Internet n’est pas satanique

C’est un vrai soulagement. Figurez-vous qu’il y a fort longtemps, mais un peu moins de 20 ans, dans ce même monde, un mien ami tentait de me démontrer qu’Internet était satanique. www, en numérologie hébraïque, cela donnait 666, le nombre de la Bête. Je m’étonnais : et le minitel, notre minitel (parce qu’Internet, c’est les ricains, aussi) ? 36 15, cela donne bien trois fois six. Depuis, il a terminé son séminaire, a été ordonné, et s’étonne encore d’avoir tenu ce propos. Notez que je crois bien, moi-même, avoir dit des conneries sérieusement.

Mais dernièrement, je lisais dans une revue catholique que je ne nommerai pas, parce que j’ai encore des principes moi bande de crevures, un article sobrement intitulé « un danger pour les jeunes ». L’auteur y écrivait qu’Internet était « la mort de l’esprit et du verbe ». De l’esprit, et du verbe. Les deux à la fois. Et pour un catholique, voyez-vous, contribuer à faire mourir à la fois l’Esprit et le Verbe, putain, ça vous en touche une et ça fait bouger l’autre. Bref ça remue.

Les athées ricanent. C’est un peu facile. Mais comme ils ne savent pas ce qu’ils font, on est cool, on pardonne. Ils disent pourtant d’autres conneries. Mais puisqu’on a dit qu’on passait, passons ! Et puis, on en trouve, pour incriminer Internet, sans passer par des prétextes religieux. Le processus est le même et, ma foi, sa déconstruction aussi. Prenez les apéros géants : combien ont incriminé Facebook soit, in fine, Internet ? Et Denis Olivennes restera célèbre pour avoir désigné Internet comme « le tout-à-l’égoût de la démocratie ». Pincez-vous le nez si vous le sentez, et poursuivez la lecture, s’il vous plaît. Ah, on incrimine aussi Internet pour le temps court. Là, j’avoue que j’y serais bien sensible. Mais pas comme ça, non ba comme za[1].

Et je lisais, ce matin :

Aucune réalité n’appartient en propre à sa malfaisance. Qu’on fasse l’inventaire des choses qu’on lui associe, chacune peut être rappelée à un ordre bienfaisant.

– Et le nombre 666 ? C’est le chiffre de la Bête, dans l’Apocalypse (13, 18).

– C’est aussi le nombre des fils d’Adoniqam, dans le livre d’Esdras (2, 13). Ceux-là qui quittèrent l’exil à Babylone et retrouvèrent la Terre promise. Adoniqam signifie d’ailleurs : « Mon Seigneur s’est levé ».

(…)

– La croix renversée… Ca, c’est le bijou des satanistes, de la perversion pure !

– Le blason même du premier pape ! Le signe du martyre de saint Pierre qui, par humilité, ne voulut pas être comme son Maître crucifié à l’endroit !…

Le théorème : aucune chose n’appartient en propre à la malfaisance, implique aussi ce corollaire : n’importe quelle chose, hormis Dieu et ses saints, peut être détournée. Le sabre, le goupillon, une icône de la Sainte Vierge, un tarbenacle changé en coffre-fort, le retable de l’Agneau mystique devenu retape du séjour touristique… Prince de ce monde, malgré tout. (…)

Mais tout cela qui a été détourné, le juste doit le retourner. De nouveau, le mal moral n’est pas une chose, malum non est aliquid, comme disent les scolastiques, il est un certain usage désordonné des choses. »

Fabrice Hadjadj, La foi des démons, éd. Salvator, pp 132-134

C’est marrant, non ? Moi, j’aime bien en particulier l’idée de tous ces jeunes qui portent autour du coup l’insigne du premier pape. Je les regarderai avec tendresse à l’avenir, c’est promis. Peut-être même que ça les gonflera un peu. Et 666, même pas si satanique qu’on le croyait…

Oh, on peut dire ça très simplement aussi. On peut simplement rappeler qu’Internet est un outil. On n’épuise pas complètement le sujet, toutefois, puisqu’on tue moins bien à coups de cuillère à glace qu’avec un flingue et que, même élevé par un con, un Yorkshire sera toujours moins dangereux qu’un Staffordshire Terrier, signe qu’il y a tout de même quelques « outils » douteux. Notez qu’on pourrait alors questionner les intentions de leurs créateurs.

