Tuer les gens contre leur gré, c’est pas bien

Sidérant : au lieu d’y voir une occasion unique de la mouler, les partisans de l’euthanasie active se sont saisis du cas du docteur Bonnemaison comme d’un étendard pour en revendiquer la légalisation ou, à tout le moins, réclamer un débat.

Dans un édito vidéo que seule la barbe naissante de Christophe Barbier permettra de dater tant l’argument relève du marronnier, ce dernier, Larousse à la main et mine concernée, l’exige. Tant pis si L’Express en profite pour ouvrir immédiatement ses lignes à un… débat. Tant pis si à l’Assemblée et au Sénat, on en a débattu maintes fois et pas plus tard qu’en janvier dernier. Tant pis si, par mes près de vingt-cinq billets en six ans, j’ai eu l’impression de contribuer un peu à une forme de débat permanent[1].

Non, il faut laisser croire que la parole serait confisquée, et il faudra donc débattre et débattre encore, le seul critère de validité du débat étant bien sûr l’alignement sur leurs positions. Pour preuve, l’édito de Christophe Barbier qui réclame prétendument un débat s’intitule « pour l’euthanasie active« .

Et cette nouvelle occasion qui commanderait de légaliser l’euthanasie active, la voici, aussi surprenant que cela puisse paraître : le cas du médecin qui « euthanasie » ses patients sans leur consentement.

Quelle confusion mentale peut-elle donc conduire à repousser l’effroi qu’une telle situation devrait susciter pour enrôler le docteur Bonnemaison sous la bannière de la dignité… et de la liberté ?! Qu’on me pardonne alors mon titre un peu sommaire, mais il semble que certains repères simples doivent être  diffusés.

Car malgré cette circonstance, Libé part en campagne et ce, au nom de la liberté, alors même que la liberté du patient euthanasié sans son consentement paraît avoir été un poil bafouée. Barbier aussi, on l’a vu. L’ADMD bien sûr, malgré une prudence apparente. Et puis les pétitionnaires qui, relayés habilement dans les medias, soutiennent le médecin sur Facebook, et lui apportent même un soutien « inconditionnel » sur mesopinions.com, quand l’existence du consentement du patient semblerait pourtant constituer la moindre des conditions à un soutien quelconque.

On préférera penser que ces derniers ne savent pas plus aujourd’hui de quoi ils parlent qu’ils ne connaissaient la loi hier, celle-là même dont ils réclament pourtant sans cesse la révision[2].

Car enfin, ne voient-ils pas, ces militants qui ne cessent de fustiger le pouvoir des médecins quand ceux-ci s’opposent à l’euthanasie, quelle substitution inepte ils encouragent ? Au pouvoir de maintenir le patient en vie contre son gré, ils substituent le pouvoir fou de donner la mort. De la donner seul, sans l’accord des patients, sans l’accord des familles, sans consulter personne, sur la foi de ses seuls critères personnels. Le pouvoir de vie et de mort – précisément – du médecin sur le malade.

En effet, d’après les éléments rendus publics, le docteur Bonnemaison a décidé seul d’euthanasier ses patients, sans leur accord, sans le consentement de la famille, sans concertation avec son équipe médicale.

Bien sûr, bien sûr, il y a l’intention. Et il semble que le docteur Bonnemaison, de surcroît frappé par la mort de son père, ait pensé faire preuve de compassion. Mais qui a dit que les dérives seraient le fait de docteurs Mabuse échevelés piquant leurs victimes un soir d’orage, la bouche ouverte sur un rire démoniaque (même si, précisément, l’enfer est pavé de bonnes intentions) ? Comme le souligne le docteur Régis Aubry, « un médecin qui confond ses convictions avec des certitudes, c’est dangereux ».

Bref, la dérive que l’on annonce si souvent, elle sous nos yeux, avec ce médecin qui s’est certainement pensé compatissant.

La dérive est sous nos yeux également lorsqu’on lit cette conclusion terrible du journaliste et écrivain François de Closets, parrain de l’ADMD:

« Car, enfin, de deux choses l’une: soit le patient n’est pas conscient, il ne souffre pas et, en ce sens, ce n’est plus un être humain. Soit il est conscient et, alors, personne ne pouvant dire si le processus de l’agonie est douloureux ou pas, c’est à lui, et à lui seul, de prendre sa décision. »

Retenez bien cette phrase car si, hier, c’est la dignité du malade en fin de vie que l’on mettait en doute, aujourd’hui, c’est son humanité que l’on nie.

  1. rappelant même, dès mars 2007, que le débat avait déjà eu lieu []
  2. les données de ce sondage de janvier dernier relativisait la prétendue unanimité des Français : 60% des Français considèrent que la priorité doit être donnée au développement des soins palliatifs et non à la légalisation de l’euthanasie, 68% ne savent pas qu’il existe une loi interdisant l’acharnement thérapeutique, seuls 51% des Français savent que les soins palliatifs consistent notamment en un accompagnement du malade et un traitement de ses douleurs et 52% soulignent l’existence de risques de dérives liées à la légalisation de l’euthanasie et 63% des Français préfèrent qu’un de leur proche gravement malade bénéficie de soins palliatifs plutôt que de subir une injection mortelle []

83 commentaires

  • Oui, enfin, il faut bien différencier la réaction des militants, et celle des soignants. Les gens qui assimilent les actes de Bonnemaison et l’euthanasie sont juste très loin des réalités. Régis Aubry par exemple, chef d’un service de soins palliatifs, dans le Monde, refuse clairement l’amalgame. On en a pas mal parlé aussi dans mon hôpital (je bosse dans un service d’urgence, avec des gens qui viennent de gériatrie, de cancéro, de réa, entre autres), et la réaction est unanime parmi les soignants : ce qu’il a fait, ce n’est pas de l’euthanasie, c’est n’importe quoi. Ce sont d’ailleurs des infirmières et des aides-soignantes qui ont fait le signalement.

    L’euthanasie existe, elle est discutée et parfois mise en œuvre, mais pour des patients qui sont déjà au bout de l’évolution de pathologies (très) lourdes, dont plus personne ne sait comment soulager les souffrances, qui n’ont aucun espoir de rémission ; ça ne se fait pas en catimini, il y a des réunions d’équipes avec tous les soignants, la famille, voire les médecins des autres services qui ont suivi le patient ; et il y a la demande du patient. Et souvent il ne s’agit même pas d’injecter quoi que ce soit : l’arrêt des soins « suffit » à laisser partir le patient.

    Rien à voir avec le docteur qui prend sa petite seringue et va tout seul faire sa petite injection sans rien dire à personne. D’autant qu’en UHCD (l’hospit courte durée dans un service d’urgences) la question ne se pose même pas : concrètement les gens qui y meurent sont âgés, au terme naturel de leur vie, et ils partent tranquillement avec si besoin un traitement antalgique, et la famille autour. Ou alors d’un arrêt cardiaque, mais bref rien qui justifie simplement qu’on se pose la question de l’euthanasie.

    L’euthanasie, c’est une décision collective, qui ne se limite pas à l’équipe médicale, qui prend en compte toutes les données du problème pour un patient particulier, et qu’on envisage quand on est arrivé au bout de tout ce qu’il était possible de proposer au patient, lorsqu’on ne peut même plus soulager ses souffrances le temps qu’il parte de lui-même. Cela ne concerne finalement qu’une proportion infime des patients en fin de vie. Quand bien même serait-elle largement acceptée, il n’y aurait donc pas d’hécatombe. Et les actes isolés des soignants qui soulagent leur mal-être en projetant sur leurs patients devraient continuer à être traité par la justice.

  •  » Nous sommes pour l’avortement « ,  » nous sommes pour l’euthanasie « ,  » nous sommes contre la peine de mort « .

    Cherchez l’erreur !

    Ceci dit je ne vous comprends pas. Après tout, pourquoi – en période de déficits publics monstrueux -devrait-on supporter ces grabataires chevrotants et gémissants qui n’en finissent pas de mourir et qui coûtent une fortune à la collectivité ? Pourquoi devrait-on imposer ce spectacle aux familles, bien obligées de venir, de loin en loin, visiter l’aïeul et supporter ce spectacle morbide sans parler de l’odeur ? Pourquoi devrait-on faire perdre leur temps aux médecins et infirmières, sans parler de l’épreuve que cela représente que de s’occuper au quotidien de ces patients ? Pourquoi s’évertuer à la prolonger au risque qu’ils compromettent, par une aggravation de leur état, le beau week-end prévu de longue date ou ces vacances de rêves à Punta-Cana ?

    Quoi ? Elles ne sont pas bonnes ces raisons ? Et la dignité humaine Môssieur, qu’en faites-vous ? Pensez-vous aux nerfs des médecins, des personnels soignants ? Pensez-vous aux parents qui n’en peuvent plus de l’attente de la délivrance ? Pensez-vous aux parents qui ne supportent plus le triste spectacle d’un proche finissant et qui en perdent le sommeil ?

    Je ne sais plus qui a dit que le progressisme n’est qu’une des formes du primitivisme. Lentement mais sûrement des neuneus nous ramènent à l’ère païenne, mais ils le font par humanisme et ont su gommer les traits les plus choquants. L’avortement médicalisé, légalisé et remboursé, c’est quand même plus clean que la méthode spartiate ou germaine. L’euthanasie c’est quand même moins choquant que de faire dériver un vieux sur un bout de banquise ou de secouer le cocotier. Non, rien de tout cela. On propose les services aseptisés de la médecine moderne dont le but ne consiste plus à sauver des hommes, ça devient de plus en plus évident.

  • Il ne faut pas mettre le début de l’ongle du petit doigt dans cet engrenage nommé « euthanasie active ». Laisser mourir confortablement, accompagner le mourant (et les catholiques savent le faire depuis longtemps), oui. La loi Léonetti était nécessaire, elle est suffisante. J’ai écouté Mr Léonetti dans congrès de gériatrie et puis vous dire qu’il maîtrise parfaitement le sujet, et par tous les bouts.
    S’il l’on institutionnalise le « donner la bonne mort », il faudra écrire des normes pour le quand, le comment, les circonstances, quelles pathologie, quels handicaps, à quel age, par qui, où.

    Des normes qui pourront s’ajuster en fonction de critères économiques et sociétaux.

  • Franchement Koz, comment pouvez vous croire que les vrais amis de liberté soutiennent l’euthanasie sans l’accord du malade, sans même le consentement de la famille ?

    Ma première impression est qu’il s’agit plutôt soit de gens ayant cautionné un peu trop vite, soit de communautaristes qui ne reculent devant rien pour avoir un porte-voix. Leur soutien indefectible est – et ce post en est une preuve – à mon sens contre-productif.

    Pour moi les actes de ce médecin n’ont rien à voir avec de l’euthanasie. D’après les éléments que j’ai pu lire à cet instant, il s’agirait plutôt de meurtres avec préméditation (ce sont les charges retenues d’ailleurs je crois), effectués par quelqu’un ayant apparemment souffert d’un accident de vie en la matière (la mort son père).

    Rien, mais à rien voir avec la vision de l’euthanasie que j’ai, où la liberté de toutes les parties prenantes serait respectée.

  • Il n’y a pas de loi et encore moins de débat autour de l’euthanasie active et périodiquement ce genre d’affaire fait surface. A partir du moment où le docteur Bonnemaison décide de la pratiquer, il est hors la loi et ne peut demander l’avis de personne.

    Pour aller plus loin, si je voulais un jour être euthanasié, je ne pourrais pas demander d’aide sauf à mettre quelqu’un dans l’illégalité.

  • @ Harald: Harald, vous caricaturez. Quand on commence à parler d’euthanasie, c’est en pensant aux souffrances du patient qu’on ne parvient plus à soulager. Ce sont les cas où l’on ne peut même plus « laisser mourir confortablement », pour reprendre les termes de all. Mais, encore une fois, ça concerne un nombre très réduit de patients, dans certains services très particuliers (cancéro et certaines réa, essentiellement). L’euthanasie doit clairement rester un acte exceptionnel, personne n’a jamais parlé de tuer tous les patients de gériatrie.

    Quant aux soignants, ils font leur boulot et supportent assez bien des choses que vous n’imaginez même pas. Mais c’est gentil de vous soucier de nous, merci.

  • Où est la limite?

    J’ai été urgentiste dans une autre vie et si je n’ai pas poussé la seringue, je n’ai jamais été à l’aise avec ce concept d’euthanasie et surtout pas avec sa légalisation : il y a des domaines de la vie où trop de lois font perdre toute humanité à nos actes. L’avortement et l’euthanasie en font clairement parti.

    Je n’ai jamais activement poussé de seringue mais peut-être est-ce que l’occasion ne s’est jamais présentée. J’ai par contre clairement pris en charge des personnes sur le samu réanimées « par excès » parce que ayant décidé de mourir dans une maison de retraite d’hôpital où l’interne appelé est là en quelques minutes et fait proprement une réanimation d’une personne très âgée dont l’heure était venue et qui errera dans les limbes entre vie et mort durant des jours ou des semaines. La maison de retraite n’en veut plus : trop lourd, la réanimation non plus : on réanime les presque vivants, les services de médecine ou de gériatrie sont pleins, le malade finit stocké des heures, des jours durant dans une salle technique (salle à plâtre, salle à broches etc.) sans soin, sans surveillance, tout le monde espérant qu’il ait le bon goût de partir et s’excusant déjà de l’avoir ainsi prolongé. C’est bien plus fréquent que les euthanasies ces situations là et c’est, pour moi, le plus gros problème. Apprendre à ne pas toujours faire ce que l’on sait faire.

