Qui suis-je ?

drapeauinthewindJe suis Copte et je suis Juif et je suis Danois et je suis Charlie. Et nous sommes tant d’autres, ces temps-ci, par compassion et solidarité. Mais qui sommes-nous ? Nous sommes et pourtant, nous ne savons pas nous définir. Savons-nous qui nous sommes, nous, pourquoi nous sommes là et ce que nous avons à dire ? Nous refusons de le déterminer tant on nous a appris que nous définir serait nécessairement exclure l’autre, que nous définir serait revendiquer une exclusivité sur des valeurs plus largement partagées. Et qu’en outre, il n’y aurait pas de quoi être fiers. Alors nous sommes silencieux. Pourtant, hier soir, en apprenant l’assassinat par décapitation de vingt et un coptes, la profanation de centaines de tombes juives, en constatant comme nous voulons tous être, je me demandais qui nous sommes. Je me demande ce qui résonne en commun dans mes tripes quand je suis tous ceux-là à la fois. Je me dis aussi qu’il doit bien y avoir une façon d’incarner sereinement ce que d’autres revendiquent hystériquement : être Français.

Non, bien sûr, je n’ignore pas que vibre de par le monde une commune humanité répugnée par ces infamies, que nous voudrions, précisément, rejeter hors de notre humanité. Je n’ignore pas que je peux donner la main à un Jordanien effaré, à un Américain révulsé. Je n’ignore pas davantage que notre identité française participe d’une identité plus large, dans le XIXème, à Vincennes comme à Copenhague. Mais je ressens le besoin, fondamental et pragmatique, de savoir qui je suis, qui nous sommes.

Pragmatique, parce que les Hommes ont un besoin profond de savoir qui ils sont, qu’ils ne sont pas, non, seulement « citoyens du monde », membres d’un grand tout, sauf peut-être ceux qui sautant d’un pays à un autre ne sont plus vraiment d’un seul. Nous avons besoin d’être d’un lieu, d’un quartier dont nous connaissons les recoins, d’un paysage dont nous connaissons les collines, les fleuves, les rues, les jardins, les clochers et les sentiers. Prennent le pas, sinon, des identités de substitution et, des Ultras du club du coin à ceux de la cité du quartier, elles ne sont souvent pas bien glorieuses.

Nous avons tous peur de devenir des « hommes flottants », sans racines, sans maison, sans identité véritable, mais n’osons pas avouer cela. Nous préférons chanter à l’unisson les vertus de l’errance, du voyage, du nomadisme. (…) L’injonction se fait toujours plus pressante. Le discours dominant n’est pas tendre envers ceux qui résistent à cet avènement d’un monde sans frontières ni appartenances (…) J’ai du mal à accepter cette impérieuse volonté d’effacer tout point de rattachement, comme disent les juristes. J’y vois même une folie ! N’importe quel être humain a besoin d’être de quelque part. L’envie d’un périmètre protecteur, la joie de tutoyer un paysage dont on connaît chaque courbe et chaque vallonnement, rien de tout cela ne mérite l’opprobre. Je bous de colère quand j’entends dire, ou quand je lis que la moindre référence à la terre ou à la ruralité trahit je ne sais quel pétainisme qui s’ignore.

Jean-Claude Guillebaud, dans Je n’ai plus peur, poursuit en évoquant la tradition mélanésienne, et cette métaphore qu’ils utilisent, de l’arbre et de la pirogue. Comme l’écrit Guillebaud, « nous voudrions tous être à la fois un arbre et une pirogue. Nous avons besoin de racines et de déracinement. Nous réclamons l’abri du local, mais nous voulons pérégriner dans l’universel. Nous réclamons une patrie mais nous souhaitons garder le courage de la quitter ». Mais il est absurde d’opposer l’arbre et la pirogue, car c’est du bois de l’arbre qu’est fait la pirogue.[1]

C’est aussi fondamental, parce qu’il est difficile de ne pas constater que ce que nous sommes est attaqué, et mis au défi, à nos portes et même en nos murs[2]. Et si je ne sais pas ce que je suis, si je ne sais pas qui je suis, je ne saurai pas le défendre, je ne saurai pas me défendre. C’est un défi, et celui-ci en est un autre, et non des moindres : le risque de défigurer ce que nous sommes par une riposte enragée. Il va falloir savoir ce que nous sommes profondément sans exaltation indue ni caricature soumise.

Il va falloir aussi être, un peu. L’avoir a fait son temps. Il ne comble pas l’Homme. Surtout pour ceux qui n’ont rien.
Il va falloir aussi être, un peu. L’avoir a fait son temps. Il ne comble pas l’Homme. Surtout pour ceux qui n’ont rien.

En face, ils ont leur idée de ce que nous sommes. Mais même avec leur excès, leur fanatisme odieux, leurs caricatures, ils touchent parfois juste. Bien souvent, nous ne sommes tout simplement rien. Comme le disait il y a quelques jours Fabrice Hadjadj, « les Kouachi, Coulibaly, étaient «parfaitement intégrés», mais intégrés au rien, à la négation de tout élan historique et spirituel, et c’est pourquoi ils ont fini par se soumettre à un islamisme qui n’était pas seulement en réaction à ce vide mais aussi en continuité avec ce vide ». Et François-Xavier Bellamy ajoutait justement : « c’est parce que, depuis un demi-siècle, nous ne savons plus dire ce qu’est la France, que de jeunes Français finissent par se retourner contre elle, pour avoir trouvé ailleurs une raison d’être et une cause à servir ». Quand Le Monde évoque le parcours des frères Kouachi, Une jeunesse française, il mentionne en conclusion cette « recherche de sens et de reconnaissance ». Que l’on ne s’arrête pas trop rapidement sur une explication quelque peu univoque : les facteurs sont certainement multiples, mais je suis convaincu que celui-ci y tient fortement sa part. Et ce n’est d’ailleurs pas la moindre des caricatures grotesques que des jeunes nés en France, fille aînée de l’Eglise et pays des droits de l’Homme et de la liberté, aient rejoint une idéologie totalitaire, prônant la soumission du croyant.

