Tapis rouge pour Fillon

tapis_rougeBien fol qui exclurait radicalement toute surprise dimanche prochain, après une suite de scrutins à l’étranger et en France qui démontrent suffisamment qu’on ne peut en écarter aucune. Il pourrait encore y avoir une démobilisation. Mais Fillon paraît avoir un tapis rouge devant lui pour remporter la primaire de la droite et du centre. Son avance, la dynamique enclenchée, le soutien de Nicolas Sarkozy et de Bruno Le Maire ne laissent au bout du compte qu’un trou de souris à Alain Juppé.

Hier soir, j’ai vu sans déplaisir se tourner la page d’une certaine façon de concevoir la politique. La recherche du clivage pour le principe, de la polémique pour occuper le terrain et les Français, un certain mépris pour le peuple masqué sous le populisme. Sur le style, François Fillon est à bien des égards l’antithèse de Nicolas Sarkozy et, par contraste, cela offre quelques raisons d’espérer de la politique.

« J’ai changé », voilà qui a probablement été la signature de Nicolas Sarkozy. C’est d’ailleurs dans le changement permanent qu’il a fait la preuve de plus de constance. Parce qu’un revirement, « ça ne coûte pas cher » auprès d’électeurs vus comme quantités négligeables puisqu’éternellement malléables. Ce fut l’ère de la politique conçue comme un stand-up, l’essentiel étant la bonne interprétation du rôle de circonstance que l’on endosse.

Avec Alain Juppé, François Fillon était certainement l’incarnation de l’anti-bling bling et d’une certaine austérité. Les concession speeches de Nicolas Sarkozy, que ce soit celui d’hier ou celui de 2012, sont toujours salués mais ils auront tous deux succédé à des campagnes dans lesquelles il n’a pas sacrifié à la même élégance. Peut-être aurait-il dû prendre acte du fait que les Français attendent encore de leurs politiques cette assurance et cette dignité, plus qu’une illusoire et factice proximité. François Fillon a encore fait preuve d’une constance dans ses convictions trop rare en politique. « La France peut supporter la vérité« , tel était le titre de son livre paru en octobre 2006 : il y a dix ans déjà, il était porteur d’un message similaire et n’avait pas été un petit artisan de la victoire de Nicolas Sarkozy. Il a maintenu cette perspective durant cette campagne, annonçant son programme très en amont, qui ne sacrifie pas à la facilité. Voilà probablement ce que l’on pouvait apprécier le plus dans la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.

Car François Fillon, c’est aussi Nicolas Sarkozy sans ses défauts, sans ses errements. C’est la réforme sans la double ration de frites. Ce scrutin, c’est encore une leçon pour ceux qui n’auront eu de cesse de penser que la droite se gagnait à l’extrême. Que l’électorat s’était droitisé et qu’il convenait de le poursuivre dans sa course supposée à l’extrême-droite. Cet échec de Nicolas Sarkozy vient ponctuer une suite ininterrompue d’échecs sur la ligne la plus droitière. Je l’avais écrit dès l’entre-deux-tours de 2012 : c’était un pistolet à un coup. Encore fallait-il en tirer les leçons.

Accessoirement, c’est aussi une leçon pour un autre candidat défait : Jean-Frédéric Poisson. Fallait-il aller tremper nos convictions communes chez Robert Ménard, Présent, Le Salon Beige, ou encore Minute ? Je crains qu’il ne se soit agi de convictions, mais si c’était une stratégie, elle a culminé à 1,5%. 1,5% de l’électorat de droite, et alors que les soutiens précités auront certainement suscité des votes de l’extrême-droite en sa faveur. C’est autant pour la stratégie de catholiques en politique qui, contrairement au choix courageux et gagnant de Sens Commun, pensent devoir aller frayer avec les identitaires et « se compter pour peser ». Cela n’a jamais fonctionné. Cela aussi, je l’écrivais. C’était il y a deux ans. Christine Boutin qui, avec Force Vie, n’avait pas hésité à s’allier au Parti de la France de Carl Lang, avait culminé – alors qu’elle pouvait espérer profiter de la dynamique de la Manif Pour Tous – à 0,74%. Il serait temps que certains catholiques se décident à ouvrir les yeux, a minima pour des raisons stratégiques et dans le meilleur des cas, par un retour à de meilleures convictions.

François Fillon, c’est aussi une victoire – à confirmer – d’une droite qui crée son propre corpus de valeurs, qui ne lorgne ni à sa gauche ni à son extrême-droite.

Aujourd’hui, tous les qualificatifs sont de sortie contre lui. La gauche, qui ne sait faire que cela, n’a pas tardé à dégainer tous les « ultra ». Cambadélis le dépeint comme « ultra-libéral, ultra-conservateur, ultra anti-mariage pour tous, ultra anti-social » : il en faut de peu qu’il ne convoque les heures les plus sombres de notre histoire, rôle qu’endossera peut-être le champion de la culture ultra-subventionnée, Jean-Michel Ribes. L’ultra-libéralisme de l’ancien séguiniste laisse pourtant perplexe, sans compter que notre pays peut probablement souffrir d’une dose de libéralisme sans courir le risque de devenir libéral pour autant. L’ultra anti-mariage pour tous est pour sa part fustigé par d’authentiques ultras, lui qui ne reviendra que sur l’adoption plénière – certes celle qui pose le problème majeur en ce qu’elle abolit la réalité, et ancre l’enfant dans une filiation totalement fictive.

François Fillon n’est toutefois pas l’immaculée élection. Il a ses tentations, n’est pas sans défaut, et il n’établira pas la Jérusalem céleste sur Terre. A dire vrai, on ne le lui demande pas. La politique, c’est aussi faire avec le réel : celui du pays comme celui d’un homme. Et s’il a un tapis rouge devant lui, le chemin reste long. Les précédents Sarkozy, Clinton ou autres démontrent à suffisance que nombreux sont ceux qui se sont pris les pieds dedans.

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46 commentaires

  • Vu d’un peu plus au centre, voire d’un peu plus à gauche, on a quand même l’impression que Fillon est plus libéral et plus conservateur que Juppé. D’ailleurs j’ai tendance à penser qu’au 2e tour de la primaire Juppé va reprendre l’avantage car de nombreux électeurs de la gauche, du centre, et de nulle part se sont mobilisés pour Fillon parce qu’il était 3e des sondages et qu’il fallait s’assurer du départ de Sarkozy. Ces gens-là ne voteront pas au 2e tour (à la limite quelques uns iront voter Juppé), il y aura donc un recentrage du corps électoral sur les sympathisants LR.
    Vous ne semblez pas considérer Juppé comme un bon candidat et surtout un bon potentiel président? A vrai dire d’un point de vue de la personne je partage votre analyse du « style » Fillon, mais Juppé lui ressemble quand même pas mal à ce niveau. Le débat télévisé va ressembler à une discussion d’experts technocrates hyper-sérieux, je ne sais pas trop quel effet ça peut donner…

  • Lili a écrit :

    Vu d’un peu plus au centre, voire d’un peu plus à gauche, on a quand même l’impression que Fillon est plus libéral et plus conservateur que Juppé.

    Vu d’ici aussi. La question est de savoir si être plus libéral et plus conservateur que Juppé fait de vous un ultra-libéral et un ultra-conservateur.

    Lili a écrit :

    D’ailleurs j’ai tendance à penser qu’au 2e tour de la primaire Juppé va reprendre l’avantage car de nombreux électeurs de la gauche, du centre, et de nulle part se sont mobilisés pour Fillon parce qu’il était 3e des sondages et qu’il fallait s’assurer du départ de Sarkozy.

    Je ne pense pas qu’il faille surestimer le vote de gauche. Il existe, mais je ne suis pas certain de l’importance qu’il convient de lui donner. Par ailleurs, il s’est plus certainement reporter sur Alain Juppé et non pas sur François Fillon qui, selon certains observateurs aurait été choisi au premier tour, sans cela.

    Il peut toujours y avoir une surprise au deuxième tour. Mais je doute que ce deuxième tour mobilise la gauche comme le premier. Fillon n’est pas pour eux le croquemitaine qu’était Sarkozy.

  • @ Vieil Imbécile : oui. Déjà en 2012, son discours de la défaite était son meilleur de la campagne. Il est dommage, pour lui, qu’il ait toujours pensé qu’il lui fallait faire peuple et sommaire. Cela ne témoignait pas d’une grande considération pour les Français.

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  • Luc Ferry disait ce matin : « c’est la première fois que quelqu’un l’emporte en disant la vérité »

    Je ne sais pas si c’est totalement vrai, mais ça s’en approche. Fillon c’est une campagne sérieuse, assez lucide, qui annonce la couleur. Une assez bonne synthèse effectivement.

    Un peu libéral économiquement. Pour info, le UK de Cameron ou les US d’Obama ont plus réduit les effectifs de fonctionnaires que ce que Fillon promet.

    Un peu conservateur socialement. Il y a cinq ou dix ans, quelqu’un qui aurait proposé le mariage gay sans l’adoption plénière aurait été perçu comme un dingue progressiste.

    Un peu réaliste en politique étrangère. J’ai bien compris que pour beaucoup, la Russie est devenue infréquentable depuis qu’elle n’est plus communiste, mais rappelons que De Gaulle avait gardé une relation même avec les staliniens.