    Après tout l’euthanasie c’est quoi? Est-ce que lorsque j’ai capté le dernier souffle d’un patient en espérant le soigner je ne l’ai pas finalement « eu thanasié » : on veut y signifier le « bien mourir » alors en tentant d’améliorer son confort (antalgie), ai-je compromis ce réflexe de protection, de lutte, de celui que je soignais?

    Très honnêtement : décider de tuer quelqu’un sciemment ce n’est pas « eu thanasier », c’est tuer, peut-être avec compassion, peut-être plus ou moins légalement mais cela reste un meurtre au même titre qu’un avortement ou une peine de mort. Pourtant, en temps que médecin, non seulement je ne condamne pas les personnes qui le font ni celles qui le demandent, mais je comprends bon nombre de leurs arguments : il y a détresse, il y a situation où l’on pense que c’est la meilleure solution et peut-être l’est-ce, je ne sais pas.

    Si la solution passe dans le dialogue et dans l’aide aux personnes, je crois qu’elle ne passe pas par plus de législation (voire même plutôt moins).

  • Solnce a écrit : :

    Oui, enfin, il faut bien différencier la réaction des militants, et celle des soignants.

    Je le veux bien, d’autant que j’ai tout de même rencontré un certain nombre de soignants qui, effectivement, ont une toute autre approche que celle de ces militants. Au point d’ailleurs qu’ils sont souvent accusés de confisquer la décision et que Jean-Luc Romero ne rate pas une occasion d’évoquer le mandarinat. C’est précisément là que la situation est paradoxale, puisqu’en l’occurrence ils s’en remettent au pouvoir d’un médecin qui a accompli le pire acte que l’on puisse imaginer de sa part en utilisant ses connaissances et sa technique au seul bénéfice de ses convictions.

    Pour le reste, je suis d’accord avec vous. Et, précisément, puisque la loi Léonnetti nous offre une solution équilibrée, pourquoi vouloir à toute force en passer par l’euthanasie active ?

    A propos du Dr Aubry, son interview dans La Vie est encore plus complète et développe des perspectives qu’il n’a pas eu la place ou l’occasion de développer dans Le Monde. Cf ici, et notamment ceci, pas facile à entendre (mais qui a dit que la vérité était facile à atteindre ?) :

    A condition que le malade soit entouré et vive cette étape dans une certaine quiétude, la fin de vie peut être une source de croissance, d’accomplissement pour celui qui part et pour ceux qui restent. Mais bien sûr, elle peut aussi ne pas l’être. Alors, faut-il une loi qui fixe une norme ? Peut-être. Mais l’essentiel n’est pas là : qu’est-ce qu’une société démocratique comme la nôtre est en capacité de proposer à ceux de ses citoyens confrontés à la fin de leur vie, à leur propre fragilité et à celle de leurs proches ? J’aimerais que cet aspect s’invite dans le débat de société qui me semble trop souvent en rester à une opposition stérile entre « pour » et « contre l’euthanasie.

    Harald a écrit : :

    Après tout, pourquoi – en période de déficits publics monstrueux -devrait-on supporter ces grabataires chevrotants et gémissants qui n’en finissent pas de mourir et qui coûtent une fortune à la collectivité ? Pourquoi devrait-on imposer ce spectacle aux familles, bien obligées de venir, de loin en loin, visiter l’aïeul et supporter ce spectacle morbide sans parler de l’odeur ? Pourquoi devrait-on faire perdre leur temps aux médecins et infirmières, sans parler de l’épreuve que cela représente que de s’occuper au quotidien de ces patients ? Pourquoi s’évertuer à la prolonger au risque qu’ils compromettent, par une aggravation de leur état, le beau week-end prévu de longue date ou ces vacances de rêves à Punta-Cana ?

    A l’exception de la dernière raison (j’ai bien compris que c’est à dessein), ce sont malheureusement des considérations que l’on entend plus facilement qu’on ne l’imaginerait.

    all a écrit : :

    S’il l’on institutionnalise le « donner la bonne mort », il faudra écrire des normes pour le quand, le comment, les circonstances, quelles pathologie, quels handicaps, à quel age, par qui, où.

    Des normes qui pourront s’ajuster en fonction de critères économiques et sociétaux.

    Le débat sur l’euthanasie illustre aussi l’obsession de la maîtrise dans la société contemporaine. Maîtrise de la mort ou, en tout cas, de la fin de vie. Maîtrise de la vie que l’on encadre par des normes toujours plus nombreuses. L’un des premiers livres que j’ai lus sur ce sujet était celui du Pr Bernard Debré : « Nous t’avons tant aimé – Euthanasie, l’impossible loi ». Il soulignait l’impossibilité d’encadrer, de normer cet instant.

    Gemini a écrit : :

    Franchement Koz, comment pouvez vous croire que les vrais amis de liberté soutiennent l’euthanasie sans l’accord du malade, sans même le consentement de la famille ?

    Il ne faut pas faire des bonds chaque fois que tu vois le mot « liberté » écrit. En l’occurrence, il me semble souligner suffisamment que la liberté d’un patient me semble peu respectée quand on prétend l’euthanasier sans qu’il y ait aucune demande de sa part.

    Quant au vocabulaire, j’ai utilisé le terme « tuer » à dessein. Pour en revenir au Dr Aubry, voici ce qu’il dit à ce sujet :

    Il faut être clair et se méfier des amalgames. S’il n’existe pas de demande de la personne, il ne s’agit pas d’euthanasie mais d’un homicide par empoisonnement : la notion d’euthanasie ne s’applique pas aux cas où les gens ne demandent rien.

    Maintenant, « la liberté »… Trop vaste débat. Mais pour moi, comme dit ailleurs, la liberté sans vérité n’est pas la liberté. Et pour rester à ce niveau plus concret, en la matière, je crois que le vrai débat serait plutôt d’instaurer les vraies conditions de notre liberté, en faisant vraiment ce qu’il faut sur les soins palliatifs (traitement de la douleur + accompagnement). Parce que non, quand on souffre terriblement, il n’y a pas de liberté réelle : celui qui demande la mort ne veut pas mourir, il ne veut pas souffrir. Comme l’écrit Axel Kahn, ancien président du CCNE, « réintroduire la dimension du libre arbitre exige de rétablir les paramètres d’une vie non seulement supportable, mais aussi désirable ».

    Et pour rappel, le consentement ne semble même pas être un élément incontournable pour les partisans de l’euthanasie. Ainsi, avant Closets, qui ne voit même plus dans la personne inconsciente un être humain, on avait Marie Humbert, qui appelait de ses voeux la possibilité de « laisser partir les enfants qui le désirent ou même s’ils ne le désirent pas« .

    @ Solnce : il me semble que vous parlez d’euthanasie passive et non active, non ? La différence n’est pas mince.

    @ az : mais ne nous sommes-nous pas déjà dotés des outils nécessaires ?

    L’article L.1110-5 du Code de la santé publique dispose que :

    Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10.

    L’interne que vous évoquez, qui réanime une personne âgée, commet une erreur. Et l’acharnement thérapeutique est aujourd’hui clairement illégal. Bien sûr, je ne sous-estime pas le côté théorique de la chose et la frontière parfois ténue entre le soin légitime et l’acharnement thérapeutique.

    az a écrit : :

    Après tout l’euthanasie c’est quoi? Est-ce que lorsque j’ai capté le dernier souffle d’un patient en espérant le soigner je ne l’ai pas finalement « eu thanasié » : on veut y signifier le « bien mourir » alors en tentant d’améliorer son confort (antalgie), ai-je compromis ce réflexe de protection, de lutte, de celui que je soignais?

    Non, ce n’est pas euthanasier, en effet, sauf à parler d’euthanasie passive.

    Sous le propos de François de Closets, on a celui d’Anne Richard, qui explique ceci :

    Car la loi a eu au moins le mérite de condamner l’acharnement thérapeutique qui était, jusque-là, pratiqué par certains confrères, au motif qu’ils craignaient d’être poursuivis pour non-assistance à personne en danger. Or, je le rappelle, soulager un patient, notamment quand ses douleurs sont intolérables, est le rôle du médecin -c’est même inscrit dans le serment d’Hippocrate. Parfois de tels traitements peuvent provoquer la mort d’un patient, mais ce n’est pas le but. Le but, c’est de le soulager.

    C’est pour moi la différence entre le « faire mourir » et le « laisser mourir ».

  • @Koz : Nous sommes donc d’accord sur l’essentiel.

    Pour ce qui est du message de Harald, du côté de mes collègues soignants je n’ai jamais entendu un tel discours. On peut déplorer la qualité de vie d’un patient, mais du point de vue du ressenti de ce dernier, et sans pour autant brandir l’euthanasie comme remède miracle. J’ose espérer que les soignants qui envisage l’euthanasie pour se débarrasser d’un patient lourd, régler un problème de projection ou libérer un lit ne sont qu’un épiphénomène (et s’ils existent il vaut mieux qu’ils arrêtent de se faire du mal et changent de service…).

    Que ça existe dans la population générale, qui voit les choses parfois d’un point de vue lointain, théorique et, disons-le, bistrotier, c’est possible. J’ai bien entendu quelques fois des rapprochements entre expérimentations médicales et disponibilités des prisonniers dans les prisons qui m’ont fait dresser les cheveux sur la tête.

  • Oui, effectivement il y a une « loi » contre l’acharnement thérapeutique mais c’est très théorique.

    En pratique nous avons à faire à la cascade des hiérarchies hospitalières : prenons un cas que j’ai en tête (que j’ai vraiment mal vécu ayant du garder cette personne huit jours aux urgences avant qu’elle ne meurt). Une charmante mamie, en fin de vie du fait d’un cancer et de son grand âge, elle quitte la maison de retraite pour aller chez le coiffeur, au sein de l’hôpital. Elle fait un arrêt cardiaque sur le fauteuil, l’aide soignante prévient l’infirmière et commence à faire un massage cardiaque, celle-ci appelle l’interne de garde qui poursuit avec une ventilation au masque, je suis appelé et arrive dans mon camion « technique » : cette dame est désormais autonome en ventilation et en rythme cardiaque mais inconsciente.

    Personne : ni l’infirmière, ni l’aide soignante, ni l’interne ni moi n’étions au courant de son état de santé préalable.

    Elle est amenée aux urgences par mes soins, je récupère son dossier et j’y vois ses problèmes de santé. Ayant lu le dossier médical, je pense que l’on aurait du la laisser mourir : trop tard.
    Et puis ce n’était que mon avis, un comité d’éthique pour le décider? Bien sûr : qui? quand? dans quel délai? Comment réaliser ce fantasme administratif dans un monde où l’on doit être « productif » (une réanimation rapporte à l’hôpital, pas un mort) ? une famille? Eh non, malheureusement comme souvent, il n’y a plus de famille : la personne est isolée, seule.

    Je ne vois pas de faute médicale : personne ne savait son état de santé préalable.
    Mais quelle humanité ai-je pu offrir à la mort de cette femme? Bien peu à mon goût, elle n’a pas eu une « bonne » mort ‘.

    La loi n’y change rien (et si j’osais je dirais que de plus, personne ne la connaît, guère plus que les autres lois, hors du monde du droit).

  • @ Solnce:

    Je caricaturerais, en êtes-vous aussi sûr(e) ? Allez donc jeter un oeil aux Pays-bas ou en Belgique où l’euthanasie a été légalisée. On peut y observer, à l’occasion, des pics d’euthanasie à l’approche de grands week-end ou de vacances scolaires. En Belgique il y a quelques années on a même procédé à l’euthanasie de grands dépressifs chroniques au motif qu’ils l’avaient demandée. Et ces actes ont été le fait de membres du personnel soignant. Ce qui tendrait à prouver que la légalisation émousse lentement mais sûrement la conscience morale. Après tout, rien d’étonnant là-dedans, ce ne sont que des humains et je ne vois pas en quoi leur qualité de soignants les protègerait des travers que l’expérience de Milgram a mis en lumière.

  • @ Koz:
     » A l’exception de la dernière raison (j’ai bien compris que c’est à dessein), ce sont malheureusement des considérations que l’on entend plus facilement qu’on ne l’imaginerait. « 

    C’est justement parce que ce sont des considérations devenues presques anodines que j’en ai fait mention. Quant à la dernière, en forme de boutade pour l’instant, ne doutez pas de son apparition si d’aventure l’euthanasie devait être légalisée. On l’observe dans les pays qui ont sauté le pas et je ne crois pas un seul instant que le fait d’être un médecin ou un infirmier français mette à l’abri ces derniers de ce travers. Je sais bien que nous sommes le pays des exceptions, mais la nature humaine étant ce qu’elle est…

  • Bien d’accord avec vous. Tout sympathique et humain que semble ce docteur aux yeux de certains de ses collègues, il n’empêche qu’il a donner la mort en catimini quelques heures après l’arrivée de ces patients dans son service. Cela est stupéfiant et tout à fait condamnable.

  • Koz a écrit : :

    Quant au vocabulaire, j’ai utilisé le terme « tuer » à dessein

    Moi j’utilise le mot meurtre. C’est plus percutant et beaucoup plus proche de la réalité. Ainsi, si nous utilisons les « vrais » mots, peut être que nos interlocuteurs réagiront en se rendant compte que leur demande est inhumaine (et illégale, ce qui n’est pas négligeable)

    az a écrit : :

    Mais quelle humanité ai-je pu offrir à la mort de cette femme? Bien peu à mon goût, elle n’a pas eu une « bonne » mort ‘.

    Cette femme n’a pas eu une bonne mort selon vos critères et selon les critères à la mode aujourd’hui.
    Reprenez donc les critères du passé. Vous constaterez que ceux ci étaient bien différents , allant de mourir sur un champ de bataille, jusqu’à mourir en regardant la mort en face, en passant par ne pas mourir en exil.