On n’est donc pas obligés de passer par la Bible pour dire que ce n’est pas le net en lui-même qu’il faut incriminer – puisqu’il en reste qui s’oublient encore dans cette voie. Mais notez qu’en passant par l’Apocalypse et le Livre d’Esdras, ça marche aussi. Elle est pas belle, la vie ?

photo initiale de Léo Reynolds, modifiée

  1. private joke : je crois que seule ma femme pourrait la comprendre. Et non, y’a rien de sexuel []

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27 commentaires

  • Comme on dirait sur Facebook, je like. Je like beaucoup même.
    J’aime (on est français quand même, bon…) surtout la citation de Fabrice Hadjadj: rien n’est jamais ce qu’on croit en fait!

    Du coup on ne peut qu’être plein d’espoir. On a tous les outils en main, à nous de ne pas en faire n’importe quoi.
    Let’s go, faut pas se rater!

  • « j’aime bien en particulier l’idée de tous ces jeunes qui portent autour du coup l’insigne du premier pape »
    Vous en connaissez tant que ça, vous ? Vous devriez surveiller vos fréquentations.

    (Désolé, pas pu m’en empêcher…)

    Sinon, rien à redire, ça me semblait évident depuis toujours qu’un outil n’est que ce qu’on en fait, je ne cesse de défendre cette théorie pour la musique.

  • « Mais pas comme ça, non ba comme za. »
    La blague, c’est que vous vous pincez le nez en le disant ou c’est qq chose de beaucoup plus recherché ? 🙂

  • C’t’amusant, en commençant à lire l’article, j’ai voulu vous citer, pour appuyer et rester dans le thème, Fabrice Hadjadj dans « la foi des démons ».. bon ben voilà…

    Tout de même, pour ne pas être en reste, il faudra que je retrouve tel article d’une revue de mathématiques, quelque part dans mes caisses à revues, un article amusant qui exposait un bref et non exhaustif aperçu historique des diverses tentatives de retrouver « le nombre de la Bête » dans le nom de tel ou tel, selon qui on avait a priori décidé de conspuer.
    À certaine époque, d’ailleurs, où co-régnaient 2 papes (comme quoi d’ailleurs quand on se plaint de la nôtre, d’époque…), des partisans de l’un ou de l’autre trouvaient une manière rigoureuse de prouver le caractère satanique de l’anti-pape d’en face en découvrant le fameux nombre dans son nom.

    Ce qui nous donne un bel exercice pour remplacer les Chiffres et les Lettres : trouvez 666 dans le nom de votre voisin ; de votre patron ; de votre belle-mère ; de Sarkozy ; …

  • A propos de vos fréquentations douteuses qui ont une croix renversées…;-) il y a aussi beaucoup de jeunes qui mettent un chapelet autour du cou! Oh joie! tant de catholiques???

    J’ai abordé une jeune fille chez le coiffeur, elle portait un beau chapelet autour du cou. Imaginez le topo! « vous êtes catholique??? » silence apeuré « ben, oui, vous avez un chapelet autour du cou, vous n’êtes pas catholique? » Stupeur de + en + forte (« de quelle planète elle tombe celle-là » lis-je dans son regard.je pense que je suis hors du monde, c’est ça ma planète mystère),mais je crois qu’elle est atomisé par mes questions. Le coiffeur a du intervenir:( elle ne s’en remettait pas). « ah oui, maintenant, on met ça autour du cou »

    la fille est partie sans avoir dit un mot, et quand j’ai payé, j’ai sorti, ça, de ma poche, avec mes sous!

    D’après mes enfants c’est assez courant et les chapelets se vendent dans un magasin de mode!

