Retours de Medef | L'important, ce n'est pas la taille, mais la façon de s'en servir

Je n’étais pas à La Rochelle, aussi rigolo cela aurait-il pu être. D’abord, ils m’invitent jamais. Non, cette semaine, en matière d’Universités d’Eté, j’ai mangé des pommes. En quartiers. Thomas Serval[1] et moi-même avons en effet découvert avec une stupeur non feinte – yeux écarquillés, buste en avant, bouche ouverte – dans nos boîtes de pique-nique, un concept qui nous laissa derechef pantois en pleine période de « greenwashing » : des quartiers de pommes prédécoupés et ensachetés. Voyez-vous cela… Voilà un produit pleinement naturel, opportunément doté par notre Créateur d’un emballage portatif communément appelé « peau« , que l’on vient nous emballer d’un fil plastique. Pour la politique nutritionnelle, c’est bien joué, ok, mais pour la politique environnementale, on repassera… Quand nous eûmes fini d’en rire, nous prîmes la direction des ateliers. Et j’en finis avec le passé simple, parce que c’est élégant, mais c’est chiant.

*

Cette année, donc, le thème de l’UE du Medef était une question de taille : Voir en Grand. D’où le thème du seul atelier que j’ai pu suivre, « La France joue-t-elle encore dans la cour des grands ?« , et de la plénière d’ouverture, « Is USA still a giant ?« .

Alors quoi, un doute subit ? Une crise de confiance ? De la part des français, ce ne serait pas une surprise. Depuis la seconde guerre mondiale, c’est notre péché mignon. Et depuis la mort de De Gaulle et la disparition de notre a priori positif, notre malédiction. Nous sommes les champions d’un paradoxe achevé : capables à la fois de fustiger notre propre arrogance, de dénoncer notre insignifiance, et de prétendre avoir la voix qui porte. Il n’y a qu’à entendre les reproches faits ces derniers temps à notre politique étrangère par ceux-là mêmes qui, se targuant d’une lucidité univoque[2]. Comme le soulignait Alain Juppé, si nous voulons jouer dans la cour des grands, encore faut-il en avoir l’ambition. Il posait la question : « est-ce que la France y croit encore ?« . Thierry de Montbrial, de la même manière, relevait notre « obsession de la décadence« . Une obsession, il est vrai, mortifère et peut-être auto-réalisatrice.

Pourtant, à écouter Xavier Huillard (Vinci) et Jean-Bernard Lévy (Vivendi), la réponse à la question-titre de l’atelier est assurément, indubitablement, positive. S’exprimant pour son seul secteur de la construction et de la concession, Xavier Huillard soulignait ainsi que notre pays, relativement petit, « réussit l’exploit d’avoir les 1er et 2ème mondiaux« . Ces géants français sont au demeurant à leur place grâce à la politique publique française dans son secteur depuis les années 60. Ainsi, dit-il, « le plus long pont du monde, que nous construisons, entre le Qatar et Bahrein, est la conséquence directe de l’ambition française en matière d’aménagement du territoire« . Autre atout : la présence de scientifiques, et de domaines d’application sur notre territoire. Ainsi que le fait que la France soit à l’origine de la notion de concession, qui a permis le développement de sociétés comme Vinci, ou encore Veolia, d’exister. Enfin, Xavier Huillard émettait une observation, que je souhaite être vraie. Selon lui, en effet, la France dispose d’un modèle managérial qui a le vent en poupe, en période de crise d’un modèle US davantage financier et froid : un modèle qui mise sur l’homme, les problématiques sociales et environnementales.

De la même manière, Jean-Bernard Lévy rappelle que la France dispose, parmi les grandes entreprises, de leaders mondiaux. Il insistait toutefois sur la nécessité que les groupes français soient soutenus. Or il ne serait pas certain que Paris et Bruxelles aient bien saisi qu’il fallait se servir de nos entreprises comme de vecteurs de rayonnement. Deuxième menace, selon JB : notre retard d’investissement dans la recherche et l’université, ainsi qu’une relative inadaptation de notre système de grandes écoles d’ingénieurs, dont la sectorisation daterait du XVIIIème siècle.

Mais revenons à Thierry de Montbrial auquel il revint presque de conclure pour souligner que si, bien entendu, nous jouons dans la cour des grands et si nous le voulons toujours, il nous faut, plutôt que donner des leçons, être exemplaires ! Ainsi en matière de droits de l’Homme, ainsi dans l’utilisation que nous pouvons faire de la raison d’Etat : si nous couvrons l’affaire des frégates de Taïwan du manteau de la raison d’Etat, pouvons-nous vraiment dénoncer la corruption dans le monde ?

Être exemplaires. Façon de dire que l’important n’est pas tant de jouer dans la cour des grands que la façon d’y jouer. De la taille, et de la façon de s’en servir…

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« Is USA still a giant ? » Figurez-vous qu’il y eut, sur les cas français et américains des points de convergence. Car nous connaissons l’Amérique sûre d’elle-même et dominatrice[3]. Mais Dominique Moïsi nous a aussi entretenu de ce géant qui douterait, dominé par la peur, empêtré dans ses guerres. De cette Amérique qui a traversé plusieurs cycles de doutes. Pensons au Vietnam et à Rambo. Christine Lagarde, pour sa part, rappelait le caractère récurrent des annonces de fin du monde américain. De ces livres au titre évocateur, dont l’un des derniers et plus bruyants, de Charles Kupchan, The end of the American Era.