    Un bon candidat donc, difficile d’en espérer un meilleur qui ait une chance d’être élu.

    D’ailleurs les réactions du PS et du FN sont révélatrices. Ils détestent. On a trouvé une nouvelle incarnation d’Hitler; ce n’est plus Trump, c’est FIllon !

    Plus sérieusement, la similitude des attaques du PS et du FN est assez… dérangeante. Quand tu lis une critique contre le positionnement radical ultra-hyper-libéral de Fillon, tu es incapable de déterminer si elle émane du PS, du FN ou d’un journaliste du service public.

    Tout ceci est plutôt encourageant. J’espère seulement que les juppéistes ne vont pas partir en vrille dans leurs critiques contre le candidat qu’ils soutiendront dans une semaine. Plus rien ne s’oublie aujourd’hui.

  • Bonjour à tous,

    Je suis assez content de vous lire Koz sur ce sujet, j’ai cependant un petit regret que vous ne l’ayez pas fait avant le premier tour.
    J’étais hier à la tenue d’un bureau de vote en tant qu’assesseur de F. Fillon. J’ai fait campagne sur les marchés, dans la rue, dans les hall d’immeuble pendant 2 mois. Certes, cette campagne a eu lieu pour ma part dans les Haut de Seine et en terre de droite, néanmoins le retour a souvent été le même. F. Fillon est un homme qui assume ses valeurs, ses convictions, et même si je ne suis pas d’accord avec lui, c’est le seul à le faire, sans louvoyer.
    Il ne s’excuse pas d’avoir ses convictions.
    Regardez ce qu’il répond lorsqu’on l’interpelle sur sa position sur le mariage pour tous et la filiation. C’est net, clair et sans bavure. C’est sa conviction, basée sur son histoire, sa foi, il n’a pas à s’en excuser.
    Alors on entend bien sur le bruit médiatique qui va dire que c’est un ultra, un extrémiste, etc… Mais que pense-t-on d’un homme qui change de conviction au gré de la volonté des sondages ?

    Petit aparté : je suis toujours très étonné de voir certaines réactions face à des propos qui disent, ceci n’est peut être pas top. Il y a une notion dans la vie publique et que j’entends aussi dans la rue, qui veut que ce qui est nouveau est le progrès et que ce qui est ancien est archaïque. Cette dichotomie étant à 99% vrai quel que ce soit le sujet. Selon ce principe, un crétin dira demain qu’il est plus profitable à tous et à chacun de sélectionner les enfants à naître par les méthodes de médecine, cela comblera le trou de la sécu, donc moins de prélèvement, donc plus de pouvoir d’achat et plus de maladie. Bienvenue à GATACA. Ce serait du progrès ? Oups, on le fait déjà…
    Je ne prends pas le temps de développer, mais pendant 2 mois j’ai aussi parler contre cette pensée, et il est très facile de faire dire à quelqu’un que cette vision de l’homme Arien serait tellement mieux, avant de lui faire prendre conscience de ce qu’elle vient de dire…
    Fin de l’aparté.

    Des convictions bien ancrées donc. Un discours très novateur à l’international. On peut ne pas être d’accord avec cela, mais c’est nouveau et ça rompt clairement avec ce qui a été fait depuis 5 ans. C’est le seul à rompre là dessus.

    Alors, non les gens plutôt à gauche qui sont venus votés n’ont pas choisi Fillon. Par contre, les Chrétiens démocrate l’ont fait. Et les Chrétiens démocrates ce n’est pas la sortie de la messe. Ce sont des gens que l’on croise dans la rue tous les jours. Qui sont croyant non pratiquant, qui ne veulent de mal à personne. Qui ne veulent pas construire contre. Que bâtît-on contre la gauche ou le FN ? Un mur à la façon Trump ? Que bâtît-on lorsque la motivation c’est le contre ? Des défenses, de la peur, du renfermement. Au contraire, ce que propose F. Fillon c’est de bâtir pour. Pour le futur, pour avancer, pour sortir du trou. Alors oui, quand on veut sortir du trou, il faut faire des efforts, c’est difficile. Mais ce n’est pas parce que c’est difficile que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas que c’est difficile.

    S’il y a un peu d’Arlette Laguiller dans François Fillon, c’est dans la sincérité. Il n’y a pas de stratégie dans le discours. Il vient du cœur. On ne met pas sous le boisseau telle ou telle idée pour ne pas heurté. Tout est là. Et ce qui heurte est en première ligne.

    La seule inconnue qui reste est : aura-t-il la base politique suffisante pour le faire, et s’en donnera-t-il les moyens ? Pour l’heure, rien ne permet de le dire. Mais répondre non par principe à cette question est se ranger dans la case des « Tous pourris » et ne plus croire que la démocratie puisse faire avancer quoique ce soit.

    Bonne journée à tous

  • j’ai voté Fillon au premier tour, je revoterai pour lui au deuxième.

    Contre MLP en 2017, il faudra aussi stopper l’hémorragie des électeurs de droite « classique » vers le FN. Fillon fera là beaucoup mieux que Juppé, sans tomber dans les excès sarkozystes. Pour ce qui est du centre, une partie non négligeable de ses électeurs vient de la démocratie chrétienne. Entre un PS dans la surenchère anti catho et une Marine Le Pen qui a délibérément choisi le camp laïcard, ils pourraient bien se trouver plus à l’aise chez Fillon.

    La France a besoin de vrais réformes. Fillon est le seul candidat qui s’y prépare depuis plusieurs années, non seulement en termes de contenu de programme, mais aussi de stratégie de mise en oeuvre. On peut discuter l’un ou l’autre point, se douter qu’il y aura un écart entre le programme et les réalisations, Fillon reste le plus convaincant et de loin dans cette dimension.

  • @ Augustin de Vanssay:

    Assez d’accord sur la conclusion, mais moi je fais plutôt partie de ceux qui n’y croient plus. Après ce qui s’est passé sous Chirac, Sarkozy et Hollande, j’ai beaucoup de mal à faire confiance à des promesses, surtout en période électorale. J’ai l’impression que les choses sont organisées de telle façon qu’il est impossible d’être élu si on est honnête…

    J’espère vraiment me tromper, j’ai des doutes sur le fondement de cette attitude concernant Filon.

    La seule chose dont je suis sûr c’est que notre destin est entré nos mains… Qu’agir est utile.

  • Un petit calcul simple : 6 % de 44 % font 2,64 et 23 % de 28 % font 6,44. Autrement dit, environ 70 % ( 6,44/9,08) des votes venant de la gauche se sont portés sur Juppé. Les électeurs de gauche n’ont plus de motivation à se déplacer et s’ils le faisaient, ils pourraient pour des raisons tactiques voter pour Fillon.

    Si Juppé perd d’entrée un quart de ses voix, ce n’est pas une défaite qui s’annonce, mais une Bérézina.

  • Vieil Imbécile a écrit :

    Sarko est vraiment un magnifique perdant. Il devrait perdre plus souvent.

    Oui, trois fois oui. Cela dit, j’espère, sans y croire, que c’était la dernière fois.

    C’est un gros soulagement que de voir Nicolas Sarkozy rejeté aussi nettement par les électeurs de droite. J’avais cru un instant que son utilisation de techniques directement inspirées de Donald Trump pourrait marcher. Heureusement, la ficelle s’est révélée trop grosse, et l’électorat conservateur classique a cette fois fait preuve de sagesse, avec un coup de pouce issu de la gauche et du centre (sans lequel la dynamique aurait été très différente).

    Maintenant, la question est de savoir lequel de François Fillon ou d’Alain Juppé sera 1) le plus susceptible d’écarter Marine Le Pen et 2) le meilleur président. Je mets, à regret, la compétitivité contre le Mme Le Pen en premier critère, car la victoire du FN est une menace réelle, et pour moi la différence entre les deux ténors de la droite n’est pas si déterminante. Pour qui a un peu de mémoire, il est proprement ahurissant de voir Alain Juppé considéré comme trop à gauche! Quant au qualificatif de « mou », c’est une véritable plaisanterie. A contrario, François Fillon a longtemps été très critiqué comme velléitaire voire lâche, lorsque, Premier Ministre, il a donné des signes très clairs de désaccord avec le président Sarkozy sans pour autant prendre le risque d’une vraie rupture. Dans les deux cas, les perceptions résultent principalement de la mémoire courte des observateurs, plus que de la vérité profonde des protagonistes.

    La différence entre les eux me semble relever de leur positionnement politique récent, bien plus que de leurs convictions, qui sont de la même famille. Les sondages, que l’on vilipende trop volontiers, jouent ici un rôle d’éclairage fort utile. On voit d’abord qu’Alain Juppé s’est positionné avec succès contre Nicolas Sarkozy en s’appuyant sur le centre, avec un rejet explicite de la rhétorique populiste. Cela a lui ensuite créé un problème, car la droite, après dix ans de politique sans direction nette, est demandeuse d’une action de droite sans compromis, et se méfie du centrisme. C’est pour cela (et on le voit dans les sondages aussi) que François Fillon n’a « accroché » dans l’électorat que très récemment; jusqu’à il y a quelques semaines il faisait l’objet d’une certaine indifférence. Ce n’est que lorsque la perspective de voir Alain Juppé vainqueur est devenue presque certaine que l’on s’est posé des questions à son égard, ce qui a donné aux électeurs l’idée de regarder la possibilité d’un troisième homme. Les électeurs de droite ont choisi en François Fillon le candidat perçu comme le plus à droite qui n’était pas Sarkozy. Ce n’est pas là la marque d’une véritable adhésion aux propositions ou à la personne de François Fillon, et ce problème est également celui d’Alain Juppé.