    Alors entre les croix renversées qui sont l’emblème du premier pape et des satanistes, et les chapelets instrument de prières ou de beauté??? Dieu reconnaîtra les siens…

  • Denis Olivennes restera célèbre pour avoir désigné Internet comme « tout-à-l’égoût de la démocratie ».
    Voilà une expression extraordinaire qui consiste à dire que l’opinion ne peut s’exprimer qu’à travers les « moyens officiels » de la doxa. J’ai l’impression au contraire que l’Internet correspond en gros à un moyen démocratique semblable à ce que pouvaient être les volantes que tout un chacun pouvait imprimer au tout début de la Révolution Française (Canard Duchêne, l’Ami du Peuple, etc.)

    Quand la planche à imprimer est née au milieu du XVe siècle, le duc de Montfeltro (Urbin-Italie) s’est juré que jamais un « livre » sortant de ces presses ne rentrerait dans sa bibliothèque. Son objectif visait à faire obstacle à la vulgarité : il est vrai que l’édition ouvrait un autre monde.

    Denis Olivennes (n’est-il pas le patron du Nouvel Obs ?) et ses alter ego n’imaginent pas qu’ils sont mourants ! J’éprouve un plaisir particulier à naviguer ici et ailleurs (e.g. Sur le Ring) où je trouve d’excellents auteurs et d’excellents sujets ….
    et je laisse ce qui ne me convient pas filer au « tout-à-l’égoût ».

    Merci Koz; un problème residuel : comment rémunérer les auteurs ?

  • Un billet plus léger c’est sympa aussi.

    « Mais pas comme ça, non ba comme za. »

    Mot d’enfant? 🙂

  • Ma date de naissance est le 6 6 66.
    Le chiffre du diable me dit on souvent. Diabolique moi? non catholique (du mieux que je peux!!!)

  • Diantre pourquoi me colle-t-on un avatar cornu?! Ce n’est qu’un détail mais je préfère la version attribuée à Mies van der Rohe: « Dieu est dans le détail ».

  • Est-ce vraiment parce que ça ne lui plaît pas qu’il le diabolise ou bien lui prêtez-vous cette intention parce que ce qu’il dit ne vous plaît pas ? 😀

  • En somme, internet,c’est un peu comme le début des journaux…

    Mais alors, misère, que sera internet sur la fin?!?!

  • Au risque de déranger cette belle union sacrée autour d’Internet, en tant qu’enseignante en humanités, je peux dire qu’Internet est un engin de destruction intellectuelle massive chez des jeunes qui ne bénéficient pas d’un milieu où la lecture est valorisée. Et l’introduction à tire-larigot d’ordinateurs et de wi-fi dans les universités n’arrange rien. En outre, n’importe qui peut faire l’expérience de l’addiction à Internet : on surfe, on clique, on surfe, et pan, on a perdu 1h à regarder le dernier potin, la dernière recette, l’âge d’Arielle Dombasle… Dire qu’Internet permet l’élargissement des connaissances est une vaste foutaise : cet usage est très secondaire. Dire que c’est un moyen de communication extraordinaire pourquoi pas… Encore que la com’ pour la com’: pour quelle finalité? Dire que c’est satanique est un peu stupide. Mais l’idéologie d’Internet et de Wikipedia qui va nous rendre tous amis et cultivés est une autre stupidité.

  • Louve a écrit:

    Est-ce vraiment parce que ça ne lui plaît pas qu’il le diabolise ou bien lui prêtez-vous cette intention parce que ce qu’il dit ne vous plaît pas ?

    Les mêmes me trouveront objectif quand ils sont d’accord, et de mauvaise foi, lorsqu’ils ne partagent pas mon avis.

    @ L’oeil et l’esprit: ah, la figure imposée de celui/celle qui va déranger une prétendue union sacrée. Mais où avez-vous lu, dans le billet et les commentaires, une union sacrée autour d’Internet ? Dire qu’internet n’est pas satanique a son pendant : internet n’est pas saint, ou sacré. Et qui sait, peut-être internet exige-t-il simplement que certains mettent à jour leurs méthodes d’enseignement ? Peut-être faut-il s’adapter à cette évolution et mettre d’autant plus l’accent sur l’utilisation des connaissances, leur mise en oeuvre, leur organisation que sur leur seul apprentissage, puisque tout devient assez aisément accessible ?