Selon Dominique Moïsi, les Etats-Unis on t à faire face à trois défis : la montée en puissance de l’Asie, le rôle de la Russie, et le Moyen-Orient. A propos de l’Asie, les Etats-Unis se trouveraient dans la situation de l’Europe à la fin de la seconde guerre mondiale, obligés d’accepter un certain passage de flambeau. Ils seraient à court terme démunis face à la Russie. Quant au Moyen-Orient (au sens large), Dominique Moïsi évoquait l’Afghanistan en des termes qui ne peuvent que résonner : « ne pas gagner la guerre, pour les Etats-Unis, c’est la perdre. Ne pas la perdre, pour les talibans, c’est la gagner« . Il soulignait enfin que les Etats-Unis sont confrontés à un défi majeur : être passés en vingt ans d’un symbole de liberté à un symbole d’oppression… De la taille. Et de la façon de s’en servir.

Voilà en somme un point commun. Mais les Etats-Unis apporteraient une réponse résolument différente à leurs doutes.

La France, pour l’ensemble des intervenants du premier atelier, joue toujours dans la cour des grands. Pour l’ensemble des intervenants du second, les Etats-Unis sont bien, toujours, un géant. Christine Lagarde notait aussi que, paradoxalement, la capacité des USA à exporter leur crise était encore une preuve de leur influence. Les Etats-Unis ont l’avantage de pouvoir s’appuyer sur une extraordinaire capacité de réinvention. A titre d’exemple, elle citait le sauvetage de Bear Stearn, réalisé en violation totale avec la parfait orthodoxie économique américaine. Elle soulignait surtout un point, qui mériterait d’être étudié : les Etats-Unis ne s’appuient pas sur un modèle, mais sur des valeurs. Au nombre de ces valeurs : (i) la self-esteem, (ii) la capacité à attirer les autres et (iii) la faculté de give-back (give back what you have received).

Voilà probablement une divergence entre nos deux pays. Car nous fonctionnons – moins – avec notre fameux « modèle social« , qui a sa légitimité, mais bride notre capacité de réinvention. Combien de fois ai-je lu que Nicolas Sarkozy bradait « l’héritage du CNR » voire même « le programme du CNR »[4] ? 64 ans après !? Et que dire de notre self-esteem[5] ? Et de notre capacité à give back ?

En ce qui concerne la self-esteem, Stuart Haugen, vice-président des Republicans Abroad France a eu vite fait de recadrer les débats en rappelant, avec une noble assurance, que les Etats-Unis ont encore le soft power, le hard power et le smart power… et le pouvoir d’imposer leur culture.

Mais ne nous lassons pas de nous rejoindre. L’intervention de Christophe de Margerie faisait en effet écho à la conclusion de Thierry de Montbrial. Il s’en échappait en effet surtout un leitmotiv : les USA, « c’est une référence, ça reste une référence, mais en principe, ça donne des devoirs« . Bref, de la taille, et de…

*

Surtout, quoi que certains veuillent en penser, nous sommes, avec les Etats-Unis, au coeur d’un même mouvement. En cela, les interventions d’Hubert Védrine et de Christine Lagarde se rejoignaient. Le premier soulignait que, en tant que pays, ils resteraient le pays n°1 mais qu’un phénomène les englobe, à savoir que les pays occidentaux sont en train de perdre leur capacité de mouvement, d’influence. Nous n’avons même pas pu faire plier la dictature birmane, nous ne faisons même pas peur aux chinois, et évidemment pas davantage aux Russes. Christine Lagarde employait une formule américaine évocatrice : ce n’est pas the decline of the west, mais the rise of the restpas « the decline of the West » mais « the rise of the rest« . « Galère » commune à tous les pays occidentaux…

*

*    *

Allez, fin de journée. Retour avec Eric Roux de Bézieux. Nous parlons francophonie et police academy, évangiles apocryphe, politique lyonnais bien sûr. Un petit tour par une République des blogs bouleversée par l’été et l’ingratitude du Pavillon Baltard, fermé sans prévenir. Nous finissons près de Saint-Eustache, pour un dîner qu’il prétend arrosé – ce qui n’est pas franchement mon genre, vous le savez depuis longtemps, rejoints par Romain Blachier, socialiste, huguenot et pas que, mais ça, je ne sais pas si j’ai le droit d’en parler, puis par Nicolas Vanbremeersch (formerly known as Versac).

Rien sur les pommes en conclusion.

  1. non, pas de lien vers son blog, puisque Thomas est seulement en train d’y revenir []
  2. en ce sens qu’il semble faire porter uniquement leur lucidité sur les faiblesses du pays []
  3. ben oui, Charles, faut pas déconner, tout de même []
  4. mon point n’est pas de discuter de la réalité ou non du reproche, juste d’en noter la nature []
  5. also known as estime de soi []

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36 commentaires

  • Bonjour,

    Merci pour cet article très intéressant.

    Une remarque cependant. Si le programme du CNR date d’une bonne soixantaine d’année, les valeurs américaines évoquées sont bien plus anciennes, datant quasiment d’avant la guerre d’indépendance.

    Peut-être que l’un des problèmes de notre pays est que nous avons beaucoup de mal, entre nos différents camps politiques, à nous définir des valeurs communes.

    Or, le programme du CNR était un consensus entre les mouvements de la résistance qui ont dirigé sans discontinuer depuis, droite et gauche réunies. Pendant une période, il y a eu un accord commun sur des valeurs et un programme.

    Bon, pour le programme, ce n’est pas forcément indispensable, mais pour les valeurs, il serait bon que l’ensemble des Français partagent des valeurs fondamentales communes. C’est malheureusement aujourd’hui loin d’être le cas…

  • Excellent billet pour quelqu’un qui comme moi, ne comprend pas grand chose à l’économie.

    en ce qui concerne les pommes, une anecdote sur les moules!
    La semaine dernière, j’ai vu des moules, dites « nettoyées », en promo 1 euro de plus le kg que lorsqu’elles sont « non nettoyées » (au passage, on peut noter peu de différence, à mon avis de femme d’intérieur)
    Eh bien , malgré les hurlements contre la baisse du pouvoir d’achat, il y avait la queue devant le rayon…

    Quand on ne peut plus nettoyer les moules, on ne peut plus non plus éplucher une pomme!
    Et puis ça permet de vendre plus cher, puis de critiquer l’augmentation du coût de la vie!

