Napoléon et moi

napoleon-bonaparte
Le temps passe. C’est une habitude, chez lui : il passe. C’est même une constante. Une banalité. Voilà, j’ai ouvert ce billet, ce billet précisément, sur une banalité. C’est fâcheux. C’est fâcheux, mais c’est fait. Mais c’est fâcheux. Enfin, bref, le temps passe et je l’ai laissé filer et, avec lui, l’occasion de célébrer le huitième anniversaire de Koztoujours. Pourtant, dans deux ans, cela fera 10 ans. Si vous me suivez.

Huit ans. Un an de moins que ma fille aînée. Depuis le lancement de ce blog, elle ne porte plus de couches, sh’abille toute seule, fait de la danse et le cross des milles pattes. Elle sait lire. Mon fils aussi. Mon blog avait un an lorsqu’il est né. Il fait du tennis, des toupies blé-blades, et il écrit des textes sur l’espace et les loups. Les loups, mon dernier fils les imite plutôt bien. A sa naissance, le blog avait quatre ans. Il a presque quatre ans. Il crie encore un peu la nuit, il rit tout le temps le jour, il fait des yeux ronds quand on le gronde.

Huit ans, et huit ans de mariage de plus. Je n’entrerai pas davantage dans ma vie privée par crainte de la réaction de ma tendre épouse, d’ailleurs.

Huit ans ou presque : les chiffres du blog ne tiennent pas compte de la période durant laquelle koztoujours n’était pas encore .fr, mais .free.fr. Alors six ans et demi : ce sont 1.076 articles. 61.085 commentaires publiés. 11.535 spams. Et des visites. Dont je n’ai pas les chiffres. L’outil de stats dit 2.853.960 visites, mais il n’était pas là au début, et il dit aussi 6.737 commentaires, l’outil, donc bon. C’est aussi [réclame] quelques entretiens et quelques interventions [/réclame].

Ce qui m’amène à Napoléon Ier.

Qui n’était pas si petit, tenez, Jean Tulard nous le dit : 1,686 m. On connait des présidents qui, dans leur époque, sont à la fois moins hauts et moins grands.

Nous voilà donc à Napoléon Ier car, hier même, alors que je déjeunais avec un huissier de ma connaissance, celui-ci me posait une question qui revient suffisamment fréquemment pour que je prenne la peine d’y répondre enfin, sincèrement, à l’occasion de cet anniversaire : est-ce que je trouve encore le temps de travailler ?

Je pourrais répondre plus sérieusement et demander si je pourrais vivre sans m’engager, aussi petitement cela soit-il. Si je pourrais concevoir ma vie, mon équilibre, sans cette part de sens que j’essaie de me réserver. La réponse serait dans la question, vous l’imaginez bien.

Mais, par souci de clarté, comparez-moi à Napoléon.

Napoléon Bonaparte a eu 37 ans en 1806. 1806, c’est deux ans après 1804 (et juste avant 1807). Spontanément, je réponds qu’à mon âge, Napoléon Ier avait déjà supervisé la rédaction du Code Civil. 1806, Napoléon a déjà fait la campagne d’Egypte. 1806, Napoléon est empereur. Il a déjà connu Arcole, Marengo, Austerlitz, Iéna, Friedland, Wagram, entre autres victoires. 1806, il commande l’Arc de Triomphe, que je salue deux fois par jour.

Jésus, lui, n’a pas eu 37 ans. A vrai dire, si je ne me prends pas davantage pour le Christ que pour Napoléon, personne n’a eu l’idée baroque de lui demander s’il trouvait encore le temps pour travailler. C’est d’ailleurs une piste assez peu explorée, mais je ne suis pas certain que le Christ ait été un très gros bosseur. Enfin, nous n’en savons rien donc n’insistons pas : les Dominicains veillent, le fagot à la main.

37 ans, Mozart est mort, lui aussi. Inutile de faire la recension de ce qu’il a composé à 37 ans puisqu’à sa mort, il avait tout composé de son vivant. Dans la douleur parfois. 37 ans, Jean-Jacques Goldman a écrit Quand la musique est bonne et Je marche seul.

37 ans, Charles de Gaulle n’a pas encore foutu grand chose, en tout cas rien qui permette d’entrer dans la légende s’il n’y avait eu la suite, mais elle va arriver.

37 ans, cela fait déjà seize ans qu’Henri du Vergier, comte de La Rochejaquelein, général en chef de l’armée vendéenne catholique et royale – si j’avance, suivez-moi, si je recule, tuez-moi, si je meurs, vengez-moi – est mort.

37 ans, Victor Hugo a écrit Hernani et Notre Dame de Paris. 37 ans, Chateaubriand a écrit son Génie du christianisme.

37 ans, combien de saints ? Combien d’artistes ? Combien de ministres ? Combien de créateurs d’entreprises ? Combien de ces bourreaux de travail touche-à-tout passant de l’écriture à la politique, du cinéma au roman.

