Ils croient défendre Polanski, ils l'accablent

Parce que lui « ne peut plus se taire », ils l’ouvrent. Kundera, Levinas, Finkielkraut. Et leur réponse est sidérante, de pauvreté, et de maladresse. Pourtant, c’est Kundera. Pourtant, c’est Finkielkraut. Et c’est Levinas (fils, tout de même). On ne peut écarter leurs positions comme celle d’un vulgaire ministre de la culture. Ca vaut le retour.

Kundera. Son nom ne peut que m’évoquer L’insoutenable légèreté de l’être et je lui dois une belle émotion, sans même parler des passages érotiques. J’étais en classe de première et je n’ai pas compris son livre. Pas plus que je n’ai vraiment compris Rhinocéros de Ionesco. Mais pour celui qui devait s’infliger le laborieux Zadig, de Voltaire, leurs œuvres exhalaient un parfum d’exotisme et de révolte qui seyait parfaitement à sa pubescence. Las, c’est sur Zadig que l’examinatrice épaisse devait m’interroger. Milan Kundera est donc pour moi le nom d’une passion adolescente contrariée.

Aussi la vacuité de sa défense afflige mon cœur nostalgique. Milan Kundera vient au secours de Polanski  pour nous dire de balayer ces choses, comme le droit – dont il prend le parti de ne pas dire un mot – pour « voir l’existence humaine dans toute sa réalité concrète ». Pourtant il l’affirme par trois fois, par trois fois il le répète : il « ne le connaît pas », il « ne l’a jamais rencontré », il ne le « connaît pas personnellement ». Ah, Milan, Milan, je t’aimais tant. Mais quelle est donc « l’existence humaine dans toute sa réalité concrète » que l’on peut discerner chez un homme que l’on ne connaît pas ? Le propos n’est certes pas fou : laissons parler notre cœur. Encore faudrait-il que nous connaissions, vous, et nous, cette existence.

Polanski est un grand réalisateur, il a connu l’horreur de la Shoah, les drames personnels : voilà tout. L’affaire est résumée. Il ne devrait donc pas être jugé.  Milan Kundera évoque la douleur du sort de Roman Polanski, le poids de l’accusation. Pas celui de la culpabilité, notez bien, non, celui de l’accusation. « L’homme accusé est toujours en prison. L’accusation occupe entièrement sa tête, l’empêche de penser à quoi que se soit d’autre, le prive de vie ». Ah, si seulement, si seulement… Comme ces lignes auraient été justes, Monsieur Kundera, appliquées à la vie de l’enfant violée ! Toujours en prisonOccupe entièrement sa têteLe prive de vie. Quel aveuglement vous a empêché de percevoir ce parallèle si évident ?

Kundera – qui, il est vrai, a une dette – mobilise tout, et pas moins que l’europe ! C’est « l’art européen », c’est « sa littérature », c’est « son théâtre qui nous ont appris à déchirer le rideau des règles juridiques, religieuses, idéologiques, et à voir l’existence humaine dans toute sa réalité concrète ». Le combat pour Polanski doit être grandiose, universel. Il fallait un intérêt supérieur, pour dépasser la triste réalité de l’acte : ce sera, donc, la culture européenne. Défendre Polanski, c’est nous défendre nous-mêmes. Peut-être même contre cette « Amérique qui fait peur« .

La chute est terrible, où nous chutons vraiment. Si par chance il avait pu nous émouvoir, il nous perd définitivement à l’évocation poignante de « cette cruelle pantomime qui se joue dans un chalet suisse« . La lecture s’achève donc dans un éclat de rire sonore. Cruel[1], le chalet suisse ? Alors on relit : un sens caché, un second degré, nous auront échappé ? Mais non. Le burlesque du point final était involontaire.

Michaël Levinas poursuit, dans une dramatisation lourde, pataude. Son papier s’appellera « visite à l’homme seul« . Pour lui, « il y a danger pour Polanski ». Et il revient sur « son histoire, qui a été celle du Juif enfermé dans le ghetto de Cracovie », dans un parallèle finalement abject avec la situation actuelle. « Cette épreuve de plus, il n’est pas sûr de la supporter ». Si l’on ne gardait pas le sens de la mesure et un reliquat d’éducation,  on citerait volontiers deux ou trois affaires célèbres dans lesquelles les prévenus ont tenté de jouer l’état de santé, dans des cas plus caractérisés.

Finkie, lui, renvoie, encore, à la notoriété de Polanski, qui serait la cause de l' »acharnement » qu’il subirait. Le retournement est assumé, mais il ne s’appuie sur rien. Si ce n’est, peut-être, que le pied-de-nez tridécennal public de Roman Polanski aux autorités judiciaires américaines a pu en irriter plus d’un. Mais le fait est qu’aujourd’hui, Polanski ne recevrait pas les soutiens qu’il reçoit s’il était anonyme. Finkielkraut invoque encore l’âge de Polanski, dernier remords peut-être de celui qui n’a pas osé, tout de même, convoquer l’antisémitisme.

Ces défenses sont malhabiles, impropres à émouvoir d’une quelconque manière l’opinion publique, à supposer encore que telle soit leur intention véritable. Il est sidérant de voir ce milieu artistique invoquer, les uns après les autres, le talent, le génie, comme si un génie ne pouvait pas être dans le même temps un sale type. Comme si l’invocation même de son talent artistique ne soulignait pas que ce qu’ils réclament, c’est, bel et bien, un traitement d’exception. On nous annonce encore, pour ce soir, une pétition des cinéastes, « pour défendre l’art et l’homme ». L’art est-il donc en cause ici ?! Cruelle pantomime qui se joue dans un palais cannois…

C’est cette disproportion, cet excès… Faut-il se lever pour protester contre le traitement infligé à Polanski ? Faut-il vraiment, Monsieur Kundera, convoquer l’Europe, notre art, notre littérature, notre théâtre, notre culture, notre humanité en somme, pour un homme qui ne finira pas sa vie derrière les barreaux, comme on veut nous le faire croire, mais qui encourt « simplement » deux ans de prison[2] pour ce qui était bien, avant négo, le viol d’une fillette ? Deux ans de prison, maximum, dont seront encore retranchés autant de jours passés dans sa résidence suisse. Un jour à Gstaad pour un jour en taule, le deal n’est pas révoltant.