  • D’accord sur le fond, évidemment.

    Mais l’argument «un outil n’est pas bon ou mauvais (moralement), tout dépend de l’usage qu’on en fait» me laisse toujours sceptique. C’est l’argument, fort répandu de nos jours, de la neutralité morale de la technique, et il est critiquable de bien des façons.

    On peut remarquer par exemple qu’il y a des outils, ou des techniques, qui permettent seulement de mieux faire (plus efficacement, à moindre coût, etc.) ce qu’on faisait déjà autrement. L’automobile permet de se déplacer plus efficacement que le cheval (qui se fatigue, fait du crottin, ne va quand même pas très vite). Mais il y a aussi des techniques qui permettent de faire des choses entièrement nouvelles, des choses qu’on n’imaginait pas pouvoir faire auparavant. Penser à la bombe atomique ou à l’ingéniérie génétique: l’existence de la technique fait, en soi, naître un problème moral inédit — à partir du moment où telle chose est possible, elle peut devenir un objectif (détruire une ville à distance, fabriquer un clone). Ça n’est pas éthiquement neutre, et certains moralistes estiment qu’en certains cas il serait mieux de renoncer tout simplement à certaines recherches (pour ne pas devenir capables de faire certaines choses pour l’instant heureusement impossibles).

    Autre argument (avancé par le philosophe Günther Anders, l’auteur de L’obsolescence de l’homme et d’un livre dont le titre résume bien l’optimisme primesautier de l’auteur, Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j’y fasse?. Anders, donc, qui n’a pas été pour rien élève de Heidegger et même mari d’Hannah Arendt, soutient qu’à l’ère de la technique, celle-ci change de nature: auparavant, elle proposait des moyens pour des fins, maintenant, c’est elle la « fin », au sens où « la production de moyens est devenue la fin de notre existence ». Il dit encore: d’abord on produit des moyens, et puis lorsqu’ils existent on s’efforce de leur trouver des fins, i.e. quelque chose de présentable à quoi ils pourraient servir. Donc, « les moyens justifient les fins ».

    Si on retient le premier argument, on a plutôt envie de dire qu’Internet est une nouvelle manière de faire des choses qu’on faisait déjà auparavant, mais moins bien, moins vite, à moins grande échelle, à coût plus élevé (informer, dialoguer, communiquer, etc.). Donc c’est « juste » un instrument.

    Si je voulais donc critiquer Internet, je tenterais plutôt la deuxième voie: Internet modifier substantiellement notre rapport « au Verbe et à l’Esprit », altère notre goût de la vérité, modifie de façon désastreuse nos échanges avec autrui, etc.

    Mais bon, just joking: ce n’est pas ce que je pense — je fais rien qu’à causer pour causer. Ah, et puis aussi je plombe d’un kilo de pesanteur philosophique un billet dont nous avons tous apprécié la légèreté rafraichissante.

  • C’est pas faux, c’est pas faux, et je me reposais la question en relisant mon billet, mais prenons l’exemple de la bombe atomique et de l’ingénierie génétique. Ne s’agit-il pas pas justement là, comme je le disais à propos de l’exemple du flingue et du molosse, de questionner les intentions ? Dans ces deux derniers cas, les outils peuvent sembler en cause, mais ce sont bien, premièrement et ultimement, les hommes qui sont en cause : le Straffordshire Machin a été créé par l’homme, par une suite de sélection, pour en faire un animal de combat, quant au flingue, on peut éventuellement en posséder un sans jamais s’en servir (même si le meilleur moyen de ne pas s’en servir est de ne pas en avoir).

    S’agissant de l’ingénierie génétique, justement F. Hadjadj l’évoque : le diagnostic prénatal fur permis par le Professeur Lejeune afin de soigner l’enfant le plus tôt possible, et l’on s’en sert pour tuer in utero.