Moi, j’ai 37 ans et, outre les joies de la famille, je suis seulement avocat, blogueur et twittos (p…, « twittos« ). Je ne refonds pas le droit français. Je n’envahis pas l’Europe. Je ne suis pas généralissime, pas ministre. Je n’ai pas créé Microsoft ni Apple. Je n’ai écrit aucune oeuvre majeure. Je n’ai réalisé que peu de choses. Alors, est-ce que j’ai vraiment la capacité de travail et les facultés intellectuelles qui me permettent de gérer « tout ça » ?

Vous me peinez d’en douter.

C’est vrai, c’est vexant.

Amicalement.

Et surtout, joyeux anniversaire.

 

 

Billets à peu près similaires

36 commentaires

  • Il est trop tôt pour mesurer la trace que tu laisses sur notre Terre. Certes, tu n’es ni le Christ (je le saurais), ni Napoléon (Joséphine me l’aurait dit), mais tu es bien plus qu’une fourmi.

    Bon anniversaire, très cher Koz !

  • Heureusement que le monde n’est pas rempli de Napoléons ! Merci pour votre engagement, votre blog, et bon anniversaire !

  • Cher Koz… toujours, tu m’intéresses.
    D’abord, excellent anniversaire et tous mes vœux de bonheur continué à toute ta famille !
    Soyons un peu prospectif à cette occasion.
    Quand tu auras 65 ans, tu pourras faire un édito pour remarquer qu’à cet âge :
    – Laplace n’avait pas encore établi sa théorie des probabilités
    – Copernic n’avait pas encore fait sa révolution
    – Galilée non plus
    – Lamarck n’avait pas précisé son histoire des animaux
    – Kant écrivait la théorie de la faculté de juger
    – Bergson proposait les deux sources de la morale et de la religion
    – Mises développait l’action humaine
    (Je n’évoque que des savants. Il faudrait ajouter les artistes).

    La morale de cette histoire ?
    Travaille bien et longue vie à ton blog.
    Amicalement

  • Si ça peut vous remonter le moral, Wagram c’était a 39 ans.
    Autant dire qu’il vous reste plein du temps.

  • Bon anniversaire,
    Merci de « prendre le temps » de faire ce blog très enrichissant… une véritable mine d’information. Que cette « longévité » numérique puisse être un profond stimulant pour ceux, j’en suis, qui cherchent à marchez dans vos pas et à poser un regard lucide (et de foi) sur notre monde.

  • Bravo, j’aime beaucoup ce que vous faites. s’il n’y avait que des blogueurs comme vous, on viendrait tous les dimanches et il y aurait plus de monde dans les internets. Mes amitiés à la froide Turquie dont on n’a plus entendu parler depuis une paie. (d’ailleurs, c’était pour quoi, la Turquie froide, si ça gère?)

  • A ces questions essentielles que son la vie, sa profondeur et sa richesse lion des arcanes de la réussite de la réussite de quelques uns marketée par quelques spin doctors de notee post modernité, je recommande Alexandre Jollien et son merveilleux livre « le métier d’homme ».

  • Koz, cet article me rappelle l’anecdote selon laquelle Jules César se rendit vers 33 ans sur la tombe d’Alexandre le Grand, et se fit la remarque qu’il n’avait encore rien accompli à l’âge où l’illustre Macédonien était mort après avoir conquis le monde. Un peu plus tard, à 37 ans, il commençait à percer sérieusement comme politique et comme avocat mais nul n’imaginait encore le destin qu’il aurait. J’espère que vous n’avez pas l’intention de faire le même genre de carrière que César, ceci dit (conquérir et piller un pays voisin pour rembourser les dettes accumulées à force de corrompre, d’acheter des postes et d’offrir des jeux, c’est discutable comme procédé et marier sa fille à un rival pour sceller une alliance temporaire, ça finit toujours mal).

    Bon anniversaire !

  • Salut Koz

    Tu nous donnes presque autant d’informations sur la croissance de ton blog que sur celle de tes trois enfants. Te vois-tu comme père quatre fois ? Je comprends alors la pudeur que tu mets à écarter ton épouse du champ de ce billet, car elle ne doit guère participer à l’éducation de ce rejeton. Je le vois plutôt comme le fils légitime de l’engagement. Longue vie à l’engagement des chrétiens dans le champ politique.

  • Bon anniversaire, Me Koz.
    Votre billet m’a bien fait rire… et il reste tant de chose à faire, à commencer par voir vos enfants grandir.

    Plein de bonne chose à vous

  • Tôt serons étendus sous la lame, mais selon les statistiques, moi dix ans avant, ou à peu près. Et mon blog, trois mois plus tard. Que tout cela est étrange.

  • Avant que Pneumatis ne me tombe dessus, permets-moi de te signaler qu’á 37 ans, le Christ avait selon JC Petitfils encore un an ou deux de vie terrestre devant Lui.

    Voilà. T’en fais ce que tu veux 😉

  • je vous trouve très beau , Napoléon , plus que l’autre avec son code civil macho et nettement plus intelligent , lui il n’a laissé aucune trace sur ses 37 ans, alors .