La justice américaine s’est-elle donc montrée si inhumaine en acceptant cet accord, en ne condamnant Polanski qu’à 90 jours de détention ? S’est-elle montrée si totalitaire que l’Europe doive se mobiliser ? Oui, la « réalité concrète de l’existence » de Roman Polanski est hors du commun. Oui, bien sûr : l’horreur du ghetto de Cracovie, l’assassinat de sa femme. Peut-être, aussi, même si c’est douteux, le pardon de la victime. Peut-être encore l’idéalisation de l’image de la mère. En prime, l’absence de récidive en trente ans.

Tout ceci était à dire à son juge. Encore faudrait-il ne pas mépriser la justice des hommes, justice médiocre pour Yann Moix, justice de gens ordinaires pour Luc Rozensweig, justice indigne de Polanski. S’il avait simplement choisi de faire face, croyez bien qu’il en aurait trouvé, et par centaines, des soutiens dans l’opinion publique. Pour qu’il reçoive une peine, peut-être, mais une juste peine.

  1. bonus track []
  2. voir ici également []

46 commentaires

  • Avant que ça reparte en débat… c’est beau, merci… snif, j’ai presque versé une larme. Ca me fiche un coup aussi ces soutiens « inattendus » (inattendus pour moi).

  • « Polanski est un grand réalisateur, il a connu l’horreur de la Shoah, les drames personnels : voilà tout. L’affaire est résumée. Il ne devrait donc pas être jugé.  »
    Les pédophiles ne sont il pas souvent victime eux mêmes ? on ne devrait pas les juger ?

    « Finkielkraut invoque encore l’âge de Polanski, dernier remords peut-être de celui qui n’a pas osé, tout de même, convoquer l’antisémitisme. »
    Google AdSense fait la moitié du chemin, ils ont insérer une pub pour Israël en fin du post. (lors de ma consultation):-)

  • On peut être artistiquement génial et avoir commis un acte pédophile, le cas de Polanski le prouve, mais le cas du Fr. Pierre Etienne de la communauté des Béatitudes pourrait rentrer dans ce genre d’exception si l’on commence à en faire. Quand on entend ce qu’il a composé, harmonisé, comment il improvise à l’orgue, etc. on ne peut pas nier une forme de génie artistique. Il n’empêche qu’il mérite aussi ce que mérite un violeur de fillettes et de garçonnets. Au même titre que Polanski ou d’autres.

  • @ BobLaBricole:
    A titre préventif, hein : on va tâcher d’éviter les allusions indélicates.

    @ Nicolas: il mérite même davantage puisque lui a récidivé, manifestement. Et, à titre personnel, comme toi j’imagine, j’attends davantage de lui que d’un réalisateur.

  • Autre réflexion complémentaire : n’est-on pas face à une dérive de la justice qui tend à assimiler tantôt la personne à ses actes, tantôt les actes à la personne ? Ainsi, en allant chercher dans la psychologie, la psychiatrie, on essaye d’expliquer en quoi un acte serait inhérent à la personnalité du coupable, intrinsèque à sa personne. On assimile ainsi l’acte à la personne. A l’inverse, lorsqu’on est face à une personnalité de génie artistique, ces éléments de génie vont comme excuser l’acte.

    Je me demande de plus en plus si c’est l’acte qui est jugé ou si c’est la personne. Il y a là un vrai débat, en particulier en regard d’une certaine récupération que fait la modernité de la théologie chrétienne qui pourrait faire de la notion « d’intention » un absolu pour déterminer le caractère pécamineux d’un acte. Or, si l’intention et la liberté participent à décrire la gravité d’un péché, en plus de la matière grave ou non, faut-il transposer cette approche théologique sur un plan pénal ? La modernité a cette fâcheuse tendance à extrapoler cette notion d’intention non pas aux circonstance de l’acte reproché, mais à la vie de toute la personne prise dans sa globalité, psychologie et aptitudes artistiques comprises. On est là dans une dérive complète qui assimile l’homme à ses actes, ce qui est fondamentalement non-chrétien puisque la justice divine hait le péché, mais aime le pécheur

  • « @ Nicolas: il mérite même davantage puisque lui a récidivé, manifestement. Et, à titre personnel, comme toi j’imagine, j’attends davantage de lui que d’un réalisateur. »

    => oui, c’est éminment abjecte cette histoire de Fr. Pierre-Etienne. Au passage, en complément il est intéressant de lire un compte-rendu réalisé par des enfants de communautaires de la communauté des Béatitudes, publié par Golias (une fois n’est pas coutume !) http://golias-editions.fr/spip.php?article1863&debut_rub_droite=8

  • Excellent article Koz, extrêmement bien documenté. Merci pour ta mention.

    Tu fais bien de dénoncer à quel point les intellectuels peuvent avoir une vision totalement fausse de la réalité. C’est inacceptable et ils méritent d’être méprisés et ridiculisés. Je défendrai, à mon modeste niveau, si je le peux, la liberté d’expression et l’indépendance des blogs comme le tien. J’aurais jamais cru que je me révolterais de la sorte contre un certain establishment qui représente la Culture, laquelle a déjà assez de mal à se défendre contre la médiocrité ambiante.

    J’ai eu beaucoup de mal à lire le texte de Yann Moix tellement il m’écoeure, surtout par sa mauvaise foi et son aberration intellectuelle.

  • J’ose un parallèle avec le débat oui-non en 2005 : on avait le même mépris de VIP médiatiques pour le peuple.

    Certes, on a lu sur les forums des choses pas jolies-jolies contre RP. Mais comme dans toute affaire criminelle où l’émotion est à son comble et produit un douteux mélange de refus d’analyse, de mise en perspective, et de loi du talion ou pire nourrie au défoulement de pulsions barbares – comme si une deuxième barbarie pouvait effacer la première.

    Et nos VIP se sont fort démagogiquement appuyées sur ces dégueulis pour passer par profits et pertes, non, pertes, des point de vue critiques argumentés et posés. J’ai vu ça sur un blogue (hélas fermé) où un posteur ayant suggéré que SG l’avait bien cherché s’est fait tacler tant par des posteurs (et amis de votre serviteur) « saignants » que par un argumenteur. Il nous l’a joué victime des bigots en se gardant bien de répondre à l’argumenteur…

    VIP qui, emmurés dans leur tour d’ivoire et leur égocentrisme, croient encore faire coup double : œuvre d’art, et défense de l’artiste.

