Aidons l’Argent

Il devrait prendre part aux réjouissances. Il est des leurs, habillés comme eux, en costume et bien coiffé. Mais il regarde sur un écran de télé un enfant africain qui meurt de faim. Un vieil homme, négligemment, de dos, éteint le poste, tandis que l’on devine qu’un conseiller lui parle à l’oreille. Il sort, échappe à la convoitise d’une vieille femme. Quitte l’hôtel. Atteint la plage. Il est seul, il veut partir, il n’en a pas les moyens. C’est l’argent. Il n’est pas mauvais, l’argent. L’argent, il est prisonnier de ces territoires trop complaisamment appelés « paradis fiscaux ».

La campagne, ci-contre et ci-dessous, habile et taquine, est signée du CCFD. C’est, aussi, une campagne sarkozyste. Non ? Si ! Elle devrait donc rencontrer un grand écho, de tous bords. Souvenons-nous en effet qu’il n’y a guère plus d’un an, Nicolas Sarkozy remportait l’un des plus grands succès[1] de son quinquennat avec la réunion du G20 à Washington, puis à Londres.

Avec le G20 de Londres, il s’agissait de mettre fin aux paradis fiscaux. Nicolas Sarkozy réunissait les patrons des grandes banques françaises. Le patron du Crédit Agricole (peut-être pas le plus concerné), déclarait : « les banques françaises ont été exemplaires sur la rémunération des traders ; elles entendent aussi porter l’initiative sur les paradis fiscaux ». Septembre 2009, Nicolas Sarkozy pouvait le clamer : « les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé ».

Las, ces banquiers sont de piètres sarkozystes. Leur enthousiasme juvénile faisait plaisir à voir, l’engouement et la vertu sont pourtant retombés – insuffisamment stimulés par les pouvoirs publics certainement. Et de fait, c’est pas terminé. Les paradis fiscaux existent toujours. Sur aidonslargent.org, le CCFD donne ces chiffres : 800 milliards d’euros évadés des pays du Sud chaque année, 125 milliards d’euros de recettes fiscales en moins pour les pays du Sud, 30 milliards d’euros suffiraient à éradiquer la faim dans le monde.

Au moment où l’on examine un projet de loi sur l’immigration dont on peut craindre sans trop de risques qu’il ne fasse que l’effet d’un énième coup de cutter sur une jambe de bois passablement abîmée à force, voilà une initiative qui mérite l’attention. Sans s’arrêter sur des mesures déjà critiquées, croit-on vraiment que l’on puisse mettre un terme à l’immigration[2] avec des politiques simplement coercitives ?

Je garde encore cette image déchirante, déjà évoquée ici, d’un jeune africain, le long d’un grillage, à Ceuta ou Melilla. Désespéré de ne pouvoir rejoindre l’Europe, il se tord les bras, en larmes. Je pense aussi à ceux qui tentent la traversée dans le train d’atterrissage d’avions ou dans des barques instables entre le Sénégal et les Canaries. Aucun règlement, aucune loi ne peut venir à bout de leur détermination. Ces lois, ce ne sont que des digues instables, qu’une vague plus puissante emportera une jour. C’est écoper l’océan avec une petite cuillère, non ? Même Ivan Rioufol est d’accord avec moi : cette loi ne résoudra pas le problème.

Moralement, nous ne pouvons de toutes façons pas rester simplement crispés sur cette chance formidable qui nous a fait naitre dans ce beau pays, dans cette famille-là. Nous avons peut-être un mérite , nous avons certainement une responsabilité mais nous sommes avant tout des héritiers. Tout ça part en fin de compte d’un coup de cul, pour ne pas dire d’un coup de rein bien placé, géographiquement.

Comme le souligne Etienne Pinte, « la droite n’arrive jamais à faire des propositions permettant de prévenir intelligemment la maîtrise de l’immigration. Je le regrette. Ce sont toujours des textes de coercition, des textes réduisant les libertés publiques et en particulier la liberté de nos concitoyens d’origine étrangère ». Or, comme le dit le PCD, un volet co-développement est, au minimum, indispensable : « maîtriser les flux migratoires est un leurre tant qu’il y aura de tels écarts de développement entre les pays ».

Parce que la vertu et la morale ne déterminent guère l’action, donnons-nous aussi cet autre coup, de pouce cette fois : en décomplexant l’Argent pour de vrai, en le libérant[3], en lui permettant d’être utile, nous participerions à ce co-développement. Alors, aidons l’Argent, et aidons Nicolas Sarkozy à concrétiser son rêve. Donnons-lui ce coup de main, en envoyant ces cartes, virtuelles ou pas. Pour libérer l’Argent !

  1. passons sur sa contestation, ce n’est pas le sujet []
  2. si encore c’est ce que l’on souhaite []
  3. et sous réserve d’autres mesures []

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92 commentaires

  • Tout à fait d’accord avec votre billet.

    Le problème a résoudre n’est, non pas trouver de l’argent -il y en dans les paradis fiscaux et ailleurs- mais de vérifier où il va. Il est flagrant de constater que de nombreuses aides -notamment occidentales – se retrouvent chez les gouvernants de ces pays pauvres et servent à bien d’autres choses que de nourrir, éduquer, enseigner les populations;

    Une solution passe peut être (à moi, elle m’a paru bonne depuis des années) est de faire des parrainages d’enfants, afin de leur permettre de s’en sortir. On peut vérifier où vont nos dons et à quoi ils servent. Un peu hors sujet (rapatrier l’argent évadé pour s’en servir à aider les pays pauvres) mais dans la même ligne.

    Parce que se servir de cet argent, oui. Maintenant, être sûr qu’il servira à aider, c’est autre chose, dont je ne suis pas certaine du tout. (ex : au Pakistan, la population a fortement été touchée par les intempéries. Le Pakistan a réclamé de l’argent aux occidentaux pour aider son peuple….tout en continuant à dépenser de l’argent pour des armes….)

    Il me paraît plausible de penser que l’immigration pourrait être réduite par l’aide au développement intelligent. Plausible seulement. Il faudrait inclure toutes les raisons possibles et inimaginables du besoin -et du désir- de venir en Occident (la liberté n’est pas toujours proportionnelle à l’argent)

  • Bonjour,
    J’aime beaucoup ce que tu écris tant sur le fond que sur la forme. Je lis ton blog régulièrement (depuis « les capotes sont cuites » exactement) et j’apprécie aussi un bon nombre de tes commentateurs réguliers. Je tenais à te remercier pour tout ça… J’apprends énormément de choses ici.

  • Peut-on faire plus confiance aux gouvernements qui ramasseront ces impôts qu’aux industriels qui les détournent? Il le faut j’imagine, sans quoi on ne pourra avancer…

    Et la réponse « simple » au problème de l’immigration, c’est de ne pas avoir d’émigrants, que chaque personne sur Terre soit heureux là où il nait. Rendre cette manne fiscal aux gouvernements « du Sud » est sûrement un pas dans le bon sens, plutôt que barricader nos maisons de paille.

    Par contre 30 milliards d’euros pour arrêter la faim dans le monde? Cela me semble « peu », ou alors j’ai raté un épisode, et surtout me fait demander « Mais pourquoi on ne fait pas déjà??? ».
    Si on aide nos banques à respirer, on peut bien aider 1 milliard d’humains à manger. Non?

  • Tara a écrit : :

    Il me paraît plausible de penser que l’immigration pourrait être réduite par l’aide au développement intelligent. Plausible seulement. Il faudrait inclure toutes les raisons possibles et inimaginables du besoin -et du désir- de venir en Occident (la liberté n’est pas toujours proportionnelle à l’argent)

    Bien sûr. Il n’y a pas de réponse simple, ni de solutions évidentes, et ceci est affaire de pâte humaine. Mais on peut imaginer que ce qui amène certains à risquer leur vie pour rejoindre l’Europe va au-delà de l’attrait culturel.

    @ Raoul: merci beaucoup !

    @ Anterak: ce serait bien de pouvoir faire confiance. Malheureusement, pour ne pas tomber dans les bons sentiments, utiles mais insuffisants, il faut aussi envisager l’idée que ceux qui procèdent à l’évasion fiscale sont aussi des dirigeants locaux. Une telle mesure – la fin des paradis fiscaux – ne peut évidemment pas être isolée. Mais il faut toujours faire un premier pas.

  • « maîtriser les flux migratoires est un leurre tant qu’il y aura de tels écarts de développement entre les pays»

    Mais avec 1% de la population mondiale et une dette abyssale, n’est-ce pas également un leurre de croire que la France a les moyens de réduire significativement les écarts de développement entre les pays ?

  • La campagne du CCFD vise le G20. Il est évident que nous ne pouvons pas agir seuls. Tout comme il me paraît évident que nous ne pourrons jamais avoir des frontières étanches, à supposer même que cela soit souhaitable.

  • Mouais. D’accord sur plein de choses dont je me demande si c’est la peine de les énumérer, tant c’est évident. Après sur la forme politique que ça prend… mouais.

    Je résume : la guerre Sarkoziste contre les paradis fiscaux c’est bien, c’est un mieux, mais en matière de justice sociale, en particulier envers les pays du sud qui sont les principales victimes de cette injustice, sa politique n’a rien à voir avec une mesure de justice sociale envers les pays pauvres. Parce que il faut savoir de quoi on parle quand on parle de paradis fiscaux :
    1/ des zones défiscalisées
    2/ le secret bancaire

    N. Sarkozy a lutté contre le secret bancaire, et c’est heureux, mais pas contre les problèmes que suscitent les zones défiscalisées. Son truc, ça permet notamment à la France, et à ceux qui en ont les moyens, d’engager les procédures nécessaires de correction des bénéfices, de lutter contre la fraude fiscale, et plus généralement contre l’évasion fiscale. Oui, sauf que c’est, comme tu le décris, encore un palliatif. C’est pas pro-actif. Il ne s’attaque pas à la source, et c’est bien pratique. Pour le dire simplement, engager les procédures de corrections des bénéfices il faut en avoir les moyens – ça va quand on est la France – et surtout il faut en avoir la motivation : on va rarement le faire quand c’est au bénéfice d’une autre fiscalité que la notre.

    Tout le problème, à la base, vient de ce que des multinationales peuvent exploiter les matières premières et la main d’oeuvre de pays pauvres économiquement, mais pourtant riches en matière première et en main d’oeuvre (gros paradoxe). Ces matières premières sont alors « vendues » à une des filiales de la multinationale hébergée dans une zone défiscalisée, selon des prix de transferts qui ne correspondent pas aux prix du marché, et qui font donc que l’entreprise ne réalise aucun bénéfice dans son pays de production (le fameux pays « pauvre » mais « riche pourtant à la base »), ne lui paie donc aucun impôt. Et c’est la filiale du paradis fiscal qui peut se charger de la distribution, réaliser le plus gros de ses marges, mais dans une zone défiscalisée qui fera qu’elle ne paiera de toute façon pas d’impôt.

    Résultat, on prend aux pays du sud leurs richesses en ne leur laissant aucune contribution fiscale, et on engrange un max de bénéfice dans une zone qui fait l’impasse sur le concept de solidarité nationale, en ayant une fiscalité zéro. Le pays pauvre reste pauvre (un peu plus même qu’avant qu’on vienne lui piquer ses ressources naturelles), et le paradis fiscal reste un lotissement plein de bureaux, où la question de l’impôt ne se pose pas : ses ressortissants n’ont généralement pas besoin d’avoir recours à une forme quelconque de « solidarité nationale ».

    La solution à ça, je crois en tout cas, ce sont les mesures de corrections des bénéfices qui supposent la transparence bancaire et comptable sur ces bénéfices, mais qui suppose aussi et avant tout qu’on ait les moyens d’enquêter et de faire payer de puissantes multinationales. Rien n’est moins sur quand on est un pays pauvre. A mon avis, le gros du travail à faire, si on veut vraiment jouer au vrai libéral qui croit au dogme de l’auto-régulation des marchés, c’est au minimum de supprimer les prix de transfert et de soumettre enfin les échanges internes aux filiales d’une même multinationale, aux prix du marché. Parce que sans ça, pardon mais le libéralisme économique c’est juste un tombeau blanchi.

    Et tout le monde s’y retrouverait : les multinationales n’auraient plus le réflexe de faire du off-shore uniquement par souci d’évasion fiscale, puisqu’elle se retrouveraient sinon à fabriquer sur place des produits qui lui couteraient de toute façon, dans sa chaine de distribution, la même chose que si elle achetait aux producteurs locaux. Et les producteurs locaux qui ne sont pas des multinationales, et qui n’ont pas les moyens d’avoir un siège dans un paradis fiscal, ne subiraient plus une concurrence totalement déloyale. Je n’invente rien, ça s’appelle, dans la théorie le principe de pleine concurrence, prévu dans la législation sur les prix de transfert. Sauf que de la théorie à la pratique…

    Tout ça pour dire que je ne suis pas sur que notre gouvernement aille dans ce sens. Pourquoi ? Parce qu’on a les moyens de traquer ceux qui échappent à la fiscalité française et de faire revenir un peu des sous dans la caisse de l’état, mais que ça nous arrange certainement beaucoup moins de taper dans les bénéfices de nos entreprises qui contourne la fiscalité togolaise, par exemple. Or l’idée c’est bien que les impôts soient justement payés aux pays qui fournissent le gros de la richesse des entreprises. Me semble que les mesures de Sarkozy contre le secret bancaire, c’est surtout pour faire du bien à l’impôt des pays qui rassemblent le gros des parts de marchés à la vente (les pays occidentaux), pas pour faire du bien à l’impôt des pays qui fournissent les matières premières et dont les producteurs locaux crèvent la gueule ouverte parce qu’ils ne sont pas concurrentiels.

    Quant au volet co-développement proposé par le PCD, j’ai envie de dire : c’est tellement évident. La question c’est ce qu’ils proposent de mettre dedans. Je sais qu’il ne s’agit pas de donner le contenu du volet avant d’avoir démarré le projet. Mais j’avoue que j’aurai aimé entendre des suggestions concrètes quand même : pas faire comme si le problème était tout nouveau et que personne ne s’était penché sur la question. Mais bon, je comprends le risque : la moitié de ce qu’on risque de proposer est déjà dans les propositions de tel ou tel parti de l’opposition, et ça peut faire désordre sur le plan de la communication. Encore cette histoire de clan.

  • Deux citations:
    « Nada para el hambre », soit: « rien n’arrête celui qui a faim » (migrant sud-américain, en route pour les États-Unis).
    « le monde a été témoin des immenses ressources que les gouvernements peuvent mettre à disposition lorsqu’il s’agit de venir au secours d’institutions financières retenues comme « trop importantes pour être vouées à l’échec ». Il ne peut être mis en doute que le développement humain intégral des peuples du monde n’est pas moins important : voilà bien une entreprise qui mérite l’attention du monde, et qui est véritablement « trop importante pour être vouée à l’échec ». » (Benoît XVI, 17 septembre 2010)

    S’ils n’avaient pas faim, combien envisageraient de parti de chez eux? L’émigration (expérience personnelle), c’est toujours un déchirement. Il y a sûrement beaucoup de façons de travailler au développement intégral des peuples du monde, à tous les niveaux. Les insuffisances des uns ou des autres ne devraient pas nous en empêcher.

  • Ah oui, mais non. S’il n’y a plus de paradis fiscaux, comment est-ce que Bongo fils pourra renvoyer l’ascenceur et financer la campagne de Sarkozy 2012? Je vous le demande.

    Comme le suggère Tara, les revenus (ou aides financières) des pays pauvres sont largement détournés par les dirigeants, mais cet argent ne dort pas forcément dans des coffres en Suisse : il est réinvesti dans l’immobilier parisien, dans le financement politique (et « des » politiques par le jeu des rétro-comissions), etc. Autant dire que la supression des paradis fiscaux, qui permettent ce transit, serait douloureuse pour beaucoup de monde, grandes banques françaises incluses.

    A côté de ces détournements, l’évasion fiscale semble un sympathique passe temps. Ca ne me semble pas être la question essentielle, puisque de toutes façons, ce qui est prélevé par le fisc gabonais (par exemple) se retrouve ni plus ni moins que le reste à la merci de la famille reignante.

    Sus aux paradis fiscaux, donc.

  • Je suis désolé mais non et non, on ne peut pas faire passer tous les pays pauvres d’emblée pour des pays corrompus. C’est trop facile. Avant de faire sus aux paradis fiscaux, je dirais déjà sus aux clichés qui nourrissent confortablement la conscience de vivre « riche mais honnête ».