  • @ Amélie:
    Non, mais Julie et Pompée s’aimaient , en plus! D’accord, c’était un mariage arrangé dans des conditions discutables, mais c’était un mariage heureux (même que si Julie est morte, c’est d’avoir cru son mari assassiné… celui qui rapportait à la maison la toge ensanglantée n’a pas eu le temps de la détromper!!!)
    Bon, Koz, on ne vous a jamais dit qu’il ne fallait surtout jamais se comparer? (il y a quelqu’un, comme ça, qui a voulu faire la course avec Ste Thérèse de Lisieux: il voulait être saint à 24 ans. Raté. Alors, il s’est rabattu sur Ste Thérèse d’Avila (ça laissait plus de temps…). raté aussi. Mais entrer temps, il avait compris qu’il fallait être lui-même; et compter sur la miséricorde. Il a eu le bien temps de faire ce qu’il avait à faire LUI jusqu’à sa mort. Son procès en béatification est ouvert.) C’est toujours décourageant de se comparer…
    Sinon, j’ai eu la même pensée que Laurence, pour le Nouvel Obs… (ça prouve encore que les « progressistes », qui se croient tellement en avance, ont toujours, finalement, un temps de retard (ou plutôt « un temps, deux temps, et la moitié d’un temps »!)

  • Bon anniversaire à koztoujours.

    60.000 commentaires, 60 de moyenne ! je dis respect.

    Quels sont les articles qui ont été les plus commentés ? Ou qui vous laissent le souvenir le plus vif, en bien ou en mal ?

    Merci à vous Koz et à tous ceux que j’ai grand plaisir à lire dans le fil des commentaires. Avec mention spéciale à ceux qui viennent porter la contradiction, sans qui la soupe manquerait de sel !

  • Pensée hassidique, relatée par Martin BUBER, qui me semble répondre à votre questionnement 🙂
    « La toute première tâche de chaque homme est l’actualisation des possibilités uniques, sans précédent et jamais renouvelées, et non pas la répétition de quelque chose qu’un autre, fût-ce le plus grand de tous, aurait déjà accompli. C’est cette idée qu’exprime Rabbi Zousya peu avant sa mort : « dans l’autre monde, on ne me demandera pas : Pourquoi n’as-tu pas été Moïse ? Mais on me demandera : Pourquoi n’as-tu pas été Zousya »?
    Bon anniversaire !

  • Pas de complexe à avoir…Napoléon était un être délicat, qui a écrit cette phrase mémorable après Eylau: « Un homme comme moi se fout de la mort d’un million de pauvres types ».
    Modèle de l’homme d’état français, il sautait sur tout ce qui bouge, y compris sur ses sœurs qui s’en sont d’ailleurs vantées….Elles aussi avaient ce sens si familial de la mesure et de la discrétion.
    Par ailleurs, il essuyait l’encre de ses plumes sur ses culottes de soie qu’il jetait par terre pour que les domestiques les ramassent et je trouve ça dégouttant.
    Je le laisse conclure lui même « Il aurait mieux valu que Rousseau et moi ne naissions pas ». On ne saurait mieux dire…

  • Mais Napoléon, c’est aussi la retraite de Russie, la Bérézina et Waterloo ; Victor Hugo, c’est l’exil à Guernesey ; Mozart une longue et douloureuse agonie dans un foyer surendetté ; et Jésus… on connaît la fin !
    Alors ne comparons surtout pas, souhaitons tout le meilleur à Koztoujours, énormément de bonheur à la famille de Koz, et une fin, non pas d’homme célèbre, mais de conte de fées : « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… »
    Bon anniversaire, cher Koz !

  • Ne vous inquiétez pas, les uns et les autres : je n’ai choisi Napoléon que parce qu’il est l’archétype de celui dont on dit qu’il faisait dix choses à la fois, quand je n’en fais que deux en fin de compte.

  • @ pulp : je réponds rapidement, parce qu’il faut que je me remette à la tâche. Mais, pour les billets les plus commentés, c’est facile, vous en avez déjà quelques-uns ici. Après, les billets les plus commentés ne sont pas nécessairement ceux que je considère comme les plus marquants.

  • Napoléon, Alexandre le Gd étaient sans supérieurs à bcp de ceux de leurs tps? peut-être toi aussi. L’avantage du blog c’est qu’il laisse à autrui entière liberté (contrairement à ceux sus-nommés). Bon on l’aura compris, tu voulais nous dire qu’on trouve tjrs pire et mieux. Le plus dur reste d’être soi. Cela implique de se garder un peu de temps pour SOI.Parfois il faut plus que ton âge pour s’en apercevoir. Bref pour cela il nous faut nous sortir de tps en tps de notre époque qui ne supporte pas le calme, le silence de la nuit, la nuit. La sagesse dit que quand les dieux ont voulu cacher le divin sur terre, ils l’ont mis là où l’homme n’aurait pas idée de le chercher : au fond de son coeur.
    Merci pour les balises laissée sur la route (intérieur et extérieure) des hommes.

  • Cela étant, du temps de Napoléon et compagnie il n’y avait ni facebook, ni twitter, ni la télévision, etc… Soit tout un tas d’activités chronophages en moins. Ce qui laissait tout de même beaucoup plus de temps pour conquérir le monde.

Les commentaires sont fermés