Oui, en face, ils ont cette caricature d’un pays repu, sans vision, sans valeur. Pourtant, je veux croire et je pense que c’est à raison, qu’à l’étranger, on regarde encore vers le drapeau français, vers la terre française, avec plus d’espoir dans le regard, plus d’ambition pour la France que nous n’en avons souvent nous-mêmes. Je me plais à me souvenir de ce que disait ce père dominicain : dans les années 70-80, pour les Afghans, un Anglais était nécessairement un journaliste, un Français était nécessairement un médecin. Je me plais à penser encore que lorsque nos soldats sont envoyés sur une terre étrangère, leur respect des populations et des cultures locales leur permet encore une meilleure exécution de leurs missions que d’autres (Américains pour ne pas les nommer). Je ne connais pourtant guère plus patriote qu’un soldat, signe que l’amour de son pays ne veut pas dire rejet de l’autre.

Je suis Français, d’une terre de culture et de liberté, de foi et de raison, terre des Lumières et terre chrétienne, universelle et nationale.
Alors, je veux savoir qui nous sommes. Pas au prix d’un débat dirigé et mal engagé, sur un fond d’immigration et d’islam, malgré le contexte. Non, pas pour savoir ce que je ne suis pas, ce que seraient les autres, pas pour me construire par opposition et par exclusion, mais au nom de ce que nous avons accompli de beau, de grand, au nom de notre contribution au monde.

Je ne suis pas tellement plus avancé que vous. Je suis aussi le produit de ces années à guetter davantage les fautes que nous n’aurions pas révélées qu’à transmettre les raisons restantes d’aimer encore un peu ce vieux pays. Notre contribution au monde n’est pas univoque, c’est une évidence, mais il doit bien y avoir une voie entre l’idéalisation et la culpabilisation. J’attends les meilleures contributions, du monde de la culture, des historiens, des géographes, des philosophes. Contributions comme celle de Claude Habib qui soulignait, dans La galanterie française, cette singularité qu’est – ou fut – la mixité, quand la pensée s’élevait des salons que les femmes convoquaient.

Oui, je tâtonne. Mais je sais que je suis Français, d’une terre de culture et de liberté, de foi et de raison, terre des Lumières et terre chrétienne, universelle et nationale. Oui, il est plus que temps de reconnaître nos inspirations multiples, et de cesser de nier la participation des Lumières ou la contribution chrétienne, cesser d’amputer notre Histoire et notre culture. Il est temps de reconnaître que l’amour de notre pays ne nous a jamais empêchés de vouloir porter un message universel – pas un message de soumission mais de liberté – et que notre identité nationale et nos aspirations universelles ne sont pas contradictoires. Notre identité nationale n’est pas un repli mais au contraire la source d’un beau et grand message universel. Notre identité française est le camp de base de notre aspiration universelle. Peut-être pouvons-nous d’ailleurs songer encore à notre situation géographique originale, cette terre carrefour, qui intègre et qui irrigue, qui s’enrichit et qui diffuse.

Il serait indécent de voir en cette agression une opportunité. C’est au moins un défi. Nous pouvons nous écrouler, ou le relever.

  1. pour ne pas caricaturer Guillebaud, ou le convoquer hardiment, il évoque ensuite une « modernité métisse à l’échelle de la planète » et explique que « par cette expression, [il] désigne non pas – ou pas seulement – le métissage des sociétés, mais la créolisation de l’universel lui-même » – ce qui ne remporte pas encore mon adhésion enthousiaste, même si c’est peut-être réaliste. []
  2. l’Etat Islamique en Libye se gargarise de bientôt « prendre Rome«  []

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40 commentaires

  • Non, cher Koz, vous ne tâtonnez guère. Vous savez où vous allez. Vous nous rappelez – et vous faites bien – qu’il y a une manière française de chercher l’universel, qu’il existe toujours une manière nationale d’aspirer à ce qui est au-delà du national.
    Vous pourriez simplement ajouter, avec tout autant de sérénité, au « Je suis français » un « Je suis chrétien ». Car le christianisme offre un universalisme qui ne condamne pas les identités, un universalisme dont le mondialisme actuel, fait d’indistinction aveugle et d’identifications passionnelles, n’est, au fond, qu’une caricature. Si j’aime l’autre, c’est que, justement, je ne suis pas l’autre. L’amour suppose, par définition, la différence.

  • Je suis bien d’accord avec vous, Jean-Marie, mais j’essaie aussi de trouver les éléments sur lesquels nous pouvons nous retrouver largement, nous tous Français. Moi, je viens avec ce que je suis et, en premier lieu, chrétien.

    Maintenant, je ne découragerai pas ceux qui pourraient penser qu’il y a aussi là une inspiration qui vaut le coup d’œil.

  • Koz a écrit :

    je suis Français, d’une terre de culture et de liberté, de foi et de raison, terre des Lumières et terre chrétienne

    Il me semble que les Lumières sont largement une spécificité française, qui nous caractérise, ont fait et fondent encore le rayonnement de la nation, bien plus que d’avoir été terre chrétienne.

  • Excellent billet.

    Il va falloir en effet savoir « être » et non pas que pour des raisons de tensions causées par le terrorisme car, comme vous le dites, « l’avoir » va connaître un sérieux coup de vieux.