    L’exemple de la bombe atomique me semble plus parlant, parce qu’on ne voit pas bien quelle « bonne intention » il y a pu y avoir derrière sa création.

    Mais bon, je crois comprendre que ton point est un peu autre : l’outil n’est pas neutre, parce qu’il amène de nouvelles questions. D’ailleurs, Hadjadj commence son point en disant surtout qu’aucune « réalité n’appartient en propre à sa malfaisance » et il poursuit en disant : « tout cela qui a été détourné, le juste doit le retourner ». C’est toujours ultimement la responsabilité des hommes.

    Bon, cela dit, je perçois aussi les inconvénients du Net, et les nouvelles tentations, les nouveaux risques qu’il convient de maîtriser. Mais à chaque point négatif que j’entrevois, j’en trouve de positifs.

  • Le problème bien sur c’est l’utilisation de l’outil pas l’outil lui-même mais je trouve les arguments de philarête très percutants. Le problème en fait vient de la masse. Sans faire mon Brassens qui pensait qu’au delà de trois en était une bande cons, les masses en marche sont rarement très productives. La masse c’est la loi de lynch. Ce sont les moutons, les troupeaux. Parfois on peut mobiliser les masses pour quelque chose de contructif mais c’est finalement assez rare dans l’histoire et le mérite en revient plus aux individus qui ont réussi à canaliser ces masses plutôt que la masse en elle-même.

    Enfin bref… Il y a eu Mai 68 peut être avec ses bons côtés mais là, nous avons quelque chose de nettement moins sophistiqué : nous avons la biture de masse. Or, il se trouve que seul Internet permet de rassembler rapidement des masses – sans l’outil, ce genre d’évènement n’est pas possible. Par contre, que des gens se comportent de cette façon est prévisible. Nous avons donc un outil pour les masses en sachant que les masses vont inévitablement faire des conneries. Et que celles-ci seront largement amplifiées par l’outil.

    On en revient à l’éducation… et à la conscience que l’outil peut être dangereux quand bien même il permet aussi de réaliser de grandes choses. Minimiser ses dangers intrinsèques n’apporte pas non plus de solution.

  • J’aurais tendance à être assez d’accord avec L’oeil et l’esprit sur l’utilisation d’Internet à des fins pédagogiques par une certaine tranche d’âge (assez large au demeurant), mais je ne suis pas pour autant fondamentalement persuadée qu’Internet est mauvais. On peut très bien mettre en garde nos élèves/étudiants contre Wikipedia et leur apprendre quelles sont les bonnes ressources à consulter dans tel ou tel domaine.
    Il m’est arrivé d’utiliser Wikipedia pour vérifier tel ou tel point d’un cours, parce que je savais quelle était la source qui se cachait derrière Wikipedia, tout en demandant à mes étudiants d’exercer un peu plus leur esprit critique.

    Ceci étant dit, je trouve ce débat passionnant et je trouve la synthèse d’Eponymus très pertinente.

    Et j’en profite pour remercier l’auteur des lieux pour cette citation de Fabrice Hadjadj; j’aime particulièrement l’argument de la croix renversée.

  • Parfois les commentaires font naître un nouveau sujet, celui de Philarête est très intéressant, il étend la problématique au delà d’internet.

    L’homme a soif de savoir. Renoncer à certaines recherches, c’est tout simplement impossible, en particulier parce qu’il est parfois difficile d’anticiper ce qu’une recherche produira – tiens on pourrait bifurquer sur le financement de la recherche « sur projet », autre sujet qui me tient à cœur. Becquerel, ou les Curie, n’imaginaient pas la bombe atomique. Lejeune n’avait certainement pas prévu que ses travaux trouveraient des applications en contradiction avec ses convictions. Mais dans ces deux exemples, les recherches effectuées ont permis des avancées dont le bilan reste globalement positif.

