Cette desespérante inaptitude au romantisme

S’il faut blâmer quelqu’un, blâmez PikiPoki. C’est lui qui fait de l’archéologie et ne livre sa réaction promise qu’avec près de deux mois de retard. PikiPoki, sois en donc blâmé. Son billet revient sur la notion même de fierté, et l’une de ses variantes, celle qui nous occupait alors, la fierté d’être français. Puisque j’ai le sentiment, dans son billet, d’être aimablement pris pour une bille, ce qui doit heurter, au-delà même de mon hypothétique fierté, mon inacceptable orgueil, souffrez que je prenne quelques lignes pour apporter quelques précisions.

Mais avant cela, pour que ce billet et les commentaires qui s’en suivront ne soient pas seulement la réédition des débats précédents – quoique je ne me fasse guère d’illusions – je voudrais mette en exergue deux points, à ne pas perdre de vue, s’il vous plaît : disposition d’esprit et sens du politique.

Parce que PikiPoki m’oppose ce que j’ai toujours spontanément pensé. Avouez que c’est vexant. Comment peut-on s’affirmer fier de ce qui relève du hasard, ou du travail d’autrui ? Comment être fier de ce à quoi je n’ai pas contribué ? Pourquoi être fier du résultat du hasard qui m’a fait naître ici ? Le plus grave étant que dans la « fierté d’être français« , les deux se conjuguent : non seulement je serais français par hasard, mais si être français renvoie à une Histoire, c’est à une Histoire à laquelle je n’ai pas contribué. Ajoutez à cela qu’il n’y a, il est vrai, pas que des raisons d’être fier d’être français.

Mais bordel, croyez-vous que je l’ignore ?

Au demeurant, parce que ça m’amuse, même si l’on s’éloigne du débat, je pense inexact de dire que je suis français par hasard. JE est par hasard. JE n’aurait pas été autre que français : c’eût été un autre que moi, nécessairement. Et je ne suis pas ici par hasard mais par la conjonction de deux volontés qui se sont muées en un désir intense et… Mais voilà que j’aborde la sexualité de mes parents. C’est dégoûtant.

Revenons-en à la disposition d’esprit. Ceux qui ont lu mes billets à ce sujet n’auront pas manqué de relever que je m’étonne aussi et surtout de relever que ceux qui s’insurgent publiquement contre une éventuelle fierté d’être français s’élèvent beaucoup moins contre ceux qui proclament à intervalles réguliers leur « honte d’être français« .

Certains sont des habitués à cet égard : il faudra les solliciter longuement pour qu’ils envisagent un seul instant d’avouer une fierté d’être français – alors qu’ils pourraient, certainement, dans leur propre besace de valeurs, trouver de bonnes raisons – mais lorsqu’on les entend s’exprimer sur la France, ce n’est généralement que pour affirmer leur honte. Comment se fait-il qu’ils soient tout disposés à ressentir de la honte quand la fierté est son exact pendant, et qu’il n’y a pas plus de raisons de concevoir de la fierté de ce que l’on a pas fait, que de la honte de ce à quoi on ne participe pas ?

Et je trouve fort « étrange » la disposition d’esprit qui amène, donc, à être toujours les premiers à pointer des raisons de battre sa coulpe. Quitte à adopter une « disposition d’esprit », quel est ce réflexe mortifère qui fait choisir la honte à certains, plutôt que la fierté ?

Combien de fois entend-on des personnes autorisées asséner un rude : « j’ai honte d’être français » ? Ceux-là sont gens respectables. Graves et concernés. En revanche, effleurer simplement l’hypothèse d’être fier d’être français et vous obtenez la réaction primaire d’un Passant, chez PikiPoki, qui entonne « Maréchal, nous voilà« . Comme si, bien évidemment, la fierté d’être français serait consubstantielle à un rejet de l’autre.

Un partout, la balle au centre, que les mêmes esprits sourcilleux interdisent avec la même véhémence (en moins pathétique, ou nous en viendrions à les assimiler aux grands traîtres, tiens, par exemple, à ceux qui ont livré Jean Moulin) d’avancer une honte d’être français, cela serait pour moi déjà une appréciable avancée. Revenons à Pikipoki : un billet sur la « honte d’être français » t’aurait-il seulement amené à rédiger le même type de billet ? Elle n’est pas abordée, cette honte, dans le tien…

Sens du politique, aussi, si je puis dire, ou sens politique, tout simplement. Parce qu’il faut bien faire avancer un pays. Et qu’il avance mieux avec une certaine confiance en lui, comme avec le sentiment de partager un destin commun. Destin commun avec ceux qui nous ont précédé, comme avec les générations actuelles.

On pourrait effectivement dénier avec la plus grande raison toute possibilité d’être fier, comme d’avoir honte. On peut en souligner le caractère irrationnel. Mais, pfiou : triste monde… Pas de passion, pas de sentiments. Sauf à ce qu’ils soient ra-tio-nel-le-ment fondés. Disqualification, par principe, de l’émotion. C’est là que se trouve, je le crains, une tragique et desespérante inaptitude au romantisme.