    .Cependant, cela ne va pas être facile avec des politiques qui propulsent du slogan à la journée. Témoin Manuel Valls qui pète les plombs dans l’émotion aujourd’hui. et reprend des termes qui n’ont que la « signification » du choc incongru des deux termes très étrangers l’un à lautre : islam et fascisme dans islamo-fascisme (après « apartheid » cela commence à faire lourd, provocant).

  • @ Numéro N : ce n’est pas absolument impossible, encore faudrait-il (i) ne pas oublier l’apport essentiel de la France au christianisme, et notamment Citeaux, Cluny etc (et vous relirez avec joie et grand plaisir le discours de Benoît XVI aux Bernardins, (ii) ne ps imaginer que les Lumières sont tombés du ciel, si je puis dire, sans que rien ni personne n’en facilitent l’émergence, quelles que soient les oppositions et enfin (iii) ne pas se précipiter pour jeter de nouveau des exclusives et recréer des concurrences. Je me sens bien davantage fils de l’Eglise que des Lumières, mais je sais que je suis l’un et l’autre.

    Thierry Lhôte a écrit :

    Cependant, cela ne va pas être facile avec des politiques qui propulsent du slogan à la journée.

    C’est vrai et c’est la raison pour laquelle je n’ai pas mentionné avant tout les politiques mais le monde de la culture, les historiens, les philosophes etc. C’est une recherche qui doit monter de la société et ne pas être dirigée (dans tous les sens du terme) par le haut.

  • Je salue ton volontarisme, ta tentative de sortir par le haut. Mais j’ai franchement du mal à y croire. Peut-être est-ce cette info que je viens de lire selon laquelle il n’y a pratiquement plus d’enfant juif dans les écoles publiques du 93 qui m’a atteint le moral.

    Tu dis « en face, ils ont cette caricature d’un pays repu, sans vision, sans valeur », à mon avis tu te fais plaisir. Selon moi, en face ils pensent que nous sommes faibles et ils ont raison. Nous sommes des caniches et ils sont des loups. Si cela exerce une forme de fascination sur moi, pense à l’impact sur un gamin déstructuré des cités.

    Tu dis aussi : « Mais je sais que je suis Français, d’une terre de culture et de liberté, de foi et de raison, terre des Lumières et terre chrétienne, universelle et nationale. » Oui, on a été ça. L’est-on toujours? Aujourd’hui, la culture c’est un plug anal géant, la foi c’est l’EdNat qui explique aux gosses que la laïcité c’est lutter contre la religion, la raison c’est la phobie des particules et des ondes électromagnétiques et la liberté c’est les flics arrêtant des chômeurs qui essaient de gagner 100 balles en faisant du UberPop.

    Sur BFM, ils racontaient ce matin la création du permis de conduire à la fin du 19e. Le premier mec qui est allé voir le préfet pour pouvoir rouler dans Paris, on lui a répondu qu’il n’avait pas besoin de permis. Nous avons été un pays libre et donc entreprenant, cultivé, rationnel, pieux et fort. Désormais nous devons demander une autorisation pour bouger le petit doigt.

  • Merci, Koz, pour ce texte excellent.
    Comme vous le soulignez, l’identité n’est pas un repli: elle répond à un besoin et puise ses racines dans la culture, l’histoire, voire un paysage. C’est en étant conscients d’avoir une identité bien définie que nous pourrons envisager la mondialisation sans crainte. Mais je suis quelque peu pessimiste quant à cette capacité à être conscients: ceux qui déclarent être Charlie, Danois, Juifs ou Coptes donnent l’impression de vouloir combler un déficit d’identité en épousant, certes par solidarité, l’identité de victimes. Or on ne peut pas se résigner à être des victimes.

  • Lib a écrit :

    Tu dis « en face, ils ont cette caricature d’un pays repu, sans vision, sans valeur », à mon avis tu te fais plaisir.

    Non, je n’écris pas des trucs pour me faire plaisir mais parce que je les pense.

    Pour le reste, j’ai bien suivi. Mais, du coup, on se pend ?

    Noix Vomique a écrit :

    Mais je suis quelque peu pessimiste quant à cette capacité à être conscients: ceux qui déclarent être Charlie, Danois, Juifs ou Coptes donnent l’impression de vouloir combler un déficit d’identité en épousant, certes par solidarité, l’identité de victimes. Or on ne peut pas se résigner à être des victimes.

    « Les seuls combats perdus d’avance sont ceux que l’on ne mène pas ».

    Si je ne ressentais pas une urgence à m’exprimer, si j’avais le sentiment que mon opinion était largement partagée, je fermerais ma gueule.

  • « Si je ne ressentais pas une urgence à m’exprimer, si j’avais le sentiment que mon opinion était largement partagée, je fermerais ma gueule. »
    Koz, je vous rejoins. Il y a urgence, en effet.

  • Bonjour et merci pour ce billet, et pour cette métaphore de l’arbre et la pirogue oubliée de moi depuis des lustres. Billet à mettre en parallèle avec le billet de Consigny lu ce jour dans le Point. Dire je suis est une chose, quand saurons nous dire « nous sommes » ? Et tant d’obstacles « marchand » nous en empêchent …

  • Je veux bien accueillir l’étranger chez moi, mais encore faut-il que j’ai un chez moi. Lequel peut sûrement être amélioré et s’enrichir d’importations aussi diverses que variées.

    Mais s’il s’écroule…

  • Je suis plutôt d’accord avec Lib. Mais il ne s’agit pas de se pendre, il s’agit de constater -dans toute son ampleur- les épreuves qui nous attendent.

