Frédéric Lefebvre, dans le sens de la modernité ?

flefebvreQui est Frédéric Lefebvre ? Jean-François Kahn dit de lui qu’il est « à la fois un pitbull, un roquet et un caniche ». La saillie animalière est vache. Mais Kahn précise ensuite que « c’est un type bien ». Dans le privé. En public, en revanche, à l’entendre, on reste perplexe, interdit, indécis. Peut-il vraiment être ce qu’il montre ? Mais s’il n’est pas celui-là, comment une personne peut-elle endosser ce qu’il exhibe ? N’est-il donc qu’un butor éhonté ? Une andouille ? Brisons là : on ne peut pas travailler sérieusement sur une telle hypothèse. Et Nicolas Sarkozy ne se serait pas attaché durablement les services d’un idiot antipathique.

Il faut donc admettre l’idée que Frédéric Lefebvre le fait exprès. Lorsqu’il déclare, ce week-end, que travailler en arrêt maladie est « dans le sens de la modernité », c’est vraiment ce qu’il veut dire. Lors de sa dernière tentative, que l’on peine à croire unilatérale, le gouvernement l’avait pourtant désavoué, par la voix de Nathalie Kosciusko-Moricet.

Son amendement prévoyait la possibilité de travailler malgré l’arrêt-maladie mais ne se limitait pas là. Il prévoyait également la possibilité de travailler bien que l’on soit en congé-maternité ou encore en congé parental. Ce dernier cas surprend d’autant plus que le congé parental est volontaire. Le salarié qui aurait volontairement décidé de prendre un congé parental pourrait tout aussi volontairement décider de travailler pendant le congé qu’il a pris, volontairement ? Oh, on imagine bien qu’il existe quelques cas résiduels dans lesquels des salariés opprimés, bridés dans leur volonté de travailler, seraient contraints par la loi absurde de s’occuper de leurs enfants à temps plein… Concernant le congé-maladie, Frédéric Lefebvre évoquait aussi la possibilité d’être « handicapé et maintenu à votre domicile sans pour autant avoir perdu ni vos facultés intellectuelles, ni votre énergie ».

On ne peut pas jurer que cette situation ne se produise pas. Mais, statistiquement, on peut craindre que les cas dans lesquels votre handicap soit suffisant pour vous empêcher de vous rendre à votre travail pendant un temps conséquent soient moins nombreux que les cas dans lesquels le fait de ne pas souhaiter volontairement travailler malgré ce handicap – suffisamment fort pour vous empêcher de vous rendre sur votre lieu de travail – vous exposera, au mieux, à une certaine baisse de considération de la part de votre employeur.

Bien sûr, on comprend que, pour vendre sa proposition, Frédéric Lefebvre ait préféré se placer « dans le sens de la modernité » que dans le camp de la « régression sociale ». Mais alors que François Fillon déclarait déjà le même jour que le recul de l’âge de la retraite était la seule solution possible pour sauver les retraites, fallait-il que notre Lefebvre lève aussi son doigt pour ajouter : oui, il faut travailler plus, et puis aussi quand on est malade ? Et ça, c’est dans le « sens de la modernité » ?

Si tel est le cas, alors Nicolas Sarkozy aura obtenu en un temps record une réponse à la question qu’il posait lundi dernier avant, précisément, de louer le modèle social français :

« Pourquoi (…) l’avenir est-il à ce point vécu comme une menace et si peu comme une promesse ? Pourquoi les parents ont-ils si peur pour l’avenir de leurs enfants ? Pourquoi un tel malaise ? Car il y a bel et bien un malaise, et ce malaise est profond. »

Eh bien… S’il faut bien sûr avoir le courage d’affronter certaines réalités désagréables, si l’incurie des gouvernements précédents amène peut-être à conclure à juste titre que le recul de l’âge de la retraite est la seule solution possible[1], on peut peut-être penser que l’idée que l’on puisse être amenés à bosser le dimanche, en congé-maternité, parental et maladie et que ce soit cela, le « sens de la modernité », que cette idée, donc, contribue en bonne place à ce malaise.

Quel est donc cet homme qui n’aime rien tant qu’à lancer ces débats, à temps et à contretemps ? Un homme, si sûr de son impopularité qu’on le place suppléant d’un ministrable plutôt que lui offrir une circonscription, et que l’on semble préférer caser à contre-emploi en catastrophe plutôt que de lui faire affronter le suffrage universel ? Est-ce un kamikaze, destiné à supporter toute la vindicte populaire pour ouvrir des débats, faire sauter des verrous, lancer des ballons d’essai ? Un lobbyiste en gloire, transfiguré dans le service exclusif et ultime du Président de la République ?

On connaissait aussi la figure du porte-flingue. C’est celle du lieutenant qui dit ce qu’il ne faut pas dire, qui ose tout, du mec qui, à tort ou à raison, passe pour une quiche intégrale. Sous le précédent président, c’était Jean-Louis Debré. Si l’on se place dans le « sens de la modernité », Lefebvre pourrait en être la déclinaison moderne. L’angoisse, c’est qu’en récompense, la quiche d’avant est devenue Président du Conseil Constitutionnel. Que pourrait donc nous réserver là le « sens de la modernité » ?

  1. moi, je m’en fous, j’ai pas de protection sociale []

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40 commentaires

  • « la quiche d’avant est devenue Président du Conseil Constitutionnel »… en passant par la case de la présidence de l’Assemblée, où il fut remarquable dans ce rôle. Et puis, toutes les quiches n’ont pas un père ayant écrit la constitution du régime, il faut bien le dire…

  • Koz,

    je comprend assez facilement la nécessité d’avoir dans une équipe un « bad cop » comme disent les américains, qui dit toutes les vérités désagréables, et quelques provocations. Cela se fait aussi beaucoup en entreprises, et permet de « tester » certaines idées. Cela permet aussi au chef d’apparaitre finalement modéré. rien de bien exceptionnel.

    Ceci-dit, certaines idées défendues par Frédéric Lefebvre ne me semblent pas absurdes. On peut vouloir souhaiter « garder le contact » avec son entreprise pendant un congé parental ou un congé maladie. Cela s’applique sans doute beaucoup plus aux cadres qu’aux ouvriers, mais cela me semble intéressant que l’état reconnaissance ces situations intermédiaires, quand elles sont possibles évidemment. Si je suis arrêté pour une entorse qui m’empêche de marcher, je peux certainement dans certaines conditions passer trois heures par jour chez moi à écrire des mails ou même à écrire quelques documents. Avec du volontariat et un contrôle médical, cela me semble assez bien encadré.

    Quand à l’âge de la retraire, le problème est mathématique avec l’espérance de vie en augmentation: soit on augmente les cotisations, et on réduit le niveau de vie des actifs, soit on augmente l’âge de départ à la retraite.

  • Cette obstination a transmettre des messages sur le thème « travailler plus », ne serait il pas une manière assez habile d’entretenir l’impression que le gouvernement reste concentré et mobilisé sur son thème phare de campagne, au moment même ou il lui est impossible de proposer du travail aux millions d’aptes et de bien portants confrontés à la hausse historique du chômage? Tout ceci me semble être un exercice de diversion concerté, ayant pour but de donner l’impression que le mouvement et l’action en matière d’emploi restent dans le camp du gouvernement, malgré leur incapacité à enrayer une situation qui se dégrade tous les jours un peu plus.

  • Effectivement, ce concept de quiche intégrale et quiche d’avant mériterait des développements ! Que la père de la quiche d’avant ait écrit la constitution ne rend pas la quiche d’avant plus comestible, cher Raveline, car nous sommes désormais dans une société où l’on ne devrait plus devoir sa fortune et son succès à ses ascendants… Donc sans doute souhaitiez-vous démontrer que la quichitude peut être un véritable naufrage surtout lorsqu’elle n’est pas héréditaire ?

    Par ailleurs, cher Koz, il serait intéressant de poster sur les différences entre la cruchitude intégrale et la quichitude itou… Pour l’instant, j’ai du mal à déterminer la limite et la différence entre la cruche et la quiche…

  • @ zeyesnidzeno: je ne te suis pas trop dans cette interprétation. D’une part, parce que le gouvernement l’a désavoué en séance à l’Assemblée, ce qui lui interdit de se mettre à crédit cette initiative. D’autre part, parce que je doute qu’il y ait, pour le gouvernement, un grand bénéfice à tirer d’initiatives manifestement impopulaires, ce qui n’est certes pas un critère suffisant pour ne pas les entreprendre, mais également d’une utilité contestable.

    Je pourrais davantage pencher pour une interprétation selon laquelle Frédéric Lefebvre aurait le double avantage (i) de générer bruit médiatique et que le temps passé à se fritter là-dessus n’est pas passé à se fritter sur autre chose, (ii) de permettre de lâcher des ballons d’essai par un mec qui a une telle réputation qu’il n’est pas difficile de revenir dessus et de montrer à quel point on s’en désolidarise.

    La limite à cette interprétation, c’est que Lefebvre n’est pas un député lambda, c’est un porte-parole de l’UMP et un proche de Sarko, qui les engage un peu tout de même par ses propositions. Or, mis à part le travail nocturne et le travail des enfants (là, je donne dans la bonne grosse karikatür de gauche), on se demande quel verrou il n’envisage pas de faire sauter, juste pour voir la réaction des français.

