Pour une sortie de la France !

drapeaubarreombreÀ bien y réfléchir, personne n’a le courage d’aller jusqu’au bout de ses convictions et de porter la seule proposition cohérente : sortir de la France.

Les eurosceptiques s’arrêtent en chemin, ils devraient être francosceptiques.

Les quelques débats de ces derniers jours, et certaines analyses, ont fini par mettre en lumière la raison première de nos difficultés actuelles : la construction française.

Il faut sortir de la France.

  1. La France est une construction despotique. Aujourd’hui, plus personne n’ose la mettre en cause mais il faut tout de même se pencher un peu sur les circonstances de la construction française. Rien de moins démocratique. Tout s’est fait dans le sang, au fil de l’épée, sous le sabot des chevaux, par le massacre des peuples sur le caprice d’un homme, certain de pouvoir diriger parce que son ascendance lui donnerait la préséance.
  2. La France réduit au silence les diversités culturelles. Un petit milieu parisien dicte les modes, fait et défait les hommes, méprise les créations de nos pays et impose une culture uniforme, dont il est permis de déplorer les avatars dégénérés. Par la force, la haine et l’humiliation, elle a réduit à néant notre richesse, nos langues régionales – et le breton n’est pas la dernière – au profit d’une seule et unique langue « nationale ».
  3. La France ne défend pas la vie. Elle a été l’une des premières à légaliser l’avortement, juste après les pays soviétiques. Elle ne cesse de vouloir élargir le recours à l’euthanasie. Par ailleurs, elle s’engage sur la voie de l’indifférenciation sexuelle. Elle a voté le mariage et l’adoption par les homosexuels.
  4. La France ne tient pas ses promesses, pour autant qu’elle ait seulement eu le courage d’en faire. Son déficit explose. Le chômage est pléthorique. L’industrie est à la peine. Sa croissance, quand elle n’est pas négative, est nulle et la place parmi les boulets (boulet, boulet) de l’Europe[1]. Son système social est en bout de course mais elle ne veut pas l’admettre. L’insécurité progresse, la police n’a pas les moyens d’exercer correctement. La justice n’est pas mieux lotie, il n’est pas rare de voir son affaire audiencée deux ans après son introduction. Notre système de santé vit avec des bouts de ficelle. Nos soldats achètent eux-mêmes leur équipement et partent en mission dans des véhicules au blindage insuffisant. La crise n’est pas européenne, elle est française.

Nous nous étions unis pour être plus fort, et nous sommes un pays en déclin.

Ca ne marche pas. On se barre.

Il faut sortir de la France, rendre le pouvoir aux pays.

Rétablir l’octroi.

Voilà, voilà. Mon propos n’est pas si librement inspiré des propos eurosceptiques voire eurhostiles que j’ai pu lire ces derniers temps. Et, si vous reprenez mes griefs, vous devrez admettre qu’ils ne sont pas moins soutenables que les autres. Ils ont ceci de plus sur les griefs eurosceptiques qu’aucun d’entre eux ne concerne un domaine qui serait hors du champ de compétences de la France (contrairement à mon troisième point).

L’Europe et sa réglementation nous agacent. Ses velléités harmonisatrices nous bousculent parfois et le fait est que certaines – comment en serait-il autrement ? – sont probablement mal avisées.

Mais laissez-moi vous conter brièvement cette affaire, entendue en 1999 dans un amphi parisien, lors d’un cours de droit communautaire. Vous savez que l’Europe a posé très vite le principe de la libre-circulation des marchandises. Toute restriction à cette libre-circulation, ou mesure d’effet équivalent, est prohibée. Cela a donné lieu à la décision de l’alors CJCE, Conegate.

Les Lords à perruque protègent la poupée gonflable british et ils donnent des leçons de bonne réglementation à l’Union Européenne ?!
Pour la faire brève, la Cour s’est opposé au protectionnisme britannique en matière de poupées gonflables. Des douaniers avaient ainsi saisi une cargaison de poupées gonflables et autres godemichets ouest-allemands, et en interdisaient l’entrée au titre d’une législation prohibant l’importation d’objets obscènes. Le hic, c’est que, perfide comme l’Anglais sait l’être, ces restrictions ne valaient pas pour la bonne poupée gonflable bien de chez nous, et la poupée britannique ornée de l’Union Jack sur son flanc dénudé se vendait librement.

J’ai imaginé des Lords emperruqués assurant la préférence nationale pour le gode britannique. J’ai pensé que le ridicule réglementaire n’était pas l’apanage de l’Union. Et figurez-vous que si je sais maintenir ardente la flamme de notre hostilité séculaire à l’encontre des Anglais, je n’exclus pas que nous faillissions parfois nous-mêmes en la matière, et je sais que vous avez des exemples.

Pourtant, malgré les échecs de la France, la faillite de son modèle, personne ne saisit plus l’occasion des scrutins nationaux (à quelques exceptions régionales près) pour promouvoir la sortie de la France. C’est pourtant ce qui est arrivé à ce scrutin européen, comme au précédent et à celui d’avant, qui n’était pas le premier à en pâtir, alors que l’Union Européenne est loin de compter le nombre d’échecs que l’on peut imputer à la France.

On nous a ainsi opposés les échecs de l’Union, son caractère ingouvernable, les insuffisances de l’Euro. Et je ne peux pas m’empêcher que les mêmes, souverainistes et nationalistes, qui les mettent en avant, éludent leur propre responsabilité. L’Euro, dont nous profitons à chaque déplacement européen, est le bouc-émissaire providentiel (d’autant que la quasi-totalité de la population, moi compris, est incapable de saisir pleinement les interactions entre la monnaie et les autres facteurs économiques) mais s’il a été attaqué, n’est-ce pas grandement en raison de cette très souverainiste absence de solidarité économique entre les Etats-membres, de cette incroyable et explicite clause de non-solidarité ?

Les souverainistes fustigent une inefficacité dont les ressorts sont purement… souverainistes.
Pourquoi l’Union est-elle si ingouvernable sinon parce que les gouvernements ne veulent rien céder de leur souveraineté, de sorte que les modalités de vote sont restées si longtemps impossibles ? Ceux qui se gaussent de la si peu visible politique étrangère européenne ont-ils eu une seule seconde envie que l’Union Européenne ait une politique étrangère ? Et ceux qui n’ont de cesse de fustiger une structure paralysée ne sont-ils pas les mêmes qui dénoncent le Traité de Lisbonne précisément adopté pour y remédier ? Qu’est-ce qui entrave l’Europe sinon cette manie de rester au milieu du gué, de s’abstenir d’adopter la mesure qui, justement, donnerait aux autres leur effectivité ?

Le débat est ainsi phagocyté par la mise en cause de l’Europe elle-même, laissant les europhiles sidérés comme les lapins pris dans les phares, et peu enclins à susciter la furia des euroscepticismes aussi protéiformes que virulents et contradictoires.

C’est compréhensible : l’Union est jeune. Elle l’est toutefois de moins en moins, et nous aurions pu espérer avoir un vrai débat sur un projet européen, comme sur son fonctionnement – même le président de la Fondation Schuman s’autorise de vertes critiques. Car évidemment, être européen ne signifie pas plus partager toutes les orientations de l’Union Européenne qu’être Français n’impose de partager la politique de Hollande.

  1. ce qui ne l’empêche pas de donner des leçons []

65 commentaires

  • Les réflexions croisées de Guillaume de Prémare (article cité par Koz), Koz lui-même, et des réacs cités par Polydamas (article exprimant une position que je juge stupide, et je vais dire pourquoi, mais à lire !) font écho à mes réflexions du moment.

    Lesquelles d’ailleurs sont directement issues des sujets de droit constitutionnel ou d’histoire des idées politiques données en ce moment en leçon de 24h à l’agrégation de droit public, sur lesquels j’ai parfois bûché (ex : la cohésion nationale, l’Alsace, la fin des Nations, l’universalisme chrétien, l’Empire romain…).

    Car au fond, qu’est-ce qui fait une Nation ou un Etat (c’est pas synonyme, je sais) ?

    En disant que l’homme est un zôon politikon, saint Thomas, à la suite d’Aristote, précisait que la vie politique était un fait de nature assumée par des volontés (ayant une fin commune).

    Mais la finalité d’une communauté politique peut-elle être seulement le bien-être économique de l’ensemble et/ou de chaque de ses membres ?

    L’économisme qui fonde pour le moment l’Union européenne dans ses traités fondateurs, héritée en droite ligne du libéralisme, est au fond également partagée par G. de Prémare et ceux qui pensent qu’on peut aller vivre ailleurs ensemble, entre semblable (qui va choisir ?).

    A cela s’ajoute cet esprit proprement « catharique » : ne vouloir vivre qu’entre gens de bonne compagnie, entre soi, nos pareils.
    Mais la communauté politique n’est pas un monastère ! L’abbaye de Thélème est une utopie justement ! Il faut proprement y adhérer volontairement (et il faut y mettre beaucoup de volonté, toute sa vie en fait, nous dirait un moine !). Ce serait l’illusion du contrat social. Il y a du naturel et il y a du volontaire, dans toute communauté politique. Et il ne faut pas oublier l’immense problème du mal : oui, dans l’Etat aussi, et pas seulement dans l’Eglise ici-bas, le bon grain est mêlé à l’ivraie et les deux cités augustiniennes s’interpénètrent.
    Nous sommes « condamnés » à vivre avec l’autres, avec les autres, y compris ceux qui sont bien différents. Soit on y voit la source de tous les maux, jusqu’à « la nausée » (Sartre), soit on y voit l’image même de la Vie intime de Dieu, de la communion intra-trinitaire (Jésus).

    Pour mémoire, l’Eglise milite très officiellement pour l’unité politique de l’ensemble du monde ! Et oui, rien que ça. Sur la base de la fraternité universelle, d’une commune origine et d’une commune fin. Mais n’importe comment bien sûr, notamment au regard du principe de subsidiarité (voir sur cette question de « l’unification politique du monde » le dernier chapitre de L’Homme et l’Etat de Jacques Maritain).
    Les peuples européens partagent une histoire commune (et elle est chrétienne !). Alors tout ce qui va dans le sens du rapprochement et de la vie ensemble est fondamentalement bon. C’est le signe et le moyen d’une unité plus grande, à l’échelle du monde. Aucune communauté politique n’est « purement culturelle », ni « purement juridique ». L’histoire, plus ou moins progressivement, fait bouger les appartenances, l’essence des communautés, leurs frontières. Mais pourquoi refuser un projet conscient, magnifiquement chrétien en son fond, d’une plus grande proximité avec nos frères européens ?

    Alors oui, tout ne va pas bien. Je vais même beaucoup plus loin : il y a beaucoup, beaucoup, de problèmes. Mais tout cela n’est que de l’organisation, de la volonté politique, qui doit règler le modus vivendi.

    « Mille questions ne font pas un doute » disait Newman. Ni en théologie, ni en politique. L’Europe c’est l’avenir, de la France et des français, d’abord parce qu’elle est, en son principe, évangélique. J’ose le dire. C’est une fois cela posé qu’on peut, et d’autant plus, s’investir pour peser sur le processus (qui est maîtrisable !) pour l’orienter et le conduire…

  • Ah, depuis au moins quinze jours qu’on l’attendait… Merci !

    Je suis d’accord avec une très grande partie de ce qui est dit ici.
    Sauf que c’est incomplet.

    Je vais essayer de mettre les premiers éléments qui me viennent à l’esprit après une lecture, ce sera sûrement à enrichir dans la suite du débat.

    • La France s’est construite par l’union autoritaire de provinces qui n’y étaient pas forcément disposées. C’est vrai. Mais c’était sous la férule de chefs qui avaient une vision et un projet pour icelle – quand ce ne serait que leur propre grandeur. (J’avoue n’être pas un grand admirateur de Louis XIV – notamment pour la révocation de l’Edit de Nantes que je trouve rédhibitoire).
      Une telle élite dirigeante, un projet, une vision, en Europe aujourd’hui, me semble nettement plus difficile à discerner.

    • En outre cela s’est fait avec des rois de droit divin. La source de la légitimité du pouvoir rendait tout cela possible. Nous sommes aujourd’hui (ou nous efforçons de l’être) en démocratie. Je suis convaincu qu’on ne construira pas l’Europe malgré ses peuples ; en tout cas pas une Europe qui en vaille la peine. Or aujourd’hui, si certains ont éventuellement une vision large de l’Europe, force est de constater qu’ils ne la font pas, mais alors pas du tout, partager. Quand la seule réponse à la critique est l’assertion péremptoire « il n’y a pas moyen de faire autrement ou c’est le suicide et la sortie de l’histoire », on n’emporte pas trop l’adhésion.
      Alors oui, un débat qui devrait avoir lieu est phagocyté, mais les deux « camps » en sont co-responsables, à mon humble avis.

    Par ailleurs, qu’il y ait des « euroscepticismes aussi protéiformes que virulents et contradictoires » est tout à fait vrai. Mais ce qui est en train de se passer est qu’une minorité favorable à la construction européenne telle qu’elle est en train de se faire est donc en train de poursuivre cette « construction » contre la majorité, juste parce que cette majorité est incapable de s’unir sur certains éléments suffisants pour la constituer effectivement en majorité. Est-ce que cette situation rend légitime la poursuite de la construction actuelle ? Voilà qui est très incertain.

    Dernier point pour le moment : l’Europe actuelle, « à quoi bon » ? Je lis dans le billet un unique avantage, celui de simplifier la vie au sein de la zone euro à ceux qui y voyagent. Mouais. Le ratio coût/bénéfice est à vérifier quand même.

    PS : il est clair que les plus gros problèmes de la France actuelle, elle les doit à elle-même et non à l’Europe. Mais ça veut dire qu’elle doit les régler en se prenant en main, ces problèmes ; ça ne prouve aucunement que « plus d’Europe » apporterait quoi que ce soit de positif.

  • @ Humpty-Dumpty:

    Je suis en tout point d’accord avec vous.
    L’Europe est peut-être une bonne chose. Mais elle ne peut exister si elle n’emporte pas l’adhésion des peuples et si elle n’est pas légitime.

    Je me méfie aussi de l’argument de la sortie de l’histoire, du « il n’y a pas d’alternatives », du sens de l’Histoire qu’on nous vend à toutes les sauces. L’Europe c’est l’avenir, la France le passé. Être contre, c’est rester au moyen-âge, être obscurantiste. On les connaît ces arguments. Ils ne valent rien, jamais. En tout cas, ils ne sauraient convaincre, jamais.

    Pour le reste, je ne suis ni pour, ni contre l’Europe en tant que tel.

  • Il est évident que les principaux problèmes de la France trouvent leur source dans des choix nationaux et ne doivent rien à « Bruxelles ». Accuser Bruxelles, c’est de l’enfumage.

    Et je suis d’accord que le vrai obstacle à la construction d’une Europe qui aille au-delà de la construction d’un marché, ce n’est pas le refus des peuples, mais celui des classes politiques nationales que cette construction menacerait d’obsolescence.

    Maintenant, même si je suis personnellement en faveur de plus d’Europe, je dois admettre que, en pure logique, ce constat ne conduit pas nécessairement à vouloir « plus » d’Europe.

  • @Flash : là où vous vous trompez c’est dans « L’Europe c’est l’avenir, la France le passé ». dire « L’Europe c’est l’avenir » ce n’est pas dire du tout « la France est le passé » ! Il n’y a absolument rien de contradictoire ! Je suis patriote (pas nationaliste). Mais je ne vois pas en quoi il ne pourrait y avoir plusieurs appartenances citoyennes. J’admire d’ailleurs nos concitoyens d’outre-mer : ils entendent rester fermement « de chez eux » (antillais ou réunionnais par exemple) mais désirent également fermement « être français ».