    Je trouve dommage, d’ailleurs, que soit fustigé l’individualisme, le libéralisme, la mondialisation. Ces concepts ont, souvent, fort peu à voir avec les élites qui nous gouvernent. Et ils ont bon dos.

    La situation actuelle de notre pays n’a que bien peu à voir avec le libéralisme qui, à mon sens, ne promeut guère les structures technocratiques, les bureaucraties délirantes, les avalanches taxatoires, les règlementations diverses et variées, les interdictions, censures, limitations.

    @ Numero N :

    Les Lumières ne sont en rien une spécificité française, ni de près, ni de loin. C’est non seulement arrogant, mais en outre totalement faux. De Spinoza à Kant, de Locke à Hobbes, de Beccaria à Franklin, ce mouvement d’émancipation est partagé, et les apports anglais, allemands, américains, italiens sont incroyablement précieux.

    En outre, j’ajoute que ce mouvement philosophique n’a pas surgi du néant miraculeusement. Il s’agit :

    1/ d’une conséquence logique des innovations intellectuelles consécutives à la pensée chrétienne (la volonté, pour ne prendre que cet exemple, doit beaucoup au christianisme en tant que concept).
    2/ à la redécouverte de nos racines grecques, grâce aux musulmans, disons-le clairement.
    3/ de l’interaction entre les deux, ce qui nous donna la scolastique (qui tenta de concilier foi et raison) et d’immenses penseurs, comme Saint Thomas d’Aquin.

    Les Lumières, à vrai dire, sont très surévaluées. Il y avait une pensée avant, il y eut des idioties débitées pendant.
    Et la France existait avant 1789. La France n’est pas la République : elle a survécu à bien des régimes, et elle continuera à tracer sa route.

  • Flash a écrit :

    Les Lumières ne sont en rien une spécificité française, ni de près, ni de loin.

    « Age of Enlightenment : period in Western intellectual history from the late 17th to the late 18th century, centered in France but also encompassing … »

    J’ai au moins Wikipédia avec moi, quelles sont vos sources ?

  • Je suis landais, tarnais, corse et breton. Je suis de la France en bas à gauche. Je ne suis pas très bon en Histoire. Du temps de la monarchie comme de la république notre pays s’est mis plusieurs fois dans des situations pas croyables. Je me demande comment nous allons nous sortir de la situation présente? Pas tout seul je crois bien. Nous allons avoir besoin d’aide. Nous allons avoir besoin des autres. Qui seront les autres?

    Et nous allons avoir besoin les uns des autres non?

  • Bonsoir.
    Pardonnez à l’avance, ou pas, mon exclamation! Fichtre! Un être humain, dans toute sa lumineuse splendeur d’àme, tel un bouillon de « culture » et d’humanité, recherchant à en sortir par le haut… Très peu de personnes ont cette volonté.
    Tant de colères, d’envies, de générosités, et autant de questions sans réponse… En étant bref mais honnête malgré mes sentiments et croyances Chrétiennes, Français de coeur, et humaniste dans l’âme, aujourd’hui je suis sans lumière, face aux réactions de certains de notre race, celle des humains…
    Comme un arbre dont les branches et les feuilles cherchent le soleil, je n’ai pas trouvé le tronc, nourrissant un espoir commun… Sauf peut-être celui d’apprendre et d’aimer d’être aussi imparfait.
    Avec tout mon respect.

  • Cher Koz,
    Merci d’être l’un des rares à oser parler du trouble que d’aucun d’entre nous ressentons au fond du cœur, au fond de nous même…
    Merci d’être l’expression de la conscience de notre peuple.

  • Je devrais faire comme Hugues et me contenter d’être reconnaissant.

    Mais voilà, tu as touché un des dadas du vieil imbécile que je suis… nous sommes l’arbre ET la pirogue ; les héritiers du christianisme ET des Lumières (je préférerais parler de grecquitude, mais allons pour les Lumières…), et puis tu parles de trouver une voie entre « idéalisation et culpabilisation ». Je crois que l’idée d’une voie médiane n’est (jamais ? ) bonne. Que le ET doit une fois de plus l’emporter sur le OU et sur le milieu. Toute l’idéalisation (ou émerveillement) ET toute la culpabilisation (ou réalisme) 🙂

  • Je me permets de réagir à ceci : les Lumières, pour une bonne part, ce sont construites comme un affranchissement de la religion chrétienne, voire une négation de celle-ci. Comment donc voulez-vous concilier ce qui s’oppose ? Par quel grand écart ?

    Je ne suis pas sûr qu’on puisse ainsi « rassembler » les diverses idéologies qui ont traversé la France cesz derniers siècles pour se donner une identité. Car il me semble y avoir un jeu de forces contraires qui finit inévitablement par détuire cette unité.

    Vous refusez de poser la question de l’islam pourtant là encore, il y a une contradiction interne puisque l’islam, dans son essence, est un anti-christianisme au sens où il s’oppose fermement aux dogmes fondamentaux du christianisme et où il propose une autre vision de l’homme, une autre vision de la société. Là encore, toute idée de trouver un socle commun, une identité commune, me semble définitivement vouée à l’échec.

    Comme vous le dites fort justement, quel sens de l’Histoire portons-nous ? Quelle spiritualité ? Il ne s’agit pas simplement de reconnaître un passé commun et de « faire la paix » avec toutes les idéologies qui ont eu une influence en France, il y a une vraie question ontologique et spirituelle qui se pose. Or à cette question là, la réponse chrétienne n’est certainement pas celle des Lumières, et encore moins celle de l’islam. Il faudra donc choisir. Les jeunes qui tombent dans l’islamisme, ou dans l’islam tout court, ne font rien d’autre que de choisir un « sens ». Ils comblent le vide comme vous dites… et ils ont mille fois raison de vouloir combler ce vide (mais n’ont pas certainement raison de mal choisir). Ceux qui sont vraiment morts, ce sont tous ceux qui ne font aucun choix, qui ne se posent même pas la question du choix, qui végètent dans le matérialisme et le consumérisme ambiants. Et j’en parle d’autant mieux que j’ai été exactement de ceux là avant ma conversion.

