Dei Verbum, in fine

Le propre d’une chaîne est d’enchaîner, non ? Eh bien voilà, pour une fois, je me trouve plaisamment enchaîné dans une chaîne qui en vaut la peine. Truc sympa. Figurez-vous, pour ceux qui l’ignorent, que les blogueurs se livrent parfois à un jeu étrange, probablement issu des antiques chaînes de cartes postales que nous recevions, enfants, ou, dixit ma femme, de ces chaînes de recettes de cuisine qu’ils n’ont pas eu le culot ou la naïveté de m’adresser.

Celle à laquelle je succombe avec délectation est une chaîne littéraire. C’est probablement la première qui m’ait fait découvrir le vrai fonctionnement d’une chaîne : en arrière, pas en avant, eh couillon. De la sorte, vous découvrez des livres, et des blogs.

Bon, alors, le principe de celle-ci, à laquelle m’ont tagué François et Eric RdB (qui ne signifie pas, cette fois, République des Blogs), est de prendre un livre, un seul, rien qu’un, de l’ouvrir à la page 123, de trouver la cinquième ligne et là, d’en recopier les cinq lignes qui suivent.
Bon, tout le monde a grugé. Un vrai bordel, cette chaîne. Pas d’arbitre, ni de rappel à l’ordre. Alors, hein, bon. On est d’accord ?

*

So let’s go, avec les Petites Exceptions Françaises de notre pote Hugues. Recueil sociologico-comique de nos spécificités rien qu’à nous.

« nécessairement plus importantes sur votre lieu de villégiature que dans son antichambre… Bon an mal an, 15 à 20 % des touristes comptabilisés par l’administration appartiendraient donc à cette catégorie des « vrais-faux séjours » et viendraient gonfler artificiellement les statistiques sans impact notable sur nos caisses enregistreuses »

Ca ne rend pas justice au livre ? Non, c’est vrai. Mais putain, on va pas gruger jusqu’au bout, hein. Et puis, vous avez vu l’heure ?

*

Let’s continue avec un autre blogueur, Charles‘, ou plutôt un ex-blogueur, puisque l’enfoiré nous a laissé tomber en juin. Et Scalpels.

« On leur faisait des petits signes de la main qui les terrorisaient. Les parents levaient le camp, assez vite.

C’est elle qui a eu l’idée, un soir qu’on marchait pour rentrer à Blagnac.

– On devrait voir une agence de mannequins, elle a dit »

Voilà, voilà… Là, j’ai grugé. J’ai cité deux bouquins d’amicaux blogueurs, parce que je les aime bien, et que j’aime bien leurs bouquins. A propos, Hugues, je crois que tu as mon bouquin de cul de Charles, tu sais, Les Oeufs. Si tu peux me l’apporter, vendredi…

Bon, et maintenant, ce que je suis en train de lire, aujourd’hui…

*

L’affrontement chrétien, d’Emmanuel Mounier. Plutôt pas mal. Motivant. Plus facile à lire que son Que sais-je ? Pour l’instant, à ce que j’ai pu en juger, répondant à Nieztsche, il explique globalement aux chrétiens que chrétiens c’est bien, et qu’il faut avoir des couilles. Lui ne dit pas « couilles« , parce qu’il l’a écrit en 1943. Mais « virilité« . Parce qu’en gros, le christianisme, ça gaverait les vrais mâles, parce que ce serait un peu compassé, un peu castré.

« Aujourd’hui, plus d’un siècle après sa naissance, un demi-siècle après sa mort brutale à 45 ans, Mounier apparaît comme l’un des grands témoins du XXème siècle dont la pensée prend une actualité nouvelle. Evoquons-en brièvement quelques aspects. »

Oui, je sais mais bon, hein, j’y peux rien, page 123, c’est la postface.

*

Et je ne voulais pas finir sans l’évoquer. Le Concile Vatican II. Les actes du Concile. La compil’, aux éditions du Centurion. Un truc comme vous n’en avez jamais vu. Coffret collector. 1012 pages dont la moitié en latin. Cette page 123 ne s’invente pas. Imaginez que j’ai ouvert ce lourd recueil pensant y trouver un long développement aride. Bien au contraire. Page 123, il n’y a que ces mots :

La Révélation Divine

« Dei Verbum »

Quelque chose à ajouter ?