    Alors qu’ils l’enfoncent…

  • Je ne comprends pas bien, ni l’acharnement des uns à défendre Polanski, ni celui des autres à l’accabler. Je n’ai pas à juger cet homme, et j’en suis fort satisfait car ça ne pourrait me causer qu’un cas de conscience très malcommode: la faute de départ est trop grave pour être oubliée, et les longues années de la vie de cet homme depuis cette date sont trop respectables pour qu’il me paraisse possible de décréter tranquillement avoir affaire à un parfait salaud.

    En fait, j’ai très fortement envie de « ne pas juger, afin de n’être pas jugé », et d’en rester là. Cette affaire me met fort mal à l’aise, et je trouve bien plus confortable de n’avoir aucun avis sur la question. Ce confort constitue-t-il une lâcheté, comme on me l’objectera probablement? Je ne crois pas. En tout cas, mon tempérament me porte à me rappeller à cette occasion l’enseignement du chapitre VII du premier évangile — l’un des très nombreux préceptes évangéliques que je respecte.

    L’agnostique que je suis le signale donc aux lecteurs de ce blog qui, apparemment, n’ont pas sur cette question le même tempérament que moi — mais qui, ce me semble, ont généralement, eux aussi et même eux davantage, les évangiles comme référence morale. « Ne jugez pas » est un précepte évangélique, et bien des contributeurs de ce blog ne donnent pas le sentiment d’y être très attachés.

  • Il ne s’agit pas d’accabler Polanski. S’il comparait devant un juge, si un juge décide que les faits, le parcours de Polanski, son absence de récidive, son passé l’ayant fait côtoyer la plus grande horreur par deux fois, l’éventuelle (mais à démontrer) pardon de la victime, doit amener à considérer qu’il ne doit passer que 44 nouveaux jours en prison, ou que tout ceci doit faire l’objet d’une confusion entre le temps passé en semi-liberté et la peine éventuelle, et que Polanski ressort libre du tribunal, je trouverai peut-être que ce n’est pas cher payer, mais ça ne me choquera pas.

    Ce qui est insupportable, c’est la défense employée. La justice ne devrait même pas oser porter son regard sur Polanski. Parce qu’il était juif à Cracovie, parce que c’est un grand artiste.

    Et pour faire bonne mesure, on minimise les faits, jusqu’à les faire presque passer pour une relation consentie. On se sert du résultat de l’accord avec l’accusation pour laisser penser qu’il ne s’agissait pas d’un viol, on dit que la jeune fille « en faisait bien 25 » (Costa-Gavras). « A treize ans, ce n’était pas une enfant » (Finkielkraut), qui affirme qu’elle posait dénudée pour Vogue Homme, ce qui est odieux. Quand bien même cela serait exact, serait-ce une petite trainée qui méritait ce qui lui est arrivé ? Pour le coup, cette abolition du jugement chez ces gens-là est scandaleuse. Jamais elle ne serait arrivée pour un autre.

    Et c’est bien un mépris de la justice qui transparaît dans la défense employée par nombre d’entre eux, mépris de la justice et en fin de compte également mépris du peuple, qualifié de « meute » par Moix, de « foule lyncheuse » par Finkielkraut.

    Et ils affirment bruyamment leur revendication d’une justice différente pour Polanski, sans se rendre compte de l’indécence de leurs pétitions et de leurs tribunes.

    C’est bien tout cela qui pose problème, bien plus que le sort personnel de Monsieur Polanski.

  • C’est à la Justice de juger Polanski, c’est son job. Ce que Polanski fait, entre autres, c’est de vouloir utiliser l’opinion publique pour influencer la Justice. Ses arguments, selon moi, ne sont pas recevables et il se moque honteusement des gens en disant qu’il est victime de je ne sais pas quelle injustice. Ces copains intellectuels, souvent pas de longue date, se payent également la tête des gens avec toutes sortes d’élucubrations. Ce narcissisme collectif des célébrités qui consiste à dénigrer la population, ô plèbe anonyme, qui ose dire que la loi s’applique à tout le monde, doit être combattu.

  • @ Pepito: si j’osais, je dirais même que si la France est encore France, si elle est encore héritière de sa propre culture, elle ne pourra pas supporter en silence ce parfum de privilèges.

  • Dans ce cas, nous ne serions pas les seuls. Il est assez classique de ne pas extrader ses ressortissants. Ce qui l’est moins, c’est de ne pas exécuter sur son sol les peines infligées à l’étranger.

  • La « défense » de Polansky est assez consternante et je serais avocat, je ne lui conseillerais justement pas d’user de ce genre de ficelles qui ne peuvent fonctionner que dans un cas ou d’évidence les droits de la défense auraient été bafoués ou quelque chose du genre. La justice américaine et dans bien d’autres pays se sert souvent des célébrités pour faire un exemple en considérant (pas tout à fait à tort d’ailleurs) qu’un personnage public est souvent bel et bien un modèle ou parfois un contre-modèle. Et céder devant la célébrité n’est pas dans l’état d’esprit des procureurs élus bien souvent soucieux de flatter aussi leur électorat en se montrant inflexibles face à la criminalité.

    Tout a été dit dans le billet et dans les commentaires et ils brossent de façon juste la situation. Reste une question : est-ce qu’exécuter un peine de X mois de prison va faire en sorte que Polansky ne violera plus de gamines à l’avenir ? Quel est le sens que l’on souhaite donner à la peine en question ? Est-ce que nous souhaitons « punir » l’individu ? Est-ce que le fait de faire 2, 4 ou 6 ans de taule va changer quoi que se soit à la situation ? Est-ce que Polansky aura réparé sa faute une fois la peine exécutée ?

    Si je pose ces questions, of course, c’est que je ne le pense pas. La preuve, son isolement dans son chalet doré, qui est une contrainte malgré tout, n’a visiblement pas changé sa prise de responsabilité d’un iota vis à vis de ses actes – l’abus sexuel comme la fuite devant ses responsabilités. Une justice beaucoup plus équitable viserait à trouver une alternative à la prison en l’état – mais une alternative réelle et contraignante qui vise à « réparer » les domages causés. Je parle d’actions (et pas seulement de sommes d’argent) comme d’utiliser sa célébrité pour faire campagne contre les abus sexuels, pour avoir un impact réel sur le sujet.