    C’est peut être ça aussi, l’ambition française au niveau de l’innovation! (et si on inventait les pommes à fermeture éclair?)

    Quant à la grandeur des USA, j’y crois toujours.
    La supériorité de ce pays par rapport au notre, c’est de prendre les compétences de chacun, de reconnaître les compétences de chacun, quelque soit l’âge, le sexe, la race et/les diplômes!
    En France, il faut avoir le diplôme « précis » pour occuper un poste « précis ».
    Et si par hasard, ce poste peut être pris par n’importe qui de capable, « on » s’empresse d’inventer un diplôme pour celui ci!
    Voire un Conseil de l’Ordre et/ou une hiérarchie….

    Au niveau fiscalité, je crois également que nous détenons le record de complexité et de freins à l’innovation. je suis surprise que vous n’en parliez pas.
    Car je me demande ce que pense le MEDEF de la nième taxe inventée par N Sarkosy pour financer le RSA!

    Très certainement, elle va faire avancer nos industriels, et tous ceux qui investissent en actions dans nos brillantes entreprises!

    On pourra toujours ensuite critiquer ceux qui vont délocaliser et/ou investir ailleurs et/ou essayer de partir vers des pays moins « sociaux ».

    Et je cois que vous avez raison, Matthieu, pour les valeurs, il serait bon que l’ensemble des Français partagent des valeurs fondamentales communes.
    Mais quelles valeurs communes?

    1- Le libéralisme du PS?

    2- L’assistanat à la française? (faire payer ceux qui travaillent et tâchent de ne pas dépendre de la société pour ceux qui s’en foutent, sans faire le tri entre ceux qui ont vraiment besoin d’aide et ceux qui en profitent)

    3- La valeur travail?

    4- L’optimisme?

    5- La reconnaissance des compétences, sans notion sous-jacente de discrimination et/ou de jugement ?

    ….

  • Hello Mathieu et bienvenue.

    Je ne saurais dater l’éclosion des valeurs américaines listées par Christine Lagarde. Mais à vrai dire, cela ne change guère le raisonnement. Pour ce qui est du programme du CNR, ce que je veux surtout dire, c’est qu’il me semble bien temps de cesser de nous référer au CNR ou à De Gaulle, sans les dévaloriser ni les nier, mais simplement parce que ces références vieillissent et qu’il nous faut nous adapter. Ce qui ne veut pas dire copier ce qui se fait ailleurs, et abandonner la French Touch évoquée par Xavier Huillard.

    Autre question qui me vient à la lecture de ton commentaire : avons-nous vraiment du mal à nous définir des valeurs communes, ou avons-nous du mal à trouver des valeurs communes « consistantes » (quoique les valeurs US citées ne le soient pas tant que ça), ou du mal à reconnaître que nous nous retrouvons globalement autour de valeurs communes (notamment liberté, égalité, fraternité) avec des variations ? Au-delà, les valeurs évoquées par Christine Lagarde ne sont pas des valeurs strictement politiques, clivantes : estime de soi, capacité d’attirance, et give-back.

    Il y a peut-être aussi un sentiment « communautaire » ou national que nous n’avons pas : avec des nuances (toujours), tous se reconnaissent positivement « américains ».

    Quant à notre fraternité, peut-être touchons-nous là à un effet pervers de notre système, déjà relevé : la fraternité devient statutaire, organisée par l’Etat, et moins personnelle.

    Tout ceci est évidemment à prendre avec des pincettes, comme toute considération générale sur un pays tout entier.

    Tara, ton exemple sur les moules est assez édifiant. Le mien est plus, je pense, à tendance bobo, raison pour laquelle je m’étonne de cette non-prise en compte des questions d’environnement, à laquelle ils sont censés être sensibles.

    La fiscalité ? Pas difficile de savoir ce que le Medef en pensait, cela a été dit dans la presse. Pour commencer, Jean-Bernard Levy a dénoncé le fait que, pour chaque idée nouvelle, nous nous sentions obligés de créer une taxe.

    Tu as probablement raison aussi sur notre attachement aux diplômes. Faut-il rattacher la façon de voir des US à leur « give-back », à cette volonté d’aider l’autre (globalement, parce que bien sûr, il y a aussi de beaux salauds) ?

  • La dernière pub Mac Do ? Un bel exemple de la puissance américaine : astronaute + statue de la liberté + cowboy. Et … le mac do, bien sûr…

    L’hyper puissance américaine, c’est 1/ une hyper mystification (dans son sens premier), 2/ une hyper consommation qui joue un rôle d’attracteur de mouvements énorme.

    Exemple ? la prius
    Elle a beau avoir été inventée au japon, décalquée dans les règlement ECO en Europe, c’est aux US qu’elle s’est vue et vendue !

    Quant aux Français, bien sûr qu’ils partagent les mêmes valeurs ! Je suis sûr qu’il y a moins de différence entre droite et gauche française qu’entre leurs alter ego respectifs anglais ou allemands !

    PS : Avez vous remarqué comme les représentants de notre principal partenaire économique sont très peu présents dans les médias ? Mis à part rappeler Séville 82 ou jouer à « c’est mieux chez les autres » comme dans l’émission « On refait le monde ! », on peut dire que l’anglophilie, c’est plus classe…

  • merci pour la petite (et c’est rejoints PAR romain blachier) dédicace et on peut dire le reste!Ce fut un vrai plaisir de te rencontrer en vrai agent de la réaction vaticane.Et puis arrosé, arrosé on est restés raisonnables malgrés l’incapacité des lyonnais que nous sommes avec Erick à s’adapter à la gastronomie parisienne.

    Ah et je ne suis pas Huguenot, le terme étant réservé aux protestants de vieille souche…Et moi je suis un catho rénégat!