    Pour la compétition finale, la gauche semble éliminée à ce stade. Marine Le Pen a toujours sa chance, mais moins que face à Nicolas Sarkozy. Donc le second tour de dimanche a de fortes chances d’être le choix de notre prochain président. Je ne suis pas encore certain de mon vote, mais je suis certain de voter.

  • Lib a écrit :

    Un peu conservateur socialement. Il y a cinq ou dix ans, quelqu’un qui aurait proposé le mariage gay sans l’adoption plénière aurait été perçu comme un dingue progressiste.

    Très juste. Mais la résistance des « progressistes », les anathèmes voire les insultes, seront énormes. Parce que même si c’est sur un point en apparence infime, et qui de plus parle au bon sens de la plupart, cela remettrait en cause le dogme de « l’effet cliquet ». Dire que l’on peut, que l’on ose, remettre en cause que tout « progrès » est le Bien et que n’importe quel retour « en arrière » (fût-ce à une position de bon sens ultra consensuelle) est le Mal, c’est le tabou ultime pour ces progressistes. Donc si cela se fait (ce que j’espère bien) et quand cela se fera les attaques seront virulentes. Et pendant la campagne on va en manger.

    Lib a écrit :

    Un peu réaliste en politique étrangère.

    Bien d’accord et je connais plusieurs personnes que cela a achevé de convaincre.
    (Védrine un peu vieux pour revenir au quai ? Quelles étaient les relations de Villepin avec Fillon ? Ce sont les deux derniers ministres des AE valables qu’on ait eu et la compétence et l’expérience seront plus que jamais essentiels, ce n’est pas dans ce domaine que le « renouveau » est le mieux venu…)

    Lib a écrit :

    D’ailleurs les réactions du PS et du FN sont révélatrices. Ils détestent.

    Vrai côté PS (réactions de Cambadelis, de certains journalistes, mais aussi de la base militante que je peux avoir sur mes « radars » de réseaux sociaux) ; côté FN vrai des instances dirigeantes mais il me semble, moins parmi les militants, où des cathos (j’en ai vu, et même si je suis personnellement navré de voir des cathos s’égarer par là) lucides (je pense) sur les chances de MLP pour 2017 verraient FF comme un « moindre mal » selon leurs critères.

    En tout cas, et malgré toutes les limites de cette candidature, j’ai bien conscience de ne pas pouvoir attendre mieux compte tenu de notre système et de notre classe politique… Donc un vrai espoir ce matin, à confirmer parce que ça va secouer (pour la campagne cette semaine et, vraisemblablement, la présidentielle, mais aussi et surtout s’il est élu pour les réformes douloureuses mais indispensables).

  • Gwynfrid a écrit :

    La différence entre les eux me semble relever de leur positionnement politique récent, bien plus que de leurs convictions, qui sont de la même famille.

    Peut-être dans une bonne part sur les sujets économiques. Mais Juppé a toujours été beaucoup plus euro-enthousiaste que Fillon (non à Maastricht) même si ce dernier a accepté de soutenir 2005 puis Lisbonne. Ca compte dans les positionnements actuels (même si c’est vrai, en pratique, les contraintes sont telles qu’une différence d’action derrière n’est pas garantie). Et la vision « sociétale » est très différente – et ça aussi, surtout dans le contexte du réveil de la droite « des valeurs », ça compte beaucoup. Bref, le choix entre les deux ne relève pas que de questions de degrés ou de postures.

  • Je ne devrais pas le dire mais je ne suis pas allé voter. Par les temps qui courent je pourrais faire comme les candidats (plus ou moins je le reconnais : trouver une bonne excuse… en réalité mentir). Je pense que je le ferai dimanche prochain.
    Quoi qu’il en soit personne ne peut rester indifférent à ce qui se passe depuis quelques semaines (les élections de l’autre côté de l’Atlantique, en France et d’ailleurs dans d’autres pays et je pense à des pays « moins » démocratiques que je connais un peu et qui risquent de basculer dans le chaos, ce qui ne se produira sans doute pas en France ni aux EEUU.
    A titre personnel je me réjouis sans vouloir le vouer aux gémonies, que NS ait été écarté. Une fois ça va, deux fois, bonjours les dégâts.
    FJ … il faut passer la main, à 71 ans.
    FF : c’est à voir. Non pas tant le candidat qui a un visage sympathique et une rondeur qui ne sont pas déplaisantes. Mais comme avec tous les candidats (JFP excepté) les vrais enjeux ne seront probablement pas mieux défendus. C’est une question de conviction. « La France peut supporter la vérité ». Ponce Pilate a posé la question : « Qu’est-ce-que la Vérité ? » (c’est moi qui mets un V car je ne suis pas sûr qu’il l’aurait écrit ainsi). De toute façon … il n’a pas attendu la réponse. Et il s’est pris les pieds dans le tapis (de l’histoire !). « Je ne vois aucun motif de condamnation. …/… Qui voulez-vous que je libère ? » Fillon n’est pas Ponce Pilate, je le concède mais la Vérité, qui est disposé aujourd’hui à l’entendre ? à la chercher ? à l’accepter ? et à mettre à son service pour la défendre tous les moyens licites ? Même si j’admets qu’il est facile de le dire et que de toute façon seuls ceux qui se mouillent les mains ou les trempent dans le cambouis prennent des risques, il faut bien reconnaître que même à droite les politiciens ont (plus ou moins) perdu leur âme. Mais hélas est-il aujourd’hui possible d’aller à la mine sans prendre ce risque en sachant que les chances de s’en sortir sont infinitésimales.
    A. Einstein disait en plaisantant qu’il n’était pas totalement convaincu de l’infini en physique. Le seul infini dont il était sûr c’était celui de la bêtise humaine.
    Je terminerai sur une note positive : merci quand même à ces hommes et à ces femmes qui mouillent la chemise dans le cloaque de la politique. Mais aussi je pose la question quand s’en trouvera-t-il un ou une qui veuille vraiment s’en sortir sans avoir les mains trop sales.
    La patate est peut-être trop chaude ?

  • @ Gwynfrid:

    Le décollage de Fillon est de mon sentiment plus d’adhésion que vous ne le dites. La première préoccupation des électeurs étaient de sortir Sarko. Donc Juppé engrangeait. Mais une fois que l’on avait expliqué avec patience que c’était une élection à deux tours et qu’il était judicieux de regarder un peu plus loin que le problème Sarko pour le premier tour, la tendance changeait déjà. Ensuite, quand on poussait un peu en disant, le top serait de sortir Sarko dès le début, alors on avait des oreilles attentives.
    Enfin, les médias font beaucoup sur la tendance. Et la campagne n’a été intense sur le terrains que pendant les 5 dernières semaines. La campagne de terrain de Fillon s’est mise en vitesse de croisière après le premier débat. Et déjà là, alors qu’il était derrière BLM ça a bougé. L’émission de France 2 a pas mal bousculer la donne. La poussée vue par les sondages les dix derniers jours, on l’avait sur les marchés une semaine avant. De là à penser à un tel raz de marée, nous en étions loin.

    Je pense qu’il y aura moins de participation au second tour, peut être 25% de moins.
    Mais je ne pense pas que Fillon perde beaucoup de voix en nombre absolu.

    A cette heure il y a :

    François Fillon
    44.1%
    1 792 157
    Alain Juppé
    28.6%
    1 159 703

    Fillon finira avec 1.7 M à 2 M de voix et Juppé entre 1M et 1.4 M.

    L’avenir nous le dira.
    Ce qui est clair, c’est que Juppé est obligé de changer de stratégie de campagne alors que Fillon ne doit pas changer quoique ce soit.