    Si par ses actions directes, sur le terrain, il fait en sorte que pour une gamine qu’il a abusée, il en sauve de manière indiscutable 1000 du même destin (les associations spécialisées savent très certainement ce qu’il pourrait faire pour atteindre cette objectif), alors on ne se poserait plus la question de savoir ou non s’il doit payer sa dette, s’il doit être ou non condamné en évoquant comme le fait Poil de Lama la charité chrétienne. En fait, lui permettre de régler ses comptes de cette façon serait très certainement tout à fait chrétien et même tout à fait universel et naturel.

    Il est même possible que lui-même retrouve un peu de paix intérieure et de dignité après un tel exercice.

  • Très bon billet Koz.

    Je trouve cependant qu’une partie de l’argumentation de Finkielkraut est assez recevable. Je pense qu’il y a une distinction fondamentale entre un enfant prépubère et un enfant pubère, en matière de sexualité.

    Ce que Polanski a fait, c’est violer une adolescente. C’est un crime très grave qui mérite jugement. Et je suis totalement de ton avis là-dessus.

    Mais ne parlons pas de pédophilie. Ca ne fait qu’ajouter à la confusion et, effectivement, susciter des haines assez inquiétantes.

  • Epo, ton idée est très intéressante et même intelligente, mais tu n’as rien compris. Dans ce petit monde intello-culturel dont il est question, Polanski est un génie. Il est au septième art ce que l’avion X15 est au vol stratosphérique. Il n’a rien à foutre de faire du social au niveau des pâquerettes. Ses amis sont des prix Nobel et il ne parle avec l’institutionnel qu’à partir du niveau du ministre de la Culture. Est-ce que tu connais un seul film de Polanski qui ne soit pas une réussite, en sachant que même un mauvais film réalisé par un génie est tout de même une réussite ? D’après eux, son « crime » est une oeuvre d’art dont le nom se trouve tout seul : « Quaalude Lust ». Il faut bien une ado de 13 ans qui ne soit pas d’accord et non une garce de 35. Il faut une pseudo séance de photos, un jacuzzi, la brutalité, les fluides, les larmes et le manque d’empathie. Sinon, ce n’est plus de l’art. Elle aurait pu être plus jolie, plus pure, plus vierge, mais il a pris ce qu’il avait sous la main. Les Dieux de l’Olympe comprendront. Si la gosse n’a pas pu assumer cette oeuvre du génie polanskien c’est son problème, pas celui de gens cultivés. Si elle est allée pleurnicher chez ses parents et au commissariat de police, ce sont juste des agissements de plouc. Toute oeuvre d’art a ses petits effets collatéraux désagréables. Picasso ne pouvait pas peindre un Picasso sans pouvoir essuyer son pinceau sur un chiffon aussi immaculé soit-il. Mais il a rien fait de mal Polanski, la loi, c’est pour les imbéciles et les médiocres, pas pour les PLU (People Like Us). Cette femme, elle est rentrée dans l’Histoire grâce à lui. Elle a reçu du pognon. Du pognon gagné en faisant des oeuvres d’art et non pas en vendant des boissons sucrées dans une épicerie. Pour qui elle se prend la Justice américaine, avec son bandeau autour des yeux, hein ?

    http://i.pbase.com/v3/24/587124/1/47780908.AmericanJustice.jpg

  • La seule « défense » qui serait recevable pour Polanski, c’est l’idée de prescription, que l’on ne remue pas les affaires trop vieilles, aucune société n’y survit.

    Mais il y a deux « hic ».

    Premièrement, Polanski a fui la justice, et celle-ci a a maintenu l’affaire « vivante », la meilleure preuve en étant que Polanski n’a cessé de négocier avec la justice californienne par l’intermédiaire de ses avocats. Polanski ne peut plaider que l’on ressuscite une « vieille » histoire.

    Le deuxième, c’est que notre société a choisi de remettre en cause l’idée de prescription. D’abord pour une cause a priori incontestable, les crimes contre l’humanité et puis, en fonction de la dynamique irrésistible de l’exception qui devient la règle, on a élargi la notion de crime contre l’humanité (l’esclavage…) et le champ de la non prescribilité : crimes sexuels sur mineurs, abus de biens sociaux…

    Il y a à chaque fois une bonne raison, je suis mal à l’aise avec l’évolution générale.

    Reste que Polanski ne peut même pas invoquer cet ancien principe.

  • Bonjour,

    @Eponymus : votre idée est intéressante a priori, mais dangereuse au fond. Je me suis demandé pourquoi il m’apparaissait devoir appliquer une peine vindicative, pour être vindicative. Et la réponse c’est que la « réparation » de l’acte, c’est précisément ce que plaident les défenseurs de Polanski. Par son oeuvre, son art et son talent, il a fait plus de bien que de mal. Par sa traversée du ghetto, il a expié comme par anticipation, sa victime l’a pardonné… Tout est réuni dans la balance pour équilibrer le crime.

    Vous proposez tout autant qu’on mette dans la balance le crime d’un côté, et des actes ou des faits de vie qui contre-balanceraient de l’autre. Même si c’est plus directement axé sur un traitement judiciaire et rattaché directement au crime, c’est tout de même un peu dangereux. Je n’ai rien contre les « travaux d’intérêts généraux », au contraire. Mais à condition qu’ils soient bien perçus comme ça par tous, et que toute la société garde bien à l’esprit qu’il s’agit d’une punition.

    Car sauvegarder le caractère vindicatif d’une peine, fut-elle indulgente, c’est lancer un signal au criminel et à la société sur le fait qu’il y a des actes qui doivent être punis ! Punis, non pas seulement parce qu’ils demandent réparation, comme l’enfant qui casse un jouet et à qui on demande de le réparer ou de faire des corvées pour en acheter un nouveau. Punis par ce que l’acte est intrinsèquement mauvais, et qu’il fasse des dégats ou non, il faut expier ce mal.

    Vous proposez que la justice se focalise sur la mal subi par la victime, et par extension aux autres victimes des mêmes crimes. C’est juste et bon, j’en conviens sans problème. Ma réserve est juste pour dire que se concentrer sur le mal subi par la victime ne doit pas faire oublier le mal commis par le coupable. Le premier requiert le pardon de la victime et la guérison du mal. Le second requiert le jugement de la société et l’expiation du coupable. Ce dernier point qu’est l’expiation, en l’état, c’est précisément ce à quoi Polanski tente, avec l’aide de ses défenseurs, d’échapper.

