Sang Froid

Il a été dit et écrit que Nicolas Sarkozy a appelé ses conseillers et sa majorité à faire preuve de sang-froid. L’appel est rien moins que superflu. Probablement habitués à ce que Nicolas Sarkozy ait la baraka, ceux-ci s’égayent dans la difficulté. Ca pépie, ça s’épouvante, ça froufroute. Ca oublie que les défilés glorieux, ça peut s’achever sous la mitraille. Et, la mitraille venue, ça panique.

Il y a pourtant au moins une bonne raison de se calmer : pour les municipales, le gadin est acté. Il faudra certes tenir compte du bon cru 2001 (Paris excepté) comme le faisait remarquer Jean-Pierre Raffarin. Mais bon, Boboland devrait rester à gauche, aidé en cela par une campagne de haute volée de François de Panafieu, aka Sœur Sourire. Lyon ne devrait pas re-basculer. Il n’y a guère, semble-t-il, dans les grandes villes, que Marseille et Bordeaux qui soient vraiment « sauvables ».

Sur le plan national – et je sais bien la peine que je fais à certains en l’écrivant – Sarko est encore là pour un peu plus de quatre ans. Il y a encore beaucoup à faire, et beaucoup sera fait. Et il se trouve que – et je sais bien la peine que je fais à certains en l’écrivant – les français semblent bien adhérer encore à la politique voulue, ce qui n’est pas seulement le fait de la vacuité des alternatives.

Je l’écrivais il y a trois semaines, un siècle, une éternité : ce petit vent frais, vent du matin, vent qui souffle aux sommets des grands pins, bref, cette bise glacée qui saisit l’échine en ce mois de février peut aussi être une bonne nouvelle. Certains ont voulu y voir une habileté. Or, même si, il est vrai, mais sans vouloir me vanter, je ne suis pas manchot, c’est un peu plus que cela.

Car voilà, Nicolas Sarkozy a chaque jour avec lui un homme que l’on savait complémentaire, celui dont l’opposition et certains medias raillaient l’inexistence : François Fillon. François Fillon qui ne cesse de dépasser Nicolas Sarkozy. C’est l’effet répétitif des vagues de sondages : on l’a dit fin janvier, on est aujourd’hui à peine à la mi-février, mais cela doit faire une bonne douzaine de fois que l’on commente comme un fait remarquable le fait que François Fillon dépasse Nicolas Sarkozy.

François Fillon, on s’en souvient, c’est l’auteur de La France peut supporter la vérité. C’est l’un des principaux inspirateurs du projet présidentiel. Bref, sur le fond, la politique menée, quel que soit le bout par lequel voudraient bien le prendre l’opposition, entre Sarko et Fifi, y’a pas ça (l’auteur applique son pouce sur ses dents supérieures de devant et lui imprime un mouvement vers l’avant. If you see what I mean).

Reste le style. C’est d’ailleurs l’angle d’attaque auquel semble réduite l’opposition.

Et ma foi, un mix des deux styles resterait une solution appréciable.

Sûr[1] que le sondé aime cette image de François Fillon taiseux travaillant ardemment dans la soute à charbon pour réformer le pays.

Alors, après les municipales, il pourrait être temps d’imprimer une nouvelle marque à cette présidence. Il ne s’agit pas de changer notre Nicolas. On n’aimait pas la naphtaline de la France d’avant, c’est pas pour y retourner. D’ailleurs, si les français l’avaient voulu, y’avait François Bayrou. Non, mais il serait temps de ne garder que le meilleur en lui et de gommer ce que l’on pardonne un temps mais lasse à force.

Que se passera-t-il donc après les municipales ?

Certains avaient compulsivement noirci du papier journal sur un remaniement en janvier, aussi peu crédible ait pu être cette hypothèse. Il paraît, en revanche, acquis pour l’après-municipales. Qui, donc, va sauter ? J’imagine mal, même si l’on dit que Xavier Bertand a le vent en poupe, que Nicolas Sarkozy puisse se permettre de perdre François Fillon. En revanche, il semblerait que l’Elysée puisse changer de porte-parole. Soit, ça ne bouleversera pas la politique du pays. Il se dit aussi que Christine Lagarde ne verra pas d’inconvénient à faire partie de la charrette.