  • C’est toujours facile de refaire l’histoire quand elle n’a pas encore été écrite, cher Koz. Je ne suis ni fan ni inconditionnel de Nicolas Sarkozy, Et je ne suis pas l’avocat qui cherche les failles dans le discours de l’adversaire. Je cherche l’âme de mon pays, l’âme des des dirigeants qui ont à le conduire et j’essaie de scruter le fond de leur pensée, de leurs engagements, de leur programme.
    Je ne m’attache pas non plus à quelques « revirements » comme vous dites si l’actualité le nécessite. Chrétien convaincu depuis peu, ayant participé à tous les manifestations de LMPT, adhérent de Sens Commun, j’ai malgré tout été convaincu par le bon sens et l’humanité de N. Sarkozy et de son programme. C’est la raison pour laquelle, contrairement à Sens Commun, je suis resté fidèle à moi-même et à mes convictions. J’ ai approché NS et j’ai trouvé, comme Jean d’Ormesson, un homme exceptionnel. Ses défauts sont peut-être ceux que vous citez mais qui ne méritent pas l’écho que vous leur donnez.
    Vous dites que F. Fillon est l’antithèse de N. Sarkozy, qu’il est Sarkozy sans ses défauts. On peut dire l’exact contraire et, en tout cas, cela n’en fait pas à mes yeux une référence favorable au premier. Je suis reconnaissant à N Sarkozy des vraies réformes (c’est facile d’éviter d’en parler), pendant son quinquennat. Mais surtout, la France doit lui être reconnaissante de sa gestion française, européenne, voire mondiale de la crise 2008/2011. F Fillon lui-même l’a reconnu. Est-ce que celui-ci a l’envergure d’un grand chef d’Etat ? Pour cette primaire, n’oubliez pas que sans la charge de N. Sarkozy contre l’attelage Juppé/Bayrou qui a fait chuter Juppé, il ne serait pas là. F. Fillon, c’est un peu cela, suiveur/profiteur des évènements: 1er ministre de NS, « à tout prix » pendant 5 ans, député à Paris plutôt que chez lui, refus de sauver la mairie de Paris à la Droite, appui sur les « prétendues affaires » de NS (je dis cela délicatement !), ouverture de la primaire à d’autres que Droite et Centre, bénéfice de la querelle Bayrou,… Je peux même citer le manque de soutien lors de la présidentielle de 2012, la déroute de l’élection Présidence de l’UMP.
    En disant cela, je parle au passé pour dire que les qualités de Sarkozy valent bien celles de Fillon et que le programme de celui-ci, même s’il apparaît intrinsèquement, hors toute conjoncture et opposition contraires, favorable au redressement du pays, manque de souplesse et d’âme.
    Ceci étant, s’il gagne la primaire, ce que je souhaite, il va prendre des coups et peut-être pas les encaisser aussi facilement que cela.

  • Ce qu’il y a de passionnant, c’est que Fillon a obtenu un soutien massif des électeurs catholiques pratiquants… sans même aller chercher ce vote. Il s’est contenté de ne pas insulter les catholiques, ni de se foutre de leur gueule.
    A comparer avec le revirement aussi pathétique que soudain de Juppé qui tente de draguer les cathos en opposant le pape et un mouvement social qui défend le droit des enfants. Chacun sait que le Pape est pour la GPA.
    Ce maire commence à poser un vrai problème, mais espérons-le, ce problème sera bientôt résolu.

  • « Une droite qui ne s’excuse pas d’être de droite » disait hier Benoît Hamon, malgré mon désaccord fréquent avec ses prises de positions et ses analyses hasardeuses, je pense qu’il a pour une fois visé juste. Fillon sans s’en réclamer c’est une sorte de droite décomplexée que ce soit sur les sujets sociétaux, régaliens ou économiques. Je suis assez d’accord avec Koz, pour dire que Fillon c’est du Sarko, l’outrance en moins, une droite campée sur ses convictions et qui n’en rougit pas, le meilleur remède contre le FN sans nul doutes de mon point de vue.

    J’ai voté J.F Poisson au 1er tour, j’entends les critiques de Koz et de certains à son égard, cependant comme Mr Poisson, je pense qu’on ne doit pas se refuser à entendre certaines revendications d’élus d' »extrême droite » juste parce qu’ils sont jugés personae non gratae par le tribunal médiatique, ces revendications sont, rappelons le, soutenues par environ 30% de l’électorat à en croire les sondages, les balayer d’un revers de main en les traitant de « populistes » ou considérer leurs préoccupations comme un fantasme n’arrangera ni la situation du paysage politique ni ce que vivent ces électeurs qui ont élus ces représentants « infréquentables ».

    Pour revenir à Mr Fillon, je pense qu’il est le meilleur compromis pour l’électorat Catholique et la droite en général, certes son programme économique nous promet des sacrifices, mais si ces derniers sont utilisés réellement pour redresser notre beau pays, alors le jeux en vaut la chandelle. Sa politique internationale est réaliste, et surtout il place l’intérêt de la France au dessus de toutes fausses leçons de morales habituelles, idem pour les questions sécuritaires et d’immigrations. Concernant les sujets sociétaux, la présence dans son entourage de Sens Commun est, je veux le croire, un gage de prise en considération en faveur de la famille et de la vie. Enfin, son pragmatisme, la probité de son programme qu’il n’adapte pas à l’air du temps, ainsi que son franc parler sont à mon humble avis tout ce qui a manqué à nos derniers Président de Hollande à Chirac.

    Augustin de Vanssay a écrit :

    Par contre, les Chrétiens démocrate l’ont fait. Et les Chrétiens démocrates ce n’est pas la sortie de la messe. Ce sont des gens que l’on croise dans la rue tous les jours. Qui sont croyant non pratiquant, qui ne veulent de mal à personne.

    Cette partie de votre message m’a interpellée, qu’entendez vous par Chrétiens démocrates? Les Catholiques de « la sortie de la messe » ne se croisent pas dans la rue? Merci de nous préciser à qui ils sont censés vouloir du mal, puisque c’est ce que laisse à penser votre message.

  • Peut être que Juppé voulait opposer les lignes du clergé catholique (CEF, Vatican) contre l’activisme laïc (lmpt)?
    C’est une question d’intransigeance, pas une adhésion ou pas à un précepte religieux.

  • Bonjour Koz,

    Permettez que je réponde à votre billet car je suis en désaccord total sur votre choix de soutenir François Fillon comme le fait Sens Commun. J’avoue ne pas bien comprendre comment on peut se dire catholique et soutenir un homme politique qui a mené une politique contraire à la Doctrine Sociale de l’Eglise, en particulier sur les sujets sociétaux. Pour bien comprendre qui est François Fillon, il ne faut pas seulement se contenter de l’écouter dans les médias mais d’analyser ce qu’il a fait pendant cinq ans sous la présidence de Nicolas Sarkozy et de le comparer avec l’enseignement de l’Eglise.

    Sur le plan géopolitique, il fait entrer la France dans l’OTAN. Certes, la géopolitique n’est pas vraiment l’apanage de l’Eglise. Mais quand on regarde les interventions militaires de l’organisation, on constate qu’elles n’ont pas été en faveur de la paix mondiale. Au contraire, elles ont déstabilisé tous les pays qui en ont été victimes. C’est notamment le cas au Maghreb avec les Révolutions arabo-musulmanes et au Moyen-Orient avec la guerre en Syrie et en Irak. Heureusement, la Russie veillait au grain et a empêché la montée de l’Etat islamique des autres groupes djihadistes qui pullulent dans la région.
    Sur le plan économique, il a mené une politique d’austérité dont il n’est même pas l’auteur car il n’a fait qu’appliquer les GOPE (Grande Orientation Politique et Economique) de l’Union européenne. Le chômage a augmenté 3 %. Il est passé de 7.5 % à 10.5 %. Si on cumule les trois catégories A, B et C, il a augmenté de 35 % (Source: http://www.europe1.fr/economie/chomage-quel-est-le-bilan-de-sarkozy-1057865). Notre industrie est totalement désorganisée à cause des appels d’offres européens. L’Etat ne peut même pas l’aider pour faire face aux difficultés qu’elle traverse car c’est considéré comme du protectionnisme, contraire aux traités que les dirigeants ont imposé au peuple.
    Sur le plan sociétal, il considère que l’avortement est une droit fondamental. Curieux pour l’électeur catholique qui vote en sa faveur, n’est-ce pas ? Il veut seulement réécrire la loi Taubira alors qu’il est parfaitement possible de l’abroger. Il n’y a pas d’obstacle juridique majeur. Certes, il s’est engagé à lutter contre la PMA et la GPA mais nous n’avons vu aucun acte concret quand il est député. Il n’a pas demandé au gouvernement de refuser d’inscrire les enfants nés de mères porteuses à l’étranger dans l’état civil pour les reconnaître français, ce qui revient à faciliter la pratique de la GPA à l’étranger.
    Non vraiment, je ne vois pas ce qui fait de cet homme quelqu’un de confiance pour être en phase avec les convictions des catholiques.

    Certes, Jean Frédéric Poisson a échoué mais on peut avoir une autre explication que celle que vous avancez, à savoir le fait de penser aux sujets sociétaux. Son traitement médiatique a été largement en sa défaveur. Il est d’ailleurs remarquable qu’il ait réussi à battre Bruno Lemaire et Jean François Copé alors qu’ils ont deux fois plus de temps de parole que lui. La dernière polémique sur son retrait du plateau de France 3 le prouve. Comment peut-on répondre à une dizaine de questions en 4 minutes surtout quand on lui promettait deux heures de paroles auparavant. Il n’est pas non plus passé à l’Emission Politique de France 2 alors qu’elle a accueilli la plupart des candidats. Certes, pas NKM et Jean François Copé mais ils ont eu une compensation à une heure de grande écoute. Ça n’a pas été le cas pour M. Poisson. C’est à croire que le système médiatique ne voulait pas lui donner la parole. Dans une société qui se dit libre et démocratique, la moindre des choses aurait été de lui donner le même traitement médiatique que les autres candidats.