    Il ne s’agit par ailleurs aucunement de sortir de l’Histoire. Au contraire, il s’agit de s’y engager résolument. Car s’il existe un « sens de l’Histoire » non-chrétien voire même anti-chrétien, il en existe aussi un résolument chrétien ! Les prophètes ne cessent de le dirent et le Christ lui-même l’affirme ! Ce sens est d’ailleurs autant, voire plus, à construire, qu’à recevoir.

    Une chose me semble assez juste, mais à manier avec prudence. L’Europe ne se fera pas contre les peuples européens. C’est une évidence et, sur ce point, il est temps d’envoyer un signal très fort à la technocratie et à la classe politique des Etats-membres.
    Mais attention : la volonté de construire la France a largement précédé la France (et on a pas demandé leur avis aux bretons, provençaux, bourguignons, corses ou autres alsaciens, à l’origine !).
    Il peut donc y avoir légitimement un bon projet politique qui pourrait paraître « imposé », à ses débuts. Mais l’important, le fondamental, en démocratie, est de progressivement (et rapidement !) l’infuser dans le peuple, lui donne une chair et une âme. Rappelons-nous ce que disait Delors en 1992 : « Si, au cours des dix prochaines années, nous ne parvenons pas à donner une âme à l’Europe, à lui donner une spiritualité et un sens, c’en sera fait de l’unification européenne. » D’où son programme « donner une âme à l’Europe » qui, paradoxalement, a permis la création de la COMECE !

    Dans une perspective, l’Europe est donc fondamentalement bonne (cf racines chrétiennes + approfondissement solidarité entre peuples). C’est sur cette base, une fois acquise, qu’on peut ensuite, et d’autant plus librement/fermement, critiquer le mode de réalisation. A mon avis.

  • Il y a une diffénrence, bon sang! La france est un pays, une nation!
    Pas l’UE!
    Je suis ébahi que vous ne voyiez pas la différence.
    Quant au fédéralisme, il se porte bien: cf le traité de lisbonne adopté en catimini, en dépit du non au référendum…

  • @ panouf:
    C’est ce que je dis. Il n’y a aucune opposition. Il y a la France, qui est effectivement une nation, et il y a l’Union européenne. Qui suis une logique d’intégration fédérale tout en restant, pour le moment, sur on fonctionnement globalement d’organisation internationale (presque) banale. Donc les 2 sont possibles simultanément. Ce n’est vraiment pas un problème, ni même une question d’ailleurs. Cela rendrait vraiment insignifiant, vide et creux le fait d’en parler.

    La question intéressante n’est donc pas dans le possible mais le souhaitable : l’union politique de l’Europe est-elle souhaitable ? Cette union politique-là qu’est l’UE est-elle souhaitable ? L’UE telle qu’elle est aujourd’hui est-elle satisfaisante ? Ce sont 3 questions bien distinctes. A ne pas confondre. Aucune des trois ne remet en cause l’existence de la Nation France.

  • Bonjour,

    Mon avis sur la question est que l’on est au mieux d’un gué, sauf que l’on se trouve au milieux d’un gué qui a plus que 2 possibilité de sortie.
    Le problème de l’Europe est de définir ce que l’on veut.
    Souhaite-t-on une Europe de marché commun ou une Europe politique?
    Souhaite-t-on une Europe des nations ou fédérale ou unitaire ?
    Souhaite-t-on une Europe forte économiquement, diplomatiquement, militairement ? Ou souhaitons nous garder ces prérogative a leur niveau actuel?
    Souhaite-t-on un langage commun ou garder les particularisme historique?

    Parler d’un projet européen passe forcement par la définition d’objectif, et de savoir où l’on souhaite aller. Le problème est que les choix sont tellement multiple et peuvent aller contre les intérêt des personnes actuellement en place qu’il est difficile de mettre en avant un projet qui obtient a minima une « majorité silencieuse consentante ».

    A partir de là, pour les personnes convaincu de la justesse d’un « plus d’Europe » se pose la question des moyens à employer pour arriver à leur but.
    C’est bien la lâcheté politique du système ou la volonté des peuples de ne pas aller vers un futur inconnu qui pousse l’Europe a rester au milieux du gué, dans une position qui n’est pas tenable sur le long terme, et qui donc avance sous les coups des crises successives…

  • En tant que breton (français de papiers), c’est un réel soulagement de voir de plus en plus de français s’ouvrir à l’idée d’une (réelle) construction européenne, dépassant les dogmes de souverainisme absolu auxquels on les nourrit depuis le berceau.

    Mais il faut être conscient que l’avènement d’une fédération des peuples européens passera non seulement par l’émancipation de nombreuses minorités nationales de leur état actuel (Bretagne, Pays de Galles, Catalogne, Sardaigne, Laponie, Flandres … pour ne citer que quelques exemples), mais aussi par la division de pays comme l’Allemagne, la France ou l’Angleterre en plusieurs « région-états » membres à part entière de la fédération. En effet, l’histoire des fédérations réussies (Suisse, Saint-Empire, Inde, Etats-Unis) nous montre qu’une fédération ne peut être pérenne si une des entités fédérées en vient à devenir trop puissante par rapport aux autres, que ce soit en termes démographique, économique, militaire …
    En résumé, des entités politiques trop puissantes auront toujours tendance à vouloir opprimer, contraindre ou assimiler leur voisin à un moment donné. Pour éviter cela, il faut qu’elles soient dans l’impossibilité de s’en prendre frontalement à la fédération ou à un état voisin.

    La réussite d’un tel projet suscite aujourd’hui beaucoup d’espoir au sein des petites nations européennes. Elle permettrait, non seulement d’obtenir l’autonomie politique et la reconnaissance internationale auxquelles celles-ci aspirent légitimement, mais également la mise en place de démocraties directes plus proches des citoyens, de modes de gouvernance plus pragmatiques et plus morales, tout en assurant aux états fédérés le confort de la monnaie unique et la sauvegarde de la paix.

    Pour ceux que le sujet intéresse, vous pouvez lire l’ouvrage de Yann Fouéré sur le sujet : L’Europe aux cent drapeaux

  • @ Louis-Damien Fruchaud : des lecteurs me disent de temps à autre, et ça me flatte, que j’ai mis des mots sur ce qu’ils pensent. A moi de flatter : c’est ce que vous venez de faire.

    Je suis tout à fait d’accord avec vous, sur ce symptôme « catharique », qui se déploie dans bien d’autres domaines avec les mêmes personnes. Et il en est de même de la mise en avant du moindre défaut pour abattre l’ensemble de la construction. D’une certaine façon, c’est un refus d’affronter le réel. Qu’il s’agisse de la réalité d’une société ou de la réalité d’une construction politique. Aucune construction politique ne sera, jamais, exempte de défauts, irréprochable. Elles ne sont que des constructions humaines et pâtissent de notre humanité.

    Humpty-Dumpty a écrit :

    Une telle élite dirigeante, un projet, une vision, en Europe aujourd’hui, me semble nettement plus difficile à discerner.

    Croyez-vous vraiment que la France n’a pas connu de passage à vide ? Que les souverains ont été, par la magie de l’hérédité, toujours dotés d’une vision à long terme et d’un puissant charisme ? En effet, aujourd’hui, nous manquons cruellement de politiques dotés d’une vision – pour l’Europe comme pour la France – mais ça n’est pas une raison suffisante pour flancher.

    Humpty-Dumpty a écrit :

    Alors oui, un débat qui devrait avoir lieu est phagocyté, mais les deux « camps » en sont co-responsables, à mon humble avis.

    Oui, par principe. Mais, en pratique, il est bien plus facile de s’opposer à une idée que de la porter. C’est vrai dans le club de boules, c’est vrai pour l’Europe. C’était tout le succès du slogan, que j’ai trouvé politiquement détestable : « on a tous une bonne raison de dire non« . Bien sûr. Il y a toujours quelque part quelque chose qui ne me convient pas, d’où une bonne raison de dire non. Cela place le camp non eurosceptique en position plus difficile.

    Il n’en reste pas moins qu’ils sont tous à se planquer, qu’ils ont pris l’habitude d’envoyer trop souvent au Parlement européen ceux qui ne pouvaient pas se faire élire au suffrage universel, et qu’ils ont donc aussi, c’est certain, leur part de responsabilité.

    Humpty-Dumpty a écrit :

    Dernier point pour le moment : l’Europe actuelle, « à quoi bon » ? Je lis dans le billet un unique avantage, celui de simplifier la vie au sein de la zone euro à ceux qui y voyagent. Mouais. Le ratio coût/bénéfice est à vérifier quand même.

    PS : il est clair que les plus gros problèmes de la France actuelle, elle les doit à elle-même et non à l’Europe. Mais ça veut dire qu’elle doit les régler en se prenant en main, ces problèmes ; ça ne prouve aucunement que « plus d’Europe » apporterait quoi que ce soit de positif.

    Oui, c’est vrai, et je confesse que mon billet s’arrête lui aussi au milieu du gué. La réalité est que je suis un citoyen français comme un autre, sous-informé sur les réalisations pourtant véritables de l’Union européenne, parce qu’on ne nous parle d’Europe qu’une fois tous les 5 ans et que le reste du temps, personne n’est capable de dire ce qui vient de l’Europe, ce qui vient de la France et, même, ce qui vient de la Région etc.

    Aristote a écrit :

    Maintenant, même si je suis personnellement en faveur de plus d’Europe, je dois admettre que, en pure logique, ce constat ne conduit pas nécessairement à vouloir « plus » d’Europe.

    L’Europe telle qu’elle est aujourd’hui pourrait en partie suffire, sous réserve de quelques aménagements. On me faisait déjà observer que l’on avait adopté le Mécanisme Européen de Stabilité, censé atténuer les effets de la clause de non-solidarité. Tout le monde parle également de coopérations renforcées, que l’on pratique trop peu. Mais il est effectivement temps de cesser d’agrandir le vaisseau pour redonner un coup de jeune au moteur : améliorer le fonctionnement de l’Union, la doter de projets clairement identifiables, de façon à ce que chacun puisse savoir ce que fait l’UE etc.

  • Bonsoir,
    si la France s’est construite, à travers l’histoire, avec quelques heurts, quelques répressions sanguinaires et quelques révoltes (voir révolution) ce n’est peut être pas une raison valable pour relativiser les méfaits de cette construction européenne là. A force de relativiser comme vous le faîtes ont peut effectivement se dire « et alors quoi ? Quelle importance, s’il faut y aller, allons-y »
    Les peuples humains ont une capacité indéniable à encaisser les chocs et à s’en relever au bout du compte. Nous nous adapterions à tout, même à un monde totalitaire ou Orwellien.
    Que différents peuples qui ne voulaient pas s’unir se sont unis malgré tout ne signifie pas que l’union que l’on nous propose de construire maintenant est souhaitable. Peu importe ce qu’elle donnera, les peuple s’adapteront, se soumettront. La question est de savoir si c’est une bonne Europe que l’on nous propose ; que les principaux partis nous proposent.
    La méthode Coué ne suffit pas en la matière.
    La zone Euro n’est pas une zone monétaire optimale. Les disparités économiques et sociales des participants sont trop profondes pour que le processus soit soutenable. On a figé dans le marbre une politique monétariste qui met le budget et l’activité au service de la stabilité monétaire. C’est la queue qui remue le chien alors que ce devrait être l’inverse. Nous nous forçons à être plus vertueux que nos grands concurrents (USA, Chine) pour satisfaire les intérêts économiques spécifiques de l’Allemagne au détriment des intérêts de la quasi totalité des autres membres de l’U.E. Pendant que les USA et la Chine jouent avec leur monnaie en fonction de leurs stratégies nationales, nous protégeons les rentiers allemands et nous sacrifions à l’orthodoxie Friedmanienne.
    Bon nombre d’arguments plaident pour une défiance à l’égard de « cette construction là de l’Europe », mais, comme en 2005, ceux que l’on nomme les « eurosceptiques » sont constamment renvoyés à l’image du frileux, peureux, xénophobe, raciste, renfermé sur lui-même.
    Mais d’où vient donc cette volonté de tout voir sur le mode binaire en psychiatrisant son opposant au débat ?
    Comment discuter sereinement si l’opposant est toujours renvoyé à une pathologie qui lui ferait perdre tout sens de la raison et annulerait ainsi sa moindre argumentation.
    L’abstention et les votes extrêmes vont profiter de cette incapacité à débattre des grands thèmes qui engagent nos sociétés et qui devraient être le lieu privilégié de l’exercice de notre chère démocratie. Mais tout comme la République, la Démocratie est davantage un hochet ou un mantra que les hommes politiques et les journalistes brandissent comme si l’utilisation des mots excusait leur ignorance dans les faits. Quand j’entends « démocratie » dans la bouche d’un politique j’entends le mot « respect » dans la bouche d’un « sauvageon » : ils revendiquent cette notion quand elle leurs permet d’en tirer avantage, mais ils n’y croient pas une seule seconde par ailleurs.

  • Merci à Koz pour cette analyse cohérente, même si je ne la partage pas.
    C’est sans doute vrai que les nations sont nées souvent sans que les peuples soient conviés à donner leur avis. Mais un certain nombre de choses m’amènent à penser que lorsque des tentatives de construction nationale ne rencontrent pas l’assentiment populaire, elles sont vouées à l’échec.
    Comment ne pas se souvenir, à cet égard, du sort funeste des différents empires ? De celui de Charlemagne (encore que ce soit le moins bon exemple mais en même temps le plus ancien) à la Yougoslavie, en passant par l’Empire napoléonien, l’Empire des Habsbourg, l’Empire soviétique… à chaque fois qu’un empire s’est cassé la gueule, c’est en grosse partie parce que les peuples se sont soulevés, ou parce qu’un ennemi a pu s’appuyer sur des agitations patriotiques suffisamment bien implantées.
    A l’inverse, depuis Bouvines, le peuple de France a aimé ses rois et s’est construit une identité nationale autour d’eux, de manière suffisamment solide pour que cette identité survive à la monarchie. Bien sûr, il y a toujours les différences régionales qui refont surface en temps de crise, mais les révoltes populaires ont rarement été régionalistes.
    Et les moments de grandeur de Français, depuis les guerres de Vendée aux tranchées de Verdun (ce ne sont pas des bornes chronologiques fermées), ont été faits au nom de la France, et pas au nom d’identités régionales. Les Vendéens de 1793 se sont battus pour Dieu et pour le Roy, pas pour la Vendée… moi qui suis vendéen (vous l’aurez compris), je n’ai jamais entendu parler de bataille, de sacrifice pour le Poitou.
    Ainsi, depuis un certain nombre de siècles, c’est l’identité française qui prime de manière très majoritaire.
    C’est vrai, comme l’a dit un autre commentateur, que différentes identités peuvent coexister. Moi, je suis vendéen et français, européen aussi d’une certaine manière, au sens où je me reconnais plus de points communs avec un polonais, un grec ou un finnois qu’avec un marocain, un chinois ou un américain. Mais je ne crois pas que ces identités puissent être sur le même plan. Il y en a toujours une qui prime sur les autres…
    On ne peut vivre que pour ce pour quoi on peut mourir, et, comme une immense majorité des français je pense, je ne mourrai pas pour l’Europe. L’identité européenne n’est pas une identité nationale, et ne pourra le devenir que si les peuples le souhaitent… et à mon avis, c’est pas demain la veille.