  • C’est vrai, suis-je bête, il y a même un lien sur ton blog. Donc, le convive précité était huguenot, socialiste, et fran-mac. Un complet ! Et, renégat, tu ne m’en voudras pas mais vos subtilités de langage et vos déférences féodales envers l’aristocratie protestante, je ne m’en soucie guère, que cela soit dit.

    Arrosé, ce n’est pas moi qui le dit, c’est Eric. Et oui, effectivement, j’ai remarqué que vous développiez une certaine tendance au provincialisme, tous les deux. Faut pas trop vous sortir de votre… cocon de lyon, à ce que je vois… 😉

  • @ Koz: très bon billet (notez que je n’oublie plus les compliments 🙂 )

    Intéressant de voir que le déclinisme à la française n’est pas si universellement partagé qu’on pourrait le croire à première vue.

    L’analyse « valeurs contre modèle » me paraît très juste. S’il existe aussi un déclinisme US, il est moins marqué que le nôtre, grâce sans doute aux valeurs en question, au rang desquelles je rangerais volontiers l’optimisme dont les Américains savent presque toujours faire preuve.

    A propos d’optimisme: j’en vois une bonne dose dans l’idée que « la France dispose d’un modèle managérial qui a le vent en poupe, en période de crise d’un modèle US davantage financier et froid : un modèle qui mise sur l’homme, les problématiques sociales et environnementales ». Mettons que cela reste à démontrer. Sur ce point, le discours des dirigeants se ressemble beaucoup des deux côtés de l’océan, sur le mode « les hommes et les femmes de notre entreprise sont notre ressource la plus précieuse », blabla que démonte férocement quelqu’un comme Scott Adams. Sans forcément mettre en doute la sincérité de Xavier Huillard, il n’est pas certain que ses employés voient les choses de la même façon que lui.

    Pour finir, un peu de tétracapillotomie (on ne se refait pas): c’est « self-esteem ».

    @ Tara:

    Un peu cliché, non, la complainte impôts-assistanat-valeur travail ? Quant à la réaction du MEDEF sur la dernière taxe Sarkozy, elle est… comment dire… pavlovienne, oui. J’aurais presque pu rédiger les déclarations de Laurence Parisot avant qu’elle n’ouvre la bouche.

    Je vous rejoins, cependant, sur la question de la complexité. Sachant qu’il faut trouver 1.5 milliard quelque part, et supposant que l’arbitrage rendu consiste à augmenter les prélèvements plutôt que réduire les dépenses ou creuser le déficit, pourquoi doit-on absolument inventer un impôt nouveau ? Est-il vraiment impossible d’augmenter l’un de ceux, nombreux, qui existent déjà ?

  • @ Koz : l’exemple des valeurs que tu donnes me semble symptomatique des conflits français. Globalement, les Américains sont en accord sur les termes que Christine Lagarde évoquait.

    Par contre, les Français, s’ils adhèrent peut-être aux mêmes mots, les définissent complètement différemment. Pour répondre indirectement à un autre commentaire, que dire, par exemple, de l’écart de définition entre gauche et droite en France sur le terme « égalité », les uns la voyant comme l’égalité sociale, les autres comme l’égalité en droit.

    De même, autre exemple, le terme fraternité est vu totalement différemment entre gauche et droite, et, j’en suis sûr, entre les grands groupes politiques de chacun de ces deux blocs. Ce sont finalement des questions d’une extrême sensibilité en France.

    Maintenant, ces grands écarts rendent pour moi la vie politique française bien plus intéressante que la vie politique américaine, mais aussi beaucoup plus crispée. Mais cela, ce n’est que mon point de vue…

  • « il nous faut, plutôt que donner des leçons, être exemplaires ! Ainsi en matière de droits de l’Homme, ainsi dans l’utilisation que nous pouvons faire de la raison d’Etat : si nous couvrons l’affaire des frégates de Taïwan du manteau de la raison d’Etat, pouvons-nous vraiment dénoncer la corruption dans le monde ? »

    Tiens! Je me sens un peu moins seul.
    Je n’ai aucun doute sur le statut de grande puissance de la France, car je ne connaît pas beaucoup d’autres pays capables de faire et défaire des gouvernements étrangers et stationnant des troupes de façon permanente hors de leur frontière (côté africain évidemment).
    Aucun doute non plus sur le niveau de corruption (des politiciens francais – je précise) engendré par cet état de faits.

    Si les francais ont tant de mal à réaliser la puissance de notre pays, c’est en partie parceque ce que fait la France à l’étranger est assez peu reluisant.
    Du coup, les politiques ont tendance à soigneusement dissimuler, et les simples citoyens à détourner le regard de ce qu’ils n’aiment pas voir…

  • Mais cela nous différencierait-il des américains ? Ou faut-il croire que les citoyens américains développent une plus grande tolérance à la corruption des leurs que les français ?

  • La plus grande force des US selon moi, c’est l’optimisme. Un truc absolu, qui les force à avancer quoiqu’il se passe: leur modèle ou leurs valeurs, ils les tordent volontier pour arriver aux résultats qu’ils souhaitent.

    C’est valable autant économiquement que socialement du reste. Le diplôme est un décorum: en France, on attache plus d’importance à la manière de faire, à la cohérence du modèle, au décorum, alors qu’aux US ce qui compte, c’est le résultat. Ils ont l’esprit de compêt’, alors qu’en France, on est plus du genre « l’important c’est de participer ». Je caricature un peu, mais l’idée est là.

    Quant au management à la française, de mon point de vue d’employé de SSII, ça consiste surtout à reprendre plein de termes/modèles en provenance des US, mais avec cette petite touche française qui lui donne toute sa saveur… A savoir: surimportance du diplôme et absence de « give back » qui décourage tout investissement personnel (me taper des journées de 10-12h pour peut-être dans quatre ans, devenir « développeur niveau II junior » plutôt que niveau I, ça me fait bizarrement pas envie)… Bref, les valeurs françaises appliquées au modèle US, ça donne pas de la bonne tambouille si vous voulez mon avis!