Destin commun, disais-je, et, oui, même avec mes aïeux. Vous me direz : c’est idiot, ils sont morts. Pourquoi devoir quoi que ce soit à un mort, qui ne s’en trouvera de toutes façons guère mieux ? Mais je ne viens pas de nulle part. Comme je le disais récemment, en présupposant le meilleur, je suis le produit de générations de parents qui ont porté un regard tendre sur leurs enfants et ont voulu pour eux le meilleur. Bref, ce qu’ils ont accompli me concerne et m’engage, moralement. Non pas parce que ce serait ainsi mais parce que je le veux.

Je ne suis pas davantage auto-généré culturellement. Que je le veuille ou non, je suis le produit d’une culture. Je peux m’en éloigner, je peux souhaiter un jour lui préférer une autre, mais je ne pourrai pas effacer cela. Pour peu, évidemment, que je ne sois pas un enfant perdu et que j’ai effectivement été soumis à la culture de mon pays, j’en ai adopté des habitudes, des schémas de raisonnement, ce dont j’ignore souvent l’existence.

Destin commun car je pense que les Hommes ont, pour la plupart, assez généralement besoin de s’identifier à un groupe. Et je ne pense pas que les Hommes soient en mesure, ici et maintenant, de s’identifier à un groupe par trop large. Glorifiez les « citoyens du monde » et ils seront fiers d’être… supporter du PSG. Ils trouveront un groupe, plus modeste, de substitution. Au final, à quoi parvient-on, sinon à avoir supprimé un échelon intermédiaire de cette identification nécessaire ? Dans le même temps, on désagrège le sentiment d’adhésion à la communauté nationale, sentiment peut-être en partie construit, mais en partie fondée par les éléments de référence commune.

Enfin, parce que je ne voudrais pas conclure sur une note qui laisserait peut-être à penser que j’ai de cette question une approche cynique, je voudrais vous redire une anecdote que j’ai déjà mentionnée, mais que je trouve révélatrice.

Le Père Philippe Maillard racontait un jour, en conférence, qu’il se trouvait en Afghanistan au début des années 80. Il avait un « problème« . Chaque fois qu’un afghan apprenait qu’il était français, il voulait qu’il soigne le malade du coin. Parce qu’à cette époque-là, en Afghanistan, un français ne pouvait pas être autre chose que médecin. Les anglais étaient nécessairement journalistes, les français nécessairement médecins. Or, si la France – pas au sens de l’Etat, au sens du pays – n’envoyait tant des médecins, ce n’était pas le fruit du hasard, mais le fruit d’une culture commune, qui a pu faire que les plus nombreux à partir partaient là-bas soigner. Sans vouloir être désagréable avec nos amis anglo-saxons, je conçois une certaine fierté à ce que notre culture commune ait débouché sur le fait que nous « exportions » plutôt des médecins…


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34 commentaires

  • En fait, je crois que la notion de « fierté » est à rapprocher de l’éthymologie du mot. En effet, fierté vient du latin « fidare » qui rapporte à « confiance ». Par exemple, on se « fie » à quelque chose ou quelqu’un.

    La phrase « fier d’être français » ne nourrit pas alors nécessairement l’idée de survalorisation. Cette dernière est bien l’accessoire ou la dérive. C’est avant tout l’aptitude qui consiste à faire confiance. Confiance en la France. Confiance dans ses valeurs, dans sa valeur.

    Mais la confiance, si elle repose bien sur des pré supposés, est plus un espoir, une projection dans le futur.

    Je concluerai en disant qu’il n’y a rien d’incompatible entre l’identité nationale (le pré supposé, l’acquis ou appelez cela hasard), son éternel renouvellement et la fierté d’appartenir à une nation.

    C’est même l’exact synthèse du passé, du présent et du futur.

  • Koz,

    Dis donc pour un mini billet… tant d’attention me flatte :o)

    Mes réponses sont assez simples, et tu vas voir qu’à mon avis elles désamorçent par mal de choses.

    D’abord, tu te trompes sur le ton de mon billet. A aucun moment je ne t’y prenais pour une bille, même si en l’écrivant je me doutais que ce serait compris ainsi (mais tu auras noté que j’indique dans mon article quelques précautions de lectures à avoir en me lisant). Je te l’avais déjà indiqué ici, je ne fonctionne pas comme tant d’autres avec des piques camouflées sous des formules de politesse. J’écris et je pense les choses avec une dose de naïveté qui t’étonnerait (et oui, même si je sais que la naïveté est mal portée dans notre monde moderne auquel il faut bien s’adapter, et vous comprenez mon bon monsieur si on ne fait pas comme les autres, etc.). Donc quand j’écris « étrange », je ne cherche pas à dire « mais quel con » derrière, il y a seulement « étrange » à lire, nothing else.

    Ta remarque sur la honte d’être français est tout à fait juste, je la partage, et donc pour te répondre, oui un billet sur la honte d’être français aurait fait l’objet de la même critique de ma part, avec probablement peu de nuance (j’imagine tout de même qu’il y en a quelques unes puisqu’il s’agit de sentiments différents). Je n’en parle pas dans mon billet? Ben non, je parle de la fierté, parce que c’est le truc qui me tarabustait là, pas la honte. La honte d’un truc qui vient de quelque chose qui m’est extérieure me parait tellement absurde que ça ne m’intéresse même pas. Ca me semble trop évident à démonter. Y’en a plein qui disent qu’ils ont honte? Possible, c’est un truc que je ne comprends pas, et qui ne m’intéresse pas.