Il restera surtout le sort de l’ « ouverture ». Difficile de se séparer maintenant de ceux qui devaient représenter « l’ouverture ». Mais on peut à tout le moins espérer une chose : que Nicolas Sarkozy ne poursuive pas dans cette voie. On dit que telle était son intention. On a aussi relevé l’indulgence coupable dont faisait preuve Jack Lang à son égard, faisant dire à certains que la France d’après ne devait pas servir de voiture-balai à la mitterrandie vieillissante.

Mais voilà, s’il ne s’agissait pas de juger l’ouverture avant d’avoir vu, aujourd’hui, nous avons vu. Elle a eu le mérite de couper l’herbe sous le pied de ceux qui dénonçaient, avec force cris indignés, un fonctionnement clanique. Mais la liberté de ton qu’il a fallu concéder a surtout contribué à donner un profond sentiment de… bordel. Les contradictions inquiètent. Il y a eu le cas Yade+Kouchner, il y a eu l’imbroglio Boutin vs Amara. Pour d’autres raisons, il y eut aussi la contradiction Sarkozy vs Lagarde, et l’épisode Barnier vs Sarkozy… Bref, bien trop de contradictions qui donnent au citoyen le sentiment que la ligne n’est pas définie, que la barre n’est pas tenue. En prime, puisque les ministres de droite n’ont pas de raisons de penser qu’ils sont plus cons que les autres, voilà qu’ils se mettent en tête de faire valoir également leur liberté de ton…

Alors, puisqu’un gouvernement n’est pas un forum participatif, peut-être faudra-t-il en revenir aux fondamentaux[2] : un gouvernement solidaire. Ce qui supposera aussi – bien que je ne serais pas de ceux qui voudraient réduire Guéant au silence – que ce futur gouvernement soit plus visiblement impliqué.

Trouver le bon équilibre entre la rupture, l’implication du Président, et celle des ministres… Vous me direz qu’il est plus facile de l’appeler que de le trouver. Mais bon, c’est aussi pour ça que moi, je suis blogueur et que lui, il est président de la République.

  1. ma bonne dame []
  2. c’est très à la mode []

Billets à peu près similaires

23 commentaires

  • Bonjour,

    L’année 2008 va clairement être une année à gros enjeux pour NS : d’un côté, la gestion de la fin de l’état de grâce, d’un autre, la présidence de l’UE pour le second semestre.

    Nous verrons bien…

  • Pour les municipales, la tendance de long terme est favorable à la gauche. Les grandes villes boboïsent à grande vitesse sous l’effet de l’augmentation des prix de l’immobilier.

    Sinon, pas d’accord avec toi sur l’ouverture. Je trouve les ministres de gauche plutôt bons (ceux de droite aussi dans l’ensemble) et le coût en terme de cacophonie me paraît modéré. Accessoirement ça a le mérite de souligner le contraste avec un PS dont l’ouverture d’esprit se résume à donner des ministères aux communistes et à participer à des meetings communs avec la LCR.

  • C’est bien que nous ne soyons pas d’accord. Cela montre l’esprit d’ouverture qui règne sur koztoujours !

    Je généralise peut-être trop mon sentiment mais, si je suis d’accord avec toi que cela souligne les différences de conception d’ouverture (je lisais encore aujourd’hui que Denis Baupin avait déclaré qu’il ne se voyait pas dans un exécutif avec des gens de droite), je trouve ces épisodes de contradiction délétères.

  • Eh bien koz, et aussi Liberal, je vous trouve bien indulgents…

    Une présidence, tout comme un petit d’homme, ne se mesure sans doute pas à ses neufs premiers mois, mais…
    Pour faire court : les reculades face à des mouvements de « grogne », les « réformes » allégées et l’interventionnisme d’état (pour sauver l’emploi, bien entendu), tout ça me paraît du déjà-vu. Et pas plus tard que du dernier quinquennat.

    Et en 2009, il y aura encore des élections, des susceptibilités à ménager.
    Pour le « choc de confiance », ça me paraît raté.
    Pour la gestion des affaires courantes, eh bien… Disons que ça ne nous changera guère des douze (ou quinze, ou vingt) dernières années.

