Cloner le Christ

A l’invitation d’un camarade quelque peu désorienté, je me suis plongé avec amusement dans la lecture du livre de Didier Van Cauwelaert… Cloner le Christ ? Ce que j’y ai découvert m’a bouleversé. Cloner le Christ ? est indéniablement l’une des lectures marquantes d’une vie d’homme.

Car, si chacun connaît l’existence de la controverse sur l’authenticité du Linceul de Turin, qui sait qu’au-delà de ce seul linceul, deux autres reliques dont le parcours est historiquement authentifié ont recouvert le Christ lors de la Passion : la tunique d’Argenteuil et le suaire d’Oviedo ?

Qui sait que l’on retrouve sur ces trois reliques un sang du même groupe, celui du Christ, un sang de groupe AB ? Qui sait que ce groupe même remet fondamentalement en cause le dogme de l’Eglise sur la virginité de Marie, puisque ce groupe est le seul à porter le patrimoine du père et de la mère, ce qui signifie nécessairement que le Christ avait un père et donc, que Marie n’était pas vierge ? Ce qui est d’autant plus certain que ce n’est que par Joseph que Jésus descend de David et que ce n’est qu’à cette condition qu’il peut être le Messie de l’Ancien Testament, puisqu’il y est annoncé en tant que descendant de David !

Quant aux phénomènes étranges rapportés dans le Nouveau Testament, ils sont expliqués. Ainsi lorsque le Christ apparaît à Marie-Madeleine, “jaillissant du tombeau qu’elle vient de trouver désert“, il s’agit d’une “application de la lumière laser : un hologramme“. Comment le Christ a-t-il pu générer un hologramme ? Grâce à la Transfiguration. Car, nous apprend le Docteur Ciais, via Van Cauwelaert, “qu’a fait Jésus sur le mont Thabor ? Afin de se préparer à la Résurrection, il a simplement rechargé ses batteries.”

Enfin, qui connaissait l’existence de la “psychokinésie chez les poussins – c’est-à-dire leur pouvoir d’attirer à eux, par la seule action de leur volonté, un robot qu’ils prennent pour leur mère” ?

Oups. Là, je sens que je vous ai perdus. Enfin, bref, outre Didier Van Cauwelaert et moi, vous êtes maintenant dans la confidence. Et vous admettrez qu’il y a de quoi, pour un catholique would-be croyant, s’enthousiasmer ou se remettre en question !

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Car on m’avait enseigné que le Seigneur s’était incarné en homme, pas en téléphone portable, ce qui vous explique ma stupeur en lisant que, lors de la Transfiguration, Jésus rechargeait ses batteries. Par la même occasion, le coup de l’hologramme, ça m’ébranle. Il est vrai qu’en même temps, puisque Van Cauwelaert nous explique la technique, ie. que “pour obtenir un effet laser, il faut un milieu actif et une source d’énergie“, la source d’énergie étant l’objet qui se fait “holographier“, on pourrait s’interroger sur la possibilité de l’opération, dans la mesure où précisément le corps du Christ n’est plus dans le Tombeau. L’objet source de l’hologramme a disparu, ce qui rend la bidouille plus complexe. A moins qu’elle n’ait disparu qu’à nos yeux mais qu’elle se trouve dans une autre dimension, depuis laquelle elle projette…

Il est vrai aussi que, lorsque Didier Van Cauwelaert poursuit sa relecture des Evangiles, et en arrive à la Pentecôte et à Emmaüs, il faudrait convenir que le Christ a “repris sa pleine matérialité, s’étant en quelque sorte réincarné en lui-même“. Bon. Mais alors pourquoi un hologramme devant Marie-Madeleine et un être réincarné en lui-même devant les disciples ? Eh bien, parce qu’il n’était “pas encore monté vers le Père” (Jean 20,17). Chercher une batterie de rechange. L’autre ayant été bousillée, avec le coup de la résurrection, qui a le don de niquer les batteries, même de confection divine. Enfin bon, là, c’est moi qui extrapole, mais il faut que je trouve une explication…

De la même manière, puisqu’Il s’est incarné en homme, il pourrait sembler logique qu’Il ait un groupe sanguin humain, éventuellement AB, et non un groupe YB, avec un Y comme Yahvé, pour qu’on soit certain de ne pas se planter…

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“Cloner le Christ ?” n’est pas qu’une théorie à la con. Quoique.