  • Bonjour,

    Je me souviens il y a quelques semaines d’un article (d’une tribune ?) signé Valéry Giscard d’Estaing. L’ancien président y défend l’idée que la France n’est plus une grande puissance, ce terme convenant à la Russie, à la Chine, à l’Inde ou aux USA. Il pourrait convenir à une Europe politique unie et forte.

    La France étant une moyenne puissance, toujours d’après lui, elle doit être une des plus grandes, pour honorer par exemple son siège permanent à l’ONU.

    En recherchant cet article dans les archives du Point (vainement, désolé), j’ai aussi trouvé ce lien plus ancien qui complète bien ton billet, je trouve.

    http://www.lepoint.fr/actualites-chroniques/vge-face-a-la-chimere-francaise/989/0/65198

    Luc

  • Ce qui est assez marrant dans ce résumé, c’est que la grandeur d’un pays ne semble vu qu’au travers de l’économie. On ne fait pas allusion, à la culture notamment.
    Alors qu’en lisant le reportage de Koz, il y a de quoi s’inquiéter aussi sur ce sujet, entre le green-washing, le self-estime, notre capacité à give back, on en perd un peu notre latin !
    Pourtant avec les présences de Christophe de Margerie, Thierry de Montbrial et Eric Roux de Bézieux, on a l’air entre gens biens et de bonne éducation. Ca sent bon, le patrimoine français et le terroir. Alors pourquoi utiliser cette langue barbare en franglais ? effet de style ?

    Ceci dit, pour rebondir sur les prénoms et noms, si on fréquente les cours de récréation, il n’y a guère de Charles Henry de Roux Bézieux Montespant, mais on croise des Jarod, des Kevin, des Jonathan, des Jimmy preuve que nous subissons quand même de plein fouet la culture des séries américaines et de leurs films.

    Kevin fait sa rentrée aujourd’hui, il a mis son maillot des Chicago Bulls, le Ipod vissé aux oreilles, il écoute le dernier 50cents. Son pote Mickael lui montre son dernier portable Nokia TM « connected people » parce qu’il le vaut bien, il a download cette nuit l’intégrale des Artics Monkeys avec sa connexion full HD dolby surround blue ray.

    Pendant ce temps là, Pascal Nègre regrette le passé où il percevait tranquillement sa rente de situation, et demande aux gouvernements de légiférer. Il y aura donc une taxe sur les connexions, une taxe sur les mémoires, une taxe sur les taxes. Au MEDEF, ils sont bien gentils de rouspéter après les taxes, mais ce sont les premiers à demander à ce que l’état garantisse leurs petites rentes tranquillous.

  • Concept très développé en Angleterre notamment pour faire bouffer plein de fruit aux gens c’est pas si bête. Je parle des pommes bien sûr. Le reste n’ayant rien à voir avec mon commentaire.

  • Eh bien, quelle ambition, VGE !

    On rêve. C’est l’été… La France est au repos. Puisse-t-elle choisir, quand elle aura refait ses
    forces, de devenir une « grande puissance moyenne » !

    Fixons-nous donc un objectif ambitieux : devenir une grande puissance moyenne. Je vois mal la nécessité de formaliser une ambition revue à la baisse. On peut le faire, sans s’étaler. Et il est préférable de se fixer un objectif ambitieux, vu que généralement, on atteint le niveau du dessous.

    Quant au fait que les prétentions de la France irritent prétendument « la communauté internationale »… On peut se taire pour pas gêner mais nous en sera-t-on vraiment reconnaissants, comme VGE l’affirme ? Cela sera-t-il « salué favorablement » comme il l’écrit ? Cela me semble un peu naïf. Je pense plutôt que la communauté internationale se réjouira d’enterrer la voix de la France, sans autre forme d’hommage. Et puis, je ne peux m’empêcher de penser (sur le plan historique, cela me semble encore valable) à l’exemple de De Gaulle qui a certes brisé menues les … de Churchill et de Rossevelt, mais grâce auquel on a sauvé un peu de l’honneur de la France, et évité l’AMGOT.

  • Koz,

    Un objectif doit être ambitieux, mais aussi réaliste.

    Un pays seul, en dehors de l’utopique Europe puissance, en faillite financière peut-elle être une grande puissance ?

    Voir pour cela les discussions sur l’état de nos soldats sur les fronts. Voir que la libération d’otages de piraterie en mer de passagers d’un voilier a eu lieu de justesse, les moyens utilisés de la marine ayant fini en panne car trop vieux.

    Être une grande moyenne puissance, assainir nos finances et essayer de rejoindre le peloton de tête ensuite me parait plus sain que de vouloir rester au top sans en avoir les moyens.

    Il y a longtemps que je suis convaincu que mon pays doit être l’Europe, et que les pays membres de l’Europe ne sont plus assez fort individuellement pour exister.

    Pour finir sur une anecdote, il y a 2 ou 3 olympiades que je compte les médailles du drapeau bleu à 12 étoiles d’or et non pas celles des pays constitutifs, et là, oui, les résultats sont ceux d’une puissance.

    Avoir comme objectifs (au pluriel) d’être une grande moyenne puissance et en même temps de faire une Europe nation unie, forte, avec une constitution, un président, une armée, etc. est-ce tant que cela manquer d’ambition ?

    Luc

  • Pas une « grande moyenne puissance », une « grande puissance moyenne » 😉

    Un pays seul, en dehors de l’utopique Europe puissance, en faillite financière peut-elle être une grande puissance ?

    Probablement pas, mais personne ne nous demande d’aller au-devant des espoirs fous de ceux qui prendraient volontiers notre place.