    Harald a écrit : :

    Pourquoi s’évertuer à la prolonger au risque qu’ils compromettent, par une aggravation de leur état, le beau week-end prévu de longue date ou ces vacances de rêves à Punta-Cana ?

    Je l’ai entendu (hormis le fait que c’était un WE en France…). Et oui, ce n’est hélas pas un trait d’humour. (cela va des vacances compromises à l’anniversaire de la petite dernière, en passant par le thé dansant du dimanche!)

    Pour le reste, je considère l’ADMD comme une secte ayant pignon sur rue et agissant comme une secte : paiement d’une cotisation, embrigadement, manipulation mentale, chantage et coupure des adeptes avec la société majoritaire.
    Et cette secte cherche à chaque fois à enfoncer le clou un peu plus loin, à chaque occasion possible.

    Je reconnais que, grâce à l’ADMD et son forcing sur le cas Humbert, nous avons eu l’excellente loi Léonetti.

    Mais le cas Sébire n’a rien apporté de constructif (si ce n’est, heureusement, la confirmation du bien fondé de la loi Léonetti)

    Quant au dernier cas cité ici, il est tellement ahurissant que j’espère bien que les autorités médicales compétentes sanctionneront cette association et ce médecin.

  • @ corto74:
    on ne nie pas l’humanité mais bien l’atrocité de la vie dans l’euthanasie.
    question, est-ce que la personne elle même (suicide ou demande) ne lance pas un appel au secours, détresse… quand elle veut mourir ?

  • Les partisans de l’euthanasie citent toujours les Pays Bas mais l’acte « solitaire » du Dr Bonnemaison n’aurait jamais été accepté dans ce pays où la décision doit toujours être collégiale ! N…

  • accord du patient s’il peut s’exprimer+accord de la famille +décision médicale collégiale
    pour cesser les soins palliatifs, avec accompagnement de la douleur .
    Que demande le peuple ? pourquoi faudrait il donner la mort ? .Pourquoi faudrait il accepter qu’une tierce personne de son propre fait ,prenne seule, une telle décision ,ou s’arrete t on.C’est incontrolable

  • C’est effectivement ce que prévoit la loi aujourd’hui. A une nuance près : l’accompagnement de la douleur fait partie des soins palliatifs.

  • Si je puis me permettre :

    « Bref, la dérive que l’on annonce si souvent, elle EST sous nos yeux, avec ce médecin qui s’est certainement pensé compatissant. »

    Rien à redire sur le fond, et ce commentaire peut évidemment être supprimé une fois lu 🙂

  • Harald a bien posé le débat. Il y a également un très bon article du malpensant sur Atlantico

    La demande d’euthanasie active peut parfois et même souvent provenir de vivants encombrés par un aïeul déclinant.

    Elle pose aussi parfois la question du sens de la médecine : est il souhaitable de pratiquer une médecine sans chance de rémission ? est il souhaitable de financer une médecine sans chance de rémission ? quelles actions doit on faire pour prolonger un peu la vie d’un vieillard de 90 ans ? à l’échelle d’un pays, est ce que ce qui compte c’est l’espérance de vie ou l’espérance de vie en bonne santé ?

    Ces questions sont un peu trop crues pour être posées ainsi, mais elles sont légitimes et font aussi partie, de façon non avouée, du débat sur l’euthanasie. La réponse libérale serait de laisser chacun décider de ses choix et les assumer via un financement privé de la médecine.

    Personnellement j’aime bien la loi Veil et la loi Leonetti. Chacune a su trouver un compromis sur une question difficile.

  • Koz a écrit : :

    Quant au vocabulaire, j’ai utilisé le terme « tuer » à dessein

    Il faut être clair et se méfier des amalgames. S’il n’existe pas de demande de la personne, il ne s’agit pas d’euthanasie mais d’un homicide par empoisonnement : la notion d’euthanasie ne s’applique pas aux cas où les gens ne demandent rien.

    Maintenant, « la liberté »… Trop vaste débat. Mais pour moi, comme dit ailleurs, la liberté sans vérité n’est pas la liberté. Et pour rester à ce niveau plus concret, en la matière, je crois que le vrai débat serait plutôt d’instaurer les vraies conditions de notre liberté, en faisant vraiment ce qu’il faut sur les soins palliatifs (traitement de la douleur + accompagnement). Parce que non, quand on souffre terriblement, il n’y a pas de liberté réelle : celui qui demande la mort ne veut pas mourir, il ne veut pas souffrir. Comme l’écrit Axel Kahn, ancien président du CCNE, « réintroduire la dimension du libre arbitre exige de rétablir les paramètres d’une vie non seulement supportable, mais aussi désirable ».

    Et pour rappel, le consentement ne semble même pas être un élément incontournable pour les partisans de l’euthanasie. Ainsi, avant Closets, qui ne voit même plus dans la personne inconsciente un être humain, on avait Marie Humbert, qui appelait de ses voeux la possibilité de « laisser partir les enfants qui le désirent ou même s’ils ne le désirent pas« .

    @Koz

    Je doute qu’il y ait un bloc aussi uni que tu le décris des « partisans de l’euthanasie », et le fait qu’ils méprisent le consentement de personnes dans certains cas est à mon sens tout aussi criticable que la posture de ceux qui croient que la vie doit être poursuivie à tout prix, et qu’il suffit de ne plus souffrir pour vouloir vivre.

    Au fond je suis même plutôt contre une « organisation légiférée » en la matière. Je serais plutôt pour une tolérance envers les « exécutants pré-testamentaires », fussent-ils médecins ou non, dès lors que suffisamment de preuves du consentement sont réunies, dans des circonstances exceptionnelles.

    @Koz @Tara :
    Personnellement je n’ai pas de souci, si ça peut nous aider à parler du fond, appelons la vraie euthanasie (celle où la liberté de toutes les parties prenantes est respectée) par son nom : soit un suicide assisté ou un « meurtre effectué par procuration avec consentement de la victime ».

    Je considère que comme tout ce qui nous entoure, dans l’infiniment grand comme dans l’infiniment petit, il est normal que nous ayons un début et une fin, et que pour ceux qui le souhaitent, choisir cette fin au moment qui leur convient, est une grande preuve de conscience mais aussi d’humilité, et en tout cas que ce choix, s’il est fait par une personne, doit être respecté.

  • Merci Koz d’avoir abordé ce sujet comme toujours de manière juste. J’observe, à moins que des articles m’aient échappé, que La Croix dont je suis lecteur a abordé la question avec un seul article le mardi 16 août ( « Le débat sur la fin de vie une nouvelle fois relancé »). Mais il y a une partie de l’article qui porte sur la méconnaissance de la loi Léonetti. Merci au docteur « Solnce » (première réponse à votre billet). C’est clair avec le poids de l’expérience.

  • Bonsoir,

    un petit débat sur l’euthanasie, cela faisait longtemps. Sur ce que je connais du dossier, l’affaire de l’urgentiste Bonnemaison est effectivement complètement du domaine criminel. Je suis toutefois toujours gêné quand tu t’attaques au comportement de tes adversaires. C’est moins convaincant que quand tu parles du fond du dossier. Et si tu me permets la comparaison, cela ressemble à la démarche des avocats de D.S.K aux Etats-Unis.

    Mais un cas criminel ne remet pas en cause pour moi le débat légitime sur la façon la plus souhaitable de traiter la fin de vie. Je souhaite que la loi soit courageuse, c’est à dire qu’elle ne laisse pas les soignants dans un vide juridique ingérable: s’il y a des cas « sales » mais « nécessaires », je préfère que la loi les prévoit, quitte à choquer certaines pudeurs, plutôt que de laisser les soignants bricoler avec leur conscience et leur casier judiciaire.

    En l’occurrence, la loi actuelle permet, si j’ai bien compris, d’arrêter les traitements et de faire prendre de la morphine au patient, en atténuant la douleur et parfois en accélérant le décès. Tout ceci est un vrai progrès, et c’est aussi confortable pour les médecins, car ils ne donnent pas la mort directement. Notons au passage que cela s’inscrit aussi dans le cadre plus large d’une bien meilleure prise en compte de la douleur dans la médecine qui commence avec l’anesthésie locale chez le dentiste pour les caries. La médecine occidentale a longtemps été en retard là-dessus, d’aucuns y voient d’ailleurs une influence chrétienne.

    Tout ceci répond sans doute à certains cas, notamment d’un malade âgé inconscient qui de toute façon ne souffre probablement plus, mais pas forcément à d’autres, et je ne sais pas si les traitements palliatifs sont toujours suffisant notamment pour des malades plus jeunes atteints d’un cancer en phase terminale. Dans ce cas-là, je peux parfaitement comprendre que l’on souhaite s’éviter quelques semaines d’une agonie inévitable où l’existence se résume à la douleur et à la morphine.

    A mon petit niveau (une opération chirurgicale avec complications), j’ai goûté à de « vraies » douleurs, et pour moi, cette douleur, une fois présente domine tout. Elle empêche de penser, ou d’apprécier quoi que ce soit.

    Le plus courageux dans ce cas-là serait de se tirer une balle dans la tête soi même pour ne laisser le poids de cela à personne, mais tout le monde n’a pas un revolver à sa disposition, et beaucoup ne souhaitent pas imposer à leur proche le spectacle d’un cadavre mutilé (il parait que c’est important). Donc il me semble toujours que dans certains cas, et avec tous les gardes fous nécessaires, un patient peut demander une mort « confortable ». Cela me semble gérable sans trop d’abus.

    Pour terminer sur un débat évoqué dans les commentaires, je souhaite aussi que l’on regarde en face le fait que l’on ne peut pas « tout » se payer en matière de santé et de sécurité. Il y a des choix à faire, et dans ces choix, il y a à chaque fois des vies dans la balance. Pour prendre un exemple facile à comprendre, si l’on éclairait toutes nos autoroutes comme en Belgique, cela sauverait des vies (peut-être quelques centaines par an), mais cela est très cher, nous ne le faisons pas, et c’est normal, car il y a sans doute des investissements plus « rentables » en terme de sécurité, ou même plus importants dans d’autres domaines (éducation…).

    Et ces choix financiers impacteront forcément la fin de vie, qui est je crois un énorme poste de dépense : je crois que l’on dépense la moitié des frais de santé de sa vie durant ses 6 derniers mois. Cela veut dire évidemment s’interdire certaines traitements actifs en fonction de l’âge du patient et de ses chances de survie: j’ai l’impression que c’est déjà le cas, même si le médecin présente cela en disant que le traitement serait trop risqué. Et cela voudra peut-être dire aussi un jour rationaliser les soins palliatifs, qui ne sont pas les plus coûteux en soi, mais nécessitent souvent une longue hospitalisation.

    Evidemment, tout ceci est aussi une question de priorité, mais dans la période difficile que nous allons connaitre, où, après avoir triché 10 ans, nous devrions avoir la vrai récession que nous méritons depuis longtemps, j’ai peur que « la fin de vie » ne soit pas la première priorité comparée à d’autres sujets tout aussi légitimes, mais concernant ceux qui sont encore des « membres productifs » de la société: éducation, médecine obstétrique, pédiatrie, sécurité du quotidien (50000 morts d’accidents domestiques par an)…

  • Bonsoir Koz,

    Juste un mot un peu hors sujet, pour te dire que la lassitude (quant à ce nouveau brouhaha médiatique, qui s’apparente bien plus à un vent lâché en traitre qu’à même un minuscule souffle de réflexion) m’a au moins permis de remarquer une chose : quand on fait un peu le tour, on se rend compte que ton blog est une vraie mine d’informations sur le sujet de l’euthanasie, que ce soit dans tes billets, et la somme de références qu’ils donnent en sus, ou dans les nombreux témoignages de professionnels qui viennent s’y ajouter dans les commentaires. C’est assez énorme, en fait. Alors merci.

    Pour le reste, sur cette affaire et les titres qui ont fait la une, oui c’est la lassitude qui me vient, apothéose faiblarde de mon agacement. A lire les titres de la presse, on croirait que le débat a été occulté, qu’il est tabou, qu’on ne veut pas en parler. Personnellement, je ne suis pas sénateur, juste « spectateur », mais en ce début d’année, j’ai suivi les débats, ces longs débats d’une richesse incroyable parfois jusqu’à 2 ou 3 heures du matin, entre des spécialistes de la profession, des sénateurs de tous partis, de toutes opinions sur le sujet, des témoignages poignants… les textes sont disponibles pour tous, on peut s’en rendre compte par soi-même. Faire comme si il n’y avait pas eu de débat, c’est juste un odieux mensonge ou la preuve d’une bêtise crasse, voire les deux à la fois.

    Quant à ceux des militants pro euthanasie, de l’ADMD ou autre, qui utilisent cette affaire pour « relancer le débat », quand l’affaire en question ne relève ni du suicide assisté ni de l’euthanasie active, c’est juste se tirer une balle dans le pied et démontrer que ceux qui s’appuient sur des « dogmes irrationnels » et une intelligence défaillante ne sont pas ceux dont on le dit trop souvent. Lassitude… tu m’étonnes qu’on veuille relancer le débat tous les six mois : il n’y a pas de débat pour ceux-là, et pour cause… le débat n’est pas possible si on ne réfléchi pas un tout petit peu.

  • Merci à Solnce et Az, qui résument non pas la complexité de cette affaire, qui est clairement instrumentalisée, mais la réalité du terrain, différente entre un quotidien de soin et une situation d’urgence.