    Ensuite, juste un mot sur la solidarité, telle que suggérée par Tara, par exemple. La solidarité, c’est bien et c’est éminemment bon. Mais il n’y a aucune raison que ce soit perpétuellement un pansement sur la plaie de l’injustice sociale. Avant même d’inciter à la solidarité, il faut que le système économique, mondialisé comme il est, fonctionne selon la justice sociale. Ce que je décris sur l’évasion fiscale c’est de l’injustice sociale, et ça se combat. Dans le concret, par des lois et leur application. On veut un marché auto-régulé ? OK, pourquoi pas, j’ai envie de dire : à condition que les règles soient les mêmes pour tous. Le recours aux prix de transferts c’est du vol aux pays pauvres. On peut se dire que si c’est pas nous qui le volons, ce sera la famille dirigeante du pays à qui on aura laissé nos impôts… peut-être. Ce n’est pas le problème. Le problème c’est d’être juste. Point barre.

    Ensuite, la solidarité c’est autre chose. Elle est nécessaire, même dans un monde où règnerait la justice sociale pour tous. Comme le dit Koz, tout le monde ne pars pas avec la même chance dans la vie. Il y a des conjonctures, des paramètres naturels, qui justifient pleinement la solidarité. Et il y a aussi la valeur du don, qui est irremplaçable en terme de capital humain. Mais la solidarité n’est pas, et ne doit pas être un palliatif à l’injustice sociale. L’injustice sociale, au sens de l’organisation par des hommes et des institutions humaines de situations d’extrême pauvreté pour le bénéfice de quelques-uns, c’est de la délinquance, et ça se soigne avec autre chose que de la solidarité : avec des règles, des lois, et leur application.

  • @Pneumatis

    on ne peut pas faire passer tous les pays pauvres d’emblée pour des pays corrompus.

    Très bien, prenons le classement IDH en partant du bas, les dix « premiers » sont :
    Somalie, Niger, Afghanistan, Sierra Leone, République Centrafricaine, Mali, Burkina Faso, République Démocratique du Congo, Tchad, Burundi.
    http://www.populationdata.net/index2.php?option=palmares&rid=1&nom=idh

    Pas corrompus?

    6 sur les 10 sont d’authentiques républiques françafricaines. Le Niger, avant dernier, fournit 50-60% de l’uranium que nous consommons, ou revendons en même temps que des centrales nucléaires. Marrant non?

    Je veux bien admettre qu’il y a quelques exceptions, mais très peu.

  • Bonsoir Koz,

    L’argent est un outil pratique d’échange et d’accumulation de la valeur des biens et des services. L’évasion fiscale est clairement un abus, mais ne discrédite pas selon moi le capitalisme. Du reste, il existe des solutions politiques simples aux paradis fiscaux. Si les Etats-Unis, l’Europe et quelques autres s’entendent, ils peuvent très bien occuper militairement tous les paradis fiscaux (sauf peut-être la Suisse), et il existe un grand nombre de solutions intermédiaires, comme stopper les échanges financiers avec tous ces états. Vu l’importance par exemple du commerce de la Suisse avec le reste de l’UE, l’UE peut pratiquement dicter ce qu’elle veut à la Suisse. Parfois, la loi du plus fort a du bon.

    Pour revenir au problème plus large de la pauvreté, et du tiers-monde, je pense qu’il faut d’abord rappeler que, sauf guerre ou accident climatique, il y a de moins en moins de famines, grâce entre autres aux progrès de la révolution agricole et au commerce.

    Et il ne faut pas généraliser la situation de l’Afrique sub-saharienne à l’ensemble du tiers-monde. De nombreux pays sont en train de faire des progrès énormes en Amérique latine, en Asie, et même en Afrique Australe. Il y avait 400 millions de riches et 5 milliards de pauvres il y a 30 ans, mais nous sommes en train de voir l’émergence d’une classe moyenne mondiale de peut-être 2 milliards de personnes et en développement constant. Ce développement s’est fait avec des règles simples: un état qui assure d’abord la sécurité des biens et des personnes, et la stabilité de la monnaie, et dans un second temps l’éducation et un minimum d’aides sociales, de l’autre côté, des entreprises qui peuvent travailler tranquille et vendre dans les pays riches. Bref, le développement du tiers-monde est en route, par un phénomène qui n’a rien à voir avec les savantes politiques de développement et l’humanitaire, qui sont au mieux des réponses à des situations d’urgence.

    La pire erreur serait d’arrêter ce développement, par exemple en rétablissant le protectionnisme, en favorisant des aventures politiques hasardeuses, ou en rétablissant un paternalisme souvent à côté de la plaque.

  • Je plussoie Uchimizu. 2 ou 3 milliards d’humains sont en train de s’extraire de la misère non pas parce qu’on les a aidés mais parce qu’on a fait du commerce avec eux. Et on a fait du commerce avec eux parce que c’était rentable. Et c’était rentable parce qu’au-delà de prix très bas, ils pouvaient garantir un certain niveau de qualité, stabilité, sécurité, fiabilité.

    Le principal obstacle au développement est un environnement institutionnel hostile aux affaires : guerre, corruption, instabilité juridique…

    Envoyer des sous, combattre les paradis fiscaux, c’est très bien, mais moins qu’installer un centre d’appel ou ouvrir une usine d’électroménager.

    Si on veut vraiment aider l’Afrique, la meilleure chose à faire est sans doute de cesser de soutenir des dictateurs.

    Et si on veut vraiment combattre les paradis fiscaux, on n’a pas besoin du G20. Il suffit d’interdire d’opérer en France toute banque qui fait du business avec ces pays.

  • Hum. D’accord sur les progrès considérables du développement dans de nombreux pays, et sur le commerce comme outil premier de la lutte contre la pauvreté au niveau macro-économique.

    Mais il ne faut pas pour autant écarter toute responsabilité et toute aide d’un vague revers de la main. D’abord parce que nous avons encore des progrès à faire en matière de libre-échange: si les pays en retard de développement nous réclament avec tant d’insistance de mettre un frein à notre protectionnisme agricole, ce n’est pas pour faire joli, c’est parce que c’est vital pour eux.

    Ensuite parce que la mondialisation ne bénéficie pas équitablement à tout le monde, loin de là. Il reste des pays qui pour des raisons géographiques, politiques ou autres ne parviennent pas à s’en sortir tout seuls. La corruption est un élément important dans bien des cas, mais ce n’est pas une raison pour nous en laver les mains en attendant que celle, invisible, du marché. ait fait son oeuvre miraculeuse: dans l’intervalle, il reste encore beaucoup de morts de faim. Et même les progrès constatés ces dernières années sont parfois remis en cause par les effets indirects de la crise financière dont la responsabilité n’est pas à chercher dans la corruption des autres, mais bien chez nous.

    Lib a écrit : :

    Et si on veut vraiment combattre les paradis fiscaux, on n’a pas besoin du G20. Il suffit d’interdire d’opérer en France toute banque qui fait du business avec ces pays.

    Si nous faisions cela tous seuls dans notre coin, d’abord ce serait sans doute (je ne suis pas un expert) une violation de nos engagements internationaux, et surtout l’impact serait proportionnel au poids de la France dans la finance mondiale: pas déterminant.

  • Ce post critique l’argent des « paradis fiscaux », mais au final comme par hasard, tout finit par le classique « L’Afrique est mal partie… ». On commence fort et on termine par … ce qu’on peut !

    J’ai bondi quand j’ai lu un des commentaires sur le piège de protectionnisme. Pourquoi ? Parce que cela allait mettre à mal l’économie chancelante de la Chine ?, de l’Inde ? Ou piéger les pays de l’ex bloc soviétique ? Je n’ose imaginer voir encore toute cette production agricole sud-américaine partir à la décharge…

    Pourquoi l’Afrique est absente de ma liste ? Pourquoi gère-t-elle mal ses avantages ?
    Par la faute de « Nous ». Mais désormais « Nous », c’est tout le reste du Monde.

  • Je me permets de remémorer aux fans de notre Président que d’un trait de plume, il peut interdire les échanges financiers avec tous les pays qu’il souhaitera qualifier de paradis fiscaux.

    Et c’est beaucoup plus économique que de bétonner les frontières, hein…

    Mais bizarrement, ce courage politique là manque…. pourtant, moi, ça m’arrangerai bien de voir de quel pays vient le billet qu’on essaie de me refourguer.

  • Bonjour,

    @Gatien : J’ai l’impression qu’on se comprend mal. Des dirigeants corrompus, il y en a partout. Si la France subissait une catastrophe énorme, et que la communauté internationale, au moment de nous venir en aide, nous ressortait – je sais pas moi, au hasard, l’affaire Woerth ou celle des emplois fictifs à la mairie de Paris – ou je ne sais trop quelle affaire ou exemple douteux, pour justifier le fait de ne pas nous venir en aide, je pense que j’apprécierai moyen de m’asseoir sur la solidarité internationale à cause d’une poignée de types malhonnêtes qui risqueraient peut-être – ou peut-être pas – de tirer un profit de cette aide internationale. Des gens odieux il y en aura toujours, ils rendront des comptes au Seigneur le moment venu, et j’ai grande pitié pour eux en y songeant.

    Maintenant, ce que je disais – et ça rejoindrais presque les discours de Uchimizu et Lib – c’est que le problème du tiers monde ne vient pas de ce qu’on n’est pas assez solidaire avec eux. Ils ont besoin d’une certaine solidarité, mais ils ont avant tout besoin de justice ! Justice dans les échanges commerciaux, justice devant les protectionnismes des grandes puissances qui favorisent les exportations vers les pays pauvres, justice dans les moyens de production.

    J’ai parlé des prix de transfert dans mes précédents commentaires pour dire que si on veut être un libéral juste et cohérent, déjà on doit faire sauter ce truc là pour commencer, qui et profondément injuste. La justice c’est d’abord de la cohérence.

    On peut prendre un autre exemple. En France, nous avons toute une législation sur le commerce des produits frais. Respect de la chaine du froid obligatoire, normes sanitaires draconiennes, étiquetage normalisé, etc… Pourquoi ? Pour éviter qu’on vende aux consommateurs des produits qui les rendent malades. Du bon sens, quoi. Je me pose alors la question : si ça c’est imposé, pourquoi n’impose-t-on pas également le respect de normes, en prenant modèle sur des chartes du type de celle du commerce équitable. Pourquoi ne pas interdire la vente sur le territoire et l’importation de produits ne respectant pas la charte du commerce équitable, c’est-à-dire finalement des chaines de productions qui – comme les produits frais respectent la chaine du froid – respectent la dignité humaine d’un bout à l’autre de la chaine. Ce n’est qu’un exemple, mais si on a été capable d’imposer des règles strictes pour des raisons sanitaires, comment n’en seraient-on pas capable pour des raisons de dignité.

    Pour rebondir donc sur le commentaire de Lib, j’ai envie de dire d’accord, pourquoi pas ? Tope-là. Mais il ne faut pas confondre entre faire du commerce AVEC les pays du tiers-monde et faire du commerce DANS les pays du tiers-monde. Etant chrétien, et même d’ailleurs par simple humanisme, je crois profondément au principe de subsidiarité. Si on veut donner absolument sa chance à la mondialisation des échanges comme d’une chance pour le développement, alors que ces échanges respectent le principe de subsidiarité, qu’ils privilégient l’entrepreneuriat local, qu’ils respectent la dignité des personnes et l’équité dans les règles qui encadrent ces échanges. Parce que ouvrir un centre d’appel dans un pays du tiers-monde ou y implanter une usine d’électro-ménager pour y développer une production qui ne respecte pas les plus petites mesures sociales qu’on s’impose chez nous pour des raisons de justice et de respect des personnes, c’est du foutage de gueule pur et simple. On tire le monde vers le bas, au lieu de le tirer vers le haut.

    Notre premier capital à faire fructifier dans les pays du tiers-monde, ce ne sont pas nos investissements qu’on peut rendre plus juteux là-bas qu’ici pour les raisons que j’évoque. Le premier capital qu’on a à exporter, ce sont nos principes de justice sociale (quand nous en avons). Comment pourrions-nous, sinon, parler d’un libéralisme économique en faveur du développement quand nos chaines de production continuent de cautionner l’esclavage des enfants ? Ce n’est qu’un exemple. Comment pourrions-nous parler d’un système juste quand la concurrence avec les producteurs locaux dans les pays du tiers-monde est totalement déloyale, du fait des financements par nos états de nos producteurs pour faire grandir leurs parts de marché dans les pays du tiers-monde, ou du fait des prix de transferts que s’appliquent certaines multinationales qui peuvent faire des bénéfices sans aucune contribution fiscale aux pays du tiers-monde qui sont leurs bases de production ?

    Faisons déjà cela, tombons d’accord sur une juste application du libéralisme économique – et il y a du boulot – et peut-être qu’après nous pourrons grimper encore une marche dans le débat, en discutant sur la pertinence de proposer aux pays du tiers-monde le même modèle de développement économique que le notre, de faire de ces pays des copies du modèle occidental matérialiste si bon et si épanouissant pour l’humanité. Car c’est encore un autre débat.

  • J’aime bien ce que préconise le CCFD en matière de lutte contre les paradis fiscaux, parce que pour une fois ça me parait vaguement faisable. J’ignorais cette composante « lobbying » de l’action du CCFD que je voyais naivement comme un vecteur de distribution d’aide, et ça m’interpelle.

    Je veux bien bien essayer de croire aux mesures coercitives contre les paradis fiscaux, jusqu’aux plus péchues. Uchimizu, certains paradis fiscaux sont déjà occupés militairement par des pays du G20, et non des moindres : le Delaware, les iles Caimans voire le Royaume-Uni dans son ensemble :-/… On peut certainement limiter les abus les plus criants, mais in fine on se heurtera toujours à la souveraineté des Etats en matière fiscale. Et la mécanique qui fait que c’est les Etats qui en ont le plus besoin de recouvrer leurs impots qui y arriveront le moins dans un contexte mondialisé me parait difficilement contournable.

    Non, la réponse ne peut être qu’éthique, et c’est ce que me semble vouloir faire le CCFD, un peu sur le modèle de ce qu’on cherche à monter pour l’écologie. Premièrement, obtenir l’information, sans laquelle aucune action n’est possible. Deuxièmement, faire payer les entreprises via la dénonciation des pratiques les plus honteuses, ou valoriser l’éthique via l’attribution de labels. C’est evidemment pas la panacée, l’équivalent social du « green-washing » qui existe déjà se dévelloperait, mais j’attend toujours qu’on me montre qu’il existe une solution plus efficace…

    Donc pour conclure : tu veux exploiter des ressources au Niger et payer tes impots en Suisse ? Il n’y a que deux manières pour que ça marche : ton consommateur n’est pas au courant ou ton consommateur n’en a rien à foutre. On peut déjà commencer par limiter l’application de la première solution.

    Sinon, Koz aime l’Argent.

    Au delà du clin d’oeil, c’est vrai que cette opération coup de poing est une audace, peut être une tentation, pour une organisation catholique. Ca ne me parait forcément malvenu de rappeler que l’Argent n’est pas que celui qu’on a pas, et que les banques ont, mais qu’il est aussi le vecteur de notre générosité ou de nos actions collectives. Mais gardons nous tout de même de l’Argent trompeur…

  • Excusez moi, je me rend compte que la proposition du CCFD que je commente n’est pas dans le billet de Koz mais sur aidonslargent.org. la voici :

    « Nous demandons que les multinationales déclarent et publient leur bénéfice et les impôts qu’elles payent dans les pays où elles créent effectivement leurs richesses. Une telle transparence permettra de prévenir la fraude et l’évasion fiscale massive. »

  • Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi ceux qui voulaient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire et l’immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire.

    Cette petite phrase sage m’amuse toujours beaucoup.

    De quoi a-t-on peur, ici ?

    La corruption ? Oui, certainement, il y en a. Mais cela doit-il nous servir de prétexte confortable pour nous abstenir d’agir ? En outre, on fait quoi ? On attend qu’il n’y ait plus de corruption pour lutter contre les paradis fiscaux ou on attend qu’il n’y ait plus de paradis fiscaux pour lutter contre la corruption ? Soit dit en passant, les corrompus, ils les placent où, la plupart du temps, leurs avoirs ? Dans un pays occidental transparent qui risque un jour de geler leurs avoirs ? Ou dans un « paradis fiscal » opaque dans lequel de surcroît, il ne sera soumis à quasiment aucun impôt ? Les paradis fiscaux, c’est aussi le lieu de résidence préféré de l’argent du crime (corruption comprise, donc).

