« Aux âmes bien nées… » Qui, osant un sourcil perplexe à l’énoncé du jeune âge de Gabriel Attal, n’avait entendu cette réplique définitive d’un interlocuteur débordant de culture lycéenne ? Le plus jeune Premier Ministre allait démontrer que l’expérience est surcotée, dans la plus pure geste macronienne. Emmanuel Macron descendait de chez Rothschild, c’était le Mozart de la finance, un virtuose de l’économie. Autour de lui, ils étaient fringants, costumés de neufs, ne se reconnaissant qu’un défaut : avoir été parfois « trop intelligents ». De vrais gestionnaires enfin, dépourvus d’œillères, avides d’efficacité. S’il leur manquait une compétence, ils ne la cherchaient pas au Conseil d’Etat, ils la trouvaient chez McKinsey. La France, ce « cher vieux pays » gaullien, prenait un coup de startup nation. Gabriel Attal à Matignon, c’était l’apothéose macroniste, l’acmé juvénile.
Las, le pays découvre une situation financière obérée et surtout incontrôlée. Mozart fait un canard ! Car la plus grave faute n’est même pas l’endettement (entendable hier lorsque la France empruntait à bas prix, mais plus aujourd’hui lorsqu’elle emprunte à un coût plus élevé que la Grèce) que le dérapage soudain du déficit public et la surprise qui l’accompagne. Et avec elle, sur le plan politique, cette question : Emmanuel Macron a-t-il vraiment dissous l’Assemblée pour tirer des leçons des Européennes, alors que les semaines laissaient plutôt flotter un parfum de déni… ou pour sauvegarder une apparence de maîtrise ? En juin, la perspective d’une censure sur le budget pouvait être mise sur le compte d’une opposition remuante. En octobre, dans la déroute, elle serait non seulement apparue inévitable mais, plus encore, nécessaire. Quel gouvernement de quel pays ne tomberait pas, face à la débâcle ?
Arrive Michel au casque blanc, ostensiblement empanaché d’expérience. Opposant son verbe placide et mat à la furia vibrionnante des parlementaires, il va jusqu’à ranger la chambre des députés. Le renversement est savoureux même si, pour le parachever, Michel Barnier devrait encore démontrer que le nombre des années peut assurer la valeur. C’est malheureusement aussi douteux que l’inutilité de l’expérience. Quelle que soit sa volonté, la fragile assise politique de Michel Barnier n’est pas propice à la réalisation des réformes de structure négligées par Emmanuel Macron. Le budget proposé, certes élaboré dans un calendrier plus que contraint, ne se montre pas capable de trancher la question du périmètre même d’activité de l’Etat – et l’on apprend que les économies annoncées ne sont en réalité que des dépenses minorées. Alors, pour remiser les années au rang des accessoires, il reste à se souvenir que Rodrigue notre Cid n’intervient pas pour renverser les anciens mais, précisément, défendre l’honneur du père, insulté pour son âge par un Comte empressé de lui succéder.
Photo de raza ali sur Unsplash
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Excellent et merci Koz !
Notre société fait souvent « du jeunisme » ; c’est à mon sens la rançon d’un pays qui se sent vieillir comme jamais. Mais il faut reconnaître que la séquence Barnier est complètement à contre courant, par son style plus que par son expérience. Ce serait en effet une évolution notable si la politique reprenait la primauté sur la communication…
Mais Gabriel Attal n’est pas le seul à avoir montré une jeunesse un peu présomptueuse. Lorsque sera venu le bilan du président, je serais étonné que certains de ses faux pas soient attribués à son assurance disproportionnée avec son expérience, du limogeage brutal du général de Villiers au lendemain de son élection à la dissolution…
Sans oublier que, dans un autre scénario post-législatives, notre pays aurait pu être gouverné par un homme de 28 ans, qui plus est sans aucune expérience des responsabilités professionnelles et familiales. Indépendamment des options politiques c’est tout simplement ignorer ce qu’est la France et ce qu’est la responsabilité de Premier ministre (en outre dans le cadre d’une cohabitation…). C’est sans doute un paramètre essentiel de l’échec électoral du RN et aussi la preuve que ce dernier n’était pas prêt pour le pouvoir.