    Je m’insurge, par ailleurs, contre l’argument selon lequel l’Union Européenne permettrait une paix durable… Aujourd’hui, ce qui permet une paix durable, c’est l’horreur de deux guerres qui furent autant de boucheries. De là aussi vient un pacifisme que je qualifierais de « munichois », au sens où on a l’impression que, nos contemporains ne reconnaissant au dessus d’eux plus rien ni personne, n’ayant d’autre raison de vivre que la quête illusoire, obtuse et forcenée d’un bien être matérialiste, ils sont prêt à tout accepter pour bénéficier du lâche confort de la paix.
    Mais la paix « munichoise » n’a pas duré bien longtemps… « Vous avez accepté le déshonneur pour avoir la paix, vous aurez le déshonneur et la guerre », dit alors (approximativement) Churchill. Un jour, lasses de se voir dicter un ordre dont ils ne veulent pas, les nations se relèvent, s’embrasent, et puis s’élancent. Or on sent déjà remonter des rancoeurs qu’on croyait éteintes… et l’Allemagne est souvent la première visée.

    Je pense, véritablement, que cette Europe nous mène à la guerre, à plus ou moins brève échéance, parce qu’on a négligé les cultures nationales, parce qu’on a voulu faire des personnes d’Europe des européens interchangeables. En l’occurrence, des conceptions utilitaristes proches des méthodes coloniales ont amené à vouloir appliquer en Grèce ce qui a marché en Allemagne… et si ça semble fonctionner plus ou moins économiquement, les traces dans les têtes grecques pourraient se changer en poudre…

  • On ne peut que souscrire à votre francoscepticisme ! Les francocrates de Paris ne se rendent pas compte des germes qui poussent silencieusement. Mais il est temps de proclamer la République des Bisounours.

    Dans la République des Bisounours, il y aura de la croissance à gogo et les courbes du chômage seront inversées pour toujours. Les autres Etats seront gentils avec nous car nous serons nous mêmes très gentils avec eux. Les bisous seront la nouvelle monnaie, avec les Bitcoins. Et il n’y aura pas de passé qui était mieux avant, puisque nous vivrons dans l’éternel présent et que de toute façon notre RB n’aura pas de passé, mais un avenir ! Debout les Bisounours !

  • Pour qu’il y ait un projet, il faut une tête. La France s’est construite car il y avait une tête, un roi, une dynastie, puis bon an mal an, un Etat républicain qui a hérité de la dépouille monarchique… Quelle sera la tête de l’Europe qui lui imposera ce projet ? Un Charlemagne, un Charles Quint, un Napoléon ? Je n’ose nommer le dernier à avoir voulu assumer le rôle d’unificateur.

    Vous avez tort, Koz, de voir en la France une construction despotique. Elle s’est construite tout doucement, avec des avancées, des reculs… Des moments de despotisme lorsque les constructions idéologiques ont pris le pas sur le travail du temps… Mais enfin, la France est une construction de mille ans… Et aujourd’hui, le nombre de personnes qui se sentent sérieusement bretonnes plus que française est incroyablement bas… Symétriquement, le nombre de personnes qui se sentent plus européennes que françaises est aussi bas… L’Europe est une construction qui n’a que soixante ans et il faut se forcer pour se sentir européens… Mais on avance…

    Mais l’impatience des européistes va bientôt tout mettre à terre parce qu’on ne construit pas une identité en soixante ans… Surtout quand il n’y a pas de tête. Surtout pas en forçant les peuples.

    Ou alors, Koz, vous aussi, vous devez franchir le gué et dire clairement que vous voulez faire l’Europe contre des peuples fâcheusement immobilistes et demander le sacre d’un empereur dans la ligne du De Monarchia de Dante.

  • @Koz : merci.

    Pour le reste, oui, cela me paraît évident : j’aimerai une Europe politique aux dimensions de l’Europe géographique, mais nous sommes allés trop loin trop vite. Et c’est l’un des problèmes dont je parlais, et pas l’un des moindres. Il faut en effet du temps, et laisser la solidarité monter progressivement. Aristote faisait de l’amitié le socle de la cohésion de la communauté politique, mais rappelait bien qu’il n’y a d’amitiés qu’entre égaux.

    Concrètement, cela signifie qu’il faut désormais accepter une Europe « à deux vitesses ». A la limite, la question de l’élargissement importe peu. Il faut une UE (au moins celle d’aujourd’hui) avec beaucoup moins de pouvoirs, purement économique, mais avec des « marchés » segmentés afin de rendre possible, progressivement, une égalité dans les conditions de concurrence entre Etats-membres. Il n’y a pas de concurrence saine, humaine, au sein d’un unique marché, entre des Etats ayant des conditions sociales, environnementales et économiques aussi disproportionnées. « Rendre à chacun le sien », tel est le principe même de la justice. Arrêtons une concurrence qui égalise totalement par le bas (cf autre débat possible : le travail le dimanche, pour « essayer » de concurrencer les chinois ; à courir derrière eux, on n’en finira pas de brader un modèle social humaniste).

    Mais il faut, au sein de l’UE, une union plus resserrée politiquement, un « moteur » de l’Europe, qui montre le cap. Fédéral. La fédération, c’est d’ailleurs plus une matrice qu’un modèle. Il y a beaucoup de souplesse.

    Mais tel n’était pas exactement le sujet posé par Koz. Il montrai l’incohérence des eurosceptiques : leurs arguments peuvent parfaitement se retourner contre la France.
    Ma philosophie politique est d’inspiration nettement thomiste. Mais ce que j’apprécie chez Maritain, c’est paradoxalement sa prise en compte de la réflexion augustinienne. Saint Thomas nous montre la structure ontologique de la communauté politique, son essence, selon ce qu’elle devrait être et donc ce qui est notre critère de jugement et notre modèle à suivre dans l’action.
    Mais l’action, dans le réel, est plein de défauts et même de mal. Cela aussi est chrétien. Comme dit Bernanos : le péché, le chrétien n’en a pas peur ! Bien au contraire. Oui, la réalisation concrète pose parfois, souvent très souvent même, problème. Pire elle est déficiente et recèle des maux. Mais tant qu’elle ne repose pas elle-même sur un mal (comme purent l’être les réalisations totalitaires), elles sont seulement à corriger et non à éliminer. Patiemment, dans le temps, progressivement. Mais résolument.

  • Pingback: Edito - Jouer un vote aux dés, c’est possible ? | Cahiers libres

  • quand j’étais plus jeune on m’apprenait qu’un état, une nation pouvait prétendre à exister quand on retrouvait 3 éléments: un peuple, un territoire, une langue. Concernant l’Europe son territoire est fluctuant, de 9 hier on en est à 28 pays me semble-t-il car parfois j’ai du mal à suivre… qui dit territoire dit donc des frontières intangibles et non fluctuantes comme aujourd’hui. Concernant la langue commune, serait-ce l’anglais ? si tel est le cas, il suffit d’aller en province pour s’apercevoir que bien peu de nos concitoyens maîtrisent celle-ci… et subissent son apprentissage … Concernant le peuple, il y a peu certains ont refusé de parler de racines chrétiennes communes… ce qui aurait pu induire une cohésion entre les différentes nations formant l’Europe. Ce ne fut pas le cas, on est donc en droit de se demander dès lors ce qui nous rapproche pour vivre sur un « même » territoire. Si la seule réponse est une réponse libérale économico-financière, je reste sceptique.
    Ensuite il me semble que certains, comme Napoléon ou Charlemagne, avant le 20°s donc, avait déjà créé à leur façon certes l’Europe. Or l’Histoire montre, que ces structures se sont toujours effondrées et que toujours ces empires se sont fragmentés… alors cette Europe que nous appelons de nos vœux ne serait-elle pas en voie de ressembler à cette grenouille qui voulait devenir un bœuf : elle risque d’éclater.

  • (à Lib entre autres: ne lire ce post qu’après prise de calmants ou d’euphorisants puissants)

    Votre provocation est très convenable en fait: elle part d’un principe assez irréel qu’il y a en France comme en Europe un déficit de démocratie (vrai) à la cause de nos maux (faux).

    Or je trouve que l’essentiel de ce que nous ont apporté l’Europe comme la France est l’oeuvre d’une bureaucratie; en bien: Richelieu qui, le premier, a compris que la défense de l’Etat pouvait être oeuvre chrétienne et donc épiscopale, aurait adoré la façon dont les technocrates bruxellois ont imposé les normes anti-pollution sur les voitures, chose absolument inenvisageable en démocratie compte tenu du mélange d’ignorance crasse, d’orgueil et d’égoïsme de la plupart d’entre nous, il suffit de comparer avec le retard environnemental des voitures aux USA qui sont une démocratie achevée au sens propre; la démocratie achevée pose comme principe que les individus qui composent le peuple sont capables de prendre des décisions réfléchies, informées, et contraignantes au service du bien commun. La loi pourtant, n’a de justification que par ce qu’elle me nuit, à ma petite personne, pour laisser respirer d’ autres, les protéger de mon pouvoir de nuisance. Si les lois avaient pour principe de plaire elles seraient dangereuses, ce qui explique que la constitution, les partis politiques et même parfois le parlement soient d’abord un moyen de limiter la démocratie (la V° de de Gaulle et plus encore les règles de la CEE y étaient parvenues chacune pour leur espace).

    La France est l’imposition, de l’Etat monarchique à l’Etat républicain, contre une population dont il est clair qu’elle n’a géographiquement rien en commun, d’un certain nombre de contraintes destinées à ne pas nous taper dessus afin de rester en vie (1er temps, Etat régalien) puis à opérer un minimum de partage de la richesse produite grâce ni à l’Etat ni à la main invisible mais la régulation régalienne alliée à une conjoncture historique prodigieuse d’énergie bradée (2° temps, Etat-providence dont la crise est due à la stagnation structurelle de la production et non pas l’inverse).

    Après il y a un obstacle: non pas que l’Etat lui-même devient moloch. Très sérieusement, en France comme en Europe, ce sont bien les Etats qui coulent; quoi, et la matraque de Valls? Et les lois liberticides? Précisément, ces lois montrent non la toute puissance bienveillante mais la démission par les dirigeants de leur mission d’Etat; une majorité des dirigeants ne souhaite plus nous diriger, est devenue trop démocrate pour cela; elle essaie de voir ce que le Peuple (pur fantasme) veut et de facto, comme toujours dans notre histoire, elle se fait avoir par ceux des lobbies se faisant le mieux passer pour la volonté du peuple, et de préférence ceux qui demandent plus de droits que de devoirs individuels car ils sont perçus plus populaires; bref non pas une imposition de la loi de l’Etat à des individus terrifiés mais au contraire une trahison de l’Etat, un sabordage sur l’autel du Droit des individus tout-puissants (à commencer par les financiers mais pas que!).

    Le reproche fondamental que je fais aux eurosceptiques comme aux europhiles, c’est de réclamer toujours plus de respect pour les individualistes, pour ceux qui refusent les exigences d’un bien commun dont la régulation par subsidiarité est à mon avis l’énorme erreur de mon Eglise (j’en cherche d’ailleurs en vain un fondement évangélique). Cette subsidiarité pose comme principe que les citoyens sont remplis, dans leur village, de la charité évangélique et choisiront donc forcément le bien commun plus que des des gens vivant hors-sol. Vision irénique de la vie de la communauté de base surtout quand elle n’est pas composée de chrétiens des premiers âges. Le pire est que cette Europe n’a gardé du message de l’Eglise que cela, lâchant les racines chrétiennes contre ce principe de subsidiarité qui n’est que la loi du plus proche donc la loi du plus fort déguisé: la douce tutelle de l’Etat fut, devant la tyrannie locale bien moins douce, une demande des cahiers généraux: délivrez-nous des Seigneurs, sire, revenait fort souvent, et c’est la réaction féodale ainsi que la cupidité de certains propriétaires bourgeois voulant des rendements à deux chiffres, déjà, qui a créé la chute provisoire de l’Etat (la nuit du 4 août n’était au programme que d’une poignée en mai, elle fut d’ailleurs une abdication affolée devant le brigandage né du désordre qui augurait mal, la suite l’a montré, des capacités d’un régime fondé sur la toujours contemporaine confusion entre bien commun et volonté générale). Tous les Etats se sont construits en réaction à l’anarchie locale qui est la pente animale de l’homme social.

    Remettre l’octroi certes non; mais accepter la libre concurrence? Accepter qu’un commerçant vienne s’installer en face d’un autre pour le casser à coup de sous-paiement de ses salariés, d’optimisation fiscale ou de pratique frauduleuse, ou plus simplement, parce que le nouveau concurrent a plus d’argent et donc peut casser son concurrent en vendant moins cher? Qu’est-ce qu’il y a de racine chrétienne dans cette absence de principe? Les régionalismes ont toujours été d’abord des mouvements de tricheurs fiscaux. Mais Koz, aujourd’hui, les europhiles sont d’abord pour l’Europe de ces régions justement, pour une Europe de l’optimisation fiscale, contre les racines chrétiennes de la notion de partage. Le pari de J Delors d’une Europe étendant les mérites de l’Etat nation à l’Etat européen est perdu, il l’est depuis le rejet officiel des racines chrétiennes qui seules justifient un Etat. Les eurosceptiques du FN (nationalisme) et de l’extrême gauche (individualisme libertaire) comme les europhiles des partis actuellement au pouvoir (qui ne veulent pas empêcher le blocage de l’investissement par les politiques déflationnistes bancaires) en Europe défendent massivement des égoïsmes. Je ne me vois pas en choisir un. Un parti je crois est sur la ligne défendue par G Giraud et JM Jancovici, à savoir nous adapter à la pénurie énergétique en contraignant la banque centrale à laisser aux Etats les moyens d’ une conversion à un mode de vie compatible avec les contraintes physiques de l’Europe mais ce parti ayant par ailleurs érigé en norme l’individualisme libertaire qui est l’opposant le plus déterminé à l’Etat sobre, qu’il soit européen ou national, il ne peut réussir.

  • @ nicolas.k : c’est vrai, il est fort probable que nous ne disposons pas de la motivation nécessaire, de l’objectif, susceptible de nous mobiliser. Lorsque la construction européenne a été lancée, il y avait le souci de renforcer la solidarité et la fraternité entre les peuples pour éviter une nouvelle guerre, ainsi que le souci de s’unir dans le cadre économique.

    Il ne faut pas non plus négliger qu’une part non négligeable de la grogne est due à autre chose qu’à l’Union ; la crise persistante. Il est plus facile de construire dans un contexte euphorique que dans le contexte dépressif que nous connaissons.

    Aujourd’hui, et les commentaires qui précèdent le montrent suffisamment, on ne sait plus pourquoi l’on veut faire l’Europe (on ne sait pas non plus, faute de communication efficace, et en raison aussi d’une obstruction politique et médiatique, ce que l’Europe fait effectivement). Ce qu’elle nous a apporté nous paraît acquis, et on ne lui en sait pas gré.

    Mais le débat sur l’objectif est légitime. Ce que je déplore, c’est qu’on en le tienne pas. Tout le débat aura encore tourné autour de la légitimité même de l’UE. Débat stérile puisque, non, on ne va pas démanteler l’Union Européenne.

    David a écrit :

    Mais d’où vient donc cette volonté de tout voir sur le mode binaire en psychiatrisant son opposant au débat ?

    Rassurez-vous, ce sont bien les opposants à l’UE qui ont le vent en poupe. Il ne faut pas le vivre mal 😉

    Vincent a écrit :

    On ne peut vivre que pour ce pour quoi on peut mourir, et, comme une immense majorité des français je pense, je ne mourrai pas pour l’Europe.