    Sur la fin de ton billet, je suis aussi d’accord avec toi sur la continuité et donc sur la notion collective qu’implique l’histoire d’un pays, ce qui nous extrait d’une vision égocentrée de notre propre parcours. Ok, mais je ne vois pas pourquoi parler de fierté pour ça. Ca me semble hors sujet. Et je cette identification qui te paraît nécessaire, à moi ne le paraît pas. Je ne vois pas bien pourquoi il « faudrait » s’identifier et créer une unité autour de l’idée de nation. Mais cet avis n’est pas du tout exclusif du tiens. C’est un étonnement que j’exprime, un truc que je ne saisis pas, ce n’est pas un rejet.

  • Sans la confiance, Pikipoki, je crains malheureusement que peu de projet autre qu’individuel ne soit possible. L’ essence du mot fierté (comme je l’ai dit précédémment) prend tout son sens.

    A l’inverse, le trouver « étrange » voire le condamner (ce qui n’est sans dout pas ton cas), c’est aussi avoir quelque crainte à vouloir participer à un dessein commun. Peur peut être de l’engagement pour les autres. Ou signe d’un manque de repère : est ce que je crois encore à un projet commun ? Quelle est ma place ?

    Et c’est vrai que sans repère, on ne construit plus rien ou en tout cas plus rien ensemble…

    Plus j’y pense et plus je trouve que la fierté d’être français est une idée progressiste. C’est considérer que la France a un avenir. C’est bien l’orgueil que l’on peut moquer ou blamer, mais sans doute pas la fierté.

  • [quote comment= »23551″]Koz,

    Dis donc pour un mini billet… tant d’attention me flatte :o)

    Mes réponses sont assez simples, et tu vas voir qu’à mon avis elles désamorçent par mal de choses.

    D’abord, tu te trompes sur le ton de mon billet. A aucun moment je ne t’y prenais pour une bille, même si en l’écrivant je me doutais que ce serait compris ainsi (mais tu auras noté que j’indique dans mon article quelques précautions de lectures à avoir en me lisant). [/quote]

    Je ne vais pas te répondre sur le fond : vu le temps que m’a pris la rédaction de mon billet, il faut que je carbure fort, maintenant.

    Mais oui effectivement, le mini-billet a clairement grossi !

    Et sinon, pour la « bille », c’est un peu façon de parler. Un peu 😉

  • [quote comment= »23551″]je ne vois pas pourquoi parler de fierté pour ça. Ca me semble hors sujet. Et je cette identification qui te paraît nécessaire, à moi ne le paraît pas. Je ne vois pas bien pourquoi il « faudrait » s’identifier et créer une unité autour de l’idée de nation. Mais cet avis n’est pas du tout exclusif du tiens. C’est un étonnement que j’exprime, un truc que je ne saisis pas, ce n’est pas un rejet.[/quote]

    Je n’ai pas souvenir que qui que ce soit ait dit qu’il « faut » s’identifier. L’unité autour de la nation existe bien avant nous, par la langue, la culture, les frontières, les valeurs républicaines aussi, etc. On peut le perdre de vue, ne pas en avoir conscience, le rejeter même, mais il n’est pas possible de ne pas en bénéficier en vivant en France. Heureusement, cette unité là n’est pas tributaire des ralliements et des indifférences.

    Ensuite, il s’agit d’un sentiment… qui ne se crée donc pas artificiellement. Dont on n’a pas à répondre, non plus, du coup. Personne ne viendra vous taper sur l’épaule, en vous disant qu’il lui paraît étonnant que vous soyez amoureux de telle personne, parce que lui ne l’est pas. La nuance, c’est qu’il ne s’agit pas d’un sentiment exclusif, puisqu’il peut réunir plusieurs personnes autour de mêmes valeurs, autour de cette « certaine idée de la France » dont traitait Koz il n’y a pas si longtemps.

    https://www.koztoujours.fr/?p=317

  • Tout ceci est fortement lié au sentiment d’appartenance à une communauté. Partager une émotion commune permet de nouer ou renforcer des liens.

    Un enfant est fier de son père même s’il n’a rien fait pour le mériter ou pour contribuer à ses succès. Un supporter de l’OM (pour changer) est fier de son club même s’il n’a jamais foutu les pieds sur une pelouse. Lorsqu’on croise un compatriote à l’étranger, on a tendance non seulement à s’en rapprocher mais aussi à lui accorder une confiance qu’aucune rationnalité ne justifie. Il a autant de chance d’être une ordure que le Grec ou le Neo-Zélandais d’à côté.

    La question n’est pas de savoir si on est pour quelque chose dans la grandeur ou la noirceur de notre pays mais de savoir si on veut être de la partie, si on accepte l’héritage, si on est prêt à apporter sa pierre à l’édifice. (Je ne veux pas dire que quelqu’un qui n’est pas fier de son pays est égoïste, seulement qu’il ne reconnaît pas cette communauté là)

    Vous vous interrogez, Pikipoki, sur les raisons qui poussent certains à être fiers de leur pays. Moi, je me pose la question inverse avec la même sincérité et naïveté que vous, sans sous-entendu pervers.

    Pourquoi n’êtes vous pas fier de votre pays?