    Le paternalisme ? Faut-il alors laisser faire les régimes locaux, ou faut-il plutôt nouer des contacts concrets et ciblés avec des organisations contrôlées ? Allez… Ca sonne encore comme une excuse pratique. On disqualifie l’action par avance et, de fait, on ne fait rien, en comptant soigneusement sur la main invisible. Comme le dit Gwynfrid, le temps que la main invisible fasse son action, il y a beaucoup de morts de faim.

    Le discrédit du capitalisme ? Wow ! Rien que ça ? Qui a dit que les paradis fiscaux discréditaient le capitalisme ? Les paradis fiscaux sont un havre pour les fonds des libéraux, des socialistes, des dictateurs… Ils ne font pas de morale. Et la morale n’est pas spécialement dans le champ de compétence du capitalisme. Bref, il s’agit d’une pratique frauduleuse qui n’est attachée à aucun régime en particulier.

    Seul le commerce permettra d’aider les pays du sud ? Pourquoi l’un empêcherait l’autre ? Et faudrait-il simplement laisser le marché réguler tout cela ? Le marché, ce sont aussi les milliards d’euros que des sociétés font remonter dans des maisons-mères situés dans les paradis fiscaux. Libérer cet argent, n’est-ce pas précisément une mesure libérale ? Faisons-le circuler et faisons en sorte que, justement, l’argent du commerce bénéficie un peu davantage aux pays avec lesquels il est fait. Faut-il laisser le marché agir et s’abstenir de tout co-développement ? Je ne suis pas antilibéral : bien sûr que le commerce a sa (large) part et jouera très certainement son rôle. Mais je ne m’en contenterai pas, d’autant que la fascination du marché finit parfois par avoir un petit air de « lendemains qui chantent ». Nous avons d’un côté les gauchos qui attendent le Grand Soir, une révolution qui ne viendra pas, mais qui leur permet de se retrancher dans une contestation boudeuse. Nous avons de l’autre les libéraux qui nous disent que le marché n’est pas libre, qui n’ont de cesse de débusquer des rigidités étatiques permettant d’expliquer que ça ne fonctionne pas comme ils le disent. Mais cet état de pleine liberté des marchés est également un fantasme qui chante. Il n’existe pas, il n’a jamais existé, on ne le trouve que dans les livres. Alors, il faut faire avec la réalité concrète, avec l’état de l’économie mondiale, qui n’est pas une économie libérale.

    Il suffit d’interdire en France toute banque qui opère avec ces pays ? Merde, c’est bien libéral, ça ? 😉 Bon, ceci mis à part. Si cela suffit, faisons-le. C’est précisément ce que vise le CCFD : que les Etats, sous la pression de l’opinion publique, prennent les mesures nécessaires, au lieu de se borner aux déclarations générales.

    Ne pas généraliser le cas de l’Afrique ? Il faut dire, d’une part, qu’ils sont 1 milliard, que les famines les touchent en tout premier lieu et que – faut-il s’en étonner ? – elle fournit une part importante de notre immigration. Alors quoi ? Tant pis les gars, c’est votre merde, vous n’avez qu’à faire comme les pays d’Asie du Sud-Est, nous, on va pas généraliser votre cas ?!

    Vivien a écrit : :

    Au delà du clin d’oeil, c’est vrai que cette opération coup de poing est une audace, peut être une tentation, pour une organisation catholique. Ca ne me parait forcément malvenu de rappeler que l’Argent n’est pas que celui qu’on a pas, et que les banques ont, mais qu’il est aussi le vecteur de notre générosité ou de nos actions collectives. Mais gardons nous tout de même de l’Argent trompeur…

    Je la trouve assez drôle et très fine. Elle montre, aussi, qu’il n’y a pas à se défier de l’argent. Le problème n’est pas l’argent mais l’utilisation qui en est faite. Et puis, l’Argent trompeur… Il faut savoir se faire des amis avec l’Argent trompeur. D’ailleurs, le gérant malhonnête, il pratique quoi, sinon une remise de dette ?

  • @Koz
    « Je la trouve assez drôle et très fine. »
    Oui oui, moi aussi. Mais disons qu’elle m’interpelle aussi. Mais j’ai confiance en le CCFD pour rester aussi en dehors d’une logique purement monétaire, continuer à valoriser le Don, par exemple. Valoriser l’action personelle autant que l’action politique.

    Au fait, je me rend compte : j’ai mis le « ne », mais pas le « pas » dans cette phrase :

    « Ca ne me parait pas forcément malvenu de rappeler que l’Argent n’est pas que celui qu’on a pas, et que les banques ont, mais qu’il est aussi le vecteur de notre générosité ou de nos actions collectives. « 

    Ca sonne peut être mieux comme ça…

  • @Tous les théoriciens économiques:
    Moi je préfère la méthode de libérer l’Argent! Car voyez vous mes chers amis s’il s’agit de déshabiller Pierre pour habiller Paul, et paupériser certains pour permettre à d’autres de gagner en niveau de vie… Ben moi la seconde partie de la phrase me va, mais pas la première…
    A terme il y aura un rééquilibrage et les coûts augmenteront (on le voit déjà en Chine), mais en attendant laisser faire le marché sans amortir la violence causée par la rapidité des transferts financiers çà ne me va pas!
    Pourquoi?
    Car si à terme comme je l’écris tout le monde sera gagnant, pendant la phase de transition et donc de délocalisation, çà met pleins de gens sur le bord de la route dans les pays développés. Je le sais, de part mon job d’accompagnement de chômeurs je le vois tous les jours!
    Des gens compétents qui ont encore besoin de bosser 15-20 ans avant la retraite mais qui sont obsolètes car ‘trop chers’.
    Si c’est le prix à payer pour réduire la pauvreté dans le monde çà ne me va pas.
    Car quand on ne subit pas ces effets de la mondialisation et qu’on est bien au chaud dans sa salle à manger à discuter du poids des taxes qu’on paye entre patrons du CAC40 (je caricature à dessein), ben c’est sûr que la transition n’est pas dure à vivre!
    Donc la campagne du CCFD me va, car si on en suit la logique, elle accélérerait la péréquation des coûts de production au niveau mondial, et permettrait une transition plus rapide avec moins de gens mis sur le bord de la route par les effets de délocalisation de production.
    Si c’est 10-15 ans de gagné çà me va!
    D’ailleurs on remarque que certaines boîtes commencent à relocaliser.
    Ex: Rossignol et c’est bien car tout le monde à besoin de bosser pour bouffer et pour garder sa propre dignité, et pas seulement les bac+5, les ouvriers aussi!

  • Koz a écrit : :

    Comme le dit Gwynfrid, le temps que la main invisible fasse son action, il y a beaucoup de morts de faim.

    Mouais. La main très visible, ça fait un demi siècle qu’on la voit beaucoup en Afrique, et il y a toujours beaucoup de morts de faim et de maladies. En revanche, elle ne s’est pas trop occuppé de l’Asie qui, elle, sort de la misère. Je ne crois pas que ce soit une coïncidence.

    Il est temps de réaliser que les subventions publiques sont presque toujours une malédiction pour leurs « bénéficiaires ». Qu’ils soient individus, entreprises, secteurs d’activité ou régions, ces derniers les paient très cher en terme de dépendance et de capacité d’adaptation. Agriculture, sidérurgie, automobile, R&D, transport ferroviaire, logement, banlieues, start-ups… chaque fois que l’Etat veut stimuler un secteur, il l’enfonce irrémédiablement parce que le bénéficiaire se met à faire ce qu’il faut pour toucher la subvention plutôt que de faire ce qu’il faut pour être bon. Sans compter bien sûr la corruption qui prolifère dès que l’argent public coule à flot.

    Le plus bel exemple en France est la triste situation de nos DOM/TOM. Sous perfusion de la métropole, ils ne se développent pas et sobrent dans un désespoir régulièrement émaillé d’émeutes de plus en plus sanglantes.

    On peut aussi citer cet article d’econoclastes sur le Somaliland qui fait tout pour ne surtout pas être « aidé » par la communauté internationale.

    Un de mes amis haut fonctionnaire m’a dit qu’il a perdu toutes ses illusions sur le co-développement quand il s’est retrouvé à une conférence internationale en compagnie de 2000 délagataires qui lobbyaient en bouffant des petits fours pendant qu’une vingtaine de personnes négociaient les virgules d’une déclaration non-engageante, le tout aux frais de l’ONU.

    Ce genre de machins collectivo-administrato-publics ne marchent pas. Ils sont contre-productifs. Les promouvoir, ce n’est pas agir, c’est se donner l’illusion d’agir.

    Agir, c’est faire. Soi-même. Faire du business avec l’Afrique, c’est agir, dans le bon sens. Donner à titre personnel, c’est agir, dans le bon sens. Car l’aide privée n’a aucun des effets pervers de l’aide publique. Ni corruption, ni distorsion des incitations.

  • @Koz

    La corruption ? Oui, certainement, il y en a. Mais cela doit-il nous servir de prétexte confortable pour nous abstenir d’agir ? En outre, on fait quoi ? On attend qu’il n’y ait plus de corruption pour lutter contre les paradis fiscaux ou on attend qu’il n’y ait plus de paradis fiscaux pour lutter contre la corruption ?

    Je ne comprends pas le problème. Pourquoi faudrait-il choisir? Les paradis fiscaux servent à l’évasion fiscale ET au détournement de sommes colossales par des dirigeants illégitimes et autres chefs de guerre, aux trafics d’armes, aux rétrocomissions. En luttant contre les paradis fiscaux, on restreint les possibilités d’évasion fiscale, mais aussi et surtout de tout le reste, qui a des conséquences bien pires.

    Je recommande à ce propos cette brochure :
    http://survie.org/IMG/pdf_Brochure_Survie._Pour_en_finir_avec_les_paradis_fiscaux2005.pdf

  • Précisément, Gatien, vous me donniez le sentiment de vouloir choisir : « la suppression des paradis fiscaux ? Ouais, ben, y’a la corruption »…

    Lib a écrit : :

    La main très visible, ça fait un demi siècle qu’on la voit beaucoup en Afrique, et il y a toujours beaucoup de morts de faim et de maladies. En revanche, elle ne s’est pas trop occuppé de l’Asie qui, elle, sort de la misère. Je ne crois pas que ce soit une coïncidence.

    Comme je doute que l’on puisse trouver une cause unique, et un modèle économique précis. Au passage, les dragons m’ont l’air très branchés business, mais peu branchés libéralisme.

    Lib a écrit : :

    Un de mes amis haut fonctionnaire m’a dit qu’il a perdu toutes ses illusions sur le co-développement quand il s’est retrouvé à une conférence internationale en compagnie de 2000 délagataires qui lobbyaient en bouffant des petits fours pendant qu’une vingtaine de personnes négociaient les virgules d’une déclaration non-engageante, le tout aux frais de l’ONU.

    En avait-il vraiment, des illusions ? Parce qu’on en trouve tant, de ceux-là, qui sont prêts à témoigner de la gabegie pour justifier leurs renoncements…

    Lib a écrit : :

    Agir, c’est faire. Soi-même. Faire du business avec l’Afrique, c’est agir, dans le bon sens. Donner à titre personnel, c’est agir, dans le bon sens. Car l’aide privée n’a aucun des effets pervers de l’aide publique. Ni corruption, ni distorsion des incitations.

    Faire du business avec l’Afrique, il semble que cela existe. Il semble aussi que ce soit loin d’être une protection contre la corruption, bien au contraire. Je n’ai pas l’impression que les multinationales pétrolières ou agro-alimentaires qui agissent en Afrique rendent fondamentalement hommage aux grandes vertus de l’action privée.

    Par ailleurs, quelqu’un soulignait que le « co-développement », c’était bien flou, comme concept. C’est vrai, et il ne faudrait pas se contenter d’un mot-valise qui fait du bien. Mais pourquoi penser que cela passera nécessairement et/ou uniquement par l’action publique ? On n’a plus d’imagination, par ici ?

  • Koz a écrit : :

    Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi ceux qui voulaient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire et l’immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire.

    J’aime bien cette phrase… au risque de faire une petite digression très légère. De ces trois groupes contre toi, le second me semble légitime (on a toujours le droit de pas être d’accord), le troisième est toujours affligeant, mais le premier est malheureusement une grande tentation. Je le dis parce que pour moi c’est un combat de chaque jour. Revendiquer un : c’était mon idée ! Regarde même là, avec le communiqué du PCD, il a fallu que je sois critique. Et pourtant, je te promets que je me suis freiné grave. J’en suis resté à quelque chose qui me semblait honnête, mais l’esprit « partisan » a bien failli avoir raison de mon commentaire. Alors des fois, je me fais violence, pour féliciter tel ou tel adversaire d’avoir eu une bonne idée, et en évitant de trop la ramener sur le fait que peut-être bien que ça fait longtemps qu’on le dit, qu’il était temps, et tout et tout. Bon là, j’ai raté. Ceci dit, ça fait longtemps qu’on le dit. Bon d’accord, v’la que j’en remets une couche. Tu vois, c’est plus fort que moi.

    Ceci dit, pour aller dans le sens de Vivien, vraiment je suis de plus en plus réceptif aux campagnes du CCFD. L’année dernière j’avais rebondi sur la campagne Noël autrement, par exemple, et avec l’école de mon fils, j’avais organisé une collecte de jouets. Alors bon, c’était plus dans l’action solidaire que dans le lobbying, mais il y avait déjà une dimension de sensibilisation. C’est du lobbying local en quelque sorte. J’avais relayé aussi la campagne « l’été autrement » mais sans trop savoir quoi en faire sur le terrain de la solidarité, pour tout dire. A part faire ce qu’on a fait : pas partir en vacances. Et puis ça tombait bien, on n’avait pas les moyens.

    Hier soir j’étais à une réunion pour la (re-)création d’un pôle solidarité de ma paroisse. Avec pleins de bénévoles du Secours Catholique, du CCFD, de Saint Vincent de Paul, ou même encore d’Emmaüs et des Restos du coeur. Moi j’y allais à la fois en tant que membre de l’ACI, et plus discrètement en tant que membre du parti Solidarité – Liberté, Justice et Paix. Discrètement, parce que j’en avais parlé à mon curé, et dès qu’on présente son engagement comme politique, donc partisan, faut éviter d’extorquer une quelconque caution de l’Eglise pour tel ou tel parti. Si la politique était une religion, l’Eglise serait la plus grande laïcarde qui soit 🙂

    Mais malgré tout, en parlant de la solidarité, vécue sur le terrain, un peu comme ici on est aussi venu à parler de justice aussi. Comme je le disais dans un de mes précédents commentaires, le diacre responsable des pôles solidarité du diocèse a bien reconnu que la charité, c’est aussi la charité politique, et que les chrétiens ont non seulement le droit, mais le devoir, d’allier à leurs engagements solidaire, une action auprès des élus, par l’information, la sensibilisation, la communication, etc… Et de revenir notamment sur les récentes communications de l’Eglise concernant les Roms, ou là le communiqué de la CEF sur le projet de loi sur l’immigration. Ou là, avec cette campagne du CCFD.

    Du coup, comme moi je suis plus impliqué jusqu’à maintenant dans cette dimension là que dans la dimension terrain, j’ai profité de la soirée pour « infiltrer » un peu plus la dimension terrain. Et comme je disais que je suis assez sensible aux campagnes du CCFD, ben c’est vers le CCFD que je me suis tourné, et je suis très content de pouvoir bientôt intégrer l’équipe CCFD de mon secteur. Et j’en jubile d’avance, parce que j’ai une foultitude d’idées à proposer dans l’action locale, que je pourrais d’ailleurs non seulement soumettre dans le cadre de l’équipe CCFD, mais aussi dans le cadre du nouveau pôle Solidarité qui va se monter dans la paroisse. Là aussi il va falloir que je me freine.

    La plus ambitieuse techniquement en action locale, mais qui me tient à coeur quand même, c’est de monter un projet « microcrédit » au sein de la paroisse. Recruter un bénévole expert comptable à la retraite, lancer des appels à tous ceux qui cachent de l’argent sous leur matelas, mettre ça en commun, puis recevoir et étudier des demandes de « secours » de la part d’artisans locaux ou de familles en difficultés, et leur allouer des microcrédits sur les deniers des paroissiens. J’ai vu une paroisse qui faisait ça, et ça m’a vraiment emballé.