    Attendez que l’Europe soit attaquée, et vous verrez. Le jour où elle est attaquée en tant que telle et vous avec, vous changerez probablement d’avis. Cela ne s’est jamais produit.

    La question est une question d’identification : certains sont prêts à mourir pour leur club de foot, tant ils s’identifient à lui. Ne demandez pas à une construction d’un peu plus d’un demi-siècle de produire la même identification que la France.

    Au passage, le fait que certains soient prêts à mourir pour leur club de foot signe aussi le fait que le fait d’être « prêt à mourir pour » n’est pas un critère suffisant.

    Votre développement sur Munich est un peu hasardeux. Précisément, il n’y avait aucune union entre les peuples. S’il s’agit de dire que l’objectif de préserver la paix conduirait à accepter n’importe quoi, il faudra tout de même observer que notre situation n’a rien de commun avec celle des années 30, et de l’Allemagne nazie, sauf à tomber dans un parallèle lamentable.

    @ Hubert Houliez : vous aurez, je l’espère, détecté l’exercice de style dans mon développement. Je retourne les arguments eurosceptiques de mauvaise foi que j’ai lus contre l’Europe avec la même mauvaise foi contre la France. Quoique certains retournements ne sonnent pas spécialement faux.

    Louis-Damien Fruchaud a écrit :

    Mais l’action, dans le réel, est plein de défauts et même de mal. Cela aussi est chrétien. Comme dit Bernanos : le péché, le chrétien n’en a pas peur ! Bien au contraire. Oui, la réalisation concrète pose parfois, souvent très souvent même, problème. Pire elle est déficiente et recèle des maux. Mais tant qu’elle ne repose pas elle-même sur un mal (comme purent l’être les réalisations totalitaires), elles sont seulement à corriger et non à éliminer. Patiemment, dans le temps, progressivement. Mais résolument.

    Je bis, pour qu’on ne le rate pas.

    nathalie a écrit :

    quand j’étais plus jeune on m’apprenait qu’un état, une nation pouvait prétendre à exister quand on retrouvait 3 éléments: un peuple, un territoire, une langue.

    Par chance, on ne vous a pas dit : un peuple, un territoire, un chef…

    nathalie a écrit :

    Ensuite il me semble que certains, comme Napoléon ou Charlemagne, avant le 20°s donc, avait déjà créé à leur façon certes l’Europe.

    Non, la domination militaire ( à tout le moins pour Napoléon) n’a pas grand chose à voir avec la construction européenne.

  • @ bruno lefebvre:

    La vilaine concurrence, source de malheurs et de destruction.
    Moi qui pensait qu’elle assurait les meilleurs prix pour les consommateurs, obligeait à innover, à créer et à se dépasser. Moi qui croyait voir que la fin des péages et des corporations ont constitué des boom économiques incroyables. Que la Chine n’a jamais été plus dynamique que depuis qu’elle autorise un peu de concurrence.

    Alors sans doute y a-t-il des limites à la libre concurrence. La concurrence déloyale, par exemple.
    Tout comme il y a des limites aux monopoles et oligopoles de fait. L’abus de position dominante, par exemple.

    Bref, je veux bien qu’on fasse le procès de l’Europe, notamment sur sa gestion débile des identités nationales, son incapacité à fédérer autour d’un projet clair (mais le peut-elle?), ses lourdeurs, ses erreurs, voire même le principe de vouloir constituer un seul Etat composé de peuples radicalement différents aux destins nécessairement divergents (une Nation n’est pas limitée à la seule langue, ou bien les Ecossais seraient 100% anglais, et les Suisses ne formeraient pas une Nation).

  • @ bruno lefebvre:

    J’aime beaucoup ! Passionnante analyse à laquelle je souscrit pour une bonne part. En tant qu’analyse. Pas nécessairement en terme prospectif.

    La doctrine sociale de l’Eglise (DSE) expose les grandes lignes d’un ce-qui-est (sein) et d’un ce-qui-doit-être (sollen) qu’il faut encore distinguer d’un ce-qui-est à un autre niveau.
    Il y a toujours 3 niveaux d’analyse :

    • l’être, mais pris au sens métaphysique, ontologique si vous voulez du terme : la réalité de l’essence d’une chose. Dans la description à ce niveau, il y a donc de l’idéel (mais pas de l’idéal au sens inatteignable !). Exemple : la communauté politique. Elle suppose – essentiellement, en principe – des citoyens vraiment libres, faisant des choix rationnels et évangéliques, en vue du bien commun, animés donc par les principes de solidarité et de participation. J’insiste là-dessus : toute personne humaine étant libre et égale à toutes les autres, a le droit – en vertu de la loi naturelle – à participer à la prise de décisions qui concernent son existence. D’où, encore, le principe de subsidiarité, acquis du « développement dogmatique » chrétien (mais je trouve qu’on en a une belle présentation, en germe, dans les Actes, qui montrent l’institutionnalisation progressive de la première communauté chrétienne (les diacres) puis des communautés fondées par la mission (les anciens)).

    • le devoir-être : la morale. Elle n’est pas du tout coupée de l’être, mais en est bien distinguée. Le devoir-être résulte de l’être : il s’agit justement, volontairement, par un acte libre et positif de la volonté, qui a été éclairée par la raison, de s’ajuster à l’essence des choses, pour la faire advenir pleinement. En pratique, les choses (humaines, comme la res publica) ne sont pas parfaites : il appartient précisément à la personne (c’est sa dignité – et le ministère propre des laïcs) de les conduire à leur achèvement, à leur perfection. L’homme ne construit pas cette perfection essentielle : il la reçoit. Par sa raison, il s’ouvre à l’être, à la signification la plus profonde des choses. Il peut ensuite juger des réalisations concrètes pour discerner le chemin et l’objectif, puis maintenir l’effort pour y parvenir. Et oui, je suis très Action catholique (voir, juger, agir) ! La morale découle de la « nature » : en bonne philosophie, la nature n’est pas l’essence, c’est l’essence en tant qu’elle a un dynamisme propre, vers une fin propre, qu’il convient d’assumer et de porter – volontairement – à son achèvement.

    • la réalité, ou l’être, mais au sens purement sociologique du terme, le « fait », brut. Analysables grâce à toutes les sciences humaines notamment. Elles nous donnent à voir le réel humain, avec tous ses maux, mais il faut ensuite aller au-delà et agir sur lui, pour le transformer, en ayant les yeux fixés sur les critères tirés de l’être-essence. Exemple : cette communauté politique qu’est la France ou l’Europe, dont on sait bien que les citoyens n’ont pas toujours les qualités requises, ni les partis….

    Voilà pourquoi, d’une part, l’histoire – en ces temps qui sont les derniers – est une temporalité, une progression, jamais définitivement acquise, vers un mieux, une transition donc. Bien sûr, qu’il faut une élite technocratique, mais pour contrebalancer les défauts qu’on trouve parmi le « peuple ». Ce n’est qu’une marque d’inachèvement, de défaut justement. Voilà pourquoi, d’autre part, l’Eglise insiste toujours lourdement sur l’éducation : il faut former à la liberté, à la plénitude de l’humanité de la personne humaine, à l’humanisme intégral.
    C’est la seule chose que je reprocherais au célèbre radiomessage de Pie XII de Noël 1944, qui est le premier discours positif du magistère pontifical sur la démocratie (cf https://www.unifr.ch/tmf/Benignitas-et-humanitas-Radio) ! Pie XII oppose peuple et masse. Il n’y a de vraie démocratie – essentiellement -, selon lui, que là où il y a cette technocratie au pouvoir : « une élite d’hommes spirituellement éminents et au caractère ferme, qui se considèrent comme les représentants du peuple tout entier et non pas comme les mandataires d’une foule, aux intérêts particuliers de laquelle sont souvent, hélas ! sacrifiés les vrais besoins et les vraies exigences du bien commun ».

    Ainsi, l’analyse sur le « bon gouvernement » dont vous parlez me semble très intéressante. En précisant qu’il est transitoire par essence : il doit travailler « à sa propre disparition » (comme les MEP !). C’est aussi intéressant car vous tenez compte de « la pente animale de l’homme social », ce que j’appelle « le mal ». Et oui, c’est vrai. La question est : que fait-on alors, après ? On se désintéresse de la question (libéralisme libertaire contemporain) ou on la prend à bras le corps pour essayer de limiter les dégâts (libéralisme ancien) et, plus encore, avancer vers un mieux (DSE) ?

    Je suis donc europhile quant à l’essence de l’Europe. pas quant à sa réalisation concrète. Mais je suis également réaliste. C’est pourquoi j’appelle de mes vœux un énergie sursaut proprement politique (et notamment technocratique !) pour faire correspondre les deux, du moins tendre à cela. Et aucun échec n’entamera, j’espère, la certitude que l’Europe est le chemin nécessaire pour l’unification du monde (cf le message de Pie XII). Sursum corda !

  • Il y a au moins un précédent de défense commune entre des peuples européens contre un conquérant : la délivrance de Vienne par Jan III Sobieski, roi de Pologne, en 1683, face au péril turc.
    Mais qu’a défendu Sobieski ? La chrétienté ? Sans doute. Mais plus sûrement… la Pologne : en 1683, la Rzeczpospolita (la République de Pologne-Lituanie) est encore un des plus grands états d’Europe, et alors que depuis la prise de Constantinople, les Turcs n’ont cessé d’avancer en Europe, envahissant toute la péninsule balkanique, réduisant la Hongrie à la portion congrue après Mohacs, il y a fort à parier que Sobieski voit son pays comme étant le prochain sur la liste, en cas de défaite de la Vienne des Habsbourg.
    Si demain, l’Europe est attaquée, et si nous allons, avec d’autres, nous opposer à cette attaque , mourra-t-on pour l’Europe ? Je pense plutôt qu’on mourra chacun pour son pays. Mais alors nous revenons au point de départ, et mon argument ne valait pas grand chose. en ce qui concerne ce débat.

    Par contre, mon passage sur Munich me paraît tout sauf hasardeux. Bien sûr, toute comparaison a ses limites, et je ne suis pas en train de vouloir accuser qui que ce soit de nazisme : je ne sais que trop combien il est pénible de devoir décerner des points Godwin a répétition.
    Mais pour autant, je trouve de nombreux points communs : un Occident, et, particulièrement, une France avachie dans un matérialisme de gauche teinté d’un pacifisme dans sa version la plus lâche, des peuples dont le confort est la principale revendication quelle qu’en soit le prix… Une France qui n’a plus aucune confiance dans une classe politique corrompue et déconnectée de la réalité… des élites du même acabit que la dite classe politique… et j’en passe.
    Relisez donc le discours de Harvard de Soljenitsyne ! Ca date de 78, mais c’est d’une actualité flagrante.

  • Monsieur Koz,
    vous me faites penser à ces gens qui parlent de la religion à partir d’arguments sociologiques, psychologiques, ou autres, en oubliant que la religion est un phénomène… religieux, de foi.
    Ici le jeu de l’esprit sur la sortie de la France est bien trouvé, je ne le nie pas. Mais les eurosceptiques souverainistes ne sont pas contre l’UE parce qu’elle serait despotique, contre la diversité, ou inefficace en soi, mais pour la France. Comme les sociologues cités plus haut, vous oubliez l’élément qui entraine les autres: la France. Peu importe que l’UE soit despotique, contre la diversité, ou inefficace en soi, le problème est qu’elle le soit contre la France, qu’elle la prive de sa souveraineté, de son identité, et de ses moyens. Peu importe si la France est à son tour oppressante ou inefficace, tant qu’elle subsiste. Voilà le raisonnement eurosceptique souverainiste remis à l’endroit : privée de sa monnaie, de ses frontières, de ses lois, de son droit, de son budget, et de plus en plus d’une défense autonome et d’une langue forte, la France disparait comme État-nation et notre avenir est de devenir les Québecois de l’Europe. On peut le souhaiter, et après tout tant que la culture subsiste l’identité reste, il suffit de lire Molière, Français bien que ante-républicain, ou d’aller au Québec justement pour se sentir (presque) chez soi. Mais renoncer à être dans l’Histoire en tant qu’État-nation (et donc en tant que peuple) pour tenter une aventure qui pour le moment parait mener plus à un mondialisme dissolvant arméricano-centré (Turquie + TAFTA + OTAN etc., quel domaine hors d’Europe l’UE n’atteindra-t-elle pas?!) qu’à une Europe des peuples unis dans leur diversité et dont les lois reflètent leur culture propre c’est-à-dire leur vision du monde, est un pari fort risqué qui ne rend pas tout à fait injustifiable la méfiance souverainiste…

  • @ bruno lefebvre:

    Il suffit de choisir ses exemples…

    J’aime bien Richelieu, lui et son roi étaient de vrais chrétiens.

    Mais Hitler, Staline, Pol Pot, Amin Dada, le Comité de Salut Public ?

    Là où je vous rejoins, c’est la critique de l’illusion que telle ou telle catégorie de la population, les élites pour les uns, l’homme du commun pour les autres, serait par essence plus soucieuse du bien commun que les autres.

    Un système politique doit être « robuste », fonctionner avec des êtres imparfaits à tous les étages, et permettre à ceux qui en font le choix de vivre « en hommes justes et religieux ».

  • Les réacs cités par Polydamas sont peut-être farfelus, mais au moins sont-ils cohérents. Il est est intéressant de voir que cette approche, dont les promoteurs se prétendent « conservateurs », est finalement très proche de cette autre proposition, d’origine libertarienne. Les deux philosophies, qu’on pourrait croire opposées, se rejoignent sur l’essentiel: individualisme (plutôt partir ailleurs que de payer des impôts pour les autres, ces pauvres/malades/vieux incapables de subsister par eux-mêmes) et tribalisme (on n’est plus chez soi ici, alors allons là où nous pourrions être entre gens du même monde).

    Tout ceci, délitement de l’Europe, affaiblissement du lien national, résulte des mêmes tendances à l’atomisation et à la désolidarisation. Il est frappant de voir à quel point, comme en 2005, les partisans de la sortie (de l’Euro, de l’espace Schengen, de l’Union tout court) n’ont pas de projet positif et encore moins de projet partagé.

    Reconnaissons que de leur côté, les constructeurs se sont plantés. J’ai encore en mémoire la façon dont on nous expliquait, en 1993-4, que l’élargissement prévu de l’Union allait absolument exiger une refondation institutionnelle (dite « approfondissement de l’Europe politique ») avant 1996, faute de quoi on serait ingouvernable à plus de 20 pays. Moyennant quoi, 1996 s’est passée en palabres, les gouvernements nationaux s’étant empressés de surtout torpiller tout partage supplémentaire de souveraineté. Il est bien difficile d’accepter une diminution de son propre pouvoir, n’est-ce-pas? Alors on a fini avec le calamiteux traité de Nice, institutionalisant l’impossibilité de gouverner. Comme on a fait tout ce qui était possible pour empêcher la machine de fonctionner (on commençant par ne surtout plus jamais nommer de Président de la Commission avec une envergure comparable à celle de Jacques Delors), on a eu ce qu’on voulait: elle ne marche pas. Il faut donc la mettre à la poubelle, parbleu!

    Après, on peut encore faire quelques remarques sur l’analogie proposée par Koz, mais sur le fond, elle reste valide, surtout pour signifier que les échecs attribués à l’Europe sont soit ceux de l’Europe intergouvernementale (celle que proposent les opposants de droite style Guaino et Dupont-Aignan) soit ceux de la France elle-même.

    panouf a écrit :

    Il y a une diffénrence, bon sang! La france est un pays, une nation! Pas l’UE! Je suis ébahi que vous ne voyiez pas la différence.