    Quand la France a gagné la coupe du monde, quand on a inauguré le viaduc de Millau, quand Charpak a reçu le prix Nobel, n’avez vous rien ressenti? Ou avez vous été parcouru d’un frisson, comme la plupart des Français? Et si tel est le cas, pourquoi l’avez vous combattu? Un refus cartésien de l’irrationnel? Un réflexe immunitaire contre les dérives nationalistes? Une once de complexe de supériorité? Autre chose?

    Je suis vraiment curieux de savoir.

  • [quote comment= »23551″]Cette identification qui te paraît nécessaire, à moi ne le paraît pas. Je ne vois pas bien pourquoi il « faudrait » s’identifier et créer une unité autour de l’idée de nation. Mais cet avis n’est pas du tout exclusif du tiens. C’est un étonnement que j’exprime, un truc que je ne saisis pas, ce n’est pas un rejet.[/quote]

    L’identification ne me paraît pas être nécessaire en elle-même. Je ne pense pas que l’on ait nécessairement besoin de se relier à un groupe pour exister. Je pense en revanche que c’est un phénomène quasi-instinctif : l’homme, dit-on, est un animal social (à supposer qu’il soit animal mais passons). Instinctivement, peut-être même involontairement, il se relie à un groupe. Il ne vit pas seul (à quelques exceptions près, évidemment).

    Retire-lui l’échelon national, il sera fier d’être breton. Retire-lui ça et il sera fier d’être de Plougastel. Et, donc, pour un peu, il s’identifiera – aussi surprenant et dérisoire cela peut paraître – à son club de foot.

    Il n’y a pas de jugement de valeur à porter, il me semble, juste un constat à faire.

    Pourquoi la « nation » ? Le terme est un peu chargé. Nation / Nationalisme, guerre. Mais ce n’est pas parce qu’il a été utilisé dans des occasions douloureuses ou à des fins regrettables qu’il faut le disqualifier. Si l’on veut on peut parler de peuple, de culture, de destin commun… et puis, quand on n’ose plus, on vous sort le « vivre ensemble« , bien insignifiant lorsque le « ensemble » n’est dû qu’à une fatalité géographique.

    Il me semble assez appréciable d’y mettre un contenu. Contenu difficilement définissable, bien sûr, mais fait d’une Histoire commune (à supposer qu’on l’enseigne), d’une littérature, d’un art culinaire, d’une conception du rapport aux autres etc etc.

    Pourquoi le vouloir ? Parce que nous sommes fortement impactés par le niveau national (plutôt que vivrensemblesque). Bien sûr, il y a aussi l’échelon européen, et le niveau mondial. Mais tout de même. Alors, on peut se concevoir hors de tout destin commun, comme autant d’individus additionnés, autant d’intérêts particuliers. Mais, du fait que l’on tire tout de même un bénéfice de cette organisation sociale, parce que la concession que je fais sur tel point est contrebalancée par le compromis fait par un autre sur un autre sujet, on a besoin d’un sentiment national (qui ne dérive dans le nationalisme qu’en fonction du contenu qu’on lui donne). Pour former, et porter cette communauté.

    Il me semble difficile, pour un pays, d’avancer, sans le sentiment de partager quelque chose, une Histoire, une culture, et un destin.

  • Sauf que, parfois, pour atteindre ces nobles objectifs, il faut commencer par changer l’une des lettres de son nom. Comme, pour citer un exemple célèbre, Elisa Tovati : fardeau qu’on ne peut guère que trainer toute sa vie ou transcender.

  • Si demain nous étions uniquement des citoyens du monde, nous serions alors sans différence. Et par conséquent, sans identité. Car celle ci se crée grâce à l’Autre. Sans Autre, on ne devient jamais soi.

    Il y aura toujours une tentation internationaliste. Elle est la même que le nationalisme. Dans le premier cas, l’identité s’efface. Dans le deuxième, elle se replie sur elle même et efface l’Autre. Où doit on se poser entre l’un ou l’autre, c’est une excellente question. Dans les deux cas, l’homme est seul. Si l’homme est seul, il n’y a plus de communauté. S’il n’y a plus de communauté, il n’y a plus d’homme car il n’y a plus d’humanité.

    L’idée de nation est une construction sur des mythes. Elle vaut ce qu’elle vaut. Elle est en partie artificielle si on isole le critère géographique.

    Mais elle fonde une partie de nous, et comme l’ont rappelé les commentateurs, c’est inévitable. Cette idée est sans doute appelée à évoluer, c’est également inévitable. Pour autant, comment peut on faire évoluer une idée sans en comprendre son essence, son fondement, et si l’on décide qu’il n’y a plus de demain pour elle ?

    Soyons fier et construisons notre nation, notre projet, somme toute.

  • [quote comment= »23566″]Si demain nous étions uniquement des citoyens du monde, nous serions alors sans différence. Et par conséquent, sans identité.[/quote]

    Voilà qui va faire plaisir à Lisette: c’est du Bayrou dans le texte.

    Ce problème d’identification est à double tranchant.

    D’un côté, il y a évidemment un besoin d’identification, quel qu’il soit. De l’autre, si cette identification se fait à un niveau « inférieur », quel besoin y a-t-il du niveau « supérieur » ?

    Le soucis, c’est qu’il ne s’agit pas de la même problématique. Etre PSG plutôt que OM, Versaillais plutôt que Toulousain, jeune plutôt qu’âgé, ce n’est pas exactement la même chose que de se considérer Basque plutôt que Français.