    Pour moi Alain Juppé et François Fillon, c’est du pareil au même. Non seulement, parce qu’ils ont été dans le même gouvernement. Le premier a été le ministre des Affaires étrangères du second. Mais ils ont pratiquement les mêmes idées car ils sont euro-atlantistes et libéraux-libertaires. C’est exactement ce que souhaite le système médiatique, même s’ils préfèrent l’orignal (Alain Juppé) à la copie. Une fois au pouvoir, François Fillon ne pourra pas faire ce qu’il a promis car il continuera d’appliquer la politique de l’Union européenne. D’ailleurs ces idées économiques s’en inspirent largement. L’augmentation de deux points la TVA est une idée du rapport 2016 de l’UE sur la politique économique (http://ec.europa.eu/europe2020/pdf/csr2016/csr2016_france_fr.pdf). Avec son programme, nous irons au désastre. Le quinquennat de 2017-2022 est plié d’avance.

  • Lib a écrit :

    J’espère seulement que les juppéistes ne vont pas partir en vrille dans leurs critiques contre le candidat qu’ils soutiendront dans une semaine.

    Perdu.

    La stratégie de 2e tour de Juppé me paraît complètement stupide.

    D’abord c’est inefficace. L’électorat de droite (et une part croissante de celui de gauche) en a marre de se faire injurier par les indignocrates; il ne votera pas pour un candidat qui adopte ces pratiques.

    Ensuite c’est autodestructeur. Quelqu’un leur a dit que c’était une primaire? Que dans 5 jours il faudra rassembler? La stratégie ultra agressive de dénigrement de l’adversaire n’est jamais digne et rarement efficace. Mais dans une primaire…

    En fait, Juppé se comporte comme si la victoire aux présidentielles était certaine pour le candidat de droite face au PS et au FN. En intégrant le soutien quasi-unanime des media (seules exceptions L’Opinion et Marianne) on a l’impression de revoir Clinton.

  • Un mot est revenu souvent dans mes conversations avec des électeurs de Fillon: « dignité ». Les gens l’ont trouvé «digne» quand il était premier ministre de Sarkozy, humilié quotidiennement par un président qui avait installé à l’Elysée un gouvernement parallèle. On l’a trouvé digne durant cette campagne où il s’est contenté de parler de ses idées et de son programme sans taper sur les autres ni entrer dans la rhétorique du «barrage» à tel ou tel (et Sarkozy a manifestement la reconnaissance du ventre, puisqu’il appelle à voter pour lui désormais).

    À l’heure où les sondeurs, magistralement plantés, se défaussent sur un électorat devenu «hyper volatil», on a plutôt l’impression d’une aspiration profonde à une politique ferme et apaisée. C’est un bon signe — sauf pour les politiciens qui, eux, croient à l’hyper-volatilité des électeurs et alignent leur discours en conséquence…

  • Merci de cet article. J’ai voté POUR Fillon POUR son programme et de manière raisonnable, rationnelle. Consciente également qu’il n’est pas l’immaculée conception et doit composer avec la réalité. Mais je n’ai pas voté contre qui que ce soit. Après tout, tous les candidats étaient de droite, ce qui est suffisamment rare pour faire le déplacement. Je dirais même plus: jubilatoire. Je partage vos vues sur l’inefficacité du vote Poisson « se compter pour peser », même si j’ai la plus vive admiration pour ce député courageux. je suis fatiguée aussi de lire, par exemple dans les colonnes du Monde, que les gens (cathos, conservateurs et de province) qui ont voté Fillon ont voté pour le style de l’homme et ignorent le sens du mot libéralisme. C’est si commode d’enfermer les Français dans des cases (surtout les provinciaux, ces balourds sans culture). Quand comprendront-ils que l’on peut être « conservateurs » sur le plan moral et sociétal, et liberal sur le plan économique ? Que la droite française est à gauche de la gauche anglaise et que notre libéralisme est bien timide à côté de celui des anglo-saxons – mais tellement nécessaire à la France? Que les conservateurs du XXIe siècle sont les socialistes rétifs à tout changement et toute décrispation de l’économie? Enfin, j’aimerais un jour que les électeurs tentés par le FN décillent les yeux et comprennent que le programme économique bleu marine frise le marxisme. Ce fut un joli coup politique de la part de la Gauche que de placer les populistes et le national-socialisme à l’extrême droite de l’échiquier. Leur place (comme leur nom l’indique) est à gauche, tellement à gauche – l’Internationale en moins. Une fois ce recalage effectué, on comprend mieux la nature d’une partie de leur électorat : ouvrier et blanc.

  • Et c’est parti… Il semblerait que Juppé ait décidé que l’élection à droite était perdue pour lui et qu’il fallait racoler autant que possible à gauche. « Stratégie » (hem) : faire de Fillon un repoussoir à gauchiste, à la fois intégriste catholique (immense éclat de rire de tous les cathos tradis) et turbolibéral extrême (immense éclat de rire de tous les libéraux, c’est vrai que rapprocher le poids de la sphère publique de 50% du PIB c’est violent), pour qu’effrayés ils aillent tous quérir le salut du père protecteur aquitain. La sortie sur la « position sur l’avortement » est pathétique, et la mauvaise foi des soutiens indiquant « il demandait juste une clarification », à pleurer.

    Et l’exégèse du pape François digne du monde diplomatique n’est pas rassurante non plus mais on avait déjà noté sa « hauteur de vue » dans le domaine à propos de Benoît XVI.

    Dernière tranche de rigolade (en mode « je me presse de rire de tout… »): les décodeurs du Monde qui envoient un message subliminal aux sarkozystes pour qu’ils votent Juppé http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/11/22/sarkozy-est-il-vraiment-plus-proche-de-fillon-que-de-juppe_5035602_4355770.html?xtmc=sarkozy&xtcr=6
    C’est mal connaître l’électorat sarkozyste à mon humble avis, mais bon…

  • La stratégie de Juppé sur le 2e tour me rappelle la « race blanche » de Bartolone contre Pécresse. Visiblement la leçon n’a pas été retenue.

  • Trop occupé avec l’élection aux USA et sa suite que je n’ai pas eu le temps de suivre la primaire de la droite française. Après le traumatisme de la nomination de Trump et son élection, le déroulement de la campagne de la primaire en France et son résultat m’on remonté le moral.

    Je pense aussi un peu comme Philarête. C’est la qualité de l’homme Fillon qui a compté pour les électeurs. Pour moi il n’est pas intéressant de décortiquer les programmes des candidats (ce sont des programmes de droite), le plus important est la qualité de la personne. Je suis avant tout rassuré par le personnage de Fillon. Il s’avère également que les critiques contre son programme me font adhérer encore plus.

    Je pense que Fillon a de très bonnes chances d’être élu confortablement à la présidence de la République et peut-être avec une bonne majorité à l’Assemblée. Un gouvernement sous Fillon mettra en place le programme que les Français et la conjoncture voudront bien lui permettre. On verra bien. Par contre, vu du dehors de la France, le président Fillon sera tellement mieux perçu qu’un Sarkozy ou un Hollande. C’est énorme comme avantage par les temps qui courent.

  • « Perdus pour perdus », Juppé et ses soutiens se disent qu’ils n’ont rien à perdre. Avec un peu de chance, ils perdront avec un tel score que Fillon aura une légitimité incontestable qui lui facilitera la gestion de la longue et éprouvante période qui nous sépare de la présidentielle.

  • Bonjour,

    2 petites remarques :

    -« Accessoirement, c’est aussi une leçon pour un autre candidat défait : Jean-Frédéric Poisson (…) Je crains qu’il ne se soit agi de convictions, mais si c’était une stratégie, elle a culminé à 1,5% »
    Ne croyez-vous pas que c’est justement la stratégie de Sens Commun et de tous ceux qui ont prôné le vote utile pour éviter le duel Juppé-Sarko qui explique le mauvais score de Poisson ? Dans mon entourage, j’en ai vu beaucoup qui pensaient que seul Poisson était le seul à aller au bout de ses convictions, mais ont préféré le vote utile…

    -« Contrairement au choix courageux (…) de Sens Commun »
    En quoi est-ce courageux de préférer se rallier à un potentiel gagnant, et pour cela de délaisser le seul candidat qui défend les valeurs de la Manif pour Tous, dont est issu Sens Commun ?

    Cordialement

  • humpty-dumpty a écrit :

    Mais Juppé a toujours été beaucoup plus euro-enthousiaste que Fillon (non à Maastricht) même si ce dernier a accepté de soutenir 2005 puis Lisbonne. Ca compte dans les positionnements actuels (même si c’est vrai, en pratique, les contraintes sont telles qu’une différence d’action derrière n’est pas garantie).

    Certes, il y a Maastricht, mais depuis il a coulé de l’eau sous les ponts. Le programme de M.Fillon (un document très bien fait, clair et qui ne tombe que rarement dans la gesticulation, ce qui est appréciable) comporte un hommage net à l’Europe, facteur de paix et de prospérité, une priorité au renforcement du lien avec l’Allemagne, et une proposition d’intégration plus poussée: un gouvernement de la zone Euro. Il serait injuste de voir en M.Fillon un souverainiste aujourd’hui.

    Et la vision « sociétale » est très différente – et ça aussi, surtout dans le contexte du réveil de la droite « des valeurs », ça compte beaucoup. Bref, le choix entre les deux ne relève pas que de questions de degrés ou de postures.