    La nation est un concept relativement jeune (18e siècle tout au plus) et rien ne dit qu’il conservera toujours le sens qu’on lui donne aujourd’hui. La France est une construction tout aussi artificielle que l’Europe. Depuis sa fondation, elle a connu la guerre civile à peu près une fois par siècle. Elle a pour elle un sentiment d’antériorité. Mais au fur et à mesure que le déclinisme l’emporte dans les esprits, l’ancienneté de la position acquise suffira-t-il à en faire une alternative crédible?

    Hubert Houliez a écrit :

    Ou alors, Koz, vous aussi, vous devez franchir le gué et dire clairement que vous voulez faire l’Europe contre des peuples fâcheusement immobilistes et demander le sacre d’un empereur dans la ligne du De Monarchia de Dante.

    J’observe que dans le même mouvement, vous regrettez l’absence d’une tête clairement identifiée pour mener un mouvement unificateur, et vous rejetez la perspective d’un empereur qui forcerait les peuples contre leur volonté. Cela me semble typique des contradictions que l’on trouve chez les opposants à l’UE. On regrette un dysfonctionnement (l’immigration… le manque de solidarité financière entre les États membres… la faiblesse du parlement de Strasbourg… etc) mais dans le même temps on rejette ce qui pourrait résoudre le problème (politique d’immigration européenne… impôt communautaire… renforcements des pouvoirs du parlement européen…). Le point commun, comme le soulignait Koz, c’est que le Non a cet immense avantage: il peut sans dommage se passer de cohérence.

  • @ Pierrot et al.: Mais la France, saurait-elle marcher seule ou crèverait-elle seule? Les retraités (quelqu’un utilise le mot rentiers) allemands, américains, irlandais, sans même parler des français continueraient-il à la financer sans le carcan communautaire? On dévalue pour favoriser les exportations et pour faire les Bangladeshis? On rêve d’un bain d’acier pour affermir la jeunesse alors que j’en ai vu des vrais durs – ils ne se battent pratiquement jamais, encaisser des coups, c’est pour les jeunes coqs, les pauvres types.
    Un Etat n’a pas besoin d’un peuple unique pour exister même pour plusieurs générations, tel la suisse, l’inde, la finlande, les états-unis, la russie, la prusse (bon, celle-ci s’est dissoute dans l’allemagne) mais il lui faut une structure bureaucratique qui remplit une fonction reconnue comme telle par les élites. Et un tel Etat finit par développer sa nation. Et sans élite locale ou importée aucun peuple, aucune nation, ne finit par se constituer en personne de droit international (ce qu’est l’Etat), ou avez-vous entendu proclamer sérieusement la cachoubie libre ou la sorabie autonome? Ce n’est que quand le peuple se définit non plus par sa culture et par ses moeurs, eux-mêmes en évolution constante, mais par son prééminence politique, quand on confond Etat et Nation que l’Union devient impossible.

  • PIB France ; 2600 milliards de $ POP ; 65 millions
    PIB EUROPE; 16360 508
    PIB Chine 8227 1300
    PIB USA 15680 317

    on peut penser que la France a les moyens de réussir seule, mais il faut une bonne dose d’inconscience

  • Merci pour la bienveilllance de ceux qui ont réagi, bienveillance n’excluant pas la critique; je suis d’accord avec flash, j’y vais un peu fort; l’absence totale de concurrence on sort d’en prendre dans les millénaires passés, et je durcis le trait. Mais je prends un exemple: le premier mai sortant de ma boulangerie, je tombe sur deux vendeurs de muguet (je prends exprès des tout petits actes de commerce) un à gauche un à droite, il n’y a pas 10 mètres de distance; je n’ai pu m’empêcher de leur faire le vif reproche de m’avoir forcé à me poser en sélectionneur. Mais, mauvais consommateur mais bon époux j’ai pris la décision irrationnelle financièrement (je n’avais besoin que d’un brin) d’acheter à chacun un brin (l’histoire ne dit pas s’ils étaient faussement concurrents!). En tant que consommateur et chrétien je ne sais pas quoi faire pour poser un acte d’achat: moins cher, oui flash, je puis soutenir un innovateur audacieux, ou quelqu’un qui a su maîtriser ses coûts sans moyens moralement voire légalement douteux, quelqu’un qui va permettre au plus pauvre d’acheter. Le malheur est que sauf à mener une enquête préalable à chaque achat, ma décision est très largement aveugle. Alors comment en chrétien définir ce qu’est un bon acte d’achat et comment gérer à l’échelle d’un continent la chose, j’en reste incapable mais je trouve le postulat de la libre concurrence est celui de consommateurs éclairés et rationnels, et je ne vis quasiment aucun de mes actes d’achat ainsi, tiraillé sans cesse entre la peur de ruiner autrui en achetant pas assez cher, et celle de me faire abuser pas un acteur rentier. Or je ne pense pas que les actes massifs d’achat et de vente par les acteurs des marchés soient beaucoup plus avancés que moi en définitive.

    D’où en me relisant le ton désabusé de mon post; je remercie vivement LD Fruchaud de préciser que mon post ne peut être lu de façon prospective, et j’ajoute que c’est là certainement le manque que sa réponse comble par une analyse beaucoup plus encourageante, opérationnelle, moins zemmourienne (au sens de: « j’ai raison mais je n’ai pas de solution on va crever »), et beaucoup plus fine de la subsidiarité, je vais faire infuser un peu mieux, merci!

    Enfin, Aristote, oui, il ne faut pas passer du « small is beautifiul » au « Ah si le Roi savait »; prétendre que l’Eglise ou chacun de nous, parfois, enjolive le clocher, ne doit pas être affirmer la domesticité comme principe chrétien et là aussi nous sortons d’en prendre. Simplement, en 2014 en Europe, et en particulier dans les pays latins, je pense que le tableau politique au sens élargi évoque plus un risque d’entrée dans un interrègne (= longue période de relocalisation des pouvoirs politiques avec anarchie progressive) que dans une dictature, totalitaire ou non. La peur d’être commandé me semble l’emporter sur celle de ne pas l’être.

  • A la lecture des divers commentaires, j’ai tout de même l’impression que sur les constats, il y a énormément d’accords ! A quelques nuances près, notamment celles des fondements les plus profonds qui peuvent « constituer » l’Europe – racines chrétiennes à retrouver et laisser pousser ou simple opportunisme économique pour survivre dans un environnement qui se mondialise qu’on le veuille ou non.
    Nuances importantes certes, mais qui ne changent rien au fait qu’on voit que l’UE d’aujourd’hui… « ça ne marche pas bien ».

    Les divergences portent surtout sur le « que faire ». Et là-dessus il y a un clivage notamment pour savoir si l’on peut continuer en améliorant touche par touche ou s’il faut sonner la halte, quitte à ne pas bien savoir quand et comment on se remettra en marche ensuite.
    En ce qui me concerne, j’ai inauguré ma carte d’électeur toute neuve en disant « oui » en 1992. Pas convaincu par l’ensemble du projet et du texte, mais avec l’idée que, disons, « il fallait avancer ». Depuis, en voyant comment on avançait, je n’ai rien vu qui aille dans une direction me paraissant saine. (Je partage les critiques véhémentes de Gwynfrid sur le traité de Nice, notamment). Et le texte de 2005 ne m’a pas plus convaincu. J’ai voté non sans le moindre regret.

    Je parlais de l’intéressant post de Gwynfrid (même si d’autres le sont tout autant, très enrichissants développements de Louis-Damien Fruchaud mais aussi bien différemment, de Bruno Lefebvre… Bon il faudrait citer presque tout le monde !) Gwynfrid a écrit :

    les échecs attribués à l’Europe sont soit ceux de l’Europe intergouvernementale (celle que proposent les opposants de droite style Guaino et Dupont-Aignan) soit ceux de la France elle-même.

    Juste… Sauf que les réussites attribuées à l’Europe tout autant (Ariane en tête). La seule grosse réalisation réellement « UE » (et pas dans toute l’UE en plus) et ayant un impact indéniable, c’est l’euro. Or sur le sujet, les éléments « pour » ainsi que « contre » sont tous deux nombreux donc à tout le moins, la question mérite débat. Il n’est pas exclu que les « contre » sur l’opportunité de l’euro l’emportent sur les « pour » aujourd’hui, mais que l’euro perdure surtout parce qu’en sortir serait considéré comme trop coûteux. Si c’est ça, moi, avancer dans une construction dont je ne suis pas bien sûr des bénéfices (pour tout le monde, je ne parle pas juste de moi ou de mon pays) mais dont je suis presque sûr qu’une fois que ce sera acté il sera à peu près impossible, sauf coût exorbitant, de revenir en arrière, me semble aller contre la plus élémentaire vertu de prudence.

    Alors l’UE ? A ce propos je me disais sur un autre fil plus eurosceptique que Koz, c’est une formulation inexacte, je suis plutôt UE-sceptique. Je la crois trop déconnectée des réalités et de la recherche du bien commun pour qu’il suffise de l’améliorer par touches successives et patientes. Je n’ai pas de solution miracle à proposer. Je serais étonné qu’on puisse en trouver une sans réflexion de fond sur les fondements et les objectifs.

    Si je me trompe et que dans son mouvement actuel l’UE parvient à aller vers un souci à la fois réel, et opérationnel, du bien commun, je serai le premier à m’en réjouir. Mais je n’en vois pas la moindre prémisse aujourd’hui et j’ai au contraire l’impression qu’on construit un édifice de plus en plus haut et complexe sur du sable.

  • @ Louis-Damien Fruchaud

    1. Sur l’Europe

    Je suis parti du « but essentiel » que s’est fixé l’UE – « l’amélioration constante des conditions de vie et d’emploi » (préambule du traité de Rome, version consolidée) – pour en faire une évaluation. Le « but essentiel » de l’UE étant économique, une évaluation des résultats économiques est normale. Cela ne signifie pas que je partage « l’économisme ». Votre critique de cet « économisme » qui ignore le principe des communautés politiques est juste et je la partage.

    1. Sur l’universalité chrétienne

    Elle recouvre des réalités à distinguer :
    – L’universalité du Salut (tous les peuples appelés au Salut)
    – L’universalité de l’Eglise, communion de foi et de charité dans la succession apostolique
    – L’identité d’origine, de nature, de condition et de finalité de tous les hommes
    – La fraternité reliée au père commun
    – Le fait que le christianisme peut vivre et s’épanouir dans différentes formes d’organisation politique (« L’Eglise n’en préfère aucune » rappelle Léon XIII) et s’insérer dans toutes les cultures pour les féconder (capacité d’inculturation du christianisme).

    L’unité politique du monde est autre chose. L’Evangile ne contient aucun projet politique et l’Eglise n’a jamais mentionnée l’unité politique du monde comme une exigence découlant de l’universalité chrétienne et de l’Evangile. Maintenant, vous pouvez être favorable à cette unité politique du monde, ou défavorable. Si vous y êtes favorable, bon courage à vous.

    @ Koz

    Tu as raison de souligner que tous nos problèmes ne sont pas « européens » et il s’en faut de beaucoup pour qu’ils le soient tous en effet. La France a aussi des problèmes strictement français, comme l’Espagne, le Portugal etc. Donc ok pour ne pas se dédouaner sur le bouc émissaire idéal. Cela vaut bien sûr pour nos gouvernants successifs : l’Europe est celle qu’ils ont construite et nombre de problèmes relèvent de leur propre incurie. Mais il est normal que les résultats soient mis en face de la promesse européenne. Je te renvoie au débat sur Maastricht et toutes les promesses d’harmonie et de prospérité. Elles ne sont pas au rendez-vous. Au contraire, sont au rendez-vous nombres de difficultés prévues à l’époque par Ph. Séguin, notamment sur la monnaie unique et l’indépendance de la banque centrale.

    Tu regrettes la clause de non-solidarité et le fait que l’UE reste au milieu du gué. Dans ta logique, tu as raison. Prenons un exemple concret : pourquoi l’Allemagne a-t-elle refusé la mutualisation des risques des dettes et les Eurobonds (refus sécurisé par une décision de la cour constitutionnelle de Karlsruhe) ? Parce qu’elle ne peut prendre ce risque, tout simplement. Pour le prendre, il faudrait lui garantir une intégration budgétaire, une sorte de « Bercy européen » qui imposerait de fait la fameuse convergence (Cf. critères de convergence du traité de Maastricht). Et plus que cela, il faudrait garantir que cette convergence large soit gravée dans le marbre, en quelque sorte constitutionnalisée, pour la mettre à l’abri des majorités changeantes. En effet, les pas supplémentaires dans l’intégration impliquent à un moment ou un autre une intégration politique avec la règle de la majorité au lieu de l’unanimité, ce que soulignent à juste titre les partisans de la fédération européenne. Mais imagine que demain, une majorité adopte une politique économique et monétaire plus inflationniste. Ce serait très ennuyeux pour l’Allemagne, qui doit par exemple protéger son épargne compte-tenu de sa démographie. L’Allemagne est une nation prudente : si elle a accepté un mécanisme de stabilité à minima en évitant la mutualisation, c’est parce qu’elle sait que les conditions politiques de l’intégration ne sont aujourd’hui pas remplies ; et que rien n’indique qu’elles le soient un jour.

    Tu voudrais, quant à toi, cette intégration. Cela impliquerait de constitutionnaliser non seulement des institutions (la forme politique) mais des politiques économiques. Elles sont aujourd’hui supposées en partie garanties par les traités, mais, ainsi que tu le regrettes, ces traités sont au milieu du gué et n’ont pas la force exécutoire suffisante pour produire des effets. Lisbonne reste « entre deux eaux ». Le paradoxe est là : l’Europe est contraignante mais peine à contraindre.
    Tu adoptes donc l’idée que c’est parce qu’il n’y a pas assez d’Europe que ça ne marche pas. Admettons, c’est logique. Mais l’expérience la plus récente semble montrer que ce « plus d’Europe » semble inaccessible, ou alors au prix d’une marches forcée. Et le résultat serait très incertain : l’intégration et la convergence n’empêchera jamais que : 1. Les peuples ont des tempéraments propres. 2. Il est à mon avis impossible de graver dans le marbre des politiques européennes intégrées qui aient la faculté de correspondre aux besoins de toutes les nations. Il y aurait un risque de tension entre les nations.

    C’est pourquoi je pense que la sagesse politique serait en effet de quitter le milieu du gué, de revenir sur la rive initiale et de refonder des coopérations européennes sur des bases plus modestes et plus réalistes. Et cela implique, à mon avis, de démanteler la superstructure UE et de faire de l’euro une monnaie commune.
    Voir pistes de réflexion ici : http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/Refonder-une-Europe-des-nations

    Merci en tous cas pour ce fil de discussion. Je ne trouve pas que le débat soit dans l’impasse, nous sommes en plein dedans et la qualité des différents échanges en témoigne.

  • Ton analogie est rigolote, elle me plaît, mais probablement pas pour la même raison que toi.

    Si « sortir de la France » signifie la même chose que « sortir de l’Europe », c’est à dire réduire drastiquement cette couche d’administration à la croissance entropique qui micromanage à l’infini en rognant toujours plus les droits fondamentaux, je suis bien évidemment d’accord pour les deux (même si la couche européenne est largement moins liberticide que les nombreuses couches françaises). Mais je n’aurais ni l’un ni l’autre.