    Inutile d’appliquer un libellé quelconque. La France ne revendique pas, littéralement, d’être « une grande puissance », avec l’étiquette et tout le tremblement. Elle revendique de pouvoir compter dans le monde. Et ça, je vois mal comment on peut y parvenir sans viser au plus haut.

    Sans que cela n’empêche d’œuvrer à l’unification de l’Europe.

  • @Koz

    « Mais cela nous différencierait-il des américains ? »

    Réflexe on ne peut plus typique. La France est criticable, OUI MAIS, les USA aussi. Ce n’est pourtant pas à celà qu’invitait Thierry de Montbrial!
    Pour ma part je ne voie pas bien ce que les américains viennent faire là dedans, je propose simplement de balayer devant notre porte.

    Pour essayer de répondre quand même un peu à votre question, oui, je pense que la CIA a eu une facheuse tendance à faire et défaire des gouvernements en amérique du sud. Récemment même, les USA n’ont pas caché leur soutien à la tentative de coup d’état contre un président démocratiquement élu : Hugo Chavez. Il est fort possible aussi que quelques valises de billets continuent de partir de Colombie pour atterir aux US, comme d’autres partaient du Congo pour arriver à la mairie de Paris.
    A part çà, il y assez peu de points communs il me semble.
    Les USA n’ont pas de colonies. Hugo Chavez et finalement resté au pouvoir, Evo Morales a été élu à son tour, et on ne parle plus beaucoup de coups d’états ni d’élections truquées en amérique du sud.
    On ne peut pas dire la même chose de l’Afrique francophone.
    De plus, il me semble que la justice est beaucoup plus respectée aux US qu’en France, où l’on a assisté à des campagnes de dénigrement des juges par les politiques (principalement de droite – désolé) qui n’ont d’équivalent qu’en Italie. Un signe?
    Donc, le système américain moins tolérant vis à vis de la corruption? Peut-être bien.

    Ce qui me sidère, c’est le volume de papier consacré, par exemple, à Sarkozy et aux droits de l’homme en Chine. Doit’il y aller? Va t’il rencontrer le Dalaï Lama? Sinon sa femme? Rama Yade? Kouchner y va/n’y va pas/y va/n’y va pas/y va mais…
    Et chacun d’affûter ses arguments : les droits de l’homme, notre impuissance, la realpolitik, l’aplaventrisme de Sarkozy vis à vis des dictateurs, etc. Alors que tout le monde sait très bien que notre capacité à modifier la situation politique en Chine, ou en Russie, est quasi-nulle.

    A côté de çà, prenons le Tchad (je sais je me répète).
    Dictature ubuesque se maintenant par la fraude et par les armes.
    Tandis que Déby réussi l’exploit de coaliser contre lui les oppositions politiques, armées, la société civile, et même un partie de son propre clan.
    Tandis que le FMI prend d’infinies précautions pour que ses prêts ne soient pas utilisés pour acheter des armes, tandis qu’un scandale éclate en Suisse parcequ’un avion de tourisme privé vendu au Tchad a été équipé sur place d’armes de guerre, tandis que l’ONU, les USA, l’UE, font tout pour contraindre Déby à respecter les accords politiques signés en 2006 (qui prévoyaient de limiter un peu son pouvoir) et à organiser des élections, bref… tandis que Déby fait l’unanimité contre lui, qu’observe t’on?
    On observe que la France fournit, par sa présence militaire, une assurance vie au régime de Déby.
    Qu’elle organise intégralement des élections où l’on vote quasiment un fusil sur la tempe.
    Que les cadres et les instructeurs de l’armée tchadienne sont des coopérants francais.
    Que les dirigeants de l’opposition sont arrêtés sur un coup de fil délateur de l’ambassadeur de France.
    Que la fourniture de munitions est organisée par l’intermédiaire de Khadafi.
    Que Michèle Alliot Marie annonce le don de matériel militaire à l’armée tchadienne (dont des véhicules blindés).
    Que Bouygues est mis à contribution pour creuser une gigantesque tranchée autour de la capitale – payée en partie par le contribuable francais, via l' »aide au développement ».

    Face à celà, a t’on entendu, en France, le moindre débat sérieux sur la situation des droits de l’homme au Tchad? Sur le bien fondé d’un soutien aussi massif?
    Non, quasiment rien.
    Sarkozy prétend avoir défendu la légalité.
    Rama Yade déclare sur les ondes que le Tchad est un état démocratique.
    Kouchner s’en va demander aux opposants politiques de se calmer et de faire des concessions.
    Le PS reste silencieux.
    De vagues critiques dans quelques journaux, sur le moment, et c’est tout.
    Circulez, y a rien à voir… ou plutôt : nous ne voulons rien voir, parceque ce n’est pas très joli.

    Le même silence a été observé lors de la publication récente du rapport rwandais sur l’implication francaise dans le génocide. Déjà publié, déjà oublié.

    Troublante dissymétrie n’est-ce pas?

    Comment, ensuite, avoir un regard objectif sur notre propre puissance si nous refusons d’en observer l’usage?

    Et la « lucidité univoque » que vous évoquez ne serait-elle pas une façon commode de garder bonne conscience en n’observant que notre impuissance?

    Le problème est que, à part nous, tout le monde voit très bien se qui se passe. La remarque de Montbrial me semble donc très pertinente.

  • Réflexe on ne peut plus typique. La France est criticable, OUI MAIS, les USA aussi. Ce n’est pourtant pas à celà qu’invitait Thierry de Montbrial! Pour ma part je ne voie pas bien ce que les américains viennent faire là dedans, je propose simplement de balayer devant notre porte.

    Ce n’est pas non plus le sens de ma réaction. Désolé si cela retire à la typicité du réflexe. A vous lire, donc, la mauvaise image de leur pays qu’auraient les français serait due au comportement de la France à l’étranger. D’où ma question, que je veux bien expliciter : croyez-vous ? Les Etats-Unis ne sont pas spécialement plus clean à l’étranger, ce qui n’affecte pas véritablement l’image qu’ont les américains de leur propre pays. Je ne suis, donc, pas certain de l’impact.