    J’ose croire que les dérives de l’islam qui ont frappé la France seront salutaires comme peut l’être une grave maladie pour quelqu’un qui a négligé sa santé. Espérons simplement la France que nous aimons guérira de sa maladie, et qu’elle n’y succombera pas. Rien n’est gagné, il nous faut prier et agir.

    Et pour terminer, rappelons aux chrétiens que notre identité réelle est celle d’enfant de Dieu. Notre vraie patrie n’est pas la France mais le Ciel. Donc là aussi, sachons nous détacher de toute quête identitaire incompatible avec la dignité baptismale.

  • @ Xavier:
    Je crois que la meilleure réponse est donnée par St Paul : « Examinez toutes choses : retenez ce qui est bon »… et le pape Benoît XVI est revenu plusieurs fois à la façon dont l’Eglise peut accueillir aussi l’héritage des Lumières… par exemple « Le Concile Vatican II, au cours duquel l’Église, partant d’un conscience renouvelée de la tradition catholique, prend au sérieux et discerne, transfigure et dépasse les critiques qui sont à la base des courants qui ont caractérisé la modernité, c’est-à-dire la Réforme et les Lumières. Ainsi, d’elle-même, l’Église accueille et régénère le meilleur des exigences de la modernité, d’une part en les assumant et en les dépassant et d’autre part en évitant leurs erreurs et impasses. « 

  • @ Xavier : il est fort probable que je n’aie pas votre soif d’opposition pour me construire. Donc, non, je n’ai pas spécialement besoin de parler de l’islam pour tenter d’approcher une définition de ce que serait être Français.

    De même en ce qui concerne les Lumières, « Comment donc voulez-vous concilier ce qui s’oppose ? Par quel grand écart ? ». Par un principe de réalité. Il y a des Français qui se réclament davantage du christianisme et d’autres, davantage des Lumières. Je peux être davantage sensible à un héritage mais je ne peux pas nier que mon pays, actuellement, se construit à partir des deux.

    Xavier a écrit :

    Et pour terminer, rappelons aux chrétiens que notre identité réelle est celle d’enfant de Dieu. Notre vraie patrie n’est pas la France mais le Ciel. Donc là aussi, sachons nous détacher de toute quête identitaire incompatible avec la dignité baptismale.

    Si l’on va par là, et même si nous sommes essentiellement d’accord, vous ne m’en voudrez pas de vous citer le catéchisme de l’Eglise catholique, qui s’y connaît en matière de catéchisme :

    L’amour et le service de la patrie relèvent du devoir de reconnaissance et de l’ordre de la charité.

    @ Vieil Imbécile : la voie médiane, en l’occurrence, me paraît plus proche de la voie de la vérité. Ni l’idéalisation ni la culpabilisation ne sont des attitudes justes. J’ai du mal à souhaiter que des attitudes mal ajustées soient conjointement adoptées.

  • La notion de victimisation me parle tout particulièrement. On constate qu’aujourd’hui en France, les personnes n’existent qu’en se posant en tant que victime. Je pense aux Indigènes de la République, à la tendance de la France de relire son passé sous un prisme uniquement culpabilisant. Par exemple, regardons comment on a commémoré la victoire d’Austerlitz. Or, le statut de victime n’est absolument pas liberateur.
    Soyons donc fiers d’êtres Français et donnons envie d’être Français !

  • Bonjour,

    J’ai le plus grand mal à comprendre votre billet Koz.

    « Je suis Français, d’une terre de culture et de liberté, de foi et de raison, terre des Lumières et terre chrétienne, universelle et nationale. »

    Défendre la culture, la liberté, la foi, la raison, les Lumières, la chrétienté, ou l’universalisme (ajoutons la liberté d’expression), tout ça a un sens. En revanche dire que la terre est nationale est totologique, et défendre une nationalité est vide de sens. Pire, c’est reproduire le raisonnement absurde de ceux qui attaquent les français parcequ’ils sont français.

    Notre identité française est le camp de base de notre aspiration universelle.

    C’est totalement contradictoire. Je doute que les auteurs et promoteurs des Lumières (pas plus que les chrétiens historiques) se promenaient avec la nationalité française en bandoulière. Etaient ils majoritairement français? Fort bien. Est-ce plus que circonstentiel? Et surtout, faut-il pour cette raison substituer la promotion de la nationalité à celle, universaliste, des Lumières? Ce serait une basse récupération. Les universalistes nous ont donné l’universalisme, qui est le camp de base suffisant de notre aspiration universelle.

    Le sentiment ou le bonheur d’être français ne se décrête pas et ne s’apprend pas. Je peux vous rejoindre pour défendre des idées. Je peux être fier de mes concitoyens quand ils me donnent des raisons de l’être. Je ne rejoindrai jamais personne pour défendre une nationalité.

    pas seulement en réaction à ce vide mais aussi en continuité avec ce vide

    Les idées peuvent remplir le vide. La nationalité est un vide sidéral.

  • @ Samuel Duval : et, plus encore, on voit bien aussi que les chrétiens finissent aussi par se présenter comme tels (ce qui n’est certes pas faux, au moins statistiquement). On finit par se dire que, si c’est le critère, eh bien nous aussi, nous sommes victimes. Mais c’est assez malsain.