    @ Yogui @ Le Antoine: je reviens vers vous prochainement avec plus de détails sur ces notions.

  • @ zeyesnidzeno:
    Ton explication me semble tout à fait pertinente.

    (edit: on se relit et paf, le boss passe avant 🙂 )

    Je me demande si ces gesticulations ne servent pas également à préparer l’opinion a une remise à plat du sacro-saint code du travail. A force de parler de modifications du rapport au travail, certaines idées vont peut-être prendre un peu plus que d’autres, ouvrant alors la possibilité de revoir l’ensemble (ou une grande partie) du code. Peu importe où la muraille craque du moment que ça craque. Je serais d’ailleurs favorable à une modification du code concernant les sujets les plus sensibles (contrat unique et facilitation de débauche/embauche), associés à un soutien social et professionnel fort (i.e. pas que de l’argent) aux personnes ne travaillant pas (chomage, maladie, congés mat’ et parental etc.)

    Sur Lefebvre, j’espère vraiment que la rumeur d’un secrétariat d’état est fausse. Lefebvre ou comment gâcher un beau coup politique et de com’ avec un ministre qui a des chances d’être plutôt fait pour le poste en lui refourguant un secrétaire d’état inutile, impopulaire et pas particulièrement qualifié. Bref ce serait du foutage de gueule même pas déguisé.

  • Uchimizu a écrit:

    Si je suis arrêté pour une entorse qui m’empêche de marcher, je peux certainement dans certaines conditions passer trois heures par jour chez moi à écrire des mails ou même à écrire quelques documents. Avec du volontariat et un contrôle médical, cela me semble assez bien encadré.

    Eh bien précisément, on est là dans mon exemple statistique : faut-il, pour une entorse, modifier le droit social ? Et est-ce qu’un cadre, aujourd’hui, répond vraiment à son employeur que ah ben non, désolé, il a une entorse à la cheville, il peut pas bosser, ni lire des mails ?

    Mis à part le cas de l’entorse, de la jambe cassée, quels sont les handicaps / maladies qui suscitent un arrêt suffisamment long pour rendre opportune une modification de la loi ? Combien de cas sont effectivement concernés ? Frédéric Lefebvre a-t-il seulement fait une étude d’impact, ou est-ce une question de principes ?

    Quant au volontariat, j’ai un doute. Bien sûr, il ne faut pas entretenir de suspicion de principe vis-à-vis des employeurs. Je ne pense pas que ce soit mon cas. Mais j’ai tout de même un doute. Et sans généraliser abusivement, je vois l’exemple de mon ex-boss, m’appelant 4 heures après la naissance de mon deuxième pour savoir si je serais là dans l’après-midi. En tant que profession libérale, je n’ai droit à rien. Pas de jours pour la naissance, pas de congé-paternité (ou alors, il faut que j’accepte de toucher 50% de moins, en gros). Il me semblait qu’on pouvait me laisser l’après-midi. Alors, bien sûr, il n’y a pas d’ordre formel, pas de menaces, et je peux aussi dire à mon patron d’aller se faire voir (courtoisement). Mais vous êtes placé en situation de refuser. La limite de mon exemple est que, justement, il n’y a pas de régime légal. Mais, précisément, je ne suis pas certain de l’opportunité qu’il y a de porter atteinte à l’existant quand il existe.

    Uchimizu a écrit:

    Quand à l’âge de la retraire, le problème est mathématique avec l’espérance de vie en augmentation: soit on augmente les cotisations, et on réduit le niveau de vie des actifs, soit on augmente l’âge de départ à la retraite.

    Nous sommes d’accord. C’est pour cela que je ne trouve vraiment pas opportun de venir rajouter ce qu’ajoute Lefebvre, en précisant de surcroît qu’ainsi va le monde…

  • Koz a écrit:

    Eh bien précisément, on est là dans mon exemple statistique : faut-il, pour une entorse, modifier le droit social ? Et est-ce qu’un cadre, aujourd’hui, répond vraiment à son employeur que ah ben non, désolé, il a une entorse à la cheville, il peut pas bosser, ni lire des mails ?

    Le problème ne serait-il pas purement économique (faire faire des économies à la sécu) : en arrêt, c’est la sécu qui paye, travailler quand on est arrêté alors que la sécu finance me paraît difficilement concevable (pour l’argent du contribuable).

    N’y aurait-t-il pas une volonté d’exclure certaines pathologies qui n’affectent pas les capacités de travail intellectuel (comme l’entorse) et de les financer non plus par la sécu mais par autre moyen (une assurance ?) ?

    C’est ce que cela m’inspire en ces périodes de chasse au moindre centime qui pourrait être économisé par la sécu.

  • Quid des maladies psychiques et nerveuses? Une dépression? Bof, c’est dans la tête tout ça. Allez hop, au travail!

    Quand on sait par ailleurs les dégâts que provoque le stress professionnel : le mieux n’est pas de faire bosser ceux qui sont en arrêt maladie, c’est surtout de développer des conditions de travail qui évitent aux travailleurs de mettre leur santé à rude épreuve, voire en danger.

    De plus, les absences, les congés, les arrêts maladies, cela fait partie de la vie de l’entreprise et ça se gère. Ou plutôt ça devrait se gérer parce que quand je vois un patron perdre les pédales à cause d’une journée prise en urgence pour aller à des obsèques un 24 décembre (!), je suis atterrée des faibles capacités de management et d’organisation de certains patrons (sens large).

    On parle beaucoup de la formation des employés. Formons aussi les cadres, dirigeants et chefs d’entreprise à mieux gérer ce qu’on appelle (improprement à mon goût) les « ressources humaines ».

    Sinon, ça n’était pas une mauvaise idée de (re)mettre au goût du jour la valeur travail. Mais attention à ne pas en faire LA référence unique. La vie ne se réduit pas au travail (pour un individu comme pour toute une société). A force de trop vouloir en faire, le risque est de dévaloriser, voire rejeter ceux qui ne peuvent avoir un travail (chômeurs mais aussi malades) ou ceux qui font le choix (momentané ou pas) de ne pas travailler (l’exemple le plus évident étant la mère de famille).

  • Frédéric Lefebvre, dans le sens de la modernité ?

    Je répondrais : OUI

    Frédéric Lefebvre est dans le sens de la modernité, telle que la prédisait Gustave F. il y a plus d’un siècle

    À Madame Régnier.

    Dieppe, 11 mars 1871.

    Chère madame,

    Votre lettre datée de Rennes, 17 février, m’est arrivée ici, après beaucoup de détours et de retards. Voilà pourquoi je ne vous ai pas répondu plus vite. Et puis, j’étais tellement accablé (je le suis encore) que je n’avais pas la force de prendre une plume. Je ne crois pas que personne ait été, plus que moi, désespéré par cette guerre. Comment n’en suis-je pas mort de rage et de chagrin !

    J’étais comme Rachel, je ne «voulais pas être consolé» et je passais mes nuits assis dans mon lit, à râler comme un moribond. J’en veux à mon époque de m’avoir donné les sentiments d’une brute du XIIe siècle. Quelle barbarie ! Quelle reculade ! Je n’étais guère progressiste et humanitaire cependant ! N’importe, j’avais des illusions ! Et je ne croyais pas voir arriver la Fin du monde. Car c’est cela ! nous assistons à la fin du monde latin. Adieu tout ce que nous aimons ! Paganisme, christianisme, muflisme. Telles sont les trois grandes évolutions de l’humanité. Il est désagréable de se trouver dans la dernière. Ah ! nous allons en voir de propres ! Le fiel m’étouffe. voilà le résumé.

    Gustave Flaubert, 1871

    Bienvenue dans la modernité mufliste !

  • Phénomène classique, le vertige du pouvoir menace.

    L’état de décomposition avancée du PS n’aide pas NS à contenir sa propension un tantinet excessive à l’iconoclastie (le résultat des Verts aux européennes a heureusement permis d’écarter in extremis l’Annonce faite à Allègre).

    Frédéric Lefebvre c’est une gueule de général napoléonien sorti du rang doté du tempérament d’un crazy horse au sens littéral du terme.

    Un adepte peu subtil de la tactique militaire du mouvement perpétuel enseignée par le maître. Un voltigeur frénétique, un ludion sans éprouvette de contention, un électron trop libre qui tape à tout berzingue des ballons d’essai dans les tribunes au point d’effrayer le public au risque que celui-ci quitte le stade.

    L’amendement sur la possibilité de travailler pendant un arrêt-maladie, d’intérêt pratique anecdotique, risque de braquer l’ opinion sur l’absolue nécessité de réformer en profondeur le Code du travail.

    Selon une analyse généralement admise, les PME constituent potentiellement en France la source la plus évidente de la création d’emplois.

    Or, en deux ans, très peu a été fait pour la faciliter.

    Philo, inscrire leurs dirigeants à des cours du soir de management (à suivre par eux entre 23h et 1 h du mat’?) n’est pas la solution. Trop technique, même avec l’envie et des capacités.