    Le même silence a été observé lors de la publication récente du rapport rwandais sur l’implication francaise dans le génocide. Déjà publié, déjà oublié.

    Je ne suis pas certain qu’il faille accorder un crédit particulier à un rapport produit par le régime de Kagamé. Si vous êtes sceptique sur la « vision officielle » française du génocide rwandais, vous devriez
    faire preuve du même scepticisme à l’égard de la vision officielle rwandaise.

  • « A vous lire, donc, la mauvaise image de leur pays qu’auraient les français serait due au comportement de la France à l’étranger. D’où ma question, que je veux bien expliciter : croyez-vous ? Les Etats-Unis ne sont pas spécialement plus clean à l’étranger, ce qui n’affecte pas véritablement l’image qu’ont les américains de leur propre pays. Je ne suis, donc, pas certain de l’impact. »

    Je comprends mieux votre question, moins typique qu’attendue en effet, mais ma réponse ne varie pas. Les situations francaises et américaines ne sont pas identiques, c’est ce que j’ai essayé d’expliquer.
    Pas plus clean, la politique US, c’est vous qui le dite.
    Si vous relisez mon message vous verrez que je ne suis pas forcément du même avis.
    Les Etats-Unis n’ont pas la mainmise sur des post-colonies, l’Amérique du Sud n’est pas l’Afrique, la justice est plus indépendante, etc.
    Donnez moi donc un exemple de dictature du type tchadien qui ne tienne que par le bon vouloir de George Bush ou de quelques généraux US pour voir?

    « Je ne suis pas certain qu’il faille accorder un crédit particulier à un rapport produit par le régime de Kagamé. Si vous êtes sceptique sur la “vision officielle” française du génocide rwandais, vous devriez faire preuve du même scepticisme à l’égard de la vision officielle rwandaise. »

    Et hop, vous redevenez typique. 😉
    Balayons d’un revers de main ce qui nous dérange.
    Le seul hic dans ce raisonnement, c’est qu’il n’y a rien de bien nouveau dans le rapport rwandais (qui a par ailleurs été confié à des personnalités reconnues plutôt qu’à des sbires de Kagamé), qui ne fait que répéter des choses déjà décrites par des témoins – occidentaux entre autres, en leur ajoutant des témoignages précis.
    Si tel ou tel témoignage est peut être faux, le principe global d’une alliance sur le terrain entre les milices génocidaires et l’armée francaise ne fait aucun doute, à part en France…
    L’opération turquoise, c’était exactement çà : une manoeuvre de soutien aux milices génocidaires au moment où elles étaient mises en déroute par le FPR. Cette opération n’a fait que prolonger le génocide dans la zone sous contrôle gouvernemental.
    La France a joué dans cette affaire contre l’ONU, voyez ce qu’en disait récemment le Général Dallaire qui commandait la force onusienne au Rwanda :

    « Ayant encore une mémoire très vive des événements, le général à la retraite a dit qu’il avait reçu M. Kouchner à son quartier général de Kigali, capitale du Rwanda, le 17 juin 1994. Le génocide avait commencé deux mois et demi plus tôt et avait déjà fait des centaines de milliers de victimes, surtout tutsies.

    Les miliciens extrémistes hutus, qui commettaient les massacres, bénéficiaient du soutien de l’armée et de la gendarmerie du gouvernement intérimaire, a-t-il expliqué. Mais l’armée gouvernementale était en déroute: le Front patriotique rwandais (FPR, à majorité tutsie) gagnait sans cesse du terrain.

    M. Kouchner a dit à M. Dallaire que la France allait déployer un fort contingent de soldats «pour protéger les gens contre les tueries». «J’ai refusé ce concept, a dit le général. Si la France voulait apporter son aide, elle n’avait qu’à renforcer la mission de paix des Nations unies, en nous donnant enfin les ressources nécessaires pour agir.»

    La Mission des Nations unies pour le Rwanda (la MINUAR) était cruellement privée de soldats et de ressources. Le 21 avril, au Conseil de sécurité des Nations unies, la France avait voté la réduction de 2700 à 450 Casques bleus. La France ne pouvait pas apparaître comme une force neutre au Rwanda: au cours des années précédentes, elle avait aidé les forces armées rwandaises (hutues) contre le FPR, a rappelé M. Dallaire.

    Le 22 juin débutait «l’opération Turquoise». Le lieutenant-général canadien a constaté que les forces envoyées par la France avaient des équipements offensifs, et non humanitaires: «C’était une force exceptionnellement puissante, avec des avions chasseurs Jaguar, des mortiers lourds, des troupes d’élite, entraînées pour se battre. Elle n’avait pas de camions, d’hélicoptères ou d’autres équipements utiles au travail humanitaire.»

    «Les Français ont établi une ligne pour permettre aux Forces armées rwandaises (hutues) et aux extrémistes de se sauver. Ils avaient mobilisé des soldats de leurs anciennes colonies, comme le Sénégal et le Congo. Les Français ont pris – en fait, volé – les véhicules des Nations unies. Les soldats africains de l’opération Turquoise ont eu des accrochages, si bien que les gens pensaient que c’était les Casques bleus qui avaient tiré sur eux. On a été obligé de renvoyer tous nos officiers et soldats africains francophones, parce qu’ils étaient devenus des cibles, ce qui nous a affaibli encore plus.»

    http://www.cyberpresse.ca/article/20071004/CPACTUALITES/710040744/1019/CPACTUALITES

    L’utilisation de ce rapport par Kagamé, dans un contexte diplomatique tendu (la France n’a toujours pas abandonné la lutte contre Kagamé, armant des milices hutues dans des états voisins, et bloquant les aides de l’ONU quand elle le peut, c’est le plus invraisemblable dans cette histoire), çà c’est une autre histoire. La pire des issues serait pour moi que Sarkozy et Kagamé enterre le rapport à la suite d’un deal.