    Oui, j’ai bien noté que c’était là le point le plus attirant pour la plupart des commentateurs de ce blog, ce n’est pas une surprise. Je suis pour ma part réservé là-dessus, pas par désaccord avec ses positions, mais par méfiance à l’égard du discours sur les valeurs en général. C’est souvent une excuse pour remplacer l’action par le symbole et évacuer les problèmes de fond. Pendant qu’on se passionne pour le burkini porté par quelques dizaines de baigneuses, ou le mariage gay pour quelques milliers de couples, on oublie facilement le sort des salariés précaires, des chômeurs, et des jeunes sortis de l’école sans formation.

    Augustin de Vanssay a écrit :

    Le décollage de Fillon est de mon sentiment plus d’adhésion que vous ne le dites. La première préoccupation des électeurs étaient de sortir Sarko. Donc Juppé engrangeait. Mais une fois que l’on avait expliqué avec patience que c’était une élection à deux tours et qu’il était judicieux de regarder un peu plus loin que le problème Sarko pour le premier tour, la tendance changeait déjà. Ensuite, quand on poussait un peu en disant, le top serait de sortir Sarko dès le début, alors on avait des oreilles attentives.

    On sent chez vous un enthousiasme certain, que je ne vous reprocherai pas, mais qui risque de brouiller la lucidité. François Fillon a toujours été vu comme un personnage compétent et méritant, mais qui ne marque pas beaucoup les esprits. Son envolée subite peut retomber comme un soufflé, très rapidement. Je veux bien croire qu’il y ait eu une adhésion, mais le public de la primaire n’est pas représentatif de Français. Sa victoire sur Alain Juppé est quasi certaine, mais cela ne lui donne pas un boulevard vers la victoire en 2017. Pour commencer, dès lundi, il sera le candidat du système – à juste titre, puisqu’il y a fait toute sa carrière. Il va donc ramer contre le vent dominant du moment.

    Sur le plan du programme économique, la différence entre MM. Juppé et Fillon me semble être une nuance de degré et de ton, plus que de fond. Personne ne sait en réalité si on peut supprimer 250000 ou 500000 postes de fonctionnaires en 5 ans. On sait que les deux essaieront, on sait que c’est difficile (combien de fermetures de classes, quel format pour les armées, etc). La seule question est de savoir qui y parviendra le mieux sans tout faire exploser. Je n’en sais rien – je remarque cependant qu’en la matière, l’expérience de M.Fillon est plus étendue et plus concluante que celle de M.Juppé.

    Sur le plan de la politique étrangère, la focalisation de l’opinion sur les relations avec la Russie me semble étrange. Les affaires du monde ne se réduisent pas à Poutine et à Bachar. Cela dit, il s’agit de dirigeants profondément corrompus, et couverts de sang. Par pragmatisme, il peut être nécessaire de s’entendre avec eux. Plus que cela, j’ai des doutes – je suis donc plus du côté de M.Juppé sur ce point.

    Reste un point important, la personnalité des candidats. Deux hommes d’État, sérieux, bosseurs et expérimentés. Ça faisait longtemps que nous n’avions pas eu cette chance! (Quitte à faire hurler, je dirais 15 ans). François Fillon a impressionné par sa solidité – récemment. Mais cela n’a pas toujours été le cas: je me rappelle d’un incident fâcheux avec Jean-Pierre Jouyet il y a quelques années, qui l’avait sérieusement discrédité. Il y a eu aussi, il y a deux ans, le curieux conseil de voter pour le candidat « le moins sectaire » en cas de duel FN-PS. En revanche, il a sur son adversaire l’avantage très significatif de ne pas avoir de passé judiciaire; pour moi, c’est important. De plus, c’est une carte de moins entre les mains de Marine Le Pen…

  • La violence des commentaires sur Fillon me donne envie de voter pour lui ; mais bon sang qu’elle me déprime. Je suis écoeuré de voir à nouveau faire d’une (de) conviction(s) un quasi-crime.

    J’en viens à ne plus allumer ma radio ni lire les journaux… ce n’est pas une solution, mais…
    Dans mon entourage, on a beuglé contre Trump car il était vulgaire et dégoûtant ; mais Fillon c’est pire : il est « réac ».
    La hiérarchie des valeurs qui transparaît dans le vocabulaire, l’idée qu’il vaut mieux un Sarkozy qu’un Fillon, me dégoûtent profondément. Et je dis ça en n’ayant pas voté à la primaire, et si je l’avais fait, j’aurais sans doute voté pour Juppé.

    Par moments, je me demande ce que pensait Cicéron en voyant la République s’effondrer autour de lui, en regardant la folie des acteurs et des chefs de parti, les votes qu’on achetait et les hommes armés qui investissaient le forum, les cris de haine… Et pourtant, il a essayé jusqu’au bout. Mais bon, il a perdu…

  • Je ne partage absolument pas l’enthousiasme de la plupart d’entre vous à propos de François Fillon, dont la remontée fulgurante en quelques jours peut laisser songeur. Les candidats de tous bords politiques alignés sur la Russie (à savoir Marine le Pen, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon) font décidément un carton, ne trouvez-vous pas cela bizarre ? On peut avoir un immense respect et une grande affection pour le peuple russe et en même temps une grande lucidité envers les méthodes sophistiquées de manipulation et de désinformation dont leurs dirigeants ont une grande expérience, qui ne s’est pas perdue comme par magie à la fin de l’Union Soviétique. De toute évidence ils ont décidé de s’immiscer dans les débats internes des démocraties au-delà de leurs frontières, avec un éclatant succès aux Etats-Unis. Seraient-ils en passe de renouveler cet exploit chez nous ?

    Mais revenons à la personnalité de François Fillon lui-même : peu porté à la démagogie (on peut lui reconnaître ce point et c’est déjà énorme), son image d’homme calme, pondéré et raisonnable ne correspond pourtant pas à la réalité. J’en veux pour preuve une passe d’armes avec Eva Joly en juillet 2011. Eva Joly, candidate écologiste aux Présidentielles l’année suivante, avait proposé que le défilé militaire du 14 juillet sur les Champs-Elysées soit remplacé par un défilé citoyen. Discuter de cette proposition n’est pas mon propos ici. Mais François Fillon avait réagi en arguant du fait qu’Eva Joly, de par ses origines norvégiennes, n’avait pas une connaissance suffisante de l’histoire de France et donc était de fait disqualifiée pour émettre une telle opinion. Il persiste et signe le 17 juillet 2011:
    http://www.lefigaro.fr/politique/2011/07/17/01002-20110717ARTFIG00082-polemique-sur-eva-joly-fillon-maintient-ses-propos.php

    Cinq jours plus tard, le 22 juillet, avait lieu la tragédie d’Utøya. Autant que je sache, M. Fillon n’a jamais présenté ses excuses à Eva Joly, ni à l’ensemble du peuple norvégien d’ailleurs, dont la réaction après ce drame a été exemplaire, et dont la démocratie bien que non républicaine pourrait largement nous inspirer.

  • @ Gwynfrid:

    Sur l’affaire Jouyet.

    La source de l’information, c’est François Hollande.

    Jouyet a été quelques mois membre du gouvernement de Fillon, pas vraiment anormal que Fillon entretienne la relation.

    Que Fillon ait évoqué avec Jouyet les ennuis juridiques de NS, c’est plus que plausible.

    Que Fillon ait demandé une intervention de Hollande, beaucoup moins. D’une part, Fillon savait bien que ce n’est pas le style de Hollande. D’autre part, il savait tout aussi bien que l’intérêt de François Hollande n’a jamais été de torpiller Sarkozy, l’adversaire dont il a toujours rêvé pour 2017.

    Pourquoi Fillon aurait-il pris le risque de faire une telle démarche, dont il savait que la révélation lui serait très nuisible, alors que les chances qu’elle soit suivie d’effet étaient nulles ?

    Hollande avait tout intérêt à torpiller Fillon et ne risquait pas un démenti de Jouyet.

  • @ Aristote:
    Certes, certes. Ce n’est pas le détail de cette affaire qui m’intéresse. C’est le genre de truc où on ne peut jamais rien prouver. M.Jouyet, si je me souviens bien, en était sorti le plus endommagé des deux, d’ailleurs.

    Mais c’est juste un petit exemple du genre de peau de banane qui va sortir. Les partisans de M.Fillon poussent de hauts cris à propos des attaques quelque peu désespérées que lance M.Juppé contre leur champion fraîchement (re)découvert. Cela montre simplement qu’ils n’ont pas l’habitude de la dynamique politique d’une primaire. Si on prend pour modèle une procédure américaine, il faut s’attendre à des ressemblances allant au-delà du seul nom de la chose.

    D’autre part, M.Fillon en recevra d’autres et de bien pires venant de la gauche, ce que disent les tenants d’Alain Juppé n’est jamais qu’une mise en jambes. Sans parler des couteaux que fourbit déjà le FN.

    Ce que je voulais souligner avec cette remarque, c’est que contrairement à Alain Juppé, François Fillon a bénéficié énormément d’avoir été ignoré et négligé pendant la primaire. Cet avantage a désormais disparu: la partie difficile de la campagne commence pour lui.