    @ Gatien : nos approches sont généralement assez éloignées, cela ne m’étonne donc pas trop que sur ce sujet en particulier nous ne soyons pas spontanément d’accord. Mais, pour répondre à votre dernier commentaire, je dirais plutôt qu’à mon sens le contenu est évidemment premier mais que le contenant n’est pas indifférent. On ne peut pas dire que les interactions sociales, culturelles, politiques et religieuses propres à un pays n’ont pas d’effet sur ce qui en sort. Il n’en sort pas que du bon, c’est certain : comme pour une personne, un pays a ses défauts propres et ses qualités particulières. Mais comme une personne, un pays a besoin d’estime de soi, a besoin de voir sans excès surtout ses qualités, pour avancer. A supposer que nous ayons pêché par nationalisme auparavant, le balancier est parti en sens inverses depuis à tout le moins 40 ans.

    Une fois encore, comme je le dis dans mon billet, je pense qu’être de quelque part est un besoin de l’Homme. Il y a chez moi autant un amour de mon pays qu’une vision pragmatique. Les idées et l’enracinement sont nécessaires. Maintenant, pensez-vous que je défende une nationalité détachée de toute idée ? C’est plutôt le contraire que j’écris : donnons à cette nationalité un propos. Que le fait d’être Français incarne quelque chose. C’est probablement volontariste, parfois fictif, mais c’est je le pense concrètement nécessaire à un pays : l’Homme se pense avec un rattachement, alors faisons en sorte (i) qu’il ait envie de se penser Français et (ii) que lorsqu’il veut se sentir Français, ce soit pour des raisons qui le portent vers le haut, qui lui donnent un idéal.

    Toujours aussi pragmatiquement, je pense – et c’est peut-être, pour le coup, tautologique (parce que non, celle que vous pointez n’en est pas une : on peut vivre sur un même sol sans jamais constituer une nation) que le fait de faire valoir une appartenance commune a un effet vertueux de responsabilisation des uns par rapport aux autres. Ne promouvoir que des idées me paraît être une vision bien théorique, qui oublie que nous sommes un esprit et un corps : nous sommes incarnés, en un lieu, et nous avons besoin de cette localisation. Un jour peut-être, nous ne vivrons qu’au royaume des idées. Mais ça n’est pas le cas aujourd’hui, voire dans ce monde.

    Bref, je pense que négliger voire mépriser le besoin d’enracinement, en considérant avec un peu de hauteur ceux qui ne se contentent pas des idées, c’est une façon d’ignorer la réalité humaine et de se condamner à l’échec.

    Et je conteste, aussi, que cela pousse à un repli nationaliste ou identitaire, parce que je pense qu’il est dans le propos de la France de porter un certain universalisme – parce que notre substrat culturel nous y porte. Cela aussi, bien évidemment, peut être détourné. A nous de faire que cela soit bien orienté.

  • @ Vieil Imbécile et @Koz :

    Juste pour vous répondre concernant la voie médiane… le juste milieu n’est pas un compromis tiédasse. La médiété, bien au contraire, issue de la théorie de la vertu classique en Grèce (notamment chez Aristote) fait de toute vertu un juste milieu entre des excès contraires. Un peu comme le sommet d’un triangle….

  • @ Koz:
    Koz, Vous dites  » je pense qu’être de quelque part est un besoin de l’Homme ». Cette phrase m’a remis en mémoire celle prononcée par André Chamson, lors de son discours à l’Assemblée du Désert après la guerre, à propos des Cévennes qu’il aimait tant : «  »Je suis de ce pays autant qu’on peut l’être… Je tiens à cette terre par les cimetières et les sillons ».

  • Bonsoir Koz,

    pour moi, la prétention universaliste de la France est une illusion qui nous fait beaucoup de mal. Chaque exception française, regardée de près, ne tient pas très longtemps. Les lumières par exemple s’insèrent dans un mouvement beaucoup plus large qui englobe les grands penseurs arabes, la renaissance italienne, les républiques anglaises et hollandaises, la monarchie éclairée prussienne, ainsi que la réforme protestante principalement allemande. Et ce nombrilisme permanent est aussi, à mon avis, la cause de notre déprime nationale, quand nous ne sommes pas au rendez-vous de nos illusions.

    Les racines sont un beau sujet, résumés parfaitement en 14 lignes par Du Bellay. Par contre, pour moi, cet attachement à la terre est d’abord un attachement à sa ville ou sa région, car c’est l’espace que l’on ressent concrètement. Je partage avec les bretons la couleur des panneaux de signalisation, les manuels scolaires, Claire Chazal et c’est tout.

    Il n’en reste pas moins qu’il y a certainement une identité ouest-européenne, qui puise ses sources dans l’antiquité gréco-romaine, les religions du livre, ainsi que les cultures germaniques et celtes souvent sous-estimées mais qui nous ont apporté notre goût de la liberté. Cette identité est belle et complexe, et je crois qu’elle est extraordinairement robuste.

    On oublie à mon avis trop que l’islamisme radical est d’abord un problème du monde arabe, et que ceux qui sont réellement menacés, et qui subissent les conséquences, ce sont les habitants de ces pays, donc plusieurs sont en proie à la guerre civile, et la plupart semblent très instables. Les attentats en Europe ne sont que quelques éclaboussures.

  • @ Cardabelle:Et bien voilà ce sentiment d’André Chamson je le fais mien et c’est pourquoi j’ai écrit sur ce blog « je suis landais, tarnais, corse et breton ». C’est là que depuis 62 ans je trace mon sillon de vie et c’est là que se trouve les cimetières où reposent mes racines.