    Bon bref, voilà, elle était bien longue, ma digression.

  • (c’est amusant, fut un temps le CCFD était soupçonné de ne pas vraiment aider que l’argent, non ?)

    « Envoyer des sous, combattre les paradis fiscaux, c’est très bien, mais moins qu’installer un centre d’appel ou ouvrir une usine d’électroménager. »
    Régine Pernoud préconisait d’apprendre à construire des moulins (bon, pas seulement, mais c’est l’idée, quoi). C’est une tout autre voie, c’est sûr – mais à laquelle il serait intéressant de songer. Enfin, là, c’est de la vision à long terme ; normal, pour une historienne.

  • Koz a écrit : :

    Par ailleurs, quelqu’un soulignait que le « co-développement », c’était bien flou, comme concept. C’est vrai, et il ne faudrait pas se contenter d’un mot-valise qui fait du bien. Mais pourquoi penser que cela passera nécessairement et/ou uniquement par l’action publique ? On n’a plus d’imagination, par ici ?

    Dans un de mes posts, sur mon blog, à propos d’immigration et de co-développement, je suggérais une solidarité sous forme de microcrédits, sur le mode d’une gestion sectorielle (crédit éducation, crédit santé, crédit investissement, crédit alimentation, etc…), et surtout géré par des ONG historiques, expérimentées dans le domaine, avec le soutien financier de la communauté internationale.

    La solution du co-développement par le micro-crédit a été expérimentée avec beaucoup de succès par l’Eglise en Amérique Latine, par exemple. Au Chili notamment en partie grâce aux travaux d’un de nos compatriotes, Hubert de Boisredon, depuis PDG du Groupe Armor et qui a co-fondé une association dans ma région « Entrepreneurs responsables » visant à rassembler les entreprises qui le souhaitent autour d’une charte de développement solidaire, équitable et écologique (c’était la minute de pub). Bref, par rapport à ce que dit Lib, la solution du co-développement par le micro-crédit, dans la mesure où elle relève de prêts ciblés, petits et à court terme, et surtout destinés à être remboursés, échappe à bien des pièges de la corruption. Ceci dit, c’est toujours difficile de prévoir ce qu’il adviendrait d’une mise en oeuvre à grande échelle, façon bourrain.

    Et puis le co-développement, ce n’est pas que la finance. C’est aussi la santé, par exemple. On fait déjà pas mal, dans le domaine, mais bon sang ! qu’est-ce qu’il y a encore comme efforts à faire. Pas loin de là où j’habite, un médecin et son épouse sont parti, je ne sais plus dans quel pays d’Afrique, pendant 2 ans pour aider dans un hôpital. En fait d’aider, il vont reprendre complètement l’hôpital qui a été déserté faute de moyens – déserté par tout le monde, sauf sa « clientèle ». Lui fera les soins, et son épouse la gestion administrative. Ils seront deux, seuls, perdus au milieu de la brousse. Faut en vouloir quand même. J’ai du mal à voir comment soutenir et encourager ce genre de projet serait récupéré par quelque forme de corruption que ce soit. Investir dans des murs et du matériel médical de proximité, ça nourrit pas un dictateur. On pourrait aussi parler de l’éducation, etc, etc…

  • Précisément, Gatien, vous me donniez le sentiment de vouloir choisir : « la suppression des paradis fiscaux ? Ouais, ben, y’a la corruption »…

    On ne peut pas lutter contre la corruption tant qu’il y a des paradis fiscaux. J’aurais été bien bête…

  • C’est cuit. Il n’y a pas de réponse facile, et il n’y a surtout aucune réponse. Le mal est fait.
    Les deux racines de l’immigration sont les guerres et la famine. Dans les 2 cas ce sont des gens qui tentent de sauver leur vie.
    Et effectivement, contre ça, aucune mesure ne peut être coercitive. Pour quelles le soient, il faudra des lois qui donnent la garantie à chaque immigré clandestin qu’il mourra une fois atteind son but.
    Il n’y a rien qu’on puisse faire pour ces pays en voie de développement. On pourrait investir les milliards planqués dans les paradis fiscaux que ça n’y changerait rien. Ce n’est pas qu’une question d’argent. Il y a aussi la question de l’environnement. Ces pays sont deja en train de subir sévèrement les conséquences du changement climatique et c’est encore eux qui vont en souffrir le plus dans le future. Ces gens iront là ou il y aura à manger et à boire tout simplement. Ils viendront massivement d’Afrique vers l’Europe et d’Asie vers les USA. Il faut être bête ou aveugle pour ne pas voir que la population mondiale est en Asie et que les terres cultivables sont en Amérique du Nord.
    Bref, les pays développés vont devoir faire face a une immigration de plus en plus massive et désespérée. On peut choisir de tenter de la contrer et la rendre ainsi encore plus violente, ou alors essayer de l’envisager avec sagesse et la rendre un minimum constructive.
    Dans tous les cas, nous n’y échapperons pas. A nous de choisir entre la guerre et la paix.

  • Tiens une remarque au passage pour le PCD, parce que je n’avais pas tilté sur le titre de leur communiqué, que tu as mis en lien : Projet de loi sur l’immigration : la naturalisation doit être la conséquence d’un processus d’assimilation sérieux !. Le hic, c’est que la doctrine sociale de l’Eglise n’est pas favorable à l’assimilation des migrants, et pour cause : c’est une atteinte à l’identité culturelle du migrant. Je cite JPII :

    On doit en effet exclure aussi bien les modèles fondés sur l’assimilation, qui tendent à faire de celui qui est différent une copie de soi-même, que les modèles de marginalisation des immigrés, comportant des attitudes qui peuvent aller jusqu’aux choix de l’apartheid. La voie à parcourir est celle de l’intégration authentique (cf. Ecclesia in Europa, n. 102), dans une perspective ouverte, qui refuse de considérer uniquement les différences entre les immigrés et les populations locales (cf. Message pour la Journée mondiale de la Paix 2001, n. 12).

    C’est bien malheureux d’avoir titré sur l’assimilation, d’autant que le concept n’est pas repris dans le communiqué. Mais là franchement ça fait tâche. C’est comme si ils avaient intitulé un communiqué sur le co-développement : « le co-développement doit être la conséquence d’un processus de colonisation sérieux ! ». Ca aurait fait tâche aussi. Faudrait peut-être leur rappeler, gentiment, hein.

  • Je trouve le CCFD sur cette campagne un peu trop militant à mon goût.

    A vrai dire, je suis très sceptique sur l’efficacité de cette campagne. En tout cas, moi je ne vois pas comment en envoyant une carte postale ou en utilisant leur visuels, l’Argent, qu’on ne sais pas qui il est vraiment et si il appartient à quelqu’un, sauf qu’il a un bras et une jambe issus du crime et de la drogue, irait quitter les paradis fiscaux pour retourner aux pays les plus pauvres et payer des salaires et des assurances sociales.

    L’argumentaire du CCFD est beaucoup trop flou et je le trouve, à la limite, un peu de mauvaise foi. Il faudrait pas qu’ils prennent les gens pour des naïfs de première catégorie.

  • Koz a écrit : :

    En avait-il vraiment, des illusions ? Parce qu’on en trouve tant, de ceux-là, qui sont prêts à témoigner de la gabegie pour justifier leurs renoncements…

    Oui, il en avait. Et l’envie aussi, suffisamment pour avoir agi, réellement et concrètement. Et ce n’est pas la gabegie qui justifie le renoncement. C’est la prise de conscience de l’inefficacité ontologique du machin qui justifie de ne plus jamais vouloir passer par là.

    Koz a écrit : :

    Mais pourquoi penser que cela passera nécessairement et/ou uniquement par l’action publique ? On n’a plus d’imagination, par ici ?

    T’es un peu gonflé quand même. T’es en train de nous vanter une campagne qui prétend nous encourager à faire pression sur nos politiques pour qu’ils utilisent le prochain sommet du G20 pour bannir les paradis fiscaux. Wow. Etait-il possible de trouver une « action » plus publique, plus suprapublique?

    Entendons nous bien. Je ne dis pas qu’il ne faut rien faire. Je suis simplement fatigué de cette tendance lourde à ne concevoir les bonnes actions qu’au travers d’organismes collectifs les plus dilués possible. « Seul je ne peux rien faire, la seule action possible passe par une association, une entreprise, l’Etat, l’Union Européenne, l’ONU… »

    Bullshit! C’est tout simplement faux. Ce n’est au mieux qu’une béquille morale pour se donner bonne conscience alors qu’on ne fait rien et au pire un artifice rhétorique pour taper sur son adversaire politique.

    Ces raisonnements sont pervers. Ils transforment une volonté de faire le bien de quelqu’un en réalité de dire du mal de quelqu’un d’autre.

    L’initiative du CCFD ne fait pas exception. Le site vers lequel tu renvoies ne parle pas des pays pauvres ou d’action pour les aider, mais il pointe bien le doigt vers les « méchants ». Dans l’onglet « Agir », on trouve un encadré avec les « revendications » du CCFD :

    Si l’entreprise a une activité réelle dans un pays, elle n’a rien à cacher : Des comptes transparents pour les multinationales

    Tolérance zéro pour les trusts et autres structures juridiques opaques : Stop aux sociétés écrans qui permettent d’échapper à la justice et à l’impôt

    La criminalité économique et financière ne doit pas être laissée impunie : Réprimer plus durement la criminalité économique et financière

    Curieusement, on ne parle plus de paradis fiscaux. Le lien, qui était déjà indirect avec les Africains, a totalement disparu. On est dans la stigmatisation classique floue et générale des usual suspects : les multinationales, les délinquants en col blanc qu’on laisse impunis, etc. Je rappelle que le 2e C de CCFD veut dire Catholique, j’ai été pris d’un doute.

    Mais revenons à l’essentiel.

    Entre faire le bien des gentils et dire du mal des méchants, on a toujours le choix. Mais un seul des deux constitue une bonne action.

    Si on veut aider les chômeurs à trouver un job, on peut dire que les patrons sont des salauds, ou on peut monter une entreprise ou créer ou rejoindre une association qui aide les chômeurs à se réinsérer.

    Si on veut aider les pauvres à se soigner, on peut dire que les médecins en secteur 2 sont des salauds, ou on peut devenir soi-même médecin et soigner les CMU ou créer ou rejoindre une association qui soutient ces médecins-là.

    Si on veut aider les habitants du tiers-monde, on peut aller au G20 dire du mal des « multinationales », ou on peut partir là-bas aider les habitants ou envoyer de l’argent.

    Et si on pense vraiment que les paradis fiscaux, en facilitant la corruption, sont un obstacle majeur au développement des pays pauvres (ce que je ne suis pas loin de penser); si on croit vraiment que le G20 sert à quelque chose et si on veut vraiment influer sur ses débats, on peut se casser le cul à rédiger des propositions concrètes qui ont une chance d’être appliquées plutôt que de servir un pâle remake de « nos vies valent plus que leurs profits ».

  • Bonsoir Koz, Lib et les autres,

    j’ai eu la chance de participer, dans le même pays du sud, et à quelques années d’intervalle, à une action humanitaire et à la création d’activités délocalisées. Je souhaiterais partager mon expérience avec vous.

    La création d’activités économiques dans le tiers-monde est aussi, j’aimerais le souligner, un don de soi: je peux vous assurer qu’il faut un certain courage pour s’éloigner loin de sa famille, subir la bureaucratie, compenser et subir les infrastructures vétustes, et former des gens qui n’ont pas la même culture d’entreprise qu’en occident: ce dernier point est celui qui demande le plus d’énergie, mais aussi le plus intéressant. Les expatriés ne le clament pas forcément sous tous les toits, mais je pense qu’il y a beaucoup de héros anonymes parmi eux.

    Il y a aussi des héros dans l’humanitaire, mais comme il ne s’agit que d’un passe-temps, j’ai aussi vu beaucoup arrêter très vite, ou s’investir juste le temps des vacances, et ne pas produire grand-chose d’utile. Et puis, l’humanitaire a aussi ses égoïsmes: l’humanitaire, surtout à l’étranger, ce sont aussi les vacances routard ultimes, et j’en étais le premier coupable. A plus haut niveau, l’humanitaire public est souvent un moyen de refiler les invendus de nos entreprises nationales ou nos surplus agricoles, alors que les mêmes sommes d’argent auraient été beaucoup plus utiles dépensées autrement.

    Mais surtout, l’humanitaire ne passe pas au formidable crible de la rentabilité. Beaucoup d’actions humanitaires sont désordonnées, et parfois fort inutiles, même si elles sont de bonne intention. L’action que j’ai menée visait par exemple à construire une école en pleine campagne, ce qui était en théorie fort bien, sauf que les enfants ne pouvaient par la suite continuer leurs études et retournaient de toute façon à leurs travaux des champs, oubliant vite leur instruction. Peut-être que dans cette vallée, une école ne servait pas à grand chose, mais que l’on aurait plus eu besoin d’une route pour communiquer avec la grande ville voisine. Peut-être aussi que les habitants avaient plus besoin de ressources supplémentaires que d’éducation, et peut-être donc qu’installer une usine aurait été plus utile. L’école aurait pu venir quelques années après, quand les habitants étaient assez riches pour que leurs enfants continuent leurs études.

    Bref, si l »humanitaire est très adapté aux situations d’urgence, je ne pense pas qu’il soit collectivement assez intelligent pour mener des actions de développement utiles. Le marché, mais aussi les gouvernements de bonne foi, sont mieux placés pour cela (les gouvernements passsent eux au filtre de l’élection).

  • @ Pepito: oui, le CCFD est militant, et il ne s’en cache pas. Je ne suis ordinairement pas de la même sensibilité mais pourquoi ne pas reconnaître le bien-fondé d’une action ? Et pourquoi ne devrait-il pas être militant ? Faut-il se contenter d’agir localement, d’appliquer des patchs, et de laisser le monde tourner autrement ?

    Il est évident que ce n’est pas simplement en envoyant des cartes postales que l’on va mettre un terme aux paradis fiscaux. Il s’agit d’en appeler à l’opinion publique, pour influencer le G20.

    Lib a écrit : :

    T’es en train de nous vanter une campagne qui prétend nous encourager à faire pression sur nos politiques pour qu’ils utilisent le prochain sommet du G20 pour bannir les paradis fiscaux. Wow. Etait-il possible de trouver une « action » plus publique, plus suprapublique?

    Au contraire, c’est une action parfaitement libérale que d’assurer la libre-circulation de l’argent et son emploi dans les endroits où il sera utile. Et comment pense-tu pouvoir mettre fin à des politiques nationales sans agir au niveau national ?

    Lib a écrit : :

    Ces raisonnements sont pervers. Ils transforment une volonté de faire le bien de quelqu’un en réalité de dire du mal de quelqu’un d’autre

    Et c’est un principe qui peut se décliner longuement : par exemple, puisque tu es sincèrement convaincu que les paradis fiscaux sont nuisibles, tu aurais pu soutenir une autre proposition plutôt que de dire du mal du CCFD.

    Quant aux multinationales, quand, de fait, elles s’efforcent de faire remonter les bénéfices dans un paradis fiscal pour ne pas subir l’imposition du pays dans lequel elles agissent, je ne crois pas qu’elles aient à recevoir de félicitations.

    Lib a écrit : :

    Si on veut aider les habitants du tiers-monde, on peut aller au G20 dire du mal des « multinationales », ou on peut partir là-bas aider les habitants ou envoyer de l’argent.

    Tu veux l’adresse du CCFD ?

    Uchimizu a écrit : :

    Bref, si l »humanitaire est très adapté aux situations d’urgence, je ne pense pas qu’il soit collectivement assez intelligent pour mener des actions de développement utiles. Le marché, mais aussi les gouvernements de bonne foi, sont mieux placés pour cela (les gouvernements passsent eux au filtre de l’élection).

    Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire qu’être « collectivement intelligent » ? Y-a-t-il un seul système qui préserve des erreurs ? Quant à trouver le marché « intelligent », attention, Uchimizu, vous commencez à idôlatrer. Le marché n’est pas intelligent.