  • Gwynfrid
    une primaire, ce n’est pas un match de catch où le public réclame du spectacle. Cette primaire va désigner le probable prochain président de la République. La droite doit être unie et digne. Après Sarkozy puis Hollande, la dignité et l’union sont devenues incontournables pour les électeurs de droite. Voir Juppé attaquer déloyalement Fillon alors qu’il a déjà probablement perdu la primaire est indigne. Les électeurs de droite sont inquiets pour leur pays et n’ont en aucune façon envie d’assister à un vulgaire match de catch. Les enjeux sont trop importants.
    Voir Juppé, celui qui avait dit de Benoît XVI qu’il « commençait à poser un vrai problème », venir racoler tout d’un coup les catholiques en se réclamant du pape François, est assez pitoyable aussi.
    Et l’on se moque pas mal des procédures américaines. Nous ne sommes pas des Américains.

    Du reste, Juppé vient de se faire recadrer comme un collégien par 215 parlementaires de droite et du centre.
    Vivement dimanche soir que Juppé retourne à Bordeaux.

  • D’accord avec l’analyse de Koz. L’élimination de Sarkozy crée une sorte de retour à la normale, de clarification, d’apaisement… On retrouve, en la personne de François Fillon, un candidat de la droite classique, sérieux, cohérent, plutôt libéral sur le plan économique et plutôt conservateur sur les questions sociétales.

    Sur le vote « catholique », je ne pense pas qu’il faille surestimer son poids dans le choix de Fillon. Il semblerait en effet que les catholiques pratiquants aient voté sensiblement comme l’ensemble des électeurs de la primaire (Juppé a aussi ses partisans) ; de plus, ils représenteraient autour de 15% du corps électoral de cette primaire. La Manif pour tous et Sens commun ont sans doute intérêt à exagérer leur influence, mais je ne suis pas sûr que sur la durée, quand il s’adressera à l’ensemble des Français, cela rende vraiment service à Fillon.

    La nouvelle campagne du « tout pour le tout » de Juppé pour tenter de combler son retard préfigure évidemment les futurs angles d’attaque de la gauche (on avait observé un phénomène analogue avec la primaire du PS en 2011, les arguments de Martine Aubry contre Hollande étant ensuite repris et développés par la droite).

    Outre l’élimination de Sarkozy, l’autre bonne nouvelle réside à mon avis dans le fait que François Fillon ne manque pas d’atouts pour ramener dans le giron républicain des électeurs de droite égarés à l’extrême-droite (et notamment des catholiques), sans avoir à copier le programme du FN ni à adopter une attitude outrancièrement populiste.

    On pourrait même se prendre à rêver, pour notre démocratie, d’un bon vieux débat droite / gauche au second tour. Un débat de fond, sur tous les vrais sujets, économiques, sociaux, sociétaux et environnementaux. On pourrait… Si François Hollande ne faisait pas l’objet d’un tel rejet dans l’opinion et si la gauche ne s’annonçait pas si divisée, avec a priori la présence simultanée de Hollande, Macron et Mélenchon, sans compter le candidat écologiste et les deux candidats d’extrême-gauche.

    Promis à une élimination certaine il y a seulement trois semaines, « Bip-Bip » Fillon semble avoir en effet désormais un boulevard devant lui vers la présidence de la République. De là à ce qu’il applique, s’il est effectivement élu en mai prochain (la route est encore longue, l’électorat plus volatil que jamais et les surprises toujours possibles), son programme dans son intégralité (500 000 fonctionnaires en moins et 100 milliards d’économies sur les dépenses publiques, quand même), ce sera sans doute plus difficile… Sans compter que ceux qui votent à droite avant tout pour réduire leurs impôts (il y en a aussi) risquent d’être un peu déçus.

  • Que le PS et le FN réunis tapent sur Fillon est-ce surprenant ? si Juppé est représentant de la droite, élu par en fait par la gauche et les amis de Bayrou, des électeurs de droite risquent de choisir le FN au 1er tour et provoquer un duel FN-PS au second, seule chance pour le PS d’être au second tour ??? C’est tordu mais possible, non ?

  • @ Gwynfrid:

    Vous avez tout à fait raison sur la protection dont a bénéficié Fillon du fait de son manque de visibilité en début de campagne.

    Mais il a l’expérience du combat politique, 5 ans premier ministre cela marque son homme, je suppose qu’il est préparé à ce qui l’attend.

  • @ Aristote:
    Oui, bien sûr.

    Florence a écrit :

    Gwynfrid une primaire, ce n’est pas un match de catch où le public réclame du spectacle.

    Il n’est pas question de spectacle, mais de combat. Celui qui croit que la politique est affaire de débats rationnels entre gens polis… ne devient pas président de la République. Et, en réalité, cette primaire est beaucoup plus civilisée que les affrontements de coulisses du passé. On n’a pas vu d’attaques personnelles ou de tricheries (en fait si, mais les coups bas sont venus contre Alain Juppé, en provenance de l’extrême-droite). Comparez avec l’affrontement Chirac-Balladur ou Sarkozy-Villepin: le niveau de dignité s’est bien amélioré depuis. Sans remonter aussi loin, rappelez-vous la lutte au couteau qui a opposé MM. Fillon et Copé pour la présidence de l’UMP en 2012… on était largement au-delà que ce que vous reprochez aujourd’hui à Alain Juppé. Celui-ci utilise des arguments appuyés sur les positions présentes et passées de son adversaire, qu’il présente sous un jour négatif, et cherche à mettre en lumière ses différences le plus possible. C’est la tactique normale du challenger. Cela surprend uniquement parce qu’il a dû changer de pied brutalement, après avoir fait la course en tête, donc avec un positionnement rassembleur.

    Quand aux 215 parlementaires qui sortent du bois: cela veut juste dire que François Fillon a 215 soutiens dans les groupes parlementaires de droite. Ce n’est pas très surprenant, après avoir reçu le soutien de presque tous ses adversaires du premier tour… et il n’est pas rare de voir un politicien se ruer au secours d’une victoire quasi certaine.

    Pourquoi Alain Juppé se lance-t-il subitement dans une frénésie offensive? Psychologiquement, on peut comprendre qu’il soit vexé de s’être fait ainsi surprendre au coin du bois, mais je crois le bonhomme trop professionnel pour perdre vraiment ses nerfs. Je vois deux raisons: d’abord, c’est un combattant. En cela, il ressemble beaucoup à son adversaire. Ceux qui parviennent à ce niveau sont tous des gens qui détestent perdre, et qui ne renoncent jamais avant le gong final. D’ailleurs, François Fillon ne vient-il pas de prouver qu’il y a toujours une petite chance?
    L’autre raison est plus brutale: c’est la dernière chance d’Alain Juppé, s’il échoue ici, sa carrière s’achève. Il n’a pas besoin de se réserver pour une bataille future.

    On a ici un combat entre deux vieux crocodiles de la politique (plus de 40 ans de carrière chacun). Les crocodiles ne portent pas de gants pour se battre.

  • Gwynfrid a écrit :

    ’autre raison est plus brutale: c’est la dernière chance d’Alain Juppé, s’il échoue ici, sa carrière s’achève. Il n’a pas besoin de se réserver pour une bataille future.

    On est d’accord. Là où ça devient gênant c’est dans la recherche d’une victoire à la Pyrrhus. Les coups bas sont une chose. Navrante, mais compréhensible. Autre chose est de faire presque ouvertement campagne comme si c’était le camp d’en face qu’on voulait mobiliser, en ayant compris qu’on avait perdu dans son camp. Mais alors, qu’est-ce que l’on fait gagner ? Soi, uniquement, pas avec son camp mais même contre lui. La tactique est compréhensible. La stratégie est incautionnable. Une primaire (qu’on en approuve le principe ou qu’on soit réservé) est faite pour désigner le champion d’un camp.

    Et ça fonctionne en plus. Un exemple parmi beaucoup d’autres, hier soir, je voyais Le Guen faire pratiquement campagne pour Juppé (« c’est lui le mieux à même de battre Le Pen » – alors quoi ils n’auront pas de candidat au PS ? – et autres compliments sur sa stature de chef d’Etat je crois, j’aurais dû noter mais il était plus élogieux qu’un Lagarde !)
    Entre avoir des indépendants anciens FN, clairement à droite, qui annoncent un vote de conviction quant à une primaire de droite, et avoir un membre du gouvernement de gauche comme soutien de campagne dans la même primaire, qu’est-ce qui est le plus incongru ?

    Quant à mes « radars de gauche » sur réseaux sociaux, ils sont assez séduits par ce beau projet d’aller faire barrage au crypto-pétainiste sarthois. (Il faudra que je rappelle à certains d’entre eux qu’il a voté l’abolition de la peine de mort en 81, pour le test…)

    Si – comme c’est tout de même fort peu probable – Juppé emportait cette primaire dimanche sa légitimité à rassembler la droite contre la gauche serait extrêmement douteuse, avec une bonne part de ses électeurs du 27 qui voteraient contre lui en 2017 et une bonne part des mobilisés de droite du 20 qui risqueraient de ne pas voter pour lui en 2017.