  • Ce que je trouve choquant dans cette triste affaire c’est l’attitude du personnel de l’hôpital de Bayonne qui fait corps avec le Dr Bonnemaison et celle des pétitionnaires qui dans le fond disent ceci :un médecin a le droit d’apprécier si un patient a le droit de vivre ou pas. Que le patient soit âgé ou en phase terminale, qu’il souffre ou qu’il soit inconscient, je crois que ce n’est pas au médecin seul de décider de le laisser vivre ou de le tuer.Les personnels soignants de Bayonne et les pétitionnaires se rendent-ils compte qu’ils jouent les apprentis-sorciers et qu’ils risquent de justifier des dérives indignes de notre humanité? Il y a quelques années une infirmière (à Mantes il me semble) avait liquidé une dizaine de personnes âgées parce qu’elle ne supportait pas de les voir souffrir. Il ne faudrait pas qu’un jour les malades se demandent si leur hospitalisation comporte un risque d’être « piqué » comme un chien par un quelconque docteur mabuse. Jusqu’à maintenant l’hôpital est un lieu où l’on soigne, où l’on soulage et non un lieu où on sélectionne ceux qui doivent vivre ou mourir. Il faudrait bien que cela reste ainsi sinon nous aurons perdu un peu de ce que la civilisation a mis des centaines d’années à atteindre.

  • Totalement d’accord avec ce billet, je veux juste attirer l’attention sur l’enjeu personnel que représente « l’euthanasie » pour ceux qui la promeuvent. Voir par exemple ici: http://libertes.blog.lemonde.fr/2011/07/02/le-sourire-de-l%E2%80%99ange/
    Cette revendication d’un droit de mettre fin à la vie d’autrui est d’abord une affaire entre l’homme ou la femme qui la profèrent et eux-mêmes, ou plutôt entre eux-mêmes et Dieu. C’est de leur propre humanité qu’il est question. C’est d’elle qu’ils veulent se « libérer ».

  • Je n’ai pas eu le temps de lire toutes les interventions. Donc j’espère que celle-ci ne fera pas double emploi.
    J’ai été sidérée l’autre jour de lire ceci sur le site Europe1 :
    « Marie Humbert souhaite une modification de la loi Leonetti
    Il est temps de revoir la loi Leonetti, a estimé, lundi sur Europe 1, Marie Humbert. « Cette loi est d’une hypocrisie totale », a-t-elle insisté avant d’argumenter : elle permet d’envoyer les malades « en soins palliatifs où ils reçoivent des doses progressives de morphine. La mort, on la donne quand même ». Mais « la famille, elle, veut être libérée vite. ll faut que l’on en finisse avec cela », a-t-elle encore martelé, jugeant, encore une fois, cette loi insuffisante ».

    C’est la phrase « la famille, elle, veut être libérée vite » qui me reste en travers de la gorge. Moi, je pensais que les partisans de l’euthanasie dite « active » militaient par pure compassion pour les malades en fin de vie. Mais non ! c’est pour les familles qui en ont marre et qui voudraient bien retrouver leur tranquillité d’esprit !

  • C’est hallucinant : à chaque fois qu’elle s’exprime, elle dit une monstruosité !

    J’ai retrouvé le passage : à lire et visionner ici

    .

    Sinon, à savoir aussi : même Gaëtan Gorce, qui est pourtant un partisan continuel de l’euthanasie active, relève que le comportement du Docteur Bonnemaison n’est pas acceptable, même dans ce cadre. A quoi pensent tous ceux qui le soutiennent « inconditionnellement » ? Tous ceux qui se saisissent de son cas pour « relancer le débat » ?

  • @ Emmanuel M:
    J’ai lu ce post.
    Enfin, soit ! Mais on ne peut pas comparer les « empreintes digitales », les excès de vitesse, les radars et l’euthanasie….On n’est quand même pas dans la même catégorie ! Non?

  • Bonjour Hélios ! je crois comprendre ce que veut dire Emmanuel M : il fait une analogie, mais cela ne met pas les éléments au même niveau. Pour des personnes douées de conscience, il y a une différence incommensurable entre décider de la vie ou de la mort, et les radars, donc l’analogie semble disproportionnée. Mais une société, qui n’est pas dotée d’une conscience personnelle, mais est mue par des considérations autres (économiques, idéologiques…), je me demande si cette proportion ne se réduit pas : il est possible qu’au niveau décisionnel d’une société, ces choix de vie et de mort se fasse autrement que ne le souhaiterait une conscience personnelle. Enfin, ce sujet est difficile pour moi, je n’ose m’y avancer. Je me souviens de Jacques Attali qui dit tranquillement que dans la société qui s’annonce, il serait préférable que l’homme de 60..65 ans soit éliminé, car il représente non plus un gain, mais une charge pour les autres. Quel âge à ce Monsieur ?

  • « une charge pour les autres ». Je sais bien que Jacques Attali n’a que faire de mon opinion mais il me semble justement que le degré de civilisation d’un pays pourrait se mesurer à sa façon de traiter les enfants, les malades, les vieux et non pas à le mesure de ce qu’ils coûtent ou rapportent. Je crois, oui c’est pas un problème de raison mais de croyance, que la vie en serait meilleure pour tous.

  • Bonjour,

    J’ai travaillé pendant 9 ans en gériatrie avec un médecin qui se refusait à pratiquer des euthanasies. Non pas pour des raisons religieuses, il était athée. Il disait que plus il avançait dans son métier, plus il avait le désir d’écouter les gens, de passer du temps avec eux, en plus de les soigner.
    Son motif principal était qu’il avait vu les dégâts moraux et psychologiques chez ses confrères qui la pratiquaient. Le changement était tel que cela le rebutait. On ne peut pas effectivement tuer des malades avec les meilleures intentions du monde, avec la meilleure technologie médicale, mettre des « gants blancs » pour commettre un meurtre, sans en être profondément bouleversé. Ce bouleversement peut prendre les formes du cynisme, de l’agressivité, du « je-m-en-foutisme »…
    Je peux vous dire les tourments ( malaise profond, insomnies, crises de larmes, remise en question de son métier, ..) que ressent le personnel soignants lorsqu’il est pratiqué une euthanasie dans son dos. Il n’y a pas de vraie concertation car souvent la demande vient de la famille qui ne supporte plus de voir souffrir son parent, et le personnel médical a la main forcée pour accélérer la mort. La mauvaise foi qui entoure cet acte est oppressante.
    Nous avons encore aujourd’hui la possibilité de ne pas participer à cet acte.
    Mais c’est une hantise, en tant qu’infirmière, que de savoir cette question de nouveau remise sur le tapis.
    Si une loi est votée en faveur de l’euthanasie, elle deviendra au fil des ans de plus en plus permissive dans ses modalités d’application et contraignante moralement. La liberté de conscience ne sera plus respectée.

  • @ Avel:
    Merci Avel de votre beau témoignage, très fort car il y a le poids de l’expérience. S’il y en a un que je vais retenir, c’est bien le vôtre et qui donne beaucoup d’arguments.
    Votre message est en plus très clair dans son écriture si vous me permettez de vous le dire et il serait souhaitable qu’il soit lu par ceux qui sont favorables à l’euthanasie. Le médecin auquel vous faîtes allusion est athée donc peu suspect d’une position idéologique. Oui, encore merci Avel.

  • jfsadys a écrit : :

    « une charge pour les autres ». Je sais bien que Jacques Attali n’a que faire de mon opinion mais il me semble justement que le degré de civilisation d’un pays pourrait se mesurer à sa façon de traiter les enfants, les malades, les vieux et non pas à le mesure de ce qu’ils coûtent ou rapportent. Je crois, oui c’est pas un problème de raison mais de croyance, que la vie en serait meilleure pour tous.

    Bonsoir,

    je ne suis pas exactement d’accord. Bien traiter les enfants et soigner les malades guérissables est du simple bon sens, et cela rend la société plus productive. Si cela est parfois mal fait, c’est par stupidité de court-terme, pas par productivisme exacerbé.

    En revanche, la question du coût de la vieillesse et de la fin de vie est un vrai sujet, qui est d’ailleurs peu lié à l’euthanasie. Et la réalité est qu’il y a effectivement une limite dans ce que nous pouvons investir dans ce domaine.

    D’un autre côté, avoir un traitement inhumain des personnes âgées est aussi improductif, car cela sera anxiogène pour les plus jeunes qui redouteraient de passer par là, et seraient donc en conséquence moins productifs pendant leur vie « active ».

    C’est d’ailleurs pour cela qu’il est important que les gens puissent espérer quelques années de retraite en bonne santé qui seront probablement le meilleur moment de leur vie. Et dans le même ordre d’idée, il est au moins important que les plus jeunes aient l’impression que le traitement des personnes âgées est digne, et donc que les personnes âgées le sentent aussi.

    Une bonne politique dans le domaine est donc à mon avis une politique qui, à un coût raisonnable, traite les personnes âgées d’une manière qu’elles jugent elles-même dignes.

  • @ Joyeux Acier:
    Mon cher Joyeux acier, votre message me semble hors-sujet mais je n’ai aucune autorité ni aucune compétence pour vous le dire. Ceci pour vous mettre à l’aise. Maintenant, vous parlez de vieillesse, « fin de vie ». Le lien avec l’euthanasie existe, je pense.
    L’expression « fin de vie » qui a été utilisée dans tous les commentaires du billet de Koz désigne un instant « t » de la vie. C’est celui-là qui est en jeu.
    Mais cette expression « fin de vie » peut être beaucoup plus large me semble-t-il : ce n’est plus un instant mais cela peut-être une période qui peut avoir une certaine durée à moins que les professionnels de la santé qui ont écrit dans ce blog sur ce sujet me corrigent ce que j’accepterais volontiers.
    Je songe à une situation précise que j’ai vue et à un livre que je viens de lire « Alzheimer mon amour » de Cécile Huguenin. Voilà une terrible maladie avec une dégradation qui peut être très rapide et difficile à supporter pour une femme qui voit l’époux qu’elle a aimé se déliter jour après jour, c’est le sujet du livre dont je viens de parler. Au début d’un chapitre, après que cette femme ait constaté la dégradation rapide de son mari, il y a cette phrase terrible: « Je vais le tuer ». Phrase non suivie d’effet. Mais là nous sommes précisément dans une décision de donner la mort, de « tuer », c’est d’ailleurs le mot que cette femme emploie. Mais on n’est plus dans la fin de vie puisque cette vie peut se poursuivre avec un être qui va continuer à se dégrader. Les partisans de l’euthanasie active visent-ils aussi des situations telles que celles que je viens de décrire ? Franchement, j’aurais besoin qu’un blogueur (se) qui a écrit sur le sujet professionnel de santé réponde sur ce point. Merci pour l’enrichissement ou l’extension du sujet.

  • Marie Humbert illustre clairement le risque de l’empathie envers des victimes. Elle a souffert sans aucun doute et nous devons le prendre en compte, mais cela ne lui donne aucune raison d’emettre des avis particulierement appropriés, voire l’inverse, de toute evidence. Tout ce qui s’exprime desormais dans ses declarations, c sa souffrance personnelle, qui a pris le pas sur la necessité de prendre en compte tous les aspects de la question et ceux qui en subiront les consequences : le (futur) malade, les soignants, la société.

    Ce ne sont pas les victimes qui decident de la justice dans le meme ordre d’idée, mais des juges et des jurés capables d’un certain recul, d’un raisonnement logique, lucide et impartial vis à vis de l’affaire.

    Il est difficile d’assumer une position logique quand on a une personne qui a souffert en face de soi, mais c’est notre devoir de citoyen, d’ami ou autre de ne pas soumettre notre jugement à notre empathie, au risque de se donner bonne conscience au prix d’une injustice.

  • Hélios,
    La fin de vie est la période qui précède la mort, mais ce temps peut s’étirer sur plusieurs semaines voir quelques mois. C’est un temps où les soins palliatifs prennent le pas sur les soins thérapeutiques ; on ne traite plus la maladie ; le confort, le soulagement des douleurs et la préparation morale ou spirituelle de la personne à sa mort sont les soins dispensés.
    Les partisans de l’euthanasie visent en première phase de leurs revendications ce temps qu’ils estiment superflu : à quoi bon ? Puisque la personne va mourir précipitons la !
    Mais ils ne faut pas se faire d’illusions, leur vision de la vie étant hédoniste et utilitariste, les « inutiles », les incurables jeunes ou vieux, les handicapés, les retraités aussi pourquoi pas (relisez « le meilleur des mondes » ), tous y passeront dans leurs revendications futures. Vous n’avez qu’à observer les motifs des avortements, le problème avec l’euthanasie est le même.

    Oim,
    Vous parlez de « victimes » ?L’ordre d’idée n’est pas le même ! Ici la victime risque fort d’être la personne malade ! Notre empathie doit se porter sur le mourant et son entourage mais nous n’avons pas à juger si la vie de cette personne doit être abrégée ou non.

    Je n’ai plus le temps de vous répondre, un long we de travail m’attend.

  • @ Joyeux Acier:
    Je ne vois rien dans ce que vous avez écrit en contradiction avec ce que j’ai écrit. Je trouve que vous dites plus clairement que moi ce que je voulais dire parce que j’ai réagi émotivement sans doute alors que vous vous savez raisonner sur un autre registre.

  • @ Joyeux Acier:
    « En revanche, la question du coût de la vieillesse et de la fin de vie est un vrai sujet, qui est d’ailleurs peu lié à l’euthanasie. Et la réalité est qu’il y a effectivement une limite dans ce que nous pouvons investir dans ce domaine. » Là en revanche à mon avis il y a matière à discussion. Je crois qu’il n’y a pas de limite à ce que nous pouvons investir dans ce domaine. J’espère que les lectrices et lecteurs de ce blog commenteront cet aspect, cette vision de la société à venir.

