivant ce genre de choses vous faîtes le même genre d’erreurs que celle commise par François.
        par ailleurs,et pour réponde à l’ interview de l’Evêque de Pamiers ce n’est pas parce que quelqu’un se plaint de quelque chose de grave et même de très grave que cette personne dit indubitablement la vérité.Cette personne doit avant toute chose être entendue avec bienveillance et attention mais ne pas la croire sur parole non plus,et ce même s’il est vrai que les victimes d’agression sexuelles mettent des annèes et des années à pouvoir en parler

        • Un psychiatre n’est pas un médecin des fous. Et personne ne naît vraiment dans un bénitier.
          L’interview n’est pas une interview de Mgr Jean-Marc Eychenne.

  • Bravo Koz. Vous avez trouve les mots justes comme a votre habitude. Neanmoins peut on en rester la? Ne faut-il pas davantage d’explications de la part du Pape lui-meme?

    • Sur les affaires de pédophilie, il me semble qu’il s’exprime beaucoup. Il faut en effet que cela se traduise en actions concrètes. Si vous pensez à l’affaire Vigano, franchement, je ne pense pas qu’il y ait un intérêt quelconque à ce qu’il descende dans la fosse. Les journalistes, de fait, sont en train de faire leur job. Il apparaît de plus en plus manifestement que les choses sont bien moins claires qu’il ne les a présentées, qu’aucune sanction formelle n’a été prononcée (cf Tornielli une fois encore). Est-ce à lui de venir remuer la fange, répondre à un acte d’accusation manifestement empreint de luttes politiques, de détailler ses actions et celles de son prédécesseur ? D’expliquer combien il y a d’homosexuels dans l’Eglise et pourquoi… et en quoi il en serait responsable ?

      Il se dit que le Vatican – pas le pape – va apporter des éléments de réponse. Mais de plus en plus, je souscris à son commentaire initial : le communiqué de Mgr Vigano parle de lui-même.

  • Bonjour,
    Lettre déjà citée plus haut, mais j’ai lu ce matin la lettre de « Monseigneur » Luc Ravel (Je n’aime pas non plus le titre de Père car cf. Matthieu 23:9…:-)).
    Je la trouve très éclairante, plus que d’autres articles déjà lus sur le sujet et je me sens maintenant autant concerné que les clercs par ce désastre. Cela mériterait des groupes de paroles dans nos paroisses et aussi beaucoup de soutien à nos nombreux prêtres non pédophiles. En tous les cas que de ce mal puisse sortir un bien pour l’Eglise
    https://www.alsace.catholique.fr/le-diocese/les-eveques/348822-lettre-pastorale-de-mgr-ravel/

  • J’ai eu la chance d’entendre plusieurs fois Mgr Ravel, de le voir dans ses fonctions d’évêque aux Armées auprès de ses « ouailles », et c’est toujours remarquable -même quand par ailleurs je pouvais diverger de certaines de ses convictions. Son attitude envers les personnes m’a beaucoup frappée et touchée, c’est aussi un homme, je crois, d’une particulière qualité humaine. Il faut dire qu’il a particulièrement aimé servir le diocèse aux Armées, il s’y est trouvé dans son élément, ce qui concours sans doute à son rayonnement.
    Sa lettre est de loin celle qui me semble la plus claire, la plus sage, et la plus concrète. Et pourtant celle de Mgr de Moulins-Beaufort m’a semblé aussi très riche. Mais avec Mgr Ravel il y a une justesse et une proximité avec chaque paroissien vraiment uniques. Merci à lui.

  • Point de vue d’un observateur canadien.

    Au départ, selon moi, il est évident qu’on doit relier l’affaire McCarrick au déferlement de dénonciations dans la foulée de l’affaire Harvey Weinstein : le fameux #Me Too. De fait, au moins un média (Church Militant) parle de #Catholic Me Too.