  • Mouais, le coup de la cacophonie, c’est un serpent de mer du journalisme politique. Je n’ai pas le souvenir d’un seul gouvernement que l’on n’ait pas accusé de ce mal.

    Les ministres sont des hommes politiques, avec des stratégies individuelles marquées. Ils s’expriment avant tout dans leur intérêt. Ca me paraît relativement bénin, voire sain.

  • Quoiqu’il en soit les chiens, les charognards et autres éléphants plus ou moins sympathiques peuvent toujours s’échiner, quand on suit de près ce que font nos deux poulains à la tête de l’état, on serait davantage courroucé par la trouillardise et la perfidie de certains autres chevaux du haras …

    Mais c’est bien connu, c’est dans l’adversité que la sincérité se révèle.

    Que les charognards et les perfides se méfient, un petit sondage parmi les miens et mon entourage montre que leur acharnement n’atteint pas son but, bien au contraire … Le tir groupé hystérique est en train de se retourner vers ceux qui l’ont lancé …

  • Mais, non, cher Boulu ; nous l’avons tous compris ici ; n’en soyez pas gêné !
    Ce qui vous tracasse… c’est la contribution sociale sur les stocks options !

    Ces taxes, dont parle sans cesse S. Royal, ne concerne que très peu de personnes, à part la taxe de 2 % sur le poisson.
    Mais, on ne mange pas du poisson tous les jours !

  • Au vu du lien donné par Margit :
    Au moins deux taxes qui devraient faire plaisir à ceux qui n’aiment pas les patrons ni les entreprises:
    la taxe exceptionnelle sur les compagnies pétrolières et celle sur les entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques.
    Et une qui devrait plaire à tous ceux qui reprochent aux patrons, et pdg de tous genre d’avoir des stock options : l

  • mon com saute tout le temps..
    Je continue..
    La contribution sur les stock options. n’est pas à faire pleurer tous ceux qui voudraient voir à nouveau la gauche au pouvoir, non ?

  • Je propose une taxe sur les nouvelles taxes, pour financer le plumitif chargé d’en expliquer la nécessité.

    C’est vrai qu’il est assez comique de voir les sondages (et donc l’opinion, bien sûr) commencer à adorer François Fillon au fur et à mesure qu’ils délaissent Nicolas Sarkozy; fatigue du clinquant peut-être.

    Ah, les sondages ! Les mêmes qui ont changé la tête de liste à Neuilly. Je propose que l’on annule les élections et qu’on les remplace par les sondages; ça coûterait beaucoup moins cher.

  • Ah le fameux candidat de la rupture ..; la rupture avec Chirac jugé trop à gauche. Alors, on a pris un virage à 90 degrés avec Sarkozy, terminé les reculades corporatistes avec les médecins, les buralistes, les poissonniers, les taxis.
    Terminé les taxes à chaque problème nouveau.
    Un problème de poissons : taxes.
    Financer un plan azeihmer : taxes
    Le piratage illegal : taxes
    réforme de la télé : taxes mais infinitésimales, la rupture est là .. ah même pas, Chirac avait déjà lancé la taxe infinitésimale sur les billets d’avion. Ceci dit, avec tous les sms qu’il envoie, notre président va perdre l’augmentation généreuse qu’il s’est auto promulguée.
    Le service minimum promis pas le Chi est toujours aussi efficace, on l’a vu avec les enseignants le mois dernier.
    Que reste t’il du grand Grenelle de l’environnement …. que dalle ou presque. Ah si une taxe sur les grosses voitures au profit des petites bon, ça tombe bien Renault ne vend que des clios et Citroen que des C1 jusque C3. Bref, ça sent l’aide déguisée à notre industrie.
    Et Mittal qui reçoit du blé tombé du ciel, il était radieux Mittal de trouver un donateur.
    Vive le libéralisme.
    Reste le traité européen .. qui va tout débloquer … on attend encore la décision anglaise tout de même. Bon, il traine dans les couloirs que notre président verrait bien Blair à la présidence de l’europe. On comprend mieux la venue de ce dernier aux meetings de l’UMP.