    Aider un artisan boulanger avec 3 salariés à mettre en place un licenciement économique, c’est 6 pages en arial 10. Pour commencer. Une prise d’acte du salarié, c’est l’angoisse jusqu’au jour de l’audience. Une condamnation aux prud’homes de 8.000 € au profit du salarié, auquel le doute profite légalement, cela peut aboutir à 10 ans de galère sous plan de continuation, et si ce dernier se pète la gueule, comme c’est généralement le cas, à la perte totale du fonds. De quoi refroidir franchement l’esprit d’entreprise.

    Y a donc du gros boulot pas fastoche à faire. Et là, le général Lefèvbre, il gâche le métier.

  • Carine a mis le doigt dessus : le but est de faire faire des économies à la Sécu ! Voire même cela mettrait peut être un terme à une hypocrisie puisque c’est connu que des salariés en arrêt maladie, continue de travailler dans des cas ou le télé travail s’avère possible au moins pour une courte durée (travailler un dossier, passer des coups de fil, envoyer/répondre à des mails etc ).
    En effet , aucun inspecteur sécu ne peut contrôler tout cela.

    Le danger de légiférer là dessus c’est bien sur de donner plus de force à l’employeur pour désigner « les volontaires désigner d’office ».

    A mon sens, il est assez débile de légiférer là-dessus.

    Mais bon ça semble être une marotte de ce gvt que de lvouloir légiférer sur tout est n’importe quoi. Peut être pour donner une impression d’activisme ?

  • Pas d’accord avec ton analyse.

    D’abord sur les « causes du malaise ». Selon moi, il n’est pas lié au fait de devoir travailler, mais au fait de ne pas pouvoir travailler, au sentiment d’inutilité que cela confère, à la perte totale d’autonomie, de contrôle sur sa vie. Ma terreur, celle que je crois retrouver chez mes amis, mes proches, mes contemporains, c’est de se retrouver sur le carreau, de tomber dans la catégorie des « outsiders », d’être condamné à la mendicité publique. Bosser quelques heures, jours ou années de plus est seulement un vague inconvénient. Nos enfants vivront moins bien que nos parents? Pourtant nos parents bossaient 40 heures par semaine et n’avaient que 4 semaines de vacances par an. Où est l’erreur?

    Ensuite sur les raisons de demander de tels assouplissements. La réalité est que le droit du travail est incroyablement contraignant, rigide et monolithique. Un employeur qui envoit un mail à une femme en congé maternité suggérant qu’elle accomplisse la moindre action s’apparentant à un travail prend un risque juridique majeur. Un agriculteur, un commerçant, un avocat qui est malade/blessé/enceinte/… réduit son activité en fonction de son état et des contraintes de son métier. Va les empêcher de nourrir les bêtes, ouvrir le magasin ou rappeler un client et tu te feras mettre dehors. Pourquoi les salariés n’ont ils pas ce droit? Pourquoi doivent ils être ainsi infantilisés? Pourquoi sont ils supposés n’avoir aucune conscience professionnelle et même carrément empêchés d’en avoir une? Pourquoi faut il écrire dans la loi qu’un ouvrier est totalement interchangeable, que son absence du jour au lendemain est un non-événement pour son employeur. Pourquoi un assistant comptable ne pourrait il pas vouloir prendre du temps à la naissance de son enfant mais revenir pour la cloture des comptes de décembre afin de ne pas foutre son patron dans la merde? Ne crois tu pas qu’à force d’obliger les entreprises à se passer de leurs employés on finit par leur apprendre à s’en passer carrément?

    Puis sur la liberté qui deviendrait une contrainte. Le téléscopage avec l’actualité sur la burqa m’a frappé. Là aussi se pose la même question. Autoriser la burqa n’est ce pas laisser les maris l’imposer à leur femme? Autoriser le travail en congé maladie n’est ce pas laisser les employeurs l’imposer aux salariés? La différence, c’est qu’en l’état de la legislation, la burqa est autorisée et pas le travail en congé maladie. Apparemment, pour notre société, les employeurs sont plus dangereux que les fondamentalistes et le droit de s’habiller comme on le souhaite est plus important que celui de travailler. On en revient aux causes du malaise qu’on discutait plus haut. Les gens craignent l’avenir parce qu’ils craignent pour leur job, pas pour leur jeans. Sans blague…

    Enfin sur Lefebvre lui-même. Je ne le trouve pas sympathique, mais il a un grand mérite. Sortir la droite de son complexe d’infériorité morale. Par son coté « unapologetic », Lefebvre concentre à lui tout seul l’arrogance et l’agressivité de tous les politiques de gauche qui expliquent froidement sur tous les plateaux TV qu’ils sont gentils et que le mec de l’UMP en face est un salaud qui veut le mal des gens. Après des décennies d’agression, le système immunitaire de la droite a fini par sécréter Lefebvre. Un globule blanc, c’est gros, c’est moche, c’est agressif, c’est pas sympa… Mais c’est nécessaire.

  • On aura aussi vu la modernité dans l’autre sens. Par exemple, le type qui tombe malade pendant ses vacances. Quand il retourne au travail, après les vacances, il demande de récupérer les jours de vacances correspondants aux jours qu’il était malade.

    Il faudrait, me semble-t-il, à ce moment là qu’il justifie dans les 48 heures son incapacité à être en vacances et à être pris en charge par la sécurité sociale pour autant qu’il ne soit pas au bord d’une piscine en dehors du territoire français ou dans l’un des autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans l’un des autres Etats partie à l’accord sur l’Espace économique européen. En gros qu’il ne soit pas aux Bahamas.

    La chose sans doute se complique quand il s’agit d’un salarié travaillant à domicile.

  • Liberal a écrit:

    Puis sur la liberté qui deviendrait une contrainte. Le téléscopage avec l’actualité sur la burqa m’a frappé. Là aussi se pose la même question. Autoriser la burqa n’est ce pas laisser les maris l’imposer à leur femme? Autoriser le travail en congé maladie n’est ce pas laisser les employeurs l’imposer aux salariés? La différence, c’est qu’en l’état de la legislation, la burqa est autorisée et pas le travail en congé maladie.

    C’est vraiment si compliqué de partir des réalités du terrain plutôt que d’abstractions stratosphérique sur « la liberté » ?
    La liberté entre personnes qui ont les moyens de leur autonomnie, c’est notre bien le plus précieux.
    Mais dans le monde actuel, qui n’est pas celui des bisounours, il existe des domaines où règnent des distortions entre les parties prétendument contractantes qu’on apelle « rapports de force ». Ouh le vilan gros mot ! Peut-être mais ça ne change rien au fait que ça existe.

    Dans ces cas là, l’Histoire nous a enseigné qu’ « entre le fort et le faible entre le riche et le pauvre entre le maître et le serviteur c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit »

    A noter que la citation ne vient pas d’un archaique n’ayant pas su se débarrasser de son « surmoi marxiste », mais d’Henri Lacordaire, moine domicain.

    Pas d’accord avec ton analyse. D’abord sur les « causes du malaise» . Selon moi, il n’est pas lié au fait de devoir travailler, mais au fait de ne pas pouvoir travailler, au sentiment d’inutilité que cela confère, à la perte totale d’autonomie, de contrôle sur sa vie. Ma terreur, celle que je crois retrouver chez mes amis, mes proches, mes contemporains, c’est de se retrouver sur le carreau, de tomber dans la catégorie des « outsiders» , d’être condamné à la mendicité publique. Bosser quelques heures, jours ou années de plus est seulement un vague inconvénient.

    Tu dis là une chose très vraie, qui est que le chômage est désagréable psychologiquement.
    Je suis d’accord avec toi comme à peu près 99.9% de la population.

    Nos enfants vivront moins bien que nos parents? Pourtant nos parents bossaient 40 heures par semaine et n’avaient que 4 semaines de vacances par an. Où est l’erreur?

    C’est de la pure rhétorique cette question ?
    L’erreur c’est de passer sous silence le fait fondamental que la productivité horaire a explosé depuis l’époque où tes parents ont commencé à travailler.

    Prenons un exemple concret dans mon domaine avec cet article de TechCrunch : Engineers Are The Best Deal, So Stock Up On Them (TechCrunch)

    Extrait : Les ingénieurs ès informatique sont aujourd’hui une productivité supérieure de 200 à 400% de leurs prédécesseurs d’il y a 10 ans grâce aux logiciels libres, de meilleurs outils de développement, des bibliothèques logicielles standard plus étoffées, un accès plus facile à l’information, une meilleure formation et d’autres facteurs encore. En pratique cela signifie qu’un ingénieur d’aujourd’hui peut abattre autant de travail que 3 à 5 ingénieurs de 1999 !

    Vous allez me dire que l’informatique est un cas à part. Pas du tout ! Renseignez-vous sur le nombre de salariés Danone qu’il faut pour fabriquer 1 million de yaourts aujourd’hui par rapport à l’époque des parents de Libéral. Les gains de productivités sont encore bien supérieurs !

    Voilà pourquoi il est tout à fait raisonnable de travailler moins et mieux pour que tous puissent vivre de leur travail (la réduction du temps de travail, quand elle est bien faite, crée par euro dépensé bien plus d’emploi que toutes les réductions de charges/impôts mises en place depuis 20 ans) et pour que chacun puisse vivre pleinement (meileure qualité de vie parce que le temps passé à « ne pas travailler » n’est pas du temps passé à rien foutre, mais du temps passé dans d’autres activités aussi accessoires que par exemple l’éducation de ses enfants).