  • hélios a écrit : :

    Mais cette expression « fin de vie » peut être beaucoup plus large me semble-t-il : ce n’est plus un instant mais cela peut-être une période qui peut avoir une certaine durée

    Effectivement, on considère trois phases dans la maladie dite « grave » (c’est à dire avec pronostic vital « pessimiste ») :

    1/ Phase curative : on privilégie la « quantité de vie » au risque d’effets secondaires. (c’est le cas d’un début de cancer par exemple)

    2/La phase palliative : là, on sait qu’on ne peut plus ajouter de temps au temps. On privilégie « la qualité de vie ». Cette phase peut durer entre 3 ans et quelques semaines (parfois un peu plus , parfois un peu moins)

    3/ la phase terminale : là, on est en fin de vie au sens médical du terme (mais certains mettent le terme de fin de vie sur la phase palliative , dans l’entourage, souvent). Elle peut durer de quelques minutes à quelques heures. On privilégie « le confort de vie ».

    Confort de vie, cela veut dire arrêt des traitements qui donnent des effets secondaires néfastes, arrêt des « bilans médicaux » (scanner, radios, biologie, etc…), avec, par contre, antalgiques, soins corporels (ceux qui ne provoquent pas de douleurs mais qui permettent au malade de se sentir bien), accompagnement au niveau des douleurs psychologique, sociale, spirituelle.

    Cette phase se divise elle-même en trois phases:

    –> 3-1/ la phase pré agonique qui peut durer de quelques jours à quelques heures (c’est là que l’on peut parfois voir ce que certains appellent « le mieux de la fin », où le malade paraît aller mieux et où le pronostic disant « il en a pour quelques heures » semble faux puisque le malade va vivre quelques jours (parfois une ou deux semaines!) ce, beaucoup mieux.

    –>3-2/ la phase agonique, qui elle est irréversible. Elle peut durer quelques heures. C’est celle qui angoisse tout le monde car les signes extérieurs peuvent montrer une grande souffrance ou douleur apparente (contractions musculaires, tremblements, larmes qui coulent, sécrétions bronchiques). C’est celle qui fait peur et qui fait dire : « il ne voulait pas partir, il s’accrochait aux draps »,  » il souffrait le martyr, ses jambes bougeaient tout le temps », il avait du chagrin, j’ai vu ses larmes couler »

    Or, si le malade est entré dans cette phase (et seul un médecin ou une infirmière peut la diagnostiquer avec des examens cliniques, bien que cela devienne difficile lorsque le malade est sous morphiniques, car cela modifie les signes cliniques), ce ne sont que des réflexes. En effet le cerveau ne fonctionne plus (donc plus de conscience, plus de ressentis). Ces apparences viennent uniquement du système nerveux autonome (Pour expliquer de façon simple et un peu caricaturale : lorsque vous respirez en faisant attention et en respirant profondément VOLONTAIREMENT, vous utilisez votre cerveau.—Lorsque vous respirez sans vous en rendre compte, en pilotage automatique tout au long de la journée, c’est le système nerveux autonome qui prend le relais.) qui part en quenouille, comme si il y avait -en quelque sorte- un cours circuit dans le système.

    D’où ni douleur, ni peine, ni chagrin.

    –>3-3/ la phase de mort clinique : arrêt de tout. Moment où on fait les prélèvements d’organes

    J’espère avoir répondu à votre questionnement, bien que n’ayant pas approfondi

    jfsadys a écrit : :

    « En revanche, la question du coût de la vieillesse et de la fin de vie est un vrai sujet, qui est d’ailleurs peu lié à l’euthanasie

    Si ce sujet est lié à l’euthanasie : si vous voyiez le nombre de familles qui commencent à se partager les biens au pied du lit, vous seriez étonné.

    Si, c’est lié à l’euthanasie : les familles pensent que le complément à payer pour l’EHPAD qui fait donc un trou dans leur budget, sera -enfin- supprimé et ouf!

    Si, c’est lié : le lavage de cerveau qui consiste à dire que cela coûte cher et est peu productif fait son effet. Ajouté à cela la modification de la définition de « la dignité » et de « la bonne mort » dans notre société du paraître et non de l’être et le tour est joué!

    Et pourtant : cela crée des emplois : aides à domicile, auxiliaires de vie, personnel de ménage, tous travaux à domicile…..et j’en oublie!

    Il est bien évident cependant que cela a un rapport avec les retraites.

    En effet, contrairement à ce qu’il se dit, nos anciens (entre 80 et 100ans actuellement) ont de très petites retraites, d’autant que ce sont des femmes (donc cotisations minimum, mais comme il y a des cotisations, elles n’ont pas le droit aux 700€ versables à tous ceux qui peuvent prouver qu’ils n’ont pas cotisé. C’est un scandale lorsqu’on voit le nombre de ces vieilles dames qui n’ont que 150€/mois pour vivre. les EHPAD prennent en charge l’accueil et les soins, mais se paient sur la succession, lorsqu’elle existe. Elles sont alors sous tutelle et n’ont pas la possibilité d’acheter quoique ce soit pour leur -petit- plaisir).

    Ma génération -hormis ceux qui ont pu cotisé à une seule caisse de retraite- n’aura elle aussi qu’une faible retraite. Tous mes collègues qui approchent de l’âge fatidique repoussent ainsi l’âge du départ, 10 ans d’étude après le bac diminuant sérieusement le temps de cotisation.

    Alors, l’euthanasie pourrait être un moyen de se débarrasser de tous ces vieux qui ne rapportent rien puisque n’ayant pas les moyens de consommer tant des services que des biens consommables.
    C’est odieux, parce qu’on fait passer l’économique et le matériel devant l’humain et le spirituel, mais les campagnes pour l’euthanasie et concernant la fameuse « dignité humaine » vont toutes dans ce sens.

    Peut on être digne de vivre si on ne peut plus consommer des choses inutiles en ayant un corps de 20 ans?

    Il serait temps -à mon sens, car il est évident que chacun a le droit de penser autrement- qu’on remette un peu d’humain, beaucoup de spiritualité (on peut avoir beaucoup de spiritualité sans avoir de religion) et qu’on arrête de regarder par le petit bout de la lorgnette consistant à ne réagir que par sa propre émotion, sans donner le droit aux autres d’avoir une autre conception de la vie…et de la mort (à savoir refuser d’être tué par un médecin ou un entourage qui ont décidé que c’était mieux ainsi)

  • @ Tara:

    Merci beaucoup docteur pour votre très complète réponse et votre argumentation plus pertinente que la mienne pour répondre à jfsadys.
    Je vous souhaite un week-end aussi bon que possible.

  • Bonjour Tara et jfadsys,

    pour moi, il y a une limite en pourcentage de nos revenus dans ce que nous pouvons investir dans la fin de vie, que je définirais comme une période où la santé est très dégradée sans espoir de rémission. Cette limite est pour moi liée aux point suivants.

    La fin de vie n’est pas le seul sujet sérieux que nous avons à traiter. il faut aussi soigner ceux qui ont un espoir d’être guéri, assurer l’hygiène, éduquer les enfants, assurer la sécurité de la société, assurer les infrastructures qui nous permettent d’avoir un haut niveau de vie, haut niveau de vie qui seul nous permet d’investir dans le social. Il faut aussi probablement payer quelques années de retraite en bonne santé pour que rendre la pilule de la retraite moins amère.

    Et les gens (moi le premier) acceptent de travailler, et de consacrer de 70 à 90 % de leurs revenus aux sujet sérieux (prélèvement obligatoires, nourriture, logement, étude des enfants), si au moins ils ont de quoi s’amuser avec ce qui reste qui restent (voyages, loisirs, voiture, logement sympa que sais-je encore ?).

    De plus, le niveau de vie ne progresse pas si vite que cela. Je crois que l’on gagner entre 0.5 et 1% de productivité par an, donc, grosso-modo, le niveau de vie progresse d’autant.

    Reste donc un budget de x % de notre revenu (x pas très grand) pour traiter la fin de vie. Dans cette enveloppe, il faut évidemment être le plus humain possible, mais je pense qu’il y a des choix à faire: le premier choix est évidemment de limiter les traitements coûteux (chirurgie…) à partir d’un certain âge. Le deuxième choix, c’est de limiter l’acharnement thérapeutique, qui est aussi un enjeu financier. On peut aussi chercher à rendre efficace les structures qui s’occupent de cela. Il y a à mon avis beaucoup à faire déjà dans ce domaine sans aller jusqu’à l’euthanasie administrative, qui n’est à mon avis pas souhaitable.

    Et il ne faut pas croire que, par un miracle keneysien, les emplois dans la « fin de vie » créent de la richesse; et sont extensibles à l’infini. Sinon, il suffirait de multiplier les emplois jeunes dans les gares pour résoudre tous nos problèmes. La réalité, c’est que pour 1€ investi, on récupère par le jeu du « multiplicateur keneysien » 30 à 50 centimes, mais le reste constitue une vrai « perte de richesse » comptable pour la société. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas investir dedans, mais qu’il y a une limite dans cet investissement.

    Je partage par contre votre point sur l’attitude des familles. Il ne faut pas être naïf, presque tout le monde se fatigue très vite de ses parents grabataires, et accueille la mort de ceux-ci comme un soulagement. S’il y avait une possibilité d’euthanasie décidée par les familles, je pense que beaucoup y sourcriraient. Et ce n’est à mon avis pas nouveau. Tous les romans des derniers siècles nous décrivent les gens comme attendant avec impatience la mort du vieux.

    C’est à mon avis d’abord de l’égoïsme, mais aussi peut-être un jugement assez naturel finalement (et que je partage) sur le fait que sans la santé, la vie ne vaut probablement pas la peine d’être vécue.

  • @Tara et Joyeux Acier, je sais que je ne vis pas dans un monde de bisounours, je sais que des familles Ténardier ça existe. J’ai cinquante huit ans. Je suis père et grand-père. Jusqu’à ce jour j’ai toujours vécu en contacts réguliers avec mes parents, grands-parents, enfants et petits-enfants. J’ai été enfant après la seconde guerre mondiale. J’ai vécu une époque où sans beaucoup d’argent et malgré de multiples difficultés on faisait des routes, on mettait l’eau, l’électricité, le téléphone jusqu’à la moindre ferme perdue au fin fond de la forêt landaise où j’ai grandi. On construisait des maisons de retraites, des hôpitaux, des collèges, des Lycées, des logements sociaux etc…etc… Il y avait pas d’argent, il y avait x problèmes à résoudre et il se faisait quand même des choses positives. Aujourd’hui dans notre pays il n’y a jamais eu autant de 4X4, de résidences secondaires, de terrains de golf, de tennis, de port de plaisance et de bateaux de plaisance et on ne va pas trouver les moyens financiers de faire face aux problèmes posés par le vieillissement de la population? Je ne peux pas le croire.

  • Joyeux Acier a écrit : :

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    blockquote>Pour moi, il y a une limite en pourcentage de nos revenus dans ce que nous pouvons investir dans la fin de vie

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    blockquote>

    Décidément, ça semble une obsession le fric et la productivité. L’argent ou le coût des soins est bien sûr un paramètre, important car le financement fait aussi parti du bien commun, mais il ne peut évidemment pas être le seul. Et évidemment que nous « n’investissons » rien dans la fin de vie ! Franchement, les raisonnements à base exclusive d’oseille, intérêt, investissement, pourcentage, moyenne pondérée, rapport qualité/prix, ça sent le renfermé, l’expert comptable rabougris fondu dans ses livres de compte racornis et poussiéreux. Ouvrez les fenêtres, respirez !

    @Tara : votre regard et témoignage sur ces questions difficiles où il est très facile de détourner le sens des mots est décidément très précieux.

  • Dans la Voix du Nord du 17 août, je lis : « Rappelons que 86 à 94 % des gens sont favorables à l’euthanasie ».
    http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2011/08/17/article_euthanasie-soins-palliatifs-le-debat-rel.shtml
    En revanche, sur le site Tf1 de ce jour, 20 août, il est indiqué : « Aujourd’hui, révèle un sondage Ifop pour le quotidien Sud-Ouest, près d’un Français sur deux (49%) estime que les médecins devraient pouvoir mettre fin à la vie de personnes atteintes de maladies incurables si elles le demandent et 45% supplémentaires sont pour l’octroi sous conditions d’un tel droit. En octobre 2010, le pourcentage des sondés se déclarant favorables à l’euthanasie, sans condition, était de 36% ». Et ceci est précédé de cette phrase : « la hausse est spectaculaire : 13 points en 10 mois à peine ».
    http://lci.tf1.fr/france/societe/euthanasie-pres-d-un-francais-sur-deux-est-pour-6649569.html

    Il faudrait savoir : c’est 94% ou 49% ? Si c’est 49%, c’est une chute « spectaculaire ».

  • @ Cardabelle:
    Je suis allé au premier lien que vous avez donné.

    Je vous avoue que je ne me suis guère interessé aux statistiques des pour et des contre l’euthanasie.

    En revanche, je trouve que l’un des articles de la Voix du Nord qu’on peut lire à partir de ce lien est particulièrement intéressant: « Attention à la notion de « droit à mourir », entretien entre un journaliste de la Voix du Nord et le professeur François-René PRUVOT, chef de service au CHR de LILLE, coordonnateur de l’espace éthique du CHR. Cet espace a été créé en 2010 précise l’article. Je suppose que cet « espace éthique » existe dans tous les Centres hospitaliers. Il ne m’a pas semblé avoir lu dans les différents commentaires une référence à cet « espace ». Peut-être que vous-même pourrez éclairer ce point ou TARA qui est médecin. Merci beaucoup.