    @Koz : le Pape a répondu hier pour l’Eglise… Puissent Roman Polanski et ses défenseurs (qui arguent que la victime a pardonné) l’entendre. « Le pardon ne remplace pas la justice« . Et c’est quelqu’un qu’on accuse d’avoir défendu des pédophiles qui dit cela.

  • Lib dit : « Je pense qu’il y a une distinction fondamentale entre un enfant prépubère et un enfant pubère, en matière de sexualité. »

    Non.

    Certes, pour la loi, il faut bien placer un curseur précis en matière d’âge, au jour près.

    Mais la réalité est bien plus lente. L’évolution est progressive. Et elle ne se fait pas avec régularité et automatisme. Chez certains enfants, la transformation dure des années, chez d’autres elle se compte en mois. Chez certains le corps « s’adultise » plus vite que l’esprit, chez d’autres c’est l’inverse. Et pas avec sérénité : se souvenir de la métaphore du homard popularisée par Françoise Dolto. Qui rend d’autant plus inacceptable les prédateurs voulant s’introduire dans la carapace-protection de l’enfant-homard.

    Dommage que j’aie perdu le lien vers la planche-contact des photos que RP a faite de sa victime peu avant de la consommer, vous verriez, avec effroi peut-être, qu’elle était plus près de l’enfance que d’autre chose.

    Koz s’inquiétait, à juste titre, de ce qu’était devenue la victime. On a vu des photos d’elle adulte, donnant l’impression qu’elle était maintenant une « sacrée bonne femme », solide et souriante. Elle sourirait sans doute plus si les médias cessaient de la harceler.

    http://tinyurl.com/67j7vy

  • @ Pneumatis

    Par son oeuvre, son art et son talent, il a fait plus de bien que de mal. Par sa traversée du ghetto, il a expié comme par anticipation, sa victime l’a pardonné… Tout est réuni dans la balance pour équilibrer le crime.

    Je n’ai jamais écrit ça et rien dans ce que je dis ne permet de pretendre que je le penserais une seconde. Je parle bel et bien d’expiation. Mais en termes plus généraux, je ne pense pas que l’expiation doive passer obligatoirement par le fait de se faire sodomiser par un criminel endurci dans une cellule (traitement qui est réservé dans nos prisons et dans d’autres aux criminels sexuels plus particulièrement). Je parle de réparation non pas par anticipation bien évidemment. Je parle de vraie réparation que les dollars ne peuvent compenser. je parle de prise de conscience par la personne. Je parle bel et bien de jugement de la société qui ferait l’objet d’abord d’une condamnation officielle et public. D’une peine beaucoup plus publique que celle infligée dans les trous de basse fosse de nos sociétés. Je ne parle pas de réparer un jouet mais d’en réparer 1000. je trouve votre idée de peine indulgente révoltante. je ne propose rien d’indulgent. Je propose une punition bien pire que l’enfermement entre quatre murs. Je parle de regarder en face sa faute. Je parle de rédemption. Bref, vous ne m’avez pas lu.

  • @ Eponymus

    Sans doute Pneumatis vous a-t-il mal lu et vous a imputé ce que ne vous ne pensez pas.

    Je lis cependant l’intervention de Pneumatis comme nous rappelant que le mal ne concerne pas que le criminel et la victime, que ce n’est pas qu’un problème privé qui peut se résoudre par une réparation « civile », au sens juridique, du tort causé à la victime.

    Le mal a une dimension sociale, il blesse la communauté et il doit donc être combattu et puni en tant que tel. Ce qui bien sûr ne signifie pas nécessairement la prison en tant que telle. Je suis là comme Koz, scandalisé que Polanski refuse de comparaître, mais tout disposé à accepter une peine qui prenne en considération l’ancienneté des faits, l’absence de récidive, etc.

  • Eponymus a écrit:

    La « défense » de Polansky est assez consternante et je serais avocat, je ne lui conseillerais justement pas d’user de ce genre de ficelles qui ne peuvent fonctionner que dans un cas ou d’évidence les droits de la défense auraient été bafoués ou quelque chose du genre.

    D’autant plus qu’il joue gros en imaginant qu’il ne passera pas devant un juge. Si, comme c’est probable, il perd à ce jeu-là, il va se retrouver devant un juge / une justice dont lui et ses soutiens auront dit publiquement pis que pendre. Sûr que cela va mettre le juge de bonne humeur.

    Hier, BHL a lancé une pétition qui démontre encore à quel point ils sont à côté de la plaque.

    « Le principe de cette nouvelle pétition est simple: un geste de solidarité, doublé d’un appel à la justice helvétique, signé par des cinéastes et, seulement des cinéastes, dont le point commun est de figurer dans la Sélection officielle du Festival de cette année. »

    Et qu’est-ce qu’on en a à cirer ? En quoi le fait d’être cinéaste leur donne une qualité supplémentaire pour s’exprimer, pour apprécier les faits ? En quoi le fait de jouir de la considération de leurs confrères en étant nominés à Cannes apportent quoi que ce soit à cette affaire ? On est encore dans le bling-bling, les paillettes et le name-dropping. Et je suis un peu stupéfait qu’un type comme BHL ne prenne pas le temps de comprendre que ce dont il a véritablement besoin, c’est d’un soutien d’anonymes, pour contrebalancer ce sentiment qu’ils revendiquent une justice d’exception. Il est tellement décalé, dans sa bulle germanopratine, qu’il n’a pas pris le temps de la réflexion et qu’il joue la partition classique de la pétition de personnalités, réservée aux personnalités.

    Le tout est gratiné d’une intro BHLiénne complètement décalée :

    « Et nous pensons surtout que c’est là une conception bien étrange de la justice et de la morale: Roman Polanski était déjà le seul accusé au monde à n’avoir droit ni aux circonstances atténuantes ni à la prescription; voilà qu’il serait le seul, aussi, à qui il serait interdit de voir ses camarades, ses collègues et, parfois, ses amis dénoncer le déni de droit dont il est l’objet. »

    Polanski, seul accusé au monde à ne pas bénéficier de la prescription ? Non, ce sont les règles de droit applicables à tous. C’est sûr que c’est choquant lorsque l’on considère que l’on ne devrait pas se voir appliquer les règles du commun des mortels.

    Le seul auquel il serait interdit de voir ses amis dénoncer le « déni de droit » dont il serait l’objet ? Kundera, Mitterrand, Moix, Finkielraut, BHL etc. : qui d’autre bénéficie de ces soutiens ?!