  • Oui FL est parfois bizarre.

    Cependant, son idée de travailler pendant une maladie ne me paraît pas si idiote.

    j’ai eu un accident de trajet dernièrement : diagnostic le scaphoïde gauche fracturé.
    L’urgentiste voulait absolument me mettre en arrêt pendant 3 semaines éventuellement renouvelables.
    Pour quoi faire?

    Dans mon métier, je peux travailler avec un poignet dans une attelle.
    j’ai refusé et il m’a regardée comme si j’étais une demeurée!

    Lorsque j’étais profession libérale, je me suis vue de garde avec une colique néphrétique (et sous injections de produits « miraculeux »..). Un doux rêve!
    (avec plein de « trucs » d’ailleurs, qui me mettaient sur le flan, mais au travail quand même).

    Et alors? je n’en suis pas morte!

    Il y a quelques années (au temps où les français ne mourraient pas de trouille pour un pauvre virus grippal), mes enfants allaient en classe avec une rhino pharyngite ou un rhinovirus. Comme tous faisaient de même, en fait, l’immunité se faisait à plein!

    Nombre de personnes malades regrettent de ne pouvoir aller travailler se sentant discriminées. En cela, je rejoints Libéral.

    C’est pourquoi ont été crées en leur temps les postes aménagés (COTOREP)pour les handicapés ou les personnes atteintes d’une maladie invalidante (diabète entre autres)

    Pourquoi, s’il elle en a le désir, une femme n’irait pas travailler avant la fin de son congés maternité (eu égard à son droit d’être l’égale des hommes, puisque un homme et une femme c’est pareil, selon certains commentateurs sous un autre billet…..Bon, là j’exagère, je le reconnais…Pardonnez moi)?

    Pourquoi, lorsqu’on est malade, sans avoir le cerveau dérangé et sans être fatigué (mais contagieux par exemple), ne pourrait on pas travailler chez soi, grâce à l’ordinateur, si le poste le permet?

    J’ai beaucoup de mal à comprendre cette nécessité d’être obligé de s’arrêter de travailler si on n’en a pas envie!

    Et je vois trop de personnes arrêtées pour « convenance personnelle ». Je regrette à ce sujet le laxisme de certains médecins.

    C’est vrai que ce serait bien pour la sécu, mais ce serait bien aussi pour le moral!

    De là à obliger les gens malades à travailler, bien sûr que non.
    L’excès en toutes choses est un vilain défaut.

    Liberal a écrit:

    Apparemment, pour notre société, les employeurs sont plus dangereux que les fondamentalistes et le droit de s’habiller comme on le souhaite est plus important que celui de travailler. On en revient aux causes du malaise qu’on discutait plus haut. Les gens craignent l’avenir parce qu’ils craignent pour leur job, pas pour leur jeans. Sans blague…

    Tout à fait en accord avec l’ensemble du commentaire et de cette phrase là en particulier.
    On peut y rajouter la dangerosité des riches, des investisseurs, des banquiers, des professions libérales…qui osent travailler lorsqu’ils sont malades pour faire culpabiliser les pauvres salariés exploités dans le besoin.

  • @jmfayard

    le fait fondamental que la productivité horaire a explosé depuis l’époque où tes parents ont commencé à travailler.

    ça c’est bien vrai : dans le temps, il y avait, par exemple à la DDE, un type qui bossait et quatre qui le regardaient.
    Maintenant, il y en a toujours un qui bosse, mais seulement deux qui le regardent bosser! 😉

    La productivité horaire a peut être explosé (cela dépend des professions), mais plus ça va, plus nous devons attendre (le plombier, le maçon, l’électricien, le courrier, la machine qu’on a mise en SAV….)

    Et je ne vois pas le rapport avec le fait qu’on doit se mettre en arrêt de travail pour le moindre rhume ou mal de tête.
    Ni même avec le fait que nos parents travaillaient 48h par semaine minimum, pour 3 à 4 semaines de vacances et sont encore en vie à 85 ans (en bêchant leur jardin dès 6h du matin ou en tondant leur jardin, à plus de 80 ans…)
    Ce que nous ne sommes pas certains de pouvoir faire, tellement nous sommes devenus fragiles face aux difficultés physique (et psychologiques).

    je ne suis pas certaine que passer plusieurs heures de RTT devant la TV soit une source de longue vie en bonne santé.

  • Tara a écrit:

    @jmfayard

    La productivité horaire a peut être explosé (cela dépend des professions), mais plus ça va, plus nous devons attendre (le plombier, le maçon, l’électricien, le courrier, la machine qu’on a mise en SAV….)

    Et bien organisez vous mieux si vous voulez comme moi faire exploser votre productivité horaire ! Ce n’est pas sorcier, je peux vous conseiller des livres de développement personnel si vous voulez.

    je ne suis pas certaine que passer plusieurs heures de RTT devant la TV soit une source de longue vie en bonne santé.

    C’est triste, très triste que la TV soit la seule occupation hors travail salarié qui vous vienne à l’esprit.

    Personellement, je n’ai pas de télévision.

    Pendants les RTTs, je fait des activités physiques (puisque vous suggérez qu’on en manque), j’élèverai mes enfants (si j’en avais), je fais de la musique (qui adoucit les moeurs ; exemple : la Marseillaise), je m’investis dans des associations locales pour recréer du lien social (« intelligence » ça vient de « inter ligare » : créer des liens), je vais voir mes amis (ce qui me fait me sentir mieux et donc travailler plus efficacement) et j’entretiens mon réseau professionnel (là encore, intérêt économique évident).

    Comme vous le voyez, activité autre que travail salarié ne veut pas le moins du monde dire inactivité.

    J’en ai marre de la pensée binaire qui nous demande de choisir entre « vivre sans travailler » et « perdre sa vie à la gagner »

    Passez à une pensée ternaire avec Hannah Arendt qui fait reposer la vie sur le tryptique : Travail, Œuvre, Action

  • L’argument du travail nécessaire à la bonne santé mentale et physique n’est pas convaincant.

    On travaille pour gagner de l’argent. Sinon, si l’on a peur de s’ennuyer, on peut s’occuper bénévolement, dans des associations sportives, sociales, politiques,… comme le font – entre autres – tant de retraités, on peut cultiver son jardin, s’occuper de sa famille, et bien d’autres choses. Je suis sûr que ça conserve tout aussi bien.

    @Tara

    J’ai beaucoup de mal à comprendre cette nécessité d’être obligé de s’arrêter de travailler si on n’en a pas envie!

    Est-ce vraiment souvent le cas?

    Vous écrivez :

    « L’urgentiste voulait absolument me mettre en arrêt pendant 3 semaines éventuellement renouvelables. Pour quoi faire?
    Dans mon métier, je peux travailler avec un poignet dans une attelle. j’ai refusé et il m’a regardée comme si j’étais une demeurée! »

    Vous ne donnez pas la fin de l’histoire. L’urgentiste vous a t’il en fin de compte mise en arrêt forcé?

    Par ailleurs, si un malade peut et souhaite travailler à distance pendant un arrêt, qu’est-ce qui l’en empêche vraiment?

    Liberal écrit :
    « Un employeur qui envoit un mail à une femme en congé maternité suggérant qu’elle accomplisse la moindre action s’apparentant à un travail prend un risque juridique majeur. »

    Je ne suis pas qualifié en droit du travail, mais une femme enceinte qui emmène des dossiers chez elle pour avancer un peu pendant son congé, prend t’elle un risque majeur? Je ne crois pas. Si le travailleur est volontaire, il me semble qu’il n’y a pas de risque énorme. Si le contexte est celui d’une pression venant de l’employeur, le risque existe. N’est-ce pas bien comme celà?

    Par ailleurs, est-il obligatoire de prendre un congé maternité si l’on souhaite travailler?

    Pour ma part, je travaille presque toujours pendant mes congés (0 arrêts maladie à ce jour, mais je suppose que je travaillerais aussi dans ce cas, à moins d’avoir 42° de fièvre). Rien ne m’en empêche, mais c’est un peu particulier puisque je suis fonctionnaire…

  • Une remarque : il est bien précisé que cette idée de Lefebvre ne concerne que le travail qui peut être réalisé d’autre part que du poste de travail habituel, notamment par le télétravail. Ce qui exclut d’emblée un nombre considérable de boulots. Quelqu’un parlait plus haut des ouvriers : c’est totalement HS. A priori, le public visé ici est essentiellement composé de « cadres » et assimilés.

    J’avoue avoir bien du mal à comprendre cette obsession du boulot dans une société qui croule sous les sous-employés, à tel point qu’on ne les voit même plus. A mes yeux, ce qui sous-tend ce genre d’idées ressemble avant tout à de la peur, à de la fragilité. La peur du vide, et la peur du regard que l’on imagine que l’autre porte sur soi.