*

Vient ensuite lemoment où le blogueur, souriant, s’en va choisir des victimes. Car le principe est de taguer des successeurs. Alors voilà, je tague Thaïs, qui n’aura probablement que l’embarras du choix. Je tague Jules, parce que je ne crois pas qu’il ait déjà été tagué, et qu’il pourra enfin parler de ses bouquins cochons au lieu de n’évoquer que le droit. Et Hugues, précisément, parce que ce serait un comble qu’il ne le soit pas. Et puis Daniel Schneidermann. Ca lui fera les pieds.

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27 commentaires

  • Le lien « Schneidermann » pointe sur le blog d’Askolovitch … C’est une blague trop fine pour moi ou c’est une erreur ?

  • Formidable.
    Grâce à Koz, je viens de découvrir le blog de Thais, qui me plaît, même si ma nullité littéraire fera que je n’y pourrai pas commenter.
    je connaissais le blog de Hugues.
    j’ai revu celui de Jules, et je n’aime pas les commentaires (heureusement il modère).
    Quant à DS, je n’ai pas franchement envie d’aller voir.

    C’est amusant (cela vaut les cartes postales de mon enfance)
    J’ai donc fait cela, ce matin avant de partir travailler avec les quelques bouquins que je viens de finir ou qui sont en cours:

    je suis sûre que Dieu m’écoute, qu’Il aide à porter leur vie, à sauter par dessus les obstacles, à aimer. Comme je lui demande ce qu’elle aimerait dire à tous ceux qui entrent dans le troisième âge et qui ont peur de vieillir, elle conclut d’une voix qui me frappe…. »

    L’ennui avec ce truc c’est que la phrase est coupée au milieu.
    Est ce pour donner envie de lire la suite?
    (M de Hennezel « la, chaleur du cœur empêche nos corps de rouiller »)

    « Je te rends ton professeur mon cher Alexandre. A présent, mes enfants, je vous laisse à vos équations. Bon travail ». Mon grand père ne se doutait pas que les équations qu’il nous faudrait résoudre n’étaient pas toutes mathématiques. »

    Là ça tombe juste
    (Frédéric Gest, Les souvenirs du jour)

    Le dernier…qui n’a pas 123 pages, alors ça tombe sur le glossaire, dommage.

    …ou voie de l’amour. Bhakti : amour intense envers Dieu. Le bakta ou adorateur est immergé dans une conscience supérieure où il voit L’Etre Aimé Divin manifesté, partout et en Tout. Il vit dans …

    (Swami Ambikananda, Le repas de l’âme)

    Après la visite du blog de Thais, nulle doute que cette chaîne nous apportera des merveilles.
    j’ai plus de doute pour DS, mais bon, c’est un jugement de valeur!
    Bonne journée

  • Non, vraiment, tu as raison, ma page 123 ne me rend pas du tout justice, alors que la 124… Ou même la 125 et la 126, quelle poilade ! Tiens, je parie que ni le Mounier ni Vatican II ne sont rigolos autour de la page 123…

    Mais bon, c’est la loi du genre et merci pour l’attention…

  • Je n’ai pas résisté à l’envie de regarder ces fameuses lignes 6 à 10 de la page 123 du livre que j’ai lu et relu ces derniers mois pour l’avoir mis en page et corrigé. C’est un roman que mon beau-père a écrit il y a plusieurs dizaines d’années. Ca donne un résultat plein de mystère sur le sujet du roman mais qui n’échapera surement pas aux historiens avertis:
    Ils avaient fermé les fenêtres, tiré les rideaux. La chambre était située trop haut pour capillariser l’agitation ambiante. Leur duo d’amour et de jeunesse n’en fut pas autrement troublé. Si, plus tard, quelqu’un parlait du 21 avril 1961, elle rougissait comme une enfant de Marie et lui s’arrêtait un instant de

  • Pas mal, Gandalf !

    Hugues, oui, désolé, ce doit probablement être le passage le plus aride de ton livre, qui est enlevé. Dès que j’ai le temps, je trouverai une autre chiffre symbolique pour y trouver un passage qui te rende justice. Ceux qui le veulent peuvent aussi se rendre sur le site des PEF.