    Si « sortir de la France » signifie la même chose que « sortir de l’Europe », c’est à dire célébrer et encourager le conflit de tous contre tous (Français contre Allemands, riches contre pauvres, patrons contre employés, blancs contre noirs, hommes contre femmes…) alors je suis bien évidemment contre les deux. Même si je crains d’avoir les deux.

    Si sortir n’a pas le même sens selon qu’il soit appliqué à la France ou à l’Europe, alors ton analogie n’a plus de sens.

    Étonnant, ce mot solidarité. Il a deux sens différents : (i) dépendance mutuelle et (ii) sentiment humanitaire, lien qui pousse des personnes à s’entraider. Ces deux sens ont des liens subtils. Les humains sont des animaux sociaux, chacun sait qu’il a besoin des autres que le commerce est mutuellement bénéfique. C’est pour cela que nous avons à des degrés divers ce sentiment humanitaire.

    La subtilité est que même si on a besoin de quelqu’un, on n’a pas besoin de tout le monde. Ou dit autrement, on ne peut pas se passer de tout le monde, mais on peut se passer d’une personne en particulier. Cet espace de liberté est essentiel à une société harmonieuse, c’est le régulateur indispensable. Si tu me nuis alors je peux décider de cesser d’interagir avec toi. Ainsi tu ne le fais pas. Et si tu le fais quand même, ce n’est pas si grave.

    Le deuxième sens de solidarité naît parce que le premier existe, mais de façon limitée. Si la dépendance mutuelle devient une obligation stricte, la société harmonieuse se transforme en lutte de chacun contre chacun pour tirer partie des obligations des autres.

    C’est ce qui se passe en Europe ou, malgré la faible clause anti free riding qui te déplaît tant, la tendance à tirer la couverture à soi n’a fait que se développer. Il y a 25 ans on se limitait à piquer dans la caisse commune avec le budget de la PAC et les fonds structurels. Aujourd’hui on entend dans les media mainstream des discours d’une violence xénophobe inimaginable il y a 10 ans. Notamment contre l’Allemagne, accusée de faire les efforts qu’on refuse et surtout de ne pas payer pour nous.

    Et on retrouve cette opposition entre interdépendance et entre-aide. Les peuples européens ont des intérêts et destins communs évidents. C’est donc tout naturellement qu’ils se sont tourné les uns vers les autres. Ce qui est frappant dans le couple De Gaulle Adenauer, ce n’est pas seulement ces deux hommes d’Etat visionnaires, c’est que leurs peuples n’ont pas eu besoin d’être forcés. Moins de 20 ans après la guerre, ils ont embrassé avec ferveur la nouvelle amitié franco-allemande. Et aujourd’hui, 50 ans plus tard, après cette accumulation de contraintes mutuelles ésotériques, on voit Emmanuel Todd hurler sa haine du boche à Ce Soir Ou Jamais.

    On ne trouve rien de tel dans les relations entre les 3 pays nord-américains. Un traité de libre-échange, pas d’administration supranationale, pas de transferts financiers… Et pas de politicien haineux au Canada qui vit de la haine anti-US (ou réciproquement). Et pas d’interrogation existentielle sur la communauté de destins entre ces pays.

    Encore mieux avec le Commonwealth britannique. Des pays indépendants réunis par leur histoire et leur intérêt communs, en l’absence de tout traité. Aucune obligation de s’aider militairement, mais les australiens, canadiens et neo-zélandais sont venu mourir en Europe quand la France et l’Angleterre feignaient de respecter leur pacte avec la Pologne.

    @bruno lefevre, votre plaidoyer contre la démocratie est assez convaincant. Mais surtout il est inquiétant car il montre les progrès de l’étatisme dans un pays où l’Etat contrôle l’éducation et les media et revendique ouvertement de les utiliser pour « modifier les comportements ».

    Bien entendu il souffre de la contradiction fondamentale habituelle. Selon vous les hommes sont égoïstes et agissent naturellement contre l’intérêt général, votre solution est de donner un pouvoir exorbitant à certains hommes, sélectionnés sur leurs capacités de bonimenteurs, et d’espérer que eux ne seront pas égoïstes et n’agiront pas contre l’intérêt général.

    Une telle position, de plus en plus fréquente, est inquiétante car elle oublie plus ou moins volontairement tout l’enseignement des lumières. Hobbes, Montesquieu, Tocqueville, Voltaire et tant d’autres ont compris et expliqué qu’un système politique devait envisager la corruption du souverain et en tirer les conséquences : la restriction drastique de ses pouvoirs.

    Vous commettez un contre-sens magistral en imaginant que les constitutions sont construites pour limiter les pouvoirs des citoyens. Au contraire, elles limitent le pouvoir du souverain sur les citoyens. Et ces limitations sont rigides, le souverain ne peut rien invoquer, pas même l’accord de la majorité, pour violer les droits des citoyens.

    Enfin, étaient rigides. Tous ces principes (d’inspiration chrétienne, vous avez raison de le souligner) s’érodent dans presque tous les pays. Les souverains invoquent un intérêt général indéfinissable (et d’ailleurs jamais atteint, au contraire) pour augmenter leur pouvoir de façon bien réelle sur des citoyens de plus en plus contrôlés, taxés et asservis. Et ils assoient leur pouvoir en distribuant privilèges et prébendes à leurs nouveaux barons (entreprises, syndicats, administrations, corporations, intérêts catégoriels…). On voit se créer une forme de neo-féodalisme où, au-dessus d’un tiers-état soumis et paupérisé, évoluent des corporations qui tirent leur privilège de l’Etat et le défendent agressivement par le service rendu au souverain et/ou la menace de lui nuire.

    Gwynfrid a écrit :

    Tout ceci, délitement de l’Europe, affaiblissement du lien national, résulte des mêmes tendances à l’atomisation et à la désolidarisation.

    Bien sûr, tu refuseras d’envisager que cette désolidarisation est précisément la conséquence de ces constructions contraignantes et liberticides. Combien d’exemple te faut-il? Au niveau international avec l’état de l’UE par rapport aux collaborations plus soft. Au niveau national avec la France, record du monde du vivre-ensemble imposé à coup de pelle dans la nuque, où la générosité réelle (celle qui est volontaire) est minimale par rapport aux pays plus libres. Au niveau générationnel quand on voit des jeunes qui veulent se barrer parce qu’ils ne trouvent pas de place « malgré » les emplois d’avenir.

    Non, on ne paie pas d’impôts pour aider les autres. On paie des impôts pour entretenir un léviathan oppresseur (dont on espère plus ou moins consciemment qu’on tirera profit). Si on veut aider les autres, on le fait soi-même. En donnant soi-même volontairement, en s’associant avec d’autres qui le font librement. Pas besoin que les autres donnent pour donner, au contraire.

    nescafe a écrit :

    on peut penser que la France a les moyens de réussir seule, mais il faut une bonne dose d’inconscience

    Allez dire ça à Hong-Kong, Singapour, la Suisse, le Chili… La taille n’a aucune importance.

  • a Lib: Montesquieu ne dit pas « tout chef qui a du pouvoir a tendance à en abuser », mais tout homme. or en démocratie, comme le pouvoir est au peuple, le risque, une fois que la démocratie n’est heureusement plus remise en question et nous y sommes, est l’excès de pouvoir de chacun sur chacun, ce qui empêche toute action commune en dehors du contrat (ainsi périt par exemple le mariage-institution). La constitution a donc plusieurs limites à apporter à plusieurs pouvoirs.

    A cet égard, vous feriez erreur en ce qui me concerne si vous envisagez un instant que mon petit faible pour la bureaucratie ferait de moi un partisan de « l’Etat Peillon » (lequel d’ailleurs est nourri aux Lumières et prof de philo, pas vraiment bureaucrate et d’ailleurs un bureaucrate n’aurait jamais tenté l’usine à gaz des activités extra-scolaire). Le bureaucrate européen a ses défauts mais ne vise aucunement à façonner le peuple, il le néglige, il préfère même qu’il évite de faire de la politique et inclinera à soutenir n’importe quel régime du moment que la population sache lire un mode d’emploi et les 4 opérations sans l’empêcher de travailler à l’harmonie par les normes communes: tous les bureaucrates ne sont pas totalitaires, ceux de Louis XIV et leur souverain lui-même ne l’étaient pas; jamais leur pouvoir n’a envisagé la construction d’un homme nouveau, concept au contraire issu tout droit de la pensée postérieure aux Lumières. Montesquieu n’a pas pu anticiper une seconde ce genre de volonté étatique là. Son souci était que les aristocrates de robe modèrent le prince.

    La bureaucratie de l’Union européenne depuis son origine n’a pas montré le moindre signe de volonté de modeler les consciences. Dans la jurisprudence sociétale, ce qui mine les principes du « ça se fait dans le christianisme ou ça ne se fait pas », ce ne sont pas les bureaucrates, c’est le libéralisme et son contrat synallagmatique pour qui il n’y a personne en dehors de la libre volonté de ceux qui contractent. Dès lors aucun principe supérieur à la relation de contrat n’est possible, et c’est là, et seulement là, que le bureaucrate libéral approuve parce que cela va avec son désir de ne pas voir s’immiscer quelque brume métaphysique dans son horizon technicien.

    Les libertés ne sont pas en Europe menacées par une volonté de l’Etat français de construire un homme nouveau mais par le fait que chacune des tribuns qui composent un pays géographiquement et culturellement hétérogène a perçu qu’il lui suffisait de produire un lobbying actif contre son adversaire pour obtenir une protection plus importante que celle des autres. La France, dans sa superbe, s’y abaisse difficilement et se juge du coup délaissée. Elle préfère céder aux groupes de pression mais dans la fougue oratoire de C Taubira. Les apparences sont sauves, et un groupe de pression perpétuera le combat pour les libertés, c’est plus valorisant.

  • Je soutiens l’argumentation de Lib, pour le coup. Idem pour Humpty-Dumpty et pour Guillaume de Prémare.

    Je vais être bref, et bien moins talentueux qu’eux. Ce ne sera que l’expression d’une impression. Un témoignage très subjectif, qui ne peut être de nature à démontrer une vérité générale.

    Mon impression concerne les europhiles, dont je faisais partie avant 2007. Ces derniers prônent plus d’Europe en tant que solution à nos problèmes ; si les choses ne fonctionnent pas si bien, c’est de la faute des autres/d’un manque d’Europe.
    Or, je retrouve cette argumentation chez tous les étatistes, les syndicats, tous les lobbys.
    Si le service public n’est pas efficace, c’est de la faute de Sarkozy et il suffira de plus de moyens (d’embauches) pour obtenir de meilleurs résultats.
    Si la sécurité n’est pas toujours assurée, c’est de la faute du laxisme de la Gauche/de l’idéologie sécuritaire de la Droite, et il suffit de mieux encadrer les libertés pour obtenir de meilleurs résultats.
    S’il y a tel accident/catastrophe/scandale, c’est de la faute des uns, mais surtout il faut une autorité administrative pour mieux encadrer tout ça.

    Et c’est ainsi que, couches après couches, on se fait ensevelir de normes qui ne fonctionnent pas, voire sont contre-productives.
    Cela m’évoque la médecine archaïque. Un problème? Il suffit d’une saignée. Ah, la situation se dégrade? Il faut encore plus de saignées. Bon sang, il est mort : on aurait dû le saigner plus.

    Car, au fond, qu’a-t-on dit à chaque étape de la construction européenne depuis 20 ans? Les dysfonctionnements sont dus aux gouvernants/peuples/eurosceptiques ; il suffira de plus d’intégration pour que ça aille mieux. Et à chaque élargissement, à chaque approfondissement, aucune amélioration n’est visible.

    Il me paraît de plus en plus impossible de pouvoir évaluer vers un fédéralisme consistant à imposer les décisions d’une majorité à une minorité. L’unanimité est impossible, c’est ingouvernable. Mais la tyrannie de la majorité n’est pas non plus tenable : comment peut-on imaginer que l’Angleterre acceptera les normes étatistes de certains pays continentaux? Ou que la France acceptera les législations radicales d’une Hongrie et consorts, ou trop « libérale » d’une Angleterre et autres? Comment les petits pays, dont les peuples ont une grande histoire et une fierté justifiée, peuvent-ils accepter d’être dirigés par l’Allemagne et la France?
    Ce qui fait l’authentique richesse de l’Europe, c’est sa diversité…qui se traduit par autant de souverainetés, autant de lois. A chaque peuple, sa loi. Vouloir harmoniser par le haut en priant pour que la « base » s’adapte aux prescriptions d’une élite anonyme n’est pas le projet le plus exaltant qui soit.

  • J’entends régulièrement le même genre d’âneries sur Euronews, avec la construction d’hommes de paille « eurosceptiques » pour exposer fièrement leur petite trouvaille rhétorique : « ben en fait, ils veulent plus d’Europe et attendent plus d’elle. »
    Alors soit !
    Une union politique de type impériale en Europe nécessite en premier lieu une politique de défense commune. Il faut sortir de l’OTAN et avoir une armée européenne afin de faire de la diplomatie autrement qu’à la traîne de Barack Oblabla et son hideuse administration (qui nous considère comme son caniche). Or les pays de l’Est sont les larbins des américains, l’Allemagne n’a plus d’armée et n’est pas une force politique, juste un atelier hightech dont la seule activité diplomatique se résume à vendre sa camelote. Des ambassadeurs et employés de bureaux rompus à la dégustation de petits fours ne font pas une diplomatie. Il faut une véritable force militaire en appui des négociations (« on obtient plus en demandant poliment une arme à la main, qu’en demandant juste poliment. »). Une telle union pourrait éviter l’écueil de son opposition obséquieuse à la Russie qui est historiquement une nation et un peuple frère des Européens. Vive la sainte Russie !
    Ensuite, le volet « citoyenneté, droits de l’homme et fête du slip » gagnerait à être traité en appliquant le principe de subsidiarité pourtant rabâché à l’envie. Cela veut dire qu’une puissance juridique supranationale est le pire danger que l’on fait courir aux droits de l’homme. Ceci, indépendamment de ce que l’on fout dans cette appellation et ce que l’on nous fait gober comme saleté avec cette fausse vertu qu’est la tolérance, qui, si elle devait être poussée dans sa logique nous amènerait à décréter notre nécessaire tolérance au mal. La défense contre le non-respect de ces droits doit être assuré au niveau local (droit coutumier, jury populaire etc.) et non-être un conglomérat de normes définies dans l’abstrait par des technocrates et des lobbies idéologiques et commerciaux.
    Pour ce qui est de l’économie, on peut tout de même saluer la seule et unique réussite de l’Europe qui est parvenue à transformer petit à petit ce territoire aux richesses et diversités historiques, culturelles, linguistiques, intellectuelles, spirituelles en un vaste complexe de centres commerciaux et usines bétonnés, répliqués à l’identique dans tous les recoins de ce continent où chaque nation pourtant avait été un vaisseau mystérieux qui a ses ancres dans le ciel, selon le bon mot de Rivarol. Maintenant nous avons transféré nos ancres dans les banques et complexes industriels. Faire du commerce, bétonner, consommer, bétonner, se serrer la ceinture, bétonner, budgets à l’équilibre, bétonner, quantitative easing, bétonner. Les racines ne poussent pas dans le béton.
    L’union Européenne, pourquoi pas. Celle qui se construit actuellement, radicalement non ! Une autre Europe est-elle possible ? Non, la seule Europe moderne envisageable, est celle de la standardisation globale des valeurs « morales », du parlementarisme des coteries obscures, de la culture (culture pop urbaine globish), de la relégation de la religion au même rang qu’un choix vestimentaire, de règne des marchands et de l’individu nomade déraciné qui se pose là où son portefeuille le permet. C’est à dire l’évaporation de la société organique en rapports individuels guidés par les dépendances économiques et la menace policière.