    Sommes-nous si peu sûrs de nous qu’il nous faut bosser sans cesse, toujours plus comme des brutes pour prouver… quoi d’ailleurs ? Quelle est cette crainte du flicage qui nous fais nous auto-fliquer et du « qu’en dira-t-on » par rapport au boulot ? Dans chacune des boîtes où je suis passé (une demi-douzaine), j’ai entendu des managers, et pas seulement les teignes, pester contre ces trentenaires féminines qui avaient entrepris le crime odieux de faire des gosses. Naturellement, tout congé maladie paraîssait douteux. Rien de plus commun comme opinion que celle-là. Le présentéïsme existe, je l’ai rencontré, et les ‘workoholiques’ aussi. Je ne dirais pas « hypocrite », « pathologique » ni « malsain », non, mais j’y ai quand même pensé très fort.

    La vie de famille et le « développement personnel » (c’est sans doute tarte, mais je n’ai rien d’autre en magasin, tout de suite) font-ils donc si peur que cela ? Se remettre d’un choc, tout simplement ne pas bosser, rentrer plus tôt pour être avec les gosses, sa femme, une copine ou qui que ce soit, ses potes, prendre un bouquin, un journal, un clope, un verre, glander dans un parc, un cinoche : tout cela est assurément du « non travail », mais ce n’est pas l’antithèse de la Vertu pour autant. Si, si, sans blague. Ce n’est pas de Bien, de Mal ni de salut dont il est question ici. Ce serait trop simple.

    Mais dans l’inconscient collectif comme dans cette idée de loi, le moindre « non travail » est vécu comme culpabilisant. Pourquoi ? Est-ce fondé ? Peut-in simplement s’intérroger là-dessus sans se trouver disqualifié d’office (toi qui lis ces lignes, que penses-tu à cet instant, mécaniquement, de celui qui les écrit ?) ?

    Pour finir, je ne sais pas pour vous, mais quand j’étais « cadre » salarié (je suis devenu indépendant, je bosse plutôt pas mal, plus qu’avant en tout cas, merci bien), si mon congé maladie me semblait trop long (ou si je n’avais pas envie de le prendre du tout), j’allais bosser, je le disais aux RH (ou je ne disais rien) et c’était plié.

    A moins que les boites en question aient été dirigées par des extraterrestres (n’excluons a priori aucune hypothèse…), il n’y avait pas besoin de la moindre loi pour ça. Mais en l’absence totale de formalisation, j’étais le seul à pouvoir envisager d’agir ainsi, ou pas. C’est peut-être toute la différence avec l’idée de Lefebvre.

  • Mein Liebe Lib, je ne suis pas déçu par ta réaction, mais je n’achète pas. Tu me dis qu’il faut se méfier de la « pente glissante » mais ça fait aussi un bail que l’on sait que « comparaison n’est pas raison« , et ton idée de comparer le monde du travail et la burqa est un peu fumeuse, voir d’un rhétorique scandaleux dont tu ne manqueras pas d’avoir profondément honte ce soir en rentrant chez toi. Je t’offre le déjeuner pour recueillir ta repentance.

    Liberal a écrit:

    Apparemment, pour notre société, les employeurs sont plus dangereux que les fondamentalistes et le droit de s’habiller comme on le souhaite est plus important que celui de travailler.

    Ben non, patate. Il s’agit juste de noter que tous les français sont concernés par les relations de travail et que peu de français (ou personnes résidant en France) sont concernés par la burqa. C’est pour ça que, jusqu’ici, l’un était règlementé, pas l’autre.

    Liberal a écrit:

    Un employeur qui envoit un mail à une femme en congé maternité suggérant qu’elle accomplisse la moindre action s’apparentant à un travail prend un risque juridique majeur.

    Ben en fait, non. Il se trouve juste que la femme en congé-maternité peut refuser de faire ce qui lui est demandé. Il ne prend un risque juridique majeur que s’il la sanctionne pour cela. Mais là, en fait, hein, il l’aura bien cherché, non ?

    Liberal a écrit:

    Un agriculteur, un commerçant, un avocat qui est malade/blessé/enceinte/… réduit son activité en fonction de son état et des contraintes de son métier. Va les empêcher de nourrir les bêtes, ouvrir le magasin ou rappeler un client et tu te feras mettre dehors. Pourquoi les salariés n’ont ils pas ce droit?

    Tu crois que je n’ai pas noté ta rebaptisation subreptice d’une contrainte potentielle en « droit », hum ? Un agriculteur, un commerçant, un avocat gèrent leur propre activité, ils sont leur propre patron. Mais tu veux que je te dise, je pense que l’agriculteur blessé ne dirait pas non si quelqu’un pouvait nourrir les bêtes à sa place, l’avocat malade aimerait autant pouvoir prendre le temps de sa convalescence plutôt que d’être encore sur la brèche, la commerçante enceinte aimerait bien souffler plutôt que de devoir rester debout toute la journée. Je ne suis pas certain du tout qu’ils souhaitent à tout le monde de vivre comme ils le font. Ca a d’autres avantages, mais ce que tu vises là, ce sont des inconvénients dont je suppute qu’ils se priveraient bien.

    Liberal a écrit:

    Pourquoi doivent ils être ainsi infantilisés ? Pourquoi sont ils supposés n’avoir aucune conscience professionnelle et même carrément empêchés d’en avoir une ?

    C’est un choix qui est fait entre risquer d’empêcher un salarié consciencieux de travailler pendant ses congés – aussi contradictoire cela soit-il – et garantir le respect de certaines périodes de la vie de chacun.

    Question d’équilibre entre la protection de ceux qui pourraient se trouver contraints de travailler et la liberté de ceux qui souhaiteraient travailler. Il semble que l’idée se soit dégagée qu’il serait socialement plus nécessaire de protéger les premiers que de satisfaire les seconds.

    Liberal a écrit:

    D’abord sur les « causes du malaise» . Selon moi, il n’est pas lié au fait de devoir travailler, mais au fait de ne pas pouvoir travailler, au sentiment d’inutilité que cela confère, à la perte totale d’autonomie, de contrôle sur sa vie.

    Eh bien, si je passe sur une légère torsion de mon propos, il me semble que si, le sentiment que les « acquis sociaux » – quoi qu’on en pense – c’était pour les générations d’avant, que les générations précédentes ont profité des Trente Glorieuses et bouffé le pain blanc, que nous arrivons à un moment où, en plus, les retraites seront menacées parce que la lâcheté politique ordinaire (surtout de gauche, hein, disons-le) a conduit à repousser le problème et puis tu y ajoutes (mais on sort du débat) le prix de l’immobilier qui fait qu’en plus, on est en droit de se demander si on pourra seulement un jour vivre dans une maison… tout ça, ça contribue au malaise. Tu peux y ajouter la crainte, en plus, de se retrouver sur le carreau. Une « terreur » n’est pas exclusive d’une autre.

    Alors, quand en plus, en pleine crise économique, t’as un gars qui trouve rien de mieux que de proposer de bosser le dimanche, en congé-maladie, en congé-maternité et en congé parental, et qu’il vous assure que c’est ça, la modernité, je crains que ça n’incite pas à voir ladite modernité avec beaucoup de confiance. On va faire plein de petits réacs, comme ça.

    Liberal a écrit:

    Je ne le trouve pas sympathique, mais il a un grand mérite. Sortir la droite de son complexe d’infériorité morale.

    Désolé, mais mettre cela au crédit de Lefebvre, c’est très excessif. Que d’autres y aient contribué, c’est possible. Mais dugenou avec ses gros sabots, pour moi, il ne fait qu’accréditer l’idée que les seules solutions que voit la droite passent par la mise en coupe réglée des protections sociales. Et vois-tu, je pense qu’il pourrait se montrer un peu plus imaginatif, et proposer des solutions qui n’en passent par là.

    Là, vois-tu, je trouve que c’est à peu près l’équivalent des 35h. D’un côté, des mecs qui voient le travail comme un simple gâteau à partager en prenant quelques erreurs à Paul dans l’idée que Pierre pourra les occuper. De l’autre, un type qui dit : « travailler plus, bah, y’a qu’à travailler le dimanche et pis aussi quand on est malade« . Et en prime, c’est pour libérer les salariés qui n’ont qu’une envie, mais qui l’ignoraient jusqu’à maintenant : avoir le droit de travailler malades !

    Liberal a écrit:

    Après des décennies d’agression, le système immunitaire de la droite a fini par sécréter Lefebvre. Un globule blanc, c’est gros, c’est moche, c’est agressif, c’est pas sympa… Mais c’est nécessaire.

    Le système immunitaire, il est bien censé protéger ? Il protège la droite de quoi, Lefebvre ?

  • jmfayard a écrit:

    Et bien organisez vous mieux si vous voulez comme moi faire exploser votre productivité horaire ! Ce n’est pas sorcier, je peux vous conseiller des livres de développement personnel si vous voulez.

    Rassurez vous, j’ai un conjoint compétent qui prend en charge tout cela.
    C’était d’ailleurs une observation.
    je n’ai jamais écrit que je m’ennuyais pendant ces attentes!
    Quant aux livres de développement personnel je peux vous en préter si vous voulez 😉

    Gatien a écrit:

    Vous ne donnez pas la fin de l’histoire. L’urgentiste vous a t il en fin de compte mise en arrêt forcé?

    Non, mais la CPAM ne comprend pas et me demande un certificat confirmant que je suis en état de travailler.
    Soit une consultation supplémentaire aux frais de l’état.
    j’hésite à la passer.