    Pour finir,sur Fillon lui-même : je pense que, une fois que le duel imposé par les médias depuis un an a une une petite fenêtre pour être cassé, les électeurs de droite ont vu une ouverture : voter pour quelqu’un qui leur ressemble – pour autant qu’on le puisse en ayant fait toute sa carrière dans les assemblées et gouvernements et jamais connu la précarité, bien sûr, mais c’est le cas de toute l’offre disponible. Perçu comme non déconnecté du terroir, non corrompu et soumis au « système » (même s’il en est), en particulier médiatique (le recadrage de « l’instant Charline » a sûrement fait énormément de bien pour ça)… Ne niant pas les vertus du gros bon sens et des traditions. Ca pourrait être le cousin qui a réussi. C’est pour ça que je pense que ça peut fonctionner. A suivre…

  • Gwynfrid a écrit :

    On a ici un combat entre deux vieux crocodiles de la politique (plus de 40 ans de carrière chacun). Les crocodiles ne portent pas de gants pour se battre.

    Pas du tout d’accord car il s’agit de primaires ouvertes, donc pour des gens qui sont directement concernés dans leur vie de tous les jours par les décisions de ces crocodiles.
    Qu’ils fassent leur combat de coqs entre eux si ça leur chante ainsi que leurs spectateurs initiés qui aiment ce genre de spectacle. Mais qu’ils ne le fassent pas sous nos yeux, nous simples électeurs, il faut qu’ils nous respectent. Et si Juppé ne sait pas garder ses nerfs et maîtriser son instinct de crocodile, qu’il dégage et qu’on n’entende plus jamais parler de lui.
    Nous, simples électeurs, ne supportons plus ces combats de crocodiles. Le sort de notre pays, de nos enfants est en jeu. Toutes catégories confondues, il y a 6 millions de chômeurs. Autour d’un million de personnes au RSA. 2000 milliards de dettes légués à nos enfants.
    Alors , je vais vous dire le fond de ma pensée : les poussées de testostérone d’un vieux crocodile en mal de pouvoir me paraissent obscènes.

  • L’intégralité de ce qui se dit cette semaine sera oublié dans quinze jours. Juppé peut y aller autant qu’il veut, s’il pense que ça peut marcher. Une semaine de baston, c’est trois fois rien.

  • C’est plié ! Quelles que soient les analyses a posteriori, et la correspondance indéniable entre le candidat et la majorité des électeurs de droite, on remarquera quand même que Fillon a largement profité de sa position d’outsider et de l’attitude des deux favoris. Juppé n’a vraiment attaqué le programme de Fillon que dans l’entre-deux tours, et encore pas très bien (sans doute trop agressif sur l’avortement et pas assez précis sur la suppression de 500 000 fonctionnaires, l’augmentation partiellement compensée de leur temps de travail, les déremboursements de la Sécurité sociale, etc.). Quant à Sarkozy, il a largement contribué par sa campagne à démolir la crédibilité de Juppé auprès des électeurs de droite (trop centriste, trop mou, trop vieux), mais ce n’est pas lui, mais son ancien premier ministre, qui en a finalement profité.

  • Jeff a écrit :

    Outre l’élimination de Sarkozy, l’autre bonne nouvelle réside à mon avis dans le fait que François Fillon ne manque pas d’atouts pour ramener dans le giron républicain des électeurs de droite égarés à l’extrême-droite (et notamment des catholiques), sans avoir à copier le programme du FN ni à adopter une attitude outrancièrement populiste.

    C’est effectivement une autre bonne nouvelle (que j’évoque dans mon autre billet) : que le candidat le plus populiste, celui qui pense indispensable de bouffer les négations, faire des blagues en meeting, parer « double ration de frites » ne recueille pas la préférence est plutôt doux à constater. Cela signifie qu’il reste une fenêtre pour la candidature d’une droite classique et d’une autorité sereine. La diabolisation de Fillon cette semaine est d’autant plus injuste et contre-productive. Mais elle a tendance à me laisser penser que, pour une part conséquente de la gauche, le débat démocratique a sa limite : le candidat, ou le président, de droite est toujours illégitime. Quel qu’il soit, il est toujours un fasciste, un crypto-nazi…

    Mais nous sommes d’accord : il est nécessaire d’avoir quelqu’un comme Fillon. Quelqu’un qui serve d’ancrage à des électeurs de droite. Qui labourent son sillon, crée son espace, sans avoir besoin de lorgner à gauche comme Juppé, ou à l’extrême-droite comme Sarkozy. Quant à Juppé, après de surcroît cette semaine, où il a indisposé bien du monde, ou il s’est marqué comme le candidat soutenu par la gauche, après être apparu très nettement comme le candidat Clintonien, de l’establishment, s’il passait, ce serait au contraire le problème inverse : il entraînerait la désaffection immédiate d’une part notable des électeurs de droite, et nombreux sont ceux qui « franchiraient le Rubicon ».

  • humpty-dumpty a écrit :

    On est d’accord. Là où ça devient gênant c’est dans la recherche d’une victoire à la Pyrrhus. Les coups bas sont une chose. Navrante, mais compréhensible. Autre chose est de faire presque ouvertement campagne comme si c’était le camp d’en face qu’on voulait mobiliser, en ayant compris qu’on avait perdu dans son camp. Mais alors, qu’est-ce que l’on fait gagner ? Soi, uniquement, pas avec son camp mais même contre lui.

    D’abord, comme je l’ai dit plus haut, je ne vois pas de coups bas. Alain Juppé n’a fait que citer les déclarations de son adversaire. Ce n’est pas plaisant, mais ce n’est pas malhonnête. Oui, il essaie de mobiliser à gauche – cette tactique est jouable, car les primaires sont assez ouvertes pour cela. De son côté, Nicolas Sarkozy ne s’était pas gêné pour envoyer des signaux aux électeurs FN. C’est de bonne guerre même si ça choque les militants de leur propre parti. Curieusement, ça choque plus quand les signaux vont vers la gauche que vers l’extrême-droite: c’est là un signe de plus, si on se demandait encore quelle tendance politique a le vent en poupe.

    Koz a écrit :

    Mais nous sommes d’accord : il est nécessaire d’avoir quelqu’un comme Fillon. Quelqu’un qui serve d’ancrage à des électeurs de droite.

    C’est une forme de rempart contre le FN au second tour. À l’opposé, la stratégie d’Alain Juppé crée un rempart aussi, mais avec une autre méthode: en récupérant les voix de gauche et du centre. Ça a marché à la primaire, après tout: Il est arrivé devant M.Sarkozy.

    Le problème de la stratégie Juppé, c’est qu’elle ne fonctionne qu’en supposant l’effondrement complet de la gauche au premier tour. Certes, c’est le plus probable vu d’aujourd’hui. Mais est-ce certain? À cet égard, la technique Fillon est plus assurée, car elle résisterait à l’émergence inattendue d’un candidat de gauche crédible.

    Symétriquement, le risque que prend François Fillon est de voir les électeurs de gauche le laisser seul face à Marine Le Pen. En tant que représentant parfait du système (plus encore qu’Alain Juppé, avec 12 ans en tout passés au gouvernement), M.Fillon a des fragilités que la campagne des primaires n’a pas vraiment exposées – d’autres s’en chargeront avec plaisir.

    Tout bien pesé, je crois tout de même que François Fillon est le meilleur candidat. Alain Juppé a commis l’erreur de faire une campagne à la Balladur: tranquille et sans chercher à flatter ou émouvoir ses partisans. Anecdotiquement, j’ai eu un doute pour la première fois lorsque j’ai vu son logo de campagne, un gadget un peu bêta, qui ressemblait fortement à celui de Jeb Bush: le signe de quelqu’un qui aura toujours de la peine à éveiller l’enthousiasme. François Fillon n’éveille que celui d’une clientèle restreinte: le coeur de cible de la droite. C’est déjà une bonne base de départ.

    Dans toute cette réflexion, j’ai évacué les questions de fond. En effet, je crois que les deux hommes feraient presque exactement la même politique. L’esprit plus tranché de M.Fillon se heurtera un peu plus directement aux réalités; et son expérience a amplement prouvé sa capacité au compromis. Sur les questions de société qui affolent tant les commentateurs et les médias, il s’est montré très prudent dès qu’il a fait face à une vraie réaction: cela montre un esprit pragmatique, celui d’un homme qui sait que les présidents ne font ni ne défont les changements de société.

    Reste donc uniquement la question de qui a la meilleure chance contre Marine Le Pen. Pour moi, ce sera Fillon.

  • Koz a écrit :

    Mais elle a tendance à me laisser penser que, pour une part conséquente de la gauche, le débat démocratique a sa limite : le candidat, ou le président, de droite est toujours illégitime. Quel qu’il soit, il est toujours un fasciste, un crypto-nazi…

    Finkielkraut a dit un truc du genre : « La gauche ne reconnaît pas d’adversaire légitime ».

    La façon dont ils se sont spontanément alignés pour construire en urgence le portrait du croquemitaine Fillon est absolument fascinante. Ca mériterait de faire l’objet de thèses de sociologie.

    Ca m’inspire 2 observations:

    D’abord, la gauche illustre magnifiquement un principe libéral : la coordination naît spontanément de l’intérêt commun. C’est cocasse.

    Ensuite, la similitude des attaques du PS et du FN contre Fillon souligne une proximité déjà évidente depuis un moment (autoritarisme justifié par l’invocation du bien commun) et va créer une dissonance cognitive massive dans les 6 mois qui viennent. Une partie des socialistes trouvera son salut dans encore plus d’outrance. Les autres verront leur vision du monde s’effondrer. Ca sera très dur, il faudra être sympa avec eux.

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