  • «  La Terre-patrie est en danger. Nous sommes en danger, et l’ennemi, nous pouvons enfin le comprendre aujourd’hui, n’est autre que nous-mêmes. » (Edgar Morin, « L’An 1 de l’ère écologique », Paris, Tallandier, 2007, p.52)

  • Assez d’accord avec Uchimizu ! Je rajouterais que pour moi personnellement, la phrase « Je suis Copte » ni signifie pas l’identification à des victimes, comme quelques-uns ont dit plus haut. C’est une façon modeste d’exprimer ma solidarité avec ces coptes, mais surtout, c’est une reconnaissance de nos racines spirituelles. Je viens de l’Europe du Nord, et je pense que si je suis une personne civilisée, capable de la compassion, et capable de me sentir écoeurée devant la barbarie, c’est bien grâce au christianisme, qui trouve ses racines dans le monde de l’Antiquité, et dont les Coptes sont les descendants directs. Autant que je sache, c’est en Egypte qu’on trouve l’église chrétienne la plus ancienne. Même si nous sommes géographiquement et culturellement très éloignés, nous (surtout les nordiques) n’aurions pas pu devenir des êtres humains à part entière sans la foi chrétienne, leur foi.

  • Je suis catalan. Je suis français. Je suis européen. Je suis occidental. Je suis méditerranéen. Je suis citoyen du monde. Je suis un être vivant de la planète Terre. Toutes ces identités cohabitent en moi sans s’exclure. Mieux, elles se nourrissent et contribuent, avec d’autres paramètres, à fonder mon identité individuelle. Selon les lieux où je me trouverai et selon les circonstances, j’aurai tendance à mettre en avant une composante plutôt qu’une autre. Ces différentes identités m’ouvrent aux autres, à tous les autres. Aussi parce que je sais que tous les êtres humains aspirent fondamentalement aux mêmes choses et que l’identité et la culture sont dues avant tout au hasard du lieu de naissance.

    Puisque que l’on se penche plus particulièrement sur la composante « française », sans doute la plus forte, la plus « identifiante » chez moi aussi, elle me semble en fait jouer le rôle d’un pivot qui peut fédérer et donner du sens à toutes les autres composantes de mon identité. Sans bien sûr nier l’héritage chrétien de notre pays, la France, dans son message universaliste, c’est en effet clairement « Liberté – Egalité – Fraternité » – et Laïcité -, c’est clairement les Lumières, la démocratie, la République, c’est un message d’amitié entre les peuples et de respect des cultures, d’émancipation des individus, d’éducation et de culture… C’est aussi un message de respect de toutes les religions, dont aucune ne peut prétendre dicter les affaires de l’Etat. L’identité française n’est pas crispation ou exclusion, elle est ouverture et intégration.

    Donc quand on est à la fois Français, européen, occidental et citoyen du monde, on n’a pas à se crisper face aux autres. On a à lutter avec fermeté contre « l’islamo-fascisme » (ce n’est pas Manuel Valls qui a inventé ce mot et il dit bien ce qu’il veut dire) : un fanatisme religieux intolérant qui prétend imposer sa loi barbare et obscurantiste aux individus. Une régression bête et méchante : exactement le contraire de ce qu’est la France.

  • (Cher Koz, je m’aperçois que j’ai fait une erreur de frappe dans mon pseudo au moment d’écrire mon dernier commentaire, l’envoyant probablement dans les oubliettes d’un anti-spam et expliquant du même coup qu’il reste depuis plusieurs jours en « awaiting moderation », le voici à nouveau)

    Koz, Notez bien que je n’ai pas fait d’allusion au « nationalisme ». Et même si j’avais utilisé le terme je l’aurais fait sans lui donné un sens aussi péjoratif que celui qu’on lui donne couramment. Je n’ai pas dit que c’était dangereux d’évoquer la nationalité, juste que c’était vain.

    J’ai envie de maintenir que la phrase suivante est tautologique, même si c’est un détail: « Je suis Français, d’une terre […] nationale ».

    De quelle terre parlez vous? De la terre française à l’évidence. Et donc cette terre est nationale par définition.

    Ne promouvoir que des idées me paraît être une vision bien théorique, qui oublie que nous sommes un esprit et un corps : nous sommes incarnés, en un lieu, et nous avons besoin de cette localisation.
    

    Vous me lisez mal. Je dis: oui, nous sommes incarnés en un lieu, de facto. Il n’est même pas besoin de savoir si nous en avons besoin pour constater que c’est un fait. Qui ne se discute pas. Vous trouvez mon approche théorique mais je trouve que la votre l’est plus encore. Vous écrivez « faisons en sorte (i) qu’il ait envie de se penser Français ». Ce à quoi je répondais par avance: « Je peux être fier de mes concitoyens quand ils me donnent des raisons de l’être ». Ce qui compte ici c’est plus ce que nous faisons, que pourquoi nous le faisons – une question beaucoup plus abstraite.

    je pense qu’il est dans le propos de la France de porter un certain universalisme – parce que notre substrat culturel nous y porte
    

    Si effectivement notre substrat culturel nous y porte il n’est pas utile d’en discuter, laissons nous porter et portons l’universalisme. Il n’est pas nécessaire de définir dans quelle mesure l’enracinement français porte plus ou moins à l’universalisme que l’enracinement allemand. En supposant que ce soit prouvable, ça ne ferait pas changer d’avis un français qui – malgré son substrat – serait insensible à l’universalisme. D’où la vacuité à mon avis de la réflexion ultra-théorique sur l’identité nationale. Une fois qu’on aura définit parfaitement ce que c’est (ce qui ne risque pas d’arriver) on ne sera pas plus avancé.

    En fin de compte le trouble que vous exprimez dans ce billet et que j’ai tant de mal à ressentir moi même ne serait-il pas précisément lié à ce problème mal posé que je ne me pose pas? J’en viens à me dire que c’est aussi simple que ça.