  • A mon tour, je prends le premier bouquin qui me tombe sous la main : L’édition 2007 du Lefebvre fiscal.
    Accrochez vous :

    d’immobilisations (CE 3-2-1984 n° 27227 : RJF 4/84 n°407).
    Ces règles sont conformes au classement prévu par le Plan comptable général (voir Mémento comptable n° 2431 s.).

    b. Pièces de rechange : aux termes de l’article 321-14 du PCG, les pièces de rechange et le matériel d’entretien sont habituellement inscrits en stocks et comptabilisés dans le résultat lors de leur consommation. Toutefois,

    Pas mal, hein? Ca a l’air presque aussi marrant que le bouquin d’Hugues 🙂

  • « Les Hébreux allaient passer un fichu quart-d’heure. Blêmes de frousse, ils regrettaient amèrement d’être partis … Le bon Dieu eut pitié d’eux. D’ailleurs, les ayant mis lui-même dans le pétrin, il se devait de les en sortir. »

    André Lorulot, « La Bible comique illustrée », 1935.

  • Je constate que le « téléphone arabe » sur le net a mal fonctionné puisque ce tag, avant les vacances, demandait de prendre le premier livre qui tombait sous la main. Tu couches Koz avec les livres de Charles et Hugues ? 🙂

    Effectivement, je veux bien croire que le texte d’Hugues n’est pas représentatif de son style car il n’y a aucune pointe humoristique alors que d’habitude c’est une ligne sur deux !

    En tous cas merci Koz, je m’y colle ce WE. Je suis entrain de lire « jour sans retour » de Kressmann Taylor et la p 123 est pas mal !

    Merci Tara ! je ne suis pas une super grande lectrice comme d’autres (je le fais vraiment en dilettante) et il y a plein de choses intéressantes à découvrir sur les blogs littéraires. Et il y a une ambiance différente 🙂
    (c’est d’ailleurs amusant de comparer)

  • C’est sympa cette chaîne, ça pousse à retourner faire un petit tour dans sa bibliothèque.

    Le « Dei Verbum » m’a envoyée par associations de pensées à un gros pavé, cadeau que je n’avais quasiment jamais ouvert. Citation suivant les règles :

    Dans le doute qui mène au désespoir, on est forcé d’accepter l’irrationalité de la vie sans pouvoir aller plus loin. Il serait insensé de penser encore parce qu’il n’y a aucune explication. Comment ne pas souffrir de l’inutilité des idées, quand tout est si inexplicable.

    Extrait du « Livre des leurres » in Œuvres, de ce joyeux philosophe du suicide qu’était Cioran.

    Cela me rappelle une phrase de Koz:
    Dans le doute, voilà qui incite à s’instruire, s’édifier.

    Plus je feuillette l’œuvre de Cioran, plus j’ai donc envie de m’instruire. Le bouquin fait 1800 pages: voilà qui va occuper ma rentrée. Bien utile, cette chaîne.

    Allez, une petite pour la route:
    Nous sommes tous des farceurs : nous survivons à nos problèmes.

  • Merci armel 😉

    Allez, une petite pour la route: Nous sommes tous des farceurs : nous survivons à nos problèmes.

    Ah ça, c’est pas mal, du tout : presque à afficher dans mon bureau pour calmer les plus stress. C’est de Cioran ?

  • Da, ou plutôt oui puisque c’est un extrait des « Syllogismes de l’amertume », écrits en français et publiés en 1962. Chapitre « L’escroc du gouffre ». Tout un programme…

  • Une belle idée. Dans mon sac à main, Le Luth et les cicatrices, nouvelles de Danilo Kis, écrivain yougoslave mort en 1989, édition Stock.
    « Il faut également prêter attention au chant des grillons (comme si l’on remontait des milliers de montre-bracelets), sinon on pourrait facilement l’oublier, de même qu’on peut ne pas remarquer, du fait de sa persistance, le parfum de l’absinthe villeuse qui borde le chemin. »

    Et sur mon bureau (non, je ne l’ai pas fait exprès, je joue le jeu vraiment, lecture professionnelle), Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-le le nom, éditions Lignes.
    « tout autre chose. Elle est l’égalité devant l’Idée, l’Idée politique. Par exemple, pendant longtemps, l’Idée révolutionnaire, ou communiste.C’est la ruine de cette Idée qui identifie la « démocratie » à la corruption générale. »

  • bon j’y vais du mien: »han var uppfÖdd i avsky för sjöröfvare, dem man hänger paa raanosken.
    Hängning var derför enligt hans aasigt ett vanärande straff. ah flûte c’est du suédois, mais extrait d’alexandre dumas quand même 🙂

  • « des auteurs qui vous déplaisent ? pensez-vous qu’abusant de votre caractère, et sous le prétexte trivial et spécieux de défendre la religion que personne ne songe à attaquer, dont les fondements sont inébranlables, et qui est sous la protection »

    Pris pile au milieu des tomes des oeuvres complètes de Voltaire. Tome XLIX, page 123. Premier livre des Dialogues.