  • @Lib : vous êtes sacrément culotté je trouve (en toute sympathie, hein). La manière dont vous contournez le problème m’effare sur ce coup-là. La question, et elle est soulevée par le CCFD comme par bien d’autres (là comme ça je pense notamment à Eva Joly, en particulier qui s’est pas mal intéressé à la question des prix de transferts des multinationales), c’est de savoir si les pratiques de production offshore qui permettent l’évasion fiscale sont, oui ou non, des pratiques injustes (pour ne pas le dire autrement). Est-ce que oui ou non, c’est une perversion des fameuses loi du marché chères au libéralisme économique ? Est-ce que oui ou non c’est du vol des richesses des pays pauvres ? Et est-ce que oui ou non c’est de la concurrence déloyale envers les producteurs locaux ? C’est juste à cette question qu’il suffit de répondre.

    A moins d’être d’une mauvaise foi éhontée, considérer qu’une entreprise puisse assurer le plus gros de sa production dans un pays pour n’y réaliser aucun bénéfice et donc n’y être soumis à aucune contribution fiscale en transférant sa production à prix coutant et tuant donc toute possibilité de concurrence locale, pour réaliser ensuite ses bénéfices sur un territoire défiscalisé… considérer que c’est quelque chose de juste me semble simplement impossible. Et vous, vous venez nous dire que lorsqu’il y a des pratiques malhonnêtes, il ne faut pas le dire, et ne pas user des pouvoirs publics pour faire régner la justice ?

    Oui parce qu’on ne parle pas de solidarité là, mais de justice. Et je trouve que cette campagne du CCFD est vraiment tout à son honneur. Le CCFD n’a de leçon à recevoir de personne en matière de solidarité sur le terrain, à la force du poignet. Mais la solidarité ne fait pas tout, et comme je l’ai déjà dit, sa vocation première n’est certainement pas de compenser l’injustice. Et là, le CCFD lutte pour quelque chose qui est complémentaire de l’action solidaire : la justice sociale.

    Vous allez pouvoir vous en donner à coeur joie en cris de vierge effarouchée suite à l’exemple que je vais donner, mais je vous demande cependant de ne pas y voir tant un amalgame qu’une simple analogie. Imaginez qu’un quartier soit exploité par une mafia criminelle, qui rackette et vole à l’envie. Le jour où le CCFD se lève et dit qu’il faut interpeler les pouvoirs publics, pour qu’ils fassent leur travail en rétablissant la justice, vous critiquerez l’initiative et direz qu’il vaut mieux aller faire de la concurrence à cette mafia sur le terrain, se faire justice soi-même, quoi d’autre encore ??? Que les bénévoles qui le souhaitent, habités par l’esprit de solidarité, se rendent dans le quartier et donnent aux victimes l’argent que la mafia leur a volé ? Vous n’avez pas l’impression qu’il y a comme un problème, là ?

    L’histoire, et je l’ai compris en vous lisant régulièrement, c’est que vous n’aimez pas qu’on traite les patrons de voyous, les multinationales de grands méchants, etc… d’accord, ça me va. Mais faut pas sombrer dans le travers opposé. les multinationales honnêtes n’ont rien à se reprocher. Ne sont visées que celles qui pratiquent l’évasion fiscale. Et en l’occurrence, pour pratiquer l’évasion fiscale telle que celle qui est dénoncée ici, il faut être une multinationale. Alors, bon… y a bien un moment où il faut appeler un chat, un chat.

    Moi je veux bien qu’on défende le système économique qui vous est cher, à la limite. Mais qu’on le fasse en cohérence, et dans le respect d’un minimum justice. Est-ce que le CCFD, dans cette campagne, fait autre chose que de demander aux gouvernements d’assurer la justice ? Et si ce n’est pas leur rôle, alors de qui est-ce le rôle ?

  • @Koz,

    J’ai (enfin) pris le temps de lire cet article.
    J’espère que cette campagne va porter des fruits.
    Qu’on soit libéral ou dirigiste, que l’on soit chrétien ou humaniste athée, tous nous aimerions voir disparaitre cette tache honteuse que sont ces paradis fiscaux.

    Certes, c’est parfois douloureux de payer des impôts mais c’est une forme anonyme de notre solidarité et s’y soustraire n’est que lâcheté et indifférence.

    Quand ce sont les plus riches qui s’adonnent à cette bassesse sur le dos des plus pauvres, c’est encore plus écœurant !

    Quelle que soit l’origine géographique de l’argent camouflé dans ces lieux, qu’il vienne de pays riches ou a fortiori de pays en développement, cet argent doit être déclaré.

    @lib,
    La « main invisible » n’est pas assez virile pour murer seule la porte de ces paradis

  • @Pepito

    Je trouve le CCFD sur cette campagne un peu trop militant à mon goût. […] l’Argent, qu’on ne sais pas qui il est vraiment et si il appartient à quelqu’un, sauf qu’il a un bras et une jambe issus du crime et de la drogue […] L’argumentaire du CCFD est beaucoup trop flou […].

    C’est aussi ma première réaction (et ce que je répète depuis le début) : il est un peu étrange de se focaliser sur l’argent « planqué », ou « bloqué », dans des paradis fiscaux. Comme si cet argent était statique, alors que les flux sont très rapides. Etrange aussi de ne pas envisager d’autres mécanismes que la simple évasion fiscale pour expliquer d’où vient, et à quoi sert cet argent.

    Mais en fait, si le CCFD entrait plus dans le détail, vous le trouveriez encore plus militant (cf. mon lien çi-dessus), si bien que la stratégie n’est peut-être pas si mauvaise : tenir un discours très modéré et se contenter de demander la transparence. Ca n’a l’air de rien, la transparence, mais c’est un bon point de départ.

  • @Lib

    Je suis simplement fatigué de cette tendance lourde à ne concevoir les bonnes actions qu’au travers d’organismes collectifs les plus dilués possible. […] On est dans la stigmatisation classique floue et générale des usual suspects : les multinationales, les délinquants en col blanc qu’on laisse impunis, etc.

    Peut-être que si vous entrepreniez des actions à titre individuel en Afrique, vous finiriez par vous rendre compte que vous pissez dans un violon, tandis qu’un système infiniment plus puissant que vous défait en une seconde ce que vous mettez dix ans à construire. Vous conclueriez alors qu’il importe d’agir à un niveau supérieur. C’est l’expérience que font beaucoup de gens, par exemple http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Xavier_Verschave.

    Celà explique que le CCFD, comme la plupart des associations oeuvrant en Afrique, initialement pour la santé, l’alimentation, l’éducation,… finissent par s’adresser directement aux politiques occidentaux ou aux entreprises. Non pour leur demander de l’aide, mais pour qu’ils arrêtent de nuire.

    Bien sûr, c’est difficile à admettre pour vous : il vaut mieux ouvrir un centre d’appel, etc. Le comble, c’est que nous sommes visiblement d’accord sur l’essentiel. C’est seulement sur ce côté « le libéralisme à toute les sauces sauvera le monde » et « l’action individuelle vaut mieux que les machins internationaux » que je ne vous rejoins pas.

    M’enfin, votre façon de défendre les pauvres businessmen opprimés est attendrissante.

  • @Uchimizu

    « construire une école en pleine campagne, ce qui était en théorie fort bien, sauf que… »

    Vous illustrez fort bien ce qui constitue l’écrasante majorité des actions entreprises individuellement ou en petits groupes, tant vantées par Lib.

    Je suis quand même un peu moins pessimiste que vous sur les grosses structures, telles MSF, qui semblent monter des projets qui tiennent la route économiquement et socialement. Celà suppose d’engager 10 projets pour n’en mener qu’un seul à son terme. Impossible à titre individuel : quand vous vous préparez depuis 2 ans à aller construire une école dans un trou perdu à l’autre bout du monde, que vous avez collecté des sous dans votre patelin, et des stylos pour les gentils n’enfants, vous n’arrêtez pas au dernier moment, quitte à foncer dans le mur en klaxonnant.

  • Les deux sont vrais :

    Les entreprises ne sont pas toutes des anges

    et

    Le CCFD est un machin alter qui adore pisser sur le business. Sa mise en avant des « paradis fiscaux » n’est pas innocente, même si bien sûr les paradis fiscaux font partie du problème.

  • Effectivement, il est normal que l’opinion publique soit de l’avis que ce n’est pas l’argent qui manque et que l’Argent devrait aller nourrir ceux qui ont faim dans le monde.

    J’ai regardé d’où sortaient les 800 milliards de € dont parle le CCFD. Il s’agit sans doute des chiffres d’un dénommé R. Baker qui donne, pour les pays du Sud, annuellement en $ :

    corruption : 20 à 40 milliards de $

    crime : 150 à 250 milliards de $

    commerce : 350 à 500 milliards de $

    Personne ne connaît les vrais chiffres, mais pourquoi se gêner, on prend la borne supérieure et on obtient $ 800 milliards. Les $ 500 milliards du commerce sont définis, bien sûr, comme « fraude fiscale commerciale ». On ne va pas non plus se gêner et on va appeler les dollars des euros pendant qu’on y est.

    D’où sortent les €125 milliards que le CCFD considère devraient retourner dans les caisses des Etats du Sud ? Et bien, je pense qu’ils ont pris les 500 milliards de $, pardon de €, et les ont multiplié par un taux d’imposition moyen de 16%, ce qui est une hypothèse raisonnable.

    Bien évidemment le CCFD ne prétend pas qu’on pourrait taxer l’argent de la corruption et du crime ou exiger qu’ils publient leur bilan. Donc on se concentre sur les multinationales.

    Les combines des multinationales pour échapper à l’impôt, vous pouvez les appeler malhonnêtes, immorales et injustes, mais sauf erreur de ma part, elles sont légales. Si c’était illégal, pourquoi on n’envoie pas la police arrêter tous les associés et personnes servant de prête-nom dans les sociétés offshore ? Après tout, le fisc américain emploie beaucoup de ressources pour traquer les entreprises qui fraudent. Les autres pays aussi.

    Pourquoi Super Sarkosy, sauveur de l’Univers, qui a dit qu’il allait s’occuper des paradis fiscaux ne demande pas à l’Argent de retourner dans les pays du Sud et nourrir ceux qui meurent de faim ? C’est parce que ce n’est pas aussi évident que ça.

  • @ Lib, Pepito & Aristote: Je vous propose une simplification. Plutôt que de faire la fine bouche en tournant autour du pot, avec des arguments du style : le CCFD est bien gentil mais trop militant, trop anti-business, pas assez réaliste, etc… Dites tout simplement que le CCFD est trop à gauche à votre goût. Ça ira plus vite et ce sera plus clair. Vous avez tout à fait le droit de préférer soutenir les campagnes d’organisations plus en ligne avec vos préférences idéologiques.

    @ Pneumatis: +1.

  • @Pepito et Pneumatis

    On ne comprend visiblement pas l’action du CCFD de la même manière. Il ne s’agit pas à mon sens de demander aux Etats de sortir le gros baton pour taper sur des pratiques « illégales ». Il semblerait que ce soit légal, au moins jusqu’à ce qu’on vienne y mettre le nez en détail, ce que les gouvernements en question n’ont pas les moyens de faire. Donc, affaire réglée. En plus, bon, l’autorité morale du droit commercial du Niger ou des iles Caïmans…

    Mais ce que demande le CCFD sur son site, ce n’est pas des poursuites, ou pas seulement, c’est avant tout la transparence. Ensuite, ce qu’on en fera, c’est une autre paire de manche, mais on aura déjà bien avancé. On aura enfin des éléments pour savoir si c’est à super Sarkosy, super G20 ou à super conssomateur qu’il faut demander de prendre le baton, et pour taper sur quoi.

  • @ Gwynfrid

    Absolument d’accord, le CCFD est d’abord à gauche. C’est ce que je voulais dire, et j’assume.

    Cela ne fait pas de moi un avocat des paradis fiscaux !

  • @ Vivien, il semblerait que la voie de la transparence n’est plus la meilleure selon les experts, mais plutôt de réglementer dans ce domaine.

    @Gwynfrid, vous avez raison, je trouve le CCFD un peu trop à gauche à mon goût, et peut-être un peu en retard d’une guerre du point de vue stratégique et voilà, je n’accroche pas à leur hameçon (c’est aussi mon avis perso, qui n’engage que moi).

  • @Vivien : pour qu’il n’y ait pas de méprise, pour ma part je n’ai pas parlé de légal/illégal, j’ai parlé de justice/injustice. Lorsqu’une loi est injuste, il est du devoir (moral) des responsables de la changer, et lorsqu’un vide juridique permet l’injustice (et qu’elle est largement pratiquée) il est du devoir des responsables de légiférer. Donc à moins que les réglementations autour des prix de transfert et de l’évasion fiscale soient déjà bétons, mais simplement pas appliquées dans les faits, je (et le CCFD, si j’ai bien compris) ne demande pas au G20 de faire la police, mais de faire simplement le législateur.

    Je crois qu’il n’est pas moins demandé que ce qu’on attend de l’ONU avec les objectifs du millénaire notamment. Là encore, j’insiste, mais la solution n’est pas simplement dans des politiques de solidarité, même si elles sont aussi à définir. La première chose à faire c’est quand même de commencer par corriger l’arsenal législatif pour permettre un exercice de la justice.

    Par contre si les lois sont déjà là (je pense notamment au principe de correction des bénéfices sur les échanges internationaux d’une même entreprise que prévoit la documentation de l’OCDE), alors là oui, il y a un pouvoir exécutif à exercer pour les faire respecter. Là oui, seulement dans ce cas, il s’agit de faire la police.

  • Le calcul « d’un juste prix de transfert » est un exercice pour le moins hasardeux. Un « prix de marché » de référence n’est pas toujours disponible.

    Si vraiment les multinationales « exportent » leurs bénéfices en sous-estimant la valeur des produits qu’elles exportent, il est possible aux pays dont elles exploitent ainsi les ressources d’instituer une taxe à l’export. C’est souvent le cas pour les ressources minières, l’Argentine y a fréquemment recours pour ses exportations de produits agricoles, etc.

    Un théoricien de l’économie vous dira que ce n’est pas parfait, c’est vrai. Mais fixée à un taux réaliste, une telle taxe n’engendre pas de distorsions gravissimes. Elle est beaucoup plus facile à gérer qu’un impôt sur les sociétés assis sur un prix de transfert reconstitué, par une administration fiscale qui ne dispose sans doute pas des génies qui oeuvrent à Bercy.

    Le taux réaliste, c’est un taux qui fait que les entreprises étrangères restent intéressées à venir s’installer !

    À la marge, elles continueront à faire de l’optimisation fiscale, mais sur un gisement plus restreint.

  • @Pneumatis

    Oui, il y avait une ambiguité autour de ce mot de justice, surtout avec votre exemple des mafieux. On est plutôt d’accord donc, surtout avec votre :

    « La première chose à faire c’est quand même de commencer par corriger l’arsenal législatif pour permettre un exercice de la justice. »

    Où j’insisterai sur le fait que « permettre l’exercice de la justice » peut être très différent de « exercer la justice directement ».

    @Pepito

    Si vous avez de bonnes et saines lectures sur le sujet, ça m’interesse… En tant que jeune et naif employé de multinationale :-).

  • @Aristote : le problème des taxes à l’export, c’est qu’elles limitent TOUTES les exportations, pas seulement celles qui transferts des biens d’une filiale à une autre d’une même entreprise. Le résultat en est que le pays qui fait ça bride totalement son commerce à l’export. Or les pays du tiers-monde, fortement endettés sont très lourdement incités (par le FMI il me semble) à faire du commerce d’exportation, pour dégager des bénéfices monnayables en terme de remboursement de la dette. Là encore, cette histoire de dette des pays du sud perpétue une sorte d’injustice, dans la mesure où ces pays, au lieu de développer une économie subsidiaire (produire localement pour des consommateurs locaux en premier lieu) sont obliger de faire le jeu d’une économie mondialisée qui non seulement ne les sort pas de la misère, mais inverse complètement l’ordre des priorités que devrait être une économie au service de l’homme.

    Pour l’exemple de l’Argentine, j’avoue ne pas savoir ce qu’il en est, mais peut-être cela a-t-il été rendu possible par la spécificité des ressources et des productions de ce pays, pour lesquelles cette taxe n’a pas eu d’impact significatif sur son économie (sauf dans le bon sens, évidemment).