    Gatien a écrit:

    On travaille pour gagner de l’argent

    Pas systématiquement non!
    certains ne savent rien faire d’autres (ce n’est pas mon cas)

    jmfayard a écrit:

    Personnellement, je n’ai pas de télévision

    j’en ai une, mais je n’ai pas le temps de la regarder. Elle trône, d’ailleurs, dans la chambre d’amis.
    C’était là encore une observation, de ce que je peux voir souvent chez des connaissances, amis, voisins, clients….

    jmfayard a écrit:

    Pendants les RTTs, je fait des activités physiques (puisque vous suggérez qu’on en manque), j’élèverai mes enfants (si j’en avais), je fais de la musique (qui adoucit les moeurs ; exemple : la Marseillaise), je m’investis dans des associations locales pour recréer du lien social (» intelligence» ça vient de « inter ligare» : créer des liens), je vais voir mes amis (ce qui me fait me sentir mieux et donc travailler plus efficacement)

    Comme quoi, on se ressemble sur bien des points! 😉

    Différence minime :j’ai élevé mes enfants. Maintenant j’attends les petits enfants;
    Et j’ignore ce qu’est une RTT (non pas sa définition, mais dans les faits)et ce qu’on peut en faire. J’ai le privilège (?) d’avoir un statut qui ne donne pas la place à ce genre de truc.

    Le Nonce a écrit:

    a vie de famille et le « développement personnel » (c’est sans doute tarte, mais je n’ai rien d’autre en magasin, tout de suite) font-ils donc si peur que cela ? Se remettre d’un choc, tout simplement ne pas bosser, rentrer plus tôt pour être avec les gosses, sa femme, une copine ou qui que ce soit, ses potes, prendre un bouquin, un journal, un clope, un verre, glander dans un parc, un cinoche : tout cela est assurément du « non travail », mais ce n’est pas l’antithèse de la Vertu pour autant.

    Bien sûr que non, ce n’est pas l’antithèse de la vertu.
    Mais avoir envie de travailler (professionnellement)lorsqu’on est malade n’est pas non plus critiquable!

    Au passage, je dois dire que je n’aime pas travailler pour travailler. J’ai besoin d’être motivée.
    Et une partie de mon bénévolat est dans la lignée de mon travail professionnel.
    (pas tout mes bénévolats, j’ai besoin de changer un peu. En ce moment, c’est la création et la confection de gâteaux)

    Et je dois dire aussi que la pratique de la méditation est pour moi, source de bien être….(ce qui n’est pas franchement dans le « faire », vous en conviendrez!)

    Je pense seulement que nous devrions avoir la liberté de choisir et non pas qu’on nous impose ce qui semble être bien pour nous, sur des critères qui ne sont pas forcément les nôtres!

    Comme Jmfayard et Gatien, j’aime bien parfois faire de la provoc. Surtout quand ça a de grandes chances de marcher!

  • FL est le modèle pour beaucoup de jeunes populaires, il a un parcours que nous envions tous, il a su se constituer des réseaux pour échapper au monde du travail. Il a toujours réussi à être assistant parlementaire, conseiller politique, puis parlementaire lui même, bref, le monde du travail, il s’y connait, son parcours est élogieux.
    Effectivement, il mériterait un secrétaire d’état à la culture, il connait parfaitement le monde de la télé pour y vivre et y passer en permanence. De plus, il a lu Machiavel 50 fois, et possède toute les collection des Iznogood, ce qui fait de lui un expert en bandes dessinées.
    on connait aussi sa lutte farouche contre la piraterie et le copyright sur internet (http://www.ecrans.fr/Combien-faudra-t-il-de-createurs,5988.html)

  • Dîtes, ce genre de pastiche est à la portée de n’importe quel ado boutonneux venu. En tout cas, vous l’aurez compris, vos intervention répétées ne me font pas tripper. Last time.

  • Tara a écrit:

    Bien sûr que non, ce n’est pas l’antithèse de la vertu. Mais avoir envie de travailler (professionnellement)lorsqu’on est malade n’est pas non plus critiquable!

    Qui donc l’a fait ici ?

    La question est de savoir si un tel « droit » constituerait un progrès. Dans l’absolu comme au vu du contexte actuel, j’ai toutes les peines du monde à le considérer ainsi. Il n’y a donc rien d’autre de plus utile à faire quand on est député ? Eh beh…

    Attention aussi à ne pas extrapoler des cas particuliers. Peut-être d’ailleurs l’ai-je fait à mon insu avec le mien, puisque je n’ai jamais eu le moindre problème à ne pas respecter mes arrêts de travail.

    Dans votre cas, n’est-ce pas simplement une question de responsabilité ? Vous reprenez le travail malgré votre blessure, fort bien, mais le non respect de l’avis médical qui a motivé l’arrêt n’impose-t-il pas de ce cas la signature d’une décharge de responsabilité ? Je n’en sais rien, après tout j’extrapole moi aussi – et je me méfie des cas particuliers dont je ne connais pas le contexte.

    Tara a écrit:

    Je pense seulement que nous devrions avoir la liberté de choisir et non pas qu’on nous impose ce qui semble être bien pour nous, sur des critères qui ne sont pas forcément les nôtres!

    « On », en l’occurrence, c’est un médecin. Il est bon de le rappeler.

    « Liberté » est un terme que je préfère réserver à des facultés un peu plus lourdes de conséquences que celle-là, qui me semble si pâle, si mal à propos ! Mais en supposant néanmoins que c’en soit une, elle n’impliquerait pas seulement le salarié, mais aussi l’entreprise dans laquelle il travaille. Je vous souhaite d’être dans un rapport d’égalité avec votre boss. Mais un tel postulat me parait évidemment et totalement impossible à généraliser (cf. la toute fin de mon précédent post, bis repetita placent pas).

    Tenez, pour finir : le projet de Lefebvre dispose qu’en cas de demande du salarié, « l’employeur ne pourra s’opposer à cette demande, sauf à démontrer que les tâches habituellement exécutées par le salarié ne peuvent l’être que dans les locaux de l’employeur ». C’est ainsi rédigé.

    Si j’étais patron, cette restriction ne me plairait pas du tout. Imaginez le texte voté : un salarié en maladie, et pouvant bosser à distance, demande à reprendre le travail. Son patron/supérieur hiérarchique estime que tel n’est pas l’intérêt sa boite/du service (qui le définit mieux que lui, Tudieu ?), mais il ne peut juridiquement s’y opposer pour cette raison qui me semble pourtant fort légitime. En plus, c’est à lui qu’incombe la charge de la preuve ! Et sa liberté de patron, alors ? « Mais qui c’est qui commande, ici ? ».

    Et voilà qui va complexifierait encore notre très cristallin droit social …

    Quoi, je pinaille ? Un peu sans doute, mais pas tant que ça finalement (dixi). Les détails sont si souvent intéressants !

  • jmfayard,

    J’ai déjà entendu parler des rapports de force, merci. C’est précisément pour ça que j’ai fait le parallèle avec la burqa.

    Merci d’avoir donné la réponse sur l’auteur de la citation « c’est la liberté qui opprime »; sans toi je me foutais dedans et je répondais Orwell.

    Plus sérieusement, ce qui trahit un surmoi marxiste, ce n’est pas le souhait légitime d’aider les personnes en situation de faiblesse. C’est de partir du postulat que la relation employeur-employé est systématiquement, structurellement, massivement déséquilibrée en défaveur du salarié. C’est de refuser de voir que la réalité de terrain est infiniment plus nuancée. C’est surtout refuser d’envisager que les mesures prises pour corriger ce soi-disant déséquilibre (l’attirail anti-employeur qu’on appelle modèle social français et que le monde nous envie) puissent, en décourageant l’offre de travail, aggraver le déséquilibre qu’elles prétendaient réduire.

    Sur la productivité horaire, ton raisonnement passe complètement à coté du fait que le rapport qualité/prix des produits et services en a absorbé l’essentiel. Combien d’ingénieurs de 1999 fallait-il pour concevoir l’iPhone? Une infinité. En 2001, je payais déjà 30€ par mois pour ma connection ADSL de 500k. Aujourd’hui, je paye toujours 30€ mais pour 5 meg et ça couvre l’abo France Telecom et en plus j’ai la TV et depuis peu le portable. Idem pour les bagnoles. On paye grosso modo aujourd’hui le même prix qu’il y a 20 ans mais elles sont plus sûres, plus frugales, moins polluantes, plus silencieuses, plus confortables, mieux équipées… Tu te rappelles de l’époque où l’airbag était en option? Tu veux parler des yaourts, allons-y. Les yaourts de l’époque de mes parents seraient interdits à la vente aujourd’hui. Depuis cette époque, on a introduit des contraintes sur la traçabilité, l’hygiène, les analyses bactériologiques, la chaîne du froid, la quantité et qualité des conservateurs, que sais-je encore.

    Les gains de productivité sont totalement périphériques à cette discussion. Ils ne modifient pas le rapport de force employeur-employés. Si on veut le déplacer structurellement, il faut augmenter l’offre d’emploi en cessant de punir les employeurs. A chaque fois qu’on ajoute une contrainte débile à l’employeur, on n’améliore pas le sort des employés, on ne fait que raboter leur position de négociation.