  • Pour moi, l’Europe est tout à fait satisfaisante. La libre circulation pour le boche de moi qui s’est entiché d’un Français, que je puisse travailler, cotiser, vivre sans tracas… c’est ce qu’il faut à ma famille.
    la formation des consciences, elle le fait dans son champ de compétence, où comment expliquez-vous l’ évolution du droit administratif français de plus en plus respectueux de sécurité juridique, d’État de droit etc.
    J’ai connu le patriotisme DM, ce n’ est pas très grisant, mais je préfère que l’ivresse reste en option.

  • @ sans:
    Mais d’où vient cette idée farfelue que la 6e puissance économique mondiale serait trop petite seule? Francophonie, 2e ZEE mondiale, tout cela compte-t-il pour rien? Oui, à force de le croire et de n’en rien faire… Pourquoi seuls les Européens ont-ils cette idée en tête? Et que devraient penser les autres alors, autrement plus mal lotis? Sous prétexte que nous avons échoué à diriger le monde, nous nous croyons complètement nuls. Il faudrait sortir de cette alternative absurde de vieux désabusés (sauf votre respect).
    Quant à la dévaluation, il faut croire tous les pays du monde sont devenus fous alors, car ils ne s’en privent pas ces derniers temps.
    Et êtes-vous bien sûr que l’UE nous protège? N’est-ce pas au contraire elle qui détricote toutes nos protections au nom de la « liberté » du commerce? Les travailleurs détachés, manière de protéger notre niveau de vie?
    Quant à la dialectique État – Nation, tous les cas de figure existent. Mais l’état de minorité diluée dans un ensemble plus vaste n’a rien de souhaitable à mon sens. Après c’est une question de choix, si vous désirez un vase ensemble multilingue où toutes les cultures du monde s’entremêlent, je comprends que vous souhaitiez des élites qui forgent une structure pour gérer le tout, là-dessus, pas de débat à avoir, c’est de la simple science politique.

  • « C’est dommage, je pensais que vous étiez désolé de qualifier d’ »âneries » ce que j’écris. »

    J’en suis également désolé, rien de personnel. C’est juste que votre analyse, aussi finaude soit-elle, reste dans le cercle mou d’une conception de la politique européenne qui laisse croire qu’elle peut régler les « problèmes quotidiens des gens » ou au moins qu’elle peut en adoucir les effets douloureux alors même qu’elle est incapable d’être une véritable entité politique et qu’elle ne le sera jamais car elle est soumis au projet du mondialisme (standardisation des rapports humains, croyance que les lois forment les hommes etc.)

  • @ Pierrot:
    Je crains que votre réponse ait croisé ma deuxième note. À ce que je vois la France subsiste à l’ Europe. Mais je suis acculturée fédérale, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de parler tous la même langue pour faire un État, ni que la permanence de l’ UE conduise à une éducation nationale européenne. Enfin, qui s’est engagé en Afrique et attend que viennent les renforts étrangers. Plus sérieusement, il existe en France, à mon expérience, une tradition européenne et une tradition impériale qui commandent des vues différentes sur l’ Europe .

  • @ sans:
    Empire, fédération, je vous comprend, cela correspond bien à votre histoire et à votre culture d’origine. Et les couples dits mixtes ont de quoi se satisfaire de la libre circulation. Mais en ce domaine comme dans d’autres, faut-il fonder la norme sur l’exception?

  • Les européens ne seront jamais unis car ils parlent chacun leur langue, USA parle anglais c’est pour cette facilité que l’USA existe. Beaucoup de Français sont à de millions de kilomètres lumière de ce que se passe en UK, ou Allemagne et vice-versa pendant qu’ils sont plus proches des francophones (Musique, TV, artistes) Suisses, Belges. Ma peur c’est cette distance entre l’uns et les autres, cet amour faux entre les Européens. L’Europe existe administrativement mais elle n’a pas un vrai coeur une vrai âme… Il faudra une langue universel mais ça je sais que c’est impossible. L’Europe est petite mais ils sont si différents les uns et les autres. Ils ont rêvé du modèle Américain ou Allemand (fédéral) Cela n’est pas gagné du tout.

  • @ Pierrot:

    Dévaluations…, leur efficacité, éventuelle, dépend du contexte.

    Les problèmes de la France sont son incapacité à maîtriser sa dépense publique, et la fiscalité qui va avec, un droit du travail qui tue le travail, etc.,

    Avec le Franc, cela donnait inflation galopante, dévaluations répétitives, et ceux qui ont connu cette belle époque savent combien elle était bénie, favorable aux ménages modestes et notamment les retraités, encourageante pour l’épargne et l’investissement,…

    Avec l’Euro, cela donne l’asphyxie du secteur productif et la destruction de l’emploi.

    Mais croire que la solution c’est la sortie de l’Euro, c’est comme croire qu’on évite le cancer du poumon en changeant de marque de cigarette. Non, il faut arrêter de fumer (dépenser l’argent qu’on n’a pas), et oui cela fait passer par des moments pénibles.

  • @ Pierrot:
    Les autres, qu’ont-ils perdu? Les Français exportent dans leurs domaines de compétence, ils font la guerre où cela leur chante, ils enseignent l’égalité des sexes selon le goût de leurs ministre. Les « hordes d’immigrés » que je vois ne sont que très minoritairement européens qui d’ailleurs peuvent être expulsés s’ils causent trouble à l’ordre public où viennent à ne plus disposer de droit personnel à la sécu.

  • Bonjour Koz,

    Pour cette fois, sur l’UE je ne suis absolument pas d’accord avec vous. Mais votre analyse ne m’étonne guerre: ce que vous voulez (corrigez moi si je me trompe), ce sont les euro régions comme le veut la Commission à Bruxelles. Je me permettrait de donner quelques pistes sur nos positions eurosceptiques car si nous sommes en démocratie, alors nous avons le droit d’avoir un avis différent.
    1- Commençons par le plus classique: la situation actuelle nous donne le contraire de ce que nous avait prédit nos oligarques européens. Je rappelle qu’ils nous avaient promis plus d’emploi, de croissance et la prospérité. Hélas ! C’est le contraire de ce qui se passe et à quel prix ! En France, nous comptons actuellement 11 % de chômeurs et l’équivalent dans l’Union européenne. Cela ne fait pas joli joli ! Certes, il arrive à tout le monde de se tromper mais le comportement de nos élites est dangereux. Non seulement ils refusent de reconnaitre leurs échecs, mais ils ne veulent pas que nous pensions autrement sinon, ils nous font du chantage électoral.
    2- Les causes du chômage: elles sont dues à plusieurs choses. Premièrement, à cause d’un rattrapage des pays émergents qui ont réussi à évoluer leur système économique fondé sur les trois principes consommation-exportation-importation. Deuxièmement, à cause de la monnaie de l’euro qui est trop forte pour notre pays. Sans entrer dans les détails, je signalerai simplement qu’une monnaie forte pénalise les exportations mais facilite les importations. A l’inverse, une monnaie faible pénalise les importations mais facilite les exportations. Ainsi, 1 euro = 6,55957 francs. Mais à la différence du Deutsch mark allemand, nous avons du surévaluer le franc pour faire la monnaie unique ce qui donne le résultat que j’ai édicté. Les conséquences sont graves pour nos entreprises parce qu’elles fonctionnent mais ne peuvent pas importer à cause du coût du travail qui est trop fort. Nos hommes politiques veulent diminuer les charges car ils ne veulent pas jouer sur la monnaie et sur les emplois (qui sont déjà trop nombreux à être détruits). Mais es baisses de charges sont antisociales car elles font diminuer le pouvoir des salariés en berne à cause des augmentations d’impôts. De ce fait, ils ne peuvent plus consommer correctement pour les biens de premières nécessités. Les économistes nomment ce concept la propension à consommer: elle est plus forte chez les modestes que chez les aisés. Troisièmement, à cause de la baisse de la consommation. D’abord, par les importations de l’étranger évoquées ci-dessus. Ensuite, par les hausses d’impôts: « trop d’impôt du l’impôt). Vous connaissez peut être ce slogan. Les rentrées fiscales sont moins bonnes pour l’État car le consommateur a eu deux comportements. Ou bien, il travaille moins pour gagner moins et donc payer moins, ou bien il se met au travaille au noir. Certes, il n’est pas honnête mais il a du pouvoir d’achat. Enfin, par une volonté des citoyens de ne plus consommer. Je pense que notre société de consommation est malade (et là, nous pouvons être d’accord sur ce point). Les Français ne vont pas acheter trois ou quatre ordinateurs dans le simple but de faire augmenter le PIB de la France. C’est absurde !
    3- L’échec de l’immigration et de la sécurité dans notre pays ont pour cause l’espace Schengen. Cet espace, signé et ratifié par la France en 2002 est un espace dit de libre circulation des marchandises, des hommes et des capitaux. Par ailleurs, cette libre circulation tue aussi nos entreprises parce que nous ne pouvons pas mettre en place un protectionnisme efficace au nom de la sacro-sainte concurrence. Le principe de libre circulation des personnes est garanti par l’article 3 du Traité de l’Union européenne. La conséquence de cet article est l’abolition des frontières des pays. Ainsi, il interdit l’exclusion de personnes clandestines et le contrôle de l’immigration. Résultat, la police et la gendarmerie ne servent plus à grand chose. Pire ! Le multiculturalisme est à l’œuvre puisque les élites bruxelloises ont la volonté de faire les États-Unis d’Europe. En conséquence, nous n’avons pas le droit de nous revendiquer Français. Il faut être Européen avant tout. C’est ce qui a conduit à l’abandon de l’apprentissage de l’histoire de France dans nos écoles.
    4- Concernant la construction antidémocratique de la France: vous oubliez qu’elle a été justifiée par l’évangélisation depuis le Moyen-Âge jusqu’à l’époque moderne. Je rappelle que l’Église catholique a soutenu ces conquêtes au nom de l’universalisme. Mais elle a toujours condamné les violences envers les civils comme ce fut le cas pour l’attitude violente de Charlemagne envers les Saxons. Par ailleurs, en tant qu’étudiant en histoire, je vous préciserai qu’il faut entrer dans la mentalité des gens d’autrefois car pour eux, la religion c’est la politique et la politique c’est la religion. Ces deux notions sont intrinsèquement liées. Ici, c’est la Constitution européenne qu’il faut observer. Quelques articles nous feront remarquer que les institutions européennes ne sont pas ce qu’elles prétendent être. Ainsi, l’article 48 affirme que le Parlement européenne n’a pas de fonction législative. Il vote ou rejette les mesures qui sont prises par la Commission européenne de Bruxelles. Le président de l’UE n’est élu par aucun citoyen européen et les ministres des différents États membres de l’UE n’ont de compte à rendre à personne. Est-ce normal ?
    5- Pour les dérives idéologiques, ceci est du aux groupes de pression (nommés communément lobbies) qui passent par une petite institution pour faire valoir leur revendication. Certes, je le ne leur reproche pas d’avoir leur vision de la société mais ils ne respectent pas la majorité des citoyens qui sont opposés à leur projet (mariage homosexuel, PMA, GPA, théorie du genre, euthanasie et avortement). Les Français sont les précurseurs de cette prise de conscience de la dérive idéologique de l’Union européenne. Je souhaite que ça soit le cas chez nos pays voisins.
    6- Je répondrai à votre citation: »Les souverainistes fustigent une inefficacité dont les ressorts sont purement… souverainistes. » Comment peut-on faire avancer un continent alors que tous les pays ont des intérêts divergents sur n’importe quel sujet, y compris en politique extérieure ? C’est impossible à faire ou alors les peuples se révolteront parce qu’ils s’estiment lésés.
    A vous de voir,

    Cordialement.

  • Bonjour Koz,

    J’espère ne pas vous faire de peine mais moi qui vous trouve si souvent clairvoyant sur nombre de question, j’avoue trouver votre approche quelque peu obscure.

    Je pense qu’il faut d’abord se poser la question de savoir pourquoi ce que nous tolérons pour notre beau pays (dissensions, mauvaises décisions économiques, sociales, sociétales… et Dieu sait qu’il y en a ces derniers temps) nous ne le faisons pas pour l’UE. Parce que, quand même, malgré tous les défauts de mes compatriotes je me sens une communauté de destin et que, mine de rien, l’inverse est vrai aussi. Alors qu’au maximum, malgré tous les beaux discours, un Français sentira au maximum une communauté de culture avec un Allemand, un Italien, un Espagnol… (rien pour un Anglais mais là n’est pas la question).

    Donc personnellement, je considère que si les arguments eurosceptiques sont valables pour l’UE en aucun cas ils ne sont transposables au cas français.

    Pour ce qui est de la question de l’ingouvernabilité de l’Union, ce n’est que la conséquence logique de cette absence de communauté de destin! Vous pourrez faire le meilleur traité, la meilleure « constitution », les meilleurs mécanismes interinstitutionnels pour l’UE, ils ne sauront produire cette communauté destin. De mon point de vue, la construction européenne se fait à l’envers: on crée les institutions avant de « construire » le peuple européen, ce qui prend du temps… beaucoup plus de 60 ans. Parce que le monde va vite, on pense que les peuples suivent le rythme.

    Plus que les soubresauts économiques (qui ne sont que les révélateurs), la crise européenne actuelle résulte du fait que nous sommes arrivés à un tel point d’intégration que toute progression ultérieure dans cette voie ne peut être acceptée que si l’on partage (encore et toujours) une communauté de destin avec les autres. Alors quand vous écrivez « Le débat est ainsi phagocyté par la mise en cause de l’Europe elle-même », c’est de mon point de vue totalement normal et salutaire. Toutes les constructions politiques rassemblant plusieurs communautés disparates affrontent un jour cette question: continue-t-on ensemble? Ceci d’ailleurs se joue au Royaume-Uni, en Belgique, en Espagne etc. Que les réponses soient aussi caricaturales d’un côté comme de l’autre, je le pleure autant que vous.

  • Sortir le la France est tout à fait possible à condition qu’au départ la France soit encore membre de l’Union Européenne et que l’on sorte de la France par étapes, sinon ça ne marchera pas. Cela a déjà été fait avec l’Algérie en 1962. En 1962 l’Algérie est sortie de la France et ipso facto de l’Union Européenne, elle est aujourd’hui ni dans l’une ni dans l’autre.

    Une stratégie qui me semble intéressante, pour des raisons d’efficacité, est d’attendre que les nouvelles régions soient créées. On pourra à ce moment là commencer par exemple avec la nouvelle Bretagne. En quittant l’Union Européenne, la grande Bretagne deviendrait un pays indépendant, la Nouvelle Bretagne (New Britanny en anglais), avec sa propre monnaie, l’écu. L’UE ne va pas aimer cela et ne voudra en aucun cas des accords bilatéraux entre la Nouvelle Bretagne et l’UE (pas de libre circulation des marchandises, des capitaux, ou des personnes, pas de PAC, etc.). La France pourra avoir des accords bilatéraux avec la Nouvelle Bretagne, mais cela poserait des problèmes et ce ne serait pas vraiment sortir de la France. Pour un ressortissant néobreton, il faudra un visa pour entrer dans l’UE. Puis on continue avec les autres régions, une à une. Il n’y a pas besoin pour la France, au fur et à mesure que les régions quittent la France et l’UE, d’avoir une frontière avec l’UE. Il peut y avoir des poches de territoires dans l’hexagone qui sont en France et d’autres qui ne le sont pas. On pourra bien évidemment organiser un référendum de sortie de la France dans chaque région, ce serait la moindre des choses.