  • Koz
    Je vois bien ton point, et il est très cohérent, je l’admets. Je partage d’ailleurs ce que tu dis sur ce besoin quasi instinctif que nous avons de nous lier à un groupe, lien qui participe à la constitution de notre identité personnelle. Et cette construction de notre identité est probablement quelque chose d’essentiel pour chacun.

    Mais ma vision reste différente de la tienne. En fait je vois ces choses là d’une façon très libre, et ce lien avec le groupe est pour moi très souple, il peut être fait sans que des éléments extérieurs comme le pays ou le passé n’interviennent. La proximité peut se construire sur beaucoup de petits éléments difficiles à identifier mais plus forts. Et en tous les cas, je ne vois toujours pas à titre personnel, pourquoi c’est la fierté d’appartenance à ce groupe qui interviendrait pour construire ce lien. Le fait d’être content de cette appartenance me semble bien suffisant.

    London
    Le lien que vous faites entre fierté et confiance ne me convainc pas beaucoup. Confiance en l’avenir serait lié avec la fierté envers son pays? Là aussi il me semble qu’être content suffit, et que la notion de sentiment de mérite lié à la fierté (définition académie française) intervient un peu hors sujet. En revanche je comprends tout à fait que vous souhaitiez construire une dynamique autour d’un projet commun. C’est sans doute juste un problème d’interprétation de termes qui nous sépare ici, pas beaucoup plus.

  • [quote comment= »23573″]Le fait d’être content de cette appartenance me semble bien suffisant.[/quote]

    Banco pour le contentement ! Si quelqu’un me dit qu’il est « content d’être français« , ou « heureux d’être français« , je trouve ça déjà très bien, voire suffisant.

    Effectivement, la différence entre nos deux approches tient vraiment à la seule notion de fierté, et ce qu’elle peut peut-être inclure de revendication (comme si, effectivement, j’avais pris ma part).

  • [quote comment= »23550″]En fait, je crois que la notion de « fierté » est à rapprocher de l’éthymologie du mot. En effet, fierté vient du latin « fidare » qui rapporte à « confiance ». Par exemple, on se « fie » à quelque chose ou quelqu’un.[/quote]

    Pas si sûr.
    Apparemment (et c’etait mon pressentiment), « fier » (adj.) vient de « ferus », bas latin pour « farouche, sauvage » (si l’on en croit le wiktionnaire). Tu confonds malheureusement avec « se fier » (verbe), qui lui vient de « fidare ».

    Et j’ai toujours entendu dans le mot « fier », une notion de noblesse, d’orgueil. Non pas mal placé, mais cette fierté qui veut qu’on maintienne et qu’on ne démerite.

  • Oui désolé je crois que je suis parti sur une mauvaise base. Enfin je m’en remets effectivement à ton lien.

    Faites comme si j’avais rien dit !

    (Koz, il te reste de la place au banquet de la vie ?)

  • pour embêter tout le monde (je sais Koz je n’ai pas mon pareil(pour l’instant…)), je dirais que fierté vient de Feretrum et qui désignait à l’origine la chasse où l’on mettait les corps des  »saincts ».

    Sinon en attendant que quelqu’un me démontre que je me suis trompé je cherche quelque chose pour me faire pardonner…(proposition intéressante car j’ai une bouteille de chateau pichon lalande 1975 qui devrait être bue car le col est un peu plus bas que l’année passée…)

  • [quote comment= »23586″]j’ai une bouteille de chateau pichon lalande 1975 qui devrait être bue car le col est un peu plus bas que l’année passée…)[/quote]

    Bon, pexi, on avait dit pas la torture ni la cruauté… ce n’est pas parce que Sarkozy n’aime pas le vin qu’on en est tous là… 😉

    Vous nous raconterez, au moins?

  • @ damocles

    je ne pousserais pas la cruauté jusqu’à faire l’inventaire de la cave mais dirait simplement que j’ai pour habitude d’offrir une bonne bouteille de l’année de naissance de celui qui devient un ami…(vais aller poster quelque chose chez toi…)

  • La fierté d’être français ?
    C’est une question, vu mes origines et ma famille, que je me suis souvent posée jusqu’au jour où j’ai compris à travers la lecture de quelques livres, l’écoute des discours de NS et des évènements (immigration des dernières décennies, montée des communautarismes, intégrismes religieux, repentances diverses et variées, évènements des banlieues) pourquoi il était important de resserrer les liens entre anciens et nouveaux citoyens.

    Dans ma famille proche je compte diverses origines (bulgare, autrichienne, espagnole, italienne, suisse, canadienne, iranienne) autour d’un petit noyau de français dit « de souche », eux-mêmes descendant d’aïeux aux origines diverses au gré des migrations et des guerres européennes du passé.

    Quel est le lien qui a uni nos ancêtres et qui unit actuellement ma famille hétéroclite à la France ?

    La fierté d’avoir réussi notre intégration et d’appartenir désormais à un vieux pays de liberté riche d’une histoire extraordinaire, mais notre fierté sera la même, si ce n’est encore plus grande, le jour où l’Europe prendra le relais pour promouvoir et assurer le socle commun nécessaire à la cohésion de l’ensemble de ses citoyens quelque soient leurs origines.

    Suis-je, sommes nous « romantiques » ou « pragmatiques » ?