  • Courtlaïus a écrit : :

    Franchement, les raisonnements à base exclusive d’oseille, intérêt, investissement, pourcentage, moyenne pondérée, rapport qualité/prix, ça sent le renfermé, l’expert comptable rabougris fondu dans ses livres de compte racornis et poussiéreux.

    Bonsoir,

    avec la nouvelle crise qui s’annonce et la fin de l’illusion qu’on pouvait juste emprunter pour garder notre mode de vie, j’ai peur au contraire que les comptables aient de plus en plus de pouvoir, et ils ne vont pas faire de cadeaux.

  • @Hélios : en particulier, Emmanuel Hirsch, Fondateur du collectif Plus digne la Vie, est directeur (ou pdt) de l’espace éthique de l’AP-HP.

  • Vous ne manquez pas d’air, Joyeux Acier ! « Fin de l’illusion » pour qui ??
    Mon Dieu, libérez-nous de ces comptables ! Ils en ont déjà assez, de pouvoir…

    Fin du hors-sujet.

  • @ Joyeux Acier

    Certes on entendra davantage les comptables, vous avez probablement raison – mais les comptables ne décident jamais d’aucune orientation. Ce que je veux signifier, c’est que le fric n’est ici qu’un paramètre d’une équation, non l’équation elle-même. On ne prend pas position par rapport à un sujet ou l’équation est l’homme sur un point aussi contingent : un coup je suis pour parce qu’on en a plein les poches, un coup je suis contre parce qu’on est a sec ? Le problème en réalité est d’abord strictement d’ordre moral, puisque l’enjeu est l’homme, et la société doit donc se prononcer en premier lieu sur cet aspect moral. Ensuite la question des moyens pour la mise en oeuvre, ce qu’on peut effectivement faire à un instant t, et l’aspect casuel, ceci est une autre affaire.

  • hélios a écrit : :

    Je suppose que cet « espace éthique » existe dans tous les Centres hospitaliers

    « L’espace Ethique » n’existe qu’à Paris.

    Mais tous les grands Centres hospitaliers ont un comité d’Éthique.

    Par contre, Depuis la V10 ( démarche de certification des Centres Hospitaliers 2010) l’éthique est prise en compte (mais pour l’instant, fortement suggérée) dans tous les hôpitaux et ce jusqu’aux hôpitaux locaux (ou hôpitaux dits de proximité).

    Ceci implique donc effectivement la mise en place d’un Comité d’Éthique dans les établissements hospitaliers.

    Ce n’est pas simple (le nôtre est en place depuis un peu plus d’un an.) Il nécessite en effet des médecins, des pharmaciens, des cadres de santé, des administratifs (dont l’infirmier général et le directeur de l’Hôpital), des infirmières, des aides soignantes, un juriste, un philosophe et même un représentant de bénévoles.

    J’avoue râler un peu (mais ‘est naturel chez moi!!!!) devant la méconnaissance des lois et du CSP (Code de la Santé Publique) chez la plupart des soignants, de même que la surprise de voir qu’ils confondent morale et éthique ou protocole de soins et éthique.

    Mais la bonne nouvelle est que la bonne volonté, la motivation dominent (il est vrai que cette équipe est faite sur le principe de la volonté et du choix de chacun).

    Nous sommes en train de mettre en place une démarche de prise de décision éthique.

    Comme vous le voyez, nous sommes loin des « polémiques » politico-socio – machinchouettes induites par la secte de l’ADMD et nous travaillons avec cœur pour le moins mal (c’est ainsi que l’on se situe, par humilité, parce que c’est vrai!) du malade.
    Sont prises en compte les désirs du malade (écrits avant qu’il perde conscience ou puisse s’exprimer, ou à l’instant « t » s’il peut encore le dire, le désir de mourir diminuant proportionnellement au temps qui reste à vivre, c’est à dire que plus la mort approche, moins les malades veulent mourir, c’est ainsi!), l’avis de la famille qui connaissait ses désirs (et non pas les désirs de la famille!), l’avis de la personne de confiance. Sont pris en compte ses croyances religieuses et philosophiques, sa culture, tout ceci bien de concert avec toutes données cliniques et biologiques connues.

    Vous voyez que, avec en parallèle la mise en place de CLUD ( Comités de lutte contre la douleur)depuis plusieurs années, jusqu’aux fins fonds de nos campagnes commencent à être pris en comptes les problèmes éthiques face à la mort, la douleur, la maladie grave.

    Nous n’avançons sans doute pas assez vite, mais nous avançons!

    Et j’avoue ne pas arriver à comprendre comment des gens en bonne santé peuvent prétendre prendre la décision de tuer quelqu’un pour se soulager soi même de le voir souffrir, sans le lui demander d’une part et sans tenter de soulager ses souffrances à lui, le malade, d’autre part (la douleur physique n’étant qu’une des composantes de la douleur totale, je l’ai déjà écrit plusieurs fois dans ces pages). C’est d’un égoïsme effrayant.

    Tout comme est effrayant ce côté économique de l’euthanasie!

    Car si il est difficile pour des enfants, économiquement parlant, de s’occuper de leurs vieux parents en fin de vie, ces mêmes enfants se sont ils posé la question de savoir combien ils ont coûté à leurs parents en fantaisies de toutes sortes et en caprices déclinés à l’infini?

  • Bonsoir,

    je vais arrêter de vous embêter avec cela après, mais j’aimerais donner quelques ordres de grandeur. Une journée d’hôpital coûte je crois de 200 à 500 Euros (il faut payer les murs, le matériel, le personnel, qui n’est pas seulement médical; et doit parfois être présent à plein temps, soit 3 personnes par poste). Une opération de l’ordre de 5.000 à 15.000 Euros. Certains traitements médicamenteux coûtent jusqu’à 1000 Euros par mois. Une heure d’un médecin coûte une centaine d’euros. Une réunion pluridisciplinaire d’une heure avec une dizaine de médecins ou équivalents (de type comité d’éthique), c’est 1000 Euros.

    J’arrive donc, pour la fin de vie d’un proche (2 opérations chirurgicales, 6 mois d’hôpital, 2 ans de traitements médicamenteux lourds) à une somme de l’ordre de 100.000 Euros (chiffre vraiment peu fiable, je suis intéressé si vous avez des meilleurs chiffres).

    En admettant que le français moyen a un revenu de 3000 Euros brut par mois (2000 net), et qu’il travaille 40 ans, cela veut dire qu’il gagne pendant sa vie 1.500.000 Euros. La fin de vie que j’ai évoqué ci-dessus représente 7% de ses revenus totaux. En admettant que tout le monde n’a pas besoin d’autant (sur 4 proches décédés auxquels je pense, un est mort « dans son lit », les autres sont passés par l’hôpital), cela fait environ 4% des revenus qui passent seulement à payer l’hôpital pour la fin de la vie.

    Cela est assez important quand on sait que cela ne couvre pas la maison de retraite (pour la période en bonne santé physiologique mais perte d’autonomie), la retraite en elle même, et les autres traitements (tous les retraités que je connais prennent des médicaments pendant la quasi intégralité de leur retraite), et subissent des examens assez fréquents.

    J’arrête de vous embéter avec tout cela, mais un jour, il serait intéressant que Koz fasse un post sur ce genre de sujets financiers qui sont passionants pour moi, et incontournables si l’on veut éviter la démagogie.

  • @ hélios Je me suis peut-être mal exprimée. Moi non plus je ne suis pas passionnée par les sondages. En mentionnant les deux ci-dessus, je voulais simplement souligner que l’on raconte n’importe quoi, et que certains ont tendance à « adapter » les chiffres à l’idéologie qu’ils défendent. Comment expliquer autrement l’énorme différence entre les deux sondages ?
    Je ne connais des soins palliatifs que ce que j’ai vécu personnellement. J’ai en particulier accompagné une amie de 84 ans, hospitalisée dans un service long séjour d’un hôpital de région parisienne. Je l’ai vue, au fil des mois (plus de 6 mois), perdre peu à peu de ses forces. Mais son esprit était toujours vif. Puis se sont développés des escarres, mal soignés (!), qui ont commencé à la faire terriblement souffrir. Avec son accord, j’ai contacté le service de soins palliatifs de cet hôpital. Accueil d’une grande humanité. Ils ont mis en place un traitement anti-douleur, qui a été augmenté au fur et à mesure de ses besoins. Peu de temps avant sa mort, elle a demandé la venue de l’aumônier et a reçu le sacrement des malades. Puis elle a commencé à beaucoup dormir, jusqu’à l’endormissement final. J’ai gardé de cette expérience le sentiment d’une fin de vie pleinement vécue jusqu’au bout. Mais je ne vais pas en faire une généralité. Il y a malheureusement des cas où ça se passe vraiment très mal parce que les soins palliatifs ne sont pas suffisamment connus, ni développés.

  • @ Tara:

    Tout ce que vous présentez, docteur, est assez mal connu. Mais la conclusion que je dégagerais de votre commentaire c’est que des structures ont été mises en place en France pour répondre du mieux possible à la question de la fin de vie.
    Merci beaucoup de vos explications qui ont été très utiles

  • @ Joyeux Acier:
    Pour vivre dans une famille dont certains membres sont infirmière en service de Réa et infirmière libérale en zone rurale, je me garderai bien de contester les chiffres que vous avancez. Mais j’ai envie de vous opposer d’autres chiffres qui vont sans doute vous agacer: combien coûtent les Férias de Bayonne, Dax, Mont-de-Marsan, Casteljaloux? Les opérations militaires dans lesquelles notre pays est engagé? Les délocalisations d’entreprises sans raisons économiques ? Les privatisations d’entreprises « riches »? Dans une discussion récente avec une élue municipale du Tarn j’ai défendu l’idée que faire une salle des fêtes neuve ne me semblait pas prioritaire mais qu’il me semblait important que la commune finance un logement communal pour accueillir un jeune docteur et des infirmières et un kiné. J’ai été poliment et gentiment écouté et … renvoyé dans mes foyers. Il y a donc une magnifique salle des fêtes qui sert même pas 100 jours par an et qui va coûter cher en entretien divers. J’entends aussi autour de moi des personnes encore jeunes et actives s’inquiéter: elles ne pourront pas se payer la maison de retraite. Certains personnes autour de moi souscrivent des assurances dépendances. Ce qui est intéressant dans l’époque que nous vivons c’est que nous allons devoir affronter des débats d’idées et des choix de société dès maintenant. Bref nous devons faire de … la politique que nous le voulions ou non. J’ai entendu hier la phrase suivante dans la bouche d’un copain d’école (nous préparons un repas de retrouvailles): « Aux pauvres l’enfer de la misère, aux riches le paradis fiscal ». Après 60 ans de paix nous sommes un pays riche mais je crois que nous allons devoir revoir la répartition des richesses, le système d’impôts, l’utilisation de l’argent public et privé. Pour le bien de nous tous.

  • @ Joyeux Acier: Joyeux Acier comme tu es un esprit fort, je me demande si tu es pour autant clair dans ta tête. Juste une question : ma femme est tétraplégique depuis 18 ans (accident de voiture) et elle coûte un peu plus de 100.000 euros par an (je ne sais pas mais j’imagine). Juste une question : depuis combien de temps aurait-elle du être euthanasiée ? Merci de ta réponse, c’est l’occasion de montrer ta compassion envers les malades et de les voir affronter confortablement leur fin de vie. Je te fais confiance car je ne doute pas un instant de tes hautes qualités morales.

  • Bonjour Roque,

    je suis désolé de « squatter » ce post avec des discussions peut-être hors sujet (quoi que, en y réfléchissant, cette histoire d’euthanasie se résume à mon avis à des priorités politiques dans la limite des moyens financiers, une fois passé les guéguerres adolescentes fleurant bon l’acné entre catholiques et laïcards à coût de « c’est toi qui l’a dit c’est toi qui y est », .

    Comme tu l’as dit toi-même, le coût des soins de ta femme est de 2 millions d’euros. Il est déjà important de mesurer cela, et de se poser d’abord la question des conditions dans lesquelles ces soins sont délivrés et si une qualité équivalente de soin pourrait être délivrée pour un prix plus abordable. Peut-on par exemple standardiser le matériel utilisé et l’acheter en volume et à plus bas prix, pour éviter que chaque hôpital négocie en condition défavorable de son côté ? A-ton délégué autant de soins que possible au personnel qui a juste la bonne qualification ? Ces questions sont importantes, et ne sont souvent pas la priorité des médecins (mais ce n’est pas spécifique aux médecins, tous les experts (ingénieurs de bureau d’étude …) sont plus intéressés par la performance que par le prix de revient).

    On peut aussi se poser la question d’une prise en charge plus « basique » pour certains sujets (je pose la question comme cela, je ne connais pas la prise en charge de la tétraplégie).

    Après, il y a deux critères pour savoir si nous pouvons nous payer un traitement: son prix de traitement unitaire et sa fréquence. Et c’est là que les 2 millions que vous annoncez peuvent rester raisonnables, car il n’y a probablement pas tant de tétraplégiques que cela. S’il y a un tétraplégique pour 1000 personnes, cela veut dire que la « cotisation » pour ce risque est de 2.000 Euros à répartir durant les 40 années de cotisation à la sécu, ce qui n’est pas tout à fait négligeable, mais gérable.

    Vu les sommes en jeu (quelques milliards d’euros par an ?), cela veut dire aussi que la sécurité routière (qui pour simplifier limite le nombre de tétraplégiques) est un investissement très rentable, et que cela vaut même le coût de dépenser quelques centaines de milliers ou quelques millions d’euros à travailler sur les optimisations dont je parlais, et même si nécessaire à embaucher pour un mois le meilleur négociateur du monde (le mythique libanais arménien chinois croisé génétiquement à un acheteur de chez Carrefour et à Monsieur Lidl) à 5.000 Euros la journée pour faire baisser les prix du matériel et des traitements.