    Pareillement, pour revenir aux épisodes récents, vous m’aviez laissé incrédule lorsque vous suggériez de remplacer le slogan « je suis Charlie » (certes discutable) par « je suis français ». Français, et alors? Les assassins aussi. Les cibles étaient ciblées parceque caricaturistes, policiers, ou juifs. Au Danemark étaient visés un caricaturiste suédois, peut-être une ukrainienne… et des juifs. Dire « je suis danois » était tout aussi hors de propos.

    En fait tandis qu’une bonne partie du peuple français se rassemblait dans les rues dans un mouvement sans précédent (archétypique de ce qui forge une identité nationale, à telle point que Le Pen pleurait de ne pas en être), toutes sortes de pisse-froid ergotaient sur le bien fondé d’un slogan. Mais enfin! Des français mobilisés en masse pour la tolérance ça a de l’allure. Voilà de quoi se sentir partie prenante d’une communauté. Des français défilant en masse pour dire qu’ils sont français, au contraire c’est absurde.

  • Je ne peux que recommander la lecture de l’excellent « Le Mystère français » d’Emmanuel Todd (j’ai oublié le nom du co auteur) où il semble apparaître que nous sommes tout autant fils de la religion, des Lumières, du communisme d’après-guerre, de l’éducation de masse, etc. avec des nuances selon les régions bien sûr. Une lecture rafraichissante, salutaire et surtout qui a le mérite de mettre en avant une construction nationale qui n’est pas dans l’opposition entre tous ces éléments, au contraire…
    Sinon, pour ma part, jamais je ne me sens autant français, et jamais je n’aime autant mon pays que quand je voyage… Il suffit d’aller voir ailleurs, notamment dans les pays du Sud, pour voir que nous n’avons pas à nous flageller et avoir honte de ce que nous avons construit, qui malgré les oiseaux de mauvais augure, est encore très solide.

  • Finlandaise1 a écrit :

    Autant que je sache, c’est en Egypte qu’on trouve l’église chrétienne la plus ancienne.

    Ce serait plutôt celle de Jérusalem 🙂 Cf aussi Acte 11,19 – notamment Antioche.

    Il n’est pas nécessaire de définir dans quelle mesure l’enracinement français porte plus ou moins à l’universalisme que l’enracinement allemand.

    Si justement ; à ce propos on se reportera à la fameuse conférence de Renan : « qu’est ce qu’une nation. »

  • @Koz, « Ce soir ou jamais », Antenne 2, samedi 20/02/2015, minuit quinze, c’est terminé, vous ne vous en êtes pas trop mal tiré. Dans ce genre d’émission celui ou celle que l’on remarque le plus ce n’est pas celui ou celle qui parle le plus mais celui ou celle qui parle peu et différemment du tam tam médiatique. Bravo, fallait le faire! 🙂

  • @jfsadys – en regardant l’émission j’ai eu l’impression de voir la version « coloriée » du bouquin édifiant de Jean-Claude Michea : « La Double Pensée ». Un véritable cas d’école : toute la théorie mise en musique avec une rare maestria. D’un côté l’on s’indigne pendant une heure de la triche d’un Jérôme Cahuzac en se drapant des livrées de la vertu et l’indignation, de l’autre la triche conjugale : bof, pas grave (wink wink). D’un côté la RATP nous donne des grandes leçons de civisme, de l’autre elle fait la promotion d’un stade ultime de l’incivilité ; et puisque la ratp fait la promotion de la triche, pourquoi je paierais mon ticket ?

    Et ces incohérences sont parfaitement vécues par les intéressés : d’un côté ils perçoivent bien la nocivité de la tricherie ; de l’autre ils en perçoivent le côté business. Schizophrènes : la seule distinction qu’ils font c’est la distinction, complètement artificielle, de publique/privée. Seule cette distinction permet de sauver leurs apparences. Tricher dans la sphère dite publique, c’est grave. Tricher dans la sphère dite privée, on s’en fout. Ca marche très bien avec leur vision anthropologique de l’homme-monade : l’homme-monade est l’anti animal social ou politique ; il n’a pas besoin de liens durables ; juste de points de contacts. Ils ne comprennent donc plus que dans la polis, tout acte est un acte social, donc moral.

  • @ Courtlaïus: Je ne connais pas le livre que vous mentionnez. J’en prends note. Je n’ai pas de commentaire à faire à votre commentaire si ce n’est que vous m’expliquez bien ce que je ressens dans ce type d’émission et dans le fonctionnement de notre société. Et avant de vous lire je n’avais pas vraiment les mots pour exprimer mon malaise intérieur face à la situation que vous décrivez. Koz « tranchait » dans le lot. Il y a une personne qui m’a intrigué aussi dans l’émission: la jeune femme qui avait une chaîne d’or autour du cou sur laquelle on pouvait lire « bitch ». Son discours était me semble-t-il aussi un résumé de ce que vous expliquez dans votre commentaire. Elle ne m’a pas du tout convaincu. Elle m’a laissé elle aussi un sentiment de malaise intérieur. Merci de votre commentaire qui me rassure sur mes états d’âme. 🙂

  • @ Courtlaïus: Et bien voilà je viens de lire la fiche Wikipédia sur Jean Claude Michéa. Je ne le connaissais pas du tout. Ce qu’il écrit me « parle ». J’ai trois ans de moins que lui. Je n’ai pas son niveau de culture et ses diplômes. Mais j’ai des points communs avec lui au niveau de l’enfance et du parcours politique. 🙂 Voici un lien sur un mouvement qui retiendra peut-être votre attention:
    http://jfs47.blogspot.fr/2015/03/le-distributisme.html

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