    Ensuite, il faut se demander comment cela se fait alors qu’il n’y ait pas encore eu de laîque engagée en pastorale ou de religieuse secrétaire dans un évêché qui ait initié un tel mouvement … Poser la question, c’est un peu beaucoup y répondre. L’équivalent dans l’Église est du côté homosexuel. Ceci sans exclure qu’il puisse à un moment donné y avoir des femmes qui se manifesteront.

    Cela étant, je trouve qu’on commet une erreur d’interprétation de l’affaire McCarrick des deux côtés qui s’affrontent au sujet de la bombe Vigano. D’un côté, et je prendrais ici comme exemple Patrice de Plankett (mais il n’est pas le seul), on tente systématiquement de ramener la question à celle de la pédophilie. De l’autre côté (en gros, plusieurs des commentateurs catholiques de droite), on dit que cette affaire révèle le problème des « réseaux » homosexuels dans l’Église.

    En somme, d’un côté on refuse de voir que l’homosexualité fait partie intégrante de l’équation, et de l’autre on dit que c’est elle le problème. Mais, c’est comme si on disait que l’affaire Weinstein était due à son hétérosexualité !

    En réalité, le cas McCarrick, tout comme d’autres semblables qui n’ont pas fait les manchettes à l’étranger mais qui se sont ébruités dans les médias américains depuis deux mois, relève de l’abus de pouvoir (ecclésiastique) tout simplement. Il y a une prise de conscience que même des adultes peuvent être victimes de pression indue quand ils sont dans un rapport de subordination (et on pense ici spécialement aux séminaristes). C’est ça le lien évident avec l’affaire Weinstein dans le milieu du cinéma, l’affaire Ghomeshi à la télévision canadienne, l’affaire Rozon dans l’industrie québécoise du divertissement. Entre autres.

    À ces abus de pouvoir de certains hiérarques s’ajoute l’abdication de leurs reponsabilités chez d’autres hiérarques qui auraient pu y mettre bon ordre et qui ont détourné le regard, voire permis l’ascension de la carrière de types tels que McCarrick. Ce n’est pas Vigano, c’est un autre prêtre (Boniface Ramsey) qui a publiquement affirmé qu’il avait porté plusieurs fois la question de son comportement déviant à l’attention des autorités (pendant 30 ans!) sans qu’il ne se passe jamais rien. Le journaliste Rod Dreher a affirmé qu’une délégation de laĩcs se sont rendus à Rome à leurs frais il y a 20 ans pour avertir le Saint-Siège que la réputation de McCarrick comme harceleur de jeunes hommes était telle qu’il ne devait absolument pas être promu au siège de Washington. Il le fut quand même et devint cardinal. De quoi penser, quand même, que les fameux « réseaux » existent bel et bien.

    On ne peut pas sous-estimer la colère des fidèles aux USA face à ce nouveau déferlement qui s’ajoute bien sûr aux révélations sur ce qui s’est passé en Pennsylvanie et qui relève dans ce cas la plupart du temps de la pédophilie. Il faut comprendre que le choc avait été énorme vers 2000 et les évêques avaient affirmé que cela n’arriverait plus. Mais à cette époque, il n’y avait « que » des prêtres qui étaient impliqués dans ces scandales. Que cette fois-ci ce soit un évêque (des évêques, si on inclut ceux qui ont couvert McCarrick) rompt brutalement la confiance. Et ce d’autant plus qu’à l’époque, devinez qui était le principal porte-parole épiscopal et porteur du message que oui, l’Église avait compris le message et qu’elle ferait place nette ?… Eh oui : le cardinal McCarrick en personne !!!

    En plus, la réaction initiale de plusieurs évêques, cette fois, a été de dire qu’ils s’attaqueraient au problème en élaborant des politiques et des protocoles … comme si les commandements de Dieu et les prescriptions du droit canonique n’étaient pas suffisants pour guider leur boussole ! Cela aussi a mis beaucoup de monde en colère.