    Le tome suivant donne ceci :

    « Parbleu, allez demander cela à des casuistes. Si quelqu’un fesait cette proposition dans la chambre des communes, j’opinerais (Dieu me pardonne !) pour l’empoisonner lui-même, malgré ma répugnance pour les drogues. Je voudrais bien savoir »

    Ma foi, c’est rigolo.

  • C’est marrant comme idée. Voici ce que je trouve à la page 123 (ligne 5) du bouquin que je suis en train de lire (« L’autre Soleil »d’Olivier Clément que Tara doit bien connaître puisque c’est le plus grand penseur orthodoxe français contemporain) : »quand il s’insurge contre le fétichisme des marchandises et l’objection sociale de l’homme, Marx est dans l’Eglise. Et Nietzsche aussi quand il appelle, contre l’hédonisme du « dernier homme », au dépassement créateur. »

  • Ca ne sert à rien, mais c’est rigolo… à condition de tricher, bien entendu. Merci de me fournir une raison de fouiner au hasard de ma bibliothèque, j’adore ça.

    • Rentrer la bagnole. Elle n’a pas le droit de vagabonder. Ah ! Cette tire ! J’aurais dû me méfier de l’absence de porte, à l’arrière. Enfin, ça ne sert à rien de gémir… Mais, bon sang ! je croyais que les morts se tenaient plus tranquilles !

    Léo Malet, Brouillard au Pont de Tolbiac

  • « C’est pas ta faute, dit-il. T’as plus besoin d’avoir peur.
    T’as fait juste ce qu’il fallait faire.
    Mais tu feras peut-être mieux d’aller te laver un peu la figure.
    T’as une sale gueule »

    Tout le réalisme tendre et cruel de Steinbeck – Des souris et des hommes –

  • Dang, je veux voir le livre pour être sûr que tu n’aies pas triché 😉

    C’est pas possible de tomber sur un passage si à propos et si bienvenu.

    Merci à Gwynfrid et Opposum pour leur participation. Je ne pensais pas que cela motiverait ainsi…

  • histoire d’élever le débat et de vous faire part de mon péché mignon :

    • Mon Dieu, madame, le moyen de refuser une invitation lancée avec tant de gentillesse…
    • Il y a une marquise de San Antonio? demande Inès.
    • Oui, madame, mais elle est ma mère.

    San Antonio, T’es beau, tu sais!, ed Fleuve Noir 1972

  • @Koz : non seulement je tiens le livre à ta disposition mais tu verras que je n’ai même pas triché sur les lignes!C’est dingue, non?

  • « Tant que nous ne pourrons expliquer ce qui amène une personne a être et a se sentir juif, nous ne pourrons nous expliquer a nous-mêmes le fondement de notre existence ; nous ne pourrons pas nous plus dialoguer entre nous ni avec nos voisins palestiniens. »

    Daniel Barenboim in « La musique éveille le temps ».

    C’est curieux, je pensai pourtant avoir acheté le livre d’un chef d’orchestre sur la musique … Koz, a quand une rubrique internationale et un billet sur le conflit israelo-palestinien ?

  • Indeed !
    Voila une bonne confirmation qu’il faut toujours tourner sept fois son clavier autour de son ordinateur avant de poster. 🙂

  • A toutes fins utiles, pour vous comme pour tous, l’outil recherche est assez efficace (malgré un pb d’encodage de caractères en cas d’accents sur la page de résultat, facile à résoudre – pour vous), le nuage de tags et, si vous ne trouvez pas le tag souhaité dans le nuage, la possibilité de l’ajouter après le signe « égal » à cette adresse : https://www.koztoujours.fr/?tag= . Tous n’existent évidemment pas mais, en prenant un mot commun sur le thème souhaité, vous avez des chances de trouver ce que vous cherchez.

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