  • J’admet et revendique la fierté lorsqu’elle oblige (au sens de « noblesse oblige »)
    Etre fier de ce à quoi on a effectivement pas contribué doit contraindre à se poser un niveau d’exigence équivalent, sans quoi ce n’est qu’orgueil vide.
    Je pense que la fierté nationale a pu motiver certains résistants (non, pas ça, pas la France) même si d’autres convictions ont également joué.

  • Une note très intéressante, comme d’habitude. Ce qu’il est amusant de constater, c’est que de la même façon, comme vous le soulignez, que beaucoup disent avoir honte d’être Français par opposition à tous ceux qui disent en ressentir de la fierté, l’inverse semble également vrai.
    Combien de gens ont voté pour Sarkozy uniquement parce que justement, il représente une droite qui ne veut pas cracher sur le passé, mais au contraire, en tirer le meilleur?
    Combein de gens vont se dire « fiers d’être Français » parce qu’ils en ont assez de ceux qui ne font que dauber sur notre passé, nos régimes politiques antérieurs, et qui font passer nos grands-parents pour des fascistes invétérés et inchangeables.
    En réalité, la « fierté » est un terme qui ne convient pas. L’auteur de ce blog estime que notre nationalité est le fruit d’un hasard. Certes. Mais ne peut-on pas être content d’être né dans ce pays? Il me semble qu’on a de la chance, d’avoir atterri dans ce pays que beaucoup dénigrent mais qui présente bien des avantages par rapport à d’autres.
    On peut donc être « satisfait » d’être Français. Satisfait d’une partie de son passé. La France a longtemps été une référence, même si il y a eu des côtés négatifs dans son histoire.
    Moi, je suis tout simplement content d’être Français. Arrêtons de ne dire que du mal de ce beau pays!

  • Merci London pour le lien. A la lecture de ce texte, je vois que notre Koz , n’est peut-être pas un romantique mais un grand philosophe !
    Pour ma part, à la lecture de ces deux billets (Pikipoki et Koz), j’y vois deux « dispositions d’esprit » différentes mais pas dans le même sens que Koz.

    D’une part, la première qui met effectivement le « sens politique » en évidence. Cette disposition qui fait que, l’idée d’un destin commun est importante, que notre Histoire nous a façonnés, que des personnages ont fait naître les idées d’aujourd’hui, que « la synthèse du passé et du présent »(merci London) dessinent les contours de demain, d’où l’importance de l’engagement « politique » (sens large). Il s’agit quelque peu de la fierté d’un conquérant qui veut être acteur de son Histoire.
    Je respecte et j’admire.

    D’une autre part, une vision plus instantanée, plus pragmatique et contemporaine de la « fierté » qui est en fait une appréciation, à un moment donné de ce que j’ai fait, de mes qualités. Cette vision obère complètement la dynamique historique pour ne s’attacher qu’à une vision individuelle de mon contentement.

    Je comprends tout à fait cette approche étant moi-même une « rétrécie du bulbe » en histoire (terme utilisé par un charmant commentateur régulier de ce blog). Même si je comprends la filiation historique de notre pays, (j’ai tout de même l’impression qu’on utilise tout le temps une lecture historique des événements..), je me sens autant liée à l’histoire des Grecs ou des Egyptiens. Je ne me réfère à aucune figure historique, éventuellement à des personnages contemporains qui me parlent plus.

    De manière factuelle :

    Si je suis agacée à l’étranger d’être toujours prise pour une allemande, c’est je pense, non pas la fierté d’être française, mais par amour-propre. Je préfère que l’on me reconnaisse comme française, non pas tant par rapport à ce qu’à fait mon pays,(si quand même pour la déclaration des droits de l’homme), mais par rapport à ce qu’il est dans sa diversité.
    En gros, je n’ai pas envie que l’on m’offre de la bière mais du bon vin !
    Vision très hédoniste…

    Quand j’étais plus jeune, je participais à des compétitions pour défendre ma région. Il est sur que je m’identifiais à cette région (de vacances pour moi), mais avant tout, j’étais fière (ou plutôt contente) de moi pour avoir éclatée les autres.
    Vision égoïste du vainqueur…

    Bref avec tout cela, je ne suis pas sure d’être très romantique non plus. Il y a plein de bonne valeurs à défendre que l’on soit fier d’être français ou content d’être européen.
    :francais (désolée le smiley français ne passe pas)

  • [quote comment= »23628″]Combien de gens ont voté pour Sarkozy uniquement parce que justement, il représente une droite qui ne veut pas cracher sur le passé, mais au contraire, en tirer le meilleur?
    Combein de gens vont se dire « fiers d’être Français » parce qu’ils en ont assez de ceux qui ne font que dauber sur notre passé, nos régimes politiques antérieurs, et qui font passer nos grands-parents pour des fascistes invétérés et inchangeables.[/quote]

    J’avais hésité sur une ligne, dans laquelle j’évoquais l’effet baffe dans la gueule de le « fierté d’être français » : tellement saoûlé par les professionnels de la honte que, quand bien même la « fierté » ne soit pas exactement le terme qui conviendrait, il sied pas mal au message que l’on veut leur faire passer.