    Présentée ainsi, on se dira que le fond de l’histoire n’a que très peu à voir avec François et qu’on ne comprend pas trop pourquoi il semble ne pas vouloir éclaircir comment tout cela a pu se produire. Sans charger ses prédécesseurs, il pourrait ouvrir certains dossiers et répondre aux questions qu’il veut bien, au lieu de se murer dans le silence. Que McCarrick ait été un de ses proches conseillers ou pas, s’il est coupable de tous ces abus de pouvoir et sexuels sur des adultes, cela ne devrait pas exagérément le déranger ; Jean-Paul II a prouvé avec le père Maciel que même un saint peut mal juger du caractère des personnes.

    Que François ménage McCarrick en refusant d’ouvrir ces dossiers (même s’il lui a retiré son chapeau rouge, mais justement on dirait qu’il veut en rester là) semblerait indiquer qu’il protège ainsi un allié et que c’est ce qu’il faut comprendre (apparemment, McCarrick ne vit pas du tout dans un lieu retiré et austère). Même chose avec le cardinal Wuerl, son successeur à Washington, lourdement mis en cause dans le rapport sur la Pennsylvanie et dont il serait tout simple pour le pape d’accepter la démission que celui-ci a déjà remise il y a trois ans ; mais il est de retour à Rome pour la deuxième fois en deux semaines et semble avoir du mal à obtenir du Saint-Père que ce dernier le laisse partir ; mais on parle encore d’un allié sur qui François espérait pouvoir compter au sein d’un épiscopat très divisé.

  • Que le scandale fasse aussi l’objet d’une instrumentalisation dans le cadre de la guerre entre les pro- et les anti-François est évident.

    Mais le scandale est là, avec McCarrick il ne fait que commencer, il aura des conséquences très douloureuses pour les victimes, les clercs innocents (la majorité quand même !) et plus généralement l’Eglise.

    Gloser sur les intentions de Vigano ne sert à rien. Vigano aura bientôt tout le loisir d’en discuter avec Saint Pierre.

    Il faut vider l’abcès, aller au bout.

  • Difficile de commenter après ces révélations. J’ai eu le malheur de lire une bonne partie du rapport sur les diocèses de Pennsylvanie. C’est réellement à vomir. Ce rapport me fait prendre conscience de 2 choses. La première, le désastre moral de certains membres du clergé ( et qui semble actuel au vu des révélations vigano). Mais, c’est triste à dire, il y aura tjs des prédateurs, des partouzes ds le monde et dans l’église jusqu’à la fin des temps.
    Le deuxième point qui est le plus choquant, est la couverture qui semble systématique par les évêques de ce diocèse. Autre temps, autre mentalité (ces couvertures semblent avoir disparu), mais je m’interroge aujourd’hui sur la gouvernance de l’église.
    Comment toute une hiérarchie en est arrivé à ce point là ?? Et il y a fort à parier que la situation fut à peu identique dans beaucoup d’autres diocèses dans le monde.
    La gouvernance de l’église, disons sa mauvaise gouvernance semble bien ce que le pape appelle du cléricalisme. J’ai tendance aujourd’hui à penser que nous faisons face à une vraie crise structurelle de la gouvernance de l’église. Évidemment quand l’évêque d’un diocèse se comporte tel un serviteur des + pauvres, nous n’avons pas de pb. Mais dès que les tentations humaines se greffent sur la fonction de l’évêque, où se trouvent les garde-fous ? J’ai bien peur que la structure même de la gouvernance ecclésiale soit un frein pour vivre pleinement à l’image du bon pasteur.

    Pour aller plus loin, j’ai pu voir de l’intérieur à quel point un évêque avait pu user de son pouvoir pour détruire une communauté et son fondateur alors qu’il existait de nombreuses autres solutions. Il m’a frappé de voir le manque de transparence, de critères globaux sur les accusations portées par l’évêque et enfin le manque de recours de la communauté. En gros, ça m’a donné la sale impression qu’il valait mieux bien s’entendre avec l’évêque.
    Et pour moi, c’est très lié.
    Comment donc changer cette structure sans pour autant trop fragiliser la fonction?

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