C’est une idée qui passe, et que je soumets amplement à votre analyse, validation, infirmation. Et peut-être même s’agit-il d’un parfait lieu commun. J’ai parfois de ces fulgurances qui se dégonflent comme baudruche crevée, et je repars piteux, mon idée géniale dégénialisée.
En fait mon billet sur la fesse et la zigounette, et les réactions qu’il a provoquées, que ce soit ici, chez Paxa, chez Kryzstoff, ou sur Agoravox m’interpellent :
“Hé, KoZ !“
En rédigeant mon billet, je suis parti du principe que j’allais devoir affronter les huées, les sarcasmes et caetera. Et FrédéricLN de me secouer : “koz, my friend, arrête de te complexer !”|1|
Le fait est que les réactions ont été majoritairement favorables. Aussi, si je cherche à dépasser cette seule question du porno et de sa médiatisation, je fais là l’expérience personnelle de la majorité silencieuse. Mais je note aussi d’autres réactions. Des “à quoi bon” de formes variées. Tu as raison… mais à quoi bon ? Plus sophistiqué est l’à-quoi-bonisme d’un Sylvain Reboul, sur agoravox. Outre d’autres désaccords, je n’accepte pas le raisonnement qui revient à dire que nous sommes dans une société du spectacle, qu’il faut en tirer son parti et agir sur les à-côtés, c’est-à-dire éduquer nos enfants pour leur apprendre à faire la part des choses.
Sur son blog, Kryzstoff rapproche Berlusconi, Blair et Patrick Pidoux en d’”ordinary indecent men“. Et un certain dg de lui répondre : “Vous ne vous rendez pas compte qu’au fond vous êtes les “ordinary, decent man”. Continuez ! Nous avons besoin d’exemples et cela marche de génération en génération“.
Et j’en viens au noeud de mon billet : le sentiment qu’un des symptômes de notre société est l’angoisse de l’Inéluctable. Je sais bien que ce constat n’est pas de moi : les français craignent une “mondialisation” qui revient à les noyer dans de grands ensembles. Qu’il s’agisse d’un simple sentiment, ou d’une réalité : nous n’avons plus prise sur notre quotidien. Il ne s’agit plus de décisions qui se prennent au niveau local, sur lequel je peux influer, en me rendant sur la place du marché pour le conseil de village, après avoir vendu mes bêtes à la foire aux bestiaux. Non, ces décisions se prennent dans des instances inconnues, au fonctionnement incompréhensible de la majorité : ONU, OMC, FMI, Multinationales, Commission Européenne. Alors, peu importe qu’elles gèrent bien ou mal ce qui relève de leur compétence, l’évolution terrifie parce l’individu se sent réduit à l’état de misérable pion.
Ajoutons à cela les phénomènes économiques : une part de la vie dépend de la croissance, et cette croissance, elle est passée par ici, elle repassera par là, mais on ne sait ni quand elle part, ni quand elle doit revenir, et nos gouvernements semblent trop souvent réduits à attendre que la courbe se redresse.
Enfin, sur l’évolution de la société, la morale, l’éthique, combien ont le sentiment de se voir interdit par un microcosme – parisien – de penser ce qu’ils pensent ? Ou, surtout, que le fait de penser ce qu’ils pensent n’a pas d’importance : la société évoluera selon les critères d’un petit nombre médiatiques et bien placés avec, parfois – souvent ? – pour seul critère, ou pour effet entraînant, en fin de compte, la rentabilité.
Ne faut-il pas, dès lors, comprendre les votes protestataires et autres “actions directes” – qu’il s’agisse des “fauchages“, “démontages“… grèves de la faim – comme l’expression de cette angoisse devant l’éloignement des centres de décision, contre le sentiment de l’Inéluctable : “ce n’est pas ce que je veux, mais c’est ce qui arrivera… c’est ainsi…” ?
D’où un recours plus systématique à l’action visible, violent, comme autant de façons de dire : putain, j’existe et mon existence a un sens…
Vous me direz que ce sentiment n’est pas nouveau. Avant d’incriminer Paris, n’incriminait-on pas Versailles, et la Cour ? J’ai toutefois l’impression que cette angoisse est plus prégnante, plus intense, aujourd’hui, peut-être du fait de la plus grande information de chacun. Parce que nous sommes plus informés, nous développons davantage d’opinions sur des sujets dont la maîtrise nous échappe. En somme, notre plus grande information met en lumière notre impuissance, ou supposée impuissance.
Comme il ne saurait être question de préconiser une moindre information des citoyens, faisons le papillon !
Celui dont le battement des ailes à New-York déclenche une tempête à Paris.|2|
Comme je l’écrivais en commentaire, chez Kryzstoff, une action, une prise de parole n’est jamais totalement vouée à l’échec, tout simplement parce que le seul fait qu’elle existe lui donne du sens.
Et j’en reviens à deux références personnelles :
(i) l’exergue de mon blog : “L’important n’est pas de réussir, ce qui ne dure jamais, mais d’avoir été là, ce qui est ineffaçable“. Mon action a toutes les chances d’être vaine ? C’est probable, mais le critère n’est pas sa réussite, mais son existence.
(ii) Hélie Denoix de Saint-Marc : l’important est bien qu’il ait été là, pas qu’il ait échoué. Et nous devons bien aux générations précédentes, celles qui ont mis leurs vies en jeu dans les combats de leur époque de ne pas faiblir devant l’action, qu’elle ne soit peut-être juste qu’une prise de parole.
Reste à me l’appliquer.
(plus d’information sur webarchive (pour le moment) )