    [quote comment= »23631″]D’une part, la première qui met effectivement le « sens politique » en évidence. Cette disposition qui fait que, l’idée d’un destin commun est importante, que notre Histoire nous a façonnés, que des personnages ont fait naître les idées d’aujourd’hui, que « la synthèse du passé et du présent »(merci London) dessinent les contours de demain, d’où l’importance de l’engagement « politique » (sens large). Il s’agit quelque peu de la fierté d’un conquérant qui veut être acteur de son Histoire.[/quote]

    Assez d’accord avec toute la première partie de ton développement. En revanche, je suis moins certain sur le côté « conquérant« . Puisque je crois pouvoir me reconnaître un peu dans cette « disposition d’esprit » là, en ce qui me concerne, le sentiment est surtout que nous ne sommes pas des êtres déconnectés : nous ne sommes ni déconnectés des autres d’un point de vue purement social, ni de notre culture, ni de notre territoire (de notre paysage), ni de notre Histoire. Qu’on l’admire ou la rejette, c’est tout de même une base qui est en nous.

    Et la « fierté » de cela me parait politiquement importante à reconnaitre, à mettre davantage en avant – étant précisé effectivement, je me contenterais d’un content ou d’un heureux d’être français – pour que le pays, dans son ensemble, soit conquérant, et acteur de son Histoire.

    [quote comment= »23583″](Koz, il te reste de la place au banquet de la vie ?)[/quote]

    Les hyènes vont souvent par deux ou trois, non ?

  • Quelle tristesse de voir mon prochain, doutant parfois, assez sagement, d’être quelqu’un et alors vouloir se réfugier dans la certitude d’être quelque chose : français ou simplement con qu’importe.
    Nous sommes tous ce que nous faisons : qui, chrétien, dira le contraire ?

  • D’ailleurs, taper continuellement sur le passé de la France (comme BHL dans l’Idéologie française) me paraît contre-productif. A part passer pour quelqu’un « d’aware », je ne vois pas quel fruit peut bien ressortir de ce sadomasochisme.
    A l’inverse, célébrer (de façon mesurée) les héros nationaux (comme jeanne d’arc, attention je ne parle pas du Front national, clémenceau, ou d’autres) peut être une façon d’oeuvrer pour la cohésion d’un pays qui ainsi, peut se trouver un passé commun en dépit de sa diversité.
    En vérité, la connaissance de l’histoire est décidément plus qu’urgente pour avancer… Mais ce serait un peu trop demander, peut-être!

  • [quote comment= »23550″]En fait, je crois que la notion de « fierté » est à rapprocher de l’éthymologie du mot. En effet, fierté vient du latin « fidare » qui rapporte à « confiance ». Par exemple, on se « fie » à quelque chose ou quelqu’un.

    La phrase « fier d’être français » ne nourrit pas alors nécessairement l’idée de survalorisation. Cette dernière est bien l’accessoire ou la dérive. C’est avant tout l’aptitude qui consiste à faire confiance. Confiance en la France. Confiance dans ses valeurs, dans sa valeur.

    Mais la confiance, si elle repose bien sur des pré supposés, est plus un espoir, une projection dans le futur.

    Je concluerai en disant qu’il n’y a rien d’incompatible entre l’identité nationale (le pré supposé, l’acquis ou appelez cela hasard), son éternel renouvellement et la fierté d’appartenir à une nation.

    C’est même l’exact synthèse du passé, du présent et du futur.[/quote]

    Bravo pour ce commentaire, il me fait voir autrement l’expression « fier d’être français ». Confiance en la France, oui, ça me plait.
    Il faut garder cette confiance tout en se souvenant des erreurs du passé pour ne pas les reproduire, et donc rester vigilant.

  • Dans le train qui me ramenait d’Allemagne hier, j’ai longuement conversé avec une charmante munichoise qui m’a dressé un catalogue peu flatteur de mon pays et de mes compatriotes. En gros la France serait un pays formidable (les allemands sont heureux comme Dieu en France, n’est-ce pas?) si les habitants n’étaient pas français. On nous voit outre-Rhin comme arrogants, inorganisés, radins, fantasques, paresseux et j’en passe. En l’écoutant je n’avais pas honte d’être français mais j’étais bien triste d’entendre tout cela. Et quand elle m’a dit qu’elle avait pris la nationalité française je me suis posé quelques questions. Comment peut-on choisir de devenir français et avoir une si piètre opinion de son nouveau pays?

  • [quote comment= »24093″] En gros la France serait un pays formidable (les allemands sont heureux comme Dieu en France, n’est-ce pas?) si les habitants n’étaient pas français. On nous voit outre-Rhin comme arrogants, inorganisés, radins, fantasques, paresseux et j’en passe. [/quote]

    Malheureusement nous sommes perçus ainsi un peu partout dans le monde (et j’ajouterais en plus que les français sont perçus comme ayant peu d’hygiène, dès qu’on sort de l’Europe), et ce depuis longtemps ! Mais la plupart des français n’ayant jamais eu la moindre intention de mettre un pied hors de France, cela ne s’avère pas trop gênant.