    Si vous souhaitez lire un rapport antérieur, écrit par des francais plutôt que par des rwandais, vous pouvez en trouver un ici :
    http://cec.rwanda.free.fr/documents/Publications/horreur.htm
    mais je vous préviens, il décrit à peu près la même chose…

  • Avant d’envoyer balader pour je ne sais quelle raison le rapport de mon dernier lien, lisez je vous prie.
    Ce rapport contient des témoignages fort intéressants.
    Notament, sur l’opération turquoise, celui d’Edouard Balladur (premier ministre), et de Patrick de St Exupéry (journaliste du figaro qui était sur place), et bien d’autres.

    Cette page vous ouvrira peut-être les yeux :
    http://cec.rwanda.free.fr/documents/Publications/Version-Html/k_lc26marsTur.htm

  • L’actualité vient apporter encore un peu d’eau à mon moulin, qui déborde déjà…

    La Banque Mondiale se retire du projet pétrolier de Doba
    http://www.rfi.fr/actufr/articles/105/article_72167.asp

    « Pour la Banque Mondiale, le message est clair et sans appel: l’accumulation du non respect par le Tchad des clauses de cet accord pétrolier de Doba était devenue insupportable. « C’est notre crédibilité que nous sommes en train de jouer », dit-on au siège de la Banque à Washington.

    Les surfacturations dans les infrastructures, le détournement de fonds et l’utilisation de l’argent du pétrole à des fins militaires, rien ne pouvait échapper aux yeux de la Banque Mondiale. Robert Zoellick, son patron, a donc décidé de ne plus cautionner un accord pétrolier qui ne fonctionnait pas. »

    Dites moi Koz, pouvons nous au moins tomber d’accord sur le fait que le soutien de ce régime par la France nous fait honte?

  • Gatien, montrez-moi, une fois, un jour, et rien qu’une fois, votre capacité à vous montrer fier d’une action de la France, et nous en reparlerons.

  • L’opposition à l’invasion US en Irak?
    Le rôle historique de la France dans la construction européenne?

    Votre question est très étrange à vrai dire, dans un contexte où je dénonce une action de la France en Afrique qui va à l’encontre des valeurs humanistes et chrétiennes.
    Pour justifier la honte, il faudrait prouver simultanément la fierté? Schyzophrénie es-tu là?
    Il est, de plus, assez inélégant de répondre à ma question par une autre.

    A ma petite échelle individuelle, une seule chose me permet de ne pas avoir trop honte lorsque je suis face à un camerounais, un tchadien, ou un ivoirien, c’est le fait de me désolidariser de l’action de la France dans ces pays. Heureusement, il est assez naturel, pour ceux qui vivent sous un dictature, de ne pas reprocher au simple citoyen l’action des dirigeants. Ce n’est pas pour autant un motif de fierté, vu mon impuissance à changer les choses.

    Je me sens solidaire de personnalités ou d’ONG francaises qui tentent de changer les choses, des journalistes de La Croix qui décrivent les situations de manière lucide, ou des trop rares coopérants/militaires qui parviennent à rester intègres(*). Mais de l’action globale de la « France » en Afrique, j’ai bien du mal à tirer la moindre fierté.

    Et pour rester on-topic :
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2008/09/10/les-eaux-troubles-de-la-construction-navale_1093462_3224.html#ens_id=1093470

    (*): Passée la frontière, il semble difficile pour beaucoup de résister au relativisme moral le plus extrême – ce qui constitue un élément explicatif non-négligeable, cf. Mitterand : « dans ces pays là un génocide ce n’est pas très important », cf. Chirac « l’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie », cf. Sarkozy « Omar Bongo est le plus vieux président africain, et dans ces pays là l’âge ça compte ».

    Plusieurs de mes connaissances sont rentré en France après quelques années, de peur de sombrer eux-même dans çà :

    « Moi monsieur j’ai fait la colo,
    Dakar, Conakry, Bamako.
    Moi monsieur, j’ai eu la belle vie,
    Au temps béni des colonies.
    Les guerriers m’appelaient Grand Chef
    Au temps glorieux de l’A.O.F.
    J’avais des ficelles au képi,
    Au temps béni des colonies.

    refrain :
    On pense encore à toi, oh Bwana.
    Dis-nous ce que t’as pas, on en a.
    Y a pas d’café, pas de coton, pas d’essence
    En France, mais des idées, ça on en a.
    Nous on pense,
    On pense encore à toi, oh Bwana.
    Dis-nous ce que t’as pas, on en a.

    Pour moi monsieur, rien n’égalait
    Les tirailleurs Sénégalais
    Qui mouraient tous pour la patrie,
    Au temps béni des colonies.

    Autrefois à Colomb-Béchar,
    J’avais plein de serviteurs noirs
    Et quatre filles dans mon lit,
    Au temps béni des colonies.

    (refrain)

    Moi monsieur j’ai tué des panthères,
    A Tombouctou sur le Niger,
    Et des Hypos dans l’Oubangui,
    Au temps béni des colonies.
    Entre le gin et le tennis,
    Les réceptions et le pastis,
    On se s’rait cru au paradis,
    Au temps béni des colonies.

    (refrain)

    (Paroles : Michel Sardou)

  • Non, Gatien, c’est certain, vous n’êtes pas schizophrène. Vous êtes même parfaitement cohérent, puisque vous n’avez qu’un thème d’intervention sur ce blog : la honte de la France.

  • Bon… Apparemment, à force d’efforts, vous êtes finalement arrivé à ce que vous cherchiez. Coller une étiquette.
    Je suis au moins flatté de ne pas être allé directement dans la case anti-sarkozyste sans passer par la case départ…

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