    On peut aussi se poser la question de la contribution financière à cet effort de ceux qui pratiquent un sport avec risque d’accidents provoquant cette infirmité. Autant il me semble qu’il est normal que la société mutualise les risques pour un mode de vie « standard », autant il me semble juste que ceux qui choisissent de pratiquer une activité à risque « pour le plaisir » (aviation, escalade, sports de combat ou que sais-je encore ?) en assument les coûts: on peut penser à une licence / assurance obligatoire représentant le surcoût réel pour la société, et, si la personne n’a pas pris cette assurance et a un accident (ce qui devrait être une exception si l’on fait quelques contrôles bien ciblés), on la traite, mais on saisit a posteriori ses biens et revenus dans la limite du coût du traitement (comme une faillite d’entreprise en fait). Cela me semble rester un système humain.

    Voilà, j’espère par ces quelques lignes avoir montré qu’il peut y avoir un intermédiaire sain entre « vendre ses parents à une usine de colle » (j’aime bien cette expression américaine), et la démagogie du ‘tout est possible’.

  • Très chers amis,

    je trouve le débat économique très intéressant mais dans un autre contexte de billet qui serait proposé. A un moment donné, il me semble qu’il ne faut pas tout mélanger. Est-ce qu’on ne va pas aboutir à la conclusion suivante: x coûte tant à la société, x ne peut plus rien donner à la société, tirons-en la conclusion……
    Merci beaucoup de votre attention.

  • @ Joyeux Acier:Je croyais que tu allais dire : je suis désolé pour ce qui t’arrive, mais non … tu es dans ta tête et rien de bon n’en sort. D’abord tu n’as pas répondu à ma question : depuis combien de temps aurais-je du supprimer ma femme ? Tu cales parce que tu ne pourras jamais répondre ni en public, ni en privé – je suppose. Ton petit cours de rationalisation des soins, me fait un peu marrer … imagine que je suis médecin de Santé Publique avec près de 35 ans d’expérience. Je viens de vérifier et finalement ce que coûte ma femme par an est 7 fois inférieur à ce que j’avais annoncé. La preuve que tu ne sais pas de quoi on parle … ce qui est grave quand on prétend jouer avec la vie des gens. Ton air de rationalité suppérieure est d’autant plus niaise que tu ignores encore beaucoup plus de choses sur ce sujet que tu ne le crois :
    1. Qu’il existe des modèles d’école de Santé Publique à deux variables (éventuellement 3 ou 4), par exemple : vaut-il mieux vacciner que d’hospitaliser les complications de la même maladie ? ou comparer la prise en charge de deux ou trois maladies reliées : X ou Y ou Z, MAIS il n’existe aucun modèle de prise en charge globale de la santé sur un pays comme la France qui permettrait de poser rationellement la question de la prise en charge des femmes et des enfants versus les vieillards et handicapés par exemple. J’insiste bien sur le mot « modèle rationnel », il existe bien des méta-analyses où chacun y va de son interprétation et de son idéologie. Pourquoi pas de modèle rationel disponible ? Pour deux raisons : D’ABORD parce que les données suffisamment « fines » de sont pas disponibles – sauf par « groupe de coûts » encore assez approximatifs et pour les établissements hosptitaliers – pas pour le reste (pas suffisamment fin pour faire des simulations de variations de prise en charge sans des études complémentaires spécifiques pro- ou rétrospectives) et ENSUITE parce que le système français (le meilleur du monde !) est horriblement irrationnel – et ça ne va pas changer rapidement, toi et moi seront morts avant ! Prouve- moi le contraire, merci (données pertinentes seules retenues, bien entendu, l’idéologie je m’en bats les brosses !) ;
    2. Il n’existe pas de modèle totalement rationnel qui intègre des données de soins (coûts des présetations, etc …) et la valeur de la vie humaine. Dans certains cas les modèles combinant les deux (coût monétaire et valeurs de la vie) peuvent marcher quand même lorsque le choix philosophique est clair et facile à assumer publiquement, par exemple : préserver la vie de la mère est plus important que la vie de l’enfant à naître … c’est une évidence depuis quand ? Depuis les romains à ma connaissance et c’est ce qu’enseignait le catéchisme dans mon enfant. Belle découverte des esprits « forts » du XIXème siécle. Dès 1980 j’ai fait mon mémoire là dessus en ituation sub-saharienne justement sur la mortalité maternelle « découverte » par les instances internationale 10 ans plus tard ! C’est pas un grande découverte et le facteur contraignant n’est pas la rationalité des coûts, mais le choix philosophique. Donc au fond, ce genre de modèle ne fonctionne pas en rationalité pure. Prouve- moi le contraire, merci (données pertinentes seules retenues, bien entendu, l’idéologie je m’en bats les mollets !).

    Juste une idée – puisque tu es décidémment génial et bien au dessus du lot. Si on déremboursait le Paracétamol est-ce que ça couvrirait la prise en charge des tétraplégiques de France ? J’avoue toutefois que le pastille de cyanure est bien moins coûteuse que l’effort d’y réflechir même 5 minutes. Alors la pastille de cyanure en libre distribution. J’attends tes réactions (offusquées) et suggestions.

    Pour finir : avec ma femme nous avons vécu 12 ans en Afrique sub-saharienne et nous étions beaucoup mieux alors que dans ce p..ain de système français. Et je crois que le coût était encore 10 fois inférieur à ce qu’il est maintenant ! Alors ces données de « coût » ça vaut ce que ça vaut. Il faut m’arrêter car je vais y passer la nuit !

  • jfsadys a écrit : :

    Je crois qu’il n’y a pas de limite à ce que nous pouvons investir dans ce domaine.

    Il existe bien entendu des limites physiques à ce que nous pouvons faire, dans ce domaine comme partout. Sans même parler d’argent, ceux d’entre nous qui sont en âge de travailler doivent subvenir aux besoins de ceux qui ne le sont plus, ou pas encore; ils n’ont que 24 heures dans une journée pour ce faire.

    L’erreur de Joyeux Acier, à mon sens, n’est pas de souligner cette réalité concrète: elle est d’en faire l’alpha et l’oméga de la discussion, en en tirant implicitement des conclusions morales. Alors que, comme le dit fort bien Courtlaïus :

    Le problème en réalité est d’abord strictement d’ordre moral, puisque l’enjeu est l’homme, et la société doit donc se prononcer en premier lieu sur cet aspect moral.

    Par ailleurs,Joyeux Acier a écrit : :

    cela fait environ 4% des revenus qui passent seulement à payer l’hôpital pour la fin de la vie.

    Ce chiffre de 4% est du pur doigt mouillé. Tous vos ordres de grandeur cités plus haut peuvent être plus ou moins valables, mais vous n’avez aucune idée (moi non plus) de la proportion de la population qui aura besoin de ces « soins lourds », hypothèse dont vos 4% en dépendent intégralement. De plus, quand bien même on dégoterait une statistique générale, il serait impossible d’en tirer une conclusion dans un cas individuel: au début des 6 mois de soins dont vous parlez, l’issue n’est pas, en général, connue.

    Mais surtout, la voie que vous cherchez ainsi à mettre en avant est destructrice pour la société. Que deviendrait la cohésion sociale si tout un chacun pouvait se voir prescrire l’euthanasie en fonction de contraintes financières ? Il ne faut pas faire semblant d’ignorer la réalité humaine, sinon la réalité viendra se venger. Et le coût économique d’un effondrement social serait bien plus lourd encore que les chiffres que vous tirez de vos « calculs ».

  • @ Roque:
    Cher ami,
    Ce que vous exprimez de votre vie et de la paralysie de votre femme est terrible.
    Il n’est nul besoin des développements que vous faîtes sur la question de « l’économie de la santé ».

    Pour nous chrétiens, le choix est fait c’est celui de la vie. C’est le sujet de ce billet. Donc, c’est la vie de votre épouse et de tous ceux qui ont besoin de soins, non la mort. Mais ce n’est pas le chemin le plus facile, c’est celui qui correspond à l’enseignement du Christ.

    Ensuite, nous devons conformer nos priorités à ce choix-là. C’est une question politique.

  • @ Gwynfrid, je suis d’accord avec vos commentaires.
    @Roque, je n’ai pas les mots, les moyens pour vous manifester soutien,sympathie, réconfort.Votre dernier commentaire m’a convaincu d’arrêter de faire des commentaires sur un sujet auquel je n’ai pas été confronté comme vous. Je redis pour la dernière fois que je souhaite que la main qui soigne ne devienne pas la main qui tue. J’ajoute que je suis prêt personnellement à payer un impôt supplémentaire pour financer les dépenses de santé présentes et à venir. Il est temps maintenant que je fasse silence. Parfois dans la vie il ne reste que la prière. Je vais m’y essayer.

  • @ hélios:Merci. Et merci aussi à jfsadys.Que personne de s’inquiète que ne suis pas en perte de vitesse, je ne me sens pas le besoin de me justifier. Tout cela a fait de moi une personne autonome …. non à la vérité j’ai été beaucoup plus loin, beaucoup, beaucoup plus loin, infiniment plus loin que je ne l’aurais jamais iméginé. J’ai été littéralement arraché à ma vie et à mon passé … par la grâce du Christ, ma force n’est qu’en Lui. J’ai donné mon âme en totalité à une personne qui va un jour ou l’autre mourrir avant moi. C’est mon cadeau à Dieu et j’attends l’affrontement de la mort. je ne tremble pas (il y a me semble-t-il aussi un poème de St Thérèse où elle dit « qu’elle ne tremble pas »)

    Par ailleurs je crois à la rationalisation des soins. Pas de caricature, merci. Mais j’insistais sur le fait que les données pour construire un modèle global de la santé ou de la morbidité en France n’existant pas tout « rationalisation » sauvage est sujecte à caution. Sauf preuve du contraire, merci d’éliminer les arguments non pertinents. La volonté de rationalisation est une bonne chose … si elle repose sur des données suffisamment fiables et harmonisées, sinon c’est la porte ouverte à toutes des pressions et manoeuvres idéologiques. Indigne d’un esprit ouvert et honnête.

  • @ Gwynfrid:Très bonne expression :  » c’est du pur doigt mouillé « . Le malheur est que bien souvent il y a un manque de sérieux sur les données. Où trouve-t-on le coût du l’hôpital pour les malades en fin de vie ? Je pense que ça pourrait être, par exemple : le coût de l’ensemble des services hospitaliers de moyen et long sejour du service public (omettant comme d’hab les services privés) ou pire une simple imposture calculée sur un cion de table par un idéologue chauffé à blanc … … … la pertinence des  » données  » par rapport aux « malades en fin de vie » reste à la charge de Joyeux Acier.

  • Tout le monde est d’accord avec le titre de ce billet, aucune association à ma connaissance n’envisage de tuer des gens contre leur gré.

    Voilà ce qu’écrit l’ADMD (je précise que je n’en suis pas membre, j’ai juste cherché sur son site les arguments qu’elle avance sur ce délicat sujet).

    « A qui veut bien réfléchir, la liberté – et donc le droit – de mourir dignement, à son heure, selon son style, apparaîtra évident et en parfait accord avec notre sensibilité moderne. Un jour, une telle liberté sera reconnue comme une exigence morale imprescriptible et aussi impérieuse que la liberté de parler et de s’informer. Faudra-t-il attendre que les charges sociales afférentes à l’accroissement continu de la longévité et à l’acharnement thérapeutique deviennent insupportables ? Cela chargerait ce droit précieux d’une résonance sordide. »

  • Roque a écrit : :

    Je croyais que tu allais dire : je suis désolé pour ce qui t’arrive, mais non

    Gwynfrid a écrit : :

    Ce chiffre de 4% est du pur doigt mouillé

    Bonsoir Roque et Gwynfrid,

    toutes mes excuses, je n’ai pas fait preuve de beaucoup de sensibilité sur ce post, et j’admets sans problème ne pas avoir vérifié tes chiffres pour la tétraplégie. Pour l’histoire des 4%, je me sens un peu plus sûr de moi quand même, même si je serais ravi de connaître un chiffre plus précis.

    Pour le reste, ce que je disais dans mon post, c’était en gros: ‘regardons si nous pouvons optimiser le coût de revient de la prestation (ce qui ne change rien pour toi, cela veut juste dire que la sécu doit ‘se bouger’ pour négocier avec les labos…), voir si l’on peut avoir une prestation moins élaborée mais quand même décente (tu disais que tu étais heureux en Afrique, cela veut peut-être dire que l’on peut faire quelque chose de moins cher mais quand même acceptable).

    Je proposais aussi, et c’est à mon avis une idée intéressante, que pour ceux qui sont « malades » par leur faute (pratique de sport à risque par exemple), la prise en charge soit faite par une assurance supplémentaire facturée au coût réel pour les pratiquants de l’activité à risque, ou à défaut, que le patient participe dans la limite de ses biens au coût du traitement.

    Pour le reste, je me contentais de rappeler que des traitements coûteux mais peu fréquents sont, au total, abordables pour la société. Je n’ai jamais parlé d’euthanasie dans cette histoire.

    Je partage complètement votre opinion sur le fait que toutes les données pour faire les choix dans les priorités des traitements n’existent pas aujourd’hui, et je pense que bien faire cela est un effort de plusieurs décennies.