  • @ Pneumatis

    L’IS sur les entreprises exportatrices freine autant les exportations qu’un impôt du même montant global assis directement sur les exportations. Les vilains capitalistes raisonnent rentabilité sur capitaux après impôt !

    On peut discuter longuement des avantages théoriques des impôts type IS vis-à-vis des impôts type taxes à l’export, faire des hypothèses savantes sur l’effet sur le taux de change, etc. Un avantage d’un impôt sur les exportations, c’est qu’il est nettement plus simple et moins susceptible de manipulations.

  • Aristote a écrit : :

    Le calcul « d’un juste prix de transfert » est un exercice pour le moins hasardeux. Un « prix de marché » de référence n’est pas toujours disponible.

    Si vraiment les multinationales « exportent » leurs bénéfices en sous-estimant la valeur des produits qu’elles exportent, il est possible aux pays dont elles exploitent ainsi les ressources d’instituer une taxe à l’export. C’est souvent le cas pour les ressources minières, l’Argentine y a fréquemment recours pour ses exportations de produits agricoles, etc.

    Aristote,

    l’Argentine est un exemple intéressant. C’était je crois il y a cent ans un pays aussi riche que l’Europe occidentale, ce qui est plutôt normal pour une nation regorgeant de richesses naturelles. Par un mélange d’instabilité politique et de goût pour les politiques populistes (dont celles que tu cites est un exemple), ce pays est redevenu pauvre. C’est une histoire aussi triste qu’un tango.

  • Koz a écrit : :

    Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire qu’être « collectivement intelligent » ? Y-a-t-il un seul système qui préserve des erreurs ? Quant à trouver le marché « intelligent », attention, Uchimizu, vous commencez à idôlatrer. Le marché n’est pas intelligent.

    Koz,

    je vais employer une autre expression d’Alain Minc: le marché et les élections sont des formidables « réducteurs de conneries ». Pour élaborer un peu, nous avons tous des idées, dont la plupart ne marchent pas, ou ne sont pas tenables sur le long terme, mais il est très difficile de le détecter a priori, et, très souvent, les élites se plantent dans leur prévision. Par exemple, certaines sociétés ont vendu à un moment des combinés télé / ordinateurs qui étaient probablement de mauvais produits (on n’utilise pas son ordinateur et sa télévision au même endroit), ils ont été vite éliminés par le marché: ce dernier donne, par la rentabilité, une mesure de l’utilité d’un produit. Le mécanisme n’est certes pas parfait (phénomènes de modes…), mais pour les biens et les produits, c’est un des plus précis, et c’est plutôt objectif.

    Pour prendre un exemple relatif au tiers-monde, le développement de réseaux de téléphones sans fil s’est fait à toute vitesse et de façon rentable dans le tiers-monde, car le téléphone mobile procure de vrais services utiles à la population (se connecter à un site météo pour savoir quand récolter, ou récupérer les cours des cérales pour savoir quand vendre son grain, appeler un vétérinaire ou un docteur…). Le téléphone mobile peut aussi être déployé à faible coût, plus que le téléphone fixe. Je pense que ces dix dernières années, la diffusion de la téléphonie mobile a beaucoup plus fait pour le tiers-monde que toute l’aide humanitaire.

  • Si le marché était effectivement un réducteur de connerie, on n’entendrait plus Alain Minc.

    Ceci étant, ce n’est pas le débat : qui conteste vraiment que le marché ait des vertus ? Pour ce que je peux en voir, même des adversaires du libéralisme, comme Guillebaud, Denis ou l’Eglise, refusent explicitement de le faire.

  • @Uchimizu

    Le capitalisme est cette croyance étonnante que les plus mauvais des hommes feront les pires choses pour le plus grand bien de tous… c’est de Keynes 🙂

    Sinon, vous pouvez m’expliquer pourquoi le marché qui a si généreusement fourni des téléphones portables aux pays pauvres rechigne tant à leur fournir des médicaments anti-sida?

    Le truc n’est pas de dire que le marché n’a pas de vertu… mais plutôt qu’il n’a pas que des vertus…
    Les élections et le marché ne sont pas les seuls réducteurs de connerie et heureusement… (en plus vu le résultat des dernières présidentiels en France, niveau réduction de connerie… … mais je m’égard).

    Et puis encore faudrait-il s’entendre sur ce qu’on appel effectivement « le marché »…

    Et il faudrait aussi lever l’ambiguité sur le fait que marché et élections sont quand même finalement un peu antinomiques…

    Finalement le marché c’est comme Alain Minc il ne fait pas que des conneries mais bon… quand même!

    🙂

  • « Les multinationales honnêtes n’ont rien à se reprocher. Ne sont visées que celles qui pratiquent l’évasion fiscale », dit Pneumatis à Lib.
    Problème : 100% des entreprises du Cac 40 ont des filiales dans les paradis fiscaux. Merde ! Qu’est-ce qu’on fait ?

    La seule question qui vaille : est-il normal (juste, moral, acceptable, etc. et même « libéral ») de laisser aujourd’hui les multinationales « délocaliser » leurs profits de manière purement fictive des pays du Sud où elles produisent leurs richesses (les privant ainsi de toute contribution fiscale) vers les paradis fiscaux ?

    La mesure simple demandée par tous ceux qui se sont penchés sur le sujet (il y en a aussi à droite) : que les multinationales publient simplement leurs bénéfices par pays.
    Serait-ce une atteinte intolérable à la liberté d’entreprendre ?

  • @Pepito, tu sembles t’avoir trompé dans tes chiffres et tes suppositions car le CCFD t’as envoyé sur la fausse piste des paradis fiscaux. Tu devrais faire abstraction des paradis fiscaux et te concentrer sur l’Argent qui échappe à la fiscalité par le biais de la facturation commerciale frauduleuse (trade mispricing). Trade mispricing est bel et bien considéré comme une source très importante de la fuite illégale de capitaux dont les derniers chiffres à ta disposition parlent de 850 milliards de dollars à 1.000 millards de $ par an. Si tu prends la borne supérieure tu arriveras au chiffre de 800 millards de € articulé par le CCFD. Quant à la perte en revenu fiscal pour les pays en développement qui y est associée, elle est de 100 milliards de $, mais une étude par Christian Aid donne un chiffre de 160 milliards de $, ce qui correspond au chiffre de 125 milliards de € du CCFD. L’argent du crime, de la corruption et de la drogue est également là dedans quelque part.

    Ce qui est intéressant de noter c’est que la Chine et l’Arabie Saoudite sont responsables pour de l’ordre d’un tiers de ces € 800 milliards et l’Afrique (non comprise l’Afrique du Nord) pour environ 3%. Donc, affaire à suivre.

  • @ Uchimizu

    Peron a ruiné l’Argentine, et vous avez raison, une des politiques qui ont abouti à ce résultat, a été de taxer de façon punitive les exportations du secteur agricole. Mais si vous aviez lu tant soit peu attentivement mes commentaires, vous auriez vu que :
    (1) j’y discutais des mérites respectifs des impôts type IS vs. les impôts type taxe à l’export à prélèvement global équivalent et dans le contexte de pays aux administrations fiscales faibles,
    (2) je soulignais l’importance de fixer la taxe à un niveau qui ne décourage pas l’implantation des firmes étrangères.

    Rien à voir avec la politique de Peron en Argentine, qui a consisté à saigner l’agriculture (les paysans sont loin dans la pampa) au bénéfice des habitants de Buenos Aires (ses soutiens politiques) !

  • @ khazan

    Rien n’empêche les gouvernements des pays pauvres de taxer les téléphones portables et/ou leur usage pour financer l’achat de médicaments anti-sida.

    Sur le fond, je suis d’accord, le marché ne résout pas tout, loin de là, mais votre exemple n’est pas convaincant.

  • @ Koz:
    Koz a écrit : :

    Si le marché était effectivement un réducteur de connerie, on n’entendrait plus Alain Minc.

    Alain Minc n’a jamais été élu, et a peu été testé par le marché: quelques jetons de présence à des conseils d’administration, et une aventure financière (et pas industrielle) où il s’est planté.

    Ton commentaire ne contredit pas la théorie. ;-). Au passage, j’avais cité Alain Minc sans avoir à l’esprit ses propos récents sur le pape qui me semblent effectivement à côté de la plaque.

  • @Uchimizu,

    Le marché est bénéfique, personne ne le conteste mais seulement quand il est régulé. C’est à dire quand une autorité fixe des règles applicables à tous les acteurs et qu’elle se dote des moyens de les faire respecter.

    En matière fiscale, les multinationales agissent dans un monde sans régulation. Comment la France où l’IS est à 33% peut-elle lutter contre des états paradis sans IS ?

    J’espère que le G20 fera avancer la mise en place de règles fiscales internationales.

  • Bonjour Hervé,

    il faut être prudent: une multinationale est d’abord taxée par filiale, dans les pays dans lesquels elle fait des affaires. Il est certes possible de tricher, mais je pense que l’exercice est limité en pratique. De plus, l’impôt sur les sociétés est un parmi les plusieurs impôts que payent les entreprises: on ne peut pas éviter par exemple de payer les charges sociales sur les salariés en France, ou la TVA sur les produits payés en France, ou la taxe sur les produits pétroliers pour les transports effectués en France. Je pense qu’en général, les grands groupes multinationaux industriels européens trichent peu. La finance est peut-être une autre histoire.

    Il faut se méfier aussi des chiffres en milliards quand on parle de l’économie mondiale: quelques centaines de milliards d’Euros, à l’échelle du monde, cela représente quelques pourcents (voire moins) du total des échanges.

  • Uchimizu,

    Il n’y a pas si longtemps, l’affaire Elf a révélé des choses. Une partie de la valeur du pétrole extrait dans certains pays en développement aboutissait sur des comptes bancaires de paradis fiscaux et servait à rémunérer « au noir » différents intervenants.

    Ce n’est surement pas un cas unique et les multinationales ne sont pas les principales responsables de ces détournements. Pour moi, c’est l’absence de transparence, l’absence de règle qui les permet. Il ne faut pas se leurrer, le marché ne peu rien contre cela, seule une entente mondiale peut essayer d’y remédier.

  • Bon article, que je découvre un peu tard.
    Le co-développement est pourtant si nécessaire qu’on se demande pourquoi la France en reste toujours à cette politique si inefficace de paternalisme envers l’Afrique.
    En liaison avec la discussion sur l’intégration je me permets de vous mettre le lien vers mon dernier article sur Agoravox : Immigration : Après la fracture sociale, l’émergence d’une fracture culturelle ? (http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/immigration-apres-la-fracture-82127)

  • Koz a écrit : :

    Et c’est un principe qui peut se décliner longuement : par exemple, puisque tu es sincèrement convaincu que les paradis fiscaux sont nuisibles, tu aurais pu soutenir une autre proposition plutôt que de dire du mal du CCFD.

    Tsss, n’inverse pas les rôles s’il te plaît. Ce n’est pas moi qui ai lancé une campagne anti-entreprises ni qui en ai fait la promotion sur mon blog. Souffre que je m’en désole.

    Koz a écrit : :

    Quant aux multinationales, quand, de fait, elles s’efforcent de faire remonter les bénéfices dans un paradis fiscal pour ne pas subir l’imposition du pays dans lequel elles agissent, je ne crois pas qu’elles aient à recevoir de félicitations.

    On ne parle de féliciter personne. A part les saints du CCFD bien sûr. Mais attardons nous 2 secondes sur ton « de fait ». Est-ce vraiment un fait établi? J’ai l’habitude de voir accuser les entreprises de toutes les turpitudes, mais celle-là est nouvelle pour moi. Sais-tu quelle proportion des entreprises procède comme cela? Est-ce la quasi-totalité, la majorité, une partie, quelques exceptions insignifiantes? L’impact négatif de telles pratiques est-il significatif? Le site du CCFD est extrêmement flou et non sourcé sur ce sujet. Ne veux-tu pas envisager que, peut-être, tu as des préjugés lourds à l’encontre des multinationales et que tu acceptes sans trop d’esprit critique toute accusation à leur encontre?

    Pneumatis a écrit : :

    La question (…), c’est de savoir si les pratiques de production offshore qui permettent l’évasion fiscale sont, oui ou non, des pratiques injustes (pour ne pas le dire autrement).

    Pas d’accord avec vous. La question, c’est de savoir comment au mieux aider les populations en question. Considérer que LA question est celle que vous posez procède de 2 perversités.

    La première c’est à nouveau de perdre de vue l’action positive pour se focaliser sur la dénonciation négative.

    La deuxième est que votre question contient implicitement une affirmation : la production offshore est néfaste car elle permet l’évasion fiscale. Cette affirmation est pire que fausse, elle est nuisible.

    Une des entreprises dont je m’occupe a monté il y a quelques années un centre de développement offshore en Inde qui emploie une cinquantaine de personnes. Les raisons étaient multiples : le coût, la souplesse, l’accès à un bassin de compétences abondant. La question de la fiscalité n’a pas été abordée en conseil d’administration. En revanche la question des prix de transfert s’est posée. Comment la filiale indienne devait-elle facturer ses services à sa maison mère française? Au forfait? En régie? Au prix de revient? En intégrant une marge? Alors nous avons découvert qu’il existait une loi locale pour traiter ce cas. Les prix de transferts devaient laisser une marge d’au moins 15% dans la filiale indienne.

    Ils sont cons ces Indiens. Comme ils n’ont pas la chance de bénéficier de l’intérêt médiatique du CCFD, ils ne savaient pas qu’il était impossible de régler le problème des prix de transfert sans passer par le G20, l’ONU ou le conseil galactique. Alors ils l’ont fait.

    Vite, appelez le CCFD, ils sont en train de cramer l’argent de leurs donateurs pour rien. Le problème essentiel, principal, fondamental, l’obstacle numéro 1 au développement de l’Afrique vient de disparaître. Moi, vil capitaliste libéral, j’ai filé la solution. Et gratos en plus.

    Pour éviter des prix de transfert qui siphonnent la valeur vers l’étranger, il suffit que les pays en développement passent une loi qui impose un mark-up minimal de 15%.

    Gatien a écrit : :

    Vous illustrez fort bien ce qui constitue l’écrasante majorité des actions entreprises individuellement ou en petits groupes, tant vantées par Lib.

    Je ne vante pas l’action entreprise individuellement, je vante l’initiative privée par opposition aux initiatives publiques. L’individu qui est vraiment motivé par le développement de l’Afrique se rendra vite compte que son énergie sera mieux utilisée au sein d’une organisation structurée. Celui qui n’est intéressé que par sa bonne conscience prendra 2 mois de vacances équitables ou militera contre les multinationales.

    Gwynfrid a écrit : :

    @ Lib, Pepito & Aristote: Je vous propose une simplification. (…) Dites tout simplement que le CCFD est trop à gauche à votre goût. Ça ira plus vite et ce sera plus clair.

    Je ne reproche pas au CCFD d’être trop à gauche. Je lui reproche d’être extrémiste. En définissant un extrémiste comme quelqu’un qui cherche des boucs émissaires plutôt que des solutions.

    D’habitude tu essaies de faire avancer le débat. Je vais supposer que cette exception est réversible et vais appliquer la théorie économique qui prévoit que le « tit for tat » est une bonne stratégie de négociation.

    Si pour toi l’extrémisme est acceptable dès lors qu’il est de gauche, dis le clairement, on gagnera du temps.

    Jeff a écrit : :

    La mesure simple demandée par tous ceux qui se sont penchés sur le sujet (il y en a aussi à droite) : que les multinationales publient simplement leurs bénéfices par pays. Serait-ce une atteinte intolérable à la liberté d’entreprendre ?

    A priori, ça existe déjà. Tous les pays que je connais demandent aux entreprises qui y sont immatriculées de déposer des comptes. Rien n’empêche le Niger ou le Mali de passer une loi imposant la publication de ces comptes pour les entreprises de ces pays, c’est le cas en France.

    Par ailleurs, « seuls les coupables ont quelque chose à cacher » est un des arguments préférés des régimes totalitaires. Bienvenue chez les fachos Jeff.

    Gatien a écrit : :

    On ne peut pas lutter contre la corruption tant qu’il y a des paradis fiscaux.

    Ah, que voila de viriles certitudes.

    On ne peut pas développer l’Afrique sans lutter contre la corruption. On ne peut pas lutter contre la corruption tant qu’il y a des paradis fiscaux. On ne peut pas lutter contre les paradis fiscaux sans taper sur les entreprises au G20.