    Au final, je ne sais pas ce qui me pose le plus de problèmes : les faits (graves, certes) reprochés à Polanski, ou la défense choisie.

  • @Eponymus : je suis très surpris de votre réaction… vous ai-je mal lu ? Peut-être. Mais j’ai pourtant, il me semble, relevé que votre idée était juste et bonne. Cependant si ma formulation a prêté à confusion, je m’en excuse.

    J’indiquais simplement, sans m’en prendre à vous, que cette idée, sortie de votre opinion personnelle sur cette affaire (qui me semble parfaitement claire et que je n’irai pas critiquer), pouvait contribuer à justifier cette focalisation sur ce qui « excuse » le mal ou même sur ce qui le répare, et finalement renforcer l’idée que se font certains que le jugement serait à poser à l’aune des particularités du cinéastes, qu’on parle de sa vie ou de sa notoriété.

    Que vous parliez bien d’expiation, c’est heureux, et je ne me suis même pas permis d’en douter dès votre premier message. Ce dont je doute, c’est la capacité par le commun à reconnaitre cette expiation comme telle, si finalement elle prend une forme qui s’écarte notoirement de l’idée que l’ont s’en fait généralement (peine de prison, amende, travaux d’intérêt général, le goudron et les plumes, tout ça…), et cela parce qu’il s’agit d’une personne célèbre. Je pense en particulier à votre idée d’utiliser sa célébrité pour faire campagne. On reste, malgré l’efficacité certaine d’une telle démarche, dans ce qui ferait un cas particulier de R. Polanski parce qu’il est connu.

    Après, l’idée que R. Polanski se fasse publiquement le chantre de la défense des victimes d’abus sexuels en passant à la télé et en étant l’ambassadeur de telle association à « qui veut gagner des millions » ou faire des pubs à la télé, ou en faisant un film sur ce thème dont les bénéfices irait à des associations de défense des victimes, je n’ai rien contre. Il peut même rassembler tout un tas de stars de la chanson pour faire un clip dénonçant les abus sexuels (dans lequel on ne manquerait pas de demander à Dieu pourquoi il permet tout ça)… Si on veut, très bien, pourquoi pas.

    Mais dès lors qu’il est coupable, c’est une posture publique qu’on s’attend plus à voir chez quelqu’un qui a PREALABLEMENT « payé », « expié » et même fait pénitence, pour le mal qu’il a commis. Voilà juste ce que j’ai voulu dire… Quelqu’un qui se dévoue pour une bonne cause, on a envie de juger ses actes positivement, en raison de la cause défendue. On ne peut pas laisser ce jugement positif, tout à fait juste au demeurant, confisquer le jugement préalable de la société sur le mal commis. Car c’est, d’après moi, de nature à justifier, au regard des hommes, le mal commis par le bien qui en ressort – ce qui serait intolérable évidemment sur le plan moral.

    Cela étant dit, nous pouvons en discuter sans nous emporter (mais peut-être vous ai-je de nouveau mal lu).

  • L’idée d’Eponymus est intéressante mais elle suppose de la part de M. Polanski le fait de reconnaître les faits et d’appeler les choses par leur nom. Elle demande l’humilité de se reconnaître coupable et de chercher à se mettre au service des victimes ou des futures victimes. C’est effectivement une vraie réparation qui est suggérée, qui concerne l’ensemble de la société, comme tout acte a des répercussions sur toute la société: faire le bien pour contrecarrer les effets du mal qu’on a fait auparavant. Cependant, vu son comportement actuel de déni, la façon dont il se présente en victime, il me semble loin de cet état d’esprit. C’est dommage…

  • On en arrive, je crois, au coeur du sujet : Polanski est dans le déni, dans la minimisation de sa responsabilité et ses « amis » en rajoutent une louche. C’est donc bien là qu’est le scandale. Je ne souhaite pas particulièrement de mal à Polanski, ce que j’aurais aimé entendre, de lui-même comme de ses « amis », c’est la reconnaissance du mal qu’il a fait en son temps à cette jeune-fille. Or cela ils ne le feront pas, quitte à reporter la responsabilité sur la jeune-fille de 13 ans. C’est exactement cela qui ne passe pas. Rien d’autre. Polanski et ses amis ont perdu tout ou partie de leur honneur.

  • Polanski a plaidé coupable parce que c’était la meilleure façon de se défendre. D’après ce qu’on sait sur son cas, il n’a jamais éprouvé la moindre empathie. Ce sont des traits de sa personnalité, c’est ainsi. Polanski ne pense qu’à sauver sa peau. Ses avocats se sont bien débrouillés jusqu’à présent. Polanski et ses copains peuvent raconter à l’opinion publique ce qu’ils veulent, mais ses avocats ne pourront rien obtenir avec des arguments qui ne tiennent pas la route. Comment ça se fait qu’ils ont demandé un jugement par contumace s’ils n’auraient pas accepté le fait qu’un jugement doit avoir lieu. Leur stratégie jusqu’à maintenant était fort simple: s’ils avaient obtenu un procès par contumace, Polanski n’aurait pas à se déplacer aux Etats-Unis et il aurait pu rester tranquilement « en prison » dans son chalet en Suisse. Bien sûr, la défense va évoquer l’ancienneté du délit, la bonne conduite de l’intéressé, son oeuvre, etc., ce qui va faire réduire sans doute considérablement la peine qui est de maximum 2 ans de prison. En prenant en compte le temps déjà passé en détention, il suffit de faire traîner les choses un peu et très vite il aura purgé sa peine dans le confort le plus absolu dans son chalet (pas de problème d’agression par des co-détenus). Si cela c’était passé ainsi, je n’aurais rien à redire, même si je trouve cela un peu limite.