    Certains illustres français allaient même plus loin dans leur critique, sans cesser pour autant d’aimer la France. Voici ce que Philippe De Gaulle rapporte de l’une de ses conversations d’enfant avec son père :

    « Quand j’apprenais l’histoire de France au collège Stanislas et que je m’étonnais de telle ou telle défaite militaire que nous avions essuyée, il me disait: «Les Français sont comme ça depuis les Gaulois. Hannibal qui recrutait des légions pour battre Rome écrivait à son frère Hasdrubal, qui levait des mercenaires en Espagne et dans les pays voisins: « Ne prends pas trop de Gaulois. Ce sont des ivrognes. Ils sont courageux dans l’action, téméraires au combat, mais vite découragés et jamais contents. » César disait à peu près la même chose. » Il ajoutait: « Ils sont palabreurs et n’arrivent à s’unir que face au danger. »

    « Tu vois, concluait-il, deux cents ans avant Jésus-Christ, on définissait assez bien les Français d’aujourd’hui. » De même répétait-il souvent: « La France vacharde. » Cela voulait dire qu’elle tombe dans la veulerie et qu’elle cherche à donner le coup de corne ou le coup de pied de l’animal rétif à ceux qui veulent la faire avancer. Une autre expression lui était familière: « Les Français s’avachardisent. » Termes militaires pour signifier qu’ils s’avachissent en grognant. Dans une lettre au père Bruckberger, le 27 mai 1953, il écrivait avec néanmoins un certain optimisme: « La mollesse française est d’une extrême épaisseur. Mais même en France, elle n’a pas l’Avenir, qui est aux forts. »

  • Eh bien. On peut pas dire que le tableau dressé soit très enthousiasmant, même si je crains qu’il ait quelque légitimité. Les propos d’Hannibal et de César sont assez frappants. Mais au moins on peut se réjouir en pensant qu’on a toutes les raisons d’avoir identifié nos défauts.

    Et la lettre au père Bruckberger nous rend heureusement à l’optimisme, effectivement.

  • [quote comment= »24106″]Eh bien. On peut pas dire que le tableau dressé soit très enthousiasmant.[/quote]

    Je ne te le fais pas dire. Petit témoignage rapide dans la foulée de Dang : j’ai connu il y a quelques années une jeune personne d’Amérique du Sud, en séjour en France pour la première fois, venant d’un pays pour lequel la plupart des français n’ont qu’une estime relative… et j’ai pris une vraie claque lorsque je me suis aperçu que l’une des premières interrogations de sa famille quant au pays dans lequel elle arrivait, c’était de savoir si les gens qu’elle côtoyait prenaient des douches. Elle m’a toutefois avoué que cette réputation douteuse, pour tenace qu’elle était en Amérique du Nord comme du Sud, n’était pas liée aux français seulement, mais à la plupart des pays d’Europe. Hourra, et merci aux générations de touristes qui nous ont tressé cette couronne. Reste que le décalage est grand, à ce niveau comme à d’autre, entre l’image que nous avons de nous, et celle qui a cours dans d’autres pays.

    Lorsque Nicolas Sarkozy a parlé d’arrogance française, je crois que c’est un peu ce portrait lénifiant de la France qu’entretiennent la plupart des hommes politiques qu’il a voulu dénoncer. Le fait est que la France n’a aucune lucidité quant à l’image qui est la sienne dans les autres nations. On a l’impression que le mot « français », prononcé à chaque coin du monde, fait vibrer les oreilles de celui qui l’entend. Or ce n’est pas si souvent le cas. Même si celui de « France » garde tout son sens. Prenons donc garde à ne pas devenir les héritiers malheureux d’une France disparue, à l’image des égyptiens, auxquels plus personne n’associe aujourd’hui la grandeur de leur civilisation passée, si ce n’est d’un point de vue géographique.

    Ce qui a grandit la France, de tous temps, c’est d’ouvrir non seulement ses frontières, mais aussi son espace de pensée à ce qui se dit ailleurs, y compris à son propos. La réputation de la France s’est faite alors que Voltaire et Diderot passaient de cours européennes en royaumes voisins.

    Aujourd’hui, nous cultivons toujours cette image de la France du « Siècle des Lumières » tout en niant ce qui l’a construite. La plupart de nos dirigeants s’indignent que l’on puisse parler une autre langue que le français en public, alors qu’eux mêmes ne parlent pas un mot d’anglais, d’espagnol ou d’allemand. Je suis fier de la France, parce qu’elle représente à mes yeux quelque chose d’unique, une lumière particulière, c’est vrai. Mais il ne faut pas oublier que cette lumière a toujours puisé son combustible dans un regard lucide sur le monde, y compris « extérieur »… Or aujourd’hui (en tout cas jusqu’à hier 😉 ) j’ai parfois l’impression que l’on vit toujours sur la lucidité de ceux qui nous ont précédé.

    Le gaullisme de De Gaulle reposait sur un certain culot, celui d’imposer au monde une France forte et autonome, et ce quand bien même les circonstances ne le soutenaient pas. Mais sa position était sous tendue par une mise en pratique de ce culot, par une politique cohérente, visant sans cesse à tirer la France vers le haut. Depuis Mitterrand, j’ai l’impression que l’on a vécu sur ce même culot, sans en apporter pour autant de preuve économique ou politique. Même la position de Chirac lors de la guerre en Irak, pour visionnaire qu’elle était, a longtemps sonné au-delà de nos frontières comme une excuse bidon d’un pays dont l’armée et l’économie sont en berne.

    Je suis vraiment ravi que Sarkozy imprime à notre pays une autre assise, notamment en Europe, basée non seulement sur une auto-satisfaction d’ordre historique, mais aussi sur un pragmatisme volontaire et exigeant. La fierté d’être français, ce n’est pas seulement un sentiment passif : c’est aussi un pas alerte vers l’avenir.

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