C’est tout de même pas mal une théorie à la con, bourrée d’indices permettant d’identifier les théories conspirationnistes, comme les éternelles erreurs de traduction des Evangiles ou de la Genèse qui auraient occulté le sens initial des textes sacrés ou le crédit accordé à Internet, l’auteur allant jusqu’à citer un “Yahoo Groupe” qui aurait publié les résultats qu’un scientifique se serait vu interdire de révéler. Eh oui, puisque “la Vérité est en ligne“, puisqu’elle émane des petits, des humbles, quand les élites conspirent pour la maintenir sous le boisseau.

La réalité est en effet que le Vatican oppose tous les moyens possibles pour décrédibiliser le Suaire et destabiliser les scientifiques qui tentent de prouver son authenticité, dans le but d’empêcher des tentatives de clonage du Christ. Et parmi, ces scientifiques, l’incontournable, le Scientifique Providentiel, celui qui “clappe de la langue“, et qui a cloné l’ADN du Christ il y a vingt ans mais ne l’a pas dit parce qu’il est modeste : Gérard Lucotte.

Eh oui, car, dans cette course au sang du Christ, il y a cette volonté d’en séquencer l’ADN pour, éventuellement, le cloner et hâter le retour du Messie… Même si j’ai tendance à penser que ceux qui voudraient doubler Dieu en prenant eux-mêmes en charge le retour du Messie se prendrait probablement une divine baffe dans la gueule, je ne peux, sur ce terrain guère rationnel, exclure avec certitude que Dieu attende de nous que nous prenions les choses en main.

Ce serait d’ailleurs assez cohérent en fin de compte avec la vraie thèse de Van Cauwelaert. En effet, bien qu’il consacre une part essentielle de son livre à assurer que le sang figurant sur les trois reliques est le même, celui d’un seul homme, qui ne peut être que Jésus – Van Cauwelaert rapportant même quelques calculs de probabilité et notamment celui de Giulio Fanti, de l’université de Padoue, qui “va jusqu’à une chance sur dix suivi de cent zéros que l’homme du Suaire ne soit pas Jésus – il semble vouloir assurer ensuite, dans la plus parfaite confusion, n’être guère intéressé par l’idée du clonage, sauf à vouloir protéger le Linceul. Non, en réalité, sa thèse est davantage imbibée d’une sorte de profond scientisme à tendance pas très nette.

“Si les chrétiens acceptent l’idée de résurrection sans réclamer la notice, et si les non-chrétiens haussent les épaules ou ricanent, certains physiciens quantiques, en revanche, voient dans ces paroles d’Evangile l’allégorie de leurs travaux sur l’illusion de la matière, de l’espace et du temps. Pour eux, Jésus ne se serait pas contenté de nous montrer le chemin d’amour qui mène à Dieu; il aurait jalonné en sus, à titre posthume, la voie conduisant les scientifiques des siècles futures aux découvertes sur l’origine et la nature du monde physique que nous appelons réalité.”

Ne vous étonnez pas de ne pas comprendre, c’est la marque nécessaire des idées géniales. Plus loin :

“Quand Jésus se fait appeler le “Fils de l’Homme”, il se définit ainsi comme le prototype de celui que deviendra l’homme à la fin de la seconde création, lorsqu’il aura accompli la métamorphose programmée en lui”

Car nous, têtards, il nous appartient de devenir grenouilles (cf. page 174) et c’est le message fondamental de Jésus, celui que l’Eglise s’efforce de gommer, bienheureuse qu’elle est de nous empêcher de grenouiller. Car “si on le suit à la lettre [nous parlons du message de Jésus], il n’y a plus de péché originel, de tare congénitale ni de mea culpa : simplement du boulot à fournir pour devenir assistant du Créateur, pour accoucher de nous-mêmes en donnant naissance à la créature supérieure inscrite dans nos gènes” (page 178).

Van Cauweleart et Raël, même combat ? On peut le penser, vu la passion du clonage et d’une certaine science dont tous deux font preuve. Mais Van Cauwelart, tout de même ancien Prix Goncourt, a oublié d’être idiot et, de la même façon qu’il ne cesse d’affecter une distanciation vis-à-vis de thèses complaisamment exposées, il a pris soin de sa payer la tête de Raël sur six pages, ce qui n’est ni charitable ni très compliqué. Pourquoi ce passage qui n’apporte rien au livre si ce n’est pour parer à l’assimilation qu’il pouvait pressentir ?

En tout état de cause, si un jour vous croisez Van Cauweleart et qu’il vous propose un voyage vers Sirius, déclinez l’invitation. En ce qui me concerne, je vous laisse, je dois me rendre à Jarnac, m’assurer qu’aucun scientifique plus ambitieux ne s’avise de cloner Dieu.