    Et voila comment on a transformé notre bel objectif d’aider les Africains en sale objectif d’emmerder les entreprises.

    Surtout ne laissons pas la réalité des 2 milliards d’asiatiques et de sud-américains qui s’extraient de la pauvreté sous nos yeux polluer nos belles constructions intellectuelles.

    C’est pourtant simple, les paradis fiscaux empêchent le développement de l’Afrique mais pas de l’Asie.

  • Lib a écrit : :

    Tsss, n’inverse pas les rôles s’il te plaît. Ce n’est pas moi qui ai lancé une campagne anti-entreprises ni qui en ai fait la promotion sur mon blog. Souffre que je m’en désole.

    Je n’inverse pas les rôles, je t’offre l’occasion de mettre tes principes en pratique.
    Par ailleurs, ne fais pas l’amalgame entre les multinationales concernées et « les entreprises », tu sais que ça leur est nuisible.

    Lib a écrit : :

    Ne veux-tu pas envisager que, peut-être, tu as des préjugés lourds à l’encontre des multinationales et que tu acceptes sans trop d’esprit critique toute accusation à leur encontre?

    Ben tu te trompes de bonhomme. Je serais donc devenu un gauchiste, si vite, et sans m’en apercevoir ?
    Mon propre père a été DG dans une filiale française d’une multinationale, alors bon, c’est quelque chose qui ne m’est pas complètement étranger. Et mon jugement sur elles ne relève pas d’un préjugé.

    Lib a écrit : :

    Je ne reproche pas au CCFD d’être trop à gauche. Je lui reproche d’être extrémiste. En définissant un extrémiste comme quelqu’un qui cherche des boucs émissaires plutôt que des solutions.

    Tu oublies, parce que tu le veux bien, qu’ils proposent des solutions, même si elles ne te conviennent pas.
    Comme tu oublies, parce que tu le veux bien, que le CCFD ne met pas du tout les multinationales en avant dans sa campagne. Ni dans sa vidéo, ni dans ses visuels. S’ils avaient voulu mener une campagne anti-entreprise, ils ne s’en seraient pas privés.

    Enfin, le parallèle avec l’Asie a ses limites. L’Afrique n’est pas l’Asie. Pas la même culture. Alors quoi ? On attend que les africains changent de culture ? On les somme de se faire asiatiques ? C’est aussi un défaut des idéologies de ne pas voir les hommes tels qu’ils sont mais tels qu’on voudrait qu’ils soient.

  • « La mesure simple demandée par tous ceux qui se sont penchés sur le sujet (il y en a aussi à droite) : que les multinationales publient simplement leurs bénéfices par pays. Serait-ce une atteinte intolérable à la liberté d’entreprendre ? », avais-je écrit.

    Lib me répond : « « seuls les coupables ont quelque chose à cacher » est un des arguments préférés des régimes totalitaires. Bienvenue chez les fachos Jeff ».

    Lib, je crois que là, vous remportez la palme du point Godwin, toutes catégories. Votre défense idéologique et crispée des multinationales et des paradis fiscaux vous aveugle sans doute… Ainsi donc demander aux entreprises de publier leurs bénéfices par pays serait une mesure « totalitaire » et lutter contre l’évasion fiscale releverait du « fascisme ». Cette hallucinante déformation de la pensée illustre bien en tout cas le chemin qui reste à parcourir dans la lutte contre les paradis fiscaux et la résistance qu’il faudra vaincre parmi les puissantes multinationales et leurs valets zélés… Cela ne rend que plus pertinente l’initiative du CCFD.

  • @ Lib

    Le 1er octobre, j’avais proposé une taxe à l’export comme approche possible de solution. Un mark-up obligatoire de 15 % avec un taux d’IS de mettons 50 %, c’est l’équivalent d’une taxe à l’export de 7,5 %.

    Mon souci ici n’est pas de revendiquer une quelconque « propriété intellectuelle ». Elle est bien au contraire de vous rejoindre pour dire qu’un peu de bon sens suffit pour proposer des solutions à la portée des gouvernements des pays africains.

  • On peut très bien défendre l’action des entreprises qui créent de l’activité et des échanges internationaux tout en souhaitant l’éradication des paradis bancaires qui encouragent la corruption et le détournement de richesses.

  • @Lib

    Rien n’empêche le Niger ou le Mali de passer une loi imposant la publication de ces comptes pour les entreprises de ces pays

    Pourquoi ne le font ils pas?

    Un élément de réponse : les dirigeants de ces pays, ainsi que leurs homologues parisiens, seraient obligés du même coup de révéler ce qu’ils touchent. J’attends avec impatience de connaître votre explication.

  • @Lib, Koz

    la réalité des 2 milliards d’asiatiques et de sud-américains…

    L’Afrique n’est pas l’Asie. Pas la même culture.

    Pas la même culture, peut-être, mais c’est une différence de détail. Face aux fusils, la culture ne peut pas grand chose.
    Il y a d’autres différences bien plus parlantes. En amérique du sud, des dirigeants boudés par l’occident sont élus démocratiquement et ne subissent pas (trop) de coups d’états. Avez vous vu des bases militaires françaises en Asie?

  • @ Gatien

    Je vous rejoins : bien des mesures de bon sens ne sont pas prises parce que elles gêneraient les circuits de corruption, soit du fait de la transparence, soit parce que la partie du surplus payée en impôts officiels n’est plus disponible pour payer l’impôt privatisé qu’est la corruption.

    Qui est le premier du corrupteur ou du corrompu, c’est la poule et l’oeuf. Mais si je me garderai bien de blanchir par principe les multinationales, je suis gêné par « Nos propositions » du CCFD…qui ne parlent que d’elles. Les entreprises locales exportatrices, et il y en a, ne sont donc pas concernées ? Dans les milliards « pillés », aucun sorti des entreprises nationales qui exportent qui du pétrole, qui du cacao, qui des phosphates ? Le CCFD met-il autant d’énergie à relayer ses demandes auprès des gouvernements concernés dans les pays du Sud ? Est-il incapable de formuler une revendication qui remettrait en cause aussi bien des acteurs locaux ?

    Soyons beau joueur, c’est un joli coup de pub de la part du CCFD.

  • Lib a écrit : :

    Pas d’accord avec vous. La question, c’est de savoir comment au mieux aider les populations en question. Considérer que LA question est celle que vous posez procède de 2 perversités.

    La première c’est à nouveau de perdre de vue l’action positive pour se focaliser sur la dénonciation négative.

    La deuxième est que votre question contient implicitement une affirmation : la production offshore est néfaste car elle permet l’évasion fiscale. Cette affirmation est pire que fausse, elle est nuisible.

    Juste un détail, parce que pour le reste, il me semble que Koz vous a répondu : vous m’avez mal compris, et je m’excuse si mon propos prêtait à confusion. Je n’entends pas stigmatiser les productions offshore, et si on coupe ma phrase en deux (mais je reconnais qu’elle est mal formulée) cela est sujet à mauvaise interprétation. Je pointe du doigt les mécanismes ou les absences de règles qui permettent qu’une production offshore profite de l’évasion fiscale. Sachant que non seulement cette évasion fiscale est nuisible au plan économique – j’ai l’impression que sur ce point tout le monde est d’accord – mais la production offshore est aussi un système de production qui doit rester exceptionnel et ne doit surtout pas concurrencer la production locale à destination des marchés locaux (qui reste le modèle économique le plus subsidiaire). Or un système qui est non seulement nuisible directement par une répartition inéquitable des richesses produites, mais qui contribue également à promouvoir un système non subsidiaire (je pense que vous ne me contredirez pas sur le principe de subsidiarité) se trouve être doublement nuisible à l’économie. Enfin le catho que je suis n’invente rien, il me semble que Benoit XVI, et avant lui Paul VI, ont assez insisté sur la question de la subsidiarité et de la destination universelle des biens.

    J’ai bien compris que votre réponse c’est que c’est chacun sa responsabilité pour corriger à son niveau ces problèmes. Chacun sa merde, finalement, si j’ai bien compris. Je pourrais presque marcher si un certain Jean-Paul II ne m’avait pas aidé à comprendre avec force détails (tout comme Benoit XVI après lui) ce qui relève de « structures de péchés », et de la nécessité d’avoir des institutions et des lois qui garantissent notamment la justice sociale, et la nécessité de nous engager dans ce sens. Donc après si vous avez décider de croire que le CCFD se contente de faire des grands coups de pub sans agir sur le terrain libre à vous. L’action, elle aussi est subsidiaire. Moi, à titre individuel, j’agis localement, à ma hauteur et selon mes possibilités. Mais par le biais de réseaux plus larges, et d’institutions qui sont là pour ça, comme le G20 ou l’ONU (au hasard), je donne aussi ma voix et mon soutien selon mes possibilités pour soutenir ou infléchir des politiques qui doivent être mises en oeuvre au niveau international pour le développement des peuples (tiens, n’est-ce pas le sous-titre d’une très grande encyclique sociale de Paul VI, là encore, dont Caritas in Veritate se serait fait l’écho 40 ans plus tard ?). Enfin pourquoi est-ce que les entreprises et les marchés seraient légitimes à se développer massivement, à un niveau international et de puissance économique énorme, et que d’autres formes d’associations humaines seraient moins légitime à exercer un contre-pouvoir à la hauteur ?

    Bref, je ne fais pas ça pour « taper sur les entreprises ». J’ai bien saisi la vivacité de votre blessure sur ce sujet, mais à un moment il faut arrêter de croire que vos interlocuteurs sont systématiquement hémiplégiques, soit tout dans l’action, soit tout dans la parole ; tout dans la contestation ou tout dans la proposition. L’un n’empêche pas l’autre.

  • @Aristote

    Qui est le premier du corrupteur ou du corrompu, c’est la poule et l’oeuf. Mais si je me garderai bien de blanchir par principe les multinationales…

    Notez que les multinationales ne sont pas ou peu visées par ce que je décris, ou alors des multinationales qui ne sont que les faux-nez d’états, telle Elf en son temps.

    je suis gêné par « Nos propositions » du CCFD…qui ne parlent que d’elles. Les entreprises locales exportatrices, et il y en a, ne sont donc pas concernées ?

    Si bien sûr, elles le sont. D’ailleurs, la plupart sont aux mains de proches du pouvoir. Le CCFD, effectivement, ne met pas en cause les circuits de corruption. Je dis depuis le début que c’est un peu à coté de la plaque mais, beau joueur à ma façon, j’ai estimé qu’il s’agissait de « modération ». Il me parait clair que dénoncer la corruption mettrait inévitablement en cause des dirigeant en place et des réseaux bien français, et que le CCFD serait immédiatement taxé d’extrémisme, populisme, ultragauchisme, et pire encore.

    Est-il incapable de formuler une revendication qui remettrait en cause aussi bien des acteurs locaux ?

    Ca, c’est un reproche facile qui ne tient pas. Le CCFD fait campagne en France, il est donc normal qu’il touche aux leviers disponibles en France. Une autre manière de faire serait de mettre en cause les complices français des acteurs locaux, mais ce serait moins « modéré ».

  • J’ai écrit :

    « On ne peut pas lutter contre la corruption tant qu’il y a des paradis fiscaux. »

    Lib répond :

    « Ah, que voila de viriles certitudes. »

    Reuters écrit :

    « Le parquet fait obstacle à l’enquête sur Karachi […] La trace de l’argent se perd dans les circuits off-shore à l’Ile de Man, au Liechtenstein, en Suisse et dans les Caraïbes, écrit le juge Van Ruymbeke dans son ordonnance. Le magistrat conclut que l’enquête préliminaire « tend à confirmer l’existence d’une corruption au Pakistan », avec comme possible bénéficiaire, selon lui, Ali Zardari, actuel président du Pakistan. […] D’après des documents saisis par la police du Luxembourg, transmis à Paris, Nicolas Sarkozy est comme ministre du Budget à l’origine de la création de deux sociétés mises en place pour recevoir initialement les commissions, Heine et Eurolux. »
    http://fr.news.yahoo.com/4/20101007/tts-france-karachi-procureur-ca02f96.html

    Lib. a aussi écrit : « on ne peut pas lutter contre les paradis fiscaux sans taper sur les entreprises au G20. », mais cherchera en vain l’endroit où j’ai tapé sur « les entreprises ».

  • Lib a écrit : :

    Je ne reproche pas au CCFD d’être trop à gauche. Je lui reproche d’être extrémiste. En définissant un extrémiste comme quelqu’un qui cherche des boucs émissaires plutôt que des solutions.

    Voilà une définition créative. Ça va en faire des extrémistes… Il nous arrive à tous de chercher le bouc émissaire, c’est humain. Si on s’arrête là, c’est bien sûr idiot. Si on dépasse ce stade pour aller vers les solutions, c’est sain. Ce n’est extrémiste ni dans un cas ni dans l’autre, à moins que les moyens proposés ne soient extrêmes.

    Lib a écrit : :

    D’habitude tu essaies de faire avancer le débat. Je vais supposer que cette exception est réversible et vais appliquer la théorie économique qui prévoit que le « tit for tat » est une bonne stratégie de négociation.

    C’est gentil à toi 🙂 Je reconnais que le commentaire lapidaire que j’ai commis ci-dessus n’était pas des plus constructifs. Quant au « tit for tat », je passe.

    Sans vouloir réitérer les argumentaires fort valables de nos petits camarades ci-dessus, je trouve que tu te fourvoies en voyant partout les ennemis de la libre entreprise, prêts à pendre le dernier patron avec les boyaux du dernier banquier. Le CCFD fait une campagne pour demander qu’on lutte contre les paradis fiscaux – comme le fait remarquer Koz, cette convergence avec Nicolas Sarkozy devrait nous amener à un consensus bien unitaire sans trop de difficultés. Et ne va pas me dire que c’est là la preuve qu’on s’attaque à un bouc émissaire: par définition, le bouc émissaire est un innocent. Je veux bien tout ce qu’on veut à propos des paradis fiscaux, mais on ne peut pas parler d’innocence en ce qui les concerne ni en ce qui concerne leurs clients. Parce que bon, si un individu ou une entreprise déménage ses sous dans une boîte aux lettres des Îles Trucmuche, explique-moi à quoi cela peut bien lui servir, sinon à se mettre à l’abri de l’impôt ?

  • La campagne du CCFD sur les paradis fiscaux ne mentionne que les multinationales. Comme certaines campagnes sur les problèmes de sécurité ne mentionnent que ceux liés à l’immigration.

  • Koz,

    A aucun moment je ne défends les paradis fiscaux. J’ai écrit et je réécrit qu’ils sont une nuisance qu’il faut combattre. Maintenant, on peut discuter du meilleur moyen de les combattre et surtout du degré de priorité qu’il faut donner à ce combat.

    Le CCFD présente un raisonnement qui s’articule peu ou prou comme suit.

    -1- les paradis fiscaux sont un obstacle majeur au développement de l’Afrique ;

    -2- En effet, ils permettent aux multinationales qui « off-shorent » leur production de réaliser de l’évasion fiscale.

    -3- Agissons en écrivant au G20 pour qu’il impose plein de contraintes aux multinationales.

    Je trouve ce raisonnement faux, pervers et dangereux. -1- est exagéré; -2- est globalement faux et -3- est stupide et contre-productif. Mais ce marketing est très efficace car il invoque plein d’images fortes destinées à noyer le raisonnement sous l’émotion : Catholique (bien), sauver les Africains qui meurent de faim (très bien), paradis fiscaux (très mal), multinationales (mal).

    J’ai expliqué pourquoi je pense ce raisonnement faux, je résume.

    -1- les paradis fiscaux sont nuisibles, mais ne sont pas un obstacle irrémédiable au développement, sinon le reste du monde ne se développerait pas;

    -2- si les paradis fiscaux sont nuisibles c’est surtout parce qu’ils permettent aux dictateurs corrompus de planquer l’argent qu’ils ont volé à leur peuple;

    -3- les multinationales n’ont pas grand chose à voir avec cela, sauf les rares cas où elles sont en connivence avec les pouvoirs locaux;

    -4- si on veut vraiment contribuer au développement de l’Afrique, il vaut mieux agir le plus près du terrain. Soit en contribuant à une ONG qui utilise ses ressources sur le terrain plutôt qu’en campagnes de pub politiques. Soit au niveau de son entreprise en développant des affaires avec l’Afrique. Si on veut vraiment escalader au niveau politique, on peut faire pression sur nos dirigeants pour qu’ils cessent de soutenir des dictateurs.