    Copé commence à gesticuler …. c’est peut être lui la rupture à l’UMP ??? Mais certainement pas le pantin que vous avez mis au pouvoir.

  • Buzzcocks : Ne faites pas tant de mauvais esprit, vous voyez bien que Koz et Liberal lui font encore – un choc de – confiance…
    Les cinq premières années ont toujours du mal à se mettre en place. C’est après, que l’on voit le travail..

  • Donc Delphine, vous allez m’expliquer quelle est cette réforme des taxis ???? Vous demanderez à votre ami bloggueupour vous aider.
    On peut imaginer qu’il va racheter les licences avec de l’argent qu’il n’a pas …. ou alors en taxant infinitésimalement ce qu’il reste à taxer dans ce pays … plus grand chose …

  • Ce n’est pas mon ami, Gueulante.fr. Vous parlez d’une reculade sur la réforme des taxis, je vous demande juste si c’est bien de celle citée par ce blog.

    Il semble que oui et cela prouve que vous êtes particulièrement mal informé. Partant de là, il me parait difficile de discuter avec quelqu’un qui s’est trouvé un parti pris et s’y accroche, ne retenant de l’actualité que ce qui l’arrange.

    Ensuite, je ne suis pas dans le secret de Nicolas Sarkozy et je ne peux pas vous expliquer une réforme qui n’a pas encore été précisément et officiellement définie.

    Mais, quelle chance vous avez, inouï !, il y a parmi les lecteurs de ce blog, d’excellents économistes. Nul doute qu’ils seront plusieurs à vous expliquer les points qui vous seront encore obscurs lorsque nous saurons tout. Oui, vraiment, quelle chance vous avez ! : )

  • D’accord avec Koz: Si tout ceci peut amener NS à se calmer, à traiter les gens compétents de son gouvernement autrement que des potiches, à remplacer ceux qui sont trop légers, à laisser Fillon faire toute la pédagogie ad hoc pour faire passer les réformes nécessaires, alors ce petit coup de semonce aura été très utile.

    Il se peut aussi que Sarko s’enferre, s’énerve contre tout et tous, éjecte Fillon qui lui ferait de l’ombre pour mettre un « collaborateur » docile à la place, remplace les ministres dépassés par d’autres encore moins bons, etc.

    Sans faire de pronostic, j’espère qu’on sera plus près de la première hypothèse que de la seconde.

    Quant aux ministres d’ouverture, pour autant que je me souvienne c’est une idée inventée par la gauche
    (à moins que ce ne soit du Giscard), qui n’a jamais fait d’étincelles. Il a pu y avoir des exceptions, mais généralement on est dans le gadget. Naïvement, je préférerais des ministres compétents dans leur domaine et politiquement capables. Après, qu’il soient de droite ou de gauche, m’en fous.

  •  » d’accord avec Koz. Si tout ceci peut amener NS à se calmer, à traiter les gens compétents de son gouvernement autrement que comme des potiches, à remplacer ceux qui sont trop légers, à laisser Fillon faire toute la pédagogie ad hoc pour faire passer les réformes nécessaires, alors ce petit coup de semonce aura été très utile… »

    ce n’est pas nécessairement ainsi que j’aurais résumé le billet de Koz…

  • Gwynfrid le résume de manière abrupte. Mais, cela dit, l’esprit n’est pas très loin. Il faut conserver son originalité à Sarkozy. Pas question de le faire rentrer dans les habits du chiraquisme. En revanche, je pense qu’il y a quelques réglages à effectuer. La cote de Fillon montre clairement que le fond n’est pas en cause (elle montre en tout cas qu’il est possible d’être populaire sur la même politique).

    Par ailleurs, sur les contradictions, FC, je ne sais pas. Vous avez peut-être raison. On évoque toujours les « cafouillages ». Mais là, je trouve que le résultat provoqué contribue probablement au sentiment (que je pense faux) que la barre n’est pas solidement tenue.

  • @Gwynfrid

    Non seulement vous n’aviez pas mal résumé, mais c’est probablement moi qui réinterprétais…
    Vous avez droit à de doubles excuses de ma part.

Les commentaires sont fermés