    Maintenant que le juge américain a dit qu’il devait être jugé en Californie, la chose se complique pour les avocats. La Justice suisse, qui doit statuer sur l’extradition de Polanski, peut faire traîner la décision de son propre chef, mais les avocats aussi, en présentant de nouvelles pièces au dossier, certificats médicaux, etc. Tôt ou tard la Suisse devrait autoriser l’extradition (je ne crois pas qu’elle la refuse). A ce moment là, Polanski peut faire recours à un premier tribunal et s’il perd, refaire recours en dernière instance au Tribunal Fédéral. Pendant ce temps, il aura fait probablement plus de temps dans son chalet que ce qu’on va lui donner comme prison ferme. J’ignore si le juge va être moins clément si Polanski fait recours sur recours. Le problème réside dans le fait que pour comparaître devant le juge il doit se rendre en Californie. Là, je ne sais pas comment cela peut se passer, mais je ne crois pas qu’il pourra, dans le meilleur des cas, se rendre aux E-U juste la veille de son jugement, passer la nuit à l’hôtel et ressortir le lendemain un homme libre quand le juge aura décidé d’une peine de prison ferme inférieure au temps déjà passé au chalet. Dans le pire scénario, qui sait, il devra rentrer aux Etats-Unis, sous escorte, rester plusieurs jours en prison pour attendre son jugement (et risquer d’être agressé par ses co-détenus en sachant que les prisons californiennes sont à 180% de capacité).

    Si jamais un groupe de soutien à Polanski se forme sur Facebook, n’hésitez pas à m’en informer (peut-être c’est déjà fait ?).

  • Un bon billet, Koz, merci. Je trouve que le lien sur les photos du paparazzi n’était pas indispensable, mais c’est un détail.

    Ce qui est choquant à mes yeux, ce n’est pas tellement la ligne de défense de Polanski. Comme justiciable, il a le droit absolu de choisir les moyens de sa défense, même s’ils déplaisent au public: l’enjeu se décide entre la justice et lui – personne d’autre.

    Non, ce qui ne va pas, c’est cette avalanche de soutiens qui rivalisent d’arguments spécieux, de raisonnements tordus et d’amalgames scandaleux. Voici encore un exemple tout frais avec ce rapprochement incroyable entre le sort de Polanski et celui de Jafar Panahi, emprisonné pour délit d’opinion en Iran.

  • Mais les quelques réactions qu’on peut lire sous le papier de Nouchi montrent que décidément, les soutiens de Polanski n’ont rien compris au film !

  • J’aurais aimé une démarche de rédemption ! Hélas, signer un chèque n’est pas une demande de pardon, fabriquer des films non plus, chercher des têtes dites « pensantes » pour lancer des pétitions non plus…
    « Je ne peux plus me taire » : tant pis pour nous.

  • J’ai pris récemment une bière avec un ami barrister anglais, professeur de droit anglo-saxon et quelqu’un qui pourrait devenir juge un jour. Il a quatre enfants dont une fille de 12 ans. Je lui est demandé ce qu’il pensait de l’affaire Polanski.

    Selon lui, Polanski a commis un viol. Il a pu négocier avec la Justice une inculpation de relation sexuelle illégale avec mineure ce qui lui réduit considérablement sa peine. C’est déjà une concession énorme et c’est à cette charge qu’il a plaidé coupable. Polanski a aussi négocié à fond pour obtenir une libération provisoire en attente de son jugement, c’est à ce moment là qu’il a quitté les Etats-Unis. Cela constitue incontestablement une fuite.

    Qu’il s’appelle Polanski et qu’il soit un cinéaste célèbre cela ne rentre pas en ligne de compte. La loi est là pour protéger des milliers de jeunes filles comme la victime et c’est l’application stricte de la loi qui assure cette protection.

    Il n’y a aucune raison que le juge soit clément avec Polanski, au contraire. Par ailleurs, il est tout à fait justifié que le juge californien refuse un jugement in absentia. En droit pénal anglo-saxon, un jugement in absentia constitue une violation des principes fondamentaux de la justice parce qu’il va à l’encontre des droits de l’accusé.

    Les « amis » de Polanski effectivement l’accablent en voulant influencer la Justice suisse. Si la Justice suisse refuse son extradition, Polanski pourra rentrer en France et revenir à sa situation d’avant « d’homme libre ». Si la Justice suisse donne le feu vert à son extradition, le cas de Polanski ne pourra que s’aggraver vis-à-vis du juge californien en faisant recours sur recours.

    Incitez les gens sur la place publique à faire obstruction à la Justice, ce n’est pas très joli.

  • Ce n’est pas pour défendre Polanski, mais… comment fait-on pour savoir si l’accusation de Charlotte Lewis est fondée?

    Après toutes ces années passées depuis le viol dont elle dit avoir été victime, je ne vois pas comment il serait possible de démontrer la culpabilité du cinéaste. Dans ce genre d’histoires, il faut bien veiller à séparer les témoignages authentiques des affabulations.

  • La déclaration de l’actrice Charlotte Lewis a été faite sous le contrôle d’une avocate qui connaît très bien le milieu des personnalités. Je ne crois pas que cette avocate va s’impliquer dans une affaire d’affabulations hollywoodiennes. Charlotte Lewis n’a pas déposé plainte contre Polanski. Elle a en quelque sorte donné une information sur le passé de Polanski à toutes fins utiles. J’ignore la portée juridique de cette information, mais elle aura certainement une influence sur l’opinion publique et puisque Polanski veut agir sur l’opinion publique en publiant ses déclarations dans différents journaux du monde entier, cela a une importance. Personnellement je trouve cette information tout à fait crédible.

  • La possibilité que Polansky ait fait d’autres victimes ne change pas vraiment la donne, de toute façon. Le véritable scandale, c’est qu’une large partie de la presse, que des intellectuels ayant pignon sur rue, se croient autorisés à le justifier, à excuser son ou ses crimes. La notion de justice, d’égale dignité des hommes, sinon devant Dieu au moins devant la loi, paraît leur échapper totalement.

    Bref, il semblerait que nous entrions dans un nouveau type de féodalité, un système de caste profondément injuste.

    Depuis le rebondissement de cette affaire, une chanson de Bob Dylan m’obsède : « La mort solitaire de Hattie Carroll ». Elle correspond assez bien avec ce qui se joue actuellement :

    William Zanzinger a tué Hattie Carroll
    Il l’a tué sans raison d’un coup de canne en or
    Au cours d’une soirée donnée à Baltimore.
    La police appelée désarma l’assassin
    Il fut accompagné jusqu’au poste voisin
    Inculpé d’homicide et gardé en prison.

    {Refrain}
    Vous qui philosophez tout le temps et critiquez les gens
    Ne sortez pas votre mouchoir, vous pleurerez plus tard.

    William Zanzinger tout juste vingt quatre ans
    Possédait un domaine d’au moins trois cents hectares
    Héritier, protégé par de riches parents,
    Des soutiens politiques et des murs de dollars.
    Il haussa les épaules, poussa quelques jurons
    Et fut presque aussitôt libéré sous caution.