  • bruno lefebvre a écrit :

    or en démocratie, comme le pouvoir est au peuple, le risque, une fois que la démocratie n’est heureusement plus remise en question et nous y sommes, est l’excès de pouvoir de chacun sur chacun

    Vous commettez ici une double erreur de raisonnement courante.

    D’abord vous supposez que le fait que le pouvoir soit au peuple est suffisant pour éviter l’abus de pouvoir. Et donc que la démocratie nous en préserve. C’est malheureusement faux. Le peuple peut abuser de son pouvoir. Contre des minorités par exemple. L’histoire regorge d’exemples de gouvernements élus ou populaires commettant des crimes épouvantables sur leurs minorités. C’est pour cela qu’on écrit des constitutions, la démocratie ce n’est pas la dictature élective; il ne suffit pas d’avoir une majorité pour imposer ses vues. Et les constitutions sont, très explicitement, des restrictions au pouvoir du souverain : séparation des pouvoirs (très insuffisante en France) et protection des droits naturels (très insuffisante en France). La démocratie est un (assez bon) moyen pour atteindre l’objectif de l’état de droit. Elle ne suffit pas à le garantir.

    La deuxième erreur est plus subtile donc plus dangereuse car plus difficile à voir. Vous supposez que, parce que nous sommes en démocratie, le peuple a le pouvoir. C’est confondre objectif et réalité. On voudrait que le peuple ait le pouvoir (dans les limites mentionnées au premier point) mais il faut s’en assurer inlassablement. D’où notre divergence fondamentale. Vous dites « puisque le souverain exerce son pouvoir au nom du peuple, augmentons ce pouvoir ». Je dis « puisque nous voulons que le pouvoir demeure au peuple, assurons-nous toujours que le souverain ne l’usurpe pas à son profit ».

    Les tyrans se sont toujours réclamés du peuple ou de Dieu. Et violaient allègrement les commandements de l’un ou l’autre.

  • Lib a écrit: « les tyrans se sont toujours réclamés du peuple ou de Dieu. Et violaient allègrement les commandements de l’un ou de l’autre. » Dans ce cas, considérez vous le pouvoir des rois de France comme une tyrannie, parce qu’après tout, ils se considéraient comme le lieutenant de Dieu sur terre. Et attention! Hormis Louis XIV qui avait l’habitude de se prendre pour Dieu, les autres rois ne l’ont jamais revendiquer. Je l’ai déjà dit dans mon précédent commentaire, il faut entrer dans la mentalités des gens de l’époque. D’une part, le pouvoir du roi était accepté par le peuple. D’autre part, pour les catholiques de l’époque, celui qui est au pouvoir a été choisi par Dieu donc il n’y a pas de problème sur ce point là.

  • à Lib: je suis un peu étonné car vous réagissez sur ce que je croyais être un point d’accord: l’abus de pouvoir n’est pas supprimé par la démocratie, je ne dis pas autre chose; la différence c’est que moi je la vois au XXI° siècle non d’un tyran mais de chacun devenant tyran tour à tour; ce ne sont même pas les majorités qui oppriment une minorité: la majorité des Français ne demandaient pas le mariage homosexuel mais elle ne voyait pas pour ses affaires à elles de raison d’être contre le fait qu’une minorité impose un changement de la définition du mariage en maquillant ce détournement en lutte pour l’égalité. Elle a simplement par attentisme fait obstacle à la minorité-importante- qui posait qu’une communauté a des principes qui dépassent parfois certains désirs particuliers.

    Vous n’acceptez apparemment pas l’idée que la démocratie est suffisamment enracinée pour empêcher un tyran de type totalitaire; moi je pense que sur un continent où la désobéissance d’un individu à toute loi qui le dérange est la valeur la mieux partagée (on la qualifie de refus de l’hypocrisie, ça fait mieux), le nouveau danger n’est pas un retour aux anciens dictateurs, du moins pas tout de suite, il y faudrait un chaos (mon fameux interrègne encombrant largement autant les rayons de l’Histoire que les tyrannies qui en sont souvent des conséquences) ce que serait la dilution du pouvoir comme arme de chacun sur chacun.

    Le fait que la proportion d’avocats soit élevée aux E Unis (la plus achevée des démocraties) est traditionnellement perçu comme un signe de bonne santé, tout comme le fait que des cours de justice disent de plus en plus le droit. Ce pouvoir des juges et des avocat peut aussi être lu comme le signe que le droit devient un moyen non de vivre ensemble en ayant un minimum de comportements communs, mais d’obtenir de vivre soit seul soit dans ma tribu sans limite aucune du genre principe d’universalité ou loi commune, mais dès lors qu’un simple contrat quel que soit son objet est validé comme le seul bien commun.

    Dans cette optique, la norme bureaucratique qui fut le point fort de l’action européenne risque de devenir oppressive mais les bureaucrates n’en sont pas les premiers responsables. La démocratie contre elle-même c’est un concept tout à fait plausible (l’expression n’est d’ailleurs pas de moi vous le savez certainement). Ce sont les désirs de chaque tribu voire de chaque individu en France comme en Europe qui font du pouvoir européen un pouvoir désormais plus judiciaire que politique; aucun constitution ni aucun populisme n’y changeront rien faute d’aspiration à un bien commun, laquelle suppose un dépassement de son nombril qui ne peut être enseignée que par la famille et les religions (surtout pas par un Etat je crois que je vous donne raison sur ce point). Autrement, la monnaie devient un lien de substitution en dépit de l’absurdité qu’il y a à avoir une monnaie commune mais des fiscalités différentes et des ressources territoriales par habitant très inégales d’un pays à l’autre.

    Sur Dieu et les tyrans, une citation de Tocqueville pour conclure: (Démocratie en Amérique, T.2, partie 1, ch V) « il n’y a point de religion qui n’impose à chacun des devoirs envers l’espèce humaine ou en commun avec elle, et qui ne le tire ainsi, de temps à autre, de la contemplation de lui-même. Ceci se rencontre dans les religions les plus fausses et les plus dangereuses »: le danger de la tyrannie religieuse existera toujours, mais le danger d’un peuple sans bien commun autre que l’absence de limite à la volonté narcissique peut-être plus encore en 2014.

  • Antoine a écrit :

    Dans ce cas, considérez vous le pouvoir des rois de France comme une tyrannie

    Non. L’implication est dans l’autre sens. Les tyrans ont toujours invoqué une autorité supérieure (le peuple ou dieu), cela ne signifie pas que tous ceux qui l’invoquent sont des tyrans.

    J’iras même plus loin. La monarchie n’est pas antithétique de l’état de droit. Il y a eu des rois qui ont mieux respecté les droits des citoyens que beaucoup de démocraties parlementaires. Lisez les 3 documents qui ont fondé l’état de droit : le bill of rights anglais de 1689, la déclaration d’indépendance américaine de 1776 et la déclaration des droits de l’homme française de 1789. Le mot démocratie n’apparaît dans aucun de ces documents. Ce sont les institutions qui sont constitutives de l’état de droit, pas le mode de désignation des dirigeants.

    Bien sûr, la monarchie n’est pas un bon garant de l’état de droit parce qu’elle donne trop de pouvoir au roi et est donc trop dépendante de sa valeur.

    Mais il est des gens (et je ne suis pas loin de les rejoindre) qui pensent qu’une stochocratie (désignation aléatoire de dirigeants au pouvoir sévèrement restreint) serait préférable à notre démocratie qui sélectionne activement des manipulateurs et leur donne trop de pouvoir.

    bruno lefebvre a écrit :

    la différence c’est que moi je la vois au XXI° siècle non d’un tyran mais de chacun devenant tyran tour à tour

    Je crois que je comprends mieux votre position avec ce dernier commentaire. Nous sommes finalement plus proches que je le pensais.

    Ce n’est pas tant le risque que chacun devienne tyran que je crains, c’est celui que chacun se referme sur lui-même et que la société se délite.

    Sur le premier point, la possibilité pour un individu de nuire à ses semblables est très sévèrement limitée. Votre exemple sur le mariage pour tous illustre mon point. C’est par le pouvoir politique qu’une extrême minorité a pu imposer ses vues. C’est d’ailleurs devenu le but officiel du vote : « votez pour moi pour imposer votre volonté aux autres ». Cette violence structurelle naît selon moi de l’extension quasi-illimitée du pouvoir de l’Etat. En matière fiscale (par les impôts ou les subventions), sociales (par le droit social et les caisses diverses), sociétale (éducation, mariage, laïcisme…), économique (montebourgisme…), réglementaire et bureaucratique, l’arbitraire se généralise. Le souverain impose sa volonté, parce que.

    Sur le deuxième point, je partage votre vue. L’assèchement du lien social progresse parallèlement au recul du sentiment moral et religieux. Mais la morale, la religion ou le sentiment d’appartenance ne s’imposent pas par la force. Au contraire, la contrainte exercée sur tous, la course institutionnalisée aux privilèges engendrent l’égoïsme. « Je paie bien assez d’impôts, pas besoin de donner aux plus faibles »; « foutez-moi dehors ces étrangers qui viennent profiter de nos subventions »; « tout le monde fraude, tout le monde triche, je peux bien y aller aussi un peu »; « y a qu’à faire payer les autres » … Combien de fois avons-nous entendu ce genre de propos? Combien de fois y avons nous cédé nous-même?

    La vertu vient de nous, de notre conviction, de notre exemple. Pas d’une contrainte imposée d’en haut. Le seigneur nous montre la voie, il n’emprunte pas le chemin à notre place. Et si il avait raison?

  • bruno lefebvre a écrit :

    la différence c’est que moi je la vois au XXI° siècle non d’un tyran mais de chacun devenant tyran tour à tour; ce ne sont même pas les majorités qui oppriment une minorité

    Bien connu sous le nom « d’effet Olson », du nom de l’économiste Mancur Olson qui en a fait la théorie.

  • C’est sur qu’on ne demande jamais aux 1000 nouveaux chômeurs quotidiens si le fait de savoir qu’ils n’ont plus besoin de passer au bureau de change pour partir en vacances en Italie les console un peu d’être passé sous le seuil de pauvreté.

    http://www.upr.fr/wp-content/uploads/2013/09/nombre-personnes-pauvre-depuis-euro.jpg

    Bref, la comparaison euroscepticisme / francoscepticisme est interessante mais pas pertinente car la définition d’un état est en premier lieu une langue commune, ce qui est vrai pour la france mais pas pour l’europe. Et rien que cela, l’abandon de toutes les langues et coutumes des pays constituant l’europe, cela est une pure utopie. Un des rares exemples de pays « fédéraux » qui partagent une monnaie commune, des lois communes, mais pas une langue commune, je pense à la belgique, n’est vraiment pas un exemple à suivre…

    • Vous, vous n’avez jamais entendu parlé de la Suisse, voire du Canada, c’est cela, hein ? Au-delà de cela, vous m’apprendrez dans quel manuel vous avez trouvé que la définition d’un Etat serait l’existence d’une langue commune (sans compter évidemment que personne ne parle de faire de l’Union Européenne un Etat).

  • Lol, vous auriez pu choisir les balkans, la tchécoslovaquie, le Soudan, que sais-je encore, tous ces ex-pays multilingues qui ont justement explosé dans des conflits meurtriers…
    mais vous prenez pour me réfuter l’exemple de la Suisse et du canada, deux des pays les plus prospères au monde or tout le monde sait que la prospérité atténuer fortement les tensions intérieures et identitaires… donc a part quelques EXCEPTIONS en sursis, un état = des gens qui partagent une langue, une culture, une monnaie… il faut les trois sinon ca ne marche pas et ca pète à la première crise.

    Qui parle de transformer l’UE en état? ben vous! quand vous sous-entendez que la crise européenne vient du fait que les souverainistes refusent d’abandonner TOUTE notre souveraineté à l’UE…

  • HerveLE a écrit :

    C’est sur qu’on ne demande jamais aux 1000 nouveaux chômeurs quotidiens

    La faute à l’Europe ?

    Mais alors pourquoi la France fait-elle dans ce domaine beaucoup moins bien que d’autres pays appartenant eux aussi à l’Europe ?

    Rien à voir avec les choix de nos politiques à nous ?

  • La Chine, l’Inde, l’Indonésie, les USA (anglais/espagnol), à titre plus mineur l’Afrique du Sud, le Nigéria ou le Pakistan…

    Si vous ne faites pas attention, HerveLE, vous allez vous réveillez un beau jour dans un monde où une bonne partie des grandes puissances sont des états multilingues, à un titre ou à un autre… Heureusement, d’ailleurs, puisque la notion « un état, une nation, un peuple, une langue » ne peut pas s’appliquer sur 80% de la surface du globe, faut d’unité linguistique.

    Sinon, on a déjà du vous dire que le seuil de pauvreté que vous utilisez est une valeur relative par rapport au niveau de vie médian ? Le premier graphique de l’article qui suit donne l’évolution du revenu en absolu, à la fois pour les plus riches et pour les plus pauvres (courbe D1). Tout le monde monte, même si la cassure liée à la crise est préocupante (mais pas que dans la zone euro), aucune rupture liée à l’euro…

  • @ Vivien:
    j’espère de tout coeur avoir tort, alors, parce que si l’europe se dirige vers le modèle du Pakistan, du nigéria ou de l’afrique du Sud… on est mals!

    sur votre second point, j’entends bien, mais j’espère aussi qu’à pole emploi ils ne consolent pas les nouveaux arrivants en leur expliquant qu’ils n’ont pas à se plaindre parce que leur niveau de vie est largement supérieur à celui du début du siècle et qu’au Moyen Age ils n’avaient ni le frigidaire ni les antibiotiques !

  • @HerveLE

    Je ne vous vend pas ces modèles. Mais ces pays existent sans langue unique, ne peuvent pas être remplacés par des états monolingues, et ce seront sans doute des grandes puissances de (après) demain du simple fait de leur démographie. Ce que la France seule aura du mal à être.

    Sur le second point, l’échelle du graphique vers lequel je pointais est la même que le votre, je ne remonte pas au Moyen-Age. Je n’ai aucune intention de m’en servir pour consoler qui que ce soit. Mais dire que la pauvreté a monté en France depuis 2002 et faire un lien avec l’introduction de l’euro, c’est fumeux, du moins sur la base des données que vous apportez. Le dire à « un nouvel arrivant à Pole Emploi » pour lui faire miroiter une solution à ses problèmes, c’est de la récupération politique.

  • effectivement, je n’apporte pas assez de données pour prouver ici l’impact dévastaeur de l’euro sur notre économie française, mais ca n’est pas compliqué avec internet, pour tous ceux qui veulent comprendre le discours aujourd’hui commun à trois prix nobels d’éco et une centaine d’universitaires, ainsi que des millions de français qui se rendent bien compte qu’il y a quelque chose qui a changé en profondeur depuis 10 ans, quoi qu’on leur dise pour les enfumer. Le simple fait que la sortie de l’euro soit un sujet aussi TABOU pour nos politiques montre qu’il y a quelque chose à creuser..
    mais nous dévions trop du sujet de l’article.
    J’aimerais comme tout le monde pouvoir changer l’europe, mais un jour j’ai pris ma calculette et j’ai calculé 1/2^28, et ca fait pas beaucoup d’espoir.

Les commentaires sont fermés