    Pour finir, chacun place le curseur temps libre – travail où il l’entend. Je constate que tu fais plein de choses passionnantes de ton temps libre (je n’en attendais pas moins de toi). Est-ce si dur que ça d’imaginer que d’autres puissent faire d’autres choix ? Faut-il leur imposer tes priorités ?

    Gatien,

    Il y a des gens (dont je suis) qui considèrent que travailler n’apporte pas que de l’argent mais aussi du contact humain, de la compréhension du monde, de la stimulation intellectuelle, un sentiment de plénitude. Opposer travail et activités bénévoles ou personnelles n’a pas grand sens. On a beaucoup de temps libre aujourd’hui. On peut travailler (plus que la moyenne aujourd’hui) ET s’occuper se ses enfants ET avoir une activité associative…

    Sur le congé maternité, il ne s’agit pas d’un droit de la femme mais d’une obligation de l’employeur. La différence réside précisément dans le fait que la femme n’a pas la possibilité d’y renoncer. La femme qui emmène des dossiers à la maison ne prend aucun risque, c’est son employeur qui en prend un en lui demandant de travailler. Si on peut prouver que (i) l’employeur lui a donné du boulot et (ii) elle l’a fait ; alors l’employeur a placé son sort entre les mains de son employée. C’est arrivé à ma femme (qui n’avait surtout pas envie d’être coupée de tout environnement professionnel pendant 6 mois). Je lui ai conseillé de conserver précieusement quelques mails où on lui demande de rédiger une note ou de participer à un conf call. Si un jour, elle veut aller au conflit avec son employeur, elle va aux prud’hommes avec ce dossier et c’est le jackpot.

    Le Nonce,

    J’adhère à l’essentiel de votre tirade contre les workaholics, mais c’est hors sujet. On ne travaille pas de plus en plus mais de moins en moins. En tous cas les gens les moins qualifiés. Voir le non-travail comme culpabilisant est une attitude de cadre sup. Pour les pauvres, le non-travail ça veut dire incapacité à survenir soi-même à ses besoins et à ceux de sa famille. Ce n’est pas culpabilisant, c’est aliénant.

    Koz,

    Ravi de déjeuner avec toi (surtout si tu m’invites) mais à la condition que tu cesses de me parler en allemand ?

    Navré de te contredire à nouveau, mais c’est toi qui rebaptise un droit en contrainte potentielle. Et pas si subrepticement que ça. Accordons nous pour dire que c’est les deux. Il ne m’a pas échappé que l’agriculteur, l’avocat ou le commerçant sont leur propre patron. Mais mon point est justement que cette distinction employeur/salarié est si profondément enfouie en nous qu’on finit par penser aux employés comme de simples exécutants anonymes. Il y a une fierté du travail bien fait et elle est partagée par l’artisan et par l’ouvrier. L’agriculteur ne voudra pas qu’un autre nourrisse les bêtes parce qu’un autre ne saura pas que la Rosine aime le foin un peu plus sec et qu’il faut caresser l’oreille de la Noiraude quand on lui donne à boire. De même le comptable voudra finir son calcul des provisions pour garantie parce qu’un autre zappera que la durée de garantie a changé en 2005.

    Plus fondamentalement, mon point est que l’amélioration du sort des salariés est toujours conçue comme devant être obtenue aux dépens des employeurs. C’est une connerie parce que les salariés finissent toujours par le payer en baisse de leurs revenus nets ou de leur employabilité. Personne n’a jamais dit : « on va réduire l’âge de la retraite à 60 ans, ça sera financé par les charges sociales et donc in fine vos salaires baisseront et vous aurez plus de risque de chômage ». Non, on a menti aux salariés en leur disant que ce serait payé par les patrons point barre.

    Alors bien sûr, Lefevre n’est pas le héraut rêvé et la possibilité de bosser en congé maladie n’est sans doute pas le premier sujet qui me traverserait l’esprit. Mais quand même Sarkozy fait l’éloge du CNR d’où provient précisément cette vision néanderthalienne des rapports sociaux, on ne peut pas faire le difficile.

  • Libéral, puisque la « réalité du terrain est plus nuancée », faisons les comptes.
    Existe-t’il des femmes qui sont dans un rapport de force employée/employeur déséquilibré avec leurs patron et pour qui la prise légale de congés maternité représente une protection ? Oui.
    Existe-t’il des femmes pour lesquelles la prise de congés maternité est vu comme une contrainte ? Oui, il y a au moins Rachida Dati qui, quoique jeune mère, peut néanmoins assumer son nouveau boulot au parlement européen avec son ancien boulot à la marie du 7° arrondissement et son entrée espérée au cabinet d’avocat Willkie Farr & Gallagher
    Mais on ne va pas faire une loi pour une seule personne, donc combien de femmes sont dans le même cas ? Et combien dans le cas inverse ? Je suppose qu’il y a des études de terrain qui ont été faite (sinon, pourquoi changer la loi bis repetita). Que Lefebvre sorte ses estimations pour qu’on puisse prendre conscience de l’ampleur du problème supposé.

  • Merci libéral d’écrire aussi bien ce que je pense.

    je suis totalement en accord avec votre façon de voir les choses!

    A ce propos, oui, « on » peut avoir le temps de travailler, de faire du bénévolat, de faire son jardin, de lire des livres de développement personnel, d’élever ses enfants…et de méditer, voire même de ne rien faire.

    Un peu d’organisation 😉 suffit et beaucoup de motivation!

    Tout dépend du sens qu’on donne à sa vie, au faire et à l’être.

    (on peut être dans le « faire » et dans l' »être » en même temps.)

  • Koz a écrit:

    Tu crois que je n’ai pas noté ta rebaptisation subreptice d’une contrainte potentielle en « droit» , hum ? Un agriculteur, un commerçant, un avocat gèrent leur propre activité, ils sont leur propre patron. Mais tu veux que je te dise, je pense que l’agriculteur blessé ne dirait pas non si quelqu’un pouvait nourrir les bêtes à sa place, l’avocat malade aimerait autant pouvoir prendre le temps de sa convalescence plutôt que d’être encore sur la brèche, la commerçante enceinte aimerait bien souffler plutôt que de devoir rester debout toute la journée. Je ne suis pas certain du tout qu’ils souhaitent à tout le monde de vivre comme ils le font. Ca a d’autres avantages, mais ce que tu vises là, ce sont des inconvénients dont je suppute qu’ils se priveraient bien.

    Je tends à être d’accord avec Lib pour avoir été dans ma vie des deux côtés de la barrière.

    Mon état d’esprit changeait, dans les cas où (ou du simple fait que) j’étais intéressé directement à la production de mon activité et ce, indépendemment des bénéfices liés aux avantages sociaux de l’employé. Bon, j’ai jamais été enceinte, personellement, mais malade ça m’est arrivé. Et dans ces cas là, lorsque je travaillais « pour moi », je ne voyais pas le fait de bosser sur certains trucs, même de mon lit, comme une contrainte.

    C’est juste un fait. C’est dérangeant, c’est uniquement sur une base volontaire, c’est pas un truc à dire, c’est pas un truc forcemment à généraliser, c’est une mauvaise idée politique, c’est impopulaire, c’est con, je regrette même de l’avoir écrit, je vais aller de suite me flageller… mais c’est pourtant comme ça.

  • Ce n’est pas dérangeant, Epo. Ton commentaire porte en lui-même une partie de la réponse : tu travaillais pour toi, et tu bénéficiais aussi par ailleurs des avantages de ce statut. Les salariés ont d’autres droits, et d’autres devoirs. Et, en tant que profession libérale, j’apporterai le témoignage suivant : quand après une période difficile, je m’octroie une petite semaine de vacances avec mon épouse, le fait qu’un client m’appelle à plusieurs reprises à Venise et me demande de faire des modifications sur un document qu’il va falloir que j’aille consulter dans un webcafé dont j’ignore l’emplacement, ce qui va me pourrir une demi-journée de vacances, je le vis comme une nécessité parce que je veux garder le client et que son dossier est intéressant, mais je ne pars pas du principe qu’il s’agit de ma « liberté de travailler en vacances », mais plutôt d’une contrainte. Idem pour l’agriculteur qui ne prend pas de vacances parce qu’il faut nourrir les bêtes : il le fait parce que cela fait partie, dans le meilleur des cas, de l’équilibre personnel qu’il s’est construit. Mais je doute qu’il le souhaite aux autres. Il suffit d’écouter les agriculteurs pour les entendre te dire que, oui, c’est un métier dans lequel il faut toujours être sur le front, mon bon monsieur, eh, eh, eh, qu’il pleuve, qu’il vente, malade ou pas malade, et on prend pas de vacances. Ils s’en vantent parce qu’ils valorisent (en grande partie à juste titre) leur dureté à la tâche. Mais je ne crois pas qu’ils le souhaitent aux autres. Et je crois que s’ils pouvaient aller en vacances à la mer avec leurs enfants, s’ils pouvaient ne pas sortir et dire à un autre que la Rosine aime le foin un peu plus sec et qu’il faut caresser l’oreille de la Noiraude quand on lui donne à boire, ils le feraient probablement.

  • Liberal a écrit:

    Si on veut le déplacer structurellement[le rapport de force, NduNonce], il faut augmenter l’offre d’emploi en cessant de punir les employeurs. A chaque fois qu’on ajoute une contrainte débile à l’employeur, on n’améliore pas le sort des employés, on ne fait que raboter leur position de négociation.