    {Au refrain}

    Hattie Carroll était plutôt noire de couleur
    Elle avait 50 ans et dix enfants mineurs
    Elle vidait les ordures et apportait les plats
    S’approchait de la table mais ne s’asseyait pas
    Elle n’osait adresser la parole au patron
    Vidant les cendriers, balayant le salon,
    Elle fut tué sur le coup, pauvre femme de misère
    Elle qui n’avait rien fait à William Zanzinger.

    {Au refrain}

    Au palais de justice, le juge pris son temps
    Pour étudier l’affaire très attentivement
    Il dit tout citoyen pris en flagrant délit
    Qu’il soit riche, qu’il soit pauvre, devait être puni
    Et que la loi ferait aucune distinction
    Condamnant sans faiblesse ceux qui tuent sans raison
    Attendus ces motifs, le juge d’un ton sévère
    Donna six mois de prison à William Zanzinger.

    Vous qui philosophez tout le temps et critiquez les gens
    Vous pouvez sortir vos mouchoirs, il est bien temps de pleurer ce soir.

  • En ce qui concerne les accusations, on devrait rester prudents. Ca vaut aussi pour Kouchner et Mitterrand.

    Polanski qui devrait être un « patrimoine de l’humanité » selon Kouchner. Ces gens-là sont ahurissants.

  • Concernant Kouchner il s’était déjà fait remarquer en signant une pétition pour faire libérer des pédophiles ayant fait des photos de leurs victimes dans les années 70 ou 80.

    Que deux ministres de la Republique se prononcent immédiatement en mettant en doute la version d’une femme se disant victime d’un viol me perturbe fortement. Si c’était moi qui avait un différend judiciaire avec l’une de leurs connaissances, que feraient-ils avec les moyens qui sont les leurs…?

    En tout cas ils n’ont guère de sympathie pour une éventuelle victime.

    • Il est d’ailleurs sidérant de constater que deux ministres à la position personnelle douteuse sur ces sujets n’ont pas la décence / prudence de se taire. A croire qu’ils tiennent à ce que leur passé leur soit rappelé.

      Tout à fait d’accord avec vous sinon. On ne peut pas exprimer de position sur ces accusations, ni dans un sens ni dans l’autre. Là, ils se permettent de discréditer une victime éventuelle en s’immiscant dans un dossier pénal. C’est effectivement scandaleux et votre réaction, consistant à vous demander ce qui vous arriverait si vous étiez en litige avec un de leurs amis, est légitime.

  • Pour l’instant les accusations portent sur des relations sexuelles que Polanski aurait eu avec Charlotte Lewis quand elle avait 16 ans. Personne n’a parlé de viol. Que Polanski ait été attiré par des femmes mineures quand il avait plus de 45 ans, c’est un fait. On a le droit d’imaginer, même si cela ne soit pas vrai ou impossible à vérifier, que Polanski a pu «forcer» Lewis à faire des «choses» avec lui et puis lui dire «c’est notre secret, ne dit rien à personne, je te donnerai un rôle dans un film». C’est Polanski avec ses copains qui ont commencé à vouloir influencer l’opinion publique et faire du lavage de cerveau en ayant comme objectif principal influencer la Justice.

    Quant à qualifier Polanski de « patrimoine de l’humanité », cela me paraît un peu excessif et je pense que cela n’a aucun sens concret en France ou ailleurs. Il y aura sans doute des gens qui vont répéter cette phrase sans même y réfléchir. Au Japon ou dans d’autres cultures asiatiques il existe le statut de « trésor national vivant » ou « trésor humain vivant », mais cela reste au niveau du pays. Utiliser des termes comme « de l’humanité » ou « universel », cela est franchement ridicule. Au nom de qui ou de quoi peut-on faire des déclarations pareilles ?

  • Je pense qu’ils sont à deux doigts d’expliquer qu’un artiste qui n’est pas en lutte contre « ses démons » n’est pas vraiment un artiste et que le monde n’aurait pas connu Le Pianiste si Polanski n’était pas torturé. Violer Samantha Geimer était une étape nécessaire pour réaliser ce film. Alors… ne tirez pas sur Le Pianiste.

  • Dès 14 ans… À l’insu de son plein gré. Quelle que part si, quand même, c’est une victime. Peut-être pas d’abord de Polanski.

  • Je n’ai jamais pensé que Charlotte Lewis était un parangon de vertu. Elle a dit qu’elle a eu des relations sexuelles avec Polanski quand elle avait 16 ans et que lui savait son âge. Cette information me paraît crédible. Sans considérer d’autres détails, ceci constitue déjà un délit, comme dans l’affaire Ribéry. Evidemment elle ne peut pas porter plainte car sans aucun doute il y prescription. Je me demande si elle n’a pas un vieux compte à régler avec Polanski et qu’elle a choisi cette opportunité pour ce venger en mettant à mal la réputation de Polanski et essayer ainsi d’influencer la Justice (et par la même occasion l’opinion publique) en défaveur du cinéaste.

  • Je réponds ici à Isabelle, parce que les réactions des personnalités à la libération de Polanski sont dans la droite ligne de cet article.

    Les personnalités concernées devraient avoir le bon sens de faire profil bas. Je lisais encore hier l’une d’entre elles affirmer « sa détention était illégitime dès le début, tout le monde le savait, et pourtant on laissait jusqu’ici des magistrats de bas niveau décider du sort de cet homme ». Ainsi la Justice n’est-elle pas digne de cet homme. Il faudrait une justice d’exception pour un homme d’exception…

    Quant à BHL, il déclare : « Je viens de lui parler, il est dans le même état d’esprit que les millions de citoyens qui l’ont soutenu, son sentiment c’est que justice lui est rendue ». La vérité, c’est qu’il ne pouvait tellement pas compter sur un soutien des citoyens qu’il n’a jamais lancé de pétition publique, préférant se contenter du petit milieu des cinéastes cannois, seuls aptes à se prononcer sur le grand homme.

    Kouchner et Mitterrand n’ont pas non plus eu la sagesse de fermer leur … tant ils sont bien, à grenouiller dans leur petit milieu bobo, loin du peuple et de ses basses considérations.

    C’est fou tout de même, mais dans cette affaire, pour moi, ce sont ses soutiens qui lui font le plus de mal, tellement leur défense est arrogante et malvenue.

Les commentaires sont fermés