    A mon avis, il va quand même falloir s’y mettre, car la combinaison du vieillissement de la population, de l’apparition de traitements sophistiqués très cher, et de l’appauvrissement relatif de l’occident font que la chance que nous avons actuellement de ‘tout pouvoir nous payer’ (ou presque) ne va certainement pas durer. Et je préfère que les choix soient fait par des spécialistes après analyste, que par des comptables. Pour moi, une décision, même imparfaite, de rembourses le traitement A pour tel profil mais pas tel autre, ou tel traitement plutôt que tel autre, est meilleur que la décision comptable d’arrêter toutes les interventions hors urgence dès le mois de septembre car les caisses sont vides.

    Ces choix devront être basés sur certains critères.

    Pour moi, il peut y avoir des critères moraux pour la priorité donnée à la santé par rapport à d’autres domaines (c’est un choix respectable par exemple d’avoir des villes moches ou moins de vacances, mais en échange, un meilleur système de santé), mais j’ai plus de mal avec les critères moraux pour arbitrer entre dépenses de santé.

    Pour ces arbitrages internes, Il peut y avoir des critères d’utilité statistique (tel traitement sauve une vie pour X Euros en moyenne, tel autre pour 10 fois plus). Ces critères s’étendent aussi au confort de vie gagnée. Tout ceci est de la bonne gestion sur laquelle personne ne devrait trouver à redire.

    Par contre, la vraie question, morale cette fois, est de savoir si nous devons arbitrer entre les vies gagnées pour les différents individus. On peut répondre non en bloc, une vie, c’est une vie, de la conception à la mort, ce qui a l’avantage d’être une solution simple. Personnellement, j’ai le sentiment qu’il est « dans l’ordre des choses » que l’on investisse plus jusqu’à un certain âge, et moins après. j’avoue sans problème que cela peut dériver vers une pente dangereuse, mais comme sur tous les sujets, la bonne solution est probablement un compromis, pas un extrème.

    Pour résumer, pour moi, le rationnement des soins est une nécessité. Il y a un gros travail technique à faire pour cela, et nous devons aussi répondre aux questions morales suivantes sur le sujet:

    • les prestations de santé doivent elle dépendre de la richesse des individus (tout le monde en France semble répondre non, sauf que, lorsque l’on laisse les choses dériver, on admet dans les faits une santé à deux vitesse);

    • les prestations de santé doivent elles être gratuites pour tout le monde, ou être prises en charge sur leurs deniers propres par ceux qui en ont les moyens et / ou qui ont pris un risque particulier ?

    • quelle priorité veut on donner au système de santé par rapport au reste, tout ceci dans une limite de charges supportable pour l’économie?

    • doit-on donner une priorité à certaines personnes par rapport à d’autres pour les traitements, ce qui veut dire principalement: doit on rationner les traitements des personnes âgées?

    • Que voulons nous faire, et combien voulons nous investir quand il n’y a pas de traitement à une maladie (soit parce que ce traitement n’existe pas, soit parce que nous ne pouvons pas nous le permettre, cas qui sera à mon avis de plus en plus fréquent avec les nouvelles et coûteuses technologies) ? Je pense que personne ne pense à l’euthanasie obligatoire (pas moi en tout cas), mais nous devons réfléchir au niveau de sophistication que nous voulons donner aux soins palliatifs.

  • Joyeux Acier a écrit : :
    et je pense que bien faire cela est un effort de plusieurs décennies.. Je ne rejete pas la rationalisation des soins ou du système. Je pointe simplement les formidables obstacles techniques de cette modélisation globales … et des obstacles institutionnels non moins considérables (décisions erratiques ou contraires des « politiques »). Je te laisse  » croire », tu y as droit aussi ! Pour moi si l’avenir de l’amélioration de la santé reposait uniquement sur cette modélisation – ce qui n’est à mon avis pas le cas – nous serions simplement en train de nous précipiter sur un mur de béton. Merci par ailleurs pour ta parole de réconfort. Moi-même intellectuel, j’ai réalisé à quel point mes collègues et amis  » gros cerveaux  » étaient muets et désemparés devant les drames de la vie. C’est leur point faible.

  • Joyeux Acier a écrit : :

    Pour l’histoire des 4%, je me sens un peu plus sûr de moi quand même, même si je serais ravi de connaître un chiffre plus précis.

    Excusez-moi, mais sur ce point précis, je ne vous lâcherai pas. Ce 4% n’est pas un chiffre approximatif. Ce n’est même pas un ordre de grandeur. Cela pourrait être un détail, mais je le trouve très important, car vous vous en servez de base pour établir une certitude, et en cela vous vous illusionnez complètement. J’apprécie toujours qu’on essaie – et je le fais moi-même – de s’appuyer sur des faits et/ou sur des estimations argumentées. Celle-ci ne l’est pas, même pas à moitié: elle ne l’est pas du tout.

    Je m’explique: vous parvenez, avec des estimations assez raisonnables, à estimer le coût de soins « lourds » pour la fin de vie d’un grand malade à 7% du revenu moyen à vie. Ce 7% est, lui, un ordre de grandeur argumenté. Et ensuite vous faites une pirouette basée sur une statistique portant sur 4 personnes (!) pour en conclure que la moyenne générale est de 4%. Vous n’en savez rien. Le vrai chiffre est peut-être 0.05%, ou 10%. C’est ce que j’appelle du doigt mouillé. Je n’ai pas, et vous n’aurez pas, de chiffre plus précis sans faire une vraie recherche pour déterminer combien de Français ont besoin de soins très coûteux, moyennement coûteux, peu coûteux ou bien de rien du tout, à la fin de leur vie.

    Une autre solution est d’aller à la pêche sur Google. Je vous recommande ce mémoire, clair et très intéressant. Pour le sujet qui nous occupe, voyez le graphique page 26, et aussi ce point, page 28: « seuls les soins d’une faible minorité (6 %) entraînent des dépenses véritablement exceptionnelles qui tirent la moyenne vers le haut. » On est loin, très loin d’une moyenne en millions d’euros: le graphique oscille autour des 3-4000$ par mois de moyenne, lors de la dernière année de vie.

    Au-delà de ce point particulier, je vous remercie d’avoir pris la peine d’expliciter votre position. Notamment:

    Joyeux Acier a écrit : :

    Pour le reste, je me contentais de rappeler que des traitements coûteux mais peu fréquents sont, au total, abordables pour la société. Je n’ai jamais parlé d’euthanasie dans cette histoire.

    Dont acte, c’est exact. Vos développements sur les coûts, sous ce billet, pouvaient laisser soupçonner une ambiguïté de votre part. Ce qui va sans dire va parfois mieux en le disant.

    Joyeux Acier a écrit : :

    quelle priorité veut on donner au système de santé par rapport au reste, tout ceci dans une limite de charges supportable pour l’économie?

    Je vous soumets l’hypothèse suivante, dont je ne suis pas sûr de la valeur, mais que j’ai trouvée intéressante: et si les coûts croissants de la santé que nous constatons reflétaient, tout simplement, les mécanismes du marché ? Dans un marché, le coût des choses représentent la valeur que nous leur accordons, collectivement. N’en est-il pas de même du coût de la santé, d’une année de vie supplémentaire, etc. ?

    Si vous prenez l’exemple des Étas-Unis où une plus grande proportion de ce coût est financé par des mécanismes privés, on constate que les dépenses de santé, en proportion du PIB, y sont énormément plus élevées que chez nous. Cette observation tend à renforcer l’hypothèse: plus le choix est personnel, plus on accepte de payer cher.

    En ce sens, la santé ne peut plus être vue comme une « charge pour l’économie ». C’est simplement une partie intégrante de l’économie, qui prend une part de plus en plus grande, non pas simplement parce que nous vivons plus longtemps, mais parce que nous voulons vivre plus longtemps et sommes prêts à payer pour cela. Dans ce cas, la seule question qui reste est de savoir si ce coût doit être payé collectivement, ou individuellement (ou par une combinaison des deux).

  • Bonjour Gwynfrid,

    parlons chiffre, c’est toujours intéressant. Je reprend votre rapport, dont on va supposer pour l’exercice qu’il est digne de confiance (ce qui n’est pas certains vu les sommes en jeu et les lobbies concernés, mais il faut bien commencer quelque part), et que les chiffres présentés (américains) sont applicables à la France.

    Je prend le graphique de la page 25, et je somme les montants pour la dernière année de vie pour la tranche d’âge 75 à 84, je trouve a peu près 40.000$ (30.000€) de dépenses moyennes. Mon calcul personnel était de 100.000 € pour une mort très médicalisée, et de 2/3 de personnes qui ont besoin de cela, soit une moyenne de 60.000€. Il y donc un écart de 1 à 2, et sans doute de moins si l’on prend en compte les deux dernières années. Ce n’est peut-être pas 4% mais entre 2,5 et 3,5% des revenus totaux d’un individu que j’estime à 1.500.000 € (les revenus, pas les dépenses de santé). J’ai donc un peu sur-estimé, mais l’ordre de grandeur n’était pas absurde. Ce qui a pu vous induire en erreur, c’est que je parlais de chiffres totaux, et l’enquète parle de chiffre par mois.

    Par contre, ce qui est intéressant (et que j’ignorais), c’est le coût du reste de la vieillesse « en bonne santé », qui s’établit entre 500 et 2000$ par mois soit entre 5000 et 20.000 Euros par an d’après le chapitre page 26. Cela représente en fait des sommes plus énormes encore, et si l’étude est exacte, c’est peut-être ce domaine qui sera le « facteur limitant » plus que les soins à l’approche de la mort. J’ignore si ce montant comprend les maisons médicalisées de retraite, et s’il est applicable à la France, mais c’est quand même un chiffre inquiétant..

    Sur le reste, il me semble que les coûts importants de santé aux Etats-Unis sont liés à trois choses principalement: d’abord les Etats-Unis sont les seuls pays à payer « plein pot » la recherche et le développement des nouvelles technologies médicales, les autres pays (nous compris) sont souvent des parasites profitant avec un peu de retard, et à plus faible coût, des avancées mises au point aux US. Ensuite, le système est très judiciarisé, avec une médecine défensive (des examens inutiles que l’on fait pour éviter le procès, des assurances très coûteuses) qui multiplient les coûts médicaux, pour une qualité de prestation variable. C’est un vrai drame, mais le lobby des avocats (premier contributeur au parti démocrate) est très puissant là-bas. Enfin, les dépenses de santé sont mal organisées (possibilité de faire de la pub, peu de contrôle des prix, peu de contrôle des « caprices » des patients), ce qui fait généralement augmenter le coût. Un hôpital US privé a souvent des locaux dignes d’un hôtel 4*. Pour moi, les US, à quelques exceptions près (il y a quelques très bons hôpitaux, comme Kaiser Permanente), sont loin d’être un modèle.

    Je pense qu’il y a deux limites aux dépenses de santé: d’abord les rendements décroissants qui s’appliquent aux dépenses de santé comme au reste (pour caricaturer on paye 1€ pour vivre jusqu’à 70 ans, 2€ pour vivre jusqu’à 75, 5€ pour vivre jusqu’à 80, 20€ pour vivre jusqu’à 85, 100€ pour vivre jusqu’à 90), et à un moment, je pense que les gens préféreront une vie un peu plus courte ou un peu plus risquée, mais plus intéressante.

    De plus, les dépenses de santé, en particulier ceux pour la fin de vie, constituent des dépenses de « confort » (permettant aux gens du pays d’avoir une vie agréable), que j’oppose aux dépenses « d’investissement » (éducation à but professionnel, infrastructure de transports, rercherche), c’est à dire les dépenses qui permettent à un pays de fournir des produits et services compétitifs aux autres pays. A mon avis, un pays, pour être viable, doit maintenir ces dépenses d’investissement à un certain niveau, faute de quoi il tombera dans un cercle vicieux de déclin. Alors certes, dépenser beaucoup pour la santé offre quelques perspectives commerciales, mais il s’agit quand même de second ordre, car nous dépensons beaucoup sur les technologies des autres pays.

  • Gwynfrid a écrit : :

    Dans un marché, le prix des choses représentent la valeur que nous leur accordons, collectivement

    Tout à fait juste Gwynfrid – avec une petite correction. Le jeu du  » marché  » fait varier les prix de façon considérable à coût constant. Et que sait on des dépenses des ménages et autres dépenses indirectes dans chaque cas pour faire le coût global ? Par exemple dans mon cas je pense que je dépense autant que l’Etat. C’est aussi amusant que dérisoire de voir l’idéologue de service s’accrocher à ses chiffres.

  • Si je peux me permettre, j’ai l’impression que ça ferait le plus grand bien à tous ces gens qui réclament une euthanasie active de rencontrer des personnes atteintes de lourds handicaps, comme par exemple des IMC (infirme moteur cérébral). Ils apprendraient l’humilité, qui permet de vivre dans la dépendance des autres – mais après tout, ne sommes-nous pas tous dépendants d’une façon ou d’une autre ? Ils apprendraient l’espérance, la combativité, et ils apprendraient à profiter de la vie telle qu’on la reçoit. La dignité humaine, ce n’est pas de correspondre à des normes de société, d’être les plus parfaits possibles… À quand la considération qu’une personne laide selon nos canons actuels n’a pas de dignité humaine et donc ne mérite pas de vivre ?

  • JeanneBD a écrit : :

    j’ai l’impression que ça ferait le plus grand bien à tous ces gens qui réclament une euthanasie active de rencontrer des personnes atteintes de lourds handicaps, comme par exemple des IMC (infirme moteur cérébral). Ils apprendraient l’humilité,

    Cela ne changerait maleureusement pas l’idée fixe de certains … suffisants en nombre et en influence pour nous préparer un  » monde meilleur « , genre « soleil vert » (un film où on recyclait les protéïnes des viellards euthanasiés pour nourrir la population mondiale devenue trop nombreuse).

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