    -5- Tenter d’imposer aux multinationales des contraintes particulières si elles veulent faire des affaires en Afrique échouera heureusement car aucun autre pays ne nous suivra. Si cela marchait, cela aurait un effet négatif en réduisant encore l’incitation à travailler avec l’Afrique. Et l’Afrique ne souffre pas d’être trop exposée au commerce mondial, elle souffre de ne l’être pas assez.

    Gatien,

    En relisant les commentaires, je m’aperçois avec effroi que je suis globalement d’accord avec vous. Pardon de vous avoir lu trop vite.

    Gwynfrid,

    Le bouc émissaire, ce ne sont pas les paradis fiscaux, ce sont les multinationales qui se retrouvent accusées solidairement d’évasion fiscale aux dépends de l’Afrique. Et plus généralement toutes les entreprises qui pratiquent l’offshore, sachant que celle dont je parle plus haut est une PME employant 60 salariés en France.

    Content de voir que le « tit for tat » a marché 🙂

    Pneumatis,

    Je ne dis pas « chacun sa merde ». Je dis qu’on aide mieux en s’engageant soi-même qu’en signant des pétitions ou en faisant pression sur des gouvernements. D’abord parce que ça marche rarement, ensuite parce que c’est presque toujours dénaturé.

    Jeff,

    Apprenez à lire. Un petit indice : les termes « Par ailleurs » placés immédiatement avant le texte que vous avez cité suggèrent qu’il y avait un paragraphe qui vous a apparemment échappé.

    Aristote,

    Bingo. Parler des multinationales qui pratiquent l’évasion fiscale c’est comme parler des arabes qui pratiquent le vol à la tire. On ne sait pas très bien si on parle d’un sous-ensemble ou si on caractérise l’ensemble. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on focalise l’attention sur une seule catégorie de présumés coupables.

  • @ Lib,

    Au temps pour moi ! Si vous avez placé l’expression « Par ailleurs » en début de phrase, vous aviez effectivement toute légitimité pour me traiter de « facho ».
    Par ailleurs, je vous trouve sur le coup d’une rare mauvaise foi.

  • Aristote a écrit : :

    La campagne du CCFD sur les paradis fiscaux ne mentionne que les multinationales. Comme certaines campagnes sur les problèmes de sécurité ne mentionnent que ceux liés à l’immigration.

    Lib a écrit : :

    Bingo. Parler des multinationales qui pratiquent l’évasion fiscale c’est comme parler des arabes qui pratiquent le vol à la tire. On ne sait pas très bien si on parle d’un sous-ensemble ou si on caractérise l’ensemble. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on focalise l’attention sur une seule catégorie de présumés coupables.

    C’est vrai, je dois le reconnaitre. Et je vous remercie tous les deux de cette comparaison qui permet de mieux discerner ce dont vous parliez. Cela doit donc signifier que cette « focalisation » cache un ressentiment plus large à l’égard des multinationales que leur seule accointance présumée avec les paradis fiscaux. Ce n’est pas une raison, certes, de pointer du doigt une catégorie, tout en allant pas au bout de ce qu’on aurait à leur reprocher. Cela dessert sans doute l’objectif.

    Et d’ailleurs, vous serez sans doute ravi d’apprendre qu’un certain Benoit XVI, dans Caritas in Veritate, ne stigmatise pas les grandes multinationales :

    Ceux qui ne respectent pas les droits humains des travailleurs dans les différents pays sont aussi bien de grandes entreprises multinationales que des groupes de production locale.

    Après ça ne veut pas dire que le « ressentiment plus large » ne soit pas justifié autour d’une catégorie d’entreprises, peut-être mal circonscrite par le terme de « grandes multinationales ».

    Comme je l’ai indiqué à Lib plus haut, au moins suggéré, je considère (au regard des enseignements sociaux de l’Eglise) que les production off-shore doivent rester une exception, faute de mieux (pas faute de mieux pour l’entreprise, mais pour les hommes) ou au contraire dans l’objectif réel de contribuer au développement social du territoire sur lequel on délocalise sa production. Toujours dans Caritas in Veritate :

    Le marché devenu mondial a stimulé avant tout, de la part de pays riches, la recherche de lieux où délocaliser les productions à bas coût dans le but de réduire les prix d’un grand nombre de biens, d’accroître le pouvoir d’achat et donc d’accélérer le taux de croissance fondé sur une consommation accrue du marché interne. En conséquence, le marché a encouragé des formes nouvelles de compétition entre les États dans le but d’attirer les centres de production des entreprises étrangères, à travers divers moyens, au nombre desquels une fiscalité avantageuse et la dérégulation du monde du travail. Ces processus ont entraîné l’affaiblissement des réseaux de protection sociale en contrepartie de la recherche de plus grands avantages de compétitivité sur le marché mondial, faisant peser de graves menaces sur les droits des travailleurs, sur les droits fondamentaux de l’homme et sur la solidarité mise en œuvre par les formes traditionnelles de l’État social. Les systèmes de sécurité sociale peuvent perdre la capacité de remplir leur mission dans les pays émergents et dans les pays déjà développés, comme dans des pays pauvres.

    En outre, la fameuse délocalisation de l’activité productive peut atténuer chez l’entrepreneur le sens de ses responsabilités vis-à-vis des porteurs d’intérêts, tels que les travailleurs, les fournisseurs, les consommateurs, l’environnement naturel et, plus largement, la société environnante, au profit des actionnaires, qui ne sont pas liés à un lieu spécifique et qui jouissent donc d’une extraordinaire mobilité.

    Il ne faut pas nier que lorsque la délocalisation comporte des investissements et offre de la formation, elle peut être bénéfique aux populations des pays d’accueil. Le travail et la connaissance technique sont un besoin universel. Cependant il n’est pas licite de délocaliser seulement pour jouir de faveurs particulières ou, pire, pour exploiter la société locale sans lui apporter une véritable contribution à la mise en place d’un système productif et social solide, facteur incontournable d’un développement stable.

    Il est donc vrai qu’on ne peut pas mettre toutes les grandes multinationales dans le même panier. Mais la puissance économique que représentent par exemple celles du CAC 40 dans le monde, la part de capital qu’elles cumulent en dépit de tout principe de subsidiarité en économie (principe indissociable de la justice social), permet de se soucier de ce que les situations de pauvreté et les écarts entre riches et pauvres se cristallisent ou s’accentuent même, et comme l’Eglise dénonçait autrefois le développement de grandes propriétés terriennes comme contraire à la justice sociale, ainsi que, plus largement, la détention du capital d’une grosse entreprise par des actionnaires extérieurs plutôt que par ceux qui sont directement impliqués dans la production par leur travail.

    A méditer, ce texte très fort sur le défi de la réforme agraire, par exemple, du conseil pontifical Justice et Paix en 1997, « Pour une meilleure répartition de la terre », et qui dit notamment ceci :

    33. L’enseignement social de l’Eglise dénonce également les injustices insupportables provoquées par les formes d’appropriation indue de la terre de la part de propriétaires ou d’entreprises nationales et internationales, parfois même soutenues par des organismes de l’Etat, qui, foulant aux pieds tout droit acquis et bien souvent les droits légaux liés à la possession du sol, spolient les petits cultivateurs et les peuples indigènes de leurs terres.

    Ce sont des formes d’appropriation particulièrement graves car non seulement elles accroissent l’inégalité au niveau de la répartition des biens de la terre, mais elles conduisent généralement à la destruction d’une partie de ces mêmes biens, appauvrissant ainsi l’humanité tout entière. Elles entraînent des modes d’exploitation de la terre qui brisent les équilibres entre l’homme et la nature édifiés au cours des siècles, ainsi qu’une forte dégradation de l’environnement.

    Ceci doit apparaître comme le signe de la désobéissance de l’homme au commandement de Dieu de se comporter en gardien et en sage administrateur de la création (cf. Gn 2, 15; Sg 9, 2-3). Le prix de cette désobéissance coupable est très élevé. En effet, celle-ci est la cause d’une grave et vile forme de manque de solidarité entre les hommes car elle frappe les plus faibles et les générations à venir.

    La condamnation est très forte. Et elle devrait nous amener à réfléchir sur le rôle des institutions internationales dans la préservation de la justice. Je ne vais pas vous assommer à coup de citations indéfiniment, mais c’est encore ce dont parle Benoit XVI dans Caritas in Veritate : à économie mondialisée, besoin d’organes de justice mondialisés. On s’écarte donc du sujet, mais cela permet aussi de re-préciser ce fameux « ressentiment plus large » et son éventuelle justification.

  • @ Pneumatis

    Je n’ai aucun problème avec Caritas et Veritate.

    Mon problème, comme vous n’avez pas manqué de le noter, c’est avec le CCFD.

  • Pneumatis,

    Merci de vos réponses constructives.

    Je trouve cependant que le passage de Caritas in Veritate que vous citez jette une lumière un peu trop négative sur la pratique de l’offshoring.

    Selon moi, sauf exception, cela a des effets globalement très positifs.

    Quand Renault construit des Logan en Roumanie, ça lui bénéficie bien sûr mais c’est également une bonne opération pour la Roumanie : cela apporte des emplois, de la formation et des salaires supérieurs à la moyenne locale. Encore une fois, le spectaculaire développement économique de l’Asie qui voit plus de 2 milliards d’êtres humains s’extraire de la misère est une conséquence directe de la mondialisation.

    C’est également positif pour le consommateur français ou occidental qui va pouvoir trouver une voiture moins chère.

    Généralement, on se focalise sur l’employé occidental qui perd son emploi. C’est une réalité. Mais l’offshoring peut aussi avoir un effet positif sur l’emploi en France. La Logan est conçue, designée, développée, testée et marketée en France. Une voiture 30% plus chère n’aurait pas de marché et ne créerait pas ces emplois.

    Autre exemple plus frappant, l’iphone. Si Apple n’avait pas fait produire ses téléphones en Asie, il n’aurait jamais pu réduire le prix aux alentours de 500$ et le produit ne se serait pas vendu et n’aurait pas créé tous ces emplois aux US et dans les pays occidentaux. Il y a 5 ans Sagem faisait des téléphones mobiles made in France. Combien d’emplois occupent-ils toujours?

    Au global, l’offshoring est un outil d’innovation. Et l’innovation est TOUJOURS une amélioration pour tout le monde sauf les gens qui faisaient le truc qui a été remplacé par l’offre innovante. Il n’y a plus en France de rémouleurs ou de réparateurs de machines à coudre, mais il y a d’autres emplois.

    Une société saine et solidaire doit accompagner les personnes qui se retrouvent à un moment du mauvais coté de l’innovation. Mais cela doit se faire en les aidant à se trouver une utilité dans un monde innovant, pas en rejetant les innovations.

    C’est en cela que je pense que notre modèle social est inefficace et pervers. Il renforce la tendance naturelle (et parfaitement compréhensible) à s’accrocher à l’existant. Un employé de 40 ans dont le travail n’est plus rentable doit d’urgence être aidé à se reconvertir. L’encourager à se cramponner à une chimérique sécurité ne lui rend pas service. Ca ne fait que retarder l’inéluctable et l’enferme dans une spirale de refus du changement, perte de contrôle de son destin, ressentiment, perte d’estime de soi. Quand l’usine finit par fermer 5 ou 10 ans plus tard, l’homme est brisé.

  • Bonjour Lib,

    Lib a écrit : :

    Selon moi, sauf exception, cela a des effets globalement très positifs.

    Dans le système que vous décrivez, vous n’expliquez pas ce qui fait qu’on produit « moins cher » en délocalisant. Or en général, ce qui fait qu’un pays offre une main d’oeuvre et des moyens moins couteux relève le plus souvent de conditions sociales plus que précaires. En « exploitant » cette situation sociale précaire d’une population, en la préférant à un environnement social plus respectueux des droits des personnes, on offre un contre-témoignage évident de l’intérêt pour le bien des personnes. Certes on apporte un peu de développement au pays « moins développé ». Sauf que si le pays se développe « dans le bon sens » il arrivera nécessairement à établir des mesures sociales plus contraignantes pour le respect de la dignité des personnes et de la justice sociale. Il deviendra donc moins compétitif, et selon la logique que vous indiquez, les entreprises iront produire ailleurs.

    En quelques mots, la fin ne justifie pas les moyens. Ce n’est pas parce que, pour la bonne conscience, on se dit qu’on apporte un peu de développement dans un pays, en même temps qu’on fait son beurre, que cela justifie de préférer des systèmes moins respectueux de la personne humaine. Vous parlez par exemple du fort développement de l’Asie… quid des conditions de travaille dans les usines qui produisent nos ordinateurs et nos consoles de jeux. Quid des sous-traitant des géants de la grande distribution, par exemple dans la fabrication de vêtements à bas prix. Comment vous pensez que la production est rendue moins couteuse ?

    Si demain les mêmes entreprises respectaient un minimum d’éthique de la personne, au moins autant qu’elles sont attendues à la respecter chez nous, pensez-vous que ce serait si avantageux que cela de délocaliser une production qui par ailleurs cible un marché proche du siège de l’entreprise ? Il n’y a rien de magique. Il peut y avoir, en toute chose, un certain niveau de compétitivité, des gens plus motivés là-bas qu’ici, etc… Mais ce qui rend vraiment l’opération intéressante, c’est au pire des conditions de travail qu’on trouverait inacceptable chez nous, au mieux une bien moindre contribution sociale (fiscale) exprimant, dans le pays de délocalisation, une politique des moins solidaires, mathématiquement.

    Ce que vous suggérez là, s’apparente pour moi au fait de se dire qu’un « esclave » a au moins un toit et à manger, et que si on n’était pas là pour l’exploiter, il mourrait de faim. Ce n’est pas faux, soyons clair, m’enfin de là à parler d’effets très positifs…

    Vous devriez lire, si ce n’est déjà fait, le journal d’un curé de campagne de Bernanos. Il y a cette page qui me reste en tête comme un leitmotiv, sur la pauvreté. Le personnage compare l’approche de la pauvreté par la droite et par la gauche, en disant qu’il n’y en a pas une pour rattraper l’autre. Les premiers gérant la pauvreté en transformant les pauvres en esclaves (ou en les supprimant, au pire), et les seconds la combattant en faisant des pauvres des rentiers ou des fonctionnaires.

  • Je ne suis pas contre le progrès, ni contre l’économie. Mais je vous trouve très fataliste, cher Lib : la machine avance parce qu’elle avance, et de plus en plus vite, et ceux qui ne suivent pas on doit -par solidarité- les faire remonter dans le train.
    Mais qui le conduit, ce train ? Une main invisible ?

    Vous partez du fait que le train avance sans apparemment vous poser la moindre question sur le pourquoi, pour quelle finalité, etc. Vous vous bornez à chercher des moyens pour SUIVRE ce train qui avance tout seul par la grâce d’on-ne-sait-qui, alors qu’il faut chercher à le conduire.
    Quelle serait la liberté de l’Homme, s’il était fatalement voué à courir après le progrès et l’économie ?
    N’est-ce pas à l’homme de le conduire et de l’aiguiller, ce train du progrès et de l’économie ?
    Comme le disait Pneumatis au début des commentaires, il s’agit d’un devoir de justice. Le devoir de solidarité (faire remonter celui qui tombe du train) est second.

  • @ Pneumatis

    Certes. Mais nous sommes passés par là, c’est à dire un moment de notre histoire où nous n’avions pas les moyens de nous payer la protection sociale dont nous bénéficions aujourd’hui.

    Quand un pays commence à sortir de la pauvreté, il commence aussi à avoir le choix entre privilégier la consommation privée, développer petit à petit une protection sociale, investir pour continuer de croître rapidement, etc. Il y a là un vrai débat à avoir et qui n’a rien d’évident. En Chine, par exemple, comment d’abord comprendre, puis ensuite décider, de l’arbitrage entre les intérêts des ouvriers des usines de la côte et ceux des paysans de l’intérieur ?

    Mais (1) sommes nous mieux placés que les Chinois pour en décider ? (2) pour que le choix commence à se poser, il faut avoir démarré sa croissance, ce qui en pratique veut dire avoir commencé à s’intégrer à la « mondialisation ».

    Enfin, l’argumentaire de Lib sur notre tropisme à ne regarder le problème que dans la seule optique du travailleur « déplacé » s’applique aussi bien quand la concurrence de l’innovation joue au sein d’un même pays que quand elle a une dimension internationale

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