    Se pose alors la question éthique des applications de la recherche. Elle est inévitable. Elle est complexe, car rien n’est jamais tout blanc ou tout noir en matière d’éthique. Les limites sont délicates à poser, et fixer a priori le curseur à une extrémité ou une autre est souvent une position de confort qui évite une réflexion difficile – dans des problématiques proches de celles de Lejeune que citait koz, on peut citer René Frydman qui ne s’économise pas cette réflexion sur sa propre pratique médicale.

    On a un peu parlé ces derniers temps (plus, curieusement, dans la presse étrangère que dans la presse française qui a réagi timidement et avec retard) d’une re-création intégrale en laboratoire d’un génome. Il s’agissait en l’espèce de créer, à partir de l’inerte, une copie d’organisme vivant – une cellule dont l’ADN a été intégralement synthétisé en laboratoire. Cela ouvre de grandes perspectives médicales – avec le bémol qu’une motivation importante de la recherche biomédicale actuelle reste d’une certaine manière une quête de l’immortalité. Mais le génome de la variole est public, et simple. Cela veut dire qu’on pourra, de plus en plus aisément, refabriquer, en laboratoire, le virus. On pourra sans doute, prochainement, en fabriquer des versions modifiées, contres lesquelles les vaccins actuels seront inopérants.

    On parle encore moins des progrès en nanotechnologies, en particulier des nano-robots. Les progrès sont rapides (http://www.nature.com/nature/journal/v465/n7295/abs/nature09012.html). Et alors que dans l’exemple précédent on se contente de copier la nature, les nanotechnologies vont produire des « objets » qui n’ont pas d’équivalent dans le vivant connu sur Terre. L’intelligence humaine est en train d’aller dans ce domaine au-delà de ce que la Nature a réussi à faire. Bientôt des nano-robots pourront aller réparer en place de l’ADN défectueux. Mais ils pourront faire bien d’autres choses, qu’on commence à peine à entrevoir. Faut-il arrêter cette recherche ?

    « tout cela qui a été détourné, le juste doit le retourner » : très bien dit…

  • Si la « masse » était aussi rarement productive, l’évolution des espèces n’aurait jamais eu lieu…

  • Il est absolument excellent Hadjadj, mais bon, il faut quand même signaler que le satanisme s’efforce de parodier et de retourner tous les symboles christiques, et que c’est devenu une référence en soi. Même la hiérarchie en enfer est un plagiat de celle du paradis, c’est pour dire. Donc, si le rôle du catho est de se battre contre le satanisme, il doit tout de même se garder de reprendre des symboles adverses, sous prétexte que c’était catho à la base. Je ne vais pas reprendre le bouc satanique sous prétexte qu’il parodie l’agneau du Christ, etc, etc.

    Sinon, RAS sur le sujet du billet, ce n’est pas moi qui vais considérer qu’Internet serait satanique, certains cathos conservateurs ont bien le droit de dire des conneries. Pour le reste, oui, Internet induit un autre rapport à la lecture/connaissance/amitié, comme tous les autres moyens de contacts l’ont fait avant lui. So what ? On dit que Socrate critiquait l’écriture parce qu’elle réduisait l’exercice de la mémoire, et l’exemple cité plus haut à la Renaissance montre bien l’hostilité de certains à l’égard de l’imprimerie. On pourrait répondre que c’est justement le boulot des profs que de s’adapter et d’apprendre à utiliser cet outil, sans rien oublier de la lecture, et de l’enseignement des classiques. Rien de nouveau sous le soleil, donc…

    L’exemple de la bombe atomique me semble plus parlant, parce qu’on ne voit pas bien quelle « bonne intention » il y a pu y avoir derrière sa création.

    La bombe atomique nous a permis d’éviter une troisième guerre mondiale et tu te poses la question ? Que je sache, les communistes n’étaient pas moins hostiles que les nazis, ils avaient juste une menace jamais vue auparavant au-dessus de la tête qui changeait toute la donne. Ça refroidit les ardeurs.

  • Peut-être eût-il mieux valu la troisième guerre mondiale que la guerre atomique qui finira par arriver ?

    Si l’on observe l’histoire à longue échelle, le progrès manifeste dans la létalité des armes n’a jamais empêché les guerres d’arriver.

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