    A priori, nous sommes plutôt d’accord sur ce point – sous réserve du détail des modalités pratiques de son règlement. Mais cette considération générale n’a pas grand’ chose à voir avec la proposition très précise de Lefebvre. Qu’est-elle finalement ? Elle offrirait au salarié le droit de renoncer à des congés motivés par des raisons médicales (au sens large), de son propre chef.

    (Gratt gratt) Comme le dit Koz, si une idée pareille est considérée comme l’expression de la modernité, ça va me donner envie de donner vigoureusement dans la réaction. Si le droit ne va pas, il faudrait déjà en énoncer les raisons, quantifer un peu le problème, indiquer quelle intention on compte poursuivre et comment on veut changer l’« économie générale » des textes actuels.

    Rien de tout ça ici. Vu de loin, ce curieux projet, dont l’argumentaire tient en deux paragraphes, dépourvu de la moindre contextualisation et d’étude d’impact (ça fait sérieux, ça ; et c’était pareil pour l’ouverture des magasins le dimanche) et bien mal à propos vu le contexte ne va rien arranger de notre droit social bordélique. Au contraire : comme ces niches fiscales qui ne se portent jamais si bien que quand on parle de les trucider, cela rajouterait une couche au millefeuilles.

    Vu de près, ça ressemble plutôt à un point de fixation, dépourvu en lui-même de toute utilité et de toute portée. L’important, c’est ce – et ceux – qui s’agrègent autour.

    Ce genre de proposition me semble relever du « populisme patronal », si je puis dire, avec une forte dose d’idéologie. Et pas des masses d’intelligence.

    Liberal a écrit:

    @ Le Nonce J’adhère à l’essentiel de votre tirade contre les workaholics, mais c’est hors sujet. On ne travaille pas de plus en plus mais de moins en moins. En tous cas les gens les moins qualifiés. Voir le non-travail comme culpabilisant est une attitude de cadre sup. Pour les pauvres, le non-travail ça veut dire incapacité à survenir soi-même à ses besoins et à ceux de sa famille. Ce n’est pas culpabilisant, c’est aliénant.

    Je vous accorde que mon bidule contre le ‘workaholisme’ et sur le rapport au travail des cadres était un peu périphérique au débat, mais un peu seulement, et aussi que ma vision du « non-travail » est assez « cadre » (sup, c’est à voir). Et pour cause : il est justement là, le sujet. A mon sens, la proposition de Lefebvre s’adresse au travail qui peut être effectué hors du bureau, ce qui me semble exclure d’emblée l’écrasante majorité du travail posté et du travail non qualifié dont vous parlez. Les premiers visés, ce sont les « cadres », pas seulement les « sups » d’ailleurs, mais aussi les fameux « assimilés ». Et ceux-là, je ne sais pas s’ils bossent de moins en moins.

    @ Eponymus : il se trouve que je suis devenu indépendant, et que toutes ces questions ne se posent plus à moi. Mais ce n’est pas des indépendants qu’il est question ici. Tout à fait d’accord avec Koz sur le reste, c’en est étonnant.

  • Koz a écrit:

    le fait qu’un client m’appelle à plusieurs reprises à Venise et me demande de faire des modifications sur un document qu’il va falloir que j’aille consulter dans un webcafé dont j’ignore l’emplacement, ce qui va me pourrir une demi-journée de vacances, je le vis comme une nécessité parce que je veux garder le client et que son dossier est intéressant, mais je ne pars pas du principe qu’il s’agit de ma « liberté de travailler en vacances» , mais plutôt d’une contrainte.

    Certes… j’ai déjà fait le coup à un avocat d’ailleurs… (niark niark…) sauf que je me suis fait facturer une jambe. C’est tout le problème. Mais est-ce que nous en connaissons des jobs sans contraintes spécifiques ?

    Pour la Noiraude, je suis bien d’accord. Et d’ailleurs je suis pas fondamentalement en désaccord tout simplement parce qu’on s’écarte vachement, en l’occurence, de la proposition de Lefèvre. Entre le cadre qui prend un dossier pour le lire et dire ce qu’il en pense dans une note succinte sur son laptop depuis son lit, volontairement, parce qu’il a la jambe platrée sans pour autant que ça fasse un drame prudhommal et le paysan des Cévènnes qui est monté deux fois à Paris dans sa vie à cause des bêêêêtes, il y a un distingo.

    Et je voulais dire que oui, histoire de pas perdre le contact, histoire de garder un oeil et dans les circonstances susdécrites, lorsque l’on est indépendant, on ne voit pas obligatoirement ça comme une contrainte. Peut être que la vraie réponse se trouve dans la compensation comme je le disais plus haut… quand tu factures, ça change sérieusement le point de vue et la qualité des vacances à Venise aussi.

  • On travaille toujours pour soi. L’agriculteur qui nourrit la Noiraude travaille pour lui-même. L’avocat qui relit le doc de son client dans un cybercafé à Venise travaille pour lui-même. L’employé qui fait le boulot que lui donne son patron travaille pour lui-même.

    La prétendue sécurité apportée par un CDI est une illusion sur le moyen terme. La vraie sécurité de l’emploi naît de la compétence du travailleur, de la satisfaction de son boss/client et de la pérennité de son entreprise (dans l’ordre croissant d’abstraction).

    Faire croire aux gens qu’un bout de papier leur fournira une protection durable est un pur mensonge. On le voit tous les jours avec des plans sociaux et des défaillances d’entreprises, et ça ne date pas de la crise. Le malaise social est la conséquence directe de ce mensonge. Tout le monde prétend que la seule façon d’être en sécurité c’est d’avoir un CDI, mais les gens voient bien que le CDI n’apporte pas de réelle sécurité.

    Tout ce qui aide les gens à réaliser qu’ils tiennent leur destin en mains et que le salut ne pourra venir que d’eux et d’eux seuls leur rend service. Tout ce qui les incite à attendre de l’aide de tiers, syndicats, Etat, entreprise… leur est nuisible.

    Notre modèle social dit aux salariés : « Votre patron est un salaud qui ne rêve que d’une chose c’est de vous virer. Il a d’ailleurs raison puisque tout le monde sait qu’il gagnerait plus d’argent sans vous. Vous êtes des merdes inutiles, incapables de vous défendre sans nous. Mais ne vous inquiétez surtout pas, grâce à nous vous allez rester toute votre vie avec ce patron qui vous hait. Merci qui? » Tu m’étonnes que les gens soient déprimés…

    Jmfayard,

    Je t’accorde qu’il ne doit pas y avoir des millions de femmes en position de force vs leur employeur, mais il faut voir plus loin. Il y a beaucoup de femmes pour lesquelles une rupture complète de leur activité pendant 6 mois, parfois plus, parfois plusieurs fois, a eu ou aura des conséquences dommageables, durables sur leur carrière professionnelle. Pour toutes ces femmes, le fait d’avoir mis un client, un patron, un collègue dans l’embarras, le fait d’avoir manqué 6 mois d’évolution de l’entreprise, le fait de devoir repartir à zéro sur tous les projets un peu à long terme les a placées sur une trajectoire moins favorable. Et elles l’ont payé ou vont le payer à l’occasion d’une prochaine promotion, d’un prochain plan social, d’une prochaine recherche d’emploi. A nouveau, sur le moyen terme, le CDI ne sert à rien. Ce qui compte c’est la compétence, la réputation, la connaissance.

    Les femmes arrivent très rarement au top dans les entreprises françaises mais c’est beaucoup moins vrai dans les entreprises étrangères ou dans les professions libérales, c’est à dire précisément là où elles n’ont pas la chance d’être « protégées » par notre droit social. Que faut-il en conclure ? Que les mâles français sont des cons machistes incapables de reconnaître la valeur de leurs femmes, mais que miraculeusement les avocats sont moins cons que les autres ?

    Je sais bien que corrélation n’est pas causalité, mais ça devrait pousser à s’interroger. En surprotégeant les salariés, ne les infantilise-t-on pas ? En voulant empêcher le renard d’entrer, n’a-t-on pas surtout enfermé les poules dans le poulailler ?

    Faut-il traiter les salariés comme des poules ?

  • Liberal a écrit:

    L’employé qui fait le boulot que lui donne son patron travaille pour lui-même.

    C’est sur Lib. Je prends bien en compte également l’argumentaire syndical. Mais que l’employé le vit rarement de cette façon vient aussi du fait que cette réalité est rarement concrétisée par un échange proportionel à l’investissement de ce dernier. Par proportionel, j’entends en bonus (ou malus – ce qui est inapplicable dans le contexte) par rapport au salaire de base.

  • Ce que souhaite faire Lefevre ne suffit pas! Il faudrait déjà à la base savoir que beaucoup de gens handicapés percevant l’AAH ne puissent pas bénéficier du RSA et voudraient trouver un travail comme ils se doit! Après certaines promesses Mr Hirsch et Madame Létard, rien n’a été encore fait dans ce domaine mais j’y crois encore malgré tout!

  • Pour moi la modernité c’est le soft power, c’est à dire plus de droits civiques pour les minorités ethniques, sexuelles, âgées, et